Capitale peuplée de 2,15 millions d’habitants, la ville de Paris(1) dispose d’un domaine composé de bâtiments administratifs, techniques ou accueillant du public, de terrains aménagés ou d’infrastructures de voirie, de réseaux, canaux et canalisations, à l’intérieur et à l’extérieur de Paris, assurant à la population des services collectifs de qualité.
Soumis à un régime juridique spécial, qui a un fort impact sur ses modes de gestion et d’occupation, le domaine public comprend les biens immobiliers affectés à l’usage direct du public ou à un service public, ce qui nécessite, en ce cas, un aménagement. En sont exclus les biens affectés au logement social, les réserves foncières et le domaine intercalaire, les parcelles régies par le droit forestier et l’immobilier de bureau qui relèvent du domaine privé.
La propriété d’environ 69 millions de mètres carrés de parcelles bâties et non bâties, formant l’assiette de milliers de bâtiments, équipements et infrastructures construites sur les domaines public et privé, fait donc de la Ville l’un des premiers propriétaires publics de France et lui donne ainsi la lourde responsabilité d’en assumer la meilleure gestion possible.
Les travaux d’investigation qui ont été réalisés sur la gestion du seul domaine public ont conduit la chambre àrecommander l’adoption de plusieurs grandes orientations:
- programmation physique et financière, pluriannuelle et globale, intégrant les équipements publics ;
- amélioration de la connaissance tant physique que juridique des éléments du patrimoine ;
- achèvement de la clarification des attributions des différents services et développement des outils de gestion nécessaires pour consolider les marges de manœuvre financières.
I. Une stratégie patrimoniale à clarifier, une réorganisation à poursuivre
Une part importante de l’effort d’investissement de la ville de Paris (1,5 Md€ en 2011) va au domaine public car elle est engagée, notamment, dans la réalisation de nombreux équipements collectifs qui s’inscrit dans une politique de renouvellement urbain et de qualité environnementale (Plan Climat adopté 2007). Si la Ville a déclaré disposer actuellement d’un plan pluriannuel d’investissement (PPI) dans lequel les prévisions budgétaires sont suivies selon la méthode des autorisations de programmes et des crédits de paiement (AP/CP), elle doit maintenant inclure ce PPI dans les documents soumis au débat d’orientation budgétaire.
Malgré les tentatives d’amélioration de la gestion patrimoniale faites depuis 2004, leur échec qui a été constaté en 2009 et en 2010 par l’inspection générale de la ville de Paris (IGVP) ne souligne que mieux l’impérieuse nécessité d’une organisation plus efficace. A cet égard, des travaux récents menés au sein des services témoignent d’une prise de conscience des risques qui sont liés à une gestion patrimoniale dégradée. C’est ainsi que la répartition des compétences en matière domaniale (stratégie, gestion de la propriété et affectation) a été clarifiée à tous les échelons d’administration (municipalité, secrétariat général, directions et services).
Cette réorganisation passe, notamment, par le recentrage des responsabilités dans l’esprit de la réforme de 2010 qui a vu la création de la direction de l’immobilier de la logistique et des transports (DILT), l’attribution de la conception de la stratégie immobilière à la direction de l’urbanisme (DU) et de la maintenance des bâtiments à la direction du patrimoine et de l’architecture (DPA), et qui a été poursuivie, en 2011, avec une réforme plus globale de la fonction immobilière. La mise en place d’un contrôle interne devrait suivre, la Ville étant très impliquée dans des travaux préparatoires à la certification de ses comptes.
II. L’inventaire physique et comptable est inachevé et l’état d’entretien est à améliorer
Alors que l’ensemble des parcelles représente 69 millions de mètres carrés (cf. progiciel Ville), il n’existe toujours pas d’inventaire physique exhaustif. De plus, le système d’information patrimonial existant est doté d’outils insuffisamment interfacés et lacunaires (recensement, description, désignation des biens) au regard, notamment, de leur statut domanial.
C’est pourquoi, si l’application de référence, le progiciel Patrimoine, est disponible, il reste à achever la mise à jour des données qui l’alimentent avec l’objectif de fiabiliser la valorisation de l’ensemble du patrimoine dans les états financiers.
Bien que l’entretien, la mise aux normes et la maintenance soient des enjeux majeurs reconnus, la vétusté de certains équipements a été établie par plusieurs études. Il est attendu des visites techniques d’architecture sur les bâtiments, systématiques depuis 2010, qu’elles apportent les éléments d’information nécessaires à une meilleure programmation des opérations d’entretien.
III. La gestion des charges et des recettes est encore peu performante
Si, en 2009, la Ville a entrepris de structurer son contrôle de gestion, elle n’est pourtant pas en mesure de recenser exactement les charges et les recettes de son domaine public. Alors que l’optimisation de la gestion du domaine public passe par la reconnaissance de sa spécialité, on peut s’étonner que celui-ci ne soit pas identifié comme axe d’analyse dans les systèmes d’information.
La recherche de l’optimisation de la gestion doit ainsi prendre appui sur quelques grands axes : regroupement des moyens, systématisation, mutualisation (cf. études en cours sur le patrimoine déconcentré dans les arrondissements), prise en compte de critères de réutilisation et d’adaptation.
IV. La gestion de l’occupation privative offre d’importantes marges de progression
Les difficultés à obtenir un recensement de quelque 10 000 décisions, 200 conventions, 178 délégations de service public autorisant l’utilisation privative du domaine public sont bien un des effets de la segmentation de la gestion qui rend aussi parfois difficile la maîtrise des risques et peu compréhensible la politique tarifaire. La mission de conseil de la direction des finances n’étant pas systématique, il peut exister des infractions aux règles de la comptabilité publique (cf. le cas de certaines piscines municipales).
Même si les données du budget doivent être maniées avec précaution, en l’absence d’axe analytique identifiant le domaine public, l’enjeu en 2011 était de l’ordre de 650 M€(2). C’est pourquoi, les objectifs de performance de la direction des finances mériteraient d’être étendus aux autres directions.
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1 Environ 51 000 agents et un budget agrégé de l’ordre de 8,5 milliards d’euros (Md€) en 2011, (7 Md€ en fonctionnement et 1,5 Md€ en investissement).
2 Part prépondérante des revenus des immeubles : 126 millions d’euros (M €), redevances concessionnaires (226 M€), produits des services et domaine (298 M€).