Une exigence de plus en plus forte d’une couverture mobile de qualité sur tout le territoire qui n’est pas satisfaite par la seule dynamique concurrentielle
Le très haut débit mobile 4G qui permet les services voix, messages et surtout l’internet mobile de qualité a été commercialisé en France à partir de 2012. Il nécessite d’investir dans des infrastructures à ciel ouvert (pylônes et antennes-relais) sur tout le territoire et de mobiliser des fréquences hertziennes, dont l’État concède l’utilisation à des opérateurs, moyennant des contreparties financières. Le marché des services 4G a connu une dynamique exceptionnelle ces dernières années, comme l’atteste l’équipement massif des Français en appareils adaptés à l’internet mobile : en 2019, plus des trois quarts (77 %) d’entre eux possédaient un « téléphone intelligent » (smartphone).
Pour assurer la croissance de ces services, les pouvoirs publics ont favorisé un modèle de concurrence par les infrastructures avec quatre opérateurs différents ce qui a eu des effets positifs sur les prix et a soutenu l’effort d’investissement de ces opérateurs mobiles (32,4 Md€ en 10 ans dont les investissements pour l’utilisation des fréquences hertziennes). Mais conséquence de ce modèle, le développement de la 4G a été prioritairement orienté vers les zones les plus rentables, à forte densité, délaissant les territoires ruraux moins densément peuplés.
Le « New Deal » mobile : un changement d’ambition et de méthode pour réduire la fracture numérique mobile
Les pouvoirs publics ont tenté de corriger les disparités territoriales, notamment par des programmes ciblés (par exemple le dispositif « zones blanches – centre-bourgs ») mais ces efforts se sont avérés insuffisants. Un changement d’approche était nécessaire pour garantir un égal accès des citoyens à la 4G, où qu’ils se situent sur le territoire national. Il a pris la forme de l’accord « New Deal » mobile fin 2017 – début 2018. L’accord s’est ordonné autour d’un principe d’échange entre la renonciation par l’État de tout ou partie des recettes d’utilisation des fréquences à renouveler et de recettes fiscales et des investissements supplémentaires substantiels et ciblés des opérateurs pour mieux couvrir le territoire en internet mobile de qualité (5 000 nouveaux sites par opérateur, généralisation de la 4G sur les sites 2G/3G préexistants, couverture des principaux axes de transport, amélioration de la qualité de couverture).
L’effort financier consenti par l’État a été évalué à un peu moins de 3 Md€ par l’Arcep ; les investissements supplémentaires des opérateurs étant situés entre 3,2 et 5,6 Md€. Du fait du niveau d’incertitude sur cette évaluation et sur les hypothèses choisies pour la mener, la Cour recommande de procéder à une évaluation précise à mi-parcours et à une vérification ex-post de l’équilibre de l’accord.
Trois ans après son adoption, le « New Deal » a contribué à des avancées substantielles de couverture du territoire sans répondre à tous les enjeux du développement numérique mobile
Les progrès en termes de déploiement de sites et de couverture 4G du territoire sont tangibles. Le taux de couverture du territoire par les quatre opérateurs est passé de 45 % début 2018 à 76 % mi-2020. La couverture par au moins un opérateur a crû de 89 à 96 % sur la même période. Les premiers engagements du « New Deal » sont en passe d’être tenus. La qualité moyenne des débits mesurés a également progressé sur le territoire. Mais des écarts persistent en défaveur des zones rurales : le débit minimal pour des usages « standards » d’internet mobile n’est pas atteint dans un quart des tests effectués par l’Arcep en zone rurale en 2020, d’autant plus qu’il n’existe pas de norme de très haut débit minimal dans le mobile.
D’autres enjeux importants s’affirment et plaident pour compléter l’approche initiée par le « New Deal ». L’incitation à la mutualisation des infrastructures entre les quatre opérateurs est encore insuffisante et pourrait être renforcée, en particulier dans les zones peu denses, où il y a un intérêt général économique et environnemental à cette mutualisation. Les enjeux de cyber sécurité, les risques sanitaires potentiels d’exposition aux ondes et les enjeux de soutenabilité numérique et d’empreinte carbone du mobile qui empile les réseaux 2G/3G/4G/5G, doivent être correctement appréhendés. Il importe également d’éviter de recréer une nouvelle fracture numérique territoriale liée à la 5G, progressivement déployée d’ici 2030. Avant cette échéance encore lointaine, La Cour recommande d’agir, dès à présent, pour parachever le déploiement 4G en expertisant les leviers possibles, notamment la réallocation des fréquences des réseaux historiques 2G/3G vers la 4G ou de nouvelles obligations d’investissements négociées avec les opérateurs.