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Rapport thématique régional – La sobriété foncière en région Pays de la Loire : une efficacité à renforcer

CRC PAYS DE LA LOIRE

La chambre régionale des comptes (CRC) Pays de la Loire a réalisé 23 contrôles des comptes et de la gestion, en 2024 et 2025, dont au moins un des axes a porté sur la thématique de la sobriété foncière. Le panel des collectivités concernées comprend un Département, neuf intercommunalités, un syndicat mixte et douze communes. Son rapport thématique régional dresse la synthèse des observations définitives issues de ces travaux.

La sobriété foncière, un enjeu écologique et sociétal majeur
La sobriété foncière désigne l'ensemble des démarches visant à limiter la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) et à lutter contre l’artificialisation, définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol. Principale cause responsable de l’érosion de la biodiversité, de discontinuités écologiques et de perturbations des éco-systèmes, l’artificialisation participe au dérèglement climatique et à la diminution des surfaces agricoles.

Phénomène multi-dimensionnel, l’artificialisation s’est accélérée en France au cours des dernières décennies. Sur la période 2011-2020, 24 000 hectares de surfaces NAF, soit près de cinq terrains de football par heure, ont été consommés en moyenne annuelle. Tous les territoires sont concernés, majoritairement ceux sans tension immobilière (60 %), dans lesquels l’artificialisation prend la forme d’un étalement urbain de faible densité ou de mitage. 

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « climat et résilience », prescrit que la consommation d’espaces NAF devra avoir diminué de 50 % d’ici 2031, par rapport à la période 2011-2020 et introduit, à l’horizon de 2050, une logique de zéro artificialisation nette (ZAN), toute artificialisation d’un sol devra être compensée par la renaturation d’un espace artificialisé, sur une surface égale.

Au centre d’une équation complexe entre préservation du foncier, enjeux écologiques et mutations sociologiques, le ZAN constitue un véritable défi pour les territoires. L'objectif d'équilibrer les réponses aux besoins, tout en réduisant l'artificialisation des sols, oblige les collectivités à réinterroger leurs stratégies de développement et leur manière de concevoir les opérations d’aménagement foncier pour prendre en compte les questions d’habitat, d’infrastructures, de mobilités, d’énergie, de santé, d’attractivité territoriale, d’efficience économique et écologique, de cohésion sociale et territoriale.

Au-delà des enjeux écologiques, le ZAN revêt des aspects sociologiques, dans la mesure où il questionne les équilibres sociaux et territoriaux, notamment à travers la remise en cause des modèles actuels d’habitabilité et de développement économique.

Enfin, le ZAN représente un défi majeur pour les territoires, notamment de coordination et de renforcement de leur action à l’échelle intercommunale et régionale. 
 

Un taux d’artificialisation marqué et une situation très contrastée de l’efficacité des consommations d’espaces NAF en région Pays de la Loire

Le taux moyen d’artificialisation pour la région Pays de la Loire, soit 11,8 % est très supérieur au taux national (9,5 %). En raison pour partie, d’une évolution des taux de croissance des ménages et des emplois plus dynamique que la France dans son ensemble, la consommation cumulée d’espaces NAF en région (19 413 hectares sur la période 2011-2020) figure parmi les plus fortes au plan national.

Si le niveau médian de consommation d’espaces NAF des 69 établissements de coopération intercommunale (EPCI) de la région, ainsi que l’efficacité médiane de leur consommation d’espaces, sont supérieurs au niveau observé au plan national, la situation apparaît toutefois très contrastée et recouvre de fortes disparités en termes d’efficacité. Un double clivage est ainsi mis en évidence, d’une part, entre les parties nord et sud du territoire et, d’autre part, entre les communes de moins de 10 000 habitants et celles de plus de 40 000 habitants. Selon France Stratégie, près de 4 700 hectares (soit 24 % de la consommation totale) auraient pu être économisés au plan régional, entre 2011 et 2021.
 

Un rythme et un volume soutenus de consommations d’espaces NAF sur la période 2021-2023, conduisant au risque d’une insuffisante sobriété au terme de la décennie en cours

Les constats de la chambre montrent pour le panel des collectivités de la région concernées, un degré hétérogène de prise de conscience des enjeux du ZAN, ainsi qu’une action diversement offensive et intégrée en faveur de la sobriété foncière.

La chambre alerte sur la nécessité de réguler urgemment les consommations qui, si elles devaient se poursuivre sur la base du volume et du rythme importants constatés au plan régional (15 000 hectares en projection), compromettraient irrémédiablement l’atteinte de l’objectif de sobriété pour la décennie en cours (une enveloppe maximale de 9 708 hectares).

Elle a ainsi recommandé la mise en œuvre de démarches concrètes visant à surmonter les freins à la mise en œuvre du ZAN, car indépendamment d’un environnement normatif qui n’est pas stabilisé et quel que soit le niveau d’engagement en faveur du ZAN des collectivités contrôlées, elles disposent toutes de marges de manœuvre qu’elles peuvent et doivent mobiliser dans le sens d’une meilleure efficacité foncière et d’une plus grande frugalité.
 

Des stratégies territoriales et des coopérations d’aménagement foncier à élaborer et amplifier pour surmonter les freins à la mise en œuvre du ZAN 

Pour dépasser les obstacles de nature technique et financière à la mise en œuvre du ZAN, une approche concertée, coordonnée et mutualisée entre collectivités locales est indispensable. La chambre a ainsi recommandé l’adoption, à l’échelon supra-communal, d’une stratégie foncière, notamment via l’élaboration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et la mise en cohérence des différents documents d’urbanisme avec les schémas de coopération territoriale (SCoT). En complément, elle a pointé le besoin de renforcer les capacités d’ingénierie, notamment par le recours aux établissements publics fonciers (EPF), aux agences d’urbanisme et aux services de l’Etat, ainsi que la nécessité de mettre en place des observatoires du foncier et de l’habitat pour la planification et le suivi des consommations.
 

Des outils à mettre en place pour éviter, réduire et compenser les consommations et des leviers d’actions à mobiliser pour renforcer l’efficacité de l’action foncière

Pour concourir à l’atteinte de l’objectif de sobriété et guider la politique foncière des collectivités locales, les rapports de la chambre ont souligné le recours possible à différents outils de nature juridique (plans de protection, droit de préemption, droits réels solidaires) et de nature fiscale (taxe sur les logements vacants, sur les friches commerciales…).

Concernant les leviers d’action pour l’habitat, la chambre a recommandé de mener des opérations de densification, de renouvellement urbain (telle la mutation des entrées de ville) et encouragé au renforcement de la lutte contre la vacance de logements.

Relativement à l’activité économique, ses recommandations ont porté sur l’élaboration de schémas stratégiques et d’inventaires des zones d’activité économique (ZAE), sur l’identification des friches à effet de leur réhabilitation, ainsi que sur la mise en place d’actions innovantes, parmi lesquelles l’expérimentation du bail à construction. 

 La chambre considère qu’en l’état la situation de la consommation foncière n’implique pas un arrêt des projets d’aménagement dans les Pays de la Loire. En revanche, il convient d’agir sur le tissu existant pour éviter d’étendre la ville : remplir les « dents creuses », exploiter les friches urbaines, renouveler et densifier les parcelles. Ce nouveau paradigme de l’aménagement foncier plus complexe, a un impact sur l’équilibre économique des opérations. Il suppose une connaissance précise des données, ainsi qu’une planification et une approche concertées et renforcées à l’échelon supra-communal.

 Au total, le succès de la sobriété foncière passe par la capacité des collectivités à se mobiliser sans délai, pour « éviter, réduire, compenser » (ERC), actions qui appellent une meilleure coordination entre les acteurs (publics et privés), une forme d’innovation dans le domaine de l’aménagement urbain et la participation des citoyens pour la co-construction de territoires durables.