Effectivement, le site de la plateforme de stockage et de manutention des marchandises internationales est saturé depuis longtemps, et bon nombre de navires cargos sont obligés, pour pouvoir franchir la passe de Toata en toute sécurité, de diminuer leur tirant d’eau en ne chargeant pas au préalable tout le fret à bord. Au surplus, alors que l’élargissement du canal de Panama est connu depuis 2007, le Port n’a toujours pas effectué le choix entre le statut de port secondaire ou celui de devenir une plateforme centrale des échanges dans le Pacifique sud, ou encore décider d’une autre option, comme simplement d’adapter ses installations à des navires de taille plus importantes. Les hésitations successives constatées doivent désormais laisser place à des choix stratégiques pérennes.
Un modèle économique original
Avec des recettes annuelles de fonctionnement qui atteignent 3,6 milliards F CFP en 2016, le Port est l’un des premiers établissements publics de Polynésie française. Ces recettes sont alimentées par une taxe fiscale, dite taxe de péage (1,5 Mrd F CFP), par les prestations rendues aux bateaux en escale (1,1 Mrd F CFP), et par les redevances d’occupation de ses terrains et installations (1 Mrd F CFP).
La taxe de péage, qui représente donc plus de 40% des recettes d’exploitation du Port, est perçue à hauteur de 1,25% de la valeur applicable aux marchandises en provenance de l'extérieur du territoire et débarquées ou transbordées de navire à navire dans le port de Papeete. Ce dispositif fiscal, très rémunérateur pour le Port de Papeete, est également original, pour être parmi les ports français seulement partagé avec le port de Nouméa. Alors que les redevances pour prestations sont payées par les transporteurs, la taxe de péage est supportée par les importateurs. Dans les deux cas, c’est sur le consommateur polynésien que les coûts et les taxes sont, in fine, reportés. Sans remettre en cause le principe, ce revenu fiscal oblige le Port à observer la plus grande rigueur de gestion, ce qui n’est pourtant pas le cas dans bien des domaines.
Une situation financière confortable qui masque une absence de stratégie d’investissement
Le Port a disposé au cours de la période sous revue d’un résultat annuel de fonctionnement de l’ordre de 500 millions de F CFP en moyenne. Ce résultat lui a permis de financer, sans difficulté aucune, des projets d’investissement dont le montant total cumulé a atteint 5,1 Mds F CFP. La dette a pu être maintenue à un niveau très faible, alors que le Port a été en mesure de verser aussi des dividendes au Pays à deux reprises, en 2013 (350 MF CFP) et en 2015 (205 MF CFP).
Même si ces investissements représentent un volume significatif, les projets d’équipement ont été engagés sans respecter une ligne directrice, faute encore une fois, d’une vision d’ensemble établie.
Une gestion du domaine portuaire au coup par coup
Le Port met à disposition de nombreux biens immobiliers sous la forme d’autorisations d’occupation temporaire de son domaine public. La gestion domaniale est donc un enjeu d’importance, celle-ci représente en effet environ 50 % des recettes d’exploitation du Port, hors la recette fiscale que constitue la taxe de péage, soit près de 1 Mrd F CFP chaque année.
De nombreuses remises de tarifs sont accordées par le Port aux occupants du domaine public portuaire, trop souvent au cas par cas. La Chambre estime que ces tarifs préférentiels engendrent un manque à gagner pour le Port de près de 2 Mds de F CFP entre 2012 et 2017. Ce montant représente le double de la dépense moyenne annuelle d’investissement.
En outre, la surface et la contenance du domaine portuaire ont été révisées à quatre reprises au cours de la période sous revue. Une extension majeure a été opérée en 2012, suivie de trois réductions entre 2013 et 2017. La direction du Port a indiqué sur ce point que ces modifications, prononcées par arrêté pris en conseil des ministres, lui ont été imposées par le Pays. En outre, les parcelles du territoire reçues en affectation en 2012 ne sont pas toujours bien délimitées, faute d’une documentation foncière claire, ce qui place le Port dans l‘impossibilité de connaître avec exactitude la surface de son domaine terrestre et maritime. Du reste, malgré l’importance de l’enjeu que représente ce domaine public, le Port ne s’est pas doté non plus d’une politique cadre en la matière.
L’absence de modernisation de son modèle managérial
Au cours de la période sous revue, le Port a engagé des chantiers ponctuels qui lui permettent de gagner en transparence de gestion : débat d’orientation budgétaire au conseil d’administration, certification conventionnelle des comptes, et comptabilité analytique quasi achevée.
Pour autant, le Port s’est privé depuis 2012 de l’opportunité d’engager des réformes internes de structures concernant son personnel, malgré son engagement pris en 2012 auprès de la chambre territoriale des comptes.
La masse salariale, qui atteint 1,07 Mrd F CFP en 2016 est relativement stable sur la période, alors que les effectifs ont été réduits de 12 agents. Ainsi, le Port n’a porté l’essentiel de ses efforts que sur la réduction des effectifs, sans que le statut ancien et coûteux de ses personnels ne soit remis en cause. Une tentative de réforme a bien été engagée en 2013, mais celle-ci n’a pas abouti, suite à un mouvement social. La modernisation du statut du personnel du Port reste une impérieuse nécessité. En témoigne, par exemple, le maintien en l’état de l’indemnité de départ. Cette prime peut être versée quel que soit le motif du départ, y compris pour faute. Après simulation budgétaire, la dépense potentielle correspondant à cette prime représente un budget de 865 MF CFP.