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Musées de la commune de Marseille (Bouches-du-Rhône)

CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a contrôlé, sur la période 2012-2021, la gestion des 11 "musées de France" de la commune de Marseille.

La chambre relève une fréquentation faible pour la deuxième ville de France, des coûts complets inconnus, une absence de stratégie, d’outils de suivi et de pilotage, une méconnaissance des publics, des services rendus insuffisants, une administration au service des agents davantage que des publics. Les démarches entreprises sur le plan administratif et muséal, pour une approche plus intégrée et efficace n’ont pas, à ce jour, produit les résultats escomptés.

 

SYNTHÈSE
Alors que la ville de Marseille connait une situation financière difficile , l’examen de la gestion des onze « musées de France » municipaux, riches d’importantes collections, parmi les plus importantes de France, apporte l’exemple de services recélant d’importantes marges de progression dans de nombreux domaines. Si des initiatives et des chantiers ont été lancés depuis quelques années, tant dans le domaine muséal que du point de vue administratif, dans le sens d’une approche plus intégrée et plus efficace, le chemin à parcourir est encore long pour mettre en œuvre les réformes indispensables à un meilleur service rendu aux usagers.
Une absence de stratégie et d’outils de suivi et de pilotage
Alors que le code du patrimoine prévoit l’obligation pour les musées de France de disposer d’un « projet scientifique et culturel » (PSC), seuls quelques rares établissements marseillais disposent d’un tel document, généralement obsolète. De fait, les objectifs assignés aux musées de la ville n’ont jamais été expressément fixés, dans les domaines culturel, éducatif, scientifique ou dans le public visé (local, touristique). Le projet d’un PSC unique pour l’ensemble des musées lancé en 2019 n’avait pas encore abouti en juin 2021.
Une méconnaissance des publics et des services rendus insuffisants
Les services offerts aux visiteurs sont limités. La rénovation de la quasi-totalité des musées depuis 2013 n’a pas été l’occasion d’en faire des établissements « modernes ». Ainsi, les musées ne proposent pas d’audioguides, compte tenu de leurs coûts élevés, et la médiation écrite, non harmonisée entre les établissements (fiche de lecture de salle par exemple), n’est pas proposée en langue étrangère, pas même l’anglais.
Les fermetures de musées pour décrochage et accrochage de collections ou travaux sont fréquentes. Certains musées ont été fermés durant des années comme le musée Grobet Labadié fermé pendant cinq ans pour « rénovation » sans qu’aucun travaux n’y ait pourtant été réalisé. Il s’ajoute à ces fermetures programmées des fermetures ponctuelles et inopinées de salles par manque d’agents de surveillance. La commune n’a pu produire le décompte précis du nombre de jours de fermeture de ses musées.
Une fréquentation faible pour la deuxième ville de France
La fréquentation des musées municipaux reste faible. Comme ailleurs, les expositions temporaires sont le moteur de l’activité, la fréquentation des collections permanentes générant peu de visites, à l’exception des scolaires. Dans ce domaine, des progrès restent à accomplir. Le nombre de refus de visites de classes reste important et la provenance géographique des élèves marque une moindre fréquentation des élèves des quartiers pourtant jugés prioritaires.
Les expositions temporaires organisées avec la Réunion des musées nationaux (RMN GP) sont nettement moins fréquentées qu’escompté, de même que leurs budgets prévisionnels sont largement fantaisistes. Les coûts des expositions sont intégralement supportés par la ville, contrairement à ce qui est indiqué dans les délibérations du conseil municipal.
Des coûts complets inconnus
Le déficit de fonctionnement de la fonction « musée » s’élève à plus de 30 M€. Il ne retrace pourtant pas le coût total des musées qui n’est pas connu. Les coûts individuels de chaque établissement ne sont pas identifiables, ce qui empêche toute action de contrôle de gestion. Les investissements, principalement dédiés aux bâtiments, ont représenté plus de 80 M€ entre 2012 et 2020. Les budgets d’acquisition d’œuvres sont, comme souvent dans les musées, marginaux, de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros annuels.
Des réductions de coûts sont possibles. Les achats pour revente d’ouvrages liés aux expositions ont, par exemple, généré plus de 600 000 € de dépenses, pour rester invendus à plus de 90 % générant dès lors des coûts de stockage dans les réserves (plus de 100 000 exemplaires d’ouvrages et catalogues invendus y demeurent).
Une administration au service des agents davantage que des publics
Les procédures de la ville conduisent à affecter au sein des musées, généralement dans le cadre d’un repositionnement professionnel, les personnels les plus en difficulté. Ainsi, selon la procédure « doute sur l’aptitude d’un agent à intégrer la filière administrative », les agents présentant un niveau insuffisant pour intégrer directement la filière administrative sont soumis à une période de test au sein de la filière patrimoine (musées) dans laquelle ils sont maintenus si leur niveau demeure insuffisant pour intégrer la filière administrative.
La fragilité de ces agents se traduit notamment par un niveau d’absentéisme très élevé. Les périodes de travaux permettent des réaffectations de personnels sans que cela soit toujours suffisant pour assurer le fonctionnement correct des sites ouverts.
Depuis 2019, le service des musées est géré par pôle. Cette organisation non anticipée et encore incomplètement mise en œuvre marque toutefois une amélioration sensible de la gouvernance. La gestion des effectifs des musées s’inscrit dans un rapport de force quasi permanent avec la collectivité qui cède le plus souvent. Les cycles de travail ont ainsi été aménagés pour maintenir la paix sociale bien qu’indument consommateurs en personnels, les demi-journées de formation obligatoires ne sont pas suivies par nombre d’agents, la participation obligatoire à des manifestations en soirée n’est pas assurée conduisant les cadres à pallier les absences et la ville à recourir à des prestataires extérieurs.

RECOMMANDATIONS
La chambre formule six recommandations :

  • Recommandation n° 1 : Définir des objectifs clairs pour les musées, assortis de moyens, de calendriers de mise en œuvre et d’indicateurs d’évaluation. Réaliser des bilans annuels d’atteinte des objectifs, par exemple à l’occasion de la rédaction d’un rapport d’activité annuel.
  • Recommandation n° 2 : Mieux calibrer l’achat d’ouvrages pour revente.
  • Recommandation n° 3 : Nommer simultanément les régisseurs et les mandataires. Mettre en place un plan de contrôle permettant de s’assurer de l’exhaustivité des recettes.
  • Recommandation n° 4 : Mettre en place une comptabilité analytique pour pallier la méconnaissance des coûts de la politique muséale.
  • Recommandation n° 5 : Préparer les budgets des expositions en co-production avec la RMN GP et notamment les participations de la ville sur des estimations réalistes de fréquentation, d’entrées payantes et de recettes annexes (mécénat, audioguides, locations d’espace).
  • Recommandation n° 6 : Mettre fin à la situation de précarité des vacataires qui remplissent une mission permanente pour la commune.

 

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