Sort by *
Publications

Publications

Les taxes à faible rendement

COUR DES COMPTES

En marge des principaux impôts que constituent les prélèvements sociaux, la taxe sur la valeur ajoutée, l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, les contribuables assujettis en France acquittent un large éventail de taxes et d’impôts de natures diverses qu’il est convenu de rassembler sous le terme de « taxes à faible rendement ». Représentant des enjeux économiques modestes en comparaison des autres prélèvements obligatoires, ces taxes à faible rendement sont longtemps demeurées un angle mort de l’analyse de la fiscalité en France, en dépit de leur foisonnement et de leur pertinence discutable pour un grand nombre d’entre elles. La Cour des comptes, saisie d’une demande d’initiative citoyenne, publie une nouvelle enquête sur les 243 taxes dont le rendement est inférieur à 175 M€ en 2024. Elle estime nécessaire d’engager la rationalisation de ce patchwork fiscal et propose pour ce faire trois scénarios cumulatifs susceptibles de déboucher sur une simplification radicale, sans pertes de recettes pour les administrations publiques.

Des taxes foisonnantes, mal recensées et peu suivies, aux impacts économiques et sociaux mal connus

La Cour estime le nombre de taxes à faible rendement à 243 en 2024, contre 305 cinq ans plus tôt. Leur produit avoisinerait 5,98 Md€ en 2024, contre 5,77 Md€ en 2019, à comparer à un total de prélèvements obligatoires de 1 250 Md€ en 2024. Cependant, ces montants s’inscrivent dans une fourchette basse, 117 taxes n’ayant pas de rendement connu ou estimé en 2024.  D’après la théorie économique, qui privilégie d’une manière générale les grands impôts aux assiettes larges, Le champ d’application légitime des taxes à faible rendement, correspond à des situations précises : l’internationalisation des externalités (les taxes sur les activités polluantes par exemple), des défaillances de marché (la nécessité de financer un service public) ou l’orientation des comportements (les taxes sur les produits sucrés) ou, qu’elles seraient susceptibles de traiter efficacement. Très au-delà de ces cas, des taxes se sont imposées dans un grand nombre de secteurs économiques ou de politiques publiques comme des instruments prisés de l’autorité politique, afin de compenser un service rendu (« quasi-redevances »), d’octroyer à des affectataires choisis des ressources dynamiques, voire de contourner la norme budgétaire. Ce foisonnement n’est pas sans conséquences.
Les taxes à faible rendement accroissent la complexité de l’environnement juridique et fiscal en raison de leur nombre et de leurs spécificités de gestion. Elles font reposer sur des milliers de collecteurs éparpillés des opérations au coût difficilement chiffrable. Par leur dissémination, elles affaiblissent la lisibilité de la norme fiscale pour les redevables. Ces constats ont conduit les pouvoirs publics, en 2018, à engager un plan de réduction du nombre de taxes à faible rendement, qui a débouché sur 74 suppressions sur la période 2019-2024. Cette dynamique s’est cependant nettement essoufflée à partir de 2022. Au contraire, le flux des créations
reprenait, avec 12 nouvelles taxes pérennes ces deux dernières années. Enfin et surtout, la suppression de taxes à faible rendement ou leur rationalisation a un coût budgétaire qui impose d’en organiser soigneusement les modalités pour en maîtriser l’incidence sur les finances publiques.

Trois scénarios cumulatifs d’ambition croissante

Le chantier de rationalisation engagé en 2018 doit trouver un nouveau souffle.
Pour ce faire, la Cour propose trois scénarios cumulatifs d’ambition croissante, en échelonnant leur réalisation sur des horizons de temps courts (PLF 2026) ou plus lointains (prochaine loi de programmation de finances publiques) et sans perte de recettes significative compte tenu de la situation d’ensemble des finances publiques. Le premier scénario porte sur la suppression d’au moins 44 taxes qui présentent des fragilités ou génèrent des complexités de gestion.
Il s’agit par exemple des taxes affectées aux centres techniques industriels (CTI) et aux comités professionnels de développement économique (CPDE), de la taxe dite « prémix » ou de la taxe applicable aux maisons de jeux. Ce scénario repose sur des travaux déjà réalisés, notamment par la DLF et l’Inspection générale des finances (IGF). Sa mise en œuvre peut donc être rapide, dès le prochain projet de loi de finances, en fondant les arbitrages techniques et politiques sur une grille d’analyse commune des difficultés signalées par les administrations en charge de la collecte et par les contribuables. Dans un deuxième scénario, qui porte sur un ensemble d’au moins 30 taxes, la Cour invite les pouvoirs publics à réexaminer d’ici 2027 la place des taxes à faible rendement dans quatre secteurs : pharmacie/médicament, contrôle sanitaire des aliments, formation professionnelle et financement des services publics et équipements locaux. Seraient par exemple concernées la taxe pour le développement de la formation professionnelle dans les métiers de réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et la taxe sur l'immatriculation sur les véhicules de transport. Il suppose un travail entre l’administration fiscale, la direction du budget et les administrations sectorielles compétentes et une concertation avec les représentants des redevables ainsi que les partenaires sociaux, dans le champ de la formation professionnelle. L’aboutissement de ce scénario s’inscrit donc davantage sur le moyen terme, à l’horizon du PLF 2027. La Cour suggère, dans un troisième scénario, une approche plus systématique de rationalisation. Les principes proposés conduiraient à réexaminer au moins 15 taxes, dans une optique d’amélioration de la lisibilité et de rationalisation du système fiscal. En parallèle, la réflexion sur la désaffectation de taxes affectées à des opérateurs de l’État concernerait potentiellement 40 taxes, et l’extension du plafonnement à de nouvelles taxes affectées pourrait s’appliquer à 44 taxes supplémentaires. Seule une volonté forte de simplification fiscale peut soutenir, dans le temps, une démarche de rationalisation des taxes à faible rendement qui reste porteuse à moyen terme de réels gains en termes de relations entre les contribuables et l’administration, et d’efficacité de la gestion fiscale.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :