Un dispositif dont les objectifs demeurent incertains
Mis en œuvre depuis 2019 sur l’ensemble du territoire, le SNU se décline en trois phases successives : un « séjour de cohésion » de 12 jours, une mission d’intérêt général, puis un engagement auprès d’une association ou institution publique. Le SNU reste fondé sur le volontariat ; seule la mission d’intérêt général est obligatoire, en principe, pour les jeunes volontaires ayant effectué un séjour de cohésion, qui s’engagent, en vertu du code du service national, à « participer à une mission d’intérêt général ». Les objectifs assignés au SNU s’articulent autour des notions de résilience de la Nation, de cohésion nationale, d’engagement, d’orientation et d’insertion des jeunes. Ils demeurent, à ce jour, incertains et mal compris, notamment par les jeunes. Si les participants sont satisfaits de leur expérience, force est de constater qu’en matière de mixité sociale comme d’engagement, les ambitions du dispositif n’ont pas été atteintes.
Un pilotage institutionnel et budgétaire peu satisfaisant
Le portage gouvernemental ainsi que les administrations centrales concernées ont connu de nombreuses évolutions depuis 2019, sans aboutir à une consolidation du caractère interministériel du dispositif. La stratégie de mobilisation des acteurs locaux, collectivités et acteurs associatifs, reste toujours à définir. Le portage budgétaire du dispositif est assuré par le programme 163 (« jeunesse et vie associative ») qui relève du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse (MENJ), avec un effort consenti croissant de 30 M€ en 2020 à 160 M€ en 2024 en loi de finances initiale (LFI). Les crédits exécutés ont pourtant été, chaque année, largement inférieurs aux crédits inscrits en LFI. Le coût du SNU correspond principalement aux séjours de cohésion, en particulier l’hébergement, la restauration et l’encadrement des jeunes. Toutefois, le calcul du coût par jeune reconstitué par le MENJ présente des faiblesses importantes. De surcroît, l’estimation, proche de 2 300 € par jeune pour 2021 et 2022, ne prend pas en compte un certain nombre de coûts. Parmi ceux-ci, figurent les coûts d’administration du MENJ mais aussi les coûts supportés par les autres ministères, notamment le ministère des armées, principalement pour la réalisation de la Journée Défense et Mémoire, et les forces de sécurité intérieure. Selon la Cour, la prise en compte des charges correspondantes conduit à un coût par jeune proche de 2 900 € pour l’année 2022. Ce chiffrage, qui ne concerne que le séjour de cohésion, reste incomplet.
Une montée en charge à marche forcée malgré d’importantes difficultés de déploiements
Le déploiement du SNU a rencontré de multiples difficultés, notamment concernant l’accueil des mineurs ainsi que les conditions de recrutement et rémunération des encadrants, exacerbées par la crise sanitaire. Ces difficultés résultent de la montée en puissance du SNU et aux fortes contraintes qu’elle suscite, sans que des outils et moyens adaptés n’aient été mis en œuvre au fil du déploiement. Cette situation de désorganisation entraîne des perturbations de l’organisation de la commande publique et des surcoûts. La réalisation des séjours de cohésion n’a pu être assurée que grâce à l’engagement des agents des services, en administration centrale comme au niveau déconcentré, mais aussi des partenaires du dispositif, notamment associatifs. Les renforts d’effectifs dans les services, déjà réalisés ou prévus en 2024, sont dans ce contexte insuffisants pour absorber la charge de travail supplémentaire.
Un dispositif non stabilisé et dont les perspectives doivent être clarifiées
Les crédits consacrés au SNU représentent 18 % du programme 163 dans la loi de finances initiale 2024 pour un objectif de 80 000 jeunes. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027 prévoit une montée en charge de ces crédits, qui n’est pas compatible avec une généralisation du SNU à l’ensemble d’une classe d’âge ( soit environ 850 000 jeunes ) d’ici 2027. Cette généralisation soulève des questions opérationnelles majeures, tant s’agissant des capacités d’hébergement que de l’encadrement des jeunes, qui n’ont toujours pas été résolues. La création de centres pérennes accueillant tout au long de l’année des séjours de cohésion, pourrait simplifier la gestion du dispositif et rationaliser certains coûts. Elle n’a toutefois pas été arbitrée ni suffisamment planifiée. Selon le ministère chargé de la jeunesse, le chiffrage du coût du SNU généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge, dans sa configuration actuelle, est de 2 milliards d’euros. Cependant, il est centré sur la première phase du dispositif et ne correspond donc pas à une évaluation de son coût global. Il est davantage probable que les coûts de fonctionnement annuels du SNU se situent entre 3,5 à 5 milliards d’euros, sans compter les coûts d’investissement à venir. Le contexte de restriction budgétaire en 2024 renforce la nécessité de mettre en place un suivi budgétaire exhaustif des coûts actuels et une projection complète dans la perspective d’une généralisation du dispositif.