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La coopération européenne en matière d’armement

COUR DES COMPTES

La France a consacré environ 10 Md€ par an aux programmes d’armement durant
la période couverte par la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019. Le projet de LPM en débat au Parlement prévoit une hausse de ces investissements pour la période 2019-2023 avec, en moyenne annuelle, 5 Md€ pour la dissuasion nucléaire et 10 Md€ pour les armements conventionnels. Les coopérations européennes permettent de disposer de matériels militaires innovants tout en réalisant des économies d’échelle et en soutenant la compétitivité de l’industrie européenne, mais leur réussite n’est pas garantie. En réalisant le bilan des principaux programmes en coopération entre États européens, la Cour présente les conditions requises pour réussir les prochaines coopérations.

Les objectifs et les outils de pilotage des coopérations européennes en matière d’armement

Notre pays est engagé dans 27 programmes en coopération européenne, représentant environ 2 Md€ d’investissements annuels, dont les trois quarts pour les six programmes étudiés par la Cour. Les coopérations permettent, sur le plan budgétaire, de partager les frais de développement ; elles ont aussi pour effet de soutenir la compétitivité de l’industrie de défense et de contribuer ainsi à la préservation de l’autonomie stratégique européenne.
La France coopère avec trois partenaires principaux, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie. Le projet de LPM 2019-2025 traduit la volonté de relancer la coopération avec l’Allemagne pour les matériels aéronautiques et terrestres, de créer un partenariat avec l’Italie dans le domaine de l’industrie navale et de poursuivre la coopération avec le Royaume-Uni, notamment dans le domaine des missiles.
L'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (Occar) assure la maîtrise d’ouvrage déléguée de la majorité des programmes que la France partage avec des partenaires européens, notamment l’avion de transport A400M, l’hélicoptère Tigre, la frégate Fremm, les missiles antiaériens du programme FSAF et le système d’observation spatiale Musis. L’Occar est dotée de principes de gestion innovants mais insuffisamment exploités, qui permettraient de concilier l’attente des États d’un retour géographique sur leur territoire des investissements consentis et le choix des industriels les plus performants.

Le bilan de l’exécution des programmes d’armement conduits en coopération

La plupart des grands programmes en cours ont rencontré des succès technologiques, parfois remarquables, mais aucun n’a atteint la totalité des caractéristiques militaires espérées et n’a respecté son calendrier. Les programmes réalisés en coopération sont en outre affectés de travers propres, à savoir une durée plus longue que les programmes nationaux, des montages industriels complexes et la multiplication des versions d’équipements produits, en raison d’une harmonisation insuffisante des besoins militaires entre les États participants.
Le partage des coûts de développement est le principal avantage des coopérations, mais il est compensé, dans l’état des pratiques observées, par des retards.
En outre, le bilan industriel des coopérations européennes est contrasté. Certes, les grands programmes européens ont permis d’alimenter les bureaux d’études et les capacités de production d’entreprises européennes, mais ils n’ont pas encouragé l’intégration industrielle, inégale selon les secteurs d’activité. L’intégration, en effet, ne constitue pas un résultat automatique de la coopération. Les industries européennes de défense demeurent sous la double menace de la concurrence américaine et de celle des pays émergents.

Les conditions d’une coopération européenne réussie

Dans la conduite des programmes, la France s’est trouvée, plus souvent que ses partenaires, contrainte de négocier des réductions de commande et des étalements de livraisons pour permettre des économies budgétaires à court terme. Cette facilité, qui n’est pas moins utilisée pour les programmes nationaux, se traduit par un sous-équipement des armées au regard des ambitions initiales et des surcoûts unitaires importants.
Collectivement, les États ne laissent pas à leur maître d’œuvre délégué les leviers qui rendraient la gestion des programmes plus souple et plus réactive.
Afin que les prochaines coopérations réussissent, la Cour suggère deux orientations :

  • harmoniser au maximum, avec les États partenaires, les besoins capacitaires et les calendriers budgétaires, afin de limiter le nombre de versions des matériels et de favoriser l’effet de série lors de la phase de production ;
  • renforcer l’influence française auprès des structures de l’Union européenne, en dédiant une équipe au sein de la direction générale de l’armement et en envoyant au sein de la Commission européenne davantage d’experts nationaux détachés, dans un contexte où l’Union européenne prend – ce qui est nouveau – des initiatives dans le domaine de l’armement, avec le projet de fonds européen de la défense.

Elle formule par ailleurs trois recommandations :

  • privilégier un partenariat limité à deux, voire trois États partageant la même volonté de s’investir durablement et prêts à s’engager sur une maîtrise d’ouvrage et une maîtrise d’œuvre uniques ;
  • promouvoir l’Occar comme maître d’ouvrage délégué unique ;
  • ne pas lancer de nouveau programme d’armement sans s’être au préalable assuré du réalisme de la programmation budgétaire associée.

 

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