SYNTHESE
Deuxième ville des Alpes-Maritimes, Antibes Juan-les-Pins est une commune littorale, balnéaire et portuaire, de 75 000 habitants. Elle bénéficie d’un surclassement démographique dans la strate des communes de 150 000 à 400 000 habitants.
La fiabilité des comptes
Le contrôle des comptes de la commune d’Antibes, qui a porté sur les exercices 2009 à 2016, appelle deux observations relatives à leur fiabilité.
En premier lieu, la commune ne respecte pas les dispositions de l’article R. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, qui imposent la constitution de provisions dès l’ouverture d’un contentieux en première instance contre la commune. En effet, alors que la ville a été confrontée à d’importants contentieux durant la période contrôlée, aucune dotation aux provisions n’apparaît dans ses comptes. A titre d’exemple, le service juridique, contentieux et assurances estimait à 863 811 € le montant à provisionner en 2016 au budget principal et à
440 743,59 € le montant à inscrire au budget annexe « salle Azur Arena ». En réponse aux observations provisoires de la chambre, la commune a finalement inscrit 2,5 M€ au titre de dotations aux provisions pour risques et charges de fonctionnement courant sur le budget primitif du budget principal 2017. Elle n’a en revanche voté aucune provision sur le budget annexe « salle Azur Arena », alors que trois contentieux relatifs aux travaux étaient toujours en cours.
En second lieu, la commune n’applique pas l’instruction budgétaire et comptable M. 14, dans sa rédaction applicable à compter de l’exercice 2011, qui prévoit que le solde des loyers d’investissement dus aux termes d’un contrat de partenariat public-privé doit être comptabilisé en dette. Cette comptabilisation est également applicable aux baux emphytéotiques administratifs qui comportent une telle part. Ainsi, la commune d’Antibes aurait dû et devrait enregistrer, la dette liée au bail emphytéotique du nouveau palais des congrès, soit
25 458 257,18 € au 31 décembre 2016. En n’inscrivant pas cette dette dans ses comptes, la commune minimise ses ratios d’endettement, déjà très dégradés.
La situation financière
En 2015, la commune présente des dépenses de fonctionnement plus importantes que la moyenne des communes de même strate (2 096 € par habitant contre 1 470 €, pour les budgets principaux), ce qui s’explique en partie par son caractère de ville touristique.
Les efforts de maîtrise de ces dépenses, réalisés pendant la période sous revue, ne lui ont en effet pas permis de compenser la hausse importante de la charge de la dette, du fait de la dégradation des conditions financières de certains emprunts structurés à risques, et de l’accroissement de près d’un tiers de la dette de la commune (+ 30,47 % entre 2009 et 2015, hors dette liée au bail emphytéotique).
Ainsi, bien que disposant de produits de fonctionnement, notamment fiscaux, plus importants que ceux de la moyenne des communes de même strate, la commune d’Antibes présentait une situation financière délicate, que ne saurait résumer la seule capacité de désendettement du budget principal, qui s’élevait au 31 décembre 2015 à 34,8 années d’autofinancement brut. L’encours de dette consolidé de la commune atteignait 238 184 715 € au 31 décembre 2015, une fois réintégrés les 25 631 014,99 € liés au bail emphytéotique.
La signature des contrats de délégations de service public des ports Gallice et Vauban en décembre 2016 devrait assurer à la commune d’importantes recettes pour les prochaines années (1,79 M€ de redevance fixe annuelle et jusqu’à 0,4 M€ de redevance annuelle variable sur 15 ans pour le port Gallice, et 11,145 M€ de redevance fixe annuelle et jusqu’à 4,16 M€ de redevance annuelle variable sur 25 ans pour le port Vauban). Ces nouvelles recettes ne doivent cependant pas dispenser la commune d’une maîtrise effective de ses dépenses de fonctionnement et d’investissement, dans le but de résorber les difficultés financières constatées et de réduire son endettement.
Des charges financières importantes, liées au niveau d’endettement de la commune et à sa politique de gestion de sa dette
La commune a mené entre 2009 et 2015 une politique de sécurisation de son portefeuille d’emprunts. Au 1er janvier 2017, elle ne possédait plus parmi ses 61 emprunts qu’un emprunt classé très risqué, couvert à hauteur de 1 896 192,99 € par le fonds de soutien en cas de dégradation de ses conditions de taux, et deux emprunts à moindre risque, classés 1C et 4B d’après la charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales commentée par la circulaire NOR: IOCB1015077C du 25 juin 2010 relative aux produits financiers offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Les renégociations entreprises par la commune se sont traduites par des indemnités de remboursement anticipé élevées, intégrées dans les conditions financières des emprunts renégociés ou des emprunts associés, ou dans le montant du capital restant dû. Enfin, la commune s’est acquittée de 609 813 € d’indemnités pour rembourser de façon anticipée deux emprunts, dont l’un partiellement, relatifs au financement de la construction de la nouvelle salle omnisports Azur Arena, alors que ces emprunts ne présentaient aucun risque de taux. La chambre a constaté par ailleurs que l’information dispensée par le maire en matière de gestion de la dette était incomplète et invite en conséquence la commune à l’améliorer.
La gestion du service public balnéaire
La chambre s’est notamment intéressée aux conséquences du renouvellement de la concession avec l’Etat pour les plages artificielles.
L’application des dispositions issues du décret n° 2006-608 du 26 mai 2006 relatif aux concessions de plages devrait se traduire par un coût de 4,31 M€ à la charge de la commune d’Antibes, au titre de la destruction des installations existantes situées sur les plages artificielles du secteur Courbet. Ces hypothèses ont cependant été élaborées par la commune en considérant que les délégataires du secteur Lutétia s’acquitteront des travaux de démolition qui leur incombent.
Par ailleurs, les retards pris dans le renouvellement des conventions avec l’Etat relatives à la plage du Ponteil et aux plages artificielles ont conduit à une occupation sans titre de ces plages par les exploitants, qui a entraîné une perte de recettes nettes pour la commune estimée à 631 000 €.
Le bail emphytéotique relatif au nouveau palais des congrès
La ville a conclu le 2 juillet 2009 avec la SAS Antibes Invest un bail emphytéotique administratif relatif à la construction d’un nouveau palais des congrès, d’espaces commerciaux et d’un parking. Par ce contrat, d’une durée de 50 ans, la ville confiait à l’emphytéote, les travaux de construction et l’exploitation des espaces commerciaux et du parking, pour un montant prévisionnel de travaux de 22,4 M€ HT. Le coût définitif des travaux a été finalement arrêté à 25,1 M€.
L’examen de la gestion du nouveau palais des congrès a été réalisé dans le cadre du contrôle des comptes et de la gestion de l’office de tourisme d’Antibes Juan - les - Pins, délégataire de ces activités. Dans le cadre du présent contrôle, la chambre s’est limitée à l’analyse des flux financiers issus du bail et de la convention de mise à disposition négociés et signés par la commune.
Après l’échec d’une première consultation ouverte à des entreprises privées, la ville a délégué la gestion et l’exploitation du palais à l’office du tourisme, en 2012, pour 48 ans, soit jusqu’au terme du bail emphytéotique précité. Le montage retenu alliant, d’une part, bail emphytéotique et, d’autre part, délégation de service public, donne lieu à des flux financiers complexes.
Les sommes dues par la commune et son délégataire à la SAS Antibes Invest s’élèvent sur la durée du bail à plus de 71 M€ HT, hors impôts, taxes, redevances, assurances et toutes autres sommes refacturées par le preneur à la commune, dont plus de 44 M€ HT au titre des loyers d’investissement. Si les loyers de fonctionnement dus en vertu de ce bail sont pris en charge par l’office de tourisme, ce dernier ne peut faire face aux dépenses correspondantes sans les subventions que lui verse la commune. En contrepartie, sur la durée du contrat, la commune et l’office, qui se substitue à elle sur une partie du contrat, recevront 26 M€ de redevance d’occupation versée par l’emphytéote.
Enfin, la chambre rappelle que le bail emphytéotique actuel est à rapprocher de l’offre antérieure d’un candidat qui avait proposé la construction d’un complexe commercial incluant un palais des congrès, mis gratuitement à disposition de la collectivité pour 99 ans dans le cadre de la première procédure de bail emphytéotique administratif.
La nouvelle salle omnisports Azur Arena
La commune a décidé en 2008 de construire une nouvelle salle omnisports. L’équipement a été livré avec un retard de neuf mois et demi et un surcoût de 12,26 % par rapport aux prévisions (20,77 € HT au lieu de 18,5 M€ HT prévisionnels). Les travaux ont donné lieu à de nombreux et coûteux contentieux, dont trois étaient encore pendants à la fin du contrôle de la chambre.
La commune a souhaité confier la gestion et l’exploitation de la salle à un prestataire privé spécialisé. Au terme de la consultation lancée à ce titre, elle n’a reçu qu’une seule offre de la société Vert Marine.
La liquidation judiciaire de VM 06160, la société délégataire créée par Vert Marine pour la mise en œuvre du contrat, est intervenue le 23 juin 2015, soit moins de trois ans après le début de la délégation de service public, et n’a pas permis à la commune de bénéficier du versement des parts variables de redevances prévues au contrat. Entre 2013 et 2016, la commune a versé 1,26 M€ HT à son délégataire (dont 219 000 € HT de subventions d’équipement, et 1,04 M€ HT au titre des réservations de places, de la mise à disposition d’espaces et de contraintes de service public, et 24 214,27 € au titre de panneaux photovoltaïques). Elle a en retour facturé 656 000 € de recettes dont 645 500 € HT de pénalités pour non-respect du contrat, que l’entreprise a contestées devant le tribunal administratif de Nice. Celui-ci n’avait pas rendu son jugement au moment de l’achèvement de l’instruction. La ville exerce depuis le 18 août 2015 la régie provisoire de l’établissement.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Procéder à la constitution de provisions conformément aux dispositions de l’article R. 2321-2 du code général des collectivités territoriales et de l’instruction budgétaire et comptable M14.
Recommandation n° 2 : Passer les écritures nécessaires à l’enregistrement du bail emphytéotique administratif du budget annexe du palais des congrès, conformément à l’instruction budgétaire et comptable M. 14.
Recommandation n° 3 : Préparer le renouvellement prévu en 2020 de la convention de mise à disposition des plages naturelles liant l’Etat à la commune.