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Collectivité de la Polynésie française - Projet d'aquaculture industrielle de HAO

CTC POLYNÉSIE FRANÇAISE

En complément d’un rapport général sur la politique conduite par le Pays dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture, le projet d’aquaculture industrielle situé sur l’atoll de HAO dans l’archipel des Tuamotu mérite une attention particulière. La chambre a examiné à ce titre le contenu de ce projet, l’ensemble des liens juridiques entre le Pays et l’investisseur, les opérations périphériques financées par le Pays et s’est interrogée, enfin, sur son avenir en raison des risques identifiés ou identifiables qu’il comporte mais également des questions qui demeurent en suspens.

Si ce projet d’investissement de très grande envergure évalué à 32 Milliards de F CFP est porté par un investisseur chinois, son dimensionnement hors-normes (à terme, une production de 50 000 tonnes de poissons) nécessite cependant un accompagnement spécifique du Pays.

L’accompagnement de l’investisseur, Tahiti Nui Océan Foods (TNOF) est multiple et vise avant tout à favoriser, par différents dispositifs, son implantation pérenne sur HAO dans l’objectif prioritaire affiché par le Pays d’y créer des emplois et plus largement de la richesse. En effet, cet atoll éloigné de Tahiti qui fut la base avancée du CEP, peine à s’inscrire dans une nouvelle dynamique économique.

Tout d’abord, pour inciter les investisseurs étrangers à s’implanter en Polynésie française, le Pays a institué en 2017 un dispositif d’incitation fiscale à la réalisation des grands investissements. Le projet d’aquaculture industrielle de HAO bénéficiera, à ce titre, pendant 30 ans des exonérations de droits et taxes à l’importation, ainsi que de certains impôts et taxes du régime intérieur.

Par ailleurs, plusieurs liens juridiques unissent le Pays à TNOF. Ainsi un accord de coopération stratégique à long terme, signé en 2014, a pour objet de définir les bases de ce partenariat et les modalités de partage de responsabilités. Toutefois, cette convention négociée au plus haut niveau du Pays selon des modalités que la chambre n’a pas eu à connaître, n’offre pas de réelle visibilité financière pour le Pays. Dès lors, le soutien financier du Pays à ce projet non évoqué dans cet accord à long terme sera mis en place par la suite au coup par coup sans vision prospective d’ensemble. La chambre estime que le Pays aurait pu se prémunir de ce risque.

Le projet se situe sur un ensemble foncier de près de 30 hectares constitué de parcelles domaniales privées (27,3 hectares) du Pays qui ont fait l’objet de mise à disposition, de locations de longue durée (30 ans) sans contrepartie financière pour les 15 premières années. Parallèlement, des permis de construire ont été délivrés et prorogés par deux fois pour les travaux de terrassement, les travaux de la base de vie (pendant la phase du chantier) et enfin de la base d’exploitation de la ferme aquacole.

Pour autant ces travaux dont les premiers permis datent de 2016 n’en sont qu’à leur tout début. Fin 2020, seule une première zone de terrassement a été réceptionnée. La caducité courant 2021 des permis de construire est un sujet préoccupant pour la suite du projet.

Par ailleurs, concernant l’exploitation des ouvrages, les procédures d’autorisations relatives à la réglementation des ICPE n’ont pu aboutir faute de constitution de la part de TNOF de dossiers complets. Cette situation fragilise la viabilité technique de l’ensemble du projet.

Enfin, le Pays est intervenu à plusieurs reprises dans le cadre de travaux préalables à l’implantation du projet aquacole, soit pour détruire des installations présentes sur le site (centre de mareyage, dépôt et réseau hydrocarbures), soit pour déplacer des infrastructures existantes (centrale électrique, route territoriale d’accès) pour un montant total de dépenses mandatées d’un peu plus de 617 MF CFP.

Pour autant, la chambre remarque que le projet de ferme aquacole ne concerne jusqu’à présent que la partie terrestre, la partie maritime du projet n’a pour l’instant fait l’objet d’aucune autorisation. Or, les impacts environnementaux des activités aquacoles à venir sur l’écosystème lagonaire doivent être mesurés, sans plus attendre. Le Pays doit s’engager à mettre en œuvre des procédures (lancement d’une consultation auprès de bureaux d’études spécialisés) pour évaluer sans tarder les impacts environnementaux de cette opération prise dans son ensemble.

Dans le même temps, le Pays qui souhaite que les professionnels des Tuamotu soient bénéficiaires de l’implantation de cette ferme aquacole, a également intérêt à accompagner la mise en place des modalités de partenariat entre TNOF et les aquaculteurs polynésiens afin que soient définies des clauses de cahiers des charges administratives et techniques répondant aux exigences de transparence et d’équilibre économique. La désorganisation du secteur pourrait alourdir les risques d’un partenariat déséquilibré entre TNOF et les professionnels locaux, dont le nombre estimé (par TNOF) serait de l’ordre de 500 unités.

En accompagnant la phase de sélection et de formation des aquaculteurs polynésiens le Pays anticipe et prépare au mieux les acteurs du territoire à ce processus novateur.

En ce qui concerne, l’accompagnement du projet, en raison de la multiplicité des intervenants et des interactions entre eux, une coordination plus formalisée apparaît indispensable. La mise en place d’un comité de suivi du projet piloté au plus haut niveau par le Pays permettrait d’assurer une traçabilité de l’état d’avancement et la prise en compte anticipée des risques afin de déclencher les actions correspondantes. L’appui sur une expertise scientifique élargie et structurée contribuerait également au soutien de ce projet hors-normes et à son acceptabilité plus forte.

Plus largement, le projet d’aquaculture industrielle de HAO, certes à l’arrêt durant l’année 2020, interroge quant à un modèle à la fois sensible aux soubresauts économiques mondiaux mais également à la conjoncture diplomatique.

Si le risque existe d’un nouvel arbitrage défavorable à l’investisseur TNOF qui viendrait mettre un terme définitif à ce projet, il n’en demeure pas moins que le Pays doit, s’il souhaite le voir aboutir, avoir comme lignes directives non seulement un pilotage plus actif de nature à résoudre les questions encore en suspens mais également le profit que pourrait en tirer l’ensemble de la population des Tuamotu.

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