SYNTHESE
La chambre a examiné les suites données par la chambre d’agriculture de la Nouvelle-Calédonie (CANC) au rappel d’obligation juridique et aux six recommandations formulées dans son rapport d’observations définitives n°2016-006/NC du 17 mai 2016.
Le rappel d’obligation juridique et les six recommandations concernaient la mise en oeuvre de sa stratégie, le fonctionnement de ses instances, sa gestion budgétaire, financière et comptable, ses ressources humaines et le fonctionnement de ses services.
L’actualisation du contrôle permet de constater que si des progrès notables ont été accomplis, des faiblesses persistent dans le fonctionnement administratif et des dysfonctionnements majeurs sont apparus en ce qui concerne les marchés publics.
Le mélange hétérogène d’actions et de missions menées par la CANC, qui est inscrite dans un environnement avec de nombreux acteurs partageant des compétences sans réelle coordination, ne facilite pas la mise en oeuvre de sa stratégie. Pour jouer pleinement son rôle de force de proposition et construire une stratégie répondant aux besoins et aux attentes de ses ressortissants1, la chambre invite la CANC à collecter l’ensemble des données relatives à l’agriculture en Nouvelle-Calédonie pour disposer d’un tableau précis du monde et de l’activité agricoles.
Après l’abandon de la réalisation du bilan du projet stratégique de la mandature précédente, la CANC s’est lancée dans deux nouveaux projets simultanés, dont Agrinnov, en commun avec la Nouvelle-Calédonie. Le nombre élevé d’objectifs stratégiques pour le seul projet Agrinnov (108 pour l’agriculture biologique et 45 pour les PPUA) et le retard pris dans sa mise en oeuvre rendent peu probable un suivi effectif et risquent de condamner Agrinnov à rester à l’état d’effet d’annonce.
La CANC et la Nouvelle-Calédonie se sont également engagés dans une relation conventionnelle visant à optimiser les moyens dont dispose la CANC et à professionnaliser ses services. Cette démarche partenariale vertueuse mériterait d’être accompagnée de la relance du projet de clarification du statut initié par le gouvernement.
Les instances de la CANC présentent aujourd’hui un cadre juridique révisé et complet. Les statuts ont été mis en conformité avec le décret régissant son organisation financière et comptable, et un règlement intérieur des élus a été approuvé.
Malgré une volonté affirmée de se conformer aux règles d’organisation et de fonctionnement qu’elle a édictées, la CANC connait encore un fonctionnement perfectible de ses instances et une désaffection de ses administrateurs. Pour la nouvelle mandature, le taux d’absentéisme global aux assemblées générales et au bureau est en amélioration, mais il s’est dégradé pour les représentants élus de la province Nord.
La CANC devra veiller à respecter les règles de fréquence de réunion de son bureau, stabiliser le fonctionnement de ses commissions et comités de pilotage et à en réduire le nombre.
Pour ce qui est de la gestion financière, comptable et budgétaire, la CANC présente désormais des comptes conformes et certifiés. La situation financière s’est améliorée, mais elle est fragile en raison de sa grande dépendance au reversement de la taxe de soutien à la production agricole.
La CANC s’est progressivement dotée d’outils de gestion pour mieux cerner ses charges. Mais ces outils sont encore perfectibles, à l’image de la comptabilité analytique dont les résultats font l’objet de critiques internes justifiées par l’absence de règles de retraitement stables et formalisées.
Les principales faiblesses concernent l’organisation de la chaine financière, avec l’absence de définition du rôle joué par le président et la trésorière ainsi que le défaut de formalisation des contrôles à exercer avant toute mise en paiement.
Malgré le rappel d’obligation juridique relatif à l’importation et l’achat d’engrais contenu dans le rapport précédent, la CANC ne s’est pas mise en conformité avec la réglementation. Elle a continué à passer des marchés de gré à gré et n’est pas en capacité de démontrer qu’elle a mis en concurrence ses fournisseurs. Bien qu’elle ait bénéficié d’un assouplissement de la règlementation des marchés à compter du 1er janvier 2020, elle a persisté dans ses pratiques qui n’apportent pas de garantie en matière de traçabilité. En l’absence de consultation des fournisseurs, rien ne permet d’assurer que la CANC propose à ses adhérents et à ses clients des engrais aux tarifs les plus avantageux. Par ailleurs, la chambre a relevé une concentration importante des commandes auprès d’un seul producteur, tant en volume qu’en montant.
Au-delà des irrégularités constatées pour les commandes d’engrais, l’instruction a pointé de graves dysfonctionnements pour l’ensemble de ses marchés. Ces derniers ne respectent en rien les règles de la commande publique, et notamment celles de libre accès pour les fournisseurs, d’égalité de traitement ou de transparence des procédures. En outre, la commission d’appel d’offres a fonctionné ponctuellement et dans un format irrégulier, et les pièces des marchés n’ont pas été transmises au haut-commissaire pour qu’il exerce sa mission de contrôle de légalité. Cette situation a conduit la chambre à adresser quatre rappels d’obligation juridique.
Le cadre juridique de la gestion des ressources humaines est maintenant normalisé avec l’adoption d’un règlement intérieur des salariés et d’un accord d’établissement, la création d’un comité d’entreprise et d’un CHSCT.
Sa masse salariale, qui ne fait pas l’objet d’un pilotage, est en augmentation constante depuis 2010 à un rythme moyen annuel de progression de 7,11 % pour les salaires et traitements, sans que la CANC puisse indiquer précisément quels sont les facteurs d’évolution. Aussi la chambre recommande de réaliser un réel suivi de sa masse salariale.
Concernant le fonctionnement de ses services, la chambre relève l’absence de contrôle interne, hormis pour le suivi de ses conventions partenariales. Les données produites par les services ne sont pas fiables, les procédures ne sont pas formalisées, la documentation interne est inexistante ce qui conduit les services à négliger les contrôles de base et à méconnaitre la réglementation qui leur est applicable.
La nouvelle organisation interne, qui est mise en oeuvre, a vocation à rendre son fonctionnement administratif plus efficient. Mais la CANC ne pourra faire l’économie d’un accompagnement de ses personnels, tant l’instruction a mis en lumière les carences de l’action administrative et la difficulté à mettre en place un pilotage assis sur des données fiables.