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Centre hospitalier de Longué-Jumelles (Maine-et-Loire)

CRC PAYS DE LA LOIRE

Le précédent rapport de la chambre faisait déjà état d’insuffisances nombreuses dans la gouvernance du centre hospitalier (CH), d’une gestion des ressources humaines particulièrement défectueuse, de règles de la comptabilité publique trop longtemps perdues de vue qui s’ajoutaient à une situation financière très dégradée, marquée par des déficits récurrents et une défaillance des services de gestion. Le contrôle 2016 a montré que l’ensemble des critiques reste valable et que rares ont été les améliorations.

Sur le pilotage

La chambre relève la faiblesse des instances, avec un conseil de surveillance qui apparaît ne s’être jamais saisi complètement de ses prérogatives. De plus, la chambre constate que la direction commune des trois établissements était en réalité réduite à l’ordonnateur. Le CH de Longué-Jumelles a tout fait pour maintenir son indépendance face au Saumurois, ce qu’illustrent des outils de gestion distincts ou peu compatibles et l’absence de réelle coopération. Le partage des responsabilités est confus et les circuits internes opaques, au point d’avoir entraîné des irrégularités. L’inconséquence dans le processus décisionnel a fait porter la gestion par une responsable administrative isolée face à des dossiers la dépassant largement. Devant la conjonction persistante de procédures internes opaques, d’allégations contradictoires et de pièces non concluantes, la chambre constate qu’elle n’est pas en mesure de se prononcer avec une assurance raisonnable sur la réalité des tâches effectuées sur la période sous revue ni sur la parfaite imputabilité et conformité de toutes les décisions prises.

Sur l’activité

Le CH de Longué-Jumelles est un établissement essentiellement gériatrique : plus des deux tiers de ses lits et places concernent l’EHPAD et l’USLD et la moyenne d’âge des patients en SSR atteint 83 ans. Sous la réserve de la fiabilité des données issues de l’établissement, qui est loin d’être établie, la chambre constate que, malgré une diminution des capacités (fermeture de la médecine et perte de lits de SSR), le taux d’occupation a connu depuis 2011 des fluctuations marquées et reste nettement insatisfaisant pour les secteurs sanitaires. A cela s’ajoute la possible porosité entre les places sanitaires et celles du secteur médico-social, génératrice d’un manque à gagner pour le CH. Il importe qu’une réflexion stratégique sur le positionnement global de l’établissement aboutisse à une clarification sur la pertinence de son offre et de la part relative au secteur médico-social.

Sur les ressources humaines

La chambre constate l’absence de suivi et de maîtrise des dépenses de personnel, au point de voir le CH atteindre une situation préoccupante, avec des décisions budgétaires modificatives de dernier trimestre ayant pour objet de permettre le paiement des salaires. A quoi s’ajoute un environnement de travail dégradé, terreau de nombreux besoins en remplacement qui pèsent sur la situation financière. Enfin, la chambre a pu relever des irrégularités dans la situation administrative de plusieurs agents qui devront être corrigées.

Sur la démarche qualité

La chambre souligne l’absence de stratégie cohérente à l’échelle de la direction commune en matière de qualité alors même que ce domaine est censé être porté par une direction dédiée. Cette dernière n’a pu expliquer quelles résolutions ont été apportées aux dysfonctionnements soulevés lors de la certification de la Haute Autorité de Santé (HAS) ainsi que lors des évaluations médico-sociales. L’actualisation des différents processus et des protocoles internes relatifs à la qualité reste une démarche récente qui n’a pas encore été pleinement intégrée par les personnels.

Sur la fiabilité des informations financières

Les prévisions budgétaires et les comptes produits sont restés déficients sur toute la période et l’approbation des documents par les financeurs a toujours été obtenue très difficilement (ARS et département de Maine-et-Loire). Des incohérences persistantes entre les documents financiers et au sein de chacun d’entre eux empêchent toute fiabilisation de données comptables. Tous les résultats d’exercice ont été faussés par des erreurs diverses nées du manque toujours patent d’une comptabilité d’engagement. L’absence de respect du principe d’annualité budgétaire a probablement masqué une dérive de gestion qualifiable de cavalerie budgétaire. Ceci, alors que les réserves et alertes récurrentes des autorités de tarification étaient connues de l’établissement.

La fiabilisation des informations financières du CH n’a pu être accomplie malgré les nombreux retraitements opérés lors du contrôle par la chambre, lesquels ne permettent donc pas de dégager complètement la réalité financière du CH.

Au vu de toutes les carences relevées, la chambre souligne que si l’établissement appliquait les règles qui s’imposent à lui en matière de fiabilité des comptes, il serait d’ores et déjà dans une impasse financière.

Sur la situation financière

La chambre observe là encore la détérioration des indicateurs fondamentaux du CH (marge brute, CAF, etc.), lequel n’a jamais atteint l’équilibre financier lui permettant de porter seul son exploitation et ses investissements, et encore moins dégager une situation économique excédentaire.

Sans les soutiens financiers récurrents de tous types apportés par l’ARS, qui ont créé une forte accoutumance du CH aux aides, sa marge brute se serait effondrée. En définitive, sa solvabilité à court terme est très incertaine, un risque de rupture de trésorerie existe et, plus grave, le déséquilibre financier de fond persiste.

Sur la reconstruction

La conduite du projet de nouvel hôpital a été manifestement déficiente sur le long cours. Tant les objectifs et besoins initiaux que les coûts à moyen et long terme ont été mal anticipés, quand ils l’ont été. La direction du CH a en outre notablement failli en enclenchant les travaux avant même d’avoir l’assurance d’obtenir un financement extérieur, notamment bancaire, suffisant, pourtant indispensable dans un dossier de plusieurs dizaines de millions d’euros. Il n’est pas encore possible de déterminer précisément le coût net global de la reconstruction car il dépendra tant des indemnités pour arrêt des travaux susmentionnées que de l’éventuelle récupération de la TVA.

Le pilotage du projet apparaît affecté de difficultés locales avec un CH ayant été incité à porter des dépenses d’urbanisme pourtant de compétence communale et une communication peu lisible des informations. Les objectifs et chiffrages produits par l’établissement, ont été instables, ce qui a instauré une méfiance accrue des autorités de tarification devant ce qui ressemble à une stratégie du fait accompli.

Conclusion

In fine, cette reconstruction, née de la volonté d’édifier une vitrine plus que de répondre adéquatement aux besoins réels, a compromis l’avenir de l’établissement. Au-delà de l’investissement lui-même, les coûts d’exploitation devraient dépasser très largement ses capacités financières propres.

Même si l’ARS et le département de Maine-et-Loire indiquent maintenir un suivi rapproché de l’établissement et en dépit des réels efforts engagés depuis 2016 par la nouvelle direction, l’établissement ne présente aucune perspective de rétablissement durable dans sa structuration actuelle et sans aides financières de la tutelle ; à situation constante, l’impasse financière ne peut que s’aggraver.

 

RECOMMANDATIONS

Recommandation n°1 : renforcer la direction commune, en revoyant la convention constitutive pour en clarifier les règles.

Recommandation n°2 : veiller à la réunion des instances au rythme règlementaire (article R. 6146-14 du code de la santé publique pour le CSIRMT) et s’assurer de l’exhaustivité, de la clarté et de la qualité des informations qui leur sont nécessaires à l’exercice de leur compétence décisionnelle (article L. 6143-1 du CSP pour le conseil de surveillance et article R. 6144-40 du CSP pour le CTE).

Recommandation n°3 : fiabiliser l’information médicale et médico-sociale pour bien évaluer la structure de l’offre au regard des besoins réels.

Recommandation n°4 : assurer le suivi détaillé des données de personnel sur la base d’un bilan social établi annuellement.

Recommandation n°5 : régulariser sans délai la situation des agents PNM contrôlés et sécuriser les mises à disposition (article 48 et suivants de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 pour les MAD).

Recommandation n°6 : mettre en place une filière gériatrique au sein de ses établissements et d’organiser une stratégie qualité à son échelle, applicable à tous les secteurs de prise en charge.

Recommandation n°7 : construire une information financière complète, sincère et robuste dans le respect du calendrier réglementaire, notamment quant aux EPRD et comptes financiers.

Recommandation n°8 : réaliser sans délai, conformément aux dispositions de l’instruction codificatrice M21, un inventaire des biens meubles et immeubles et fiabiliser l’amortissement des immobilisations et l’état de l’actif, en se rapprochant du comptable.

Recommandation n° 9 : fiabiliser sans délai les imputations comptables (arrêté du 19 décembre 2014 relatif à l'instruction budgétaire et comptable M21 des établissements publics de santé), notamment celles relatives aux charges de personnel ainsi que les remboursements entre budgets, sur la base du tableau de retraitement comptable prévu au 2ème alinéa de l’article R. 6145-7 du CSP.

Recommandation n°10 : fiabiliser sans délai les rattachements de charge et respecter strictement la durée de la journée complémentaire prévue par les dispositions en vigueur (arrêté du 19 décembre 2014 susvisé ; instruction du 13 septembre 2012 relative aux comptes de gestion et financiers des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé).

Recommandation n°11 : fiabiliser sans délai les écritures et besoins de provisions au regard des dispositions de l’instruction codificatrice M21 et se rapprocher du comptable pour déterminer le quantum exact des créances devenues irrécouvrables pour, le cas échéant, leur présentation en non-valeur conformément aux dispositions en vigueur (article R. 1617-24 du code général des collectivités territoriales).

Recommandation n°12 : fiabiliser les informations relatives à la réception des factures, à leur liquidation et à leur mandatement pour réduire les délais de paiement des fournisseurs, mais également d’améliorer l’émission des titres et les délais de recouvrement.

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