SYNTHÈSE
L’Alliance scolaire de l’église évangélique en Nouvelle-Calédonie et aux Iles Loyauté (ASEE) s’est constituée le 29 juillet 1958 sous la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901, devenant indépendante de la Société des missions évangéliques de Paris (SMEP). Elle constitue l’oeuvre scolaire de l’église évangélique de Nouvelle-Calédonie, devenue Église Protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie (EPKNC).
Ce premier contrôle de la chambre porte sur les exercices 2013 à 2018. Il intervient dans le cadre des dispositions de l’article L. 262-8 du code des juridictions financières, lui permettant
d’examiner les comptes et la gestion des organismes, quelle que soit leur nature juridique, auxquels les collectivités publiques de leur ressort apportent un concours supérieur à 178 998 F CFP. Le périmètre de ce contrôle a porté sur l’organisation juridique, financière et comptable de l’ASEE, actuellement en redressement judiciaire, en incluant les niveaux et les modalités de mise en oeuvre des concours publics qui lui ont été consentis sur la période. Il n’a pas concerné les modalités et les résultats de son activité pédagogique.
Une situation juridique modifiée et des moyens à réadapter
Le placement de l’association sous le régime du redressement judiciaire par jugement du 27 novembre 2017, a notamment entrainé la modification en profondeur de ses statuts, plus précis désormais, actant la présence de la Nouvelle-Calédonie au sein du conseil d’administration avec droit de veto. La nomination d’un directeur expérimenté, sur proposition du gouvernement, figure aussi dans les nouveaux statuts, avec création du poste de directeur adjoint. Conformément à la condition exigée par le jugement accordant la procédure de redressement judiciaire, la Nouvelle-Calédonie a signé un protocole d’accord le 27 février 2019 sur l’accompagnement de l’ASEE pour 10 ans pendant la période du redressement judiciaire. L’objectif de cet accompagnement est de veiller à la bonne exécution du plan et à l’apurement du passif. Les échéances du plan étaient respectées jusqu’à la fin 2019 et le montant total des créances a été revu à la baisse depuis l’ouverture de la procédure, ce qui permet de diminuer le montant des échéances.
La diminution des effectifs salariés (-11 %) de l’ASEE est inférieure à celle des élèves (-16 %). Le patrimoine est insuffisamment recensé et est en mauvais état d’entretien. La vétusté de certains locaux appelle des mesures rapides de rénovation ou de fermeture.
Une absence de pilotage sur les plans administratif, comptable et financier
Le contrôle a mis en lumière l’insuffisance des compétences de services majeurs pour le fonctionnement de la direction. Des lacunes dans la conduite des opérations de gestion ont entrainé l’absence de mise en oeuvre de décisions prises par le conseil d’administration ou une mise en oeuvre différente. Des situations traduisant une gestion irrégulière des ressources humaines seront à corriger. La conduite du chantier de construction de la cantine du lycée DO NEVA, initié en 2008 et non encore en service à la fin du contrôle, illustre, par son enlisement et l’augmentation de son coût, l’inertie de la gestion administrative de l’association.
L’organisation comptable de l’ASEE est marquée par l’absence de procédures de contrôle. Les états financiers produits révèlent des erreurs matérielles et des lacunes, dont l’absence de provisions constituées jusqu’en 2018, et l’insuffisance de leur montant à partir de cet exercice. Sur la période de contrôle, l’ASEE n’a jamais adopté de budget prévisionnel agrégé et n’a pas eu recours à un commissaire aux comptes, obligatoire au regard du niveau des subventions publiques reçues.
Le traitement comptable des aides publiques appelle en outre plusieurs observations. Leur imputation comptable ne permet pas de connaitre le montant versé par chaque collectivité.
Des subventions de fonctionnement sont affectées, contrairement à l’objet des conventions signées avec les collectivités, au financement de l’investissement. L’amortissement des subventions d’investissement, pratiqué sans décision du conseil d’administration, subit un traitement comptable erroné, conduisant à surévaluer de façon importante les produits de
fonctionnement et donc la réalité du résultat. Plusieurs créances ont été passées en perte, contrairement à la décision du conseil d’administration. Les avances consenties au personnel
ne font pas l’objet d’un suivi ni de contrats traduisant cette dette.
Le niveau des disponibilités indiqué dans les états financiers est erroné. Il souffre d’un recensement incomplet des comptes bancaires. Les caisses des établissements sont gérées en toute opacité. La collecte des disponibilités, bien qu’il s’agisse d’un mode majeur de paiement pour les frais d’inscription, n’obéit à aucune procédure de contrôle pendant la période sous revue et les niveaux ce collecte indiqués présentent une fiabilité douteuse. Le contrôle a mis en évidence sur ce plan, une indépendance inappropriée dans la gestion comptable du lycée DO KAMO.
Des financements publics insuffisamment suivis
Les données enregistrées en comptabilité présentant des erreurs d’imputation, des corrections ont été apportées par la chambre afin de présenter des éléments conformes aux indications données dans les conventions signées avec les collectivités. Des subventions sont octroyées en dehors du cadre juridique, et l’actualisation des contrats simple ou d’association signés avec la Nouvelle-Calédonie sera nécessaire. Les provinces constituent le premier financeur de l’association, et les difficultés budgétaires rencontrées les ont conduites à diminuer leur soutien, en partie compensé par des aides de la Nouvelle-Calédonie. Les justificatifs envoyés par l’ASEE à ses financeurs se révèlent parfois insuffisants, ce qui a pu conduire à la perte de plusieurs subventions. De façon générale, les éléments d’information transmis ne permettent pas de communiquer d’informations suffisantes sur l’emploi des fonds, les subventions n’étant pas complétement identifiées par contributeur dans les états financiers.
Une situation financière délicate à analyser, basée sur des données incertaines
L’ensemble des erreurs comptables constatées n’a pu être corrigé par la chambre, ce qui affecte le niveau de fiabilité des comptes et de l’analyse financière qui peut en être tirée. L’évolution des résultats en est notablement affectée et des corrections partielles sont présentées, laissant apparaitre des déficits sur les trois dernières années. Aucune garantie de fiabilité ne peut cependant être donnée compte tenu des zones d’ombre relevées dans la comptabilité et inaccessibles à toute correction externe et a posteriori.
Les subventions reçues représentent en moyenne 70 % des produits de fonctionnement sur la période de contrôle et les charges de personnel occupent 58 % des charges de fonctionnement.
Les opérations d’investissement restent à recenser avec rigueur, afin de permettre une analyse fiable et utile des niveaux de dépenses et de recettes.
Les premières mesures du plan de redressement
La nouvelle direction nommée en 2019 a commencé à mettre en oeuvre des corrections importantes du fonctionnement de l’association. La comptabilité sera désormais centralisée et
l’association dotée d’un logiciel offrant des compétences nécessaires à son contrôle. Des licenciements ont été opérés dans les services centraux, ainsi que des actions de formation, ce qui devrait permettre de réaliser des gains de compétences. Plusieurs motions ont été adoptées lors de l’assemblée générale d’octobre 2019, de nature à mettre en oeuvre des méthodes de
gestion plus rigoureuses.
La mise en place d’une culture de l’évaluation et du contrôle, portée par des équipes renouvelées, devrait permettre à l’ASEE de mieux piloter sa gestion, basée sur une connaissance exacte de sa situation financière, grâce à l’application de méthodes comptables respectant la réglementation à l’avenir. Le souhait de rapprochement avec la FELP, autre structure associative de l’enseignement protestant, exprimé lors de la dernière assemblée générale, est de nature à permettre une valorisation économique des établissements des deux structures, idée concrétisée par la mise en place depuis 2019 d’une direction commune aux deux structures.