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Agence calédonienne de l'énergie

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

Rapport d'observations définitives - La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a examiné la gestion de l'Agence calédonienne de l'énergie sur les exercices 2017 et suivants.

SYNTHESE

La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a contrôlé les comptes et la gestion de l’agence calédonienne de l’énergie à compter de l’exercice 2017.

Un établissement de création récente qui peine encore à trouver sa place
Créée par la délibération n°222 du 12 janvier 2017, l’agence calédonienne de l’énergie est au coeur du dispositif permettant à la Nouvelle-Calédonie de construire et de mettre en oeuvre sa politique énergétique. Elle a été présentée, lors de sa création, comme un outil de conseil et
de financement qui concourt à la mise en oeuvre du schéma de transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie et comme un outil de concertation.

La chambre note que la mise en oeuvre du schéma de transition énergétique, mission première de l’agence, a fait l’objet d’un bilan par le gouvernement en février 2022 sans que l’agence ait été associée. Ce bilan montre que les résultats obtenus sont contrastés, bons en matière de
développement des énergies renouvelables mais en retard au regard des objectifs fixés (hors prise en compte de la crise sanitaire) en ce qui  concerne l’émission de CO2. L’absence de cohérence entre les indicateurs de suivi de l’activité de l’agence et ceux du schéma ne permet pas d’identifier l’impact de l’action de celle-ci.

A défaut d’arbitrage sur la répartition des rôles entre l’agence calédonienne de l’énergie et la direction de l’industrie, des mines et de l’énergie de la Nouvelle-Calédonie (DIMENC), entité gouvernementale également en charge des questions d’énergie, l’agence peine encore à trouver sa place.

Aussi, même si le directeur de l’agence indique qu’une relation nouvelle a été refondée entre l’agence et la DIMENC depuis août 2022, dans un souci d’efficacité et de cohérence de l’action publique, la chambre recommande à l’agence calédonienne de l’énergie de formaliser la place
et le rôle de chaque acteur, en se plaçant dans une relation de type opérateur/tutelle avec la direction du gouvernement qu’est la DIMENC.

La désaffection de certains administrateurs et l’appauvrissement de ses débats
L’agence calédonienne de l’énergie est dirigée par un conseil d’administration qui privilégie la représentation des institutions et ne dispose que d’un représentant associatif et un représentant du centre d’initiation à l’environnement. Du fait de la pluralité de mandats dont sont porteurs certains membres du conseil d’administration, l’agence doit veiller à mettre en oeuvre des dispositions pour prévenir les conflits d’intérêts, notamment pour l’attribution de subventions.

Le conseil d’administration fonctionne régulièrement et les administrateurs bénéficient d’une information complète pour tous les points inscrits à l’ordre du jour. Néanmoins, la chambre constate la désaffection de certains administrateurs et un appauvrissement des débats, réduisant le rôle du conseil d’administration à celui d’une chambre d’enregistrement.

Un pilotage stratégique erratique et une absence de contrôle sur le projet de centrale pays
Le pilotage stratégique de l’agence, qui relève de la compétence de son conseil d’administration, reste à parfaire. Il a souffert dans un premier temps de la définition d’une stratégie ambitieuse au chiffrage imprécis, qui n’a pas fait l’objet de suivi ni d’évaluation.

Cette stratégie initiale a été abandonnée au profit d’une convention d’objectifs et de moyens, signée avec le gouvernement le 21 août 2020, visant à clarifier les objectifs opérationnels de l’agence. Cependant, la chambre relève que les objectifs assignés ne sont pas reliés au schéma de transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie et qu’ils ne sont pas assortis d’indicateurs pertinents. Ils n’ont d’ailleurs jamais donné lieu à un réel suivi.

Par ailleurs, cette convention ne contient pas d’indication sur les moyens délégués à l’agence, ce qui freine sa capacité à projeter des actions sur le moyen et le long terme.

Depuis 2020, l’agence présente chaque année un projet d’action pour la transition énergétique (PACTE) qui est le recueil des priorités qu’elle se donne. Ce document n’est relié ni au schéma de transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie, ni à la convention d’objectifs et de moyens et peine à trouver sa place dans la stratégie de l’établissement.

Comme prévu lors de sa création, l’agence calédonienne de l’énergie est devenue l’actionnaire de référence de la société NCE, société en charge de l’étude, de la conception, la construction et l’exploitation de la future centrale électrique « pays », mutualisant les besoins de la SLN et de la distribution publique. Malgré des changements radicaux de stratégie et la remise en question régulière du calendrier et des conditions de réalisation, le conseil d’administration de l’agence calédonienne de l’énergie n’a pas pris la mesure des attentes pesant sur l’agence en termes de contrôle de la bonne conduite du projet. Il s’est contenté de rares présentations en séance, ne donnant lieu à aucun débat.

De son côté, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, qui dispose de la capacité à demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour, n’a pas usé de cette faculté pour mettre en demeure les administrateurs de l’agence de remplir leur rôle dans ce dossier.

Des risques mal maitrisés et une absence de transparence des procédures et des taux d’intervention
Pour permettre une cohérence des politiques publiques mises en oeuvre sur le territoire pour accompagner la transition énergétique, l’agence calédonienne de l’énergie et l’agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) sont liées par une convention pluriannuelle qui prévoit une mobilisation de 537 MF CFP chacune pour la période 2017-2022.

Elle instaure également un guichet unique et un examen commun des dossiers de demandes d’aides et un comité technique restreint aux directeurs des deux agences pour l’attribution des subventions.

L’agence intervient sous forme d’aide financière à hauteur de 311 MF CFP par an depuis 2018 pour 60 dossiers nouveaux chaque année en moyenne. Ces interventions présentent des risques qui ne sont que partiellement maitrisés. Ainsi, malgré les engagements pris dans la convention d’objectifs et de moyens, l’agence persiste dans un fonctionnement en mode guichet. Si elle affirme que des contrôles sont bien réalisés en amont et en aval, aucune évaluation n’est faite, ne permettant pas de mesurer l’impact réel de chaque projet.

Le risque éthique n’a pas été identifié par l’agence alors que, compte tenu des sommes distribuées, il mérite d’être évalué et prévenu.
L’agence affirme que dans un souci de cohérence l’action publique et de transparence, la quasi-totalité des dossiers de demandes d’aides sont examinés en commun avec la représentation locale de l’ADEME. Or, la chambre relève que plus du tiers des dossiers échappent à cette procédure. Elle constate en outre que les dossiers en question ont bénéficié pour 83 % d’entre eux d’un financement à 100 % des coûts présentés, sans que l’intérêt général des actions ne soit justifié.

De même, l’agence n’affiche pas les modalités d’instruction des dossiers et ne respecte pas les taux d’aide qu’elle a pourtant elle-même fixés par délibération. En conséquence, la chambre recommande à l’agence calédonienne de l’énergie à s’astreindre à plus de transparence dans ses modalités d’intervention et dans les critères permettant de déterminer ses taux d’intervention.

En matière de communication, l’agence calédonienne assure une présence continue sur tous les supports médiatiques et élargit ses actions de sensibilisation par divers biais dont le lancement d’un jeu de société qui rencontre du succès. Pour améliorer la visibilité de ses actions, la chambre l’invite rendre public chaque année son rapport annuel d’activités.

Un fonctionnement interne qui se normalise progressivement
Après un démarrage chaotique, généré par la nomination d’un directeur dépourvu de soutien administratif, suivi par sa longue absence, le fonctionnement de l’établissement se normalise progressivement. Il lui reste néanmoins à rédiger son règlement intérieur ainsi qu’une grande
partie de ses procédures.

Elle n’a pas organisé de débat d’orientation budgétaire depuis 2019 et ne se fixe pas une trajectoire budgétaire pluriannuelle. La gestion budgétaire présente des insuffisances conduisant à des taux d’exécution bas notamment s’agissant des subventions accordées qui constituent le coeur du métier de l’agence. Concernant la gestion de ses ressources humaines, l’agence calédonienne de l’énergie a stabilisé ses équipes et se conforme à ses règles de gestion.

Elle a transféré son siège social dans un premier temps dans des locaux à Nouméa, loués à la province Sud, puis à Dumbéa. Cette décision n’est pas conforme à ses statuts. Aussi, dans un souci de bonne gestion des deniers publics et pour se conformer à ses statuts, la chambre recommande à l’agence calédonienne de l’énergie de mettre fin à ce bail et à regagner les locaux que la DIMENC peut lui mettre gracieusement à disposition. De même, elle devra régulariser la situation des véhicules affectés au directeur et au directeur adjoint pour lesquels l’avis des administrateurs n’a pas été sollicité.

Par ailleurs, pour une utilisation optimale de ses moyens, l’agence calédonienne de l’énergie devra veiller à établir une procédure d’achat qui permette une mise en concurrence systématique des fournisseurs et prestataires.

Une situation financière en trompe l’oeil et une continuité d’activité en question
L’agence calédonienne de l’énergie présente en apparence une situation financière saine. Cependant, le fonds de roulement confortable qu’elle affiche doit être analysé en tenant compte des restes à réaliser et des engagements pris qui restent à solder.

Du fait de la suppression de l’affectation de la taxe sur la transition énergétique, si l’agence maintient son niveau d’intervention actuel, elle ne sera plus en capacité de poursuivre son activité au-delà de l’année 2023. Aussi, la chambre invite l’agence à rencontrer sans délai sa tutelle pour déterminer avec elle la trajectoire financière à adopter pour tenir compte des effets de la baisse conséquente de ses ressources et du rôle qu’elle pourrait jouer dans la mise en oeuvre de la subvention attendue de l’Union européenne pour financer le schéma pour la transition énergétique 2.0.

Au vu des observations réalisées lors de ce contrôle, la chambre émet six recommandations de régularité et six recommandations de performance visant à améliorer la gestion de l’agence calédonienne de l’énergie.

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