Sort by *
1.
L’orientation au collège
et au lycée
L’orientation au collège et au lycée s’inscrit au cœur du
système éducatif en conduisant les élèves à travers les
différents paliers du parcours scolaire, puis vers l’insertion
professionnelle.
Le présent chapitre s’est appuyé sur les nombreux travaux
de recherche et rapports existants, des entretiens avec
les divers acteurs publics et privés, une enquête de terrain
dans les Hauts-de-France, en Nouvelle Aquitaine et dans
le canton de Berne (Suisse). Il a bénéficié des résultats
d’une enquête d’opinion lancée en mai 2024 par la Cour
auprès d’un échantillon représentatif de jeunes âgés de
15 à 25 ans. Il examine dans un premier temps les enjeux et
résultats (I), puis l’organisation et les conditions de mise en
œuvre de l’orientation. La Cour estime à 8 000 équivalents-
temps-plein et 400 M€ les moyens publics mobilisés pour
cette politique (II).
93
Les enjeux, individuels et collectifs, de l’orientation sont majeurs. Ils portent non
seulement sur l’équité, afin de dépasser différents déterminismes, sociaux, de
genre, de territoires, mais aussi, au plan économique, sur la réponse aux besoins
de compétences du marché de l’emploi et de la société en général.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a
établi une compétence partagée sur l’information à l’orientation entre les régions
académiques et les régions, et conduit à une réorganisation de l’Office national
d’information sur les enseignements et les professions (Onisep). Mais le texte de
la loi ne permet pas d’aboutir à une situation claire. De multiples acteurs, publics
et privés, ont émergé et jouent un rôle croissant. Les jeunes et leurs parents sont
parfois en manque de repères face à une offre de formation foisonnante, aux
règles du jeu opaques et instables.
94
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
95
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
Chiffres clés
400
M€
environ de moyens
publics consacrés
à l’orientation
8 000
équivalents
temps-plein
363
diplômes professionnels
niveau CAP et
baccalauréat
23 000
formations supérieures
proposées dans
Parcoursup
35
%
de collégiens
25
%
de lycéens
se disent insatisfaits des informations
et conseils reçus en établissement
ou au CIO pour s’orienter
Près de
20
%
des bacheliers qui
poursuivent leurs études
regrettent leur choix
d’inscription
1 147
élèves par psychologue
de l’Éducation nationale
Source : estimation Cour des comptes
Source : estimation Cour des comptes
I.
Des enjeux importants puissamment
déterminés par les résultats scolaires,
l’image sociale et l’offre de formation
L’orientation est un cheminement qui court sur plusieurs années. Elle doit ainsi offrir
aux collégiens une première ouverture sur le monde professionnel, les amener à
s’interroger et se projeter vers la poursuite d’études et l’insertion professionnelle,
réflexion qui sera ensuite approfondie au lycée. Elle s’appuie sur des notions
personnelles d’estime de soi, de projection vers l’avenir, de représentations
sociales. Le rôle des parents est majeur car ils constituent la principale source
de conseil et d’accompagnement des jeunes
1
. Ils peuvent pousser ou, à l’inverse,
freiner leur ambition scolaire, souvent pour des raisons de reproduction sociale
et selon les différentes perceptions qu’il se font des métiers. Il convient de les
impliquer très tôt dans la réflexion, en particulier pour les familles éloignées des
codes scolaires, sans méconnaître la dimension économique du coût des études
(scolarité, transport, logement, délai d’accès à l’autonomie).
Le code de l’éducation (art D. 331-23) définit l’orientation comme
«
 
le résultat du
processus continu d’élaboration et de réalisation du projet personnel de formation
et d’insertion sociale et professionnelle que l’élève de collège, puis de lycée, mène en
fonction de ses aspirations et de ses capacités. La participation de l’élève garantit le
caractère personnel de son projet
 
»
. Institué par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation
et de programmation pour la refondation de l’école, le
«
 
parcours individuel
d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel
proposé à chaque élève, aux différentes étapes de sa scolarité du second degré
 
»
, a
pris en 2015 l’appellation de
« Parcours Avenir »
de la sixième à la terminale afin
de développer chez les élèves la capacité à s’orienter (art. L. 331-7). Les principes
ambitieux de ces textes peinent toutefois à s’appliquer dans la réalité éducative.
Le processus d’orientation comprend deux grandes phases, l’information et l’ac-
compagnement d’une part, la décision et l’affectation d’autre part. La première
vise à développer la capacité du jeune à formuler des vœux en le conduisant
à s’interroger sur ses compétences et aspirations. Les activités proposées se
structurent autour de trois axes : découvrir le monde économique et les métiers,
connaître les différentes voies de formation et leurs débouchés, élaborer son projet
d’orientation. La seconde phase comprend la décision d’orientation puis l’affectation
dans un établissement.
96
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
1.
Sondage Credoc 2018 : 80 % des jeunes ont évoqué la question avec leurs parents et, pour 52 %,
ces derniers ont été leur principal interlocuteur. Baromètre annuel Parcoursup 2023 : 75 % des candidats
ont travaillé leur projet d’orientation avec leurs proches.
97
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
SCHÉMA N° 1 | Processus d’orientation
PHASE 1
PHASE 2
Post -collège
Accompagnement
Information / Capacité à s’orienter
Décision
A
ff
ectation
- Décision : Principal
sur avis du conseil de classe
- Commission d’appel possible
Voeux sur
Portail Scolarité Services
Application
A
ff
elnet
voeux, secteur
géographique;
résultats scolaires,
avis des chefs
d’établissement
d’origine et d’accueil
Inscription par
le néo-bachelier
- Propositions :
Établissements
d’enseignement supérieur
- Décision par
le néo-bachelier
Voeux sur
Parcoursup
Flux et parcours
Post -bac
Source : Cour des comptes
En termes de politique publique d’information et d’orientation, la recherche d’équité
et l’ouverture vers l’environnement économique sous-tendent les objectifs définis
en 2019 dans le cadre national de référence État-régions : lutter contre l’autocensure
des jeunes et ouvrir le champ des possibles (A), concourir à la mixité dans les métiers
et à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en luttant contre les
stéréotypes (B), présenter dans leur diversité les mondes économique et profes-
sionnel (C), prévenir le décrochage scolaire (D).
A.
Lutter contre les déterminismes sociaux
et territoriaux
Le processus d’orientation connaît un point critique après la classe de troisième,
lorsque près d’un tiers des élèves rejoint la voie professionnelle (27 % par la voie
scolaire et 5 % en apprentissage).
De nombreuses études attestent d’une forte segmentation sociale et genrée lors
de cette étape : les élèves des lycées professionnels, dans le secteur privé comme
dans le secteur public, proviennent davantage de familles peu favorisées
2
. Les
vœux d’orientation des familles et les décisions des équipes éducatives sont liés au
2.
L’indice de position sociale (IPS) est de 110,3 en lycée général et technologique contre 84,5 en lycée
professionnel dans le secteur public et de 121,6 contre 95,7 dans le secteur privé.
niveau scolaire, lui-même fortement corrélé à l’origine sociale. En 2022, 45 % des
enfants d’inactifs et 26 % des enfants de ménages ouvriers étaient en difficulté,
contre 5 % des enfants de cadres supérieurs ; le constat est le même en mathéma-
tiques. La forte corrélation entre les résultats des élèves et leur milieu social, mise
en évidence par les enquêtes PISA (programme international de mesure des acquis
des élèves à quinze ans) commence dès l’enseignement primaire
3
. Le niveau des
acquis en sixième, mesuré par les résultats aux évaluations, se révèle prédictif du
devenir des élèves. L’orientation est ainsi largement déterminée à la fin de l’école
primaire. La qualité de l’enseignement constitue donc une condition première pour
accroître les chances de chacun de choisir son orientation.
En outre, à notes équivalentes, les familles de milieux défavorisés font beaucoup
moins souvent des choix d’orientation vers la seconde générale et technologique et
ces vœux sont rarement revus à la hausse par les conseils de classe
4
. À l’inverse, les
décisions d’orientation en voie professionnelle sont systématiquement supérieures
de deux à trois points aux demandes
5
.
Enfin, à notes et vœux équivalents, les décisions des équipes éducatives sont
influencées par le contexte social de l’élève. Le processus d’orientation tend donc
plutôt à amplifier le déterminisme social. Une sensibilisation explicite à ce type
de biais doit donc faire partie de la formation initiale des enseignants. Conscient
de cette difficulté, le ministère de l’éducation nationale a ouvert un chantier en
ce sens.
Par ailleurs, les possibilités de réorientation après la seconde existent mais sont
peu mises en œuvre : 1 à 1,5 % seulement des élèves de seconde professionnelle
évoluent en première technologique voire générale. À l’inverse, 2,5 à 3 % des
élèves de seconde générale et technologique (GT) bifurquent vers la première
professionnelle, voire redoublent en seconde professionnelle ou première année
du certificat d’aptitude professionnelle (CAP). L’orientation post-troisième revêt
donc un caractère quasi irréversible.
Pour les élèves orientés vers la seconde générale et technologique, la hiérarchie
implicite des filières n’a pas évolué depuis 2013 : à la rentrée 2023, 65 % des élèves
poursuivaient en première générale et 25 % en première technologique, tandis que
les élèves les plus en difficulté s’orientent en première Sciences et technologies
du management et de la gestion (STMG) ou se réorientent vers la voie professionnelle
(5 %).
98
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
3.
Rapport de la Cour sur
l’enseignement primaire
(publication début 2025).
4.
France Stratégie,
Poids du destin : force des héritages et parcours-scolaires,
septembre 2023.
5.
En 2022 : 34,2% de demandes, 36,7% de décisions pour la voie professionnelle, bac pro et CAP.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
99
GRAPHIQUE N° 1 | Part des jeunes issus de milieux favorisés ou très favorisés
dans la voie générale et technologique (en %)
53 %
41 %
31 %
53 %
39 %
31 %
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
Voie
générale
Voie technologique
production
Voie technologique
services
2012
2022
Source : direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP),
L’état de l’école
2024, champ public et privé sous contrat
Le lieu de résidence ou le territoire d’origine jouent également un rôle dans la
détermination des choix d’orientation des jeunes, mais de manière plus nuancée.
GRAPHIQUE N° 2 | Souhait des familles selon le lieu de résidence en troisième
62,1
70,3
69,3
76,4
71,1
26,3
22,2
21,7
18,1
21,1
11,6
7,5
9,0
5,5
7,8
Seconde GT
Seconde Professionnelle
CAP
Rural éloigné et bourgs
Ensemble
Urbain très dense
Urbain dense et petite ville
Rural périphérique et périurbain
Source : DEPP, NI 23-40
100
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Ainsi, le choix fréquent de la voie professionnelle par les élèves du « monde rural
éloigné et des bourgs » est en partie lié au fait que la population défavorisée y
est proportionnellement plus importante et aux difficultés de mobilité qu’elle
rencontre. Cependant ces choix semblent aussi traduire un attachement et une
volonté d’insertion sur le marché local du travail. En effet, le niveau de satisfaction
des jeunes concernant leur affectation au lycée (85 %) est similaire quelle que soit
la taille de l’agglomération dans laquelle ils résident (inférieure ou supérieure à
20 000 habitants)
6
.
Les Cordées de la réussite
Lancé en 2008
7
, le dispositif des Cordées de la réussite se traduit par un
programme d’accompagnement global conçu entre la tête de cordée et
les établissements, au bénéfice des collégiens et des lycéens volontaires,
pour
« lutter contre l’autocensure des élèves en les accompagnant dans leur
parcours d’orientation pour une plus grande équité sociale dans l’accès aux
formations de l’enseignement supérieur »
Pour les 795 établissements têtes de cordées (dont 432 lycées dotés
de sections de technicien supérieur (STS) et/ou de classes préparatoires
aux grandes écoles (CPGE), 164 formations universitaires/Instituts
universitaires de technologie (IUT), 158 grandes écoles, 14 écoles du service
public), l’objectif est aussi de promouvoir leur attractivité.
Le dispositif concernait 161 000 élèves en 2022-2023, dont 37 803 élèves
en collège ou lycée rural ; 43,5 % du nombre total d’élèves bénéficiaires
résident dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Les 2 219 collèges « encordés » représentent 32 % des collèges publics et
privés mais 73,6 % des collèges se trouvant dans des réseaux d’éducation
prioritaire (REP et REP+). Le dispositif concerne 1 348 lycées publics et
privés « encordés », soit 36,3 % du total.
Il n’existe pas à ce jour d’évaluation de ce dispositif. Un effet a cependant
été constaté dans la procédure
Parcoursup
en 2023 : pour les candidats
dont le dossier mentionne un parcours dans les Cordées de la réussite, le
taux de proposition d’admission a été supérieur au reste de la population
lycéenne de terminale de + 6,7 points pour les bacheliers professionnels,
+ 2,6 points en voie technologique, + 1,2 point en voie générale
8
.
6.
Enquête Cour des comptes mai 2024. Cf. aussi le chapitre sur
L’accès des jeunes ruraux à l’enseignement
supérieur.
7.
Fusionné à la rentrée 2020 avec les parcours d’excellence, le dispositif est financé par le programme
Vie étudiante
pour 1 M € par an (+ 1 M€ en 2020 et 2021), le budget pouvant être complété par les
établissements têtes de cordée.
8.
Source : projet annuel de performances (PAP) 2024 du programme 231
Vie étudiante
. Un appel à projets
doté de 195 000 € a été lancé en mai 2024 pour observer les pratiques des acteurs et les mesures mises
en œuvre.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
101
B.
Favoriser la mixité de genre
De nombreuses études montrent que les choix d’orientation restent très genrés
à tous les niveaux de formation
9
.
GRAPHIQUE N° 3 | Proportion de filles dans l’effectif (rentrée 2022) – secteurs
public et privé sous contrat
13,7 %
8,6 %
19,2 %
40,6 %
Proportion de filles en terminale
professionnelle des spécialités
de production
Proportion de filles en terminale
de la série technologique
sciences et technologies de l’industrie
et du développent durable STI2D
Proportion de filles en première générale
dans la spécialité numérique
et sciences informatiques (NSI)
Proportion de filles dans la spécialité
Mathématiques de terminale générale
84,5 %
Proportion de filles en terminale
de la série technologique sciences
et techniques sanitaires et sociales
(ST2S)
Source : DEPP
Sur ce point encore, les parents jouent un rôle majeur par un effet de reproduction
sociale ou des représentations sociales des secteurs d’activité et valorisent
différemment la possibilité d’équilibrer vie de famille et vie professionnelle
10
.
Les travaux académiques mettent en avant l’importance de la confiance, qui
peut être minée par les interactions du quotidien
11
ou, au contraire, renforcée
de manière volontariste.
De nombreuses actions sont mises en place au niveau national et académique
pour sensibiliser les équipes éducatives et les jeunes filles, parfois avec succès
(Projet Maryam Mirzakhani, forums Numeriqu’ELLEs, etc.). Ainsi, pour la première
fois, à la rentrée 2023, l’abandon de la spécialité Mathématiques entre la première
et la terminale a reculé, pour les garçons et plus encore pour les filles
12
. Toutefois, le
développement de la mixité suppose une action concertée et continue de l’ensei-
gnement supérieur et du monde du travail dans les secteurs traditionnellement
très genrés.
9.
DEPP 2024. Cour des comptes,
Les inégalités entre les femmes et les hommes, de l’école au marché
du travail,
rapport public thématique, publication début 2025.
10.
Baromètre Jeunesse DJEPVA-CREDOC 2018.
11.
Cf. Clémence Péronnet,
La bosse des maths n’existe pas
, 2021.
12.
DEPP NI 24-06.
102
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
C.
Présenter la diversité des métiers et valoriser
les enseignements professionnels et technologiques
«
 
Refonder l’orientation des élèves
 
»
est une politique prioritaire du gouvernement.
Elle est mesurée par deux indicateurs : le nombre de métiers connus en fin de
troisième (avec une cible de 50 métiers connus en moyenne fin 2026 sur une liste
de 114 métiers) et le taux d’élèves ayant bénéficié de la découverte des métiers. De
nombreux pays (notamment la Finlande et l’Allemagne) font débuter cette activité
dès l’école primaire (cf. II). C’est aussi ce que recommande l’inspection générale de
l’éducation, du sport et de la recherche
13
.
La découverte des métiers, généralisée
«
 
dans toute la mesure du possible
 
»
dans
tous les collèges à partir de la rentrée 2023, permet d’ouvrir l’école vers le monde
du travail au travers de rencontres avec des professionnels, visites d’entreprises,
stages, etc. Les régions, en charge du développement économique, y contribuent
(cf.
infra
, le point II.C). Il s’agit également, objectif réitéré par le ministère de
l’éducation nationale depuis 2009, de répondre aux besoins de compétences des
filières d’avenir, en valorisant les enseignements professionnels et technologiques,
en particulier les filières de production.
GRAPHIQUE N° 4 | Répartition des effectifs d’élèves selon les poursuites d’études
à l’issue de la troisième (en %)
62
27
5
2
4
0
10
20
30
40
50
60
70
2007
2011
2012
2013
2014
2008
2009
2010
2015
2016
2018
2019
2017
2020
2021
2022
Seconde GT
Second cycle professionnel par voie scolaire
Second cycle professionnel par apprentissage
Redoublement ou Enseignement Préprofessionnel
Sorties1
Source : état de l’école 2024 ; DEPP, systèmes d’information des ministères chargés de l’éducation
nationale, de l’agriculture et des centres de formation d’apprentis
13.
IGESR,
La découverte des métiers au collège
,
mai 2024.
La part des élèves inscrits en voie professionnelle a diminué, passant de 38 % en
2007 à 32 % en 2022
14
. En revanche, les demandes des familles pour une formation
professionnelle après la troisième ont augmenté, passant de 32,5 % de l’ensemble
des demandes en 2020 à 36,2 % en 2024. Cette évolution semble témoigner de
réels progrès dans la valorisation de la voie professionnelle.
De nombreux lycées professionnels ont développé leur attractivité en tissant
des liens forts avec les entreprises et en menant des actions volontaristes de
promotion de leur offre auprès des collégiens (organisation de mini-stages
d’immersion au lycée, visites d’entreprise) et de leurs parents.
Cependant le secteur industriel continue de souffrir d’un déficit d’image auprès
des jeunes et de leurs familles, notamment dans les territoires historiquement
frappés par la désindustrialisation. La part du secteur de la production au lycée
professionnel est stable sur longue période (autour de 43%) mais la proportion des
effectifs d’élèves des séries technologiques « production » a diminué, passant de
10,5 % des effectifs de terminale GT en 2005 à 6,6 % en 2022.
Plusieurs enquêtes montrent que les jeunes ainsi « orientés » développent un
sentiment « d’orientation subie ». Au-delà de l’amélioration de l’attractivité des
secteurs économiques concernés (conditions de travail, rémunération), l’image de
la voie professionnelle bénéficierait d’un rapprochement avec la voie technologique,
qui gagnerait à être expérimenté dans des régions volontaires
15
. En effet, la spécificité
française que constitue la coexistence de la voie professionnelle et de la voie
technologique, dont cinq filières ont des contenus clairement professionnels
(industrie et développement durable, design et arts appliqués, santé et social,
laboratoires, hôtellerie-restauration), contribue à l’image de relégation attachée
à la voie professionnelle auprès des familles et des enseignants.
Par ailleurs, la différence de vocation qui existait initialement entre la voie
technologique et la voie professionnelle quant à la poursuite d’études s’est
estompée. En effet, le taux de poursuite d’études des bacheliers professionnels
est passé de 34,9 % à 45,9 % entre 2010 et 2022 et 53 % de ceux qui sont entrés
en section de technicien supérieur en 2018 ont obtenu leur diplôme en deux ou
trois ans. En parallèle, le taux de poursuite d’études a diminué de 82,5 % à 63,6 %
pour les bacheliers STMG et de 88,7 % à 75 % pour les bacheliers
« sciences et
technologies de l’industrie et du développement durable »
.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
103
14.
27 % en lycée et 5 % en apprentissage.
15.
Cour des comptes,
Référé sur le lycée professionnel,
10 janvier 2020.
104
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
En Suisse, une formation professionnelle valorisée socialement
En Suisse, la filière professionnelle, que suivent 70 % des élèves, y
compris les enfants de cadres, est fortement valorisée. Elle permet
d’accéder à de nombreux métiers au travers de hautes écoles
spécialisées, sans l’équivalent du baccalauréat. La nomenclature en
240 métiers sur un champ large (santé, culture, social,
etc.
) y est très
claire et explicite. Les élèves (et leurs parents) sont sensibilisés aux
questions d’orientation dès l’âge de 12 ans, au travers d’une procédure
structurée qui les réunit avec deux enseignants et la direction de
l’école. La formation professionnelle se déroule essentiellement
par apprentissage (trois à quatre jours par semaine, rémunérés). La
sécurisation des parcours d’insertion, tout en permettant la poursuite
ou reprise d’études, et la forte implication des entreprises dans l’effort
de formation, sont les clés du succès de ce modèle.
D.
Des progrès à poursuivre dans la prévention
du décrochage
La proportion d’élèves sortis du secondaire sans diplôme autre que le diplôme
national du brevet (DNB) a baissé, passant de 19,2 % pour la génération entrée
en sixième en 1995 à 11,3 % pour celle qui est entrée au collège en 2007. Cela
s’explique notamment par la progression corrélative (+ 9,8 points) de la proportion
de bacheliers professionnels. C’est un progrès considérable mais 10 % des jeunes,
soit environ 80 000 par an, continuent de sortir du système de formation initiale
sans diplôme autre que le DNB.
Leur taux d’emploi, un à quatre ans après la sortie de formation initiale, n’est que
de 33 %. 
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
105
GRAPHIQUE N° 5 | Situation d’activité des jeunes sortis de formation initiale
depuis un à quatre ans, selon le diplôme, en 2023 (en %)
87
81
63
71
65
35
73
7
10
15
15
18
24
12
6
9
23
14
17
40
14
Supérieur long
Supérieur court
Baccalauréat GT
Baccalauréat professionnel
CAP, BEP
Brevet ou sans diplôme
Ensemble
En emploi
Chômeurs 1
Inactifs 2
0 %
100 %
40 %
20 %
60 %
80 %
Source : DEPP, L’état de l’école 2024, d’après l’enquête Emploi de l’Insee
L’accompagnement à la construction d’un projet représente une part essentielle
de la prévention du décrochage.
Plusieurs études récentes
16
ont mis en lumière la diversité des profils des sortants
précoces. Parmi les causes multifactorielles, le motif de la « mauvaise orientation »
est fréquemment évoqué par les jeunes concernés : déception, absence de projet
ainsi que lassitude des modalités de l’école, manque de sens perçu par rapport au
monde du travail ou perte de confiance en soi. Les rencontres avec des profes-
sionnels ainsi que les stages peuvent leur permettre de se projeter vers le monde
professionnel et de se remobiliser. Les contraintes économiques de certaines
familles et le désir d’autonomie des jeunes peuvent aussi les conduire vers une
activité rémunérée, y compris informelle, et une sortie précoce des études. Le
développement de l’apprentissage avant le baccalauréat est une piste à approfondir,
ainsi que la facilitation des parcours mixtes, ce qui supposerait de prendre en
compte les apprentis dans le financement des lycées professionnels
17
.
16.
Réussir l’inclusion économique des
NEETS 2021, CESER Pays de la Loire, décrochage 2023. Enquête
réalisée par la fondation AlphaOmega auprès de 2 100 jeunes de 16 à 18 ans (janvier 2023) qui ont rompu
leur parcours scolaire ; Pierre Cahuc
«
 
Quelles politiques pour l’emploi des jeunes ?
 
»
, 2023.
17.
Cour des comptes, La formation en alternance, rapport public thématique, juin 2022.
Il convient par ailleurs de noter qu’une sortie du système scolaire avec le seul bac
général ou technologique conduit à un taux d’emploi un à quatre ans après la
sortie de 58 %, très inférieur à celui des diplômés du bac professionnel (74 %),
et traduit une réflexion inaboutie des intéressés sur leur orientation.
II.
Mieux répondre aux attentes des jeunes
Un important besoin d’accompagnement à l’orientation a émergé (A), face auquel
le cadre d’action reste à clarifier au sein des établissements scolaires (B) et la
coordination territoriale des acteurs à mieux articuler (C). L’offre de formation
professionnelle constitue un paramètre clé de la politique d’orientation, et sa
performance doit être améliorée (D).
A.
Un important besoin d’accompagnement insatisfait
a suscité l’émergence d’une multitude d’intervenants
La majorité des élèves se déclare satisfaits des informations reçues dans leur
établissement ou au centre d’information et d’orientation (CIO)
18
. En revanche
un tiers des collégiens et un quart des lycéens regrettent un manque de conseil
personnalisé sur le choix des enseignements de spécialité, des informations
insuffisamment précises sur les métiers et les débouchés ou sur les formations,
ou un manque d’appui pour le renseignement du dossier
Parcoursup
. Les enfants
de parents cadres se montrent les plus critiques.
Près d’un cinquième de ceux qui ont poursuivi leurs études après le baccalauréat
(19 %) regrette leur choix. Les trois causes principales mentionnées sont la déception
par rapport aux attentes, une inscription par défaut et la mauvaise appréhension du
niveau de difficulté des études
19
.
Pourtant, l’information est aujourd’hui largement disponible et les lycéens se
renseignent activement, en particulier les enfants de cadres.
106
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
18.
Enquête réalisée pour la Cour des comptes auprès de 1 011 jeunes Français de 15 à 25 ans, mai 2024.
19.
Résultats convergents avec l’étude réalisée par la région académique de Nouvelle Aquitaine auprès des
étudiants :
«
 
avec le recul, 21 % choisiraient une orientation différente, pour 65 % d’entre eux un cursus dans
un autre domaine et pour 12 % en apprentissage »
. Cf. également le chapitre sur la prévention de l’échec au
premier cycle universitaire.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
107
SCHÉMA N° 2 | Activités des lycéens pour s’informer
41 %
38 %
36 %
33 %
31 %
18 %
17 %
1 %
7 %
Des forums ou salons de l’étudiant
Des journées
portes ouvertes ou immersions
dans des établissements d’enseignement supérieur
Le site de l’Onisep
Des journées portes ouvertes ou immersions
dans des lycées professionnels
Des rencontres avec des représentants des
métiers dans votre établissement scolaire
Des visites d’entreprises
Des autres sites
Autre
Aucun
Parents cadres :
50 %
Femmes
:
46 %
Ne se prononce pas : 1 %
Parents cadres :
45 %
Parents cadres :
48 %
Hommes :
23 %
Source : sondage CSA – Cour des comptes, mai 2024
Au côté des sites publics (Onisep, sites des régions, Inserjeunes, Diagoriente, IJBox,
etc.), de nombreux sites privés se sont développés, avec une offre de service, gratuite
ou payante (tests en ligne, tutorat, mise en relation, aide en ligne, etc.). L’inquiétude
liée à l’orientation, qui est souvent celle des parents, incite 18 % des jeunes à recourir
à un coach en orientation
20
 . Ces intervenants sont sollicités parfois dès la seconde
mais surtout pour constituer le dossier
Parcoursup
21
. Ce marché du
« coaching »
individuel est estimé à 40 M€
22
.
Le développement de ces sites génère plusieurs questions, d’une part, sur la
qualité et la pertinence des informations et conseils fournis par des prestataires
sans qualification vérifiée et, d’autre part, sur l’importance de la publicité pour
des formations privées, y compris sur le site de l’Onisep, qui peut donner l’illusion
d’une information certifiée. Par ailleurs la communication par les jeunes d’informations
personnelles, qui ont une forte valeur marchande pour les annonceurs, met en
risque la sécurité de leurs données.
Ainsi, l’émergence d’un marché privé du conseil répond au besoin d’accompagnement
insuffisamment satisfait par le système éducatif et accroît en retour les inégalités
entre les jeunes qui peuvent compter sur un appui parental avisé et ceux qui sont
moins entourés.
20.
Enquête du centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc),
octobre 2018.
21.
Baromètre-parcoursup-2023.
22.
Estimation Cour des comptes : 18 % du nombre de candidats au baccalauréat et prix moyen de
prestation de 300 €.
108
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
SCHÉMA N° 3 | Une profusion de sites d’information et d’orientation
Sites publics
Sites privés
Cible jeunes
État
État
Régions
Cible jeunes et adultes
Source : Cour des comptes, liste non exhaustive
B.
Concrétiser la politique annoncée et clarifier
la répartition des compétences
1.
Un transfert de mission peu accompagné
Le corps des conseillers d’orientation-psychologues qui existait depuis 1991 a été
remplacé au 1
er
février 2017 par celui des psychologues de l’éducation nationale
(psyEN). Rattachés à l’un des 411 centres d’information et d’orientation (CIO) pour
20 % à 40 % de leur temps, ils interviennent dans un à trois établissements selon
les bassins. Leur rôle s’est progressivement centré sur le suivi psychologique des
élèves, leur mission d’orientation concernant principalement les élèves présentant
des besoins particuliers
23
, avec de grandes variations de pratiques. Si le nombre
de postes dans le second degré est resté stable (4 429 équivalents temps plein en
2023
24
), la difficulté à pourvoir les postes s’est accrue depuis la crise sanitaire
25
. Le
23.
Handicap, élèves des sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), en situation
de décrochage ou retour en formation initiale, migrants.
24.
Il s’agit du nombre de postes de psyEN (en moyenne 3 800), de stagiaires (une centaine par an)
et de directeurs de CIO (dotation stable à 532), source IGESR.
25.
Le taux de postes non pourvus est de 7 % au niveau national.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
109
ratio
de 1 147 élèves du second degré public par psyEN ne permet pas une action
individualisée. Plusieurs rapports
26
ont recommandé d’entériner le recentrage
de leur action sur le suivi psychologique des élèves. L’évolution des missions des
psyEn rend peu praticable, à l’heure actuelle, leur transfert, parfois recommandé
ou revendiqué, vers les régions.
Les établissements privés ne disposent pas de psychologues de l’éducation
nationale. Cependant les élèves du secteur privé peuvent en consulter dans
les CIO. Dans ces établissements, la question de l’orientation est portée par
l’ensemble de l’équipe éducative, cadres de vie scolaire, dont le coordinateur
de niveau, et parents. À cet effet, le secrétariat général de l’enseignement
catholique a lancé depuis cinq ans un parcours de formation de personnes
référentes qui a concerné 1 795 personnes.
De fait, la mission d’éducation à l’orientation, confiée en priorité aux enseignants,
est insuffisamment accompagnée.
D’une part,
«
 
Accompagner les élèves dans leur parcours de formation
 
»
fait partie
du référentiel de compétences des enseignants. Il leur appartient de faire le lien
entre la découverte des métiers et les enseignements disciplinaires, en particulier
au collège et tout au long de la scolarité, et d’accompagner les élèves dans le
développement de leur projet personnel. Les enseignants du second degré perçoivent
à ce titre la part fixe de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE). Au
1
er
 septembre 2023, son montant brut annuel était de 2 550 €.
D’autre part, une circulaire du 11 octobre 2018 a plus spécifiquement défini le
rôle du professeur principal–ou référent–avec deux missions-clés : la coordination
(évaluation, rencontre avec les parents, etc.), et l’orientation. Les professeurs
principaux perçoivent à ce titre la part modulable de l’ISOE, qui peut être estimée à
1500 € par an et correspond à environ une heure par semaine
27
.
Enfin, le dispositif Pacte
28
a prévu l’exercice de missions complémentaires en
lien avec l’orientation (intervention ou coordination du dispositif découverte des
métiers, détection et prise en charge des élèves en décrochage).
Pour autant, les maquettes de formation ne comportent pas de formation
obligatoire sur ce sujet. Il est indispensable de modifier en ce sens le cahier des
charges des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation
(INSPE). L’INSPE de Lille a ainsi développé un module optionnel de 30 heures
d’
«
 
orientation et inclusion
 
»
, proposé en Master 1 depuis 2020. Un diplôme
universitaire
«
 
Éducation et coopération pour l’orientation réussie des élèves
 
»
y est également proposé aux professionnels de l’éducation et de la formation
(10 participants en 2023). Les programmes académiques de formation sur les
26.
Cour des comptes,
Les médecins et les personnels de santé scolaire, 2020 ; La pédopsychiatrie
, 2023 ;
IGESR,
Les psychologues de l’Education nationale de la spécialité éducation, développement et conseil
en orientation scolaire et professionnelle
,
2024.
27.
Même si aucune disposition règlementaire ne quantifie le volume horaire de la mission de professeur
principal.
28.
Dispositif permettant de rémunérer des missions complémentaires que les agents réalisent sur la base
du volontariat. Les missions sont quantifiées en heures ou de manière forfaitaire.
sujets d’orientation ne permettent pas de combler cette lacune
29
. La mission
d’orientation doit être mieux accompagnée et prise en compte lors des évaluations
par les inspecteurs pédagogiques disciplinaires
30
. La participation d’un inspecteur
de l’éducation nationale chargé de l’information et de l’orientation pourrait y
contribuer.
Les évolutions, majeures et fréquentes, du cadre législatif et règlementaire (réforme
du lycée en 2018, du lycée professionnel en 2019, loi orientation et réussite des
étudiants en 2018, réforme de l’accès aux études de santé
31
etc.) et la mise en
œuvre de nouveaux dispositifs (découverte des métiers en cinquième, stage de
seconde etc.) renforcent la nécessité de mettre en place un accompagnement
des enseignants. Cette instabilité, difficile à assumer par ces derniers, constitue
également une difficulté supplémentaire pour les élèves et les familles moins
favorisées.
Deux outils sont en cours de développement pour appuyer l’action des enseignants.
Le programme
Avenir(s)
, développé par l’Onisep dans le cadre du Programme
d’investissements d’avenir (PIA), est doté de 20 M€ sur 10 ans (pour le volet
enseignement scolaire). Il vise à constituer l’ossature de l’outillage pédagogique
à l’attention des équipes éducatives et des élèves. Une première version a été
déployée en novembre 2024. Il s’agit à la fois d’une plateforme d’éducation et
d’accompagnement aux choix permettant de structurer la progression du travail
pendant les heures consacrées à l’orientation et d’un
portfolio
permettant à l’élève
de conserver ses traces d’apprentissage, rencontres, idées, projets et compétences.
Un site public national d’aide à l’orientation existe dans de nombreux pays
32
.
Cependant le niveau d’ambition élevé du projet
Avenir(s)
crée une incertitude
technique et politique vis-à-vis des régions qui ont, elles aussi, développé des
sites dans le cadre de leur compétence d’information sur les formations régionales.
La Cour a recommandé que soit mené un audit complet du programme
Avenir(s)
en 2026
33
.
De son côté, le ministère de l’enseignement supérieur a annoncé le développement
du module
MonProjetSup
pour la rentrée 2024, en lien avec l’Onisep, afin d’ aider
les lycéens à préparer leurs vœux et alimenter le dialogue entre les enseignants,
les élèves et les familles à partir des informations statistiques de Parcoursup.
L’absence de transparence des critères de décision retenus par les établissements
d’enseignement supérieur constitue cependant une caractéristique de
Parcoursup
par rapport aux plateformes comparables d’autres pays.
110
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
29.
Ils ont concerné 7 % des enseignants du second degré, pour moins d’une journée-stagiaire par
enseignant (24 838 journées-stagiaires en 2022-2023, 50 294 journées stagiaires en 2023-2024 pour
notamment la découverte des métiers au collège).
30.
Cour des comptes,
Accès à l’enseignement supérieur : premier bilan de la loi orientation et réussite des
étudiants
.
31. Cour des comptes,
Communication à la commission des affaires sociales du Sénat
, 2024.
32.
Berufswahlpass NRW (bwp-nrw.de) ; https://gouvernement.lu
33.
Cour des comptes,
L’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep),
mars 2024.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
111
2.
Des établissements à la peine
Les directives portant sur l’accompagnement à l’orientation des élèves depuis la
classe de quatrième
jusqu’à la terminale sont ambiguës.
Contrairement au lycée professionnel
34
, les heures correspondantes ne donnent
pas lieu, au collège et au lycée général et technologique, à des moyens fléchés.
Des heures non inscrites au service des enseignants
Aux volumes horaires des enseignements obligatoires applicables
aux élèves s’ajoutent, pour les classes de quatrième et de troisième,
« au moins 10 heures annuelles de vie de classe par niveau, ainsi
que, à titre indicatif, selon les besoins des élèves et les modalités
de l’accompagnement à l’orientation mises en place dans l’établissement,
12 heures annuelles d’accompagnement à l’orientation en classe de
quatrième et 36 heures annuelles en classe de troisième
»
(arrêté du
10 avril 2019) et, pour les classes de seconde, première et terminale
des lycées généraux et technologiques et des lycées agricoles,
« 54 heures, à titre indicatif, selon les besoins des élèves et les
modalités de l’accompagnement à l’orientation mises en place dans
l’établissement  » (arrêtés du 16 juillet 2018).
Aussi sont-elles perçues dans les établissements comme non financées et non
obligatoires. Les professeurs principaux consacrent souvent à l’orientation une
partie de l’heure bimensuelle de vie de classe. Certains établissements peuvent
décider de compléter ces heures sur leur marge d’autonomie mais la réalité des
heures ainsi mobilisées pour les élèves est éloignée de la cible, comme la Cour
et de nombreux rapports sur l’orientation l’ont déjà relevé, et ne peut couvrir le
besoin d’accompagnement individuel des jeunes.
Les dépenses correspondant à la part modulable de l’indemnité de suivi et
d’orientation des élèves (ISOE) versée pour la fonction de professeur principal
ou référent en collège et lycée général et technologique sont estimées à 233 M€
en 2023. Si l’on admet que la moitié de ce temps est consacré à l’orientation, cela
correspond à un montant de 116,5 M€.
Dans sa communication au Parlement de février 2020 dressant un premier bilan de
la loi orientation et réussite des étudiants, la Cour a déjà recommandé au ministère
de l’éducation nationale d’inscrire un nombre d’heures annuelles consacrées à la
mission d’orientation dans les obligations de service des professeurs chargés à titre
34. Arrêté du 22 janvier 2024 : 91 heures de soutien au parcours sur trois ans auxquelles s’ajoutent deux
parcours différenciés de six semaines en terminale en vue de l’insertion professionnelle ou de la poursuite
d’études.
principal de l’orientation, s’ajoutant aux heures d’enseignement, en contrepartie
d’une augmentation de leur rémunération. Le besoin de financement complémentaire
qui permettrait de financer l’horaire spécifique pour l’orientation au collège et dans
les lycées généraux et technologiques, est estimé à 185 M€ ou 309 M€ selon le
dispositif de rémunération retenu pour être attractif
35
.
L’hypothèse d’un horaire allégé au lycée mais qui inclurait aussi la classe de
cinquième
36
coûterait 81 M€ au collège et 53 M€ au lycée général et technologique,
soit 134 M€ ou 224 M€ selon la modalité de rémunération. Il permettrait de sécuriser
ces heures en les inscrivant dans l’emploi du temps du professeur principal ou référent
concerné. Une rationalisation des implantations des CIO permettrait de financer une
partie de ces mesures
(cf. infra
).
En termes d’organisation, le code de l’éducation (article D. 331-26) dispose que
«
 
l’information prend place pendant le temps de présence des élèves dans l’établis-
sement scolaire et fait l’objet d’un programme annuel ou pluriannuel élaboré en lien
avec la région et approuvé par le conseil d’administration sur proposition du chef
d’établissement
 
»
. La plupart des établissements visités par la Cour dans le cadre
de l’enquête ne disposaient pas d’un tel programme. En 2022, seuls 44,2 %
des établissements déclaraient participer aux deux semaines de l’orientation
instituées depuis la loi ORE. Le rôle des différents acteurs – conseillers principaux
d’éducation (CPE), professeurs documentalistes, référents des métiers, assistantes
sociales – varie en fonction des établissements et des personnes.
Pour nombre de chefs d’établissement, l’absence de moyens fléchés et la charge
de travail expliquent la difficulté à prendre en charge véritablement le volet
orientation. Le chef d’établissement devrait pouvoir s’appuyer sur un coordon-
nateur, relai privilégié de l’information auprès du chef d’établissement et des
professeurs-principaux et référents. Ce dernier pourrait être, au collège, le
référent
«
 
découverte des métiers
 
»
et, dans les lycées professionnels, le référent
«
 
bureau des entreprises »
. Un autre référent pourrait être prévu également dans
les lycées de la voie générale et technologique.
La création, dans la gouvernance des collèges et lycées, d’une instance consacrée
à l’orientation, incluant les représentants des parents et du monde économique
et associatif, permettrait de mieux ancrer les actions des établissements dans
leur territoire. Elle s’appuierait notamment sur le rapport d’auto-évaluation et
l’évaluation externe des établissements dans le cadre de la démarche pilotée par
le Conseil d’évaluation de l’école.
112
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
35.
Le dispositif des heures supplémentaires annuelles prévoit une rémunération de 1 500 € par an pour
36 heures, soit 41,7 € par heure. Il pourrait être insuffisamment attractif par rapport au dispositif du Pacte
équivalent à un remplacement de courte durée (1 250 € pour 18 heures, soit 69,4 € par heure).
36.
Par exemple au collège : 12 heures par an en 5
ème
et en 4
ème
, 36 heures en 3
ème
 ; au LGT : 18 heures par an
en 2
nde
et en 1
ère
 ; 36 heures en Terminale.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
113
En Finlande, l’orientation au cœur des programmes scolaires
En Finlande, l’accès à l’orientation professionnelle est inclus dans le
programme scolaire. Il représente 76 heures d’enseignements par année
scolaire au collège, réalisés avec l’appui de conseillers pédagogiques
spécialisés. En primaire et jusqu’à la 6
ème
, il est enseigné par les
maîtres. Le temps obligatoire consacré à l’éducation à l’orientation au
lycée d’enseignement général s’élève également à 76 heures. Dans
l’enseignement et la formation professionnels, l’éducation à l’orientation
est intégrée dans toutes les matières professionnelles.
Chaque école doit fournir un programme d’orientation professionnelle,
avec la répartition des missions auprès des membres du personnel et une
description de la façon dont le marché du travail local et le monde des
entreprises sont intégrés à l’école.
Parmi les composantes essentielles de cette collaboration figurent des
interventions des acteurs du marché du travail dans les écoles, des visites
dans le milieu professionnel, des projets en classe, l’utilisation de matériel
d’information sur les différents secteurs et la mise en place d’immersions
dans la vie active.
C.
Une nécessaire clarification de la répartition
des compétences entre l’État et les régions
La répartition actuelle des compétences entre l’État et les régions prête à confusion.
Depuis la loi du 5 mars 2014 sur la sécurisation des parcours professionnels, les
régions ont la responsabilité de la coordination et de l’animation de la mise en
œuvre des politiques d’orientation tout au long de la vie pour le public adulte.
Leur compétence pour les publics scolaires, étudiants, apprentis et universitaires
se limite à l’information sur les métiers et les formations.
En outre, la loi prévoit que « 
la région organise des actions d’information »,
et non
«
 les actions d’information
 ». Le transfert de compétence n’est donc pas « plein et
entier ». Cette limitation est aujourd’hui mise en avant pour expliquer les difficultés
rencontrées par certaines régions pour travailler avec les établissements scolaires.
114
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Un croisement des compétences entre orientation et information,
public adulte et publics scolaires
Aux termes de l’article L. 6111-3 I du code du travail,
«L’État et les
régions assurent le service public de l’orientation tout au long de la vie
et garantissent à tous les jeunes l’accès à une information généraliste,
objective, fiable et de qualité ayant trait à tous les aspects de leur vie
quotidienne. L’État définit, au niveau national, la politique d’orientation
des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les
établissements d’enseignement supérieur (…). La région organise des actions
d’information sur les métiers et les formations aux niveaux régional, national
et européen ainsi que sur la mixité des métiers et l’égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes en direction des élèves et de leurs familles,
des apprentis ainsi que des étudiants, notamment dans les établissements
scolaires et universitaires »
.
Le transfert plein et entier de la compétence « orientation », revendiqué par
Régions de France, impliquerait de leur confier des décisions d’ordre pédagogique
(décisions d’orientation et d’affectation) qui incombent à l’État. Une clarification
de la responsabilité des régions s’impose.
Chaque région a progressivement mis en place une organisation et défini une
stratégie, destinée en particulier aux zones rurales et aux quartiers prioritaires
de la politique de la ville. Trois régions ont créé une agence régionale de l’orienta-
tion, distincte de leurs services (Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine,
Île-de-France). La région Normandie
37
et la région académique de Normandie
ont créé un établissement public local, bénéficiant de la mise à disposition
de 10 agents par la région académique. La compétence régionale se décline
autour de quatre types d’action :
L’édition (numérique et papier) de guides régionaux des formations
38
 ;
L’organisation ou le co-financement d’actions d’information sur l’orientation :
salons ou forums étudiants ou professionnels, Olympiades,
Worldskills
39
, etc. ;
La mise en place d’un réseau d’ambassadeurs métier et le référencement de
partenaires habilités à intervenir sur demande dans les établissements scolaires ;
La mise en place de divers outils : plateforme de conseil de premier niveau,
banque de stages ou conventions de stages, bus de l’orientation, casques
virtuels de découverte des métiers, etc..
37.
Cf. rapport à paraître de la chambre régionale des comptes (CRC) de Normandie sur cet établissement.
38.
« 
Après la troisième
 », « 
Après le bac
 », « 
Après la troisième Segpa
 » (section d’enseignement général et
professionnel adapté), « 
Apprentissage
 », « 
Métiers de la santé
 », etc.
39.
Compétition internationale visant à promouvoir la formation professionnelle et les compétences
techniques et manuelles des jeunes afin de valoriser les différents métiers.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
115
Par exemple, l’Agence régionale d’orientation de Normandie a intégré les plateformes
de stages des départements de la Manche et de Seine-Maritime et a enrichi de
700 stages d’observation les plateformes
«
 
1 jeune 1 solution
 
»
et
Destination métier
.
En lien avec les régions académiques de l’Éducation nationale et les entreprises,
certaines régions développent vis-à-vis des enseignants des actions d’information
et de formation sur la structure de l’emploi local, les filières et les métiers. La
diversification des modalités de communication envers les parents en dehors
des établissements scolaires, par les régions ou communautés d’agglomération,
constitue une piste intéressante à développer (soirées des parents, orientibus,
« 
les métiers en tournée
 », etc.).
Le travail en synergie avec l’institution scolaire reste néanmoins à développer.
En 2022, seulement 22 % des collèges et lycées déclaraient avoir recours aux
ressources régionales documentaires et 11,8 % aux dispositifs régionaux
40
.
Modalités du pilotage partagé entre la région académique et la région
Nouvelle-Aquitaine 
Afin d’accompagner la généralisation de la découverte des métiers au
collège, un projet de charte régionale pour la rentrée 2024 vise à engager
les services de l’État, la région, les départements et les acteurs du monde
économique.
La région développe un réseau de
« tiers de confiance »
permettant de
déployer des actions sur les territoires, en ciblant prioritairement les plus
éloignés. Ces tiers seront labellisés conjointement à partir d’un cahier des
charges dont les objectifs sont partagés.
Une convention relative au développement de la voie professionnelle est
prévue pour les années 2024-2027 en faveur de la promotion sociale.
De telles dispositions pourraient constituer un exemple à suivre.
Au total, en plus des 10 600 collèges et lycées, un nombre très important de structures
(estimé à 8 350) accueillent les jeunes en recherche d’information et de conseil sur
l’orientation : CIO (411), bureaux Information Jeunesse (1 100), missions locales
(6 838), auxquelles s’ajoutent les structures mises en place par les régions (maisons
de l’orientation, Orientibus), les points d’accueil des chambres consulaires etc.. On
ne retrouve pas toujours à l’étranger cette séparation entre les réseaux scolaires et
ceux de l’emploi. Une mise en synergie et en visibilité par une signalétique partagée
faciliterait leur identification par le public, les élèves et leurs familles et améliorerait
l’efficience du système.
40.
Enquête Dgesco.
116
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Le bassin d’éducation et de formation apparaît comme le niveau pertinent pour
que les acteurs se connaissent et travaillent de manière harmonisée. Un trinôme
constitué par l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de l’information et de
l’orientation, le chef d’établissement coordonnateur du bassin et l’animateur ter-
ritorial de la collectivité régionale
41
pourrait articuler au plan local les actions et
le calendrier à partir d’objectifs définis par les deux autorités régionales, et faire le
lien avec le comité local école-entreprise, coanimé par un chef d’établissement et
un responsable d’entreprise.
En Allemagne, une action combinée des conseillers d’orientation
des établissements scolaires et universitaires et de l’agence de l’emploi
En Allemagne, l’organisation de l’orientation suit un schéma décentralisé
avec une responsabilité partagée entre le Gouvernement fédéral, les
Länder et les municipalités :
L’
« introduction au monde du travail et à l’emploi »
a été rendue obligatoire
en 2014 dans l’ensemble des programmes d’éducation, sous la forme
d’une discipline spécifique (
Arbeitslehre
) ou intégrée dans les matières
existantes.
Un conseil individuel est organisé sur plusieurs années durant lesquelles
sont analysés les centres d’intérêt et les vœux des élèves, en lien avec les
perspectives et possibilités qui s’offrent à eux.
Il ressort de cet ensemble d’éléments que les moyens consacrés à l’orientation
sont importants mais peu lisibles du fait de leur dispersion.
Les moyens de l’ensemble des réseaux publics, estimés de manière analytique et
exploratoire, forment un effectif proche de 8 000 équivalents temps plein et un
coût de l’ordre de 400 M€, sans inclure les missions de lutte contre le décrochage
scolaire ni les missions locales. En les incluant, le total avoisinerait 10 000 équiva-
lents temps plein (ETP) et 500 M€.
Cette dépense n’inclut pas les moyens, qu’il n’a pas été possible de chiffrer,
des communautés d’agglomération et des départements, qui subventionnent
de nombreux événements ou associations, ni les dépenses des ménages et des
entreprises (défraiement de collaborateurs, coûts d’organisation ou de participation
à des salons, etc.).
41.
Six référents territoriaux dans les Hauts-de-France, soit un par département et deux pour le Nord, 10 en
Normandie, soit un par bassin, 17 chargés d’animation territoriale par projet en Nouvelle-Aquitaine.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
117
D.
Une transformation indispensable de l’offre
de formation professionnelle
L’offre de formation sur un territoire donné détermine pour une large part l’orien-
tation des jeunes
42
. Dans l’enseignement secondaire, cet effet structurant est
particulièrement fort dans la voie professionnelle, étant donné la diversité des
formations proposées. Or le taux d’emploi à six mois des diplômés du baccalauréat
professionnel sortis en 2022 n’est que de 48 % et de 33 % pour les diplômés du
CAP. Pour les apprentis diplômés, ces taux sont respectivement de 73 % et 67 %
mais présentent de grandes variations par filière, par territoire et par établisse-
ment. L’évolution du contenu (niveau et type de spécialisation) et de la qualité de
l’offre de formation, pour permettre une meilleure insertion des jeunes en lien
avec les besoins des territoires, constitue donc une priorité en termes d’équité et
d’utilité économique.
L’application
Inserjeunes
43
, développée à la suite de l’entrée en vigueur de la loi
du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, vise à
éclairer les jeunes et les familles sur les taux de poursuite d’études et les taux
d’insertion, par filière et par établissement, par la voie scolaire et en apprentissage.
Mais la proximité et la mobilité constituent des éléments déterminants du choix
d’orientation du fait de la jeunesse des élèves à ce stade de leur parcours
44
. Chaque
formation doit donc permettre une sortie positive, insertion ou poursuite d’études.
Dans le cadre de la réforme du lycée professionnel, qui est une politique prioritaire
du Gouvernement, une circulaire interministérielle du 13 juillet 2023 a fixé l’objectif
de transformer un quart de l’offre de formation d’ici 2026, soit 6 % par an entre les
rentrées de 2023 à 2026.
En dépit du regroupement de certains diplômes par familles de spécialités, l’offre de
formation est en effet peu lisible, avec 363 diplômes de formations professionnelles
45
.
Le libellé de certaines familles de métiers en seconde professionnelle est à l’origine
d’incompréhensions et de désillusions des lycéens
46
. L’évolution rapide des métiers
et des technologies plaide pour une simplification de la nomenclature des diplômes
et le développement des compétences transversales
47
.
42.
Cour des comptes,
L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins scolaires selon les académies,
communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale, septembre 2012.
43. Développée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) et la direction
de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), elle croise les fichiers de sortants des
formations professionnelles CAP, bac pro, BTS et les déclarations des employeurs.
44.
74 % des élèves sous statut scolaire entrant en première année de bac professionnel et 49 % des élèves
entrant en première année de CAP ont 15 ans et moins.
45.
185 diplômes pour le CAP, 105 pour le bac professionnel, 25 pour le brevet des métiers d’art, 48 pour le
brevet professionnel.
46.
Par exemple, REMI (Réalisation des ensembles mécaniques industriels), évoque la mécanique alors qu’il
s’agit de chaudronnerie et d’usinage.
47.
Cf. IGESR,
Les compétences psychosociales en lycée professionnel,
juin 2024.
118
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Enfin, l’affectation dépend des capacités disponibles. Ainsi, 25 % à 30 % des élèves
n’obtiennent pas leur premier vœu
48
, ce qui peut renforcer le sentiment d’orientation
subie. Ils peuvent aussi rester non affectés
49
. Ils sont affectés après la rentrée en
fonction des places libérées (abandons), ou en seconde générale et technologique
(GT), ou pris en charge par la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS),
voire placés en redoublement en troisième. L’apprentissage, à partir de 16 ans,
représente une solution pour de nombreux jeunes. La proportion d’apprentis est
de 17 % de l’effectif en formations professionnelles après la 3
ème
mais double à
35% pour l’ensemble de niveau lycée.
La baisse prévue des effectifs de lycéens à partir de 2028 offre l’opportunité
de conduire cette transformation, en incluant les perspectives relatives à
l’apprentissage.
Le concept des campus des métiers et des qualifications vise à dynamiser
l’attractivité et l’innovation de 12 filières économiques d’avenir en favorisant
les relations entre les membres du réseau, établissements d’enseignement et
entreprises. Ils illustrent l’articulation entre offre de formation et orientation.
Leur impact est cependant très variable et globalement peu perceptible dans
les établissements visités. Un premier bilan, établi en 2017 par l’Igas et l’IGESR,
n’avait pas pu mesurer la plus-value de ces dispositifs. Le renouvellement du
label constitue pour chacun l’opportunité d’une réflexion renouvelée.
Aérocampus Aquitaine : un exemple probant pour développer l’attractivité,
l’employabilité et le rayonnement de la filière
Créé sous forme d’association avec un investissement initial de 25 M€,
Aérocampus Aquitaine (Gironde) dispose d’un budget de 10 M€ et
rassemble 20 écoles et centres de formation et 300 salariés Il a accueilli
277 jeunes à la rentrée 2023, scolaires et apprentis, bac pro et brevet de
technicien supérieur (BTS), avec 97 % de réussite aux examens, dont 82 %
avec mention. Il reçoit 2 150 élèves au titre des
« Cordées de la réussite »
.
48.
71,1 % des élèves de troisième sont affectés conformément à leur premier vœu dans les filières
production (moyenne nationale 2021-2023) et 74,3 % dans les filières des services.
49.
11 807 élèves ne pouvaient être admis en première année de voie professionnelle le jour de la rentrée
2023, dont 47 % dans quatre académies (Aix-Marseille, Versailles, Lyon, Créteil).
119
Conclusion et
recommandations
Malgré de nombreuses mesures prises en faveur de l’« ouverture
des possibles », l’orientation, appuyée sur les résultats scolaires,
reste marquée par de forts déterminismes sociaux, territoriaux et
de genre.
L’éducation à l’orientation prévue dès le collège peine à se mettre
en place car les enseignants, à qui cette mission a été confiée, ne
reçoivent pas la formation initiale nécessaire et peu de formation
continue.
Les heures prévues pour l’orientation doivent se concrétiser et
le pilotage en établissement doit être renforcé afin de permettre
un réel accompagnement des élèves et des parents, selon leurs
besoins.
La répartition des compétences entre l’État et les régions doit
être clarifiée. Une articulation des acteurs doit être recherchée au
niveau local pour assurer une meilleure accessibilité et la mise en
synergie des actions.
Enfin, l’orientation ne peut être dissociée de l’offre de formation,
qui doit s’adapter localement aux besoins de l’économie et de
la société pour offrir à chaque jeune un parcours d’insertion.
Cet effort de transformation requiert un pilotage politique et
stratégique fort au niveau régional.
Une organisation renouvelée des parcours pourrait
être expérimentée, rapprochant les voies générale, technologique
et professionnelle, et intégrant la réflexion sur l’apprentissage,
sans gommer les spécificités des enseignements à caractère plus
académique et des enseignements à caractère plus concret.
L’ORIENTATION AU COLLÈGE ET AU LYCÉE
Dans ce contexte, la Cour formule les recommandations
suivantes :
1.
insérer dans les maquettes de formation initiale des
enseignants un module obligatoire sur la compétence
orientation
(ministère de l’éducation nationale, Instituts
nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) 
;
2.
adapter l’emploi du temps des professeurs principaux
ou référents pour leur permettre d’assurer leur mission
d’orientation
(ministère de l’éducation nationale)
 ;
3.
expérimenter avec une ou plusieurs régions
volontaires un rapprochement entre les voies du
lycée, professionnelle, technologique et générale
(ministère de l’éducation nationale, régions).
120
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
121
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse de la ministre d
État, ministre de l
éducation nationale,
de l
enseignement supérieur et de la recherche
.......................................................
121
Réponse de la présidente de l’Association
Régions de France
............................................................................................................
126
Réponse de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale,
de l’enseignement supérieur et de la recherche
Par lettre en référence, vous m’avez adressé un chapitre destiné à figurer dans le
rapport public annuel 2025 de la Cour des comptes.
À titre liminaire, il importe de signaler qu’une concertation nationale sur l’orientation
a été annoncée le 28 novembre 2024. Elle s’achèvera à la fin du mois de mars 2025.
Ses deux objectifs principaux sont de faire de la politique d’orientation un levier
de réussite et d’égalité des chances et de permettre aux élèves de faire des choix
éclairés pour leur avenir. Organisée au niveau national et académique, elle porte
sur l’orientation au collège et au lycée. Elle associe tous les acteurs (ministère de
l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, régions,
élèves et parents d’élèves, acteurs économiques, Office national d’information sur
les enseignements et les professions – Onisep notamment) et doit permettre de
formuler des propositions concrètes.
Je rappelle également l’importance du programme
« Avenir(s) »
, coordonné par
l’Onisep, en lien avec son ministère de tutelle. D’une durée de 10 ans et financé
à hauteur de 30 millions d’euros dans le cadre de France 2030, ce programme
articule trois projets :
-
une plateforme numérique d’éducation à l’orientation et d’accompagnement à
la construction des projets d’avenir, interopérable avec les outils d’affectation
(Affelnet-lycée et Parcoursup), et mise à disposition des élèves de la cinquième
à la terminale depuis la mi-décembre. Six millions de comptes utilisateurs
(élèves, enseignants) pourront ainsi être activés ;
-
deux portfolios de compétences (enseignement scolaire et enseignement
supérieur) permettant aux jeunes de conserver les acquis de leurs compétences ;
-
un outil de développement des compétences du 21
ème
siècle, permettant de
prendre conscience de leur importance dans une trajectoire d’orientation
réussie.
Avenir(s) doit permettre de déployer un service public national, gratuit, exhaustif
et égalitaire de l’orientation à destination des élèves, des étudiants et de leurs
familles. La plate-forme sera le portail permettant de réaliser cette ambition :
l’accès à une information qualitative complète (intégrant les informations portées
par les régions) pour assurer l’orientation de chaque élève vers les formations
adaptées à son projet professionnel, dans le cadre d’un parcours usager fluide.
Par ailleurs, je relève que la Cour souligne indirectement les résultats du système
d’orientation français en mentionnant (note de bas de page n° 49) que, parmi les
élèves qui demandent la voie professionnelle, 71,1 % obtiennent leur premier
vœu dans les filières de production après la classe de troisième et 74,3 % dans les
filières des services. Ce résultat, au profit d’un nombre considérable d’élèves, est à
mettre en regard de l’important travail conduit par les équipes éducatives.
Les comparaisons internationales figurant dans ce projet de chapitre permettent
de s’interroger sur l’efficacité des organisations, mais relativement peu sur
les différences de politiques publiques d’orientation suivies dans chaque pays.
La Suisse et l’Allemagne, exemples évoqués par la Cour, ont des politiques
d’orientation très régulées par l’institution scolaire :
-
en amont, en Allemagne, avec une orientation des élèves à la sortie de l’école
primaire vers deux ou trois types de collège ;
-
en aval, en Suisse, avec un examen du baccalauréat général (la maturité)
très sélectif puisque les élèves doivent avoir la moyenne dans l’ensemble des
disciplines de l’examen qui n’est pas décliné en série.
Parmi les apprenants du second cycle du secondaire, la part de ceux inscrits dans
la voie générale est de 53 % en Allemagne, de 38 % en Suisse et de 60 % en France.
En France, la politique d’orientation est d’abord fondée sur le choix des familles
pour une formation donnée. L’institution scolaire opère une régulation par les
résultats scolaires sur une base large sachant qu’un élève qui obtient la moyenne
(voire moins) en classe de troisième peut accéder au lycée général. De plus, le
système est régulé par la carte des formations qui relève, en grande partie, du
financement des régions. Au-delà des organisations, il convient sans doute
d’interroger la politique d’orientation et de formuler des remarques à cet égard,
notamment sur l’équilibre entre les demandes des familles et la régulation
nécessaire de l’institution.
Si la Cour insiste, avec raison, sur la coordination perfectible des acteurs, il
convient d’insister également sur le fait que les professeurs et les psychologues
de l’éducation nationale relèvent de l’éducation nationale, les plateaux techniques
des régions, et l’apprentissage, des entreprises.
Il y a lieu de souligner également que la réforme des lycées professionnels,
engagée depuis la rentrée 2023, porte l’ambition d’un pilotage à la fois régional
et national de l’offre de formation, avec des objectifs pluriannuels tournés vers
la réussite, et des outils partagés d’analyse et d’aide à la décision entre acteurs.
122
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
À ce titre, la direction générale de l’enseignement scolaire anime les réseaux des
délégations régionales académiques de la formation professionnelle, initiale et
continue et des délégués de région académique à l’information et à l’orientation,
dans la perspective de renforcer le rapprochement de l’orientation et de la carte
des formations.
Au-delà de ces considérations, je souhaite porter à votre connaissance mes
observations sur les trois recommandations formulées par la Cour en conclusion
de son projet de chapitre (I) et sur différentes remarques de ce projet de chapitre (II).
1. Sur les recommandations
La recommandation n° 1 préconise
« d’insérer dans les maquettes de formation
initiale des enseignants un module obligatoire sur la compétence orientation »
.
L’arrêté du 18 juin 2014 fixant les modalités de formation initiale de certains personnels
enseignants et d’éducation de l’enseignement public stagiaires ne mentionne pas
expressément le domaine de l’orientation et renvoie au référentiel de formation annexé
à l’arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein
des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ». Celui-ci
prévoit que l’un des axes de la formation pour les professeurs enseignants du second
degré est de « contribuer à la réalisation des objectifs éducatifs de l’établissement
contenus dans le projet d’établissement avec les acteurs de la communauté scolaire
et les partenaires institutionnels, économiques et associatifs au service de la réussite
du parcours des élèves et de l’accompagnement de leur orientation ». L’objectif est
que l’enseignant puisse apporter sa contribution à l’accompagnement du parcours de
l’élève et à son orientation en coopérant avec les membres de l’équipe éducative et en
instaurant une relation de confiance avec les parents.
Je partage le souci de la Cour de former les personnels d’enseignement et
d’éducation aux biais sociaux et aux biais de genre liés à l’orientation et de leur
accorder une place appropriée dans les maquettes de formation initiale.
De manière plus générale, inclure la connaissance du champ de l’accompagnement
à l’orientation dès la formation initiale des enseignants, comme le recommande la
Cour, est un levier d’amélioration dans ce domaine. Toutefois, cela nécessite une
évolution des maquettes de formation initiale.
La réforme de la formation initiale des enseignants permettra d’ouvrir la réflexion
sur l’évolution de ses contenus en vue d’une meilleure prise en compte de la
dimension de l’orientation.
Par ailleurs, je souhaite rappeler l’effort du ministère de l’éducation nationale en
matière de formation continue concernant l’orientation. Ainsi, en 2023-2024, 50
294 journées de formation ont été consacrées à cette thématique (formation à la
découverte des métiers au collège, notamment).
La recommandation n° 2 invite à
« adapter l’emploi du temps des professeurs
principaux ou référents pour assurer leur mission d’orientation ».
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
123
Il n’est pas envisagé de quantifier le volume horaire des activités liées au service
d’enseignement ou les missions des professeurs principaux ou référents, qui varient
selon le public concerné et la période de l’année au cours de l’année scolaire. Une
telle quantification pourrait être source de rigidité.
En outre, l’accent mis sur l’orientation pourrait s’effectuer au détriment de la
mission de coordination du suivi des élèves qui doit être assurée par les professeurs
principaux et les professeurs référents.
Le dispositif actuel permet de faire intervenir plusieurs catégories de personnels
(en complément des enseignants) selon les besoins identifiés et l’organisation
retenue au sein de chaque établissement public local d’enseignement.
La recommandation n° 3 suggère
« d’expérimenter avec une ou plusieurs régions
volontaires les enjeux et les conditions d’un rapprochement des enseignements
entre les voies du lycée, professionnelle, technologique et générale (ministère de
l’éducation nationale, régions) »
.
Cette recommandation présente un intérêt notamment par l’apport d’une
perspective décloisonnée. Elle pourra être mise en œuvre en veillant à une bonne
articulation entre la direction générale de l’enseignement scolaire et la direction
générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle afin de tirer
profit des impacts potentiels sur les poursuites d’études dans l’enseignement
supérieur.
2. Sur les remarques de la Cour
En écho aux analyses de la Cour soulignant l’importance de lutter contre les
déterminismes sociaux et territoriaux (point I.A), je souhaite signaler la mise
en place d’une expérimentation, prévue par l’article 24 de la loi n° 2023-1268
du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement
territorial des professionnels, qui propose une « option santé » aux élèves de la
voie générale scolarisés dans les lycées implantés dans des déserts médicaux.
Depuis la rentrée 2024, quatre académies (Bordeaux, Toulouse, Montpellier et
Nancy-Metz) dans trois régions académiques ont été sélectionnées pour mener
cette expérimentation, qui concerne les lycéens des voies générale, technologique
(séries sciences et technologies de la santé et du social et sciences et technologies
de laboratoire notamment), et professionnelle (baccalauréat professionnel
accompagnement, soins et services à la personne, en particulier.
MonProjetSup est un module développé par mon ministère et l’Onisep pour
la plateforme Avenir(s). L’enjeu de ce module est de permettre aux lycéens
d’exprimer leurs envies, leur projet, pour leur apporter en retour des suggestions
personnalisées (élaborées grâce à la valorisation des données statistiques de
Parcoursup), dans le souci d’élargir le champ des possibles et d’apporter aux
enseignants des éléments objectifs pour leur dialogue avec l’élève. Ce dialogue
est primordial pour donner confiance aux élèves, éviter les effets d’autocensure et
ajuster au mieux leurs attentes à leur situation personnelle. Ces nouveaux services
124
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
125
sont proposés aux lycéens et aux enseignants du lycée depuis le premier trimestre
2024-2025,
via
la plateforme Avenir(s) de l’Onisep.
S’agissant des personnels chargés d’une mission d’éducation à l’orientation (point
II.B), les dispositions statutaires (décret n° 2017-120 du 1
er
février 2017) prévoient
un rôle important en matière d’orientation pour les psychologues de l’éducation
nationale de la spécialité éducation, développement et conseil en orientation
scolaire et professionnelle (EDO). Toutefois, compte tenu des rendements des
concours ces dernières années, du développement de l’école inclusive, de la
dégradation de la santé mentale des élèves depuis la crise sanitaire et de la lutte
contre le harcèlement scolaire, la charge de travail des psychologues de l’éducation
nationale s’est accrue. Ils consacrent ainsi une part croissante de leur temps pour
accompagner et participer au développement des élèves présentant des signes de
souffrance psychique et des élèves en situation de handicap, en complément de
leurs autres missions et en lien avec les équipes éducatives.
Les rôles des professeurs principaux et des professeurs référents sont précisés par
l’article D. 421-49-1 du code de l’éducation, qui prévoit : « Le professeur principal
d’une classe ou le professeur référent de groupe d’élèves assure une tâche de
coordination tant du suivi des élèves que de la préparation de leur orientation, en
liaison avec les psychologues de l’éducation nationale, et en concertation avec les
parents d’élèves ».
Tous les professeurs exercent en outre un rôle en matière d’orientation : l’article 2
du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations règlementaires de
service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement
d’enseignement du second degré prévoit que les activités liées au service
d’enseignement comprennent « le conseil aux élèves dans le choix de leur projet
d’orientation en collaboration avec les personnels d’éducation et d’orientation ».
Parmi les missions complémentaires ouvertes au titre du Pacte enseignant figure
la mission
« accompagnement vers l’emploi »
.
S’agissant de la répartition des compétences entre l’État et les régions en matière
d’orientation (point II.C), je rappelle que la région a une compétence d’information
sur les métiers et les formations. L’article L. 6111-3-1 du code du travail dispose
notamment, qu’avec le concours de l’Onisep, la région élabore la documentation
de portée régionale sur les enseignements et les professions et, en lien avec les
services de l’État, diffuse l’information et la met à disposition des établissements
de l’enseignement scolaire et supérieur.
Par ailleurs, le cadre national de référence pour l’orientation du 28 mai 2019, qui
prévoit la mise en œuvre des compétences de l’État et des régions en matière
d’information et d’orientation pour les publics (scolaire, étudiant et apprenti),
prévoit que
« L’État et les régions s’accordent pour garantir (…) leur rôle conjoint
d’information auprès de tous les publics »
.
126
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Réponse de la présidente de l’Association Régions de France
Vous avez bien voulu me faire parvenir le chapitre du rapport annuel 2025 de la
Cour des Comptes portant sur l’orientation au collège et au lycée. Le chapitre
appelle les réponses suivantes de la part de Régions de France.
La Cour a raison de constater d’emblée que la loi du 5 septembre 2018 pour la
liberté de choisir son avenir professionnel n’a pas permis d’aboutir à une situation
claire sur l’information à l’orientation, en partageant la compétence entre les
régions académiques et les régions.
Nous souscrivons au constat que vous faites sur « le manque de repères » qui est
celui des jeunes et des parents face à « une offre de formation foisonnante, aux
règles du jeu opaques et instables ».
La description dans la première partie des enjeux de l’orientation, à partir
des objectifs définis en 2019 dans le cadre national de référence État-régions,
correspond à la réalité vécue dans les régions. Lutter contre les déterminismes
sociaux et territoriaux, concourir à la mixité dans les métiers et à l’égalité
professionnelle, présenter les métiers dans leur diversité et prévenir le décrochage
scolaire sont toujours les objectifs qui sous-tendent notre action commune.
Les régions partagent aussi votre constat sur l’émergence ces dernières années
d’une multitude d’intervenants privés face au besoin d’accompagnement non
satisfait par le système éducatif, et qui accroit les inégalités entre les jeunes.
Pour les régions, la solution réside dans une clarification des compétences
qui passe par la révision de la loi du 5 septembre 2018. On peut le lire dans le
rapport :
« une clarification de la responsabilité des régions s’impose »
. Par contre,
les régions contestent votre analyse selon laquelle le transfert plein et entier de
la compétence qu’elles demandent impliquerait de leur attribuer la responsabilité
des décisions d’orientation et d’affectation des élèves.
La compétence pleine et entière qu’elles appellent de leurs vœux sur l’orientation
et l’information métiers ne les conduit pas à demander à exercer la mission
qui est celle de l’Éducation nationale. C’est le rôle du ministère et celui de ces
personnels de concevoir les approches éducatives qui favorisent les choix éclairés,
d’accompagner les élèves dans l’élaboration de ces choix et leur expression. Il est
tout aussi cohérent que l’État garde la main sur les affectations des jeunes
via
ses
outils Affelnet et Parcoursup, même si les régions conservent le dernier mot sur
la carte des formations professionnelles.
Une première clarification très simple pourrait déjà intervenir dans le code du travail
et son article L6111-3 selon lequel la région organise « des actions d’information
sur les métiers et les formations aux niveaux régional, national et européen ainsi
que sur la mixité des métiers et l’égalité professionnelle entre les femmes et les
hommes en direction des élèves et de leurs familles, des apprentis ainsi que des
étudiants, notamment dans les établissements scolaires et universitaires ». Il
suffirait de remplacer « des actions » par « les actions » pour lever une ambiguïté et
ainsi commencer à clarifier les responsabilités des régions et de l’État en la matière.
Illustration de la confusion des compétences entre l’État et les régions, la
plateforme Avenir(s) développée par l’ONISEP que vous évoquez fait doublon
avec la compétence régionale sur l’information métiers. Elle rendra invisibles les
sites que toutes les régions ont développés dans le cadre de leur compétence
depuis 2018. Après avoir demandé en vain pendant un an aux ministres de tutelle
de l’ONISEP de coconstruire cette plateforme, les régions viennent seulement
d’entamer il y a quelques jours un travail de fond avec l’État pour rechercher des
solutions techniques et permettre l’interaction des plateformes. Dans l’attente
de la conclusion de ce travail, elles ont demandé aux ministres de suspendre le
déploiement d’Avenir(s) dans les collèges et lycées.
Par ailleurs, la compétence pleine et entière qui est la demande unanime des
régions requiert le transfert global des missions et des moyens nécessaires
pour exercer celle-ci, comme proposé dans leur Livre blanc de mars 2022.
L’action des régions sur l’orientation et l’information métiers repose aujourd’hui
sur un volontarisme budgétaire insoutenable et anormal au regard des enjeux
d’orientation de l’ensemble des publics cibles.
Parmi les personnels à transférer, les régions identifient les équipes des
directions territoriales ONISEP et les directeurs de CIO. Du côté des DTONISEP
cela représente 95 ETP tout au plus sur l’ensemble du territoire, soit 5 à 10 ETP
par région. Un premier pas serait la mise en œuvre de la recommandation de
votre rapport de mars 2024 sur la suppression des 17 postes de DTONISEP. Ces
professionnels pourraient apporter un soutien essentiel à la région dans les points
d’accueil locaux (maisons de l’orientation, espaces régionaux d’information de
proximité…), nécessaires à la territorialisation de l’action en matière d’information
et d’orientation.
Quant aux moyens budgétaires nécessaires à la mise en œuvre de la compétence,
les régions demandent la compensation des sommes engagées pour l’information
à l’orientation des publics scolaires, étudiant et apprentis, en application de la loi
du 5 septembre 2018.
L’enveloppe de 8 M€ transférée aux 18 régions au titre de la loi de 2018 pour
le transfert de la compétence des DT-ONISEP sur l’information territorialisée
sur les métiers est très insuffisante au regard de leur engagement dans cette
compétence, qui s’élève au total à plus de 170 M€ en 2024 en intégrant leurs
actions, le financement des structures AIO et des Carif-Oref. Ce total s’entend
hors rémunération des personnels.
Plusieurs facteurs expliquent cet écart. La loi conduit à calculer le montant du
transfert sur la base du coût du « pieds de corps », soit le montant équivalent
au salaire d’agents de catégories équivalentes, mais sans tenir compte de leur
ancienneté. Cela a conduit à estimer à la baisse les moyens financiers à transférer.
Les régions ont dû compenser avec leurs fonds propres pour assurer la mission
puisque le transfert correspond en moyenne à un tiers des effectifs réellement
mobilisés pour assurer la mission qui leur a été confiée.
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
127
128
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Par ailleurs, certaines conventions de transfert de compétences ne semblent pas
avoir été respectées. À titre d’exemple, en Nouvelle-Aquitaine, si la convention
régionale de déclinaison de la compétence prévoyait 30 % du temps de travail
des directeurs de CIO consacrés aux travaux des régions sous leur autorité
fonctionnelle, cela ne semble pas avoir été mis en œuvre par l’État à date.
Qui plus est les moyens dédiés aux CIO étant en baisse structurelle et les PsyEN
étant de plus en plus mobilisés sur de l’accompagnement psychosocial, l’institution
se retrouve à accompagner l’affectation scolaire, plus que l’orientation. Cet effort
d’accompagnement, pour le public scolaire, se déporte de fait vers les régions,
sans moyens additionnels alloués.
En résumé, Régions de France forme le vœu que votre rapport annuel contribuera
à ouvrir les yeux du gouvernement et du Parlement sur la clarification de la
compétence que la Cour esquisse dans ce chapitre.
Il est regrettable que vous n’ayez pas formulé de recommandation sur ce sujet
essentiel pour l’ensemble des acteurs de l’orientation et en premier lieu pour les
jeunes et les familles qui aujourd’hui ne savent souvent pas à qui s’adresser pour
construire leur projet.
Enfin, nous souscrivons à votre recommandation d’expérimenter avec les régions
volontaires les conditions d’un rapprochement des enseignements entre les voies
du lycée, professionnelle, technologique et générale. Nous partageons votre
constat sur l’inadéquation entre orientation scolaire et besoins de formation
« réels » des territoires. La transformation de la carte des formations en lien avec
la réforme de la voie professionnelle peut constituer une réponse mais n’est pas
la seule.
Tels sont les éléments de réponse dont je souhaitais vous faire part au nom de
Régions de France à la lecture du chapitre.