Sort by *
Cour
des
comptes
Le
Premier
Président
Le
7
novembre
2024
à
Monsieur
Michel
Barnier,
Premier
Ministre
Copies
:
M.
Laurent
Saint-Martin,
Ministre
auprès
du
Premier
Ministre,
chargé
du
budget
et
des
comptes
publics
M.
Pascal
Mailhos,
Coordonnateur
national
du
renseignement
et
de
la
lutte
contre
le
terrorisme
Réf.
:
S2024-1375
Objet
:
La
fonction
renseignement
de
la
direction
nationale
du
renseignement
et
des
enquêtes
douanières
(DNRED)
En
application
des
dispositions
de
l'article
L.
111-3
du
code
des
juridictions
financières,
la
Cour
a
réalisé
une
enquête
sur
la
fonction
renseignement
de
la
DNRED,
pour
les
exercices
2016
à
2023.
À
l'issue
de
son
contrôle,
la
Cour
m'a
demandé,
en
application
des
dispositions
de
l'article
R.
143-11
du
même
code,
d'appeler
votre
attention
sur
les
observations
et
recommandations
suivantes.
1.
DES
RÉSULTATS
CONTRASTÉS
QUI
APPELLENT
À
UNE
PLUS
GRANDE
SUPERVISION
DE
LA
PART
DES
AUTORITÉS
DE
LA
DNRED
1.1.
Une
contribution
prépondérante
à
la
lutte
contre
le
trafic
de
stupéfiants
Créée
par
l'arrêté
du
1
er
mars
1988,
la
DNRED
est
un
service
à
compétence
nationale,
rattaché
à
la
direction
générale
des
douanes
et
droits
indirects
(DGDDI)
et
chargé
de
mettre
en
oeuvre
la
politique
du
renseignement,
des
contrôles
et
de
lutte
contre
la
fraude.
La
DNRED
emploie
environ
760
agents
et
dispose
de
prérogatives
juridiques
étendues,
sur
la
base
du
code
de
la
sécurité
intérieure
en
tant
que
service
de
renseignement
et
du
code
des
douanes.
Elle
joue
un
rôle
essentiel
en
particulier
dans
la
lutte
contre
le trafic
de
stupéfiants
et
la
criminalité
organisée
associée.
Ainsi,
une
part
prépondérante
des
quantités
de
stupéfiants
saisies
par
la
DGDDI
ont
pour
origine
un
renseignement
en
provenance
de
la
DNRED.
La
Cour
note,
par
ailleurs,
que
la
coopération
de
la
DNRED
avec
l'office
antistupéfiants
(OFAST)
13
rue
Cambon
-
75100
PARIS
CEDEX
01
-
T
+33
1
42
98 95
00
-
www.ccomptes.fr
Cour
des
comptes
-
Référé
S2024-1375
2
/
5
placé
sous
l'autorité
du
directeur
général
de
la
police
nationale
s'est
considérablement
améliorée
par
rapport
à
celle
qui
prévalait
lors
d'un
précédent
contrôle
de
la
Cour
et
qui
avait
donné
lieu
à
un
référé
adressé
par
mon
prédécesseur
au
Premier
ministre,
le
15
novembre
2016.
Si
elle
obtient
des
résultats
probants
en
France
hexagonale
ou
à
l'étranger,
les
moyens
de
la
douane
en
général
apparaissent
insuffisants
dans
la
zone
Antilles
-Guyane
au
regard
du
flux
de
stupéfiants
qui
transite
dans
cette
zone
alors
que
les
menaces
issues
de
la
criminalité
organisée
s'intensifient.
Au-delà
de
ces
résultats
incontestables
dans
la
lutte
contre
les
stupéfiants,
le
contrôle
de
la
Cour
a
montré
que
la
DNRED
traite
de
nombreux
dossiers
(contrôle
des
embargos,
de
la
non-prolifération,
saisies
d'armes.
..),
mais
peine
à
monter
en
charge
sur
les
domaines
dont
elle
est
principalement
responsable
comme
le
blanchiment
lié
à
la
criminalité
organisée
et
la
lutte
contre
la
fraude
fiscale.
Elle
doit
également
renforcer
la
qualité
des
analyses
produites
destinées
à
alimenter
la
communauté
du
renseignement
et
les
autorités
de
la
DNRED
sur
l'état
des
menaces.
La
création
du
centre
d'analyse
stratégique
dans
le
cadre
du
projet
de
transformation
«
VALMY
»
devrait
y
contribuer.
Enfin,
le
pilotage
de
la
DNRED
par
la
DGDDI
et
par
le
cabinet
des
ministres
mérite
d'être
renforcé
afin
de
fixer
de
manière
plus
précise
les
priorités
d'action
du
service,
en
lien
avec
le
coordonnateur
national
du
renseignement
et
de
la
lutte
contre
le
terrorisme,
et
s'assurer
de
leur
mise
en
oeuvre.
1.2.
Une
unité
du
renseignement
fiscal
(URF)
qui
peine
à
se
mettre
en
place
En
mai
2023,
à
l'occasion
de
la
présentation
de
la
feuille
de
route
gouvernementale
de
lutte
contre
toutes
les
fraudes
aux
finances
publiques,
la
DNRED
s'est
vu
fixer
comme
priorité
la
lutte
contre
«
la
fraude
fiscale
grave
et
complexe
et
son
blanchiment
».
Dix-huit
mois
après
l'annonce
de
sa
création,
l'URF
n'est
toujours
pas
opérationnelle
;
cette
unité,
doit
être
composée
d'une
centaine
d'agents
mais
à
ce
jour
seules
trois
fiches
de
postes
ont
été
établies
et
aucun
recrutement
n'est
intervenu.
De
plus,
la
stratégie
de
cette
future
entité
et
ses
rapports
avec
les
autres
services
de
renseignement,
notamment
le
service
du
traitement
du
renseignement
et
action
contre
les
circuits
financiers
(Tracfin),
et
la
direction
générale
des
finances
publiques
(DGFiP),
en
particulier
la
direction
nationale
des
enquêtes
fiscales
(DNEF)
restent
à
définir
Enfin,
le
choix
de
placer
l'URF
au
sein
de
la
DNRED
et
non
à
la
DGFiP
—,
a
été
fait
car
celle-ci,
en
tant
que
service
spécialisé
de
renseignement,
est
habilitée
à
recourir
aux
techniques
de
renseignement
en
application
de
loi
2015-912
du
24
juillet
2015.relative
au
renseignement.
Or,
les
motifs
de
recours
aux
techniques
de
renseignement sont
limitativement
énumérés
à
l'article
L.
811-3
du
code
de
la
sécurité
intérieure
et
ne
comprennent
pas
expressément
la
lutte
contre
la
fraude
fiscale
grave
et
complexe
et
le
blanchiment.
Dès
lors,
sauf
à
modifier
la
loi
sur
le
renseignement
pour
élargir
les
motifs
de
recours,
les
demandes
d'utilisation
de
techniques
de
renseignement
pour
lutter
contre
une
fraude
fiscale
ou
des
opérations
de
blanchiment
présentées
à
la
commission
nationale
de
contrôle
des
techniques
de
renseignement
(CNCTR)
devront
justifier
que
les
renseignements
recherchés
visent
à
combattre
la
criminalité
ou
la
délinquance
organisées.
1.3.
Une
fonction
d'analyse
stratégique
en
matière
de
renseignement
à
raffermir,
pour
mieux
éclairer
les
autorités
de
la
DNRED
La
DNRED
est
engagée
dans
un
projet
de
réorganisation,
dénommé
projet
«
VALMY
».
Parmi
les
différents
volets
qui
composent
ce
plan,
figure
la
création
d'un
centre
d'analyse
stratégique
pour
renforcer
la
qualité
des
analyses
produites
destinées
à
alimenter
la
communauté
du
renseignement
et
les
autorités
de
la
DNRED
sur
l'état
des
menaces.
13
rue
Cambon
-
75100
PARIS
CEDEX
01
-
T
+33
1
42
98 95
00
-
www.ccomptes.fr
Cour
des
comptes
-
Référé
S2024-1375
3
/
5
Au-delà
de
la
nécessité
de
raffermir
cette
fonction,
et
afin
que
la
feuille
de
route
de
la
DNRED,
fixée
par
la
stratégie
nationale
du
renseignement
et
par
le
plan
gouvernemental
de
lutte
contre
la
fraude
fiscale
soit
remplie
de
manière
satisfaisante,
il
convient
que
les
autorités
hiérarchiques
de
la
DNRED
direction
générale
des
douanes
et
cabinets
des
ministres
-
supervisent
plus
étroitement
cette
direction,
en
lui
fixant
des
objectifs
et
des
priorités.
2.
UN
RENFORCEMENT
NÉCESSAIRE
DU
CONTRÔLE
INTERNE
ET
EXTERNE
DE
LA
DNRED
2.1.
En
2016,
une
grave
crise
interne
qui
a
révélé
d'importants
dysfonctionnements
et
dont
les
conséquences
n'ont
pas
été
pleinement
tirées
Entre
2016
et
2020,
la
DNRED
a
été
déstabilisée
du
fait
de
l'implication
de
membres
de
sa
hiérarchie
dans
une
affaire
dite
«
de
la
Maison
du
café
».
Cette
affaire
a
abouti
à
la
condamnation
pénale
en
première
instance
de
plusieurs
cadres
dirigeants
de
la
DNRED
-
prononcées
en
première
instance
en
septembre
2022
-
allant
d'un
à
cinq
ans
d'emprisonnement
et
à
des
condamnations
prononcées
au
civil
pour
détournement
de
fonds
publics
et
escroquerie
en
bande
organisée.
Cette
affaire
a
mis
au
jour
des
dysfonctionnements
majeurs
au
sein
de
la
DNRED
:
une
gestion
opaque
des
aviseurs
sans
dispositif
de
contrôle
hiérarchique
;
l'absence
de
système
d'alerte
et
de
politique
interne
en
matière
de
déontologie
ou
de
prévention
des
risques
de
corruption
;
enfin,
une
absence
de
supervision
de
la
DNRED
de
la
part
de
ses
autorités
hiérarchiques
pendant
plusieurs
années
(DGDDI
et
cabinet
du
ministre).
La
DGDDI
n'a
pas
tiré
pleinement
les
conséquences
de
cette
affaire
en
matière
de
sanctions
disciplinaires.
En
effet,
trois
anciens
cadres
de
la
direction
des
opérations
douanières
(DOD)
condamnés
sont
toujours
encore
en
activité
au
sein
des
services
des
ministères
économiques
et
financiers
et
les
condamnations
solidairement
prononcées
au
civil
n'ont
pas
été
recouvrées
à
la
date
du
présent
référé,
dans
l'attente
du
jugement
d'appel
de
la
décision
de
première
instance.
Sur
le
plan
managérial,
la
réponse
a
été
limitée.
La
directrice
générale
des
douanes
en
fonction
au
moment
des
faits
a
été
remplacée
en
février
2017,
mais
pour
être
promue
cheffe
d'un
autre
service
du
ministère
des
finances.
Si
le
directeur
national
de
l'époque
a
été
remplacé
en
avril
2017,
il
n'en
est
pas
moins
resté
fonctionnaire
de
la
DGDDI
jusqu'à
sa
retraite
en
2019,
avant
d'être
condamné
en
première
instance
en
septembre
2022
pour
détournement
de
fonds
par
négligence.
2.2.
Un
dispositif
de
contrôle
interne
et
externe
à
raffermir
La
DNRED
s'est
dotée
d'un
dispositif
de
contrôle
interne
à
la
suite
de
la
crise
de
2016.
La
Cour
estime
qu'il
doit
encore
être
raffermi
et,
surtout,
que
la
culture
du
contrôle
interne
doit
être
mieux
partagée
par
l'encadrement
de
proximité.
En
complément,
la
DGDDI
a
mis
en
oeuvre
un
plan
annuel de
contrôle
interne
qui
s'applique
également
à
la
DNRED
mais
il
parait
à
certains
égards
inadaptés
aux
spécificités
du
service.
Enfin,
plus
récemment,
la
DGDDI
a
élaboré
un
plan
de
prévention
des
risques
de
corruption
des
agents
de
la
douane.
Si
cette
initiative
apparaît
tardive,
sept
années
après
la
survenance
de
l'affaire
de
la
Maison
du
café,
elle
demeure
néanmoins
bienvenue.
Si
le
contrôle
interne
est
indispensable,
il
doit
être
complété
par
un
contrôle
externe
renforcé
de
l'activité
et
du
fonctionnement
de
la
DNRED,
compte
tenu
des
spécificités
de
son
domaine
de
compétences.
La
Cour
estime
nécessaire
que
l'inspection
des
services
de
renseignement
ou
l'inspection
générale
des
finances
soient
régulièrement
mandatées
par
les
ministres
ou
par
le
coordonnateur
national
du
renseignement
et
de
la
lutte
contre
le
terrorisme
pour
mener
des
missions
d'audit
au
sein
de
cette
direction.
13
rue
Cambon
-
75100
PARIS
CEDEX
01
-
T
+33
1
42
98 95
00
-
www.ccomptes.fr
Cour
des
comptes
-
Référé
S2024-1375
4
/
5
3.
LE
PROJET
VALMY
DE
2022
:
UN
PLAN
AMBITIEUX
DONT
LA
SOUTENABILITÉ
FINANCIÈRE
N'EST
PAS
ACQUISE
Engagé
en
2022,
le
projet
dit
«
VALMY
»
poursuit
l'ambition
d'atteindre
les
standards
attendus
pour
un
service
de
renseignement
du
premier
cercle.
Il
doit
permettre
de
mieux
faire
travailler
ensemble
les
différents
métiers
du
service
sur
une
même
thématique,
tout
en
préservant
la
fluidité
de
la
chaîne
décisionnelle.
Un
premier
volet
concerne
l'organisation
même
de
la
direction.
Il
est
ainsi
prévu
la
création
de
départements
thématiques
qui
rassembleront
l'ensemble
des
métiers
(agents
de
recherches,
analystes,
opérationnels).
Le
deuxième
porte
sur
la
mise
en
conformité
des
bâtiments
des
antennes
et
échelons
aux
exigences
de
préservation
de
sécurité.
Le
troisième
volet
prévoit
d'une
part
la
mise
à
niveau
de
la
sécurité
des
réseaux,
d'autre
part
la
refonte,
la
modernisation
ou
la
mise
en
conformité
des
applicatifs
métiers.
Le
coût
de
ce
projet
de
transformation
a
été
évalué
à
60
M€,
sans,
pour
autant,
que
son
financement
ait
fait
l'objet
d'une
décision
explicite
voire
d'une
contractualisation
avec
la
DGDDI
et
la
DNRED.
Sans
se
prononcer
sur
les
modalités
de
financement
de
ce
plan,
la
Cour
estime
que
sa
bonne
fin
apparaît
nécessaire
pour
atteindre
les
standards
de
qualité
et
de
sécurité
attendus
d'un
service
de
renseignement
du
premier
cercle.
***
Au
terme
de
son
enquête,
la
Cour
des
comptes
formule
les
recommandations
suivantes
.
Recommandation
n°1
:
(ministre
auprès
du
Premier
ministre,
chargé
du
budget
et
des
comptes
publics
et
coordonnateur
national
du
renseignement
et
de
la
lutte
contre
le
terrorisme)
renforcer
le
pilotage
stratégique
de
la
DNRED
par
les
cabinets
des
ministres
et
la
DGDDI.
Recommandation
n°2
:
(ministre
auprès
du
Premier
ministre,
chargé
du
budget
et
des
comptes
publics
et
coordonnateur
national
du
renseignement
et
de
la
lutte
contre
le
terrorisme)
renforcer
le
contrôle
de
l'activité
de
la
DNRED
en
sollicitant
davantage
l'inspection
des
services
de
renseignement
ou
l'inspection
générale
des
finances.
Recommandation
n°3:
(ministre
auprès
du
Premier
ministre,
chargé
du
budget
et
des
comptes
publics)
mener
à
son
terme
le
projet
de
transformation
de
la
DNRED.
Je
vous
serais
obligé
de
me
faire
connaître,
dans
le
délai
de
deux
mois
prévu
à
l'article
L.
143-4
du
code
des
juridictions
financières,
la
réponse,
sous
votre
signature,
que
vous
aurez
donnée
à
la
présente
communication'.
Je
vous
rappelle
qu'en
application
des
dispositions
du
même
code
deux
mois
après
son
envoi,
le
présent
référé
sera
transmis
aux
commissions
des
finances
et,
dans
leur
domaine
de
compétence,
aux
autres
commissions
permanentes
de
l'Assemblée
nationale
et
du
Sénat.
Il
sera
accompagné
de
votre
réponse
si
elle
est
parvenue
à
la
Cour
dans
ce
délai.
À
défaut,
votre
réponse
leur
sera
transmise
dès
sa
réception
par
la
Cour
(article
L.
143-4)
;
1
La
Cour
vous
remercie
de
lui
faire
parvenir
votre
réponse,
sous
forme
dématérialisée,
via
Correspondance
JF
:
(https://send-tpro.ccomptes.fr/home/index?c=Cour%20dee/020comptes1
à
l'adresse
électronique
suivante
greffepresidence@ccomptes.fr
(cf.
arrêté
du
19
juillet
2024
relatif
aux
caractéristiques
techniques
de
l'application
«
Correspondance
JF
»).
13
rue
Cambon
-
75100
PARIS
CEDEX
01
-
T
+33
1
42
98 95
00
-
www.ccomptes.fr
Cour
des
comptes
-
Référé
S2024-1375
5
/
5
dans
le
respect
des
secrets
protégés
par
la
loi,
la
Cour
pourra
mettre
en
ligne
sur
son
site
internet
le
présent
référé,
accompagné
de
votre
réponse
(article
L.
143-1)
;
l'article
L.
143-9
prévoit
que,
en
tant
que
destinataire
du
présent
référé,
vous
fournissiez
à
la
Cour
un
compte
rendu
des
suites
données
à
ses
observations,
en
vue
de
leur
présentation
dans
son
rapport
public
annuel.
Ce
compte
rendu
doit
être
adressé
à
la
Cour
selon
les
modalités
de
la
procédure
de
suivi
annuel
coordonné
convenue
entre
elle
et
votre
administration.
Signé
le
Premier
président
Pierre
Moscovici
13
rue
Cambon
-
75100
PARIS
CEDEX
01
-
T
+33
1
42
98
95
00
-
www.ccomptes.fr