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Rapport public thématique
« La formation professionnelle tout au
long de la vie »
TABLE DES MATIÈRES
III
Pages
Introduction……………………………………………………
1
CHAPITRE I – Une offre de formation inadaptée………….
5
I – Le bilan insatisfaisant de la formation professionnelle initiale…
5
A – L’éclatement de l’offre de formation professionnelle initiale..
5
B - Les contraintes de la gestion………………………………………
14
C - Des résultats insuffisants………………………………………….
17
II - L’offre de formation continue s’adapte difficilement
aux besoins des salariés et des entreprises………………………
20
A - Une offre très hétérogène………………………………………….
20
B - Des prestataires publics de formation contraints à des
mutations rapides…………………………………………………….
24
III - L’incapacité du système à sécuriser les parcours
professionnels…………………………………………………
35
A - L’insuffisante prise en compte de la situation des personnes
les moins qualifiées…………………………………………………
35
B - La difficile gestion de la formation au profit des
demandeurs d’emploi………………………………………………
39
C - La validation des acquis de l’expérience : un dispositif
novateur mais insuffisamment développé………………………..
47
CHAPITRE II - Des financements considérables mais
cloisonnés…………………………………..
57
I – Un effort financier considérable………………………………..
57
II - L’enseignement professionnel : un financement complexe
et des coûts élevés………………………………………………
59
A - Un financement principalement partagé entre l’Etat
et les régions…………………………………………………………
59
B - Des coûts élevés……………………………………..………………
60
IV
COUR DES COMPTES
Pages
III - Le financement de l’apprentissage : des circuits complexes
et peu transparents……………………………………………..
61
A – Les caractéristiques de la taxe d’apprentissage………………
62
B - La réforme inaboutie de la taxe d’apprentissage………………
64
C – L’insuffisante transparence de la gestion de certains
collecteurs : l’exemple de la branche des transports…………..
68
IV - Le financement de la formation professionnelle continue :
une transparence et une mutualisation insuffisantes…………..
70
A - Des financements croissants collectés par un réseau
complexe et hétérogène……………………………………….
71
B - Un encadrement inefficace de l’activité des OPCA………….
74
C - Une mutualisation très faible…………………………………
77
D - Une participation peu transparente au financement
du paritarisme………………………………………………….
80
CHAPITRE III – Une stratégie absente………………………
85
I – Des compétences éclatées et concurrentes à tous les niveaux….
86
A – L’enchevêtrement des interventions en matière de formation
professionnelle initiale………………………………………………
86
B - Des acteurs aux légitimités concurrentes en matière de
formation continue………………………………………………….
90
II
- Un pilotage insuffisant………………………………………..
95
A - Des instances de coordination régionales éclatées et
peu efficaces………………………………………………………….
95
B - La faiblesse de la
concertation au niveau national : le rôle
du Conseil national de la formation tout au long de la vie……
98
III – Une évaluation introuvable……………………………………
104
A - Des données peu fiables, tardives et difficilement accessibles.
105
B - Une évaluation lacunaire………………………………………….
111
Conclusion……………………………………………………… 123
Annexe 1 - Etude du système de formation professionnelle
en Allemagne…………………………………………………………..
129
Annexe 2 - Synthèse de la littérature en matière
de formation professionnelle…………………………………..……
136
Glossaire…………………………………………………………
143
TABLE DES MATIÈRES
V
Pages
Réponse de la Ministre de l’économie, de l’industrie et de
l’emploi et du secrétaire d’Etat chargé de l’emploi……………..…
145
Réponse du Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des
collectivités territoriales……………….…………………………...
157
Réponse du Ministre de l’éducation nationale
…….……………...
162
Réponse du Ministre du budget, des comptes publics et
de la fonction publique………………………………………..……
178
Réponse du Directeur général de l’Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes
(AFPA)……………………..
179
Réponse du Directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi
(ANPE)…………………………………………….……………
....
183
Réponse du président de l’Unédic………………………………….
183
Réponse du Président et du Vice-président d’AGEFOS-PME…….
174
Réponse du Président du FONGEFOR…………………………..…
189
Réponse du président de FORCO……………………………….…
194
Réponse du Président d’OPCAIM…………………………………
195
Réponse du Président et du Vice-président d’OPCALIA………….
197
Réponse du Président délégué général du groupe AFT-IFTIM……
201
Réponse du Président du Groupe PROMOTRANS……………
......
203
Réponse du Président de la Région Bourgogne……………………
204
Réponse du Président de la Région Bretagne…………………….…
207
Réponse du Président de la chambre des métiers et de l’artisanat
« Côtes d’Armor Saint-Brieuc ».………………………………..…
209
Réponse du Président de la Région Centre………………………...
210
Réponse du Président de la Région Ile-de-France…………………
214
Réponse du Président de la Région Lorraine…………………….…
221
Réponse du Président de la Région Midi-Pyrénées………………..
222
Réponse du Président de la Région Pays de-la-Loire………..…….
225
Réponse de la Présidente de la Région Poitou-Charentes………….
228
Réponse du Président de la chambre de commerce et d’industrie
d’Angoulême…………………………………………………..…..
232
Réponse du directeur de l’école nationale de l’industrie laitière
et des industries alimentaires de Surgères (Charente Maritime)…..
234
Réponse du Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur..
234
Ce rapport a été élaboré par un comité de pilotage à partir des
enquêtes effectuées par la Cour des comptes et des chambres
régionales des comptes
Ont présidé le comité de pilotage :
M. Claude Thélot, conseiller-maître (jusqu’en octobre 2007)
M. Antoine Durrleman, conseiller-maître (à compter de
novembre 2007)
Ont été membres du comité de pilotage :
Cour des comptes :
M. Jean-Jacques Pascal, conseiller-maître ;
M. Christophe Strassel et M. Joël Montarnal, conseillers
référendaires ; Mme Lydie Billet, rapporteure ;
CRC Basse-Normandie : M. Fabrice Navez, premier conseiller ;
CRC Bretagne : Mme Brigitte Talpain, première conseillère ;
CRC Centre : M. Patrick Bonnaud, président de section et
M. Robin Degron, conseiller ;
CRC Corse : M. Jean-Louis Heuga, président ;
CRC Franche-Comté : M. Jérôme Dossi, conseiller ;
CRC Haute-Normandie : M. Christian Berninger, président de section
et M. Rémy Janner, premier conseiller ;
CRC Ile-de-France : M. Marc Solery, président de section ;
CRC Languedoc-Roussillon : Mme Dominique Saint-Cyr, présidente de
section ;
CRC Nord-Pas-de-Calais : Mme Malégat-Mély, présidente,
M. Paul Hernu et M. Claude Deulin, présidents de section ;
CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur : Mme Yvette Oulion, présidente de
section et M. Jean-Laurent Amigues, premier conseiller ;
CRC Rhône-Alpes : M. Jacques Flacher, premier conseiller.
Ont effectué les enquêtes :
Cour des comptes : M. Claude Mollard, M. Didier Guédon et M. Philippe
Baccou
conseillers
maîtres ;
Mme
Pailot-Bonétat,
conseillère
référendaire ; Mlle Hélène Magnier, auditrice ; Mme Marie-Christine
Dumesnil et Mme Annick Guerber Le Gall, rapporteures ; M. Mario
Dehove, rapporteur ;
CRC Aquitaine : M. Alain Rieuf et M. Philippe Faustin, premiers
conseillers ;
CRC Basse-Normandie : M. Alain Léyat, Président et M. Fabrice Navez,
premier conseiller ;
CRC Bourgogne : M. Jean Voizeux, premier conseiller ;
CRC Bretagne : Mme Maryelle Girardey, Mme Marie-Ange Gerbal,
Mme Brigitte Talpain, premières conseillères et M. Michel Leclerc,
premier conseiller ;
CRC Centre : M. Michel Généteaud, président de section, Mme Pascale
Leclerc del Monte, première conseillère, M. Jean-Louis Hidas et
M. Rémi Indart, premiers conseillers, M. Robin Degron, conseiller.
CRC Champagne-Ardenne : M. Jean-Michel Wrobel, président de section
et M. Amine Amar, conseiller ;
CRC Franche-Comté : M. Jérôme Dossi, conseiller ;
CRC Ile-de-France : M. Alain Levionnois et M. Marc Soléry, présidents
de section, Mme Marie-France Goetz, Mme Nicole Turon, Mme
Karine Turpin, premières conseillères, M. Patrice Ros, premier
conseiller ;
CRC de Lorraine : M. Raymond Le Potier, premier conseiller ;
CRC Midi-Pyrénées : M. Georges Viala, premier conseiller ;
CRC Nord-Pas-de-Calais : M.Paul Hernu, président de section et
M.Jean-Louis Monniot, premier conseiller ;
CRC Pays-de-la Loire : Mme Christine Bernard et Mme Viviane
Bourdon, première conseillère, M. Jean-Louis Carquillat-Grivaz,
M. Dominique d'Hermiès, M. Régis Hidalgo, M. Philippe Pont,
M. Christophe Royer M. Philippe Sire et M. Jean-Francis Villain,
premiers conseillers ;
CRC
Provence-Alpes-Côtes d’azur :
M. Jean-Laurent
AMIGUES,
premier conseiller ;
CRC Poitou-Charentes : M. Jean-Claude Wathelet, président de section et
M. Michel Thebaud, premier conseiller ;
CRC Rhône-Alpes :
Mme Brigitte
Martignoni-Beaucourt,
première
conseillère, M. Jacques Flacher et M. Eugène Nivon, premiers
conseillers ;
CRC Guadeloupe-Guyane-Martinique : M. Bernard Lesot, président de
section.
DÉLIBÉRÉ
IX
Délibéré
La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé
« L
a formation professionnelle tout au long de la vie »
.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du
code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en
chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes
concernés, et après avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses
fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces
réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs
auteurs.
Étaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Pichon, Picq,
Babusiaux, Mmes Cornette, Ruellan, MM. Hernandez, Descheemaeker,
présidents de chambre, Mme Bazy
Malaurie, président de chambre,
rapporteur général, MM. Cieutat, Carrez, Sallois, présidents de chambre
maintenus en activité, MM. Malingre, Mayaud, Hespel, Devaux, Arnaud,
Bayle, Gillette, Ganser, Martin (Xavizer-Henri), Troesch, Thérond,
Mme Froment-Meurice, M. Beysson, Mme Bellon, MM. Moreau, Frèches,
Mme Levy-Rosenwald, MM. Pannier, Moulin, Lebuy, Lesouhaitier, Lefas,
Durrleman, Cazala, Gauron, Alventosa, Andréani, Mmes Morell, Fradin,
MM. Braunstein, Brochier, Mme Dayries, MM. Levy, Bernicot, Deconfin,
Phéline, Barbé, Bertucci, Tournier, Vermeulen, Raséra, Bonin, Vivet,
Mme Moati,
MM.
Mollard,
Davy
de
Virville,
Diricq,
Lefebvre,
Mme Aubin-Saulière, MM. Sabbe, Pétel, Maistre, Valdiguié, Ténier, Lair,
Mme Trupin, M. Corbin, Mme Froment-Védrine, MM. Rigaudiat, Ravier,
Rabaté, Doyelle, Korb, de Gaulle, Mmes Saliou (Monique), Carrère-Gée,
MM. Piolé, Uguen, Zérah, Guédon, Mme Gadriot-Renard, MM. Martin
(Claude), Bourlanges, Le Méné, Urgin, Baccou, Schwarz, conseillers
maîtres, MM. Gleizes, Lemasson, Bille, André, Cadet, Pélissier, conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Etait présent et a participé aux débats : M. Bénard, Procureur
général, assisté de M. Colin, chargé de mission.
Etaient présents en qualité de rapporteur et n’ont donc pas pris part
aux délibérations : MM. Strassel et Montarnal, conseillers référendaires.
Madame Mayenobe, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 30 septembre
2008
Introduction
La formation professionnelle mobilise dans notre pays des
financements considérables. En 2006, ils se sont élevés à plus de
34 milliards d’euros, au titre de la formation initiale hors enseignement
professionnel supérieur et de la formation continue, soit l’équivalent de
2 % du PIB. Malgré cet important effort consenti par la nation et en dépit
de multiples réformes, notre système de formation professionnelle peine
toutefois à répondre aux exigences nouvelles qui lui sont assignées en
termes d’accès à une qualification pour tous les jeunes, de développement
des connaissances, des capacités et des compétences de la population
active, et d’accompagnement de la gestion prévisionnelle des emplois et
de la mobilité des salariés.
La formation professionnelle est pourtant un enjeu de toute
première importance. Dans un monde ouvert aux échanges, la
compétitivité des pays repose en grande partie sur la qualification de leur
population. La stratégie définie par les Etats européens lors du Conseil de
Lisbonne en 2000 a fait à ce titre du développement de la formation tout
au long de la vie un objectif essentiel pour faire de l’Europe «
l’économie
de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde,
capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une
amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande
cohésion sociale
». L’enjeu économique se double de fait d’un enjeu
social déterminant. La formation professionnelle ne conditionne pas
seulement aujourd’hui l’accès à l’emploi. Elle détermine pour chacun la
possibilité de se maintenir dans celui-ci par l’adaptation en continu des
savoirs et des savoir-faire au rythme de l’évolution du progrès technique
et de la recomposition des métiers. Elle s’affirme ainsi comme
l’instrument majeur de la sécurisation des parcours professionnels dans
un contexte d’accélération des mutations économiques.
L’évaluation d’une politique publique aussi décisive nécessite une
approche la plus large possible. La césure traditionnelle entre formation
initiale et formation continue doit d’abord être surmontée, dès lors que la
fluidité des parcours et les évolutions professionnelles reposent sur une
articulation nouvelle de l’une et de l’autre. C’est pourquoi le choix a été
fait de retenir le champ de la « formation professionnelle tout au long de
2
COUR DES COMPTES
la vie » qui aborde chacun de ces deux temps selon une problématique
commune. Dans le cadre de ce rapport, la formation professionnelle tout
au long de la vie sera entendue de celle qui permet, à tous les âges de la
vie, d’acquérir de façon formelle une qualification ou une compétence
professionnelle. Cette définition nécessite de préciser chacun de ces
termes :
- ont un caractère « professionnel » les formations directement
mobilisables pour l’insertion sur le marché du travail, le déroulement
d’une carrière, ou le retour à l’emploi après une interruption ;
- « acquérir une qualification ou une compétence » signifie
d’ajouter à des connaissances « générales » des savoirs et des savoir-faire
validés et opérationnels pour l’exercice d’un métier.
-
l’exigence
d’acquérir
les
compétences
ou
qualifications
concernées « de façon formelle » circonscrit la formation professionnelle
à des processus bien identifiés de formation, c’est-à-dire de transmission
ou de certification de savoirs ou de compétences professionnels. Sont
donc exclus la compétence ou la qualification professionnelle qui
proviennent de la seule expérience et ne sont pas reconnues de manière
formelle. En revanche, la reconnaissance éventuelle de cette expérience
relève bien de la formation professionnelle, précisément parce qu’elle est
formelle : il en va ainsi du dispositif de « validation des acquis de
l’expérience », parce qu’il débouche sur une certification.
Au total, ces éléments de définition permettent de circonscrire le
sujet du présent rapport aux trois champs suivants :
- la formation professionnelle initiale, qu’elle soit dispensée à des
jeunes sous statut scolaire dans des établissements d’enseignement ou à
des jeunes sous statut de salarié, avec un contrat de travail, c’est-à-dire en
apprentissage ;
- la formation professionnelle des demandeurs d’emploi;
- la formation professionnelle des actifs occupés.
Il s’agit de trois champs distincts, même si les deux derniers font
partie de la formation continue. Toutefois, une bonne articulation entre
ces trois catégories de formations est un élément essentiel de l’efficacité
globale du dispositif, notamment pour faire en sorte que les inégalités
issues de la formation initiale puissent être corrigées au cours de la vie
active par une formation continue jouant le rôle d’une « école de la
seconde chance ». Or, le système français est caractérisé par une
spécialisation des dispositifs : en effet, chaque public spécifique – élèves
des lycées professionnels, apprentis, demandeurs d’emploi, salariés
occupés - relève d’acteurs et de financements différents, dont le
INTRODUCTION
3
cloisonnement est aggravé par un faible niveau de coordination. L’intérêt
d’une approche en termes de « formation professionnelle tout au long de
la vie » est de permettre l’identification des défauts de cohérence du
système, dont les principales victimes sont ceux qui, peu ou pas qualifiés,
ne se voient pas offrir la possibilité d’un véritable parcours de formation.
Le périmètre large de la définition ainsi retenue a supposé de
prendre en compte dans toute sa dimension la complexité de la formation
professionnelle. Politique emblématique de la décentralisation depuis
1982, elle fait désormais une place centrale aux régions qui ont reçu dans
ce domaine une compétence de droit commun depuis 2004. Pour autant,
les régions doivent articuler leurs actions avec de nombreux autres
acteurs : l’Etat, qui reste fortement présent en matière d’enseignement
professionnel et à bien d’autres égards, mais aussi les branches
professionnelles et les entreprises qui sont les principaux financeurs de
formation professionnelle au bénéfice des salariés. De ce fait même,
l’ensemble des juridictions financières, Cour et chambres régionales des
comptes, se sont mobilisées pour mener les investigations nécessaires. La
Cour des comptes a contrôlé les organismes de niveau national en matière
de formation professionnelle : Etat, organismes du service public de
l’emploi, organismes de collecte de la taxe d’apprentissage et des fonds
de la formation professionnelle. Aux côtés de la Cour, seize chambres
régionales des comptes ont enquêté auprès des régions, des chambres
consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers),
des centres de formation d’apprentis, des lycées professionnels et des
groupements d’établissements de l’Education nationale compétents en
matière de formation continue (GRETA). Par ailleurs, deux études ont été
commandées par la Cour auprès de centres de recherche universitaires,
l’une concernant le système de formation professionnelle en Allemagne et
l’autre faisant la synthèse de la littérature économique relative à
l’évaluation de la formation professionnelle dans les pays de l’OCDE. Au
total, les investigations ont duré deux ans et ont porté sur près d’une
centaine d’organismes.
*
*
*
4
COUR DES COMPTES
A l’issue de ces investigations, la Cour et les chambres régionales
des comptes font trois séries de constats qui expliquent l’inefficacité
globale du système :
1. Les formations sont largement inadaptées aux besoins des
individus et des entreprises, qu’il s’agisse de la formation professionnelle
initiale dont les résultats en termes d’insertion dans l’emploi sont
insuffisants ou de la formation continue qui répond très imparfaitement
aux difficultés des salariés peu formés ou mal qualifiés ;
2.
Les
financements
sont
abondants
mais
insuffisamment
mutualisés, ce qui met d’autant plus en cause la pertinence du système
actuel que celui-ci manque de transparence et fait apparaître des coûts
élevés.
3. L’action des différents acteurs de la formation professionnelle
est
faiblement
cohérente
;
les
cloisonnements
du
système,
les
insuffisances de son pilotage et la faiblesse des évaluations auxquelles il
donne lieu, tant au niveau national que régional, rendent impossible la
définition
d’une
stratégie
partagée
et
compromettent
l’efficacité
d’ensemble des actions menées.
Chacun de ces constats est accompagné de recommandations
définissant les conditions auxquelles une politique de formation
professionnelle tout au long de la vie deviendrait possible.
Chapitre I – Une offre de formation
inadaptée
I
-
Le bilan insatisfaisant de la formation
professionnelle initiale
La formation professionnelle initiale dispose dans notre pays d’un
prestige inférieur à celui attaché à l’enseignement général. Cette situation
contribue souvent à faire de l’orientation vers les filières professionnelles
une orientation par défaut. Au-delà des aspects symboliques, ces filières
sont affectées de difficultés de fonctionnement qui contribuent à la
rigidité de l’offre de
formation ainsi qu’à des résultats insuffisants en
termes d’insertion dans l’emploi.
A - L’éclatement de l’offre de formation professionnelle
initiale
L’adaptation de l’offre de formation professionnelle aux besoins
par nature évolutifs du marché du travail conditionne l’efficacité globale
du dispositif.
Or celle-ci apparaît entravée par la concurrence que se font
parfois les deux filières de la formation professionnelle initiale –
apprentissage et enseignement professionnel – ainsi que par les conditions
de gestion de la carte des formations.
6
COUR DES COMPTES
1 -
L’enseignement professionnel et l’apprentissage entre
concurrence et complémentarité
a)
Deux réseaux parallèles
Le système français de formation professionnelle initiale se
caractérise par l’existence de deux filières parallèles et fortement
développées : l’enseignement professionnel initial sous statut scolaire,
dispensé dans les lycées professionnels et l’apprentissage, dispensé sous
contrat de travail en alternance dans les centres de formation des apprentis
(CFA) et dans les entreprises.
Le réseau des lycées professionnels, qui accueille quelque 700 000
élèves, est constitué de 1 043 lycées professionnels publics et de 653
lycées professionnels privés sous contrat. Le code de l’éducation donne des
objectifs ambitieux à ces établissements qui «
associent à la formation
générale un haut niveau de connaissances techniques spécialisées
».
«
Principalement organisées en vue de l’exercice d’un métier
», les
formations professionnelles secondaires proposent un enseignement
concret, dans le cadre de séances d’atelier et de stages en entreprise, afin
d’acquérir une première qualification professionnelle destinée à permettre
aux élèves de s'insérer dans la vie active ou de poursuivre une formation
ultérieure. Ces établissements préparent à plusieurs types de diplômes dont
le niveau et les finalités diffèrent :
– le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) qui prépare, en
général en deux ans, à un métier précis d’ouvrier ou d’employé et, le plus
souvent, à une entrée directe dans la vie active ;
- le brevet d’études professionnelles (BEP) qui dispense en deux ans
une formation plus large que le CAP, dans un domaine d'activité, et non
dans un métier précis. Il offre une qualification donnant, en principe, de
plus grandes possibilités d'évolutions au sein du monde du travail et est, de
plus en plus, conçu comme une étape vers le baccalauréat professionnel,
plus rarement vers le baccalauréat général ou technologique
via
les classes
de première d’adaptation ;
- le baccalauréat professionnel qui est un diplôme d'insertion
professionnelle permettant d’acquérir en deux ans, à la suite d’un BEP ou
d’un CAP, une qualification plus élevée dans la même spécialité. Il prépare
à l'entrée immédiate dans la vie active, même si ses titulaires peuvent
poursuivre leurs études en section de technicien supérieur (STS) pour
obtenir un brevet de technicien supérieur (BTS). Une expérimentation a été
mise en place pour préparer la généralisation du baccalauréat en trois ans -
c’est-à-dire sans passer par les deux années de BEP ou CAP – à partir de la
rentrée 2009.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
7
D’autres types de formation ont été développés au sein des lycées
professionnels.
Les
mentions
complémentaires
(MC)
permettent
d'approfondir une spécialisation après certains CAP, BEP ou baccalauréats
professionnels.
Les
classes
de
troisième
préparatoire
à
la
vie
professionnelle,
également
appelées
troisièmes
« option
découverte
professionnelle », sont implantées en lycée professionnel mais elles
préparent au diplôme national du brevet (DNB) au même titre qu’une
troisième de collège. On s’y efforce de remobiliser les élèves démotivés en
leur faisant découvrir un éventail de métiers. Il existe également un module
de découverte professionnelle (6 heures hebdomadaires) principalement
implanté en lycée professionnel et qui remplace les anciens dispositifs dont
les classes de 3ème préparatoire à la voie professionnelle.
Les jeunes sous contrat d’apprentissage – environ 300 000 en 2007
1
- relèvent d’autres structures de formation. Ils sont accueillis en alternance
par les entreprises avec lesquelles ils ont conclu leur contrat et les centres
de formation d’apprentis (CFA). Ces derniers dispensent une formation
générale et technique qui doit compléter la formation pratique reçue en
entreprise. La création d’un CFA résulte d’une convention conclue, soit
avec l’Etat pour les CFA à recrutement national - ce qui est l’exception -,
soit avec la région pour les CFA régionaux – largement majoritaires avec
99% des effectifs d’apprentis. Les CFA ne disposant pas de la personnalité
juridique, ils sont adossés à des organismes gestionnaires qui peuvent être
de nature juridique diverse :
-
des
organismes
publics :
établissements
publics
locaux
d’enseignement (par exemple, la section d’apprentissage d’un lycée),
universités, collectivités locales ;
- des organismes consulaires : chambres de commerce et d’industrie,
chambres des métiers, chambres d’agriculture ;
- des organismes privés : entreprises, organisations professionnelles
(par exemple, les CFA de l’Union des industries et Métiers de la
Métallurgie, du Bâtiment et des Travaux Publics, de l’Association
Française des Banques, …), établissements d’enseignement sous contrat,
associations (par exemple les Maisons Familiales et Rurales, les
Compagnons du devoir, les regroupements de chambres consulaires,…).
Au total, les CFA présentent un budget annuel supérieur à 2 Md€
pour un millier d’établissements environ.
1) C’est-à-dire les jeunes sous contrat d’apprentissage de niveaux IV et V, non
compris les 100 000 jeunes relevant de l’enseignement supérieur.
8
COUR DES COMPTES
En définitive, là où d’autres pays comme l’Allemagne ont
clairement choisi l’un des deux systèmes – en l’espèce l’apprentissage, cf.
encadré ci-dessous -, la France se singularise par la juxtaposition de voies
de formation parallèles.
Le rôle et l’organisation de l’apprentissage en Allemagne
2
1. Le rôle central du système dual
En Allemagne, l’idée même de formation professionnelle initiale se
confond très largement, depuis les années 1960, avec l’apprentissage dans le
cadre du système dual, combinant une formation en entreprise et une
formation en milieu scolaire. En dépit d’une baisse sensible, au cours des
vingt dernières années, de la part des diplômés de ce type de formation dans
une classe d’âge de sortants du système éducatif, le système dual représente
toujours la forme prépondérante de formation professionnelle, car en 2004,
quelque 55% des jeunes de moins de 25 ans (contre 70% il y a vingt ans) ont
obtenu une qualification professionnelle à l’issue d’une formation duale dans
l’un des 346 métiers de formation reconnus. En tout, le nombre total
d’apprentis répartis sur les trois années que dure en règle générale une
formation duale se situe à 1,6 millions. Environ 15% seulement l’obtiennent
dans
le
cadre
d’une
formation
professionnelle
purement
scolaire
(Berufsfachschulen : écoles professionnelles spécialisées).
2. Principes d’organisation du système dual
Ce système peut être caractérisé par un certain nombre de principes
fondateurs, par ailleurs fortement interdépendants, dont on ne mesure toute la
portée que dans une vision d’ensemble :
- le principe de la dualité de l’apprentissage. Si celui-ci traduit l’idée
d’une coresponsabilité du système éducatif sous pilotage public et des
entreprises, il signifie également une organisation de la formation répartie sur
deux
lieux
:
l’école
professionnelle
à
temps
partiel
comme
lieu
d’apprentissage d’un savoir théorique (technique, et dans une moindre
mesure général) et l’entreprise comme lieu d’apprentissage de la mise en
pratique de ce même savoir et d’acquisition de compétences professionnelles.
- le pilotage par le marché sous la responsabilité de l’entreprise pour
ce qui est de l’offre quantitative de formation, celle-ci étant réalisée par les
entreprises sur la base du volontariat – en l’absence de taxe d’apprentissage
obligatoire – et ce essentiellement en prévision de leurs besoins de
qualification à moyen terme. Conformément au principe de subsidiarité, les
2) Cet encadré est issu d’une étude sur « le système allemand de formation
professionnelle » commandée par la Cour au Centre d’informations et de recherches
sur l’Allemagne contemporaine (CIRAC – Université de Cergy-Pontoise). Le texte
intégral peut être obtenu auprès des services de documentation de la Cour des
comptes.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
9
pouvoirs publics quant à eux, se contentent de fixer le cadre légal pour les
entreprises qui s’engagent dans la formation duale sur la base de la définition
d’un certain nombre de minima, tant pour ce qui est du contenu de la
formation que de l’organisation matérielle de celle-ci. L’expérience montre
que la plupart des entreprises vont effectivement, parfois très largement, au-
delà des normes minima fixées par le règlement de formation fixé pour
chaque métier. En ce sens, elles sont donc en principe les acteurs naturels
d’une modernisation continue de la formation professionnelle ;
- le principe d’une régulation tripartite sous la forme d’une très large
concertation entre l’Etat, et les partenaires sociaux, ces derniers étant
systématiquement consultés et pleinement associés à la définition des
contenus et des conditions matérielles de réalisation de la formation, et ce à
tous
les
niveaux
auxquels
les
décisions
relatives
à
la
formation
professionnelle sont prises : niveau fédéral interprofessionnel, niveau fédéral
de la branche professionnelle, niveau régional interprofessionnel et
professionnel, niveau de l’entreprise ;
- le principe de la formation dans un métier dont les contours et les
contenus sont essentiellement déterminés par la négociation entre les
partenaires sociaux. La référence à un métier comme un ensemble structuré,
singulier et largement indivisible de connaissances et compétences
professionnelles, reconnu au niveau national et légitimé collectivement par
tous les acteurs socioprofessionnels est un élément constitutif du système
dual ;
- le principe de la régulation de branche est étroitement lié à celui du
métier, à ceci près que c’est au niveau de la branche professionnelle, en
fonction des données économiques et techniques de son activité que
l’architecture des métiers et la structuration des qualifications s’organisent et
que le marché du travail se régule, aussi bien en termes de recrutement que
de rémunération et de promotion des salariés. C’est en particulier au niveau
de la convention de branche que sont définis le volume et la structure de
l’offre de places d’apprentissage et que sont fixés les niveaux de
rémunération des apprentis. La formation et la qualification sont ainsi au
coeur de la négociation collective de branche, que ce soit en termes de salaire
ou d’emploi. Les normes conventionnelles qui en découlent sont ensuite
mises en oeuvre dans l’entreprise dans le cadre de la codécision entre la
direction du personnel et le conseil d’entreprise (Betriebsrat), instance élue
du personnel. A ce niveau de l’entreprise, la politique de formation figure
expressément au rang des domaines où s’exerce pleinement le droit de
codécision du CE, lequel dispose en son sein d’une représentation spécifique
des apprentis.
10
COUR DES COMPTES
b)
Des filières faiblement coordonnées
La coexistence des deux dispositifs de formation professionnelle
initiale – enseignement professionnel et apprentissage – présente
l’avantage d’une offre de formation plurielle et adaptée à la diversité des
publics bénéficiaires. Toutefois, cette situation nécessairement coûteuse
suppose d’organiser la complémentarité entre les deux systèmes. Or celle-
ci
est
parfois
défaillante,
d’une
part
parce
que
l’architecture
institutionnelle de l’apprentissage est très différente de celle de
l’enseignement professionnel, mais aussi parce que les conditions de
dialogue des acteurs sur le terrain sont variables.
Les cas de redondance voire de concurrence entre des formations
dispensées en lycée professionnel et en apprentissage ne sont pas rares.
Ces situations peuvent résulter d’une coopération non systématique entre
les services académiques, chargés de déterminer la carte des lycées
professionnels et les régions chargées de piloter l’offre d’apprentissage.
Une telle carence a notamment été observée en Lorraine où le dialogue
entre l’académie de Nancy-Metz et la région Lorraine a été quasiment
inexistant jusqu’en 2005 : la carte des formations pour la période 2000-
2004 avait été établie selon un programme régional de développement des
formations (PRDF) qui remontait à 1994 et ne tenait pas compte de
l’apprentissage. Ce défaut de dialogue a été corrigé pour la période 2005-
2010, les orientations concernant l’éducation et l’apprentissage ayant été
fusionnées, ce qui a permis d’élaborer une carte globale des formations
professionnelles. Des cas de collaboration étroite entre régions et
rectorats en faveur du développement de l’apprentissage existent
néanmoins. Ainsi, une convention a été signée entre l’académie de Caen
et
le
conseil
régional
de
Basse-Normandie
pour
prévoir
un
développement sans concurrence du secteur scolaire et de l’apprentissage.
2 -
La difficile adaptation de la carte des formations aux
évolutions du contexte économique et social
a)
La rationalisation de la carte des formations en lycée professionnel
L’adaptation de l’offre de formation aux besoins du marché du
travail passe par une gestion active de la carte des formations. S’agissant
des lycées professionnels, celle-ci est confiée aux rectorats. Au cours des
dernières années, ceux-ci se sont efforcés de promouvoir deux
orientations nouvelles à travers la constitution de « pôles spécialisés » et
la promotion de « lycées des métiers ».
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
11
La politique de constitution de «
pôles spécialisés
» consiste à
redéployer les formations entre établissements afin de rationaliser
l’allocation des moyens et des compétences et d’éviter des phénomènes
de redondance ou de concurrence entre établissements. Dans l’académie
de Nancy-Metz, cette démarche a permis la constitution de « pôles de
compétences » spécialisés, tout en maintenant un volant de sites
polyvalents afin de conserver une offre de proximité. L’académie a
poursuivi ce mouvement en encourageant la mise en réseau des
établissements et en envisageant la fermeture de ceux dont la viabilité
apparaît la plus faible. Cette rationalisation des moyens se heurte à des
obstacles nombreux. En Basse-Normandie, elle entre en contradiction
avec les objectifs d’aménagement du territoire, qui prévoient des lycées
professionnels « multi-spécialités » sur l’ensemble de la région. La
constitution de pôles spécialisés peut également être freinée par la faible
mobilité des élèves. Ainsi, à la Martinique, les difficultés de transfert des
moyens (locaux, équipements, enseignants) et de transport des élèves ont
entravé la mise en oeuvre des pôles spécialisés.
Autre modalité de rationalisation de l’offre d’enseignement
professionnel, les «
lycées des métiers
» résultent de la labellisation
d’établissements existants. Pour obtenir ce titre, ceux-ci doivent satisfaire
à un cahier des charges prévoyant des exigences relatives aux formations
et à
la qualité des installations, qui doivent être en outre ouvertes à tous
types de publics : lycéens, mais aussi
apprentis, adultes en formation
professionnelle ou candidats à la validation des acquis de l’expérience, en
partenariat avec les branches professionnelles concernées. Le décret
n°2005-1394 du 10 novembre 2005 charge les recteurs de la délivrance
du label de « lycée des métiers ». Ce texte fixe à cinq ans la durée de
validité de ce dernier et prévoit une évaluation globale du dispositif. Ce
dispositif a connu un essor rapide. A ce jour, 430 établissements ont été
labellisés et le ministère de l’Education nationale prévoit que cette
formule concerne 800 lycées en 2010. Cette évolution non négligeable de
la nature et de l’organisation des établissements d’enseignement
professionnel initial donne lieu, de la part des acteurs, à des retours
d’expérience souvent positifs. Toutefois, le développement de ces lycées
des métiers ne saurait être encouragé sans une évaluation approfondie des
expériences menées à ce jour, comme le prévoit le décret du 10 novembre
2005. Dès lors, avant de procéder à une généralisation progressive de
cette
expérimentation,
il
conviendrait
d’établir
un
bilan
des
établissements actuellement labellisés, bilan qui n’a pas, pour l’heure, été
dressé.
12
COUR DES COMPTES
b)
La gestion perfectible de la carte des formations en apprentissage
Chargées de définir la carte des formations en apprentissage, les
régions ne semblent pas toujours en mesure d’exercer pleinement cette
prérogative. De manière plus générale, il apparaît que l’influence de la
région dans la définition de l’offre d’apprentissage n’est prépondérante
que dans les structures où son financement est le plus important, ce qui
est le cas en pratique dans les CFA gérés par les organismes consulaires.
A l’inverse, cette influence est plus limitée dans les CFA rattachés à des
branches ou à des entreprises, qui dépendent moins des subventions
régionales. Ce constat illustre la faiblesse des liens existant entre les
régions et les branches, dont les stratégies sont imparfaitement
coordonnées et dont les actions se développent, le plus souvent, de façon
indépendante. Par ailleurs, lorsque les régions sont effectivement
intervenues pour faire évoluer la carte des formations, elles ne sont pas
toujours parvenues à éviter des incohérences dans les choix effectués. En
Ile-de-France, des cas de redondance ont été relevés dans certains
investissements : ainsi, la région Ile-de-France a financé, respectivement
en 2003 et 2006, deux CFA concurrents intervenant dans la formation à la
réparation automobile. Ce choix est apparu d’autant plus discutable que
cette filière connaît un déclin prononcé et une baisse du nombre des
apprentis depuis plusieurs années.
Au total, les régions peinent à se saisir totalement de leur mission
de pilotage de la carte des formations en apprentissage et ne parviennent
pas toujours à mettre en adéquation l’offre et les besoins de formation.
3 -
La lourdeur de la gestion des diplômes
La valorisation dont le diplôme fait l’objet dans notre pays
s’accompagne d’une gestion complexe dont la lourdeur est renforcée par
l’émiettement des titres dispensés : les lycées professionnels préparent
aujourd’hui à 155 spécialités de CAP, 47 de BEP et 69 séries de
baccalauréats professionnels.
a)
Le fonctionnement des commissions professionnelles consultatives
La définition du contenu des formations fait l’objet d’une
procédure de concertation entre le ministère de l’Education nationale et
les
représentants
des
professions
concernées.
Cette
concertation
s’effectue dans le cadre de commissions professionnelles consultatives
(CPC), structures paritaires dont la consultation est obligatoire pour tous
les diplômes professionnels et technologiques. Composées de quatre
collèges (employeurs, salariés, pouvoirs publics et personnes qualifiées),
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
13
elles sont réparties en quatorze secteurs d’activité économique. Leurs
membres se prononcent sur l’opportunité de la création, de la rénovation
ou de la suppression d’un diplôme, ainsi que sur la formation qui y
prépare. Les projets de rénovation ou de création de diplômes sont
précédés d’études visant à prendre en compte les besoins des entreprises
et les évolutions des emplois et qualifications. Ce diagnostic préliminaire
explique que les diplômes de la voie professionnelle soient construits en
deux temps : un « référentiel des activités professionnelles » qui décrit les
activités que sera amené à exercer le titulaire du diplôme et qui renvoie
donc directement à la situation de travail ; puis un « référentiel de
certification » qui renvoie à la situation d’évaluation de la formation.
Le processus d’élaboration des diplômes et formations
ne permet
pas une adaptation rapide aux évolutions du contexte économique. Depuis
2004, sur environ 42 spécialités de BEP, 8 seulement ont été rénovées et
2 ont été supprimées ; par ailleurs, sur 61 spécialités de baccalauréat
professionnel, 13 ont été rénovées et 12 ont été créées.
b)
L’émiettement des diplômes et des formations
Le fonctionnement des CPC a induit une forte segmentation des
diplômes et une multiplication des formations. Ainsi, 650 diplômes
professionnels et technologiques ont été élaborés au sein des CPC, ce qui
ne facilite pas la lisibilité du dispositif, tant pour les élèves que pour les
entreprises. Certes, le ministère de l’Education nationale s’est efforcé,
depuis plusieurs années, de simplifier son offre de formation, dès lors que
les CPC donnent leur accord. A titre d’exemple, le nombre de CAP est
passé de 314 en 1983 à 155 actuellement. De même, une politique de
réduction des mentions complémentaires est actuellement à l’oeuvre, leur
nombre ayant baissé d’un quart depuis cinq ans. Pour autant, la
multiplicité de l’offre de diplômes tient à l’organisation des CPC qui est,
elle-même, le reflet de celle du système d’emploi. Si certains emplois
sont communs à plusieurs branches ou peuvent être polyvalents
(secrétariat, informatique, conduite de machines automatisées de
production), d’autres se rattachent à des métiers et à des secteurs
d’activité précis (cuisinier, maçon, mécanicien automobile, coiffeuse ou
aide à domicile) qui demandent des savoir-faire spécifiques.
14
COUR DES COMPTES
B - Les contraintes de la gestion
1 -
Les rigidités de la gestion des lycées professionnels
La
difficile
adaptation
des
établissements
d’enseignement
professionnel aux évolutions de la demande résulte également de la
lourdeur de certaines règles encadrant leur gestion, tant pour ce qui est
des modalités de financement que de la gestion du personnel.
a)
Des règles conduisant à des déperditions de moyens
Au moment de la préparation de la rentrée scolaire, les académies
répartissent
les
moyens
d’enseignement
qui
seront
alloués
aux
établissements du second degré sous la forme d’une « dotation horaire
globale ». En théorie, les établissements peuvent ensuite organiser les
enseignements selon leurs besoins, la seule limite étant de respecter
l’enveloppe qui leur a été déléguée ou de trouver une source extérieure de
financement.
S’agissant
des
lycées
professionnels,
les
services
académiques utilisent pour ce calcul des normes d’effectifs d’élèves par
division qui sont fixées par la réglementation. Cet encadrement normatif
est d’autant plus lourd que la réglementation précise non seulement les
horaires hebdomadaires dus aux élèves, mais aussi les modalités
d’organisation pédagogique des cours (enseignements en groupe, travaux
dirigés, séances d’atelier). Cette méthode appelée « financement à la
structure » est une source de rigidité et de déperdition des moyens. En
effet, la dotation d’une structure d’enseignement reste identique, même si,
à la rentrée scolaire, elle accueille moins d’élèves que prévus. Par
exemple, pour la plupart des CAP et BEP industriels, le coût en
enseignant d’une division est le même jusqu’à 15 élèves, même si
l’effectif d’élèves réellement présent reste limité à quelques unités.
Pour surmonter de telles rigidités qui limitent les possibilités
d’optimisation des structures de formation, il paraît opportun d’assouplir
une réglementation pédagogique trop contraignante, notamment en
remettant en cause la méthode du « financement à la structure » en faveur
d’un calcul des dotations prenant en compte les élèves effectivement
accueillis.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
15
b)
La gestion des enseignants de lycées professionnels
En 2006, sur les 378 807 enseignants affectés dans le second
degré, 52 406 exerçaient en lycée professionnel, soit 14%. Ces
enseignants appartiennent majoritairement au corps des professeurs de
lycée professionnel (PLP2) qui sont recrutés par le concours du certificat
d’aptitude professionnelle de PLP2 (CAPLP2).
Or d’importantes rigidités affectent la gestion de ces enseignants.
Les obligations de service des PLP2 sont fixées par la réglementation
sous la forme de grilles horaires hebdomadaires. Cette définition pose le
problème de l’utilisation des enseignants pendant les périodes de stage en
entreprise des élèves. Un audit récent
3
avance que 7 500 à 8 500
équivalents temps plein (ETP) seraient perdus chaque année pour cette
raison et propose, pour éviter une telle déperdition de moyens, que le
service dû par les enseignants puisse être annualisé afin de surmonter les
rigidités des emplois du temps. Par ailleurs, la très grande diversité des
disciplines et spécialités enseignées dans les lycées professionnels - 144
sont répertoriées en 2007 – entraîne d’importantes difficultés de gestion
du personnel enseignant. Ainsi en 2007, seules 50 de ces spécialités ont
été proposées au concours du CAPLP2. De ce fait, un grand nombre de
disciplines doivent être enseignées par des personnels non titulaires. Si,
de façon générale, le recrutement et la gestion de ces enseignants non
titulaires constituent des exercices difficiles, ceci vaut encore plus pour le
dispositif des professeurs associés. Ce statut, qui permet à des personnes
dont l’expérience professionnelle est reconnue d’exercer des fonctions
d’enseignement reste peu utilisé en dépit de l’intérêt manifeste qu’il
représente. De nombreux freins limitent les recrutements de professeurs
associés : le niveau des rémunérations demandées, qui est sans commune
mesure avec celles qui peuvent être proposées à des contractuels en lycée
professionnel ; la lourdeur des horaires d’enseignement, peu compatible
avec les activités professionnelles que continuent à exercer les
professeurs associés ; l’absence de perspective de carrière au sein de
l’éducation nationale.
Enfin, rarement évoquée, la formation continue des enseignants
demeure très faiblement développée. Dans un contexte économique en
évolution rapide, les compétences demandées aux enseignants de la filière
professionnelle devraient pourtant être gérées de façon évolutive, en
anticipant les avancées techniques. Or, l’enquête des juridictions
3) Audit de modernisation d’octobre 2006 sur
La carte de l’enseignement
professionnel
, réalisé par l’inspection générale des finances, l’inspection générale de
l’éducation nationale et l’inspection générale de l’administration.
16
COUR DES COMPTES
financières montre que, si des mesures de reconversion ou d’adaptation
sont mises en oeuvre, voire intégrées dans des plans pluriannuels, elles ne
concernent que des effectifs très restreints d’enseignants et visent
finalement moins un objectif d’adaptation des compétences aux
évolutions du secteur productif qu’un objectif de résorption d’enseignants
en surnombre dans certaines disciplines. Face à ces constats, le ministère
de
l’éducation
nationale
reconnaît
qu’un
effort
de
formation
professionnelle des professeurs est nécessaire et prévoit que des actions
d’adaptation en faveur de certains enseignants aboutissent à un
changement
définitif
de
discipline,
voire
à
une
réorientation
professionnelle. Dans ce cadre, les académies devraient se voir confier à
l’avenir
la
responsabilité
d’un
« schéma
d’orientation
pour
les
reconversions disciplinaires » (SCORE) définissant les disciplines
concernées et les disciplines cibles ainsi que les modalités de
reconversion.
2 -
Un suivi parfois insuffisant de la gestion des CFA
La gestion des CFA laisse également apparaître des faiblesses.
Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 des
conventions quinquennales doivent être conclues entre chaque CFA et la
région dans laquelle il est situé. Toutefois, ces documents ne permettent
pas
à
la
région
d’orienter
efficacement
l’offre
pédagogique
d’apprentissage ; en effet, ils ont pour objet principal de définir les
modalités de calcul et de versement des subventions versées au CFA par
la région. Ainsi, dans plusieurs cas, les difficultés financières de certains
CFA ont amené la région à accorder un financement allant au-delà de
celui prévu par la convention. A cet égard, les contrôles des juridictions
financières ont montré que les conventions quinquennales soulèvent de
nombreuses
difficultés
d'application. Dans
d’autres
cas,
c’est
la
convention elle-même qui a été amendée à plusieurs reprises pour tenir
compte de la hausse du coût moyen constaté par apprenti.
Le respect des dispositions conventionnelles par les CFA est en
outre marqué par de nombreux aléas. Ainsi, des frais administratifs ou des
frais de scolarité ont parfois été réclamés aux apprentis au moment de
leur inscription alors même que la convention passée entre le CFA et la
région excluait explicitement de tels modes de financement. C’est
notamment le cas pour le CFA de Groisy (Haute-Savoie),, en région
Rhône-Alpes, où des frais administratifs ont été demandés aux apprentis
sans que cela soit justifié par un service rendu. D’autre part, la restitution
à la région des excédents de gestion, qui est de droit, n’est pas toujours
effective. Au CFA de Groisy, cet excédent a été utilisé afin de réduire la
contribution d’autres financeurs et de créer artificiellement un excédent
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
17
de
taxe
d’apprentissage
reportable
sur
l’année
suivante.
Enfin,
l’application de la convention quinquennale nécessite la mise en place
d’une comptabilité analytique dans les CFA puisqu’elle les oblige à
calculer a priori un coût unitaire par apprenti. Or, de nombreux CFA ne
tiennent pas une telle comptabilité ou le font selon des méthodes
approximatives qui en compromettent la signification.
Au total, le cadre contractuel qui régit les relations entre les
régions et les CFA ne garantit pas un suivi rigoureux de la gestion de ces
derniers et ne permet pas davantage à la région d’orienter efficacement
l’offre de formation en apprentissage.
C - Des résultats insuffisants
1 -
Une formation professionnelle initiale qui contribue à la
reproduction des inégalités
L’accès à un cursus de formation professionnelle initiale est
fortement corrélé dans notre pays avec l’origine sociale des élèves. Les
données disponibles montrent ainsi que 43 % des apprentis et 35 % des
élèves des lycées professionnels sont des enfants d’ouvriers, alors que ces
derniers se représentent que 25 % de l’ensemble des élèves du second
degré. A contrario, les enfants de cadres et de professions intermédiaires
sont sous-représentés parmi les apprentis et les élèves des lycées
professionnels : seuls 6 % des élèves du second cycle professionnel et 5%
des apprentis sont des enfants de cadres alors que ce chiffre s’élève à 17%
pour l’ensemble des élèves du second degré. Cette différenciation sociale
dans le recrutement des filières professionnelles s’explique d’abord par le
niveau scolaire dès l’entrée au collège. Mais elle est renforcée par un
phénomène d’auto sélection des élèves dans les demandes d’orientation
en fin de troisième : à niveau de résultats équivalents, les familles
populaires optent plus souvent pour la voie professionnelle que les
familles de cadres. En définitive, les mécanismes d’orientation vers les
filières professionnelle concourent à une reproduction des inégalités de
formation.
2 -
La faible attractivité de l’enseignement professionnel
Un peu plus du quart des élèves (26,3%) sont orientés vers les
formations de lycée professionnel à la fin de leur classe de troisième en
collège.
Cette
orientation
massive
se
fait
dans
des
conditions
insatisfaisantes au regard des perspectives d’insertion des jeunes
concernés. Ainsi, les formations relevant du secteur tertiaire continuent à
attirer de nombreux élèves, alors même que, dans un souci d’adéquation à
18
COUR DES COMPTES
la situation de l’emploi, de nombreuses académies ont réduit le nombre
de divisions et de places dans ces filières. Inversement l’attrait des
formations du secteur industriel est plus faible alors qu’elles sont pourtant
plus efficaces en termes d’insertion professionnelle. Plus généralement
les académies font face à une contradiction entre, d’une part leur souci
d’élévation du niveau de qualification des jeunes par un accès accru à
l’enseignement supérieur et d’autre part, la promotion de la voie
professionnelle qui ne permet que rarement d’accéder à des formations
supérieures. Conscientes de ces enjeux, la plupart d’entre elles s’efforcent
de lutter contre l’orientation par défaut vers les lycées professionnels.
Ainsi, l’académie de Lille, qui connaît des taux d’orientation vers les
lycées professionnels très supérieurs à la moyenne nationale, s’est donnée
pour objectif de rééquilibrer l’orientation des élèves entre la voie
professionnelle et la voie générale. Une telle politique n’est toutefois pas
sans effet sur l’image de l’enseignement professionnel, implicitement
considéré comme une voie de relégation limitant les perspectives des
élèves qui y sont orientés.
3 -
Les sorties sans qualification du système d’enseignement
professionnel demeurent importantes
En 1990, 604 920 diplômes relevant de l’enseignement professionnel
et technologique ont été délivrés ; 587 170 en 2006. On constate une baisse
globale qui s’explique par la diminution du nombre de CAP délivrés que n’a
pas compensée la montée en charge du baccalauréat professionnel. Ce
changement de répartition indique que le niveau des diplômes délivrés s’est
amélioré : la part des diplômes de niveau V (CAP et BEP) est passée de 74 à
58% et celle des diplômes de niveau IV (baccalauréat professionnel) de 26 à
42%. Le taux de réussite au baccalauréat professionnel reste moindre que
celui au baccalauréat général : il passe de 75,9% en 2003 à 77,3% en 2006,
(83,7 % à 86,6% pour la baccalauréat général). Ces moyennes nationales
cachent de fortes disparités, car la différence entre académies s’établit à
presque 24 points : Rennes obtient le meilleur taux de réussite (84,6% de
reçus), puis Strasbourg (83,9%) et Caen (83,5%) et les résultats les plus
faibles sont observés en Martinique (61,6%), en Guyane (65% de reçus) et à
Créteil (65,4%). Quant à la probabilité qu’ont les élèves d’obtenir un
diplôme, un peu plus de la moitié des élèves entrant en lycée professionnel
sont
in fine
diplômés, compte tenu des abandons en cours de formation et des
échecs aux examens. Seuls 28% des élèves entrés en CAP et BEP obtiennent
un baccalauréat.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
19
Les lycées professionnels ont fait de la lutte contre les sorties sans
qualification un objectif essentiel de leur action et ont mis en place des
dispositifs de suivi individualisé, de soutien scolaire et de cellule de veille
visant à repérer les élèves en situation de risque de décrochage.
Toutefois, l’évaluation des résultats de cette politique se heurte à de
fortes incertitudes concernant la mesure des taux de sortie d’élèves sans
qualification. Une difficulté tient aux définitions diverses des sorties sans
qualification. La DEPP prend en compte les élèves ayant quitté le système
éducatif sans avoir atteint l’année terminale de CAP ou de BEP ou la
classe de seconde générale et technologique, et aboutit au pourcentage de
6 % des effectifs d’élèves sortant de formations initiales (soit 42 000
élèves)
4
. Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne de l’Union européenne,
l’indicateur est le taux de diplômés de la fin de l’enseignement secondaire
parmi les jeunes de 20 à 24 ans. Cette approche aboutit à constater qu’en
2005, 17 % des élèves étaient sortis sans diplôme du second degré (soit
120 000 jeunes). Une autre approche consiste à prendre en compte les
élèves sortant chaque année sans qualification avec ou sans le diplôme
national du brevet, cette méthode aboutissant à 60 000 élèves auxquels il
faut ajouter les 47 000 « sans diplômes » (jeunes sortant des classes
terminales de CAP ou de BEP, mais qui ont échoué à l’examen du brevet,
du CAP ou du BEP), soit une proportion de 11% d’élèves qui sortent sans
qualification certifiée (soit 107 000 jeunes). Dans ses travaux sur la
«Génération 2001»
5
, le CEREQ aboutit encore à d’autres résultats.
4 -
Apprentissage et enseignement professionnel affichent des
résultats contrastés en termes d’insertion dans l’emploi
Si l’enseignement professionnel et l’apprentissage sont proches dans
les niveaux de formation proposés et dans les diplômes préparés, ces deux
filières se différencient toutefois pour ce qui est de leurs résultats. Ainsi,
les taux d’insertion dans l’emploi de l’apprentissage apparaissent
nettement plus élevés que ceux des lycées professionnels. En 2006, 66%
des apprentis qui avaient effectué une formation de niveau V ont trouvé un
emploi en moins d’un an, dont 38,4% en contrat à durée indéterminée ; ces
proportions ne sont respectivement que de 43% et de 16% pour les sortants
de lycées professionnels au même niveau. Cet écart se retrouve au niveau
IV avec un taux d’insertion de 79% des apprentis contre 64% des bac pro.
Ces résultats ne sont pas homogènes selon les secteurs d’activité : ainsi,
4) DEPP, Note d’information n°08-05 de janvier 2008 : «
Les sorties sans
qualification : la baisse de poursuit
».
5) Enquête portant sur une génération composée des 762 000 jeunes qui ont fait leurs
débuts dans la vie active en 2001.
20
COUR DES COMPTES
l’apprentissage est le plus performant dans le secteur industriel, où le taux
d’insertion au niveau V est de 71,4% contre seulement 55% pour les
diplômés du secteur secondaire. De leur côté, les lycées professionnels font
apparaître des résultats plus homogènes mais également plus faibles dans
les deux secteurs d’activité, avec un taux d’insertion de 43% pour les
diplômes préparant à un métier de l’industrie et de 44% pour les
formations tertiaires.
Ces résultats contrastés mettent en évidence une performance
globale de l’apprentissage supérieure à celle des lycées professionnels.
Pour autant, celle-ci ne doit pas occulter la complémentarité qui existe
entre les deux filières.
En effet, nombreux sont les jeunes qui passent d’un
système à l’autre : en 2006, 17 % de l’ensemble des apprentis (soit
70 000 personnes) étaient issues d’un lycée professionnel. Par ailleurs, les
données disponibles ne permettent de comparer les résultats de
l’apprentissage et de l’enseignement professionnel qu’au terme une période
relativement brève après la sortie du système de formation. Les données
disponibles sur des durées plus longues suggèrent un rapprochement, au
bout de quelques années, de la situation des anciens élèves de lycées
professionnels et des salariés issus de l’apprentissage.
II
-
L’offre de formation continue s’adapte diffi-
cilement aux besoins des salariés et des entreprises
A - Une offre très hétérogène
1 -
L’émiettement des structures de formation
Le secteur de la formation professionnelle est marqué par un très
grand éclatement de l’offre : on recensait 45 777 organismes de formation
en 2005 dont seulement 13 500 avaient la formation professionnelle pour
activité principale. On distingue habituellement trois grandes catégories
d’organismes de formation professionnelle :
le secteur privé à but lucratif, qui représente 38 % du chiffre
d’affaires et comprend des organismes de formation indépendants
mais également des entreprises de formation rattachées plus ou
moins directement à une branche ou à une entreprise ;
le secteur privé non lucratif - associations d’éducation populaire ou
d’insertion, associations rattachées à des entreprises et à des
branches professionnelles telles que les ASFO - dont la part de
marché est de 35 % ;
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
21
le secteur public et parapublic, dont le chiffre d’affaires représente
23% du volume d’activité du secteur, et qui comprend différents
types
d’organismes :
AFPA,
CNAM,
universités,
GRETA,
organismes consulaires.
Tableau n° 1 : Structure de l’offre de formation professionnelle continue
Catégories
d’organismes
Nombre
d’organismes
Chiffre
d’affaires
Nombre de
stagiaires
Ensemble
13500
5,4
Mds euros
8,7 millions
Dont Privé lucratif
4320
38%
41%
Dont Privé non lucratif
4185
35%
34%
Dont Individuels
4185
4%
10%
Dont Public et parapublic
810
23%
15%
Source : PLF 2008
La plupart de ces organismes sont de petite taille. De ce fait, le
secteur de la formation est dominé par quelques opérateurs importants : les
organismes qui dépassent 750 000 euros de chiffre d’affaires représentent
seulement 12% du nombre total des organismes mais 73% du chiffre
d’affaires du secteur. C’est dans le secteur public et parapublic que l’on
trouve les acteurs les plus significatifs par leur taille : l’AFPA, mais aussi
le réseau des GRETA qui représentent 13 % du marché de la formation
continue.
2 -
Des obligations administratives très légères
Cette dispersion de l’offre s’explique en partie par la faiblesse des
obligations réglementaires qui incombent aux organismes de formation
professionnelle : aucun agrément n’est nécessaire pour être déclaré comme
organisme de formation professionnelle. Jusqu’en 2002, il suffisait :
d’effectuer une déclaration préalable conformément à la loi du 31
décembre 1975,
d’établir annuellement un bilan pédagogique et financier qui est
transmis aux services du ministère chargé de l’emploi.
Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, cette
liberté d’installation des prestataires de formation a été légèrement
encadrée :
- la personne physique ou morale qui réalise des prestations de
formation
professionnelle
continue
doit
désormais
déposer
une
déclaration d’activité, et non plus une déclaration préalable, dès la
conclusion du premier contrat ou de la première convention de formation.
«
Cette
déclaration
comprend
les
informations
administratives
22
COUR DES COMPTES
d’identification de la personne physique ou morale ainsi que les éléments
descriptifs de son activité
». Cet enregistrement peut être annulé s’il ne
correspond pas aux actions définies à l’article L. 900-2 du code du
travail ;
- par ailleurs, «
l’autorité administrative de l’Etat chargée de la
formation professionnelle procède à l’enregistrement
». Depuis la loi de
2002, la région a communication des éléments de la déclaration ainsi que
du bilan pédagogique et financier, du bilan et du compte de résultat de
l’organisme ;
- enfin, un contrôle de la qualité des prestataires a été introduit
dans la mesure où «
les personnes physiques ou morales (qui réalisent
des actions de formation professionnelle) doivent justifier des titres et
qualités des personnels d’enseignement et d’encadrement qu’elles
emploient et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations
réalisées ».
La loi ne précise toutefois pas
la nature de ces « titres et
qualités », ce qui prive de toute effectivité cette disposition.
3 -
Des procédures publiques d’achat des formations qui peinent
à rapprocher l’offre des besoins de formation
a)
Une application généralisée du code des marchés publics qui
impose en théorie
aux régions une tâche de conception des
formations
Depuis la réforme du code des marchés publics en date du 7 mars
2001, les achats d’actions de formation professionnelle, d’apprentissage
et d’insertion sont soumis aux principes fondamentaux de la commande
publique : liberté d’accès, égalité de traitement des candidats et
transparence des procédures
6
. Les contrôles effectués par les juridictions
financières auprès des régions ont montré que les règles de la commande
publique étaient de mieux en mieux appliquées, même si les achats par
subventions sont encore fortement pratiqués. Or l’achat des formations
par voie de marchés publics apparaît comme un puissant facteur
d’évolution des pratiques, puisqu’il impose à la région de prendre
l’initiative d’une formation en élaborant un cahier des charges adapté aux
besoins auxquels elle entend satisfaire. A l’inverse, dans le régime de la
subvention, c’est le prestataire de formation qui a l’initiative du projet.
6) Principes repris dans l’article 1er du décret du 1er août 2006 portant code des
marchés publics.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
23
Les gains à attendre de la généralisation du recours aux marchés
publics résident ainsi non seulement dans une mise en concurrence accrue
des différents opérateurs, mais aussi dans une évolution du rôle des
régions, appelées à devenir non plus seulement des financeurs de
formation, mais également obligées désormais d’en définir le contenu.
b)
Des comportements qui tardent à évoluer
L’utilisation de la procédure des marchés publics n’a cependant
pas totalement fait disparaître les régimes de subvention, comme l’ont
mis en évidence plusieurs contrôles menés auprès des régions. Ainsi, en
Provence-Alpes-Côte d’Azur, la région qui, selon ses dires, s’apprête à
modifier ses procédures en 2009, range sous le même terme de
« commande publique » ce qui ressortit du code des marchés publics, et
ce qui relève de la subvention. Depuis 2006, sur
un total de 53 M€ de
dépenses prévues en autorisations de programme, les subventions ont
représenté 16 M€ soit le tiers du total de la « commande publique »
régionale de formation. Par ailleurs, le contrôle effectué par les
juridictions financières a montré que la région avait fait une interprétation
contestable de ce qui doit relever de la mise en concurrence dans le cadre
des formalités allégées de l’article 30 du code des marchés publics du 1er
août
2006
et
de
ce
qui
est
éligible
à
des
conventions
de
subventionnement. En région Centre, les modalités de financement de la
formation professionnelle continue ont sensiblement évolué au cours des
dernières années. A la suite de la réforme du code des marchés publics de
2001, qui a fait basculer la formation professionnelle continue dans le
droit commun de la commande publique, le montant des subventions
versées par la région à ce titre a fortement diminué. Cependant, avec la
régionalisation des programmes de formation de l’AFPA prévue par
l’article 13 de la loi du 13 août 2004 et à la
suite de la convention
tripartite Etat/région Centre/AFPA mise en oeuvre le 1
er
janvier 2006, la
subvention est redevenue un mode de financement important à partir de
2006. Cette situation devrait perdurer jusqu’au 1
er
janvier 2009, date à
laquelle la mobilisation de l’offre de formation proposée par l’AFPA
relèvera du droit commun de la commande publique.
Dans de nombreux cas observés par les juridictions financières, les
régions ne se sont pas saisies de leur rôle nouveau de définition du
contenu des formations et le cahier des charges imposé au prestataire de
formation laisse à ce dernier une grande latitude dans la définition de son
offre. Cette situation résulte de l’expertise encore faible des régions dans
cette tâche nouvelle. Ainsi, la région Bretagne a éprouvé des difficultés à
définir en amont les besoins de formation à couvrir et, jusqu’en 2005,
s’en est largement remise aux prestataires sélectionnés pour définir le
24
COUR DES COMPTES
contenu des formations. Cette situation est aussi la conséquence du fait
qu’un grand nombre de formations fasse l’objet de cofinancements. Dans
ces cas, le cahier des charges est souvent minimaliste afin de permettre la
compatibilité de la formation avec les besoins d’autres financeurs. Ainsi,
en dépit du changement de réglementation qui s’applique dorénavant aux
acheteurs publics et qui a pour objet d’inciter les régions à intervenir à la
fois comme financeur et comme concepteur de formations, la pratique
continue dans un bon nombre de cas de laisser le prestataire définir lui-
même le contenu de ses interventions
7
.
c)
L’application de la procédure d’achat public dans les régions s’est
révélée lourde
La mise en oeuvre des procédures de marchés publics s’est parfois
traduite par une certaine lourdeur. Des délais importants ont été notés
entre les différentes phases : définition des besoins, appels à candidature,
choix des prestataires. En Ile-de-France, pour le programme le plus
important, le programme régional qualifiant, le délai a été de 13 mois
entre la préparation de la commande et la notification des marchés. Sur
d’autres
programmes,
tels
par
exemple
que
les
métiers
de
l’environnement, ce délai a dépassé les 16 mois. Ces délais sont peu
compatibles avec une adaptation rapide aux besoins de formation,
d’autant que les marchés sont passés pour des périodes longues (3 ans en
région Ile-de-France). Au total, la mise en oeuvre de la procédure des
marchés publics pour l’achat de formations n’a pas toujours produit les
bénéfices escomptés : censée favoriser l’adaptation de l’offre à la
demande, elle a laissé subsister d’importantes rigidités.
B - Des prestataires publics de formation contraints à
des mutations rapides
1 -
L’AFPA entre régionalisation et mise en concurrence
a)
L’activité de l’AFPA s’exerce dans un environnement en
changement accéléré
7)
Un
« guide
pratique
de
l’achat
public
des
prestations
de
formation
professionnelle », élaboré conjointement par le ministère chargé de l’emploi et
l’Association des régions de France, a été diffusé aux régions en juin 2008.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
25
L’AFPA
L’Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes
(AFPA) est le principal opérateur public de formation professionnelle. Sa
création remonte à 1949, sous la dénomination d’ « association nationale
interprofessionnelle
de
formation
rationnelle
de
la
main
d’oeuvre »
(ANIFRMO)
.
Celle-ci a évolué pour devenir AFPA en 1965. En 1985 l’AFPA
se réorganise pour accompagner la décentralisation : 22 agences régionales sont
créées et des « centres pédagogiques et techniques d’appui » sont ouverts. Les
ministères chargés de l’emploi et du budget assurent conjointement sa tutelle ;
ils concluent depuis 1994 un « contrat de progrès » pluriannuel avec l’AFPA ; le
document actuellement en vigueur couvre la période 2004-2008.
L’AFPA exerce trois grands types d’activités :
1. Les prestations de formation pour les demandeurs d’emploi et les
salariés : en 2006 159 019 personnes étaient entrées en formation auprès de
l’AFPA, dont 66% de demandeurs d’emploi. Sur le marché de la formation
professionnelle des adultes, la part de l’AFPA serait ainsi de 4,2%
8
; cette part
s’élève à 30% environ lorsque l’on considère uniquement le public des
demandeurs d’emploi ;
2. Les prestations d’orientation pour les demandeurs d’emploi : l’AFPA
accueille des demandeurs d’emploi, adressés notamment par l’ANPE et ses
cotraitants, afin de les aider à construire leur parcours de formation ou de
validation des acquis de l’expérience (VAE). En 2006, l’AFPA a ainsi accueilli
250 000 demandeurs d’emploi, dont 197 000 adressés par l’ANPE. L’Etat et le
fonds social européen assurent le financement de cette partie de l’activité de
l’AFPA ;
3. Les prestations de certification : en 2006, l’AFPA a organisé
20 000
présentations aux certificats de compétences professionnelles (CCP) et 43 000
présentations au titre professionnel. La validation des acquis de l’expérience
(VAE) se décompose en 4 activités : instruction technique des dossiers de
validation (8 500 personnes en 2006), les services d’appui à la VAE (6000) les
présentations aux CCP (12 000 en 2006) et au titre professionnel (5000).
Les moyens déployés par l’AFPA pour satisfaire à ces trois missions sont
importants : à la fin de 2007, l’association comptait 11 936 salariés répartis sur
272 sites. Parmi les salariés de l’AFPA, 5000 sont des formateurs, 850, des
spécialistes de l’orientation et 600 des employés des services d’hébergement et
de restauration. Dans son budget pour 2007 ses recettes s’élevaient à 1,1
milliard d’euros. Plus de 85% des ressources de l’AFPA proviennent de
subventions : 210 millions de l’Etat, 549 millions des régions, et accessoirement
d’autres collectivités territoriales, d’organismes parapublics et de l’Union
Européenne ; en 2007, ces ressources ont été complétées par 175 millions
d’euros prélevés sur le Fonds unique de péréquation (FUP).
8) DARES, « La dépense nationale pour la formation professionnelle continue et
l’apprentissage en 2005 », Premières informations, N°45-3, novembre 2007
26
COUR DES COMPTES
L’AFPA a été profondément affectée par les évolutions en cours
dans le secteur de la formation professionnelle :
- la régionalisation.
Le rôle acquis par les régions en matière de
formation professionnelle appelait une évolution de l’organisation et du
fonctionnement de l’AFPA. Cette évolution n’est toutefois apparue que de
manière assez tardive. En effet, il faut attendre la loi du 28 février 2002
relative à la démocratie de proximité pour voir les régions chargées de la
définition
d’un « schéma régional des formations de l’AFPA ». Cette
compétence nouvelle n’avait toutefois qu’une portée limitée puisqu’elle
devait s’exercer dans le cadre d’une convention tripartite Etat-région-
AFPA adaptant à la situation particulière de chaque région le contrat de
progrès région-AFPA. Une étape plus décisive a été franchie avec la loi du
13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. L’article
13 de cette loi prévoit que les compétences jusque-là exercées par l’Etat en
tant qu’organisateur et financeur des stages de l’AFPA sont désormais
dévolues aux régions. Il est précisé que ce transfert doit intervenir au plus
tard le 31 décembre 2008. Cette réforme ne fait pas pour autant de la
région le seul financeur de l’AFPA ; compte tenu du maintien de la
compétence de l’Etat pour organiser, en tant que politiques nationales,
d’autres actions de l’AFPA, celui-ci continuera à financer certaines
prestations de formation. Schématiquement, sont concernées par la
décentralisation les subventions destinées à la formation des demandeurs
d’emplois, hors certains publics spécifiques. L’Etat continue de financer la
formation par l’AFPA des personnes, demandeurs d’emplois ou non,
appartenant à ces publics spécifiques : détenus, illettrés, réfugiés, résidents
de l’outre-mer, militaires en reconversion. L’Etat reste aussi le financeur
des autres interventions de l’AFPA s’inscrivant dans le cadre de politiques
nationales (notamment en matière d’ingénierie des titres de formation),
ainsi que d’une grande part des investissements de l’AFPA ;
- les réformes du service public de l’emploi.
La loi du 18 janvier
2005 a remodelé le service public de l’emploi en y introduisant outre
l’AFPA, à côté des opérateurs traditionnels, tels que l’ANPE, d’autres
intervenants publics (collectivités territoriales) ou privés. Par ailleurs, le
service public de l’emploi est amené à connaître une évolution
déterminante avec la fusion de l’ANPE et de l’assurance chômage prévue
par la loi du 13 février 2008. Dans ce contexte, l’AFPA a été appelée par
l’Etat à participer à de nouvelles opérations : programme spécifique
d’actions courtes en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée
(20 000 places en 2005) ; programme de préparation à l’entrée en contrat
d’alternance, dit « 50 000 jeunes » (2006-2007) confié à l’AFPA par la
convention du 17 mai 2006 entre l’Etat, l’AFPA, le Comité paritaire
national pour la formation professionnelle (CPNFP) et le Fonds unique de
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
27
péréquation (FUP) ; expérimentation du nouveau contrat de transition
professionnelle (CTP) en 2007
9
;
A ce jour, le statut de l’AFPA n’a pas pris en compte les mutations
en cours. Son adaptation est pourtant inéluctable et résulte tant de la
régionalisation
des
commandes
adressées
à
l’organisme
que
de
l’application des règles de la concurrence à ses prestations. Tout au plus
l’Etat a-t-il consenti à céder à des représentants de l’Association des
régions de France deux de ses treize sièges à l’assemblée générale de
l’AFPA, un changement qui ne reflète que très insuffisamment le
mouvement de rapprochement entre les régions et l’opérateur public de
formation.
Par ailleurs, la réflexion concernant la régionalisation de l’AFPA est
restée inaboutie. A quelques mois de l’échéance du 31 décembre 2008
prévue par la loi pour la régionalisation de la commande publique adressée
à l’AFPA, l’incertitude demeure sur le respect de cette échéance et, dans le
cas où elle le serait, sur le cadre juridique qui succèdera au dispositif
transitoire actuel. Or, en l’absence de prolongement de la période
transitoire, c’est dès avant la fin du premier semestre 2008 que les régions
auront dû lancer le processus de passation de leurs contrats pour 2009 et
les années suivantes.
Enfin, la soumission de l’organisme aux règles de la concurrence,
telles qu’elles résultent de l’avis du Conseil de la concurrence du 18 juin
2008, reste insuffisamment préparée. L’AFPA est aujourd’hui financée à
plus de 85% par des subventions sans être mise en concurrence avec
d’autres opérateurs pour la réalisation des opérations ainsi subventionnées.
Ce mode de fonctionnement ne pourra pourtant persister. En effet, le
fonctionnement actuel de l’AFPA est susceptible de contrevenir sur de
nombreux points aux règles nationales et européennes relatives à la
concurrence. La plupart des activités de l’AFPA la soumettent de fait aux
règles du droit européen de la concurrence. L’organisme exerce en effet
une « activité économique » au sens des traités européens, le statut
associatif de l’AFPA, son absence de but lucratif ou la poursuite d’une
finalité sociale n’étant pas susceptibles d’écarter cette qualification
10
.
Seules sont déclarées non économiques – et non soumises aux règles de la
concurrence – les activités liées à l’exercice de prérogatives de puissance
9) Le CTP est un dispositif ouvert à titre expérimental dans sept bassins d’emploi
pour une période de 3 ans (2007-2009). Il procure un accompagnement personnalisé
aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1000
salariés. Ce dispositif financé par les employeurs, par l’Unédic et par l’Etat a été placé
sous le pilotage de l’AFPA qui a créé à cette fin une filiale spécialisée, la société
Transitio.
10) Cf. CJCE C-180/98 du 12 septembre 2000, Pavlov.
28
COUR DES COMPTES
publique et certaines activités jugées de nature purement sociale. Sur les
977 millions de chiffre d’affaires de l’AFPA en 2006, seule une très faible
partie (moins de 5%) est susceptible d’être considérée comme « non
économique » au sens du droit européen. Or ce constat n’a pas conduit
l’AFPA à accélérer son adaptation à la mise en oeuvre à terme désormais
très rapproché de procédures de marché pour la commande de ses
prestations. Les risques juridiques liés à la situation de l’AFPA ne tiennent
pas uniquement à cet aspect des règles de concurrence ; ils résultent aussi
des avantages en nature et subventions consentis par l’Etat à l’AFPA, qui
risquent d’être mis en cause au regard de la réglementation communautaire
relative aux aides d’Etat. Parmi les éléments dont la conformité au droit
des aides d’Etat pourrait se révéler problématique, se pose notamment avec
une particulière acuité la question du patrimoine foncier et bâti utilisé par
l’AFPA, qui présente la caractéristique de lui être mis pour l’essentiel à
disposition par l’Etat à titre quasi gratuit.
Ces aspects juridiques ne sont pas sans conséquence sur le
positionnement de l’offre de formation de l’AFPA. La rigidité de ses coûts,
alors même qu’elle bénéficie encore d’avantages concurrentiels du fait de
sa relation historique avec l’Etat, ne lui permet pas d’ores et déjà d’être
compétitive dans certains secteurs, et notamment dans nombre de
formations aux métiers du tertiaire. L’AFPA a décidé en conséquence de se
retirer progressivement de ce type d’activité pour
se recentrer sur les
secteurs du bâtiment et de l’industrie, où elle dispose d’une légitimité et
d’une reconnaissance réelles.. A ce jour, cet effort de repositionnement
reste toutefois
inabouti.
Il résulte de tous ces éléments une grande fragilité économique et
juridique de l’organisme. Or, alors même que ce contexte nécessitait des
adaptations urgentes, la tutelle de l’AFPA semble être restée dans
l’indécision sur les orientations à retenir et les réorganisations à conduire,
retardant l’adaptation de l’association, la rendant moins prête à affronter
des échéances inéluctables et l’exposant à de considérables risques
contentieux. Quelle que soit la solution retenue, l’AFPA ne peut plus
différer davantage une évolution radicale de ses formations, de sa
structure et de son statut.
2 -
Les GRETA
Les GRETA constituent, aux côtés de l’AFPA, l’autre grande
catégorie d’opérateurs publics intervenant comme prestataires de
formation professionnelle continue. Leur chiffre d’affaires représente près
de 10 % du total du marché de la formation professionnelle continue. Il
stagne toutefois autour de 400 millions d’euros annuels depuis le début
des
années
2000,
tandis
que
le
nombre
de
stagiaires
décline
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
29
régulièrement. Le développement des GRETA est en effet entravé par une
organisation lourde et inefficace qui ne favorise ni leur insertion
harmonieuse dans leur environnement économique et social, ni
l’adaptation de leur offre de formation aux évolutions de la demande du
marché.
a)
Un mode de gouvernance inadapté
Les GRETA
Les GRETA – pour « groupes d’établissements » – ont pour objet de
mutualiser des moyens en personnels, locaux ou équipements entre les
établissements publics locaux d’enseignement qui le constituent (lycées ou
collèges) en vue d’exercer une activité de formation continue. En effet, la loi
du 16 juillet 1971 prévoit que «
l’éducation permanente fait partie des
missions des établissements d’enseignement
» (art. L. 122-5 du code de
l’éducation). Cette disposition est complétée à l’article L. 423-1 du même
code, qui précise que «
pour la mise en oeuvre de leur mission de formation
continue ainsi que de formation et d’insertion professionnelles, les
établissements
scolaires
publics
peuvent
s’associer
en
groupements
d’établissements dans des conditions définies par décret ou constituer, pour
une durée déterminée, un groupement d’intérêt public
».
Dépourvu de la personnalité juridique, le GRETA est rattaché à un
établissement d’enseignement, dit « établissement support » ; ses activités
sont retracées dans un budget annexe de ce dernier.
Il existe actuellement 257 GRETA.
La structure de direction des GRETA est complexe, ce qui allonge
incontestablement les circuits de décision alors que la mission de
formation continue se situe dans un contexte de concurrence et de marché
qui privilégie la réponse rapide aux évolutions de la demande. La
gouvernance des GRETA est en effet assurée par deux instances dont la
répartition des rôles n’apparaît pas toujours clairement :
- le conseil inter établissements (C.I.E.) ;
- le conseil d’administration de l’établissement support.
En théorie, le conseil inter établissements se prononce sur
l’orientation générale du GRETA. Il se réunit au moins trois fois par an et
arrête le schéma de développement pluriannuel ainsi que le programme
annuel d’activité ; il approuve également la politique d’équipement et
d’emploi et examine le projet de budget du GRETA. Ce conseil est
présidé par un chef d’établissement, qui est chargé de l’animation de la
préparation des réunions, du suivi des décisions et qui assure la
représentation du GRETA auprès de ses partenaires. Toutefois, c’est le
30
COUR DES COMPTES
conseil d’administration de l’établissement support qui demeure l’organe
décisionnaire du groupement. Le GRETA, dépourvu de la personnalité
juridique, doit soumettre à son approbation ses budgets et comptes
annuels, annexes des comptes principaux, ainsi que toutes les décisions
qui le lient juridiquement. Par ailleurs, le chef de l’établissement support
est le véritable responsable de l’activité du GRETA : il est l’ordonnateur
de ses dépenses et de ses recettes ; il est également habilité à signer au
nom du groupement les conventions de formation continue. Cette
répartition des pouvoirs, complexe et non exempte de redondances, fait
apparaître de nombreux dysfonctionnements. En premier lieu, la gestion
du GRETA n’est, pour le chef de l’établissement support, qu’une mission
secondaire. Ce dernier se vit en effet d’abord comme le proviseur d’un
lycée ou le principal d’un collège et ne peut consacrer qu’une partie
limitée de son temps au fonctionnement du GRETA. Par ailleurs, le
conseil d’administration de l’établissement support considère souvent la
formation continue comme une préoccupation accessoire.
Dès lors, les dysfonctionnements sont nombreux. Ils résultent
souvent de l’abstention des organes de direction du GRETA. En
témoigne, par exemple, la signature tardive de certains documents
essentiels au fonctionnement du groupement : ainsi, le GRETA « Nantes
services » a fonctionné de 1997 à 2005 sans que sa convention
constitutive ait été approuvée par le recteur. D’autres exemples montrent
que
la
carence
des
organes
décisionnaires
peut
fragiliser
le
fonctionnement
du
GRETA :
ainsi,
jusqu’en
2006,
le
conseil
d’administration du lycée Mermoz n’a pas explicitement approuvé les
programmes annuels d’activité du GRETA de Montpellier dont il était
l’établissement support. Cette anomalie était de nature à remettre en cause
la validité des conventions de formation signées par l’ordonnateur au nom
du GRETA. Les dysfonctionnements relevés résultent aussi du caractère
parcellaire des délibérations sur l’activité du GRETA, tant au sein du
C.I.E. que du conseil d’administration de l’établissement support. Celles-
ci
ne
permettent
pas
toujours
aux
membres
de
ces
instances
d’appréhender dans leur globalité l’activité, les problématiques et les
difficultés du groupement. Au demeurant, l’absentéisme est souvent
important au sein de ces assemblées : ainsi, une réunion du C.I.E. du
GRETA Charente s’est tenue le 3 avril 2007 en présence de 5 membres
ayant voix délibérative seulement ; lors de cette réunion, 29 pouvoirs
avaient été donnés.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
31
Par ailleurs, l’organisation en réseau est l’un des principes
fondamentaux du fonctionnement des GRETA, qui repose sur la
mutualisation des équipements et des compétences. Ce réseau présente
l’avantage de permettre un accès de proximité à la formation, précieuse
au regard de l’équité entre les territoires et de la faible mobilité
géographique de certains publics en grande difficulté. En pratique
toutefois, cette mutualisation,
rarement effective, entraîne de nombreuses
lourdeurs. Ainsi, le fonctionnement en réseau pour l’accueil des
formations multiplie les actes juridiques : un GRETA peut comprendre
jusqu’à 50 établissements et les relations entre celui-ci et les
établissements d’accueil doivent être formalisées par une convention. Sur
le plan matériel, si la plupart des GRETA se composent de lycées et de
collèges, le potentiel de formation de ces derniers est le plus souvent
modeste et la majorité des formations est généralement assurée dans
l’établissement support, ce qui vaut à ce dernier d’être généralement
assimilé au GRETA dans son ensemble. Ainsi, au GRETA de Metz en
2006, seuls 10 établissements sur les 39 qui le composent ont contribué
effectivement à la réalisation du chiffre d’affaires. Celui-ci est d’ailleurs
concentré sur un faible nombre d’établissements : dans le même GRETA,
4 d’entre eux ont réalisé 86% du chiffre d’affaires, l’établissement
support contribuant à hauteur de 44%.
b)
Les difficultés d’insertion des GRETA dans leur environnement
économique et institutionnel
Les GRETA se sont imparfaitement adaptés aux bouleversements
qui ont affecté leur environnement. Durant la période récente, le
financement public de la formation professionnelle a connu des
bouleversements majeurs résultant du retrait progressif de l’Etat et de la
montée en puissance concomitante des régions. Or les GRETA n’ont pas
toujours su tirer les conséquences de ces changements. Ainsi la
généralisation des appels d’offres qui a accompagné cette évolution a-t-
elle été à l’origine de pertes de marchés pour les GRETA et ce pour des
raisons liées moins au manque de maîtrise des procédures qu’à une forte
évolution des priorités des régions. Ainsi le GRETA Charente n’assure
plus en 2007 la préparation au BEP « carrières sanitaires et sociales »
confiée dorénavant à une association d’aide à domicile alors même qu’il
affichait depuis 3 ans un taux de réussite de 99% et d’embauche de 80%.
Vis-à-vis des financeurs privés (entreprises et OPCA), la part de marché
des GRETA a également diminué, faute d’avoir pris en compte les
évolutions de la demande.
En effet, les entreprises clientes exigent de
plus en plus souvent des réponses individualisées aux problèmes de
formation de leurs salariés, ce qui suppose une véritable démarche
commerciale avec la définition d’objectifs ainsi qu’une coopération
32
COUR DES COMPTES
accrue avec les centres de bilan et les dispositifs de validation des acquis
de l’expérience. Force est de constater qu’une telle démarche est
diversement développée selon les GRETA. Enfin, les GRETA ont
insuffisamment pris en compte la réduction de la durée moyenne des
formations longues, en ne s’engageant qu’avec lenteur dans une
démarche de modularisation des diplômes.
Dans ce contexte d’exigence accrue des financeurs de formation, les
GRETA sont, en outre, handicapés par une insuffisante coordination avec
les autres prestataires de formation. Certes, des efforts réels ont été faits
pour limiter les cas de concurrence au sein même du réseau des GRETA.
Ainsi, les rectorats ont, dans le cadre de leur mission de pilotage de la carte
des formations des GRETA, encouragé les actions de prospection
communes et la spécialisation, voire le regroupement de certains GRETA.
Au sein des groupements composés d’un grand nombre d’établissements,
les établissements d’accueil ont eux-mêmes été spécialisés. En revanche, la
coordination avec les autres structures de formation, qu’elles soient
publiques ou privées, est au mieux balbutiante. Ainsi, les démarches du
GRETA Charente en vue de mettre en place des formations communes
avec l’école nationale de l’industrie laitière et des industries alimentaires
de Surgères n’ont pas abouti. Par ailleurs, les relations avec l’AFPA sont
faibles : les deux réseaux publics de formation sont souvent concurrents et
n’ont développé que peu de partenariats. Enfin, s’il faut souligner quelques
réussites en matière de partenariats avec des secteurs professionnels – par
exemple, pour le GRETA de la Haute-Marne, dans l’industrie de la
transmission et les industries mécaniques -, ce type de démarche doit
encore être développé.
Enfin, la méconnaissance de leurs coûts par les GRETA laisse
planer des doutes sérieux sur le caractère concurrentiel de leur offre. Alors
que le développement des achats de formation par appels d’offres rend de
plus en plus indispensable une bonne connaissance des coûts exposés par
les prestataires, le retard des GRETA dans ce domaine apparaît criant. La
comptabilité analytique y est généralement insuffisante : si certains
GRETA identifient très précisément chacun des éléments de coûts à
l’heure-groupe ou à l’heure-stagiaire, le plus souvent des coûts forfaitaires
sont établis, parfois très éloignés de la réalité. En outre, l’évaluation des
charges de structure devrait s’appuyer sur un recensement et une
valorisation des locaux et équipements utilisés qui n’est pas systématique
au sein du réseau des GRETA. Il en résulte que, même si les exigences des
financeurs publics limitent la liberté de fixation du prix de vente des
actions, la tarification est parfois établie en fonction des capacités
contributives présumées des différents clients, celles-ci étant estimées par
les conseillers en formation continue. Cette carence de la comptabilité
analytique met les GRETA dans une situation de grande vulnérabilité pour
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
33
affronter les conséquences du développement des achats par appels
d’offres. En outre, elles les exposent à une forte incertitude juridique au
regard du droit de la concurrence : en effet, la sous-estimation de certains
frais de structure ou de rémunération des enseignants pourrait s’apparenter
à l’octroi de subventions indirectes leur permettant de proposer des tarifs
inférieurs aux autres organismes de formation professionnelle continue.
c)
Des problèmes récurrents d’adaptation de l’offre de formation à la
demande du marché
Afin de développer leur activité, les GRETA s’appuient notamment
sur les services de personnels spécialisés, appelés « conseillers en
formation continue » (CFC). Ces derniers, délégués auprès du recteur et
placés sous l’autorité du Délégué Académique à la formation continue
(DAFCO), sont mis à disposition des GRETA. Ils assurent alors, en
relation étroite avec les instances du groupement à qui ils rendent compte
de leur action, un rôle de conseil, de coordination et de suivi dans
l’élaboration et la mise en oeuvre du plan de développement du GRETA.
Cette
mission
se
traduit
plus
concrètement
par
des
actions
de
communication, de commercialisation des formations et de soutien
pédagogique aux équipes enseignantes. Cette double appartenance au
réseau académique et au GRETA dans lequel ils exercent devrait favoriser
la cohérence de l’action de ce dernier avec la stratégie académique de
développement de la formation continue arrêtée par le Recteur. En réalité,
les CFC occupent un positionnement peu clair au sein des groupements.
Ainsi, le président du GRETA ne maîtrise ni le recrutement ni les
mutations de ces personnes. En outre, les CFC n’étant pas placés sous son
autorité, il éprouve parfois les plus grandes difficultés à guider et
coordonner
leur
action.
Par
ailleurs
la
présence
d’« enseignants
coordonnateurs » complique encore leur tâche en multipliant les cas
d’empiètements de compétences. Compte tenu des difficultés résultant de
ce cadre institutionnel, certains GRETA ont décidé de recruter sur leurs
fonds propres des responsables techniques et des agents commerciaux. Les
résultats observés à la suite de ces initiatives ne sont pas toujours
probants : ainsi, en 2006, le délégué académique à la formation continue a
observé qu’au GRETA de Montpellier le chiffre d’affaires par CFC était
inférieur à la moyenne académique alors que l’animation et l’activité
commerciale étaient assurées par 5 CFC, une chargée de mission et
3 attachés commerciaux.
34
COUR DES COMPTES
Par ailleurs, l’adaptabilité de l’offre proposée par les GRETA est
entravée par les lourdeurs de gestion de leur personnel enseignant. Celle-ci
tient notamment aux rigidités qui affectent la gestion des différentes
catégories d’enseignants intervenant dans ces groupements. Ainsi, trois
catégories de statuts d’emploi peuvent être distinguées :
- les « emplois d’enseignants gagés » ; il s’agit d’enseignants à
temps partiel ou à temps complet financés sur les recettes du GRETA ; ils
ne constituent pas des emplois spécifiques constitutifs d’un corps
particulier, mais une simple modalité de répartition des postes de
l’établissement support entre les activités de formation initiale et de
formation continue ;
- les enseignants contractuels, qui ont conclu avec le GRETA un
contrat à durée déterminée ;
-
les
vacataires ;
cette
catégorie
recouvre
notamment
les
enseignants de formation initiale qui assurent des missions de formation
continue en marge de leur activité principale.
Les deux premières catégories sont les plus contraignantes en
termes de gestion. En effet, si le GRETA peut remettre ces postes
d’enseignants à la disposition du rectorat, les adaptations ne peuvent pas
être immédiates compte tenu de l’obligation de respecter le calendrier des
mouvements annuels. De ce fait, les cas de sous-emploi de certains
enseignants ne sont
pas rares : au GRETA de Lorient, en 2005, quatre
enseignants n’avaient pas effectué toutes les heures prévues à leur contrat
pour un total de 1000 heures, soit l’équivalent de 50 000 € de service non
fait.
Or, si ces situations sont fréquentes, les textes en vigueur ne
permettent pas à des enseignants contractuels de compléter leur service en
assurant des heures de formation initiale, même si certains GRETA –
dont celui de Lorient – ont mis en place, dans la pratique, des montages
de cette nature.
Des évolutions législatives récentes ne sont pas allées dans le sens
d’un assouplissement des conditions d’emploi des personnels exerçant
leur activité dans un GRETA. La loi du 3 janvier 2001 est à l’origine d’un
mouvement de titularisations à la suite de la mise en place d’un concours
réservé et d’un examen professionnel ; par ailleurs, la loi du 26 juillet
2005 transposant des dispositions de droit communautaire à la fonction
publique a limité le recours aux contrats à durée déterminée et a permis la
reconduction de certains d’entre eux sous forme de contrats à durée
indéterminée.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
35
d)
Une démarche d’évaluation des résultats insuffisamment
développée
Faute d’instruments d’évaluation adaptés, la plupart des GRETA
n’est pas en mesure de s’assurer de la qualité du service délivré et de son
adaptation aux besoins du marché. Ainsi, alors même que l’absentéisme
lors des formations est un problème dans tous les GRETA, rares sont
ceux qui se sont dotés des moyens permettant de connaître l’origine des
défections de stagiaires. Par ailleurs, l’autoévaluation de leur action par
les GRETA est loin d’être systématique et ne donne que rarement lieu à
débat dans leurs instances. Dans nombre de GRETA, comme le GRETA
Gremetour à Vitry-sur-Seine par exemple, les stagiaires sont certes suivis
par les enseignants coordonnateurs mais sans que cette démarche soit
systématisée : ainsi, les connaissances en début et en fin de stages ne sont
pas mesurées ; de même, le taux d’intégration des stagiaires dans un
emploi à l’issue du stage n’est souvent pas connu.
III
-
L’incapacité du système à sécuriser les
parcours professionnels
A - L’insuffisante prise en compte de la situation des
personnes les moins qualifiées
L’élévation du niveau de formation à l’issue du système scolaire
ainsi que l’intensification de l’effort de formation continue laisse
subsister une fraction encore importante de personnes peu formées. En
2005, les personnes ayant un niveau de formation égal ou inférieur au
CAP et au BEP représentaient 56 % de la population active, 21 % n’ayant
aucun diplôme. Par ailleurs, 120 000 jeunes représentant 17 % des élèves
étaient sortis sans qualification du système de formation initiale
11
. Loin de
se réduire, ce flux a plutôt eu tendance à
se stabiliser au cours des
dernières années.
11) Ces sorties « sans diplôme » sont entendues au sens de la stratégie européenne de
Lisbonne, qui considère qu’un diplôme de second cycle de l’enseignement secondaire
est le bagage minimum ; elles comprennent donc des diplômés du brevet des collèges
et des élèves qui ont pu suivre une année terminale de CAP, de BEP ou de
baccalauréat même s’ils n’ont pas obtenu le diplôme.
36
COUR DES COMPTES
1 -
Les « non qualifiés » et les « peu formés » : une population
faisant face à un risque accru de chômage
La totalité de ces personnes « peu formées » n’est pas en difficulté
sur le marché du travail. Les trajectoires individuelles sont heureusement
diverses et permettent des évolutions de carrière indépendantes du niveau
de diplôme. Pour autant, les « peu formés » font face à un risque de
chômage nettement plus élevé que la moyenne : en 2006, le taux de
chômage des personnes n’ayant aucun diplôme s’établissait à 13,9%
contre 8,8% en moyenne pour l’ensemble de la population active. Cette
caractéristique se retrouve dans l’ensemble des classes d’âge, où le taux
de chômage des personnes sans diplôme est supérieur, dans des
proportions parfois considérables, au taux de chômage moyen
Tableau n° 2 : Taux de chômage en fonction de la catégorie d’âge et du
niveau de diplôme (2006)
Diplôme le plus élevé
obtenu
Ensemble
15 à 29 ans
30 à 49 ans 50 ans et plus
Ensemble
8,8 %
15,8 %
7,3 %
6,0 %
Diplôme supérieur
6,0 %
9,6 %
5,0 %
4,6 %
Baccalauréat + 2 ans
5,6 %
9,0 %
4,0 %
5,7 %
Baccalauréat ou brevet
professionnel ou autre
diplôme de ce niveau
8,5 %
12,8 %
6,8 %
5,8 %
CAP, BEP ou autre diplôme
de ce niveau
7,8 %
17,0 %
6,4 %
4,7 %
Brevet des collèges
11,1 %
24,8 %
8,7 %
4,4 %
Aucun diplôme ou CEP
13,9 %
32,0 %
13,6 %
8,3 %
Source : INSEE, enquête emploi en continu (2006)
En définitive, un point commun marquant entre les salariés
victimes de restructurations dans l’industrie et les jeunes peinant à
s’insérer sur le marché du travail réside précisément dans leur
appartenance à la catégorie des personnes peu ou pas formées, à laquelle
notre système peine à offrir une « seconde chance ».
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
37
2 -
L’incapacité du système à sécuriser les parcours professionnels
et à améliorer la qualification des personnes peu formées
Le système de formation professionnelle continue tel qu’il s’est
développé dans notre pays ne repose pas sur un ciblage des bénéficiaires
par niveau de qualification ou sur une appréciation systématique de
l’intensité des besoins en matière de formation. En effet, les dispositifs
existants sont généralement cloisonnés par financeurs de formation. Or
les personnes peu formées ou mal qualifiées ne constituent pas les
principaux bénéficiaires ni même, pour certains dispositifs, le principal
public cible du système de formation. C’est ainsi qu’un titulaire sur trois
d’une licence ou d’un master (ou de diplômes équivalents) et un peu plus
d’un titulaire de BTS ou DUT sur cinq bénéficie de formation continue
dans les trois ans qui suivent leurs études contre seulement un sur quinze
pour les non diplômés et un peu plus d’un sur dix pour les titulaires de
CAP. Cette inégalité est amplifiée par des facteurs tenant à l’âge des
personnes. Ainsi, le taux d’accès aux formations chute de manière
importante après l’âge de 50 ans : proche de 35% en moyenne jusqu’à cet
âge, il n’est plus que de 32% entre 50 et 55 ans, de 22% entre 55 et 59 ans
et 13% au-delà de 60 ans. Ce faible investissement dans la formation des
personnes de plus de 50 ans est paradoxal à un moment où les politiques
publiques se donnent comme objectif de renforcer l’employabilité de
cette catégorie de la population active, qui affiche un taux de chômage
particulièrement élevé dans notre pays. La taille de l’entreprise se révèle
une autre source d’inégalités face à la formation. En 2005, le taux d’accès
à la formation dans les entreprises de 10 à 19 salariés était de 12,9% ; il
s’élevait avec la taille de l’entreprise pour atteindre 54,4% dans les
entreprises de plus de 2000 salariés. Enfin, le taux d’accès aux formations
varie également selon que le bénéficiaire est en situation d’activité ou de
recherche d’emploi. En effet, les demandeurs d’emploi bénéficient en
moyenne deux fois moins de la formation professionnelle que les salariés
en situation d’activité tout en ayant un profil identique dans l’accès aux
stages en fonction de l’âge : les chômeurs de plus de 50 ans affichent
ainsi des taux très faibles d’accès à la formation. Ce résultat ne peut
manquer d’étonner alors que la formation professionnelle est considérée
depuis près de trente ans comme l’une des clés de la réinsertion
professionnelle des demandeurs d’emplois.
A rebours des objectifs affichés par ses différents acteurs,
le
système actuel n’apparaît pas en mesure de sécuriser les parcours
professionnels des moins formés. Alors que ces derniers sont ceux pour
lesquels la formation apparaît comme la plus utile dans une perspective
de maintien dans l’emploi ou de progression professionnelle, ils sont
paradoxalement ceux qui en bénéficient le moins. Le système
ne parvient
38
COUR DES COMPTES
pas davantage à offrir une « seconde chance » à ceux qui, précocement
sortis du système de formation initiale, souhaiteraient améliorer leur
niveau de qualification.
Au total, l’allocation des moyens mobilisés
apparaît donc comme très imparfaite.
3 -
Le DIF et le CIF : des instruments incomplets de lutte contre
les inégalités d’accès à la formation professionnelle continue
Le congé individuel de formation (CIF) a été créé en 1971. Il
permet à tout salarié d’une entreprise de suivre, à son initiative et à titre
individuel, une formation de son choix. Le CIF concerne des formations
lourdes, plafonnées à un an en cas de formation à temps plein ou à 1200
heures en cas de formation à temps partiel.
Ce dispositif, essentiellement tourné vers la reconversion et qui
peut s’apparenter à une « seconde chance » pour ceux qui en bénéficient
après une formation initiale courte ou non sanctionnée par un diplôme, a
longtemps été peu utilisé. Il n’a pris son essor qu’à partir de 1982,
lorsqu’il a été doté d’un financement dédié : en effet, une fraction de la
contribution des entreprises en faveur de la formation professionnelle est
dédiée au financement du CIF. En 2006, environ 35 700 salariés en
contrat à durée indéterminée ont bénéficié d’un CIF. Parmi ceux-ci, 49%
étaient des employés et 29% des ouvriers ; par ailleurs, 82% des
bénéficiaires avaient entre 25 et 44 ans. La durée moyenne des formations
s’établissait à 807 heures. Les CIF destinés aux titulaires de contrats à
durée déterminée étaient, au cours de la même année, au nombre de
7 540. 82% d’entre eux étaient des ouvriers ou des employés et 77%
avaient entre 25 et 44 ans. La structure du public bénéficiaire et la durée
des formations suggère que le CIF joue bien le rôle de formation de la
seconde chance qui lui a été assigné. En raison d’un coût élevé (21 000
euros en moyenne par bénéficiaire) et de la durée importante des
formations, le public concerné reste toutefois limité à un peu plus de
40 000 personnes par an.
Le droit individuel à la formation (DIF) est plus récent et a été créé
par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie, qui
a transcrit dans le Code du travail l’accord national interprofessionnel
signé
le
5
décembre
2003
par
l’ensemble
des
organisations
professionnelles et syndicales représentatives. Il illustre la volonté des
partenaires sociaux de réduire les inégalités d’accès à la formation
et
d’ouvrir la possibilité de construction de parcours où le salarié est acteur
de sa formation. Il met en place en ce sens une nouvelle voie d’accès à la
formation selon une logique de co-investissement, en contraste avec le
plan de formation, géré par l’employeur, et le congé individuel de
formation, pris à la seule décision du salarié.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
39
Le DIF présente plusieurs originalités marquantes. Droit individuel
et capitalisable, il permet à chaque salarié ayant au moins un an
d’ancienneté d’acquérir un crédit annuel de 20 heures de formation, dans la
limite de 6 ans et de 120 heures. Ce crédit peut être utilisé hors temps de
travail, l’employeur versant en ce cas une allocation compensatrice, ou sur
le temps de travail. La mobilisation du DIF est à l’initiative du salarié,
mais suppose l’accord de l’employeur. Lié à la présence du salarié dans
l’entreprise, il peut être toutefois transférable en cas de rupture du contrat
de travail, selon des modalités très strictement encadrées.
Le DIF a connu une montée en charge progressive, mais qui
s’accélère. L'année 2006 a marqué le réel lancement du dispositif, avec
plus de 166 000 personnes appartenant à des entreprises de plus de
10 salariés ayant bénéficié d'un DIF, soit 3,6% des effectifs totaux de ces
entreprises
12
, contre 29 000 en 2005. Une très sensible progression s’est
marquée en 2007, avec plus de 400 000 bénéficiaires. Selon les premières
estimations, la tendance se poursuivrait en 2008 avec 500 000 salariés
mobilisant leur DIF.
Les données disponibles sur la montée en charge du DIF ne sont
cependant ni exhaustives ni fiables, en raison notamment de la dualité de
ses modalités de mise en oeuvre. Les actions de formation prioritaires
définies par accord de branche sont en effet prises en charge par un
organisme collecteur des fonds de la formation professionnelle et leur
dénombrement se fait dans de bonnes conditions. Mais le DIF peut
également être articulé avec le plan de formation : les formations
sont
alors difficiles à isoler et les chiffres fournis comportent une marge
d’imprécision non négligeable.
Au total, le DIF est un dispositif récent dont la montée en charge
n’est pas encore totalement achevée. Avec 500 000 bénéficiaires attendus
en 2008, il ne saurait encore à lui seul compenser les inégalités d’accès qui
caractérisent le système français de formation professionnelle.
B - La difficile gestion de la formation au profit des
demandeurs d’emploi
La logique de segmentation par publics qui a prévalu dans la
construction du système de formation professionnelle a conduit à un
dispositif spécifique à la formation des demandeurs d’emploi. Celui-ci
concentre les problèmes de notre système de formation professionnelle :
complexité de l’organisation administrative, faiblesse de la coordination
entre les acteurs, incertitude sur la réalité des résultats obtenus.
12) Source : annexe sur la formation professionnelle au projet de loi de finances pour
2008, p.30.
40
COUR DES COMPTES
1 -
Une organisation administrative complexe
Si un monopole de la prescription des actions de formation
professionnelle au profit des demandeurs d’emploi a été confié à l’ANPE
et à ses cotraitants
13
, le financement de ces actions est éclaté entre des
acteurs multiples, principalement l’Etat et la région et l’assurance
chômage.
a)
L’ANPE, prescripteur unique des formations au bénéfice des
demandeurs d’emploi
Une activité dont le suivi est très lacunaire
La prescription d’actions de formation par l’ANPE concerne
environ 800 000 demandeurs d’emploi par an. Longtemps cantonnée dans
un circuit de décision particulier qui en limitait l’efficacité, cette fonction
a été intégrée dans les entretiens mensuels entre le demandeur d’emploi et
son conseiller ANPE dans le cadre du « suivi mensuel personnalisé »
(SMP). Les agences locales de l’ANPE sont chargées d’établir pour
chaque demandeur d’emploi un « programme personnalisé de retour à
l’emploi » (PPAE) qui prévoit trois types de parcours possibles :
recherche accélérée, recherche active et recherche accompagnée. Le
classement dans l’une des deux premières catégories ne s’accompagne
pas, en général, de la prescription d’actions de formation ; en revanche,
pour les demandeurs d’emploi relevant de la troisième catégorie, le
recours à une formation est très fréquent.
Cette activité de prescription de formations reste faiblement
analysée au sein même de l’ANPE. Ainsi, cette dernière ne dispose de
statistiques précises relatives à la formation pour ce qui concerne le
public des demandeurs d’emploi indemnisés, soit seulement la moitié des
effectifs pris en charge par l’ANPE, bénéficiant environ du quart des
actions prescrites. Les demandeurs d’emploi non indemnisés, dont le
besoin de formation est pourtant d’autant plus nécessaire qu’ils sont
généralement plus éloignés
du marché du travail, ne font l’objet d’aucun
suivi particulier en termes d’analyse et d’étude. Quand des données
existent, force est de constater qu’elles ne sont pas exploitées. Cette
lacune témoigne du caractère longtemps secondaire des prescriptions de
formation dans les missions de l’ANPE. Très dommageable, elle empêche
toute tentative d’évaluation de l’impact de la formation dans les parcours
de retour à l’emploi.
13) Association pour l’emploi des cadres (APEC) ; missions locales ; association de
gestion des fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) .
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
41
La difficile sélection des formations
Le choix d’une formation et de l’organisme chargé d’organiser cette
dernière est confié aux conseillers de l’ANPE. Or, les conditions dans
lesquelles ce choix s’effectue sont marquées par de nombreuses difficultés.
Ainsi, l’orientation des demandeurs d’emploi vers un stage de formation
requiert de la part des conseillers une certaine expérience : il leur faut
connaître un grand nombre de dispositifs et d’organismes de formation
pour pouvoir, dans le cadre de l’entretien mensuel – d’une durée moyenne
de 30 minutes – établir un diagnostic et trouver le stage adapté. En Ile-de-
France, l’ANPE estime que la maîtrise de ce sujet nécessiterait une
expérience de trois à quatre années de métier en raison de l’abondance de
l’offre de formation disponible dans cette région. Or les rotations internes
sont beaucoup plus rapides ; la direction régionale de l’ANPE reconnaît
ainsi un déficit d’expérience en la matière, qui ne permet pas d’exploiter au
mieux les ressources de formation disponibles. A l’inverse, d’autres
régions rencontrent des difficultés liées à la faiblesse de l’offre locale de
formation : c’est le cas dans les départements ruraux de la région Midi-
Pyrénées, où les GRETA et l’AFPA représentent la plus grande partie de
l’offre de formation (60%), ce qui ne laisse qu’un choix restreint au
prescripteur de la formation.
Ces difficultés tenant au contexte local de l’offre de formation sont
aggravées par l’inadéquation des outils d’aide à la prescription dont
bénéficie l’ANPE. L’agence utilise en effet une base de données
informatique dont l’objet est de recenser l’offre de formation dans chaque
région : coordonnées des organismes, nature des formations, nombre de
places disponibles… Appelée OFAA’, cette base de données a été
développée pour l’ANPE par l’Unédic, qui en assure la maintenance et la
mise à jour. La Cour a pu constater qu’elle n’est que faiblement utilisée par
les conseillers de l’ANPE pour des raisons qui tiennent à la fois à une
ergonomie désuète, aux retards constatés dans la mise à jour des données
ainsi qu’à des lacunes surprenantes dans la nature de ces dernières. Ainsi,
OFAA’ ne contient aucune information relative au coût des formations, pas
plus qu’à leurs résultats en termes de taux de retour à l’emploi. Cette
carence est d’autant plus étonnante que l’assurance chômage dispose de
ces informations et pourrait sans difficulté les mettre à la disposition de
l’ANPE. Il résulte de cette mauvaise circulation de l’information que les
conseillers des agences locales prescrivent des formations sans avoir
aucune information concernant la qualité de ces dernières ou leur coût. On
ne s’étonnera pas dans ces conditions que cette base de données soit
42
COUR DES COMPTES
largement délaissée au profit d’autres sources d’information mises en place
au niveau local par les institutions régionales que sont les CARIF-OREF
14
.
Le suivi déficient des demandeurs d’emploi pendant leur formation
Les difficultés ne s’arrêtent pas à la prescription des formations :
une fois prescrites, celles-ci ne sont pas toujours effectuées, loin s’en faut.
Ainsi, la Cour a constaté que dans la région Midi-Pyrénées, 52% des
bénéficiaires de prescriptions n’entrent pas effectivement en formation ;
dans les Pays de la Loire, 53 % seulement des formations prescrites en
2006 avaient été effectuées au cours de la même année. Les causes de cette
situation sont multiples ; elles tiennent aux délais courants avant l’entrée
en formation (parfois plusieurs mois) ; elles résultent également du
changement d’avis du bénéficiaire dû à une insuffisante motivation ou à
des difficultés matérielles (coût, éloignement, santé, garde des enfants…).
La prescription peut également ne pas aboutir en raison de l’inadéquation
entre les compétences requises pour le suivi de la formation et celle des
demandeurs d’emploi sélectionnés : en effet, les conseillers de l’ANPE ne
disposent pas systématiquement ou ne sont pas toujours en mesure faute de
temps de vérifier les pré-requis de chaque formation. Cette situation est
particulièrement dommageable puisqu’elle équivaut à une perte de temps
pour le demandeur d’emploi qui passera probablement plusieurs mois
encore avant de se voir proposer une formation adaptée.
Quand bien même le demandeur d’emploi se rendrait effectivement
à la formation qui lui est prescrite et que celle-ci correspondrait à ses
besoins, l’ANPE ne dispose que de rares informations sur le déroulement
de cette période. La formation constitue une rupture, ou tout au moins un
moment opaque dans le suivi du demandeur d’emploi : l’organisme de
formation prend le relais de l’ANPE, mais la coordination avec cette
dernière est généralement faible ou inexistante. Ainsi, l’ANPE n’est pas
systématiquement informée de la présence ou non du demandeur à la
session de formation qui lui a été prescrite. Elle n’est pas davantage tenue
au fait des résultats de la formation, y compris lorsque celle-ci débouche
sur un retour à l’emploi. En réalité, les principales informations sont
recueillies lors du premier entretien mensuel avec le demandeur d’emploi
suivant la période de stage. Encore faut-il que cela ait lieu, ce qui n’est pas
le cas lorsqu’un emploi a été retrouvé où lorsqu’il n’est pas procédé à une
réinscription du demandeur d’emploi (cas de démotivation, par exemple).
14) Les CARIF-OREF résultent de la fusion des centre d’animation, de ressources et
d’information sur la formation professionnelle et des observatoires régionaux emploi
formation. Constitués la plus souvent sous forme associative et financés par l’Etat et
les régions, ils assurent une mission d’information et parfois d’évaluation sur les
politiques régionales de formation professionnelle.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
43
Quelques cas ponctuels d’échanges d’information entre l’ANPE et
les prestataires de formation mettent pourtant en évidence l’intérêt d’une
meilleure association de l’ANPE au suivi des formations, condition d’une
prescription éclairée. Ainsi, dans la région Centre, un poste de
« référent » des actions de formation a-t-il été créé à l’ANPE : il veille à
la réalisation des entrées en formation et au bon déroulement de celles-ci ;
il est notamment présent au moment du bilan collectif et individuel fait
par les organismes de formation à l’issue du stage. Ce système est
d’autant plus efficace qu’il s’accompagne d’une incitation des organismes
à améliorer leurs performances : de fait, l’ANPE a signé avec la région et
l’Assédic des conventions qui instaurent un système de bonus-malus avec
quatre organismes de formation, ces derniers voyant leur rémunération
modulée de plus ou moins 10% en fonction des taux de retour à l’emploi
observés parmi leurs stagiaires.
b)
Des financements éclatés
L’unicité de la prescription contraste avec la multiplicité des
financeurs de formation professionnelle à destination des demandeurs
d’emploi. Ceux-ci interviennent de façon souvent non coordonnée auprès
de publics de caractéristiques différentes.
Des financeurs multiples
Pour les raisons évoquées plus haut, le nombre de demandeurs
d’emploi effectivement entrés en formation est sensiblement inférieur à
celui des prescriptions de l’ANPE. Ainsi, en 2005, 605 277 demandeurs
d’emploi étaient entrés en formation en France métropolitaine. Plus de la
moitié (51%) bénéficiaient d’un financement des régions ; les autres se
répartissaient entre les financements de l’Etat (29%), de l’assurance
chômage
(9,8%),
des
individus
eux-mêmes
(2,8%)
ou
d’autres
collectivités locales que les régions (6,3%).
Ces proportions ont depuis lors fortement évolué. En effet, la loi de
décentralisation du 13 août 2004 prévoit que les régions se substitueront à
l’Etat comme commanditaire de formations auprès de l’AFPA au plus
tard au 31 décembre 2008, mais qu’elles peuvent anticiper ce transfert, ce
qui a été le cas de la quasi-totalité d’entre elles. Or les formations
financées par l’Etat auprès de l’AFPA concernent en grande partie le
public des demandeurs d’emploi. En conséquence, la part de l’Etat a été
amenée à diminuer
au profit des régions.
44
COUR DES COMPTES
Des publics segmentés
Les différents financements concourant à la formation des
demandeurs se juxtaposent davantage qu’ils ne se coordonnent. Il
apparaît en effet que les financeurs interviennent auprès de publics assez
nettement segmentés. Ainsi, conformément à la convention générale
d’assurance
chômage,
les
Assédic
financent
exclusivement
des
formations à destination des demandeurs d’emploi indemnisés. Les
interventions de l’assurance chômage dans ce domaine ont des
caractéristiques qui les distinguent des autres financeurs. Les Assédic
privilégient en effet des formations courtes (Cf. tableau ci-dessous)
poursuivant un but essentiel de retour rapide à l’emploi. De leur côté, les
formations financées par les régions ou l’Etat ont plus souvent un objectif
de qualification ou d’obtention d’une certification, nécessairement plus
coûteux en temps.
Tableau n° 3 : Durée des formations destinées à des demandeurs d’emploi,
par type de financeur (Données 2005)
Ensemble
Etat (hors
AFPA)
AFPA
régions
Assédic
Autres
Durée moyenne d’une
formation (en mois)
4,3
4,2
4,5
4,3
3
5,8
Nombre de formation
inférieure à 3 mois
43 %
49 %
44 %
40 %
60 %
31 %
Nombre de
formations comprises
entre 3 et 6 mois
30 %
26 %
23 %
34 %
29 %
21 %
Nombre de formation
de 6 mois et plus
27 %
25 %
33 %
26 %
11 %
48 %
Source : DARES
2 -
L’absence d’une politique concertée de formation
des demandeurs d’emploi
a)
Des diagnostics cloisonnés et redondants
Malgré l’existence de multiples instances de concertation évoquées
supra
, une vision commune de la formation des demandeurs d’emploi
peine à émerger au niveau régional. L’exemple des outils concourant à
l’analyse des besoins de formation est révélateur de cette situation de
dispersion des instruments et d’émiettement de moyens.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
45
Ainsi, les régions s’appuient-elles pour établir leur diagnostic
concernant les besoins de formation sur les travaux des observatoires
régionaux de l’emploi et de la formation et des Observatoires Sectoriels
(OREF et GREF).
De son côté, l’assurance chômage a mis en oeuvre ses propres
outils d’analyse :
- l’enquête Besoins de Main d’Oeuvre
- les études sur l'évolution de l'emploi salarié
- le tableau de bord de suivi des demandeurs d’emploi indemnisés
au regard des délais moyens d'indemnisation et d'entrée en dispositif de
formation et de reclassement
- le tableau de bord des demandeurs d’emploi indemnisés inscrits
sur les métiers en tension.
L’enquête BMO
L’enquête « besoins en main d’oeuvre » (BMO) porte sur le
recensement des projets de recrutement des entreprises. Elle est réalisée par les
Assédic auprès des entreprises qui leur sont affiliées. Les résultats sont ensuite
consolidés au niveau national. Elle porte sur les 1 501 500 établissements
employeurs du champ Unédic (en 2007) et permet de produire des résultats
pour les 371 bassins d’emploi.
La participation des entreprises à cette enquête est élevée : plus de 381
500 établissements y ont répondu en 2007.
L’enquête BMO est avant tout un outil d’aide à la décision pour les
Assédic qui peuvent ainsi, dans le cadre des Projets Personnalisés d’Accès à
l’Emploi (PPAE), mieux connaître les intentions des entreprises en matière de
recrutement et ainsi adapter leur effort de financement pour les métiers en
tension. Elle mesure les intentions de recrutement pour l’année à venir, qu’il
s’agisse de créations de postes ou de remplacements. De plus, ces projets
concernent tous les types de recrutement, y compris les postes à temps partiel
et saisonnier.
Les Assédic diffusent largement l’enquête BMO, par ailleurs accessible
en ligne sur le site de l’assurance chômage.
Parallèlement,
l’ANPE
organise
elle-même
des
remontées
d’information concernant les métiers en tension, le nombre d’offres
d’emploi non satisfaites, l’écoulement de l’offre de travail…
Si des échanges d’informations ont bien lieu entre ces différents
organismes, il est à noter qu’aucune harmonisation méthodologique n’a
été menée entre eux. Les concepts
et nomenclatures utilisés par les uns et
les autres demeurent donc différents, ce qui ne favorise pas l’exploitation
46
COUR DES COMPTES
des différentes sources. A tout le moins, une réflexion sur l’harmonisation
des concepts utilisés apparaîtrait utile. Elle favoriserait l’élaboration d’un
diagnostic commun qui, à ce stade, demeure inexistant. Certes, des
conventions ponctuelles permettent dans certaines régions d’approfondir
les échanges d’informations. Mais l’analyse de ces dernières reste séparée
alors qu’elle pourrait donner lieu à un diagnostic commun.
b)
Des dispositifs cloisonnés
Des cofinancements région-assurance chômage en recul
Le double cloisonnement qui caractérise le système de formation
des demandeurs d’emploi – entre les financeurs et le prescripteur d’une
part ; entre les financeurs eux-mêmes d’autre part – a tendu a se renforcer
au cours de la période récente. La quête de légitimité de chacun des
acteurs doublée de cultures et d’objectifs différents n’a pas été propice au
développement d’instruments gérés en commun. C’est notamment le cas
des formations dites « homologuées » à destination des demandeurs
d’emploi.
Souvent
organisées
par
l’AFPA,
celles-ci
avaient
la
caractéristique de donner lieu à des cofinancements associant notamment
les régions et les Assédic. Depuis la mise en oeuvre de la convention
d’assurance-chômage de 2006, l’Unédic s’est largement désengagée de ce
dispositif.
Les dispositions de ce texte témoignent d’une évolution majeure de
l’orientation du régime d’assurance chômage en matière de formation,
avec l’abandon du financement des formations homologuées (formations
pour lesquelles les Assédic apportent un financement partiel aux côtés de
l’Etat ou des régions) pour reporter l’essentiel de l’effort sur les
formations conventionnées, c’est-à-dire celles directement achetées par
les Assédic et ayant un objectif plus affirmé de retour rapide à l’emploi.
L’assurance chômage maîtrise ainsi la plus grande partie du processus en
dehors de la prescription : indentification des besoins, achat des
formations, évaluation des cursus.
L’absence d’association de l’ANPE aux achats de formations des Assédic
Pas plus qu’il ne donne lieu à une véritable concertation avec les
régions, le dispositif de « formations conventionnées » ne fait l’objet
d’une collaboration avec l’ANPE :
- comme indiqué précédemment, l’identification des besoins en
main d’oeuvre et des métiers en tensions est, pour l’essentiel, le produit
d’un travail conduit en interne par les Assédic ;
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
47
- l’achat des formations conventionnées par les Assédic est enserré
dans une procédure très contraignante mais qui n’associe aucun des
partenaires du régime d’assurance chômage. Il est réalisé sous l’autorité
d’une « instance paritaire ad hoc » (IPA) qui réunit des représentants des
partenaires sociaux locaux et détermine la politique d’achat de formations
de l’Assédic. Cette IPA, qui fournit un important travail d’analyse des
offres et a beaucoup investi dans la connaissance des structures locales de
formation, demeure néanmoins fermée aux principaux partenaires de
l’Assédic : elle n’associe ni ne consulte les représentants de la région et
de l’ANPE. En définitive, l’Assédic achète des places de formation
résultant de sa propre analyse du
marché du travail, sur la base de sa
propre connaissance des organismes de formation et de leur coût, en
n’assurant qu’une diffusion faible de ces différentes informations. Ces
places sont ensuite simplement « mises à disposition » des agences
locales de l’ANPE qui ne sont aucunement associées en amont du
processus d’achat, alors même qu’elles devront ensuite détecter les
demandeurs d’emploi les mieux à même de profiter de ces formations ;
- enfin, l’évaluation des formations ne fait l’objet d’aucune
méthodologie commune, sauf accords locaux ponctuels.
L’ensemble de ces analyses concerne le dispositif antérieur à la
fusion ANPE-Unédic prévue par la loi du 13 février 2008 relative à la
réforme du service public de l’emploi. L’ampleur des dysfonctionnements
relevés souligne néanmoins la priorité indispensable que la nouvelle
institution devra consacrer à la définition d’une politique unifiée et
cohérente en matière de formation professionnelle des demandeurs
d’emploi.
C - La validation des acquis de l’expérience : un
dispositif novateur mais insuffisamment développé
1 -
Une nouvelle voie de certification des compétences
Le droit à la validation des acquis de l’expérience (VAE), instauré
par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 est un dispositif
novateur : il permet en effet, dans une culture française dominée par la
valorisation des diplômes, de donner une reconnaissance officielle aux
qualifications acquises dans le cadre de l’expérience professionnelle.
48
COUR DES COMPTES
La reconnaissance des acquis de l’expérience avant la VAE
Novatrice, la VAE n’en a pas moins été précédée de quelques
tentatives ayant un objet proche.
Ainsi, la loi du 5 juillet 1934 permettait aux personnes justifiant de
cinq années d’expérience professionnelle d’accéder au titre d’ingénieur
diplômé par l’État (DPE) à l’issue d’un examen.
Plus récemment la création de la validation des acquis professionnels
(VAP) par le décret du 23 août 1985 a permis de faire valoir une expérience
professionnelle et personnelle pour s’inscrire à l’université sans disposer des
diplômes requis. Ce dispositif, toujours en vigueur, a été complété par le
décret du 27 mars 1993 qui permet à toute personne ayant exercé pendant
cinq ans une activité professionnelle de demander la validation de ses acquis
pour remplacer une partie des épreuves conduisant à la délivrance de certains
diplômes.
Les flux de bénéficiaires sont cependant restés modestes (100 à 150
ingénieurs DPE par an, 12 000 adultes autorisés à entreprendre des études
supérieures en 2005 et 2 200 bénéficiaires de la VAP en 2001 avant son
remplacement par la VAE).
La loi du 17 janvier 2002 instituant la VAE s’est efforcée d’ouvrir
largement les possibilités d’accès au dispositif :
les certifications peuvent être accordées par un grand nombre
de ministères et non pas seulement celui de l’Education
nationale ;
la durée de l’expérience minimale requise pour être autorisé à
déposer une demande de VAE est relativement courte : trois
ans contre cinq ans, par exemple, dans le cadre de la VAP ;
la conception de l’expérience retenue par la loi est large et
s’étend aux apprentissages réalisés à l’occasion d’activités
bénévoles ou non salariées ;
enfin, l’expérience ouvre le droit d’obtenir la totalité du titre ou
diplôme visé et ne suppose pas nécessairement la préparation
d’épreuves ou examens complémentaires.
2 -
Une mise en place progressive
a)
Une montée en charge réelle, bien qu’inférieure aux attentes
Tous certificateurs publics confondus, 60 000 candidats étaient
entrés dans un parcours de VAE à la fin 2007. Si le ministère de
l’éducation nationale est le principal destinataire des demandes de
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
49
certification
(23 000
candidatures
recevables
en
2006),
d’autres
certificateurs publics connaissent un certain succès, comme le ministère
chargé de l’emploi (8 900 candidatures) et surtout le secteur de l’action
sociale et de la santé (16 235 candidatures). Sur ce total de 60 000
candidats, près de 48 000 se sont présentés devant un jury. Une telle
attrition peut tenir à plusieurs causes : abandon de son projet par le
candidat, dossier de preuve de l’expérience non encore déposé ou dossier
en attente de traitement. En définitive, seules 26 000 personnes ont
effectivement pu bénéficier d’une certification par la voie de la VAE en
2006.
Ces chiffres demeurent assez éloignés de l’objectif de 60 000
candidats certifiés chaque année affiché par l’État dans le plan de
développement de la VAE de juin 2006.
Tableau n° 4 : Nombre de titres et diplômes obtenus par la VAE
(2003-2006)
2003
2004
2005
2006
Éducation nationale (CAP au BTS)
6 958
10 778
12 668
13 636
Éducation nationale (universités + CNAM)
827
1 282
1 655
1 842
Agriculture
76
165
202
237
Action sociale-santé
1 566
3 192
4 224
5 013
Emploi
952
1 721
3 191
4 514
Jeunesse et sports
365
586
682
614
Défense
-
-
30
53
Culture
-
-
-
14
Mer
-
-
-
33
Ensemble
10 744
17 724
22 652
25 956
Source : ministères certificateurs – traitement DARES
b)
De premiers résultats qui attestent d’une dynamique nouvelle
d’accès à la certification des personnes sans formation ou peu formées
Les titres ou diplômes de niveau V (CAP) figurent au premier rang
des certifications demandées (et relèvent très majoritairement des
ministères chargés du travail, de l’action sociale et de la santé), suivis par
les titres de niveau III (BTS et majoritaires dans l’enseignement
professionnel et technologique). Dix certifications concentrent près de
50 % des candidatures. L’un des objectifs de la VAE, consistant à donner
une reconnaissance de qualification à ceux qui en étaient dépourvus ou
qui affichaient un niveau de diplôme faible paraît donc atteint.
50
COUR DES COMPTES
Toutefois, un bilan exhaustif de la VAE demeure encore difficile.
Il n’existe que peu d’informations sur la place qu’occupe la VAE comme
moyen d’accès à la certification par rapport aux autres voies d’accès.
Selon les quelques données fournies par la DARES pour 2005, la VAE a
représenté près de 11 % de l’ensemble des candidats présentés à un titre
du ministère chargé de l’emploi et 6,4 % des candidats admis. Dans le cas
de l’enseignement technique et professionnel, les candidats au diplôme
par VAE représentaient 22 % du total des candidats et 20,5 % des
candidats admis.
De gros efforts restent à accomplir pour disposer d’un système
d’information permettant de bénéficier de données homogènes pour tous
les certificateurs permettant un réel suivi des parcours et une évaluation
plus complète de l’apport de la VAE.
3 -
Un pilotage à renforcer
a)
La dispersion des certificateurs
Si la notion de validation de l’expérience est généralement bien
comprise, sa mise en oeuvre peut s’avérer difficile pour le candidat,
l’obtention d’une certification étant fréquemment décrite comme un
« parcours du combattant ».
Le dispositif de certification est en effet marqué par la complexité et
son cloisonnement. Chaque structure chargée de délivrer un titre ou un
diplôme professionnel crée ses propres procédures depuis l’ingénierie du
diplôme jusqu’à sa délivrance. Par ailleurs, les critères de distinction entre
les différents certificateurs sont parfois flous : plusieurs voies peuvent être
empruntées pour valoriser une même expérience, ce qui ne contribue pas à
une bonne lisibilité du dispositif de la VAE. Ainsi, une personne souhaitant
valoriser une expérience variée acquise au sein de structures liées à l’aide
aux personnes peut être concernée par plusieurs certifications : celle
d’« assistante de vie » délivrée par le ministère chargé de l’emploi, le CAP
« petite enfance » du ministère de l’éducation nationale ainsi que la
mention complémentaire « aide à domicile », le BEPA « service aux
personnes » du ministère de l’agriculture, une certification de branche, ou
encore le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale.
Pour favoriser la recherche d’une plus grande transversalité des
certifications, le décret du 15 février 2006 a investi le délégué général à
l’emploi et à la formation professionnelle des fonctions de délégué
interministériel au développement de la VAE et a créé un « comité de
développement de la VAE ». Ce comité, qui réunit notamment les
ministères certificateurs, s’est attaché à établir un dialogue entre ses
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
51
membres, à développer des outils communs, comme un portail sur Internet,
un formulaire
commun de recevabilité des demandes de VAE et à
mutualiser les bonnes pratiques. Une instruction du 4 octobre 2007
promeut un schéma d’organisation territoriale optimisée et un co-pilotage
des actions avec le conseil régional dans le cadre d’une concertation
approfondie avec les partenaires sociaux. Ce dispositif est en cours de mise
en place. Selon une enquête récente de la DGEFP, 16 régions disposent
d’une instance de pilotage de la VAE et 14 régions auront mis en place un
comité régional des certificateurs publics au cours de l’année 2008.
b)
Une commission nationale de la certification à la compétence et
aux moyens limités
Pour permettre l’identification des certifications existantes, le
législateur a créé le Répertoire national des certifications professionnelles
(RNCP),
géré
par
la
commission
nationale
de
la
certification
professionnelle (CNCP). Cette structure constitue la clé de voûte du
dispositif. Elle est chargée d’un travail d’identification et de redéfinition
des certifications visant à permettre le passage d’un référentiel de
formateur à un référentiel d’évaluateur de l’expérience et pouvoir juger
des connaissances acquises par l’expérience et non plus seulement par la
formation. La tâche est lourde : on compte environ 15 000 certifications
en France dont 11 000 pour les seules universités. A la fin 2007, le RNCP
comptait environ 4500 certifications consultables pour une grande part
sur le site Internet de la CNCP.
Les moyens dont dispose la CNCP restent toutefois limités face à
l’ampleur de sa mission. Par ailleurs, sa mission ne s’étend pas à
l’ensemble des certifications. En effet, le système mis en place fait
apparaître deux catégories : pour les enregistrements de certifications de
droit (qui intéressent les certifications délivrées au nom de l’État par les
ministères certificateurs) qui forment la très grande majorité, la CNCP ne
joue aucun rôle ; en revanche, pour les enregistrements sur demande
15
, les
services de la CNCP évaluent l’opportunité de la certification (existence
d’un métier) et examinent les référentiels d’activité et de compétences
(ingénierie), le placement de trois sessions de titulaires de la certification
et les conditions de mise en oeuvre de la certification. Force est de relever
le paradoxe d’une commission chargée d’établir un répertoire national
destiné à améliorer la lisibilité des certifications mais dépourvue de
l’autorité nécessaire pour réguler, améliorer et évaluer la grande majorité
des certifications que constituent les certifications dites de droit.
15) L’enregistrement sur demande concerne d’une part, les certificats de qualification
délivrés sous la tutelle des branches professionnelles, mais aussi les certifications
consulaires et celles délivrées par des organismes privés et associatifs.
52
COUR DES COMPTES
4 -
Des obstacles à lever
a)
La nécessaire amélioration de l’information sur le dispositif
La DGEFP avait mis en place en 2002 un dispositif spécifique
d’information et de conseil en VAE prenant appui sur les structures
existantes dans le domaine de la formation professionnelle. L’animation de
ce réseau a été transférée aux régions par la loi du 13 août 2004 relative
aux libertés et responsabilités locales. Si ce réseau spécifique à la VAE
pouvait se justifier au démarrage de ce nouveau dispositif, la question se
pose désormais de savoir s’il ne contribue pas à complexifier l’image non
seulement de ce dispositif, mais de la formation professionnelle en général
et des trop nombreuses structures qui ont reçu pour mission l’information
et le conseil dans ce domaine. Tous les acteurs de l’accueil et de
l’orientation devraient désormais se mettre en situation de répondre aux
demandes des candidats en recherche de certification au même titre que
d’autres voies d’accès à la certification.
b)
La faiblesse de l’accompagnement des candidats
En ce qui concerne l’accompagnement des candidats, rien n’a été
prévu si ce n’est pour les demandeurs d’emploi qui peuvent trouver un
accompagnement gratuit vers les titres du ministère chargé de l’emploi. Or
tous les acteurs reconnaissent la nécessité d’être aidé et accompagné durant
la phase de préparation du dossier de candidature dans lequel le candidat
doit décrire ses activités et les mettre en correspondance avec les
référentiels du diplôme visé. Cet accompagnement a un coût (500 à 600 €
par dossier selon le niveau). Les Assédic n’interviennent réellement que
depuis 2007, et encore de façon fort modeste. Les régions se sont donc
mobilisées pour tenter d’apporter des solutions à travers des dispositifs
comme le chèque VAE ou le Pass VAE dont les montants généralement
constatés vont de 500 à 700 €.
c)
Les difficultés de constitution des jurys
Les jurys constituent également un frein au développement de la
VAE pour diverses raisons : leur financement (que ce soit au titre de leur
formation, de leur information ou de leur défraiement), la disponibilité des
professionnels et leur implication dans ce nouveau mode d’évaluation des
connaissances. Les ministères certificateurs qui plus est se trouvent en
concurrence pour constituer les jurys. Faute de faire converger les
certifications des différents ministères et donc les jurys qui les évaluent, la
seule réponse à la montée en puissance de la VAE ne pourra être, dans
l’organisation actuelle, que la multiplication des jurys, ce qui ne sera pas
sans poser de problèmes de disponibilité et de financement.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
53
d)
Le problème des validations partielles
L’allongement des délais de certification des compétences est
également la conséquence du grand nombre de validations partielles. Un
candidat à qui l’on a reconnu la validation sur une partie seulement des
éléments composant la certification dispose d’un délai de cinq ans pour
obtenir les modules qui lui manquent soit par une formation, soit par une
expérience approfondie. Plus le nombre de modules est important, plus
long et compliqué risque d’être le parcours. De plus, il ne semble pas que
toutes les conséquences aient été tirées de la modularisation des titres et
diplômes pour organiser de manière symétrique les cursus de formation
afin de permettre d’accueillir des personnes souhaitant suivre une
formation ne correspondant qu’aux modules manquants.
La validation des acquis de l’expérience s’est ancrée dans le
paysage de la certification, même si elle y occupe encore une place
modeste. Toutes les conséquences n’ont sans doute pas été tirées de la
création de ce dispositif prometteur dont le développement est entravé par
une organisation administrative trop complexe et trop lourde.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le système français de formation professionnelle présente des
résultats contrastés. Il ne mobilise pas les moyens considérables dont il
dispose en priorité au bénéfice des publics qui en auraient le plus besoin.
Cette mauvaise allocation des ressources se manifeste tant au niveau de
la formation initiale, où le choix d’une filière professionnelle apparaît
souvent comme un choix par défaut concernant essentiellement des élèves
en difficulté scolaire, qu’au niveau de la formation continue, où ce sont
au contraire les salariés les plus favorisés qui sont les principaux
bénéficiaires des dispositifs mis en oeuvre.
La réorientation des moyens de la formation professionnelle vers
des publics prioritaires suppose un assouplissement considérable de
l’offre de formation afin de mieux suivre les évolutions de la demande.
Pour cela, de nombreux obstacles doivent être progressivement levés afin
d’améliorer l’adéquation entre les formations proposées et les
besoins
individuels et collectifs.
1. Formation initiale
Dans le cadre d’une collaboration accrue entre l’État et les
régions, l’offre de formation professionnelle initiale doit poursuivre et
accélérer son évolution dans un souci d’élévation générale des niveaux
de qualification et en intégrant mieux la nécessaire complémentarité
entre apprentissage et formation sous statut scolaire. A cet égard, une
attention particulière doit être portée à la nécessité de limiter
54
COUR DES COMPTES
progressivement l’offre dans des spécialités dont les débouchés
professionnels sont faibles voire inexistants, en créant des pôles par
spécialité tout en veillant à maintenir une offre de proximité ou en
facilitant l’hébergement des élèves. La concertation entre l’État et la
région devrait aussi avoir pour objectif de mettre en cohérence les cartes
de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, en mettant fin aux
cas de concurrence localement constatés entre ces deux filières.
Par ailleurs, la formule des lycées des métiers doit être évaluée
sans délai afin que l’extension en cours de cette formule à de nouveaux
établissements puisse bénéficier de l’expérience déjà acquise.
Enfin, les conditions de gestion des lycées professionnels doivent
être assouplies pour faciliter le recours à des praticiens du milieu
professionnel.
2. Formation continue
a. L’achat de formations par les régions
Bien que les achats d’actions de formation professionnelle soient
soumis en principe, à des procédures faisant appel à des marchés publics,
le recours à des subventions reste fréquent ; de plus, il apparaît que les
régions ne se sont pas toujours saisies de leur rôle nouveau de définition
du contenu des formations, en laissant une grande latitude au prestataire
dans la définition de son offre de formation.
C’est pourquoi il convient d’améliorer l’exercice par les régions
de leur rôle essentiel de définition du contenu des formations. Dans le
cadre des procédures d’appel à la concurrence qui s’imposent à elles et
qu’elles ne sauraient méconnaître sans risques graves, celles-ci devraient
être incitées à constituer, avec les autres financeurs publics de formations
– comme cela se fait déjà dans certaines régions – des réseaux
d’expertise. Ceux-ci auraient pour objet d’identifier des « bonnes
pratiques » et d’acquérir une meilleure connaissance des besoins des
publics et de la structure de l’offre locale de formation professionnelle.
b. L’AFPA et les GRETA
La situation de l’AFPA au regard du droit de la concurrence doit
être sécurisée aussi rapidement que possible ; les choix relatifs à sa
structure, son statut et son organisation doivent être effectués sans
délais ; quelle que soit la solution retenue, cette réforme devra
s’accompagner d’une clarification des conditions dans lesquelles l’Etat
est amené à mettre à la disposition de l’AFPA des locaux et des
équipements.
UNE OFFRE DE FORMATION INADAPTÉE
55
La situation des GRETA appelle des mesures urgentes de réforme :
- s’agissant de l’organisation du réseau, il apparaît indispensable
d’inciter les GRETA – 257 actuellement, soit près de 10 par région - à se
regrouper. Le statut des organismes issus des ces regroupements devrait
être précisé ;
- s’agissant de la gestion, il est nécessaire de mettre en place dès à
présent une démarche de comptabilité analytique, seule à même de
permettre aux GRETA d’appliquer
une tarification compatible avec leurs
contraintes d’équilibre financier et les exigences du droit de la
concurrence. ;
- enfin, considérant que les deux opérateurs publics de formation
s’adressent à des publics comparables, une réflexion globale s’impose
sur leur évolution, qui ne doit pas exclure la possibilité d’un mise en
commun de moyens ou d’un rapprochement.
c. Les demandeurs d’emploi
La nouvelle organisation du service public de l’emploi résultant de
la loi du 13 février 2008 doit être l’occasion d’une évolution profonde de
la formation des demandeurs d’emploi. En effet, elle n’atteindra tous ses
objectifs en termes de réduction du chômage que si elle permet une
amélioration de l’accès des demandeurs d’emploi à la formation ainsi
qu’une meilleure adéquation de celle-ci avec les besoins résultant des
évolutions du marché du travail. Pour cela, il apparaît indispensable que
les
problèmes
de
coordination
entre
acteurs
qui
ont
marqué
l’organisation en vigueur jusqu’à présent soient surmontés. Cela
suppose :
- que les fonctions de prescription des formations et de
financement de ces dernières soient rapprochées de façon effective au
sein de la nouvelle entité regroupant les Assédic et l’ANPE, afin de
favoriser une allocation plus efficace des moyens consacrés à la
formation ;
- que les différents financeurs de formations à destination des
demandeurs d’emploi (Régions et entité ANPE-Assédic notamment)
collaborent plus étroitement qu’actuellement, notamment en cofinançant
des actions communes en faveur de certains publics identifiés comme
prioritaires.
56
COUR DES COMPTES
d. La validation des acquis de l’expérience
Si ce dispositif apparaît comme prometteur, dans la mesure où il
permet de concilier la reconnaissance des savoir-faire professionnels
avec une culture fortement marquée par le poids des diplômes, sa mise en
oeuvre reste perfectible. Les acteurs intervenant dans le processus de VAE
sont trop dispersés, ce qui nuit à l’accompagnement des candidats à la
VAE et à la lisibilité des certifications. C’est pourquoi ce mode de
certification nécessite des évolutions visant à :
- poursuivre les efforts de coopération interministérielle à travers
la délégation interministérielle au développement de la VAE et renforcer
l’autorité de la commission nationale de la certification professionnelle
afin de donner tout son sens au répertoire national ;
- améliorer l’accompagnement des candidats à la VAE en
soutenant davantage les organismes susceptibles d’assurer cette fonction
et en veillant à ce que les processus de formation intègrent la modularité
permettant de répondre rapidement aux demandes de validation partielle
des compétences.
Chapitre II - Des financements
considérables mais cloisonnés
I
-
Un effort financier considérable
La politique de formation professionnelle mobilise des moyens très
importants : selon les données figurant en annexe au projet de loi de
finances pour 2008, avec un total de 25,9 milliards d’euros en 2005, soit
l’équivalent
de
1,5 %
du
PIB,
l’effort
national
de
formation
professionnelle fait de cette dernière une politique de première grandeur.
Encore convient-il de souligner que ces sommes ne concernent que la
formation professionnelle continue et l’apprentissage. De leur côté, les
dépenses relatives aux lycées professionnels s’élèvent à 8,4 milliards
d’euros. Au total, la formation professionnelle tout au long de la vie, hors
enseignement supérieur, mobilise plus de 34 milliards d’euros, soit
l’équivalent de 2 % du PIB.
Les
sommes
mises
en
oeuvre
en
matière
de
formation
professionnelle ne constituent pas un ensemble homogène. Elles
proviennent en effet d’acteurs divers, tant publics que privés et financent
des dépenses elles-mêmes très hétérogènes dans leur nature. La
répartition des financements souligne l’effort important des entreprises :
avec un tiers des dépenses totales, elles sont le premier financeur de
formation professionnelle dans notre pays. L’Etat (28%) et les régions
(15%) viennent ensuite. Il est à noter qu’à la suite de l’orientation prise
d’une activation des dépenses de l’assurance chômage en 2001, les
Assédic sont devenues, en quelques années, un financeur important de
formation professionnelle avec un effort total de 1,3 milliards d’euros.
58
COUR DES COMPTES
Tableau n° 5 : Dépense économique pour la formation professionnelle
en 2005
en Milliards d’euros
Elèves des
lycées profes-
sionnels
Apprentis
Jeunes en
insertion
profes-
sionnelle
Salariés
Agents
publics
Demandeurs
d’emploi
Total
Entreprises
0,5
0,9
1,0
8,6
-
-
11
Etat
5,3
1,1
0,7
1,1
-
1,5
9,7
Régions
1,8
1,7
0,8
0,1
-
0,6
5,0
Collectivités
publiques
(en tant
qu’employeurs)
-
-
-
5,5
-
5,5
Autres
(dont Unédic)
0,1
-
-
-
-
1,3
1,4
Ménages
0,7
0,3
-
0,7
-
-
1,7
Total
8,4
4,0
2,5
10,5
5,5
3,4
34,3
Source : PLF 2008 et calculs Cour des comptes
Des crédits communautaires sont inclus dans ces financements en
matière de formation professionnelle. Pour la période 2000-2006, ces
crédits se sont élevés à 6,9 milliards d’euros, soit environ 1 milliard
d’euros par an.
Au total, la formation tout au long de la vie bénéficie de moyens
considérables dans notre pays, ce que confirment les rares comparaisons
internationales disponibles. Si celles-ci portent généralement sur des
données parcellaires, elles montrent toutefois que l’effort français en
matière de formation professionnelle est sensiblement supérieur à ce qui
est observable dans la moyenne des pays européens. Ainsi, les dépenses
de formation en faveur des demandeurs d’emploi, mesurées en 2005,
s’élevaient en France à 0,29% du PIB, contre 0,21% en moyenne dans
l’Union européenne. Seuls les pays scandinaves affichaient des résultats
supérieurs (entre 0,3% et 0,5% du PIB)
16
. Les comparaisons faites en
termes d’accès à la formation continue confirment cette tendance : avec
un taux annuel d’accès à la formation de 46% pour les salariés du secteur
privé, la France se situe 7 points au-dessus de la moyenne européenne et
n’est devancée que par les pays scandinaves et le Royaume-Uni.
16) Eurostat
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
59
II
-
L’enseignement professionnel : un
financement complexe et des coûts élevés
A - Un financement principalement partagé entre l’Etat
et les régions
La répartition des compétences en matière de financement des
lycées professionnels est complexe : elle s’effectue principalement entre
l’Etat et les régions qui supportent au total plus de 80 % du coût de
l’enseignement professionnel. L’Etat rémunère le personnel des lycées
publics et privés sous contrat (enseignants, personnels administratifs,
infirmières, emplois vie scolaire…), assure les investissements à caractère
pédagogique et finance les bourses des élèves. Les dépenses du ministère
de l’éducation nationale en faveur des lycées professionnels publics
émargent sur le programme de l’enseignement public du second degré.
3,8 milliards d’euros de crédits de paiement sont prévus au budget 2008,
soit 13,4% des 28,3 milliards d’euros consacrés à ce programme. D’autres
programmes budgétaires sont également concernés : le programme
« soutien de la politique éducative » et le programme « vie de l’élève ».
De leur côté, les régions rémunèrent les personnels techniciens, ouvriers
et de service (TOS) et financent les dépenses de construction, d’entretien
et d’équipement des lycées, mais également le transport scolaire et les
déplacements des élèves handicapés. Elles sont également de plus en plus
enclines à contribuer au financement d’opérations ponctuelles, telles que
la fourniture de matériels informatiques à destination des élèves ou le
financement de projets à dimension éducative. En pratique, le clivage fixé
par les textes entre les responsabilités financières respectives de l’Etat et
des collectivités territoriales tend à s’estomper.
La répartition des financements qui résulte de ce partage de
compétences laisse à la charge de l’Etat la plus grande partie des
dépenses relatives à l’enseignement professionnel : en 2005, il participait
à hauteur de 63,6% au financement de la dépense d’éducation en faveur
des lycées professionnels ; la part des collectivités territoriales s’élevait à
21,2%, celle des ménages à 7,6%, celle des entreprises à 6,3% et celle des
caisses d’allocations familiales à 1,2%. La part de la taxe d’apprentissage
reversée aux lycées professionnels reste modeste : elle sert principalement
à compléter les équipements et à financer des activités pédagogiques
diverses.
60
COUR DES COMPTES
B - Des coûts élevés
L’évaluation des coûts engendrés par le fonctionnement des lycées
professionnels est malaisée. En effet, la répartition des financements entre
l’Etat et les régions, la complexité de l’organisation de certains
établissements (notamment lorsqu’un lycée professionnel est support de
CFA), l’absence quasi-généralisée de comptabilité analytique et la
disponibilité tardive des données affectent la fiabilité des résultats
obtenus. Néanmoins, les travaux menés depuis plusieurs années au sein
de la direction de l’évaluation de la prospective et de la performance
(DEPP) du ministère de l’éducation nationale mettent en évidence des
coûts élevés. Pour l’année 2005, le coût annuel moyen d’un élève
scolarisé dans l’enseignement professionnel s’élève à 10 430 €. Il s’agit
du coût le plus élevé constaté dans l’enseignement scolaire du second
degré (10 140 euros pour un élève de lycée d’enseignement général et
technologique ; 7 710 euros pour un collégien)
17
. Le coût d’un élève de
lycée professionnel est également supérieur à celui d’un apprenti, estimé
à 8 200 € par an hors rémunération
18
.
Ces évaluations globales ont été affinées par les travaux des
juridictions financières, qui ont utilisé une méthode d’estimation
19
des
coûts moyens par élève de lycée professionnel, faisant apparaître
d’importantes disparités selon les établissements et les domaines de
formation. Les lycées professionnels les moins coûteux (moins de 10 000
euros par élève) sont ceux où les formations aux métiers du secteur
tertiaire sont dominantes. Au lycée professionnel Maria Casarès à
Avignon où les filières bureautique et vente concernent 70% des élèves,
le coût moyen par élève se situe à 7 661,92 euros en 2005, hors coût du
bâtiment. A l’inverse, les coûts les plus élevés sont constatés dans les
lycées professionnels où prédominent les formations industrielles. Par
ailleurs, le classement en éducation prioritaire peut, du fait de
l’encadrement plus élevé des élèves, conduire à une augmentation des
coûts observés. C’est le cas du lycée professionnel Frédéric Mistral à
Marseille ;
dans
cet
établissement
qui
dispose
de
40
heures
d’enseignement supplémentaires à cause de son classement en éducation
prioritaire, le coût moyen de l’élève est de 9 127,01 euros.
17) DEPP,
Etat de l’Ecole
édition 2006.
18) Estimation 2005 : coût de l’apprentissage hors rémunérations : 3,1 milliards
d’euros ; nombre d’apprentis 377 500
19) Cette méthode prend en compte les données financières issues des comptes
financiers des lycées, des rectorats, ainsi que des collectivités territoriales.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
61
Le coût élevé des formations en lycée professionnel s’explique
certes par la nature des enseignements dispensés qui nécessitent
d’importants équipements techniques. Il tient toutefois autant à
l’organisation des formations, à la taille des établissements et à la
déperdition d’élèves en cours de formation. Les effectifs d’élèves par
enseignant sont dans les lycées professionnels de 43% inférieurs à ceux
constatés dans les lycées d’enseignement général et technologique. Cet
écart peut s’expliquer par la fréquence des séquences d’enseignement en
effectifs réduits. En outre, le coût de l’heure d’enseignement de lycée
professionnel a progressé de 50% en moyenne depuis 1990, en raison de
la baisse des obligations réglementaires de services (ORS) des
professeurs de lycée professionnel. Par ailleurs, l’offre d’enseignement
professionnel est disséminée entre des établissements de petites tailles :
9% des lycées professionnels publics comptent moins de 200 élèves
(64,5% pour les lycées professionnels privés), contre 6,7% dans les
collèges publics (31,1% pour les collèges privés). Les coûts des lycéens
professionnels sont enfin alourdis par la déperdition que constituent les
sorties d’élèves en cours de scolarité, sans diplôme et/ou qualification,
dont le taux est évalué à 17,1 % des sortants en formation initiale.
En définitive, les coûts particulièrement élevés de l’enseignement
professionnel peuvent susciter des interrogations sur l’efficacité de cet
investissement éducatif. Les formations en lycée professionnel se
caractérisent par une médiocre capacité à doter les élèves d’une
qualification au sens des objectifs européens de Lisbonne : seuls 28% des
élèves entrés en CAP et BEP obtiendront un baccalauréat professionnel.
III
-
Le financement de l’apprentissage : des
circuits complexes et peu transparents
Le financement de l’apprentissage repose largement sur une
ressource spécifique : la taxe d’apprentissage. Créée en 1925, elle
constitue le premier exemple dans notre pays d’une obligation de
financement d’actions de formation à caractère collectif. Elle a pour objet
de
financer
les
dépenses
nécessaires
au
développement
de
l’apprentissage,
mais
aussi
de
l'enseignement
technologique
et
professionnel. La taxe est due par les entreprises qui ont au moins un
salarié et qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le
revenu. Le taux de la taxe d'apprentissage est de 0,5 % de la masse
salariale
20
.
20) Sauf en Alsace et en Moselle où ce taux est de 0,2%
62
COUR DES COMPTES
A - Les caractéristiques de la taxe d’apprentissage
1 -
Un impôt qui ne finance pas uniquement l’apprentissage
L'originalité du système réside dans le fait que l’entreprise doit
effectuer ses versements par l'intermédiaire d'un organisme collecteur-
répartiteur
de
taxe
d'apprentissage
(OCTA).
Le
recours
à
cet
intermédiaire a été rendu obligatoire par la loi de modernisation sociale
du 17 janvier 2002 qui supprime la possibilité auparavant ouverte aux
entreprises de s’acquitter de leur taxe directement auprès de centres de
formation
d'apprentis
(CFA)
ou
d'établissements
d'enseignement
dispensant des premières formations technologiques et professionnelles.
Il existe actuellement 145 OCTA dont seuls une cinquantaine ont
une compétence nationale, les autres ayant une compétence régionale.
Pour pouvoir conserver leur agrément, ces organismes doivent satisfaire à
une obligation de collecte minimale : 2 millions d’euros pour les OCTA à
compétence nationale et 1 million d’euros pour les OCTA à compétence
régionale. Ces
seuils permettent le maintien d’organismes dont la surface
financière est faible
21
. De ce fait, la collecte demeure assez éclatée : d’un
montant total de 1,6 milliard d’euros en 2005, elle s’établit en moyenne à
11,42 millions d’euros pour les OCTA régionaux et à 15,15 millions
d’euros pour les OCTA nationaux.
Le produit de la taxe se répartit en deux parts dont les pourcentages
sont déterminés par voie réglementaire :
- le « quota » ; cette fraction de la taxe, qui est fixée à 52% du
total, est destinée à financer les centres de formation d'apprentis (CFA),
les écoles d'entreprises et les centres de formation professionnelle
relevant du secteur des banques et des assurances ; une partie du
« quota » est également affectée au financement de la péréquation
interrégionale,
via
le
Fonds
national
de
développement
et
de
modernisation de l’apprentissage (FNDMA).
- le « barème » parfois aussi appelé « hors quota » ; fixé à 48%, il
est
destiné
à
subventionner
des
établissements
d’enseignement
technologique et professionnel. Ceux-ci sont classés en fonction du
niveau des formations qu’ils dispensent selon les catégories suivantes :
ouvriers qualifiés, cadres moyens et cadres supérieurs. Ainsi, sont
considérés comme dispensant une formation de niveau « ouvrier
qualifié » les lycées professionnels et agricoles publics ou privés,
21) Encore ce seuil ne s’applique-t-il pas aux organismes habilités directement par
convention avec le ministère de l’Education nationale (Circulaire DGEFP du 4 août
2003).
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
63
préparant à un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou à un brevet
d’enseignement
professionnel
(BEP).
Dans
la
catégorie
« cadres
supérieurs », on trouve les écoles supérieures de commerce, les écoles
d’ingénieurs ou encore les facultés préparant à des formations
professionnelles de niveau Bac + 5.
Dans ce cadre, les entreprises désignent librement au sein du
barème et du quota les organismes de formation dont ils souhaitent
financer l’activité et qui les ont souvent sollicitées. En l’absence d’une
affectation explicite à une institution de formation, les sommes
concernées sont considérées comme « fonds libres » ; leur utilisation au
sein de chacune des catégories – quota et barème - est alors décidée par
l’OCTA dont dépend l’entreprise.
Parallèlement à la taxe d’apprentissage, la loi de finances pour
2005 a institué une nouvelle Contribution au développement de
l’apprentissage (CDA) reversée aux Fonds régionaux de l’apprentissage
et de la formation professionnelle. Cette contribution était fixée à 0,06%
de la masse salariale en 2005, 0,12% en 2006 et 0,18% en 2007. Comme
la taxe d’apprentissage, la CDA est collectée par les OCTA. Son produit
annuel est de 200 millions d’euros environ.
2 -
Les fonds collectés au titre de la taxe d’apprentissage sont
affectés de manière très inégale
Les fonds levés au titre de la taxe d’apptentissage ont connu une
forte progression au cours des dernières années. La collecte s’élève à
1,653 milliard d’euros au titre de 2006 contre 1 milliard en 2000.
Source : PLF 1999-2008
Evolution de la collecte au titre de la TA
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
64
COUR DES COMPTES
Sur ce total, 17% n’ont pas fait l’objet de voeux d’affectation de la
part des entreprises versantes, ce qui laisse les OCTA compétents pour
déterminer l’affectation de ces « fonds libres ».
La répartition de ces fonds auprès des bénéficiaires finals est
caractérisée par une grande inégalité, surtout pour ce qui est du « hors
quota ». Par un référé du 17 août 2005 adressé au Premier ministre, la Cour
avait fait part des observations résultant des travaux importants qu’elle
avait effectués dans ce domaine et qui restent d’actualité. Elle soulignait
notamment que « l’on constate une répartition très inégale des fonds
alloués aux bénéficiaires finals, moins au titre du quota d’apprentissage,
pour lequel est organisée une péréquation interrégionale, qu’à celui du
« hors quota ». La Cour a ainsi pu évaluer qu’en l’absence de tout système
correctif, les concours reçus par étudiant dans l’enseignement supérieur (au
titre de la taxe d’apprentissage) peuvent, selon les académies, varier de un
à douze
22
».
B - La réforme inaboutie de la taxe d’apprentissage
La réforme de la collecte de la taxe d’apprentissage résultant de la
loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 poursuivait un double
objectif de simplification et d’amélioration de l’équité dans la répartition
de la taxe. Les résultats se
sont révélés inférieurs aux attentes.
1 -
Les pratiques en matière de collecte et de répartition de la taxe
d’apprentissage ont peu évolué
De manière très générale, l’organisation de la collecte de la taxe
d’apprentissage n’a pas été affectée en profondeur par la réforme des
OCTA décidée en 2002. S’appuyant sur la possibilité laissée par la loi de
déléguer la fonction de collecte à des organismes tiers, les OCTA
régionaux ont en général mis en place un système de conventionnement
consistant à maintenir le statu quo. Dans le cas du réseau des chambres de
commerce et d’industrie, qui représente le principal réseau collecteur
territorialisé, les CRCI ont ainsi laissé aux CCI départementales ou locales
la fonction « collecte ». Ce choix renvoie pour partie à la crainte du réseau
consulaire de perdre le contact avec les entreprises assujetties à la taxe
22) De fortes disparités sont également constatées entre les établissements
d’enseignement publics et les établissements d’enseignement privés qu’il s’agisse du
second cycle (108 € par élève dans le public et 280 € par élève dans le privé sous
contrat) ou des universités (171 € dans le public et 1709 € dans le privé sous contrat).
Au total sur les 511 M€ de taxe d’apprentissage attribués en 2005 aux établissements
scolaires et
universitaires, l’enseignement public a bénéficié de 237 M€ et
l’enseignement privé (y compris hors contrat) de 274 M€.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
65
d’apprentissage et de voir ainsi s’échapper une ressource essentielle au
fonctionnement de leur centre de formation. En définitive, si la lettre de la
réforme de 2002 a été respectée, l’esprit de mutualisation de moyens qui
l’animait a en revanche été largement ignoré.
Concernant la répartition de la taxe d’apprentissage, il a été fait
échec aux dispositions qui visaient à éviter que le produit de la taxe –
notamment les « fonds libres » - reste dans le réseau collecteur lorsque
celui-ci est gestionnaire d’organismes de formation en apprentissage.
Ainsi, la plupart des compagnies consulaires, en particulier les chambres
régionales du commerce et de l’industrie, ont délibérément choisi de
respecter les souhaits exprimés par les CCI départementales ou locales en
matière d’affectation de la part libre de la taxe, en contradiction avec
l’esprit de la loi du 17 janvier 2002 qui interdit de recourir à un tiers pour
répartir le produit de la taxe. Cette interprétation extensive de la loi de
2002 s’est parfois fait de manière explicite, comme cela a été le cas dans la
région Centre. Selon un procès-verbal du bureau de la CRCI du Centre en
date du 2 juin 2003, il est ainsi précisé que «
la CRCI [Centre] devra se
borner à assurer la consolidation des souhaits exprimés par les CCI
».
Par ailleurs, la distinction faite entre le « quota » et le « hors quota »
est parfois vidée de son sens par des pratiques permettant d’établir une
porosité entre ces deux catégories de financement, au bénéfice du hors
quota et donc au détriment de l’apprentissage. Ce point avait déjà été
mentionné par le référé de la Cour de 2005, qui avait noté que « les
collecteurs procèdent, à partir des fonds non affectés, à des échanges de
droits à déduction entre « quota » et hors quota » en fonction de leurs
besoins (…) Cette pratique ne repose aujourd’hui sur aucune base légale
ou réglementaire et échappe à toute connaissance d’ensemble ». Au cours
de l’enquête des juridictions financières, de nombreux exemples de cette
pratique ont été relevés. Le cas est le suivant : une chambre consulaire gère
directement – ou indirectement – une école éligible à la part barème de la
taxe d’apprentissage, de type école de commerce ou école d’ingénieurs.
Elle a bien entendu intérêt, pour limiter ses subventions à cette école, à
obtenir un volume maximal de taxe d’apprentissage. Elle y consacrera,
dans la mesure de ses possibilités, les fonds libres au titre du barème
qu’elle aura collectés dans la catégorie correspondante (cadres supérieurs
pour les écoles de commerce). Toutefois, le montant de ces fonds libres est
généralement insuffisant ; la chambre consulaire se tourne alors vers
d’autres
collecteurs,
gestionnaires
d’un
CFA
mais
dépourvus
d’établissements éligibles au barème. Il est alors procédé à un échange de
droits : la chambre consulaire s’engage à financer le CFA sur sa collecte au
titre du quota, tandis que l’OCTA gestionnaire du CFA cède pour un
montant correspondant tout ou partie de ses fonds libres au titre du barème.
Cette pratique revient, en définitive, pour la chambre consulaire à
66
COUR DES COMPTES
transformer des ressources « quota » en ressources « barème ». Elle n’est
cependant
pas
irrégulière
dans
la
mesure
les
établissements
bénéficiaires reçoivent bien les fonds auxquels ils sont éligibles (quota
pour la CFA et barème pour l’école de commerce). En revanche, elle
opacifie les circuits de financement et réduit les possibilités de
mutualisation des fonds de la taxe d’apprentissage au détriment des CFA
qui ne sont pas placés dans l’orbite d’un collecteur. A des degrés divers, ce
schéma de fonctionnement a été constaté à la CCI de Quimper, à la
chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Saint-Brieuc ainsi que
dans divers organismes de la région Basse-Normandie.
2 -
Le manque de coordination entre les OCTA et les régions
Acteurs essentiels de l’apprentissage, les régions sont un financeur
important des CFA. En pratique, elles versent à ces derniers des sommes
qui sont assimilables à une subvention d’équilibre. Leur participation
dépend donc étroitement des montants de taxe d’apprentissage perçus par
les CFA. Ce cofinancement par les régions et les OCTA des centres de
formation des apprentis justifie une étroite collaboration. Or celle-ci reste
très défaillante à ce jour.
Ainsi, les OCTA doivent aux régions des informations financières
leur permettant de préciser le montant des subventionnements qu’elles
accordent aux CFA (cf. Art. R 119-3 du Code du travail). Plus facile à
obtenir au niveau des collecteurs régionaux qu’à celui des OCTA
nationaux, l’information reçue par les régions est cependant trop tardive
puisqu’elle intervient en juillet, alors même que les services régionaux ont
déjà établi la répartition de leur dotation. En définitive, la participation des
OCTA est difficilement prévisible avec précision et sujette à des
fluctuations pas toujours transparentes.
Les régions manquent par ailleurs d’une capacité d’action sur les
OCTA. Une circulaire DGEFP du 12 décembre 2002 précise que «
la
collecte de la taxe d’apprentissage est désormais organisée au niveau
régional, à travers de nouvelles modalités d’habilitation et d’agrément des
organismes collecteurs ; le président du Conseil régional doit faciliter une
concertation annuelle avec les collecteurs régionaux ou participant au
financement des CFA régionaux, afin d’envisager l’éventuel renforcement
de leur participation financière au profit des CFA dont la situation
financière le justifie
». Cette circulaire n’a toutefois jamais été appliquée
dans la mesure où plusieurs textes successifs de même nature sont venus
l’amender. Le dernier en date - une circulaire DGEFP du 4 août 2003 -
n’évoque plus cette concertation, ce qui ne conforte pas les régions dans
leur
rôle
d’organisation
et
de
coordination
du
financement
de
l’apprentissage.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
67
3 -
La persistance de très fortes inégalités dans la répartition de la
taxe d’apprentissage
Les dysfonctionnements observés précédemment se traduisent par
la persistance de fortes inégalités dans la répartition de la taxe
d’apprentissage entre les CFA.
Ces inégalités résultent en premier lieu de la diversité des types
d’organismes supports des CFA. Ceux-ci influencent fortement la
structure de financement de ces établissements. Ainsi, dans la région Pays
de la Loire, les CFA dépendant des lycées professionnels présentent un
fort taux de subvention régionale (entre 65 et 80 % de leurs ressources) et
un faible taux de taxe d’apprentissage (entre 10 et 20 %). Inversement, les
CFA de branche sont faiblement subventionnés par la région (20 %) ; ils
bénéficient par ailleurs d’un fort pourcentage de recettes propres (48 %)
et d’une taxe d’apprentissage proche de la moyenne. La structure de
financement des CFA des chambres de commerce et d’industrie est la
plus proche de la moyenne régionale : subvention de la région (51 %),
taxe d’apprentissage (24 %), autres recettes (25 %). De même, en
Bretagne, dès lors qu’une CMA soutient un CFA, ce qui est le cas pour
les cinq CMA de la région, la participation de la région, destinée à
équilibrer les comptes des CFA, atteint un niveau largement supérieur à
celui atteint auprès des CFA rattachés à des CCI.
D’autres inégalités apparaissent en fonction du secteur d’activité
du CFA. Elles résultent principalement du principe de libre affectation de
la taxe par les entreprises. Selon une étude réalisée en Ile de France, les
CFA qui proposent des formations supérieures ou qui relèvent de
l’industrie ou de l’interprofessionnel, bénéficient d’une taxe en général
élevée (de 4 500 € à plus de 8 000 € par apprenti) tandis que les CFA qui
appartiennent au secteur des services reçoivent une taxe faible (2 000 € et
moins)
23
.
Enfin, on observe également d’importantes inégalités entre les
régions. En effet, c’est la région qui, par sa subvention, équilibre les
comptes des CFA lorsqu’ils présentent des ressources insuffisantes par
rapport à leurs coûts de fonctionnement. (article R.116-16 du code du
travail). La dépendance financière des CFA vis-à-vis de la région est très
variable. En 2006, les régions Bretagne et Basse Normandie assuraient en
moyenne 60 % du total des recettes des CFA de leur ressort territorial.
Cette proportion n’était que de 51% dans les Pays de la Loire et de 33%
en Ile-de-France. Une étude de la FNADIR (fédération nationale des
23) Source : étude du groupe Amnyos sur la qualité des CFA (mars 2007)
68
COUR DES COMPTES
directeurs de CFA) (novembre 2006) montrait que les dépenses totales
des régions par apprenti s’échelonnaient en 2005 entre 2 500 € et 6 000 €
selon les régions. Les problèmes liés à la répartition de la taxe
d’apprentissage expliquent la plus grande partie de ces disparités, même
si d’autres facteurs locaux peuvent jouer à la marge.
C - L’insuffisante transparence de la gestion de certains
collecteurs : l’exemple de la branche des transports
D’une manière générale, la Cour a relevé lors de ses contrôles sur
les OCTA de très nombreuses anomalies de gestion au détriment de leur
mission première de soutien et de financement de l’apprentissage. Les
collecteurs de la branche des transports sont à cet égard emblématiques
d’un défaut de transparence souvent constaté. La branche des transports, à
laquelle est souvent adjointe celle de la logistique représente plus de
500 000
emplois. Certaines des activités correspondent à des métiers en
tension et l’application des décisions communautaires implique la montée
en puissance des formations professionnelles obligatoires. Dans ce
contexte, l’organisation complexe des organismes collecteurs agréés
dédiés à cette branche fait obstacle à la lisibilité des flux financiers et à la
transparence souhaitable dans l’emploi des fonds.
1 -
Des organismes collecteurs protéiformes
Ces entités recouvrent en réalité une cinquantaine d’organismes
qui entretiennent des relations étroites au sein de « groupes de fait ». Ces
derniers peuvent être définis comme un système de relations parfois
croisées, complexes et très inégalement définies par des textes que les
autorités de tutelle ou de contrôle externe n’ont jamais validés. Ainsi,
l’activité de l’un de ces organismes collecteurs est retracée dans les
comptes de deux associations « rattachées ». Autour d’un autre collecteur
gravitent huit centres de formation d’apprentis et quatre sociétés civiles
immobilières. Quant au principal collecteur, créé depuis plus de 50 ans, il
a constitué au fil des ans, un « groupe de fait » rassemblant cinq
associations, deux sociétés anonymes et 28 sociétés civiles immobilières
(correspondant à 43 sites), chiffre qui atteint 35 quand on y adjoint celles
du plus petit collecteur avec lequel un rapprochement a été opéré, sans
être juridiquement formalisé.
Sur la base des seuls états financiers des associations agréées, il est
impossible d’avoir une image exacte des principaux flux d’activité ainsi
que de leur situation patrimoniale. Ainsi, le collecteur le plus important
enregistre dans ses comptes les rémunérations de 280 agents mais le
« groupe » rémunère près de 2 000 collaborateurs En matière de
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
69
patrimoine, l’association « mère » détient 70% des parts des sociétés
civiles immobilières, ce qui porte le montant des immobilisations
financières à un montant de l’ordre de 65 M€ en 2004, actif évalué à sa
valeur historique. Des opérations diverses, comme la constitution d’un
réseau d’auto écoles, quasi système de franchise, les pratiques d’avances
et de prêts,
l’ouverture d’opérations internationales ou l’apparentement
avec des sociétés anonymes étroitement rattachées à l’association « tête
de groupe », des situations fiscales complexes et fluctuantes, caractérisent
davantage un statut d’entreprise que celui d’une association régie par la
loi de 1901, exerçant une mission de service public.
2 -
Un manque généralisé de transparence
Au sein du principal « groupe de fait », l’articulation des
différentes entités devrait avoir pour corollaire une information complète
et une comptabilité analytique permettant d’imputer à chaque organisme
les charges qui lui reviennent, avec le contrôle interne afférent. Tel n’est
pas le cas. La situation la moins transparente est illustrée par les
rémunérations de nombreux cadres de l’association « mère » non
retracées dans ses propres comptes : le délégué général, le directeur
administratif et financier, le directeur des ressources humaines sont
salariés d’autres entités du groupe. Le secrétaire général du groupe est
rémunéré par l’une des associations « rattachées » à l’autre collecteur
associé.
Le pilotage du groupe comporte des éléments de risque : une
même personne assure la présidence et la gérance de la quasi-totalité des
entités du groupe, déléguant à ses proches collaborateurs les fonctions
directoriales dans les organismes qu’il ne préside pas directement. Ayant
reçu des conseils d’administration une totale liberté d’action en matière
financière, titulaire d’un mandat reconduit automatiquement sans
limitation de durée, cette présidence « multiple » s’exerce sans être
défrayée directement par l’association collectrice : ce sont deux autres
entités du groupe qui versent ses rémunérations.
Les associations se sont vues reconnaître la capacité d’exercer
également des fonctions de formation. Au delà de la gestion de CFA,
elles interviennent aussi en matière de formation professionnelle
continue. L’articulation de ces missions appelle une grande transparence
dans le suivi des flux financiers. Or celle-ci n’est pas assurée.
70
COUR DES COMPTES
Opacité des flux, périmètres d’activité difficiles à cerner, mise en
place d’un système de formation étroitement captif, tels sont les éléments
caractéristiques de la gestion du secteur que la Cour avait mis en lumière
il y a plus de dix ans. Les autorités de tutelle, pourtant représentées dans
les instances de l’association tête de réseau, n’ont pas veillé à ce qu’il soit
procédé aux évolutions indispensables.
IV
-
Le financement de la formation
professionnelle continue : une transparence et une
mutualisation insuffisantes
Le système français de formation professionnelle continue repose,
depuis la loi fondatrice de 1971, sur un principe d’obligation de
financement. Celle-ci s’assortit de conditions particulières de versement
des fonds. En particulier, la loi prévoit qu’une partie de la contribution
des entreprises destinée à la formation professionnelle est versée à des
organismes collecteurs agréés (OPCA). Ces OPCA, au nombre de 99,
sont des associations de la loi de 1901 gérées par les partenaires sociaux
dont la mission principale est de collecter et de redistribuer les fonds de la
formation professionnelle. Ils interviennent également pour procéder au
règlement des actions de formation engagées par les entreprises.
La Cour est compétente depuis 2000 pour contrôler ces
organismes. Elle a été amenée à dresser une première synthèse de ses
travaux dans le rapport public 2007 (pp. 249 et suiv.). Depuis lors, elle a
poursuivi ses investigations dans ce secteur. Elle a également procédé à
l’examen de la gestion du Fonds unique de péréquation (FUP), organisme
créé en 2004 afin d’opérer une redistribution des ressources entre les
différents OPCA. Ces travaux lui ont permis de confirmer la plupart des
constats faits en 2007 : complexité excessive des modes de collecte,
insuffisance des contrôles exercés sur les OPCA, frais de gestion élevés
de certains organismes, conditions peu transparentes de la participation
des OPCA au financement du paritarisme.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
71
A - Des financements croissants collectés par un réseau
complexe et hétérogène
1 -
Une collecte abondante qui représente plus de la moitié de
l’effort des entreprises en matière de formation
Les montants recouvrés par les OPCA sont en augmentation
constante. Ils ont représenté 5,449 milliards d’euros en 2006, en
progression moyenne annuelle de plus de 6% depuis le début des années
2000. L’effort des entreprises en faveur de la formation s’établissant à un
peu plus de 10 milliards d’euros par an, il apparaît que les OPCA voient
transiter dans leurs comptes plus de la moitié de l’effort des entreprises en
matière de formation professionnelle.
Part collectée par les OPCA par rapport à la
contribution des entreprises en faveur de la FP continue
2,0
2,5
2,8
3,0
3,2
3,5
3,8
4,0
4,2
4,8
5,2
5,4
7,3
7,1
7,0
7,1
7,2
7,4
7,4
8,3
7,6
7,7
8,2
8,6
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Milliards d'euros
Collecte globale des OPCA
Dépenses déductibles des entreprises
Source : PLF 1997 à 2008
Au cours de la période 2000-2005, le montant des fonds collectés
s’est accru trois fois et demi plus vite que le produit intérieur brut.
Plusieurs raisons se conjuguent pour expliquer cette évolution, qui ne
résulte pas entièrement du relèvement des taux de cotisation par la loi de
2004. Elle provient également de l’externalisation croissante par les
entreprises de leurs actions de formation au profit des OPCA, souvent
pour des montants dépassant leurs obligations légales. Ainsi, au sein de
l’OPCAIM, la proportion des versements volontaires des entreprises au
titre des plans de formation dans l’ensemble de la collecte est passée de
3,3% en 2000 à 13,4% en 2005. Les organismes collecteurs, pour leur
part, et notamment les OPCA interprofessionnels, tendent à accroître
leurs ressources en proposant de nouveaux services aux entreprises en
matière d’ingénierie et de formation. Par ailleurs, la création du DIF a
72
COUR DES COMPTES
pour conséquence de faire peser sur les entreprises une charge
supplémentaire considérable qui les obligera à terme rapproché à
augmenter très substantiellement leur effort en faveur de la formation
professionnelle de leurs salariés.
2 -
Une centaine de collecteurs agréés
Une critique traditionnelle adressée au réseau de collecte des fonds
de la formation professionnelle est son grand éclatement. En effet, pas
moins de 99 organismes paritaires collecteurs sont agréés pour effectuer
cette tâche (Cf. encadré ci-dessous).
Le réseau des OPCA
Les organismes paritaires collecteurs agréés se répartissent de la façon
suivante :
- 40 organismes nationaux professionnels ;
- 1 organisme national interprofessionnel
(AGEFOS-PME)
- 1 organisme interbranches et interprofessionnel (OPCALIA) ;
- 25 organismes régionaux interprofessionnels (les OPCAREG,
uniquement agréés pour le plan de formation) ;
- 31 organismes uniquement gestionnaires du congé individuel de
formation, dont 26 régionaux (FONGECIF) et 5 nationaux (AGECIF).
Il est à noter que l’OPCALIA, opérateur interprofessionnel,
interbranches et interrégional, résulte de la fusion de deux OPCA : l’OPCIB
et l’IPCO ; l’OPCALIA est par ailleurs la tête du réseau des OPCAREG.
Par ailleurs, le système de collecte est couronné par un organisme de
péréquation : le FUP, fonds unique de péréquation.
Source : d’après PLF 2008
Ce réseau important est toutefois de taille beaucoup plus réduite
que dans les années 1990, où l’on avait compté jusqu’à 600 organismes
collecteurs. La loi quinquennale du 20 décembre 1993 a en effet eu pour
objectif d’en réduire le nombre en introduisant un seuil minimal de
collecte nécessaire pour obtenir l’agrément. Ce plancher a été fixé par
voie réglementaire à 15,24 millions d’euros (100 millions de francs en
1993). La réglementation en vigueur autorise toutefois une certaine
souplesse. En effet, la règle du seuil minimal de collecte instituée par
l’article R. 964-1-3 du code du travail prévoit des possibilités de
dérogation pour certains OPCA : «
par exception, un organisme
collecteur paritaire à compétence nationale peut être agréé dans certains
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
73
secteurs professionnels, notamment artisanaux, libéraux ou agricoles,
lorsque ce seuil ne peut être atteint en raison de l’insuffisance des masses
salariales des entreprises des secteurs considérés et de la spécificité de
l’activité de ces secteurs
». Par ailleurs, les OPCA dits « hors champ »,
c’est-à-dire les OPCA de branche dont les organisations patronales n’ont
pas adhéré au MEDEF, à la CGPME ou à l’UPA, qui ne peuvent se voir
opposer des accords nationaux interprofessionnels auxquels elles ne sont
pas partie, ne sont pas soumises au seuil minimal de collecte. En
conséquence, plus d’un cinquième des OPCA actuellement agréés
n’atteignent pas le seuil de 15,24 millions d’euros.
3 -
Des organismes très hétérogènes
Plus que du nombre des OPCA, la complexité du système de
collecte résulte de fait de la diversité de taille et de nature des différents
organismes. En effet, les OPCA sont spécialisés selon trois critères :
professionnels, territoriaux et technique. Ainsi, les accords entre
partenaires sociaux qui créent chaque OPCA doivent définir :
- un champ d’application géographique ;
- un champ d’application professionnel ou interprofessionnel ;
- le type de contributions collectées : contributions au titre du
« plan de formation » et de la « professionnalisation » ou contributions
pour le « congé individuel de formation ». En effet, sauf dérogation, ces
deux types de collecte ne peuvent se cumuler.
Il en résulte une grande variété d’organismes, tant pour ce qui est
des compétences exercées que de la taille et du montant de la collecte.
Cette
complexité
« externe »
tenant
au
champ
d’exercice
des
compétences de chaque OPCA se double d’une complexité « interne »,
résultant de modes d’organisation très diversifiés. Ainsi, certains OPCA
sont structurés de façon centralisée (l’OPCAIM, par exemple) et d’autres
sous une forme décentralisée (l’AGEFOS-PME qui, bien que n’ayant
qu’un seul agrément, est en réalité constituée d’un réseau de 24
associations régionales assurant chacune sa propre collecte). Par ailleurs,
la Cour a relevé à de nombreuses reprises une tendance des OPCA à
déléguer leurs compétences de manière excessive. Ainsi, il avait été
relevé dans le rapport public 2007 qu’ «
au FORCO et jusqu’à
l’intervention de la Cour en 2004, la collecte était déléguée à trois
« opérateurs » extérieurs, gérés par les organisations patronales :
l’UNIPE-IP, l’Opérateur national, et le COGEFORM. En 2006, la
direction du FORCO a décidé de ne pas renouveler les conventions de
délégation de gestion de la collecte aux opérateurs extérieurs auxquels
elle s’est substituée, assurant désormais la responsabilité directe de cette
74
COUR DES COMPTES
mission. Cette centralisation de la gestion a apporté une réponse justifiée
mais tardive à certains errements constatés par la Cour à l’occasion du
contrôle de ces organismes délégataires
». Depuis ce rapport, la Cour a
eu l’occasion d’observer à plusieurs reprises des situations similaires,
comme lors de son contrôle de l’OPCAREG Ile-de-France qui a conclu
une telle convention de délégation avec une association.
Il résulte de cet éclatement des organismes collecteurs et de la
diversité de leurs modes de gestion un manque de lisibilité pour les
entreprises ainsi qu’un éparpillement de moyens coûteux.
B - Un encadrement inefficace de l’activité des OPCA
1 -
Des opérations de collecte fortement réglementées
a)
Les taux de cotisation
Les OPCA collectent les fonds de la formation professionnelle
selon des règles qui résultent aujourd’hui de l’ordonnance du 2 août 2005.
Celle-ci a notamment augmenté les taux de cotisation assis sur la masse
salariale qui constituent la traduction du principe d’obligation de
financement propre au système français de formation professionnelle et
qui sont récapitulés dans le tableau ci-après :
Tableau n° 6 : Taux de contribution prévus par la loi depuis
l’ordonnance du 2 août 2005 (en % de la masse salariale)
Effectifs
Au titre du
plan de
formation
Au titre de la
profession-
nalisation
Au titre du congé
individuel de
formation
Total
Moins de dix
salariés
0,40 %
0,15 %
-
0,55 %
Dix à vingt
salariés
0,90 %
0,15 %
-
1,05 %
Vingt salariés
et plus
0,90 %
0,50 %
0,20%
1,60 %
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
75
La totalité de ces cotisations n’est pas nécessairement collectée par
OPCA. Seules sont obligatoirement versées à ces organismes les
contributions relatives au congé individuel de formation (CIF) et à la
professionnalisation. Pour les sommes dues au titre du plan de formation,
l’obligation légale correspond à une obligation de faire
24
: les entreprises
de plus de 10 salariés doivent ainsi y consacrer au moins 0,9% de leur
masse salariale ; si toutefois, leurs propres actions restent inférieures à ce
seuil, elles peuvent choisir d’affecter le solde à un OPCA ou – beaucoup
plus rarement – au Trésor public. Le système français de financement de
la formation professionnelle continue se définit ainsi, au moins pour une
partie de l’effort des entreprises, comme un système dans lequel celles-ci
doivent « former ou payer ». Il faut souligner en outre que les entreprises
demeurent libres de consacrer à la formation professionnelle des sommes
allant au-delà du plafond légal. C’est d’ailleurs le cas de la plupart d’entre
elles puisque la DARES évalue à plus de 3% la part de la masse salariale
consacrée en France par les entreprises de plus de 10 salariés à des
actions de formation professionnelle
b)
L’affectation des financements collectés par les OPCA
Les OPCA ne sont pas autorisés à financer toutes les dépenses
relatives à la formation professionnelle engagées par les entreprises. La
loi limite leur participation aux activités et dispositifs suivants :
- le plan de formation : élaboré par l’employeur, il regroupe trois
types d’actions distinctes : les actions d’adaptation au poste, les actions
de formation liées à l’évolution de l’emploi ou qui participent au maintien
dans l’emploi ; les actions de développement des compétences ;
- les actions de professionnalisation : elles regroupent trois
dispositifs : le « contrat de professionnalisation », qui vise l’insertion ou
la réinsertion professionnelle de ses bénéficiaires, en organisant une
alternance entre présence en entreprise et formation ; la « période de
professionnalisation », qui a pour objet de favoriser le maintien de
salariés en contrat à durée indéterminée, au moyen d’actions de
formation ; le droit individuel à la formation (DIF), qui correspond à un
crédit d’heures de formation acquises chaque année par le salarié,
utilisables à l’initiative du salarié avec l’accord de son employeur ;
- le congé individuel de formation : ce dispositif permet à toute
personne engagée dans la vie active depuis au moins deux ans de suivre
une action de formation à sa seule initiative et à titre individuel.
24) A l’exception des entreprises de moins de 10 salariés qui doivent verser
l’intégralité de leur contribution au titre du plan de formation auprès d’un OPCA.
76
COUR DES COMPTES
Les OPCA prélèvent par ailleurs sur le montant de leur collecte,
des dépenses correspondant à deux postes distincts :
- des frais de gestion, qui sont
plafonnés par voie réglementaire ;
- une participation au financement du paritarisme. En effet, la loi
prévoit que les dépenses supportées par les partenaires sociaux au titre de
la gestion paritaire des OPCA sont imputées sur le montant de la collecte.
Le financement ainsi perçu par les partenaires sociaux peut représenter
jusqu’à 1,5% du total des sommes recouvrées par les OPCA.
2 -
Un encadrement des frais de gestion qui n’incite pas à la
réalisation d’économies
Les OPCA voient leurs frais de gestion plafonnés par la
réglementation. Un arrêté du ministre chargé de l’emploi daté du 4
janvier 1996 limite à 9,9% du montant de la collecte le montant de ces
frais de gestion
25
. Ce taux se ventile en deux masses : 4,9% pour la
gestion administrative et financière et 5% pour les frais de collecte et
d’information. Cette disposition est de faible portée dans la pratique dans
la mesure où la DGEFP ne s’attache dans ses contrôles qu’au montant
global de l’enveloppe.
La diversité des situations observées dans les OPCA est
particulièrement frappante. Certains d’entre eux présentent des taux de
frais de gestion nettement inférieurs au plafond, voisins de 7% ; d’autres
au contraire se situent à un niveau très proche du plafond. C’est
notamment le cas de l’AGEFOS-PME, dont les frais de gestion avoisinent
les 11,9% qui lui sont autorisés. Par ailleurs, le mode de calcul de ce
plafond est lui-même incertain. Le recours à des mécanismes visant à
majorer artificiellement le montant de la collecte (notamment, le système
de la « délégation de paiement » qui permet à une entreprise de faire
régler par un OPCA des sommes non couvertes par la collecte, en lui
faisant un versement complémentaire), faussent gravement le calcul du
plafond. De telles pratiques ont été observées fréquemment par la Cour,
par exemple au FORCO ou à l’AGEFOS-PME. Dans ce contexte
d’aisance financière, ou tout au moins de pression modérée sur les coûts
de gestion administrative, il n’est pas étonnant de constater certaines
dérives : « dépenses de personnel trop généreuses », rémunérations et
indemnités « confortables », coûts informatiques mal maîtrisés, autant
d’observations que la Cour a développées dans son rapport annuel de
2007.
25) Ce taux est porté à 11,9% pour l’AGEFOS-PME et le réseau des OPCAREG en
raison des contraintes spécifiques à la collecte auprès des entreprises de moins de dix
salariés.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
77
De fait, le système mis en place par l’arrêté de 1996 est peu
incitatif à la réalisation d’économies de gestion. En effet, il ne prend pas
en compte la taille de l’organisme collecteur et les économies d’échelle
qui vont de pair avec l’augmentation des masses financières collectées. Il
se rapproche plutôt d’un système garantissant aux OPCA un « droit de
tirage » pour frais de gestion, indépendant de leurs efforts de productivité.
Le niveau des frais de gestion apparaît élevé quand on le compare avec
celui d’autres organismes collecteurs : sur une assiette quasiment
identique, les frais de gestion administrative exposés par le régime
d’assurance chômage pour la collecte de ses contributions représentaient
moins de 6% de ces dernières en 2007. Si la différence n’est pas
entièrement imputable à des modalités plus ou moins rigoureuses de
gestion, force est de constater qu’un collecteur de plus grande taille
permet de faire jouer des économies d’échelle qui restent inaccessibles à
la plupart des OPCA aujourd’hui.
C - Une mutualisation très faible
La mutualisation est la raison d’être des OPCA. En effet, ces
derniers affectent la collecte auprès des entreprises adhérentes en fonction
de la politique qui est déterminée par leur conseil d’administration. En
principe, l’action des OPCA doit donc se traduire par une allocation des
ressources en fonction des besoins de formation et non en fonction du
montant des contributions. Par ailleurs, une mutualisation existe entre les
OPCA ; elle est effectuée par le Fonds unique de péréquation (FUP). Ces
deux étages de mutualisation présentent aujourd’hui un bilan nettement
insuffisant.
a)
La mutualisation entre les entreprises adhérentes à un OPCA est
inopérante
Si aucune étude systématique n’a été menée pour connaître
l’ampleur de la mutualisation opérée par les OPCA, la réflexion sur ce
point peut s’appuyer sur les résultats de quelques études ponctuelles,
notamment celle réalisée par la DARES en 2007. Les conclusions de cette
étude sont les suivantes.
78
COUR DES COMPTES
La mutualisation est défavorable aux petites entreprises pour ce qui
est de la collecte au titre du plan de formation des entreprises de plus de
dix salariés, comme le montre le tableau ci-dessous.
Effet redistributif des OPCA par taille d’entreprise (en 2005)
Classe de taille
(nombre de salariés)
Répartition des
contributions versées
aux OPCA
Répartition des
dépenses prises en
charge par les OPCA
moins de 10
13,0 %
12,0 %
de 10 à 199
49,6 %
46,5 %
De 200 à 1999
26,1 %
26,2 %
2000 et plus
11,3 %
15,3 %
Total
100,0 %
100,0 %
Source: Etats statistique et financiers (DGEFP)
Les OPCA font bénéficier aux entreprises de moyenne et de grande
taille d’un « droit de tirage » au moins équivalent au montant de leurs
contributions, car la collecte est facultative pour les entreprises de plus de
10 salariés (qui peuvent choisir de « former » si elles ne souhaitent pas
« payer »), alors qu’elle est obligatoire pour les entreprises de moins de
dix salariés (au taux de 0,5%).
La mutualisation est mieux identifiable pour la partie de la collecte
au titre du CIF ou des actions de professionnalisation, mais dans une
mesure qui reste modeste et apparaît même décroissante pour ce qui est
des actions de professionnalisation.
La partie la plus importante de la collecte des OPCA étant celle qui
ne fait pas l’objet de la mutualisation (le plan de formation), l’impact
redistributif du système dans son ensemble apparaît donc très faible.
b)
La mutualisation entre les OPCA : le bilan décevant du FUP
La création par la loi du 4 mai 2004 du Fonds unique de
péréquation (FUP) avait pour objectif de renforcer la mutualisation entre
collecteurs pour mieux soutenir le développement des dispositifs de
formation professionnelle. Le FUP s’est substitué à un dispositif
précédent, composé de deux fonds de péréquation (l’AGEFAL et le
COPACIF) dont le fonctionnement s’était révélé décevant et avait conduit
à de nombreux prélèvements budgétaires par l’Etat, compte tenu des
excédents constatés. La nouvelle entité devait donner une nouvelle
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
79
ampleur aux actions de mutualisation passant en particulier d’une
fonction de couverture de trésorerie à des initiatives plus dynamiques
pour répondre plus exactement aux besoins des différents dispositifs et
des différents domaines professionnels. Trois ans après la création de cet
organisme, le bilan du FUP apparaît très en retrait par rapport à ses
ambitions de départ. A certains égards, il semble même que sa capacité
d’action et d’initiative ait régressé par rapport à l’AGEFAL et au
COPACIF.
Ainsi, la création du FUP s’est traduite paradoxalement par une
régression considérable de l’activité de mutualisation. Seulement 78,9
millions d’euros sur 361 millions collectés ont été redistribués par le FUP
en
2006,
contre
211,8
millions
en
2003,
dernière
année
de
fonctionnement stabilisé du dispositif antérieur, soit de l’ordre du tiers
seulement. Alors que la collecte des OPCA progressait de 30% sur cette
même période, la mutualisation s’est ainsi effondrée, en raison sans doute
des difficultés du passage d’un dispositif à l’autre, mais aussi notamment
de l’adoption par les partenaires sociaux de critères d’éligibilité
particulièrement restrictifs. Il est résulté de cette mutualisation en faux-
semblant un gonflement rapide des réserves du FUP. De fait, la loi du 31
mars 2006 pour l’égalité des chances a ouvert au FUP la possibilité
d’affecter «
une partie de ses ressources au financement d’actions en
faveur de l’emploi et de la formation professionnelle dans les conditions
fixées par un accord conclu entre le fonds et l’Etat, après concertation
avec les organisations syndicales
». L’accord conclu le même jour
entre
l’Etat et le Comité paritaire national pour la formation professionnelle
(CPNFP) a permis de faire remonter les sommes engagées par le FUP à
partir de 2006. Dans ce cadre, une partie substantielle des réserves du
FUP a été mobilisée à hauteur de 316 millions d’euros, à l’initiative de
l’Etat, au bénéfice d’actions les plus diverses : développement de la VAE,
amélioration de l’emploi des seniors, renforcement de l’information,
recrutement de 500 « développeurs » par les OPCA. En outre a été
décidée
une
subvention
aux
organisations
syndicales
pour
leur
contribution à la promotion de l’accord national interprofessionnel de
décembre 2003, ce qui pourtant entrait dans les missions du FONGEFOR
évoqué ci-après. Sur le fond, toutefois, l’accord sanctionne l’incapacité
du nouveau dispositif à conduire lui-même la mission pourtant essentielle
qui lui avait été assignée par la loi. Pour autant, cet accord n’a pas
empêché que soient opérés successivement deux prélèvements sur la
trésorerie du FUP : 175 millions d’euros au profit de l’AFPA par la loi de
finances pour 2007, puis 200 millions supplémentaires par la loi de
finances initiale pour 2008 au bénéfice du Fonds de solidarité.
Peu importante dans ses montants, la mutualisation opérée par le
FUP ne concerne, de surcroît, qu’un faible nombre d’OPCA : 12 en 2006,
80
COUR DES COMPTES
dont 7 OPCAREG ; 15 en 2005, dont 9 OPCAREG. Par ailleurs, les aides
bénéficient majoritairement aux mêmes organismes d’une année à
l’autre : en 2005 et 2006, cinq organismes
26
ont reçu, en masses agrégées,
respectivement 76% et 81% des fonds mutualisés, soit 50 millions
d’euros sur 66 millions en 2005 et 59,3 millions d’euros sur 73 millions
en 2006. L’absence de fongibilité entre les fonds perçus au titre du CIF et
ceux perçus au titre des actions de professionnalisation fait en outre
obstacle à toute mutualisation élargie alors qu’il s’agissait pourtant de
l’un des objectifs de la création d’un organisme unique. Depuis la
création du FUP, les organismes gestionnaires du CIF ne sont ainsi
qu’exceptionnellement bénéficiaires de crédits, alors même que le
dynamisme de ce dispositif exigerait la mobilisation de financements
complémentaires. Le clivage est même maintenu entre les ressources
consacrées d’une part au dispositif dont bénéficient les titulaires de
contrats à durée indéterminée, et d’autre part celui ouvert aux titulaires
d’un contrat à durée déterminée, en contradiction avec l’objet même du
FUP.
D - Une participation peu transparente au financement
du paritarisme
Le FONGEFOR, association paritaire financée par des versements
des OPCA, est chargé de distribuer 0,75% du produit de la collecte aux
confédérations professionnelles en contrepartie des charges qu’elles
subissent au titre de leur responsabilité de cogestionnaires des OPCA. De
plus,
les
organisations
professionnelles
membres
des
conseils
d’administration des OPCA peuvent percevoir, dans une limite de 0,75%
des fonds collectés, une rémunération pour charges de gestion. Cela peut
donc porter à 1,5% au maximum de la collecte la contribution
directement perçue par les organisations professionnelles au titre de leur
responsabilité de gestionnaires.
Cette modalité de financement des organisations syndicales n’est
pas sans soulever des difficultés que la Cour a déjà évoquées à plusieurs
reprises, notamment dans ses rapports publics de 2002 et de 2007
27
.
Concernant les modalités de calcul du plafond des versements aux
syndicats, la Cour a constaté une interprétation très libre des textes, visant
26) Il s’agit de l’ANFA (automobile), de l’OPCA PL (professions libérales), du FAF
SAB (artisanat), de l’OPCA MS (services) et de l’OPCAD (alimentation).
27) Rapport public annuel 2002, janvier 2003 : « Les aides de l’Etat à la formation des
représentants des organisations syndicales et professionnelles » (pages 167 et
suivantes) ; Rapport public annuel de février 2007 : «
La collecte de la contribution
des entreprises à la formation professionnelle » (pages 249 et suivantes).
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
81
à majorer la base prise en compte pour le calcul des 0,75% (notamment
en y ajoutant à tort les versements volontaires des entreprises).
Concernant les prestations effectivement accomplies par les organisations
professionnelles, rares sont les pièces qui permettent d’en attester. Ainsi,
dans les OPCA contrôlés par la Cour, l’utilisation des sommes perçues
pour le financement du paritarisme par les organisations membres du
conseil d’administration ne fait l’objet que d’un état déclaratif sommaire
dépourvu de toute référence à la matérialité des dépenses, voire même
complètement déconnecté de l’activité de l’OPCA.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le financement de la formation professionnelle est caractéristique
des maux du système français de formation professionnelle : l’éclatement
des structures se traduit par une mutualisation extrêmement faible et des
coûts de gestion élevés. Des transformations s’imposent, tant pour ce qui
est de la formation initiale que de la formation professionnelle continue.
L’enseignement professionnel
La complexité des mécanismes de financement des lycées
professionnels, qui résulte du caractère parfois byzantin du découpage
des compétences entre l’Etat et les régions, a pour résultat une grande
opacité dans l’évaluation des coûts de ces établissements. C’est pourquoi
les juridictions financières préconisent la mise en place d’instruments
visant à mieux connaître les coûts exposés et ainsi à mieux intégrer les
critères de coût dans les décisions d’ouverture et de fermeture de
structures d’enseignement.
La collecte de la taxe d’apprentissage
Le système de recouvrement de la taxe d’apprentissage est marqué
par un grand émiettement auquel la réforme intervenue en 2004 n’est pas
parvenue à mettre fin. Dans ces conditions, une grande opacité continue
d’entourer les conditions de collecte et d’allocation des fonds.
Cette situation appelle une simplification des structures de
recouvrement qui pourrait passer par un relèvement important des seuils
de collecte donnant accès à l’agrément. A terme toutefois, s’agissant
d’une taxe prélevée sur la masse salariale dans des conditions proches de
celles qui prévalent pour les fonds de la formation professionnelle, la
question pourrait se poser de l’opportunité d’un prélèvement conjoint de
la taxe d’apprentissage et des fonds de la formation professionnelle.
82
COUR DES COMPTES
Le nécessaire renforcement de la mutualisation des fonds de la
formation continue
Le système actuel de recouvrement des fonds de la formation
professionnelle connaît à la fois des difficultés de gestion – coûts élevés,
transparence insuffisante - et des problèmes tenant à la faible mutualisation
des financements collectés. Cette situation
appelle une réforme profonde
du dispositif.
Une première orientation, parfois évoquée,
pourrait consister à
supprimer l’obligation de financement de la formation professionnelle, au
moins pour la part de 0,9% de la masse salariale concernant le « plan de
formation » que les entreprises peuvent aujourd’hui soit dépenser par elles-
mêmes, soit affecter à un OPCA (ou, plus rarement, au Trésor public). Une
telle disposition devrait faire l’objet d’une étude d’impact détaillée
en
raison du risque qu’elle pourrait faire courir d’un recul de l’effort de
formation des entreprises, notamment des plus petites d’entre elles. C’est
pourquoi elle devrait être accompagnée en tout état de cause de la création
d’un dispositif de péréquation destiné à financer l’accès de publics
prioritaires à la formation.
Dans le cadre d’un maintien de l’obligation de financement, une
première mesure pourrait consister, comme pour le recouvrement de la
taxe d’apprentissage, à élever le seuil de collecte donnant lieu à
l’agrément, de manière à réduire le nombre d’organismes collecteurs. Il
n’est pas certain toutefois qu’un tel changement suffise à améliorer la
mutualisation dans des proportions suffisantes. C’est pourquoi des mesures
visant à encourager la mise en commun des moyens pourraient s’y ajouter.
Celle-ci pourrait prendre la forme d’un « fonds régional pour la
formation tout au long de la vie » qui aurait vocation à financer des actions
de formation répondant à des priorités locales, faisant l’objet d’un
diagnostic partagé des différents cofinanceurs : Etat, régions, entreprises et
branches professionnelles au travers des OPCA. Un tel instrument serait
particulièrement adapté pour la mobilisation des moyens nécessaires à
l’accès effectif à la formation professionnelle des personnes peu formées ou
mal qualifiées, que ce soit dans le cadre d’une démarche de type « école de
la seconde chance », l’accompagnement d’une recherche d’emploi ou pour
mieux préparer les salariés les plus fragiles aux évolutions de compétences
requises par le changement des métiers ou les restructurations. Dans un
cadre territorial concerté et au bénéfice d’une analyse partagée des besoins
et des priorités en fonction de l’évolution du tissu économique et des
mutations des compétences exigées, se mettrait ainsi en place un dispositif
permettant véritablement de concrétiser un droit différé à formation,
mobilisable en prévention comme en accompagnement des insertions et des
changements professionnels.
DES FINANCEMENTS CONSIDÉRABLES MAIS CLOISONNÉS
83
Dans cet esprit, il serait souhaitable d‘introduire dans le
processus d’agrément des OPCA un critère tenant à la participation aux
instances de concertation régionale et au financement de ces programmes
régionaux.
Il serait nécessaire également de fixer la part minimale de la
collecte des OPCA qui devrait être affectée aux fonds régionaux de
formation tout au long de la vie.
A défaut d’une amélioration significative de la mutualisation des
fonds et de la transparence de la gestion de ces organismes, la question
se poserait de façon pressante de transférer la collecte des fonds de la
formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage , ou du moins leur
part mutualisée, à un organisme unique voire aux URSSAF. Cette
dernière solution présente des avantages qui ne doivent pas être
négligés :
- elle permettrait aux URSSAF, auxquelles la loi a déjà transféré la
collecte des contributions d’assurance chômage, de devenir un collecteur
quasiment universel des cotisations assises sur la masse salariale, ce qui
permettrait à la fois une plus grande simplicité pour les entreprises et
d’importantes économies d’échelle ;
- elle s’accompagnerait d’un contrôle des contributions par les
services des URSSAF dont les moyens juridiques et matériels sont très
supérieurs à ceux des services actuellement chargés de cette mission.
Chapitre III – Une stratégie absente
Le système de formation professionnelle est caractérisé par
l’éclatement des ses acteurs : les différents publics – lycéens, apprentis,
demandeurs d’emplois, salariés – relèvent de structures et de financeurs
différents et cloisonnés qui poursuivent chacun une logique autonome. Il
en résulte une absence de vision commune qui débouche sur une grande
incoordination quand elle n’aboutit pas à une certaine concurrence entre
les acteurs.
Cette absence de cohérence est encore renforcée par la faiblesse de
l’évaluation : elle-même éparpillée entre plusieurs structures, affaiblie par
l’accessibilité difficile des informations statistiques, compliquée par
l’hétérogénéité des objectifs fixés par les différents acteurs, elle ne peut
aboutir à des indications fiables permettant de juger avec toute la
précision et la rigueur souhaitables du retour sur l’investissement
considérable
consenti
par
la
nation
en
matière
de
formation
professionnelle.
86
COUR DES COMPTES
I
-
Des compétences éclatées et concurrentes à
tous les niveaux
A - L’enchevêtrement des interventions en matière de
formation professionnelle initiale
1 -
L’orientation et la gestion de l’enseignement professionnel
sont partagées entre l’Etat et les régions
Les régions ont reçu, dès le début de la décentralisation, une
mission particulière auprès des lycées professionnels. Comme cela a été
souligné dans le chapitre II du présent rapport (pp. 61 et suiv.), cette
compétence s’est d’abord affirmée à travers le financement des
équipements. Ainsi, la loi du 22 juillet 1983 complétant la loi du 7 janvier
1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les
départements, les régions et l’Etat, a confié aux régions la responsabilité
de la construction et de la rénovation des lycées. Une décennie plus tard,
la loi du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation
professionnelle a enrichi le rôle des régions en leur donnant un rôle dans
la définition des formations. Le « plan régional de développement des
formations professionnelles des jeunes (PRDFJ) » qu’elles ont alors été
chargées d’élaborer est un document de programmation leur permettant
d’exposer leur stratégie en matière de formation professionnelle initiale.
Des conventions annuelles précisent et déclinent, pour l’Etat et la région,
la programmation et le financement des actions prévues au PRDFJ. En
outre, l’Etat, la région et les organisations représentatives des milieux
professionnels peuvent conclure des contrats d’objectifs destinés à
favoriser le développement coordonné des diverses voies de formation
professionnelle. La loi
de décentralisation de 2004 a confirmé cette
montée
en
puissance
des
régions
en
matière
d’enseignement
professionnel initial, en leur confiant la gestion des personnels
techniciens, ouvriers et de services des lycées professionnels (TOS) ; en
revanche, personnels enseignants et administratifs restent dans le giron de
l’éducation nationale.
L’orientation de l’enseignement professionnel initial est donc
confié à la fois aux régions et à l’Etat, ce qui entraîne des partages de
compétences particulièrement complexes. Ainsi, les formations initiales,
tout
en
faisant
l’objet
au
niveau
régional
des
documents
de
programmation précédemment décrits, restent encadrées au niveau
national par des programmes d’enseignement définis par le ministère de
l’éducation nationale. En outre, elles sont sanctionnées par des diplômes
UNE STRATEGIE ABSENTE
87
nationaux dont le contenu est également fixé par le ministère de
l’éducation nationale en concertation avec les représentants du secteur
économique. Dans ces conditions, les marges de manoeuvre existant au
niveau régional sont faibles, d’autant que l’élaboration de la carte
scolaire, principal instrument permettant de faire évoluer l’offre de
formation,
reste entre les mains du recteur qui fixe chaque année la
structure pédagogique des établissements et arrête les ouvertures et
fermetures des « divisions » de lycée
28
. Dans ces conditions, le bon
fonctionnement des établissements d’enseignement professionnel est
tributaire de la qualité du dialogue entre les services de l’Etat et ceux des
régions : si les juridictions financières ont constaté des cas de
coordination étroite entre ces derniers, elles ont également observé de
nombreux cas de méfiance ou d’ignorance réciproque qui ne peuvent que
contribuer
à
rendre
plus
difficile
et
complexe
le
pilotage
de
l’enseignement professionnel.
2 -
Un copilotage de fait de la politique d’apprentissage
Alors que la législation n’a élargi que progressivement la
compétence des régions en matière d’enseignement professionnel, elle
leur a reconnu une compétence de droit commun dans le domaine de
l’apprentissage dès la loi de décentralisation du 7 janvier 1983. Ce rôle a
été conforté et étendu par le loi de modernisation sociale du 17 janvier
2002 et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
Enfin, la loi de modernisation sociale a confié aux régions la coordination
du financement des CFA. Pour autant, l’Etat ne s’est pas dessaisi de
toutes ses attributions dans ce domaine : il reste responsable de la
définition
du
cadre
juridique,
du
contrôle
pédagogique
et
de
l’organisation des examens. Récemment, la loi de cohésion sociale du 18
janvier 2005 visant à accroître le nombre d’apprentis sur 5 ans lui a même
redonné un rôle d’orientation générale de la politique d’apprentissage en
prévoyant la signature entre les régions et l’Etat de « contrats d’objectifs
et de moyens » (COM) dont la conclusion est accompagnée du versement
de subventions du Fonds national de développement et de modernisation
de l’apprentissage (FNDMA). L’article L. 214-13 du code de l’éducation
précise ainsi que les COM ont pour objet :
« - d’adapter l’offre quantitative et qualitative de formation, en
particulier au regard des perspectives d’emploi dans les différents
secteurs d’activité ;
- d’améliorer la qualité du déroulement des formations dispensées
en faveur des apprentis ;
28) Notion équivalente aux « classes » de l’enseignement primaire.
88
COUR DES COMPTES
- de développer le pré apprentissage ;
- de promouvoir le soutien à l’initiative pédagogique et à
l’expérimentation ;
- de faciliter le déroulement des séquences d’apprentissage dans
des Etats-membres de l’Union européenne, de favoriser l’accès des
personnes handicapées à l’apprentissage »
.
En contrepartie du respect de ces objectifs, la loi prévoit le
concours financier du Fonds national de développement et de
modernisation de l’apprentissage.
Le Fonds national de développement et de modernisation de
l’apprentissage
La loi du 18 janvier 2005 a transformé le fonds national de
péréquation créé par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes en Fonds national de
développement et de modernisation de l’apprentissage. L’article L. 118-2-2
du code du travail prévoit qu’une fraction de la taxe d’apprentissage (22%),
qui fait partie du « quota », est versée au Trésor public par l’intermédiaire
d’un des organismes collecteurs (OCTA). Elle est complétée par les
versements au Trésor public effectués par les redevables de la taxe
d’apprentissage pour s’acquitter de tout ou partie de cette dernière en
application de l’article L. 118-3-1 du code du travail.
Au titre de la collecte 2006, les ressources du FNDMA se sont élevées
à 406,5 millions d'euros. Depuis 2006, 42 % des ressources du FNDMA sont
affectées à la péréquation (1° section) et 58 % aux COM (2° section).
La première section du fonds reprend les ressources et la mission du
fonds national de péréquation. La clef de répartition du fonds est basée sur le
nombre d’apprentis inscrits dans la région. Les recettes de la première section
du FNDMA, nettes des frais de collecte de la DGI, se sont établies à plus de
175,3 millions d’euros pour 2005. 171,8 millions d’euros ont été répartis
entre
les
fonds
régionaux
de
l’apprentissage
et
de
la
formation
professionnelle continue.
Les recettes attribuées à la seconde section sont réparties entre les
régions en fonction des engagements financiers pris par l’Etat dans le cadre
des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Seuls les Conseils régionaux
signataires d’un COM bénéficient de financements de la seconde section du
FNDMA, qui ne sont pas attribués automatiquement mais selon l’implication
de ces derniers dans le développement de l’apprentissage. En 2007 une clause
de conditionnalité a été d’ailleurs introduite dans la majeure partie des COM.
Le versement de la participation du FNDMA est dorénavant conditionné à la
bonne exécution des contrats précédents.
UNE STRATEGIE ABSENTE
89
En pratique, le contenu des COM s’est révélé relativement général.
Ainsi, le COM passé entre l’Etat et la région Midi-Pyrénées a fixé un
grand nombre d’objectifs formulés qualitatifs, seul celui relatif à
l’augmentation du nombre des apprentis étant chiffré (+ 4 500 sur cinq
ans). Cette situation est également observée en Ile-de-France, où
l’objectif d’augmentation du nombre d’apprentis est fixé à 30% sur
l’ensemble de la période couverte par le COM. Pour le reste, les
engagements sont essentiellement relatifs à l’amélioration de la qualité
des prestations des CFA ainsi que des conditions de vie et de formation
des apprentis. Le principal objectif poursuivi par l’Etat dans la phase de
lancement du COM semble avoir été de conclure une convention avec
chacune des régions. Ce résultat a été atteint dès la fin de l’année 2005,
l’incitation financière étant importante. Depuis lors, des avenants annuels
permettent d’affiner les objectifs poursuivis dans les COM et de tenir
compte des résultats obtenus.
A la lumière de deux années d’exécution des COM, quelques
premières conclusions peuvent être tirées de ce nouveau dispositif :
- concernant l’augmentation globale des effectifs d’apprentis, un
mouvement de hausse a pu être observé depuis la mise en oeuvre des
COM. Toutefois, il a été constaté dans plusieurs régions que cette
évolution avait surtout concerné l’apprentissage dans les niveaux
supérieurs. Ainsi, en Ile de France, ce sont les niveaux master et ingénieur
qui ont connu le plus fort accroissement du nombre d’apprentis. Dans le
même temps, le nombre des apprentis dans les niveaux de qualification
plus faibles a très peu évolué. Une telle évolution, si elle devait se
confirmer, deviendrait problématique au regard des objectifs affichés par
la région dans son PRDF, qui ne privilégie pas les formations de niveau
supérieur ; elle le serait davantage encore au regard de la répartition des
efforts en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes, dont il ne serait
pas logique qu’elle se développe essentiellement au profit des plus
qualifiés alors que ces derniers sont ceux qui connaissent le moins de
difficultés sur le marché du travail ;
- concernant les objectifs qualitatifs mentionnés par les COM, les
actions mises en oeuvre se sont généralement traduites par la conclusion
de conventions entre la région et les divers acteurs susceptibles d’avoir un
rôle en matière d’apprentissage, notamment les organismes consulaires.
C’est ainsi qu’en Midi-Pyrénées, des conventions ont été passées avec la
chambre régionale de commerce et d’industrie et la chambre régionale
des métiers en vue de développer la promotion de l’apprentissage ou
l’orientation vers ce dispositif. L’efficacité réelle de ces initiatives reste
toutefois
difficile à estimer. Il n’entre d’ailleurs pas dans la pratique
actuelle des COM de sanctionner les éventuels manquements aux
90
COUR DES COMPTES
engagements pris par les régions. En effet, les seuls cas relevés de
suspension des paiements de l’Etat concernent des régions qui, comme la
région PACA en 2006, avaient refusé de signer l’avenant annuel au
COM.
Au total, les COM appellent des observations contrastées. Ces
conventions ont permis le retour de l’Etat, appuyé sur le puissant
instrument financier que constitue le FNDMA, dans le domaine de
l’apprentissage, alors que cette politique avait fait l’objet d’une très large
décentralisation depuis 1983. La portée de ce retour de l’Etat est
ambiguë : en effet, le versement des contreparties financières prévues par
les COM a été quasiment systématique et le suivi des actions mises en
oeuvre a été faible, ce qui laisse planer un doute sur l’apport de cet
instrument. En outre, les COM ont rendu plus complexe encore le cadre
de définition de la stratégie en matière d’apprentissage : leur articulation
avec les autres documents d’orientation de la région en matière de
formation professionnelle, notamment le PRDF, a été quasiment
inexistante et les deux processus se sont développés parallèlement sans
qu’il y ait de véritable interaction entre eux. De ce fait, ils ont pu
déboucher ponctuellement sur des divergences concernant les publics
cibles ou les priorités affichées. Cette superposition de documents de
programmation n’apparaît pas souhaitable si elle n’est pas menée avec un
minimum de coordination. Dans ces conditions, on peut se poser la
question de la signification réelle d’un retour de l’Etat dans un domaine
qui échappait largement à ses compétences depuis les lois de 2002.
B - Des acteurs aux légitimités concurrentes en matière
de formation continue
1 -
Le rôle d’impulsion des partenaires sociaux
Les difficultés de coordination évoquées en matière de formation
professionnelle initiale sont également présentes dans le domaine de la
formation professionnelle continue, même si les acteurs en présence
pèsent d’un poids différent. En effet, l’organisation de la formation
professionnelle continue est avant tout l’affaire des entreprises et des
partenaires sociaux. En premier lieu, la définition des grandes orientations
en matière de formation professionnelle résulte essentiellement du
dialogue social. La loi fondatrice du 16 juillet 1971 reprend ainsi un
accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970. De même, la loi du 4
mai 2004 est issue d’un accord national interprofessionnel de 2003.
UNE STRATEGIE ABSENTE
91
Le rôle des partenaires sociaux ne se limite pas aux négociations
nationales interprofessionnelles. Il est particulièrement développé au
niveau des branches, au sein desquelles les organisations professionnelles
et syndicales administrent plusieurs types d’organismes :
- les OPCA dont l’objet est de recouvrer auprès des entreprises les
fonds résultant de l’obligation de financement de la formation
professionnelle instituée par la loi de 1971
- un grand nombre d’organismes de formation dont l’activité est
dédiée aux activités de la branche concernée.
Cette importance du rôle de la branche dans l’organisation du
système de formation continue offre certaines garanties de proximité avec
les besoins des entreprises. Mais elle fait également apparaître des
limites, dans la mesure où la branche est, en matière de formation, un
cadre très étroit dans un grand nombre de cas. Il existe en effet environ
250 branches professionnelles en France, contre une quinzaine seulement
en Allemagne. Ce relatif éclatement
est peu propice à la prise en compte
des nécessaires reconversions imposées aux salariés par les mutations de
l’économie. Il se concilie en outre difficilement avec la mise en oeuvre
d’une politique de formation professionnelle davantage à concevoir
désormais au niveau de la région dans une logique territoriale et
transversale, alors que la
logique professionnelle la structurait
traditionnellement de façon verticale par branches.
La législation relative à la formation professionnelle ne permet pas
de lever les ambiguïtés relatives aux rôles respectifs des régions et des
branches en matière de formation professionnelle et les a même
paradoxalement accrues dans la période récente renforcées : ainsi, la loi
du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue
social, issue de l’accord national interprofessionnel du 20 septembre
2003,
a
substantiellement
renforcé
le
rôle
des
branches
dans
l’organisation de la formation continue des salariés tandis que la loi du 13
août
2004
relative
aux
libertés
et
responsabilités
locales
a
considérablement étendu les compétences des régions en matière de
formation professionnelle. Ainsi, les logiques des principaux acteurs
demeurent aujourd’hui largement indépendantes, quand elles ne sont pas
contradictoires. L’enquête des juridictions financières a permis en tout
état de cause
de constater que, quelles que soient les compétences
accordées aux régions, celles-ci n’ont pas été en mesure, pour le moment,
de créer de réelles
convergences avec les organismes de collecte et les
structures de formation dans leur mouvance.
92
COUR DES COMPTES
2 -
L’affirmation récente et incomplète de la compétence des
régions en matière de formation continue
Les régions ont longtemps disposé, en matière de formation
continue, d’une compétence nettement moins étoffée que pour la
formation initiale. Elles se sont néanmoins vu attribuer en 2002 des
compétences nouvelles en matière de formation des adultes, domaine
dans lequel elles exercent désormais une compétence de droit commun
dont les grandes orientations résultent de documents de programmation
appelés « plans régionaux de développement des formations » (PRDF).
Les investigations menées par les juridictions financières ont montré que
les régions, acteurs récents de la formation continue, ne se sont pas
encore saisies de la plénitude de leurs compétences dans ce domaine. A
ce stade, elles n’apparaissent pas encore en mesure d’orienter de façon
satisfaisante une politique régionale de formation professionnelle
continue.
a)
Des PRDF souvent très succincts en matière de formation
professionnelle continue
Les PRDF actuellement en vigueur font en général peu de place à
la question de la formation professionnelle continue des adultes. Ainsi, le
travail réalisé dans le cadre du PRDF Centre de 2003 sur la formation
continue est très modeste comparativement à celui mené sur la formation
initiale. Sur les 13 pages que compte ce document plan destiné à recenser
les besoins de formation en région, une page seulement est consacrée à la
formation
professionnelle
continue
des
salariés
et
travailleurs
indépendants. Le PRDF reconnaît d’ailleurs que ce thème «
reste à
analyser plus profondément
» en soulignant la multiplicité des situations
à prendre en compte et la concentration du marché autour de quelques
organismes, en particulier ceux de la sphère publique ou parapublique. En
Basse-Normandie, le Conseil économique et social régional note que le
PRDF s’adresse essentiellement au public de la formation initiale, peu à
celui de la formation continue et qu’il ne met pas l’accent sur les
dispositifs dédiés aux demandeurs d’emplois de longue durée. Cette
asymétrie se retrouve dans la plupart des régions ayant fait l’objet de
l’enquête des juridictions financières. En définitive, il semble que les
régions ne se soient pas encore complètement approprié une compétence
qu’elles découvrent et dans laquelle leur niveau d’expertise est encore
très faible. Il est donc très difficile de parler, à ce stade, d’une politique
régionale en matière de formation professionnelle continue.
UNE STRATEGIE ABSENTE
93
b)
Une articulation insuffisante entre le PRDF et la politique de
développement économique général de la région
Sauf exception, la réflexion économique est largement absente des
analyses conduites en région en matière de formation professionnelle. Les
PRDF apparaissent découplés d’une stratégie de développement globale
qui soit susceptible de leur donner tout leur sens. Cette observation
renvoie pour une large part au caractère complexe et évolutif de la
décentralisation en matière économique. En effet, les régions n’ont
obtenu que depuis peu la possibilité de définir leur schéma de
développement économique – SRDE. De fait, la grande majorité des
PRDF repose sur des bases étroites.
Le cas des Pays de la Loire est original. Le SREF II adopté début
2007 pour la période 2007-2010, est l’un des schémas sectoriels déclinant
les orientations générales de développement fixées par la Région en 2005.
Le SREF entend s’inscrire en cohérence avec l’ensemble des autres
schémas
régionaux :
développement
économique,
recherche,
aménagement et développement durable du territoire. Surdéterminée par
une vision globale de l’avenir de la région, l’approche intégrée retenue
dans les Pays de la Loire paraît devoir faire école à l’aune de la
généralisation des SRDE.
Le Schéma régional des développements économiques
L’article 1er de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés
et responsabilités locales donne aux régions une nouvelle compétence en
matière de développement économique.
«
II. - A titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux fins de
coordination des actions de développement économique définies à l'article L.
1511-1 du code général des collectivités territoriales, l'Etat peut confier à la
région le soin d'élaborer un schéma régional de développement économique.
Après avoir organisé une concertation avec les départements, les communes
et leurs groupements ainsi qu'avec les chambres consulaires, le schéma
régional de développement économique expérimental est adopté par le
conseil régional. Il prend en compte les orientations stratégiques découlant
des conventions passées entre la région, les collectivités territoriales ou leurs
groupements et les autres acteurs économiques et sociaux du territoire
concerné. Le schéma est communiqué au représentant de l'Etat dans la
région.
Le schéma régional de développement économique expérimental
définit les orientations stratégiques de la région en matière économique. Il
vise à promouvoir un développement économique équilibré de la région, à
développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte à
94
COUR DES COMPTES
l'équilibre économique de tout ou partie de la région. Quand un schéma
régional expérimental de développement économique est adopté par la
région, celle-ci est compétente, par délégation de l'Etat, pour attribuer les
aides que celui-ci met en oeuvre au profit des entreprises. Une convention
passée entre l'Etat, la région et, le cas échéant, d'autres collectivités ou leurs
groupements définit les objectifs de cette expérimentation ainsi que les
moyens financiers mis en oeuvre par chacune des parties. Elle peut prévoir
des conditions d'octroi des aides différentes de celles en vigueur au plan
national. Un bilan quinquennal de mise en oeuvre de ce schéma expérimental
est adressé au préfet de région, afin qu'une synthèse de l'ensemble des
expérimentations puisse être réalisée à l'intention du Parlement
. »
A la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 12 août 2004
(DC n°2004-503,
Loi relative aux libertés et responsabilités locales
),
l’ensemble des régions a obtenu la possibilité d’établir un schéma régional de
développement économique (SRDE). A compter du 1
er
janvier 2005, date
d’entrée en vigueur de l’article 1
er
de la loi du 13 août 2004, les régions ont
par conséquent à leur disposition un nouvel outil de coordination des acteurs
du développement économique.
Les réflexions susceptibles d’être portées par les SRDE ont vocation à
surdéterminer les orientations retenues dans le cadre des PRDF. En effet,
selon les termes de l’article L. 214-13 du code de l’éducation modifié par
l’article 108 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie
de
proximité,
le
plan
régional
de
développement
des
formations
professionnelles a pour principal objet «
de définir des orientations à moyen
terme en matière de formation professionnelle des jeunes et des adultes. Il
prend en compte les réalités économiques régionales de manière à assurer
l'accès ou le retour à l'emploi et la progression professionnelle des jeunes et
des adultes
».
La difficulté, encore assez générale, pour les régions, d’articuler
une stratégie économique globale avec l’instrument particulier que
représente le PRDF s’explique également par le cloisonnement des
services au sein des administrations régionales. Les directions en charge
de l’enseignement et de la formation professionnelle sont le plus souvent
regroupées au sein d’une même direction générale qui a du mal à
travailler
de
concert
avec
les
directions
générales
dédiées
au
développement économique. Le cas de la région Centre illustre ces
problèmes de coordination entre services. Le rapport final d’évaluation du
contrat de plan Etat-région Centre 2000-2006 concernant le volet
emploi/formation note ainsi que : «
Dans la pratique au sein de la région,
du point de vue des gestionnaires, le lien emploi-formation n’est pas
organisé. D’une part les champs d’intervention sont très différents,
d’autre part les deux directions [la Direction générale de l’enseignement
et de la formation (DGEF) et la Direction générale de l’économie,
de
UNE STRATEGIE ABSENTE
95
l’innovation et de l’emploi (DGEIE)] sont maintenant dans des locaux
éloignés. Les services ne se rencontrent plus que de façon ponctuelle
pour quelques dossiers spécifiques. Cette faible articulation est dans
certains cas perçue comme un facteur de complexité pour gérer des
dossiers de nature de plus en plus transversale
». Avec la généralisation
des SRDE, le renforcement de la coordination entre les différents services
impliqués dans le secteur économique au sens large va s’imposer aux
régions si elles veulent pleinement tirer partie des compétences données
par le législateur.
II
-
Un pilotage insuffisant
L’éparpillement des compétences en matière de formation
professionnelle, la complexité des frontières entre les différents échelons
d’administration nécessitent à l’évidence un important effort de
coordination. Or celui-ci est mené dans des conditions qui ne sont pas
satisfaisantes à tous les niveaux du dispositif.
A - Des instances de coordination régionales éclatées et
peu efficaces
L’échelon
régional
est
caractérisé
par
un
enchevêtrement
d’instances de coordination éparses, aux compétences mal définies,
rarement décisionnelles et dont l’efficacité semble faible.
1 -
Une sous utilisation des outils de coordination légaux au profit
d’instances
ad hoc
a)
La génération spontanée d’instances régionales de définition et de
pilotage des PRDF
L’élaboration et le suivi des PRDF reposent le plus souvent sur des
comités de pilotage
ad hoc
mis en place par les régions. Le champ de la
concertation régionale est variable d’une région à l’autre même si les
conseils économiques et sociaux régionaux (CESR) apparaissent de
manière constante comme des acteurs pivots du débat. En Provence-
Alpes Côte d’azur, l’ensemble des partenaires de la formation profes-
sionnelle de niveau régional (Etat/DRTEFP, Etat/Rectorat, compagnies
consulaires) ont été impliqués dans la préparation du PRDF 2003-2007.
Dans le Centre, les compagnies consulaires n’ont pas été intégrées dans la
phase d’élaboration du PRDF de 2003 mais participent à son suivi. En
Basse-Normandie, l’élaboration du PRDF 2006-2010 s’est appuyée sur de
96
COUR DES COMPTES
nombreuses concertations régionales mais aussi infra régionales au
niveau des bassins d’emploi. Les modalités de concertation autour des
PRDF apparaissent assez hétérogènes et peu systématiques, sensibles à la
qualité des relations de travail nouées entre les conseils régionaux et les
autres acteurs de la formation professionnelles, sensibles également au
degré de finesse territoriale de l’analyse régionale des besoins en
formation.
b)
Les CCREFP : des outils de coordination relégués au second plan
Face à la diversité des acteurs à coordonner et des niveaux de
concertation à articuler, les régions n’ont pas pleinement saisi les outils
de coordination mis à disposition par la loi dans le champ de la formation
professionnelle. La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale,
a pourtant modifié les dispositions du code du travail (article L. 910-1)
afin d’organiser au mieux le cadre de coordination des acteurs régionaux
de la formation professionnelle. Les «
comités régionaux de la formation
professionnelle, de la promotion sociale et de l’emploi
» ont laissé la
place à des «
comités de coordination régionaux de l’emploi et de la
formation professionnelle
» (CCREFP). Les CCREFP ont pour «
mission
de favoriser la concertation entre les divers acteurs afin d'assurer une
meilleure coordination des politiques de formation professionnelle et
d'emploi. Ils sont notamment chargés des fonctions de diagnostic,
d'étude, de suivi et d'évaluation de ces politiques »
. Les CCREFP sont
composés «
de représentants de l’Etat dans la région, des assemblées
régionales, des organisations de salariés et d’employeurs ainsi que des
chambres régionales d’agriculture, de commerce et d’industrie et de
métiers
». Au coeur de la problématique de coordination régionale,
représentatifs de l’ensemble des acteurs de niveau régional, les CCREFP
ont en pratique rarement servi de socle à la concertation entourant les