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3ème CHAMBRE
S2024-0581
1ère SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES
(ECN)
Exercices 2018-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 15 février 2024.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
1
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
..............................................................................................
1
SYNTHÈSE
......................................................................................................................
3
RECOMMANDATIONS
................................................................................................
5
1
PRÉSENTATION DE L’ECN
.................................................................................
6
1.1
Historique : une grande école d’ingénieurs qui a fêté son centenaire en
2019 6
1.2
Statut et missions : un établissement public à caractère scientifique,
culturel et professionnel, devenu «
établissement-composante
» du
nouvel établissement expérimental Nantes Université
.......................................
6
1.2.1
Le statut de Centrale Nantes
......................................................................
6
1.2.2
Les diplômes délivrés par l’ECN
..............................................................
7
1.2.2.1
Le diplôme d’ingénieur généraliste de Centrale Nantes
...........................................
7
1.2.2.2
Les diplômes d’ingénieur de spécialité et les doubles diplômes
..............................
8
1.2.2.3
Les masters et les doctorats
......................................................................................
9
1.2.2.4
Les diplômes d’établissements
.................................................................................
9
1.2.3
La recherche
............................................................................................
10
1.2.4
La formation continue
.............................................................................
10
1.2.5
Les effectifs étudiants
..............................................................................
11
1.3
Gouvernance et organisation
............................................................................
12
1.4
Partenariats et coopérations
..............................................................................
13
1.4.1
L’appartenance au Groupe des Ecoles centrales (GEC) : un atout
essentiel pour l’ECN
...............................................................................
13
1.4.2
L’Alliance stratégique « Centrale Audencia Ensa »
...............................
14
1.4.3
L’ECN, « établissement-composante » de l’université de Nantes :
un parcours chaotique et controversé, voire un choix sous
contrainte ?
..............................................................................................
14
1.4.4
Un fort ancrage à l’international
.............................................................
17
1.5
Les effectifs : plus de 500 salariés au 31 décembre 2022
................................
18
1.6
Un patrimoine immobilier vieillissant : une réhabilitation engagée mais
des besoins estimés par l’ECN à plus de 55 M
..............................................
19
2
UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT FONDÉE SUR LA
PRIORITÉ DONNÉE AU LIEN RECHERCHE-INDUSTRIE ET À LA
RECONNAISSANCE INTERNATIONALE
........................................................
21
2.1
L’absence de contrat pluriannuel d’objectifs et de performance avec
l’Etat depuis 2017
.............................................................................................
21
2.2
Le tableau des indicateurs stratégiques et ses limites
.......................................
22
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
2
2.3
Les trois piliers stratégiques de l’ECN : l’industrie, l’international et le
développement durable
.....................................................................................
23
2.3.1
Le lien recherche-industrie, un axe stratégique au c
œ
ur de l’identité
de l’ECN
..................................................................................................
24
2.3.2
L’attractivité internationale : un objectif stratégique en quête d’un
second souffle ?
.......................................................................................
28
2.3.3
Le dernier vecteur stratégique de Centrale Nantes : le
développement durable
...........................................................................
31
2.4
À l’aune de la stratégie de l’École, le volet institutionnel demeure l’objet
d’interrogations
................................................................................................
32
3
UN DÉVELOPPEMENT SOUS CONTRAINTE FINANCIÈRE
........................
34
3.1
Présentation des résultats de l’ECN de 2018 à 2022
........................................
34
3.2
Structure financière
..........................................................................................
37
3.3
Un budget 2023 adopté en déficit et caractérisé par une hausse sensible
de la masse salariale
.........................................................................................
38
3.5 Un modèle économique en trompe-l’
œ
il ?
.......................................................
39
4
POINTS PARTICULIERS EXAMINÉS LORS DU CONTRÔLE
.......................
41
4.1
Le recours à des organismes privés pour la délivrance d’heures de
formation
..........................................................................................................
41
4.2
Le recours à une entité de droit privé pour la valorisation d’une partie de
la recherche scientifique
...................................................................................
44
4.3
L’important déficit de la fondation universitaire «
Agissons pour
l’emploi
»
..........................................................................................................
45
4.4
Politique d’achat et marchés publics : un cadre formalisé et mis en
œ
uvre
.....
47
4.5
La discrète fermeture de l’École Centrale de Maurice
.....................................
48
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
3
SYNTHÈSE
Au 1
er
janvier 2023, l’École Centrale de Nantes (ECN), qui a fêté son centenaire en
2019, était l’une des 204 écoles françaises habilitées à délivrer un titre d’ingénieur diplômé.
Membre du Groupe des Écoles Centrales (GEC) qui, en France, comprend aussi
CentraleSupélec et les Écoles Centrale de Lyon, Lille et Marseille, elle est, pour l’essentiel,
implantée sur le campus de la Noé, situé au nord de Nantes. De taille moyenne, l’École
comprenait au 31 décembre 2022, un effectif d’environ 500 personnes, dont 125 enseignants et
chercheurs et 265 personnels administratifs et assimilés (BIATSS), auxquels il convient
d’ajouter 83 doctorants et post-doctorants.
L’ECN - également appelée Centrale Nantes - est un établissement public à caractère
scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) extérieur aux universités, dont la subvention
pour charge de service public (SCSP) est aujourd’hui de l’ordre de 23 M
/ an, et qui a été l’une
des premières écoles d’ingénieurs en France à accéder, le 1
er
janvier 2011, aux responsabilités
et compétences élargies. Le total de ses charges et de ses recettes d’exploitation avoisine
44,5 M
.
Elle délivre quatre diplômes d’ingénieur (ingénieur généraliste et ingénieur de spécialité
pour trois filières, BTP, mécanique et, plus récemment, systèmes embarqués communicants).
Elle propose également plusieurs masters et doctorats (via deux écoles doctorales), ainsi que
plusieurs diplômes d’établissement (mastères et
bachelors
). Au total, toutes formations et
promotions confondues, à la rentrée 2023, 2 288 étudiants étaient inscrits à Centrale Nantes,
dont 1 673 au titre de ses quatre diplômes d’ingénieurs. En 2023, l’ECN était classée 7
ème
sur
169 dans le classement des écoles d’ingénieurs de la revue L’Étudiant, devant les trois autres
« écoles Centrale » en région.
Membre revendiqué du GEC, l’ECN a toujours entendu concilier cette appartenance,
(l’un des supports de son fort ancrage à l’international avec les nombreux partenariats qui
résultent de sa propre politique d’ouverture sur 185 universités dans le monde) et
l’investissement dans la politique de site. Cette politique se concrétise notamment par son
alliance «
stratégique
» avec l’école de commerce de Nantes, Audencia, et l’École nationale
supérieure d’architecture de Nantes (ENSA Nantes), qui lui permet, entre autres, de délivrer
des doubles diplômes d’ingénieurs-managers et d’ingénieurs-architectes. Non sans difficultés
et au terme d’un processus chaotique qui a duré quatre ans, l’ECN est même devenue, en 2021,
l’une des rares grandes écoles d’ingénieurs de France, avec CentraleSupélec, à être membre, en
tant qu’établissement-composante, d’un regroupement universitaire, dénommé Nantes
Université, sous la forme d’un établissement public expérimental, tel que prévu par
l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de
rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et
de recherche.
Bien que de taille moyenne, l’ECN s’est donnée comme objectif de figurer en tant que
telle dans les grands classements internationaux non seulement des écoles d’ingénieurs mais
aussi de l’ensemble des institutions académiques, et sa progression en quelques années traduit
un réel succès, comme l’attestent les différentes mentions qu’elle affiche sur son site internet
ou les évaluations dont elle a été l’objet. Pour ce faire, elle a fait le choix de l’excellence aux
fins de confrontation internationale tant pour les formations que pour la recherche qu’elle pilote.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
4
Ainsi, en matière de formation, a-t-elle investi, dès 2007, dans les masters « Erasmus Mundus »,
masters internationaux de haute qualité et très sélectifs, labellisés par l’Union européenne, pour
lesquels elle compte parmi les chefs de file en France.
S’agissant de sa recherche, qu’elle déploie via cinq laboratoires évalués de façon
élogieuse par le HCERES, l’ECN, forte d’une tradition historique dans son aire géographique,
l’a adossée au secteur industriel, avec un lien fort qui se concrétise non seulement par quinze
chaires industrielles mais aussi et de façon originale dans le paysage académique français, par
son investissement dans treize plateformes technologique ou de recherche, véritables outils
contribuant à valoriser les résultats de sa recherche fondamentale. Centrale Nantes s’inscrit
résolument dans des objectifs affichés par l’État, qu’il s’agisse de la réindustrialisation du pays
ou de la transition écologique, l’École ayant pris très tôt, dans ses formations comme dans sa
recherche, le tournant du développement durable.
Néanmoins, pour une école de la taille de l’ECN, cette stratégie de développement par
le haut n’est pas sans risque, en particulier d’un point de vue financier. Si sa situation financière
à court terme apparaît saine et bien maîtrisée, la pérennisation de son modèle de croissance n’en
est pas moins soumis à la réalisation de deux conditions : une croissance constante du nombre
de ses contrats de recherche publics et privés, ce qui l’oblige à des recrutements de contractuels
de haut niveau qu’elle doit financer sur ses ressources propres ; le développement des diplômes
d’établissement de qualité et attirer dans toutes ses formations, des étudiants hors Union
européenne, puisque, dans ces deux cas, elle est alors libre, sous condition de marché, de fixer
des frais de scolarité de niveau international. Or, il a suffi de la crise sanitaire de 2020 pour que
l’ECN voit plafonner, depuis cette date, le pourcentage de ses étudiants internationaux inscrits.
Il appartient donc à l’École, financièrement dépendante d’une subvention pour charge
de service public qui représente 56 % de ses ressources, par ailleurs très consciente des risques
induits par sa stratégie de développement, de savoir gérer le curseur de ses ambitions et de sa
volonté d’autonomie, tout en veillant à mieux respecter le cadre juridique qui s’impose à tout
établissement d’enseignement supérieur, ayant le statut d’établissement public.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
5
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
: (ECN) Intégrer la formation continue dans la stratégie de la
formation l’ECN
Recommandation n° 2.
(ECN) Présenter, avant le 30 juin 2024, un bilan coûts avantages de
la dévolution du patrimoine immobilier à soumettre au conseil d’administration.
Recommandation n° 3.
(ECN) : Mettre en
œ
uvre dès que possible un dispositif de suivi
analytique des coûts, notamment des équipements de recherche.
Recommandation n° 4.
(ECN) : Intégrer l’ensemble des investissements dans le plan
pluriannuel d’investissement d’ici le 30 juin 2024.
Recommandation n° 5.
(ECN) : Établir un bilan financier détaillé de la FAPE et le présenter
au conseil d’administration de l’ECN avant le 30 juin 2024.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
6
1
PRÉSENTATION DE L’ECN
1.1
Historique : une grande école d’ingénieurs qui a fêté son centenaire en
2019
L’École Centrale de Nantes (ECN) aussi appelée « Centrale Nantes » est l’une des 204
écoles françaises aujourd’hui habilitées à délivrer un titre d’ingénieur diplômé. L’École est
l’héritière de l’Institut polytechnique de l’Ouest (IPO) créé le 5 août 1919 par la volonté
conjointe de la municipalité de Nantes et des industriels de la région, l’Institut s’installant en
novembre suivant en centre-ville. Par décret du 27 mars 1948, l’IPO devint ensuite une «
école
nationale supérieure d’ingénieur (ENSI)
» sous le nom d’« École nationale supérieure de
mécanique de Nantes » (ENSM). La troisième étape de l’histoire de l’École intervint en 1991
quand elle adopta sa dénomination actuelle d’École Centrale de Nantes après avoir participé à
la création de l’intergroupe constitué à l’initiative de Centrale Paris et regroupant en outre
l’École Centrale de Lyon et l’Institut industriel du Nord.
En 2023, l’ECN était classée 7
ème
sur 169 dans le classement des écoles d’ingénieurs de
l’Étudiant,
devançant
Centrale
Lille
(12
ème
),
Centrale
Lyon
(14
ème
)
et
Centrale
Marseille/Méditerranée (22
ème
).
1.2
Statut et missions : un établissement public à caractère scientifique,
culturel et professionnel, devenu «
établissement-composante
» du
nouvel établissement expérimental Nantes Université
1.2.1
Le statut de Centrale Nantes
L’ECN est, depuis 1993, un établissement extérieur aux universités (au sens de l’article
711-2 du code de l’éducation) ayant le statut d’établissement public à caractère scientifique,
culturel et professionnel (EPSCP). D’après son décret constitutif n° 93-1143 du 29 septembre
1993, modifié, ses missions incluent, outre les formation initiale et continue, la conduite
d’
« activités de recherche fondamentale et appliquée dans les domaines scientifique et
technique
».
Dans leur version actuelle, les statuts de l’ECN ont été adoptés le 30 juin 2022 pour les
plus récents. Le recteur d’académie avait estimé qu’était irrégulière une délibération du 14 mars
2022, par laquelle le conseil d’administration de l’ECN avait entendu changer les modalités de
désignation des personnalités extérieures du conseil d’administration, du conseil des études et
du conseil scientifique, et aligner la durée du mandat du président et du vice-président du
conseil d’administration sur celle du mandat des autres membres du conseil. La délibération du
conseil en date du 30 juin 2022 est, entre autres dispositions, revenue sur ces dispositions
contestées qui avaient été précédemment adoptées.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
7
Sur la période récente, les révisions des statuts de l’ECN ont eu pour objet principal de
les adapter à la suite de son intégration au nouvel établissement public expérimental "Nantes
Université" dernière étape d’une démarche institutionnelle de l’Ecole, à la fois originale et
mouvementée.
L’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 a permis d’expérimenter de
nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion entre établissements
d'enseignement supérieur et de recherche autorisant «
les établissements regroupés dans
l'établissement public expérimental
(à)
conserver leur personnalité morale
», sous la
dénomination d’«
établissements-composantes
».
En application de ces dispositions, le décret n° 2021-1290 du 1
er
octobre 2021 a créé
l’établissement expérimental "Nantes Université", arrêté la liste de ses membres parmi lesquels
Centrale Nantes, et approuvé ses statuts. Ce statut complémentaire de l’ECN est désormais
mentionné à l’article 1
er
de ses propres statuts, l’article 9 prévoyant aussi que le président de
Nantes Université est membre de droit du conseil d’administration de l’Ecole.
Néanmoins, les statuts actuels de l’ECN ne tirent pas tous les enseignements de la
création de l’établissement expérimental en ne reprenant pas un certain nombre de dispositions
tirées du décret constitutif de l’École du 23 septembre 1993, notamment sur l’articulation entre
la statégie de Nantes Université et l’ECN, sur la possibilité de transférer ou de déléguer des
compétences à l’établissement expérimental ou encore sur les modalités d’approbation, par les
conseils d‘administration, du contrat pluriannuel d’objectifs eet d’engagements entre les deux
établissements publics.
Sauf à ce que ces omissions puissent être justifiées, il y aurait lieu d’harmoniser les
statuts de l’Ecole avec les dispositions de son décret constitutif modifié par le décret
n° 2021-1290 du 1er octobre 2021 portant création de Nantes Université.
Enfin, l’ECN, qui l’avait sollicité dès 2008, est devenue le 1
er
janvier 2011, l’une des
premières écoles d’ingénieurs à accéder à l’exercice des responsabilités et compétences élargies
(RCE), prévu par la loi du 10 août 2007 portant libertés et responsabilités des universités, qui
lui a conféré une relative autonomie en matière budgétaire et de gestion des ressources
humaines.
1.2.2
Les diplômes délivrés par l’ECN
1.2.2.1
Le diplôme d’ingénieur généraliste de Centrale Nantes
L’ECN propose une formation d’ingénieur généraliste en formation initiale sous statut
d’étudiant – soit son diplôme historique – et sous statut d’apprenti – accès ouvert en 2010 -
avec possibilité d’obtention de double diplôme. À l’exception du « Concours universitaire des
Écoles Centrale » (ex admission CASTing), soit cinq places seulement à la session 2023, le
recrutement des élèves s’opère très majoritairement sur concours commun (CentraleSupélec)
après classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). En 2023, l’ECN proposait à ce titre
263 places sur les 296 offertes.
Trois autres voies, en effectif restreint, sont ouvertes, toujours aux élèves issus des
CPGE ou d’un niveau équivalent : outre le cycle international du concours CentraleSupélec
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
8
(3 places), la banque d’épreuves PT (Physique-Technologie) consacrée aux étudiants de classes
préparatoires scientifique issus de cette filière proposait 10 places en 2023 ; dernière filière de
ce type, le concours national des classes préparatoires ATS (« Adaptation Technicien
Supérieur ») offrait 15 places en 2023.
En dehors des CPGE et niveaux équivalents, l’ECN ne proposait que huit places
d’admission en 1
ère
année de son cursus d’ingénieur généraliste en 2023, réparties entre les cinq
au titre du « Concours universitaire des Écoles Centrale » et trois, réservées à des étudiants de
Nantes Université.
Une des particularités de l’ECN est de proposer depuis 2010 une filière d’apprentissage
pour l’obtention de son diplôme d’ingénieur généraliste, dont le développement a été pour le
moins compliqué. Dans ses avis de 2012 et 2014, la Commission des titres d’ingénieurs (CTI)
avait conditionné son autorisation à l’ouverture, dès 2013, d’une «
voie d’accès spécifique au
recrutement d’apprentis
» ce, à peine de retrait et donc de fermeture. Pourtant, en 2015, la CTI
s’est satisfaite de constater l’ouverture d’une «
voie de recrutement spécifique pour des
titulaires d’une licence par le concours CASTing
». Outre que, depuis, cette filière a vu le
nombre de places offertes par l’ECN diminuer constamment (10 places en 2015, 5 en 2023),
les élèves ainsi recrutés ne sont nullement astreints à l’apprentissage une fois admis à l’École
ce, contrairement aux engagements qu’elle avait pris.
1.2.2.2
Les diplômes d’ingénieur de spécialité et les doubles diplômes
Centrale Nantes délivre trois diplômes d’ingénieur de spécialité, tous en formation
initiale sous statut apprenti (FISA) et en partenariat avec l’Institut des Techniques d’Ingénieur
de l’Industrie (ITII) Pays de la Loire : « Mécanique », « Bâtiment, travaux publics » et, depuis
la rentrée 2020, « Systèmes embarqués ».
Pour ces trois spécialités, et malgré la réforme des licences professionnelles, créant le
«
bachelor
universitaire de technologie » (BUT) de niveau bac+3, le niveau de recrutement
s’affiche toujours à BAC + 2, soit au niveau BTS ou BUT-A2 (correspondant au DUT de niveau
bac + 2).
Centrale Nantes offre aussi à ses étudiants plusieurs voies d’obtention d’un double
diplôme, en général selon un schéma de deux fois deux ans :
-
Dans une université internationale partenaire (cf.
infra
) ;
-
Le double diplôme d’ingénieur-manager avec
Audencia Business School
(la
sélection avant l’entrée en master de l’école de commerce s’effectuant sur dossier) ;
-
Le double diplôme Ingénieur-Architecte en partenariat avec l’École nationale
supérieure d’architecture de Nantes (Ensa) ;
-
Le double-diplôme avec l’École Navale qui donne la possibilité aux élèves-
ingénieurs intéressés d'obtenir un diplôme d'officier de marine afin d'embrasser une
carrière militaire, sous condition de passer le concours sur titre organisée par Navale.
Par ailleurs et contrairement à la présentation qui en était fait sur son site internet et qui
a été récemment corrigé à la demande de la Cour, la poursuite des études en médecine
,
grâce à
un partenariat avec le CHU de Nantes, ne débouche pas sur un double diplôme, ni sur une
admission automatique en 3
e
année mais sur sa possibilité.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
9
Enfin, l’ECN a signé en 2023 une convention de passerelle entre son cycle ingénieur et
les formations de licence et de master de Nantes Université, qui proposera à ses étudiants un
programme de double diplôme dans trois masters de l’université.
1.2.2.3
Les masters et les doctorats
Centrale Nantes propose six masters « Sciences, Technologies, Santé », accrédités par
le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche auxquels s’ajoutent cinq masters
conjoints Erasmus Mundus, véritable garantie d'excellence académique, - et trois
Joint Master's
Programmes
.
L’ECN est habilitée à délivrer le diplôme de doctorat. Ses ingénieurs diplômés peuvent
ainsi poursuivre un travail de recherche d’une durée de trois ans en vue de son obtention, dans
deux écoles doctorales (ED) : l’ED 602 « Sciences de l'Ingénierie et des Systèmes » (SIS)
dirigée par Centrale Nantes, établissement support, et l’ED 601 « Mathématiques et Sciences
et Technologies du numérique (MASTIC) », dirigée par Nantes Université et pour laquelle
Centrale Nantes est coaccréditée.
1.2.2.4
Les diplômes d’établissements
Enfin, l’ECN propose quatre diplômes d’établissement : deux
bachelors
et deux
mastères spécialisés
1
.
De création récente, les deux
2
bachelors
sont :
-
Le « BBA Big Data & Management
»
coconstruit avec Audencia, «
formation
hybride de quatre ans
3
alliant le Management et l’Ingénierie pour répondre aux
nouvelles attentes des entreprises
», et dont le cursus est entièrement en anglais. Sa
première promotion a été accueillie en septembre 2021 ;
-
Le «
Bachelor of Science in Engineering
» est une formation de trois ans, postbac
4
,
qui a accueilli sa première promotion en septembre 2023, là encore enseignée
entièrement en anglais. Il confère aussi le grade de licence et est donc accrédité par
la CTI.
Centrale Nantes propose deux « mastères spécialisés » (MS) :
-
Le MS « Marketing, design, création », formation d’un an de niveau BAC + 6,
coaccréditée par l’ECN et Audencia en partenariat avec l’École de Design Nantes
Atlantique ;
1
Label de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE).
2
L’ECN envisage d’en créer un 3
e
à la rentrée 2025, le "
Bachelor Art et Science
", en partenariat avec
l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes-Saint-Nazaire.
Souhait d’ouverture à la rentrée 2025.
3
Post Bac (admission en 1
ère
année) ou Bac + 1 (admission en 2
e
année).
4
Ouvert aux candidats internationaux ayant un diplôme d'études secondaires ou équivalent.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
10
-
Le MS « Acteur pour la transition énergétique », formation d’un an dont six mois
de stage, de niveau BAC+6, coaccréditée Centrale Nantes et Audencia Business
School et en partenariat avec l'École de Design Nantes Atlantique et l'ENSA Nantes.
1.2.3
La recherche
Pour l’essentiel, la recherche à Centrale Nantes se déploie au sein de cinq laboratoires,
tous unité mixte de recherche (UMR) avec le CNRS, l’École exerçant la « cotutelle » de quatre
d’entre eux et étant partenaire du cinquième, le Laboratoire de Mathématiques Jean Leray.
Quatre de ces laboratoires ont fait l’objet d’évaluations élogieuses du HCERES, le
laboratoire des sciences numériques de Nantes (l’ECN, université de Nantes, École des Mines
de Nantes, CNRS), n’ayant pas encore été évalué depuis sa création par fusion en janvier 2017.
L’ECN est aussi « cotutelle » de trois fédérations de recherche : la fédération de
recherche mathématiques des Pays de Loire, l’institut de recherche en sciences et techniques de
la ville (IRSTV) et l’institut universitaire Mer & Littoral (IUML).
1.2.4
La formation continue
L’ECN développe, en particulier depuis 2016, des parcours en formation continue
destinée aux cadres et ingénieurs en activité, à la recherche de perfectionnement scientifique et
managérial, ou à des personnes en reconversion professionnelle. Selon l’ECN, près de 250
stagiaires y sont accueillis en moyenne chaque année depuis 2020 avec un taux de satisfaction
générale (toutes formations
5
) de 97 %. Cependant, la formation continue n’a fait l’objet
d’aucune mention dans la « stratégie de la formation » présentée par le directeur au conseil
d’administration du 11 mai 2023.
Centrale Nantes est par ailleurs habilitée à délivrer en « validation des acquis de
l’expérience » (VAE) tous ses diplômes d’ingénieur ainsi qu’une partie de ses masters.
En 2019 puis en 2022, elle avait fait état de la délivrance par VAE d’un diplôme
d’ingénieur (en spécialité génie civil), seule
a priori
dans ce cas au sein des « écoles Centrale »,
voie de diplomation rare dans les grandes écoles d’ingénieurs françaises, qui est à porter au
crédit de Centrale Nantes.
5
Numérique, construction et bâtiment, énergies marines renouvelables, compétences pour l’entreprise.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
11
Recommandation n° 1.
: (ECN) Intégrer la formation continue dans la stratégie de la
formation l’ECN
1.2.5
Les effectifs étudiants
À la rentrée 2022-2023, 2 288 étudiants étaient inscrits à Centrale Nantes, dont 1 673
au titre de ses quatre diplômes d’ingénieurs
6
. Le tableau-ci-après retrace l’évolution de ces
effectifs depuis 2017.
2018/2019
2019/2020
2020/2021
2021/2022
2022/2023
Ingénieurs
1 650
1 677
1 682
1 679
1 673
Dont Généralistes
1 464
1 480
1 480
1 463
1 449
Dont Spécialité
BTP
90
97
87
86
86
Dont Spécialité
Mécanique
96
100
92
88
79
Dont spécialité
Systèmes
embarqués
0
0
23
42
59
Bachelors
60
53
33
42
46
Masters
388
379
349
324
329
Mastères
32
38
56
49
49
Autres diplômes
d’établissements
6
18
0
0
0
Doctorat
271
221
212
207
191
TOTAL
2 407
2 386
2 332
2 301
2 288
Source : Enquête SISE (Système d’Information sur le Suivi de l’Étudiant)
Centrale Nantes a perdu 5 % de ses effectifs en 5 ans, malgré l’ouverture en 2021 de
deux nouveaux diplômes (
bachelor
BBA, diplôme d’ingénieur en spécialité « systèmes
embarqués »), qui ont tous deux connu un certain succès, sans toutefois compenser la baisse
des étudiants inscrits en masters et, plus encore, en doctorat. Mais selon l’ECN, cette évolution
à la baisse est surtout imputable à la crise sanitaire qui a limité la mobilité internationale au
niveau mondial. D’où la diminution des effectifs en masters, principalement destinés aux
6
Cf
.
infra
.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
12
étudiants internationaux. La crise sanitaire a en outre provoqué un ralentissement dans
l’exécution des contrats de recherche partenariale avec les entreprises industrielles, elles-
mêmes impactées par la crise, à l’origine du ralentissement du financement des doctorants sur
contrats.
1.3
Gouvernance et organisation
La gouvernance de l’ECN est définie à l’article 5 de ses statuts, en conformité
avec l’article 715-1 du code de l’éducation : «
l’École Centrale de Nantes est administrée par
un conseil d’administration assisté par un conseil scientifique et un conseil des études.
»,
complété par l’article 26 : «
Le directeur dirige l’établissement, le représente en justice et à
l’égard des tiers dans tous les actes de la vie civile.
»
Centrale Nantes est administrée par un conseil d’administration aujourd’hui composé
de 32 membres, dont 16 élus et 16 «
personnalités extérieures
» parmi lesquelles le président a
été désigné, conformément à l’article L. 715-2 du code de l’éducation.
L’élection
conjointe
à
celle
du
président,
d’un
vice-président
du
conseil
d’administration «
qui assure la présidence en cas d’empêchement du président
» se signale
parmi les particularités statutaires (art. 10), ainsi que l’existence d’un comité de sélection qui,
avant chaque renouvellement du conseil d’administration, «
est chargé de proposer, après
appel à candidatures, les représentants des activités économiques ainsi que des organismes
scientifiques et culturels et des grands services publics
7
» (art. 9). En application des articles
16 et 20, ce comité de sélection joue le même rôle dans la sélection des personnalités extérieures
des conseils scientifique et des études (
cf.
infra
).
Après son dernier renouvellement du 19 septembre 2023, la composition du conseil
d’administration de Centrale Nantes ne respectait plus l’obligation de parité instituée pour les
personnalités extérieures
8
par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à
la recherche et le décret du 13 mars 2014, désormais codifié à l’article D. 719-47-1 du code de
l’éducation
.
La parité de genre sera rétablie à la prochaine désignation d’une personnalité
extérieure
.
En application de l’article 11 des statuts, le conseil d’administration de l’ECN doit se
réunir au moins trois fois par an mais en pratique bien davantage
9
. En application de l’article
15, le conseil d’administration se réunit aussi en «
formation restreinte aux enseignants-
chercheurs pour examiner les questions individuelles relatives au recrutement, à l’affectation
et à la carrière des enseignants-chercheurs
».
Conformément à ses statuts, l’ECN dispose aussi d’un conseil scientifique composé de
28 membres (20 élus et 8 personnalités extérieures), entre autres consulté ou pouvant émettre
des v
œ
ux sur les activités de recherche de l’École, et d’un conseil des études de 24 membres
(21 membres élus et 3 personnalités extérieures), ayant un rôle similaire à l’égard des activités
de formation initiale et continue.
7
Soit 9 des personnalités extérieures.
8
Sur les 16 personnalités extérieures du CA de l’ECN, on dénombre 9 hommes et 7 femmes.
9
7 fois en 2018 et 2019 ; 10 fois en 2020 ; 6 fois en 2021 et 4 fois en 2022…
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
13
En application des articles 715-1 et 715-3 du code de l’éducation, repris à l’article 26 de
ses statuts, l’ECN est dirigée par un directeur «
nommé pour une durée de cinq ans
renouvelables une fois, sur proposition du conseil d'administration, par arrêté du ministre
chargé de l'enseignement supérieur (…) assisté d'un comité de direction composé des directeurs
de département ou, à défaut, des responsables des études (…)
». Outre le comité de direction
prévu par les textes réglementaires, le directeur de l’ECN est assisté d’une équipe de direction
baptisée COMEX, composée de la directrice-adjointe, du directeur des relations internationales
du directeur de la formation, de la directrice de la communication, du directeur du
développement, du directeur de la recherche, du directeur du développement durable et de la
directrice générale des services.
Enfin et conformément à l’article L. 953-2 du code de l’éducation, une directrice
générale dirige les services l’ECN ; l’agent comptable n’exerce pas les fonctions de chef des
services financiers ce qui évite toute confusion entre ses fonctions et celles d’ordonnateur.
1.4
Partenariats et coopérations
L’ECN appartient à plusieurs réseaux dont deux ont été inscrits dans ses statuts, sans
compter l’établissement public expérimental Nantes Université.
1.4.1
L’appartenance au Groupe des Écoles centrales (GEC) : un atout essentiel pour
l’ECN
Au niveau national, Centrale Nantes est membre du GEC depuis 1991, association
formalisée en 2007 qui tire son origine de la signature d’une « Charte pour un intergroupe des
Écoles centrales », le 5 décembre 1990. Ultérieurement, le 22 mars 2014, les membres du GEC
ont signé un accord dit de « refondation du Groupe des Écoles Centrales », qui a abouti, le
17 mars 2015, à l’adoption d’une « charte pédagogique centralienne du GEC » et le 6 novembre
2015, à une évolution des statuts du groupe visant à lui conférer «
une nouvelle dynamique (…)
en lui donnant une gouvernance plus forte et effective et de nouvelles prérogatives
».
Après avoir rappelé à l’article 1 que les «
Écoles Centrales partagent depuis de très
nombreuses années une vision commune de la formation des ingénieurs et de son évolution, ce
qui les a amenés à se rapprocher depuis 25 ans pour : harmoniser leurs recrutements, leurs
programmes et leurs méthodes, échanger des élèves ingénieurs et des doctorants
», les
nouveaux statuts du GEC en précisent l’objet à l’article 5 :
«
L’Association a pour objet principal de contribuer au développement et à la protection, au plan
national, européen et international de la marque "École Centrale" sous toutes les formes, et notamment à travers
le déploiement de l’offre de formations (…). Chaque membre de l’Association conserve son autonomie dans le
cadre de son statut et de ses missions, mais ne pourra se prévaloir de son appartenance au Groupe des Écoles
Centrales, ou faire appel à des ressources venant d’autres membres, pour la mise en
œ
uvre d’un projet qui n’aurait
pas été approuvé par le Conseil d’administration
».
A la différence d’autres écoles centrales, l’ECN, dont le conseil d’administration est
présidé par le délégué général du GEC, met fortement en avant cette appartenance inscrite à
l’article 48 de ses statuts.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
14
1.4.2
L’Alliance stratégique « Centrale Audencia Ensa »
Fruit de collaborations actives initiées depuis 2007, l’«
Alliance
», considérée comme
«
stratégique
» par l’ECN, a été constituée sous forme associative, en 2014, par Centrale
Nantes, Audencia Business School
10
et l'École nationale supérieure d'architecture de Nantes
(Ensa Nantes)
11
. Outre les doubles diplômes « ingénieurs-managers » et « ingénieurs
architectes », déjà évoqués, et des actions pédagogiques en commun (formation continue
d’enseignants-chercheurs étrangers, laboratoire commun en sciences de gestion,
etc.
), la
collaboration entre les trois établissements est symbolisée par l’Incubateur Centrale-Audencia-
Ensa, à l’origine initié par les étudiants d’Audencia, et destiné à l’accompagnement de créateurs
d’entreprise de tous types. Cet incubateur, hébergé sur le campus de l’ECN, porte concrètement
un programme d'accompagnement aux
startup
s innovantes en région Pays de la Loire, avec une
équipe consacrée au service des porteurs de projet. Ces projets, proposés par des étudiants,
diplômés ou enseignants-chercheurs de l'une des trois écoles, sont choisis (une dizaine par an)
par un comité de sélection composé d'experts et de représentants des trois établissements, pour
une durée d’incubation de 12 à 36 mois. L’Incubateur revendique d’accompagner aujourd’hui
30 entreprises pour un total de 150 emplois.
L’appartenance de l’ECN à cette alliance est inscrite à l’article 49 de ses statuts.
1.4.3
L’ECN, « établissement-composante » de l’université de Nantes : un parcours
chaotique et controversé, voire un choix sous contrainte ?
Appréhender les relations complexes entre l’université de Nantes et l’ECN, suppose de
rappeler qu’à la création de l’École en 1919, sous le nom d’Institut polytechnique de l’Ouest
(IPO), l’université de Nantes n’existait pas. La création, en 1962, de l’université de Nantes
12
fut, pour l’ECN, le fruit d’«
années d’effort parmi lesquels ceux de la Ville ont été essentiels et
ceux de l’IPO, puis de l’ENSM
13
, non moins déterminants
»
14
, inaugurant néanmoins une ère
de rivalités et de tensions entre les deux établissements.
Quoi qu’il en soit, dans la période récente, l’ECN fut partie prenante des étapes de la
politique de site, participant entre 2005 et 2009 au PRES « Nantes Atlantique Université »,
regroupement des établissements nantais, puis de 2009 à 2017, à l’UBL (« Université Bretagne
Loire »), regroupement plus large, sous forme de COMUE, de tous les établissements bretons
et ligériens.
C’est d’ailleurs dans le cadre de la mise en place de cette COMUE, entre 2016 et 2019,
que l’ECN et d’autres établissements allaient répondre à l’appel à projet IDEX du PIA 2,
10
Anciennement École supérieure de commerce de Nantes.
11
L’Ensa Nantes est un établissement public d’enseignement supérieur et de recherche du ministère de la
Culture. Elle est une des vingt écoles publiques françaises qui préparent les étudiants au diplôme d’État
d’architecte. L’Ensa accueille 1100 étudiants et forme chaque année plus de 100 architectes diplômes d’État.
12
Certes, la ville fut naguère le siège de l’université ducale de Bretagne, fondée en 1460, mais celle-ci fut
d’abord supprimée par la Convention en 1793 avant que d’être oubliée en 1806 lors de la création de l’Université
impériale par Napoléon. Conséquence, l’université de Nantes ne fut recréée qu’en 1962 par le décret du 29
décembre 1961.
13
Deuxième dénomination de l’ECN.
14
In "L’Ecole Centrale de Nantes- 1919-2009" de Philippe Hervouët et Virginie Fonteneau.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
15
candidature qui fut rejetée par le jury lequel dans son avis, souligna toutefois : «
Cette région a
le potentiel pour héberger au moins une I-SITE ; néanmoins, cela requerrait de se focaliser sur
les points forts et d’éviter la dispersion. Quand la COMUE UBL sera pleinement
opérationnelle, elle devrait envisager différents scénarios de regroupement et leur capacité
pour pouvoir atteindre les objectifs de l'initiative d'excellence
. »
Ainsi, le projet de l’UBL se heurtait-il d’emblée aux contradictions entre initiatives
d’excellence et politique de regroupement universitaire, contradictions au demeurant
soulignées par la Cour des comptes dans un référé du 15 mars 2018.
Après l’échec de l’UBL, trois projets d’ISITE distincts furent déposés à l’occasion de
la présélection de la 2
ème
vague de l’appel à projets IDEX-ISITE du PIA 2, parmi lesquels celui
de Nantes
15
sur les thématiques de l’industrie du futur et de la santé du futur, baptisé NEXT
Nantes Excellence Trajectory
»), porté par l’ECN, l’université de Nantes, le CHU et
l’INSERM. Parallèlement les porteurs s’attelèrent à renforcer un volet institutionnel, les
conseils d’administration de l’université de Nantes et de l’ECN adoptant ensemble, le 3 février
2017, les «
principes fondateurs relatifs aux statuts de la nouvelle université à Nantes
»
élaborés par un groupe travail conjoint et se donnant pour objectif «
de refonder d’ici à deux
ans les liens université-école en créant un nouveau modèle d’université à Nantes.
»
Dans cette «
feuille de route
», était prévue la création au sein de la nouvelle université
d’un pôle dénommé «
École Centrale de Nantes
» mais regroupant, outre l’ECN, Polytech
Nantes, les trois IUT et la faculté des sciences.
Convaincu par le projet présenté, le jury de l’Agence nationale de la recherche notifia
au site nantais sa labellisation ISITE, le 20 février suivant. Mais, force fut au conseil
d’administration de l’ECN de constater l’impasse créée par le revirement du président de
l’université qui, en mars 2017, avait informé l’École qu’il était «
impératif que la Nouvelle
Université de Nantes gère notamment le budget global de l’ensemble des partenaires, soit
l’employeur des personnels et la tutelle des unités propres et mixtes de recherche
». En
conséquence, sur proposition du directeur de l’École, le 7 juillet 2017, le conseil
d’administration, après avoir constaté que «
les discussions menées avec l’Université de Nantes
depuis quatre mois n’ont pas permis d’aboutir à un consensus entre les deux partenaires
»,
décida, à une très large majorité, «
de ne pas engager plus en avant l’Établissement dans ce
projet qui hypothèque son avenir
».
Lors de cette même séance, le recteur, représentant de l’État, tout en reconnaissant
l’échec de la médiation qu’il avait entreprise entre les deux parties, demanda en vain au conseil
de sursoir au vote de cette résolution en rappelant que l’abandon du label ISITE signifiait le
renoncement aux financements qui lui étaient liés. En outre, le ministère de tutelle choisit, dans
un premier temps, de ne pas nommer à nouveau le directeur pour un second mandat de cinq ans
(à dater du 1
er
septembre 2017), malgré un avis favorable du conseil d’administration sans
cacher que sa décision valait sanction de l’intéressé eu égard au projet avorté de rapprochement
institutionnel avec l’université de Nantes. S’ouvrit alors une brève période d’intérim, pendant
que débutait la procédure de sélection au terme de laquelle, après audition de trois candidats, le
conseil d’administration s’est prononcé en faveur de l’ancien directeur, proposition finalement
entérinée par la ministre de tutelle, le 17 janvier 2018.
15
Les deux autres émanaient de Rennes et Brest et ne furent pas retenus par le jury.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
16
A l’issue de cet épisode et sous l’égide de la tutelle, des discussions reprirent entre les
parties prenantes au projet de rapprochement institutionnel. Plusieurs délibérations du conseil
d’administration de l’ECN, évoquèrent successivement diverses formes d’association, de
participation (en application la loi du 22 juillet 2013) puis d’intégration à une université cible,
pour aboutir au constat, en 2018, qu’en l’état, les textes ne permettaient pas à un EPSCP
(Centrale Nantes) d’intégrer un autre EPSCP (l’université-cible).
De fait, la tutelle s’était déjà engagée à plusieurs reprises à rendre juridiquement
possible un système d’établissements publics «
emboîtés
», y compris dans une lettre
ministérielle de janvier 2018 : «
C’est pourquoi le gouvernement a prévu dans la future
ordonnance de prendre en compte les spécificités de chacune des politiques de site. Elle
trouvera notamment sa pleine application à Nantes
». Ce fut chose faite avec l’ordonnance du
12 décembre 2018 relative à l'expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de
regroupement ou de fusion des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
Après plusieurs réunions de travail au cours de l’année universitaire 2018-2019, aux
fins de préparer les statuts et la gouvernance de la future université-cible, le conseil
d’administration de l’ECN approuva (8 juillet 2019) l’accord de consortium visant à «
fixer les
droits et obligations
» de l’université cible et des quatre fondateurs.
L’étape suivante devait être l’approbation par les quatre fondateurs des statuts et du
décret de « Nantes Université » créé à dater du 1
er
janvier 2020 sous la forme d’un EPSCP,
établissement expérimental (EPE) au sens de l’ordonnance du 12 décembre 2018. Mais, le
9 octobre 2019, à l’inverse de celui de l’université, le conseil d’administration de l’ECN rejetait
les projets de statut et de décret de création de « Nantes Université », refusant même, lors de sa
séance du 9 décembre, de renouveler sa confiance au directeur de l’École, ce qui provoqua la
démission de ce dernier et ouvrit la voie à un second intérim à sa tête
16
.
Plusieurs facteurs ont probablement contribué à ce vote, notamment la crainte, pour
l’école d’ingénieurs, de perdre une forte marge de man
œ
uvre et des conséquences de
l’imbrication des différents établissements, malgré la conservation par chacun de sa
personnalité juridique. En outre, le projet a été conduit dans un calendrier très contraint, l’État
souhaitant que le second projet aboutisse au terme de l’année 2019. Enfin, les attentes des
administrateurs étaient différentes en 2019 de celles des administrateurs précédents qui avaient
voté les bases de ce second projet le 15 juin 2018.
De fait, le projet de statuts du futur EPE restreignait l’autonomie de l’ECN, intégrée à
l’un des quatre pôles de Nantes Université, le pôle « Sciences et technologie », dans un format
de gouvernance et d’administration, certes promu par le ministère de tutelle
17
, mais qui ne lui
apparaissait pas favorable.
Quoi qu’il en soit, à la suite des deux conseils d’administration de 2019 et en dépit de
l’adoption aussi par celui du 9 décembre, d’une motion réaffirmant la volonté de l’ECN de
«
s’inscrire avec l’Université et les autres partenaires dans la démarche ISITE
», formulant
16
Nomination de M. Marc Renner par arrêté du 15 janvier 2020, son intérim se terminant le 14 juillet
suivant avec la nomination de l’actuel directeur Jean-Baptiste Avrillier à compter du 15 juillet 2020 par arrêté du
7 juillet 2020.
17
«
L’axe "industrie du futur" du projet d’ISITE exige que l’université cible dispose d’un pôle
d’ingénierie particulièrement fort et structuré. Il est indispensable par conséquent que
ce pôle se constitue au sein
du futur établissement expérimental autour de l’ECN, établissement composante (…) » - (courrier adressé le
7 octobre au président de l’université, communiqué aux membres du conseil d’administration).
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
17
ainsi le souhait que «
le contrat ISITE en cours ne soit pas interrompu.
», l’État prit
publiquement acte, le 23 décembre 2019, de l’impossibilité de réaliser le projet sélectionné en
2017 et décida l’arrêt du financement accordé par le PIA, tout en laissant ouverte une porte pour
l’avenir.
Le 10 avril 2020, l’État adressa un courrier à l’Université de Nantes, porteuse du projet
NEXT, dans lequel il lui était demandé de proposer avant le 30 septembre 2020, au Comité de
pilotage des initiatives d’excellence, un plan d’action approuvé dans les mêmes termes par les
instances des établissements fondateurs du projet d’université cible et confortant les deux axes
d’excellence (santé et industrie du futur). Sous l’impulsion du nouveau directeur de l’École,
des discussions entre les parties prenantes du projet nantais aboutirent à l’élaboration d’un plan
d’action baptisé NEXT 2, adopté dans une première version par le conseil d’administration de
l’ECN, le 16 octobre 2020. Suite à des éclaircissements réclamés par les représentants de l’État
et donnés par la présidente de l’université des précisions, une nouvelle version du plan d’action
NEXT 2 fut adopté par le conseil d’administration de l’ECN, le 7 janvier 2021, garantissant à
l’ECN de n’être pas intégrée dans le pôle « Sciences et Technologies » du futur établissement
expérimental. Cette étape débloqua la situation et permit la création de
Nantes Université, par
décret du 1
er
octobre 2021, aux termes duquel l’ECN devenait établissement composante de
l’établissement public expérimental « Nantes Université »
18
.
Le règlement du volet institutionnel permit le déblocage du projet ISITE-NEXT 2 et au
jury international de procéder aux auditions des parties prenantes locales. Le 14 mars 2022, les
membres du conseil étaient officiellement informés, par le directeur, que l’État avait pérennisé
l’ISITE NEXT, Nantes Université devenant l’une des 17 des 74 universités françaises
labellisées ISITE/IDEX.
1.4.4
Un fort ancrage à l’international
Aujourd’hui, l’ECN revendique des accords de partenariats, en particulier de double-
diplômes, avec183 universités étrangères, de 87 nationalités et sur tous les continents.
Cette stratégie de coopération internationale a, entre autres, pour vecteur l’appartenance
au GEC par le truchement duquel l’École est membre du réseau TIME
19
créé en 1989 avec pour
objectif de coordonner les programmes européens d’études et d’échanges dans l’ingénierie au
niveau de la maîtrise. Fort aujourd’hui d’une cinquantaine de membres il permet à l’ECN, avec
d’autres relations partenariales conventionnées, d’asseoir une stratégie de cursus bi-diplômant
à l’international.
L’ECN appartient également à d’autres réseaux parmi lesquels : le réseau méditerranéen
des écoles d’ingénieurs (RMEI) qui promeut les relations entre universités, grandes écoles, et
18
Outre l’université de Nantes, l’EPE comprend 6 membres dont 3 établissements composantes (ECN,
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes et Ecole des Beaux-arts de Nantes Saint-Nazaire), 2 associés
(CHU de Nantes et l’IRT Jules-Verne) et le dernier, l’INSERM, lié à l’EPE par une « convention de mixité
renforcée ». Le CNRS est désigné comme « partenaire privilégié » de l’EPE.
19
« Top international managers in Europe », rebaptisé en 2019 « Top international managers in
engineering ».
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
18
laboratoires ainsi que les échanges d’étudiants et d’enseignants-chercheurs dans le bassin
méditerranéen ; le réseau Magalhaes, créé en 2005 pour développer la mobilité et les
coopérations en direction de l’Amérique latine et des Caraïbes ; «
Heritage Network
», qui vise
à renforcer les coopérations, dans le domaine de la recherche et de la formation, entre des
universités européennes et indiennes dans le domaine des sciences de l’ingénieur.
1.5
Les effectifs : plus de 500 salariés au 31 décembre 2022
Au 31 décembre 2022, l’ECN comprenait un effectif de 501 personnes (correspondant
à 491,4 ETP) dont 111 enseignants-chercheurs, 25 enseignants, et 266 personnels BIATSS
20
et
assimilés. S’y ajoutent 83 doctorants, 13 post-doctorants et 3 apprentis.
Les effectifs salariés de l’ECN n’étaient que de 348 fin 2011
21
et de 425 en 2017, date
depuis laquelle ils ont crû de près de 18 %. Cette forte progression des effectifs est justifiée par
l’ECN par la nécessité d’«
assurer l’amplification des missions existantes et (de) réaliser les
missions nouvelles induites par sa stratégie
»
22
.
L’évolution de la structure des effectifs depuis 2017 qui figure ci-après permet d’affiner
l’analyse.
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Δ2022/2018
BIATSS
218
239
261
255
260
266
+ 48
Enseignants
11
11
11
10
8
25
+ 14
Enseignants-
chercheurs
100
99
100
101
107
111
+ 11
Doctorants
81
86
78
68
64
83
+ 2
Post-
doctorants
12
12
9
10
7
13
+ 1
Apprentis
3
6
5
5
2
3
+ 0
TOTAL
425
453
464
449
448
501
+ 76
Source : ECN
Dans son rapport d’évaluation de l’ECN, le HCERES soulignait à son tour, en 2021,
qu’«
au-delà de la nécessité de recruter parfois des agents disposant de compétences très
spécifiques, la part d’agents en CDI et CDD (était) le reflet du développement des activités de
l’École
»
et qu’elle traduisait «
la volonté de l’établissement de pouvoir disposer d’une grande
20
Personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques et sociaux et de santé.
21
Première année de passage aux « responsabilités et compétences élargies » (autonomie de gestion).
22
RAE d’octobre 2020.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
19
réactivité et de recruter des agents en fonction des compétences qu’il recherche en dépassant
les profils de la fonction publique.
»
Une approche plus fine révèle que l’accroissement des effectifs d’enseignants et
d’enseignements-chercheurs a majoritairement concerné des non-titulaires, d’une part, et que
l’effectif BIATSS, s’est concentré sur des contractuels/cadres correspondant à la catégorie A,
particulièrement en CDI, d’autre part. Au total sur la période 2017-2022, les contractuels
BIATSS de catégorie A sont passés de 117 (58 CDI et 59 CDD) à 163 (95 CDI et 68 CDD).
Or, «
la part importante des contractuels dans ses effectifs a conduit l’École à leur
définir un cadre d’emploi aux perspectives de carrière motivantes et équitables : recrutement
sur les grilles de l’enseignement supérieur, harmonisation des règles d’évolution de carrière et
de rémunération avec celle des titulaires
»
23
, politique réaffirmée en 2023 par l’adoption des
lignes directrices de gestion des enseignements-chercheurs contractuels.
Quoi qu’il en soit, pour l’ECN, cette forte croissance des personnels BIATSS
d’encadrement est «
une droite conséquence de sa stratégie
». En effet, «
Le développement de
l’activité de recherche sur contrats (directs, institutionnels, chaires) est la raison principale de
cette évolution du profil d’emplois
». Ces contrats ont permis de financer des postes de
(post)doctorants et d’ingénieurs de recherche, entrainant, dans les services centraux ou dans les
laboratoires, le recrutement de personnels hautement qualifiés pour traiter ou accompagner leur
négociation et leur suivi. C’est ainsi que le nombre de salariés en CDI, financés sur contrat de
recherche, a doublé en trois ans, passant de 23 en 2019 à 45 en 2022.
Cette évolution a toutefois pour conséquence l’augmentation des personnels BIATSS
en CDI financés hors subvention de l’État, ce qui constitue un risque si le nombre de contrats
et de partenariats avec le monde socio-économique venait à baisser. L’ECN a conscience
puisque de ce risque, estimant que les compétences, dont elle se dote, sont précieuses mais qu’il
convient de pérenniser et de stabiliser ses effectifs «
sans mettre en tension les finances de
l’établissement
».
L’attention de l’École est appelée sur le risque financier encouru si ne sont pas anticipées
les conséquences de la baisse du montant cumulé sur 5 ans des contrats de recherche signés (de
103,4 M
en 2022 à 80 M
en 2027
24
), baisse qu’elle anticipe estimant que la croissance des
activités de recherche des dernières années était exceptionnelle. Le montant-cible de 80 M
en
moyenne glissante sur 5 ans (soit un objectif de 16 M
en moyenne par an) représente
néanmoins «
un niveau élevé d’activités contractuelles pour un établissement qui ne dispose
que d’une centaine d’enseignants-chercheurs
», ainsi que la direction de l’ECN le reconnaît.
1.6
Un patrimoine immobilier vieillissant : une réhabilitation engagée mais
des besoins estimés par l’ECN à plus de 55 M
Le patrimoine bâti de l’École centrale de Nantes, implanté sur environ 16 hectares
(155 770 m²) au nord de Nantes dans le quartier du « Petit Port », compte dix-neuf bâtiments
pour une large partie construits à la fin des années 1970, et qui représentent une surface utile
23
RAE d’octobre 2020.
24
Cf.
volet spécifique à l’ECN du contrat pluriannuel de Nantes Université 2022-2027.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
20
nette (surface réellement disponible en espaces de travail) d’environ 10 000 m². Son campus de
la Noë, situé à proximité d’autres établissements d’enseignement supérieur, est bien relié au
centre-ville. L’École dispose de deux résidences étudiantes jouxtant son campus et réservées à
son usage auxquelles s’ajoutent celles du CROUS et quelques résidences privées proches.
L’ECN est encore implantée à Bouguenais, en banlieue nantaise, où elle loue 111 m²
de bureaux. Enfin, l’ECN occupe au Croisic les surfaces nécessaires à son projet d’éoliennes
en mer, une zone en mer de 1 km² (reliée à la terre par 20 km de câbles) et 400 m² de locaux.
L’établissement pleinement conscient des enjeux que soulève l’état vieillissant de son
bâti, dispose d’un « Schéma Pluriannuel de Stratégie Immobilière » (SPSI) adopté par son
conseil d’administration, le 16 juin 2018.
Bien qu’établi avec une perspective de très fort
développement (2200 élèves présents) qui est aujourd’hui ralentie, le diagnostic et la stratégie
patrimoniale développés dans ce SPSI apparaissent cohérents.
En 2014, Centrale Nantes a fait appel avec succès au financement du contrat de plan
État-Région (CPER) pour participer à la réhabilitation d’un de ses bâtiments, en partenariat
avec l’École Nationale Supérieure Maritime (ENSM)
25
, qui envisageait de se regrouper sur un
autre site. Centrale Nantes : il s’agissait d’une reconstruction complète pour accueillir, aux
côtés de nouvelles salles pour les étudiants de l’ECN, les bureaux de l’ENSM, ses simulateurs
de navigation, ses étudiants, et ses enseignants-chercheurs. Inscrit dans le CPER en 2017 pour
un montant de 11,5 M
(dont 5 M
à la charge de l’État), ce projet a abouti en octobre 2023,
les étudiants de l’ENSM ayant effectué sur le campus de l’ECN leur première rentrée. Il se veut
emblématique de la stratégie de recherche de synergies conduite par l’ECN.
Trois points d’attention relatifs à la question immobilière peuvent être mentionnés.
D’une part les travaux d’accessibilité des personnes en situation de handicap ont pris
beaucoup de retard. D’autre part, l’ECN porte une très grande attention aux problématiques du
développement durable qui se manifeste au travers de différents projets, dont la poursuite du
raccordement au réseau de chaleur de Nantes Métropole (en vue de se préparer à la mise en
œ
uvre des obligations fixées entre autres par le décret du 23 juillet 2019
26
) et le financement
obtenu à concurrence de 1,2 M
dans le cadre de l’appel à projet « Résilience 2 »
27
. Enfin,
L’École projette la construction pour la rentrée 2028, d’une 3
ème
résidence universitaire de 200
places, aux fins de proposer une solution de logement dans l’avenir à tous les primo-arrivants
de ses formations (un millier hors doctorat), alors qu’elle ne loge actuellement que 53 % de
cette population.
25
Créée le 1
er
octobre 2010, l’ENSM est sous la tutelle du secrétariat d’Etat chargé de la mer. Elle délivre
des formations maritimes supérieures d’officier de la marine marchande et d’ingénieur en génie maritime. Héritière
des écoles d’Hydrographie fondées en 1571, elle est aussi le fruit de la fusion des ENMM du Havre, Saint-Malo,
Nantes, et Marseille, qui sont donc devenues des sites ENSM.
26
Ce décret relatif aux obligations d’action de réduction de la consommation d’énergie finale dans des
bâtiments à usage tertiaire auquel sera soumise une grande partie des bâtiments des personnes publiques, prévoit
une réduction des consommations d’énergie primaire de 40 % à échéance 2030, 50 % d’ici à 2040 et 60 % d’ici à
2050.
27
Dans le cadre du plan de sobriété énergétique décidé par le gouvernement, la direction de l’immobilier
de l’Etat (DIE) a lancé le 10 octobre 2022 un nouvel appel à projets, dit « Résilience 2 » doté d’une enveloppe
spécifique de 130 M
. La mobilisation au niveau national et interministériel a été forte, avec au total plus de 5 600
dossiers déposés pour 920 M
(dont plus de 1 450 projets par les établissements du ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche pour 331 M
).
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
21
L’École conclut elle-même que «
(de) façon générale, les surfaces et les locaux actuels
de l’École correspondent peu au confort d’usage attendu par les utilisateurs, sauf les bâtiments
rénovés. C’est principalement sur l’aspect climatique et acoustique que les bâtiments anciens
sont considérés comme inconfortables par les usagers
»
28
. En outre, l’apparence générale du
campus constitue sans doute aujourd’hui un handicap pour son attractivité internationale. Mais
si la situation de son patrimoine fait désormais l’objet d’un plan de réhabilitation, celui-ci,
compte tenu de besoins estimée par l’École à plus de 55 M
, ne peut se réaliser que très
progressivement et en fonction des rares opportunités de financement externe.
Enfin sur les questions de domanialité, l’École avait envisagé d’obtenir les compétences
particulières liées au transfert de la pleine propriété du patrimoine, compatible avec son passage
aux RCE qui date de 2011, option explicitement réaffirmée dans le SPSI de 2018.
Recommandation n° 2.
(ECN) Présenter, avant le 30 juin 2024, un bilan coûts avantages
de la dévolution du patrimoine immobilier à soumettre au conseil d’administration.
2
UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT FONDÉE SUR LA
PRIORITÉ DONNÉE AU LIEN RECHERCHE-INDUSTRIE ET À
LA RECONNAISSANCE INTERNATIONALE
2.1
L’absence de contrat pluriannuel d’objectifs et de performance avec
l’État depuis 2017
A la différence de l’immense majorité des EPSCP, et seule dans son cas s’agissant des
Écoles Centrale, l’ECN ne disposait plus, depuis 2017, d’un contrat pluriannuel d’objectifs et /
ou de performance avec l’État. En effet, pour la période 2017-2021, le projet de contrat de site
de l’État avec l’Université Bretagne Loire (UBL), COMUE dissoute en 2019 mais dont à
l’époque (
Cf. supra
) l’ECN était membre, n’a pas recueilli suffisamment de voix de son conseil
des membres, réuni le 18 septembre 2017 à Rennes, pour être approuvé. En conséquence, le
contrat de site 2017-2021 de l’UBL n’a pas été signé or il s’agissait, selon l’ECN,
compromettant ainsi la signature des contrats pluriannuels avec les établissements membres de
cette COMUE
29
. Néanmoins, sur la période sous revue, Centrale Nantes a eu l’occasion de
formaliser sa stratégie notamment au travers de son rapport d’autoévaluation (RAE), en octobre
2020, rapport commun aux deux missions d’évaluation conduites simultanément, en 2021, par
la commission du titre d’ingénieur CTI
30
et par le haut conseil de l’évaluation HCERES
31
.
28
RAE d’octobre 2020.
29
Le dernier contrat pluriannuel de l’ECN avec l’Etat, signé le 28 mars 2012, couvrait la période 2012-
2016.
30
Rapport de mission d’audit du 16 mars 2021.
31
Rapport d’évaluation du 9 juillet 2021 dans le cadre de la campagne d’évaluation 2020-202.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
22
Cette situation ne devrait plus se reproduire à l’avenir. L’article 4-1° des statuts de
l’établissement public expérimental « Nantes Université » prévoyant qu’il «
élabore avec ses
membres, ses pôles et composantes hors pôles, son contrat pluriannuel d’établissement qui
intègre les volets spécifiques aux établissements-composantes négociés directement par les
établissements-composantes avec leurs tutelles respectives.
» De fait, le volet spécifique à
l’ECN du contrat pluriannuel de Nantes Université 2022-2027 a bien été négocié par l’École
directement avec l’État et approuvé, à l’unanimité, par le conseil d’administration de l’ECN le
23 octobre 2023.
2.2
Le tableau des indicateurs stratégiques et ses limites
Depuis février 2014, l’ECN a mis en place au sein de sa direction générale des services,
une cellule chargée de suivre des indicateurs pertinents «
qui reflètent l’état et l’évolution de
l’École dans tous ses aspects
», et d’«
analyser si et comment l’École suit et maîtrise sa
stratégie
»
32
. Ce « tableau d’indicateurs » est présenté tous les ans au conseil d’administration.
Toutefois sur les seize indicateurs calculés par l’École depuis 2021, seuls six figuraient
à l’identique dans le tableau de bord stratégique de la période 2015-2020
33
. Ainsi, les deux
indicateurs relatifs aux effectifs
34
ont vu leurs périmètres modifiés pour donner trois nouveaux
indicateurs, comme celui relatif aux heures enseignées
35
, et trois indicateurs ont cessé d’être
suivis
36
, alors que cinq nouveaux indicateurs ont été intégrés, dont ceux relatifs au
développement durable qui s’intègrent dans la stratégie affichée par l’École (
cf.
infra
), et qu’un
sixième
37
sera suivi à partir de juin 2023. Ces changements, par les discontinuités qu’ils
introduisent, compliquent évidemment l’analyse, même si les modifications intervenues depuis
2021 ont bien fait l’objet d’un débat au sein du conseil d’administration lors de la séance du 9
décembre 2021. Au regard des comptes-rendus du conseil d’administration, la présentation, qui
en est faite «
pour information
», parait souffrir d’un manque de synthèse, sinon d’explications
de la part de la direction de l’ECN (le tableau 2022 a été présenté au conseil d’administration
de mars 2023 sans commentaires ni débats).
En revanche, on peut s’interroger sur l’intérêt de suivre, à un niveau qualifié de
stratégique, l’évolution des effectifs de 1
ère
année du diplôme d’ingénieur généraliste alors
même que, pour des raisons pédagogiques et d’espaces disponibles, parfaitement assumées,
l’ECN considère avoir atteint un plafond en la matière (stagnation de l’indicateur autour d’un
faible écart-type). On peut aussi s’interroger sur l’intégration, dans un tableau de bord à
32
Rapport d’autoévaluation.
33
Nombre total de publications, nombre de projets européens déposés, montant cumulé sur 5 ans des
contrats de recherche, nombre et pourcentage d’étudiants internationaux, nombre de doctorants et répartition des
coûts selon l’activité.
34
Effectifs des promotions et leur mobilité (toutes destinations) et nombre d’étudiants en masters (M1 +
M2).
35
Heures enseignées en pourcentage du potentiel statutaire et heures complémentaires en pourcentage
des heures enseignées devenu l’indicateur 14 : nombre d’heures enseignées, heures statutaires nettes de décharge,
heures complémentaires et heures vacataires.
36
Pourcentage d’accidents du travail sur le campus et nombre moyen de jours d’arrêt associés ; capacité
d’autofinancement sur les produits encaissables et subventions pour charge de service public par étudiant.
37
I16 : Bien-être au travail-enquête auprès des étudiants et du personnel de l’Ecole.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
23
vocation stratégique, d’indicateurs qui relèvent davantage du bilan social ou du compte
financier.
Par ailleurs, l’intégration de ces indicateurs dans un tableau de bord stratégique suppose
qu’ils permettent de mesurer l’atteinte d’objectifs stratégiques. Or Centrale Nantes ne semble
pas s’être assigné, depuis 2017, des valeurs-cibles à atteindre à un horizon temporel déterminé
comme ce devrait être le cas dans un contrat pluriannuel d’objectifs et de performance avec
l’État. Cette omission est toutefois en passe d’être corrigée puisque le "Volet spécifique de
l’ECN" du contrat pluriannuel de Nantes Université 2022-2027, a retenu pour les indicateurs
stratégiques de l’École, des valeurs-cibles pour 2027.
Effectifs (primo-arrivants) inscrits en 1
ère
année du diplôme d’ingénieur généraliste
2018/2019
2019 / 2020
2020 / 2021
2021 / 2022
2022/2023
Effectifs 1
ère
année
diplôme généraliste
390
370
381
381
382
Source : ECN.
En fait, la stratégie de l’ECN est malaisée à retracer à partir de son tableau de bord.
D’autres sources d’information, élaborées par l’École semblent le permettre davantage.
2.3
Les trois piliers stratégiques de l’ECN : l’industrie, l’international et le
développement durable
La stratégie de l’ECN, élaborée selon l’École en plusieurs étapes de réflexion interne
s’étant déroulées de 2016 à 2018, a été synthétisée en termes généraux dans son rapport
d’autoévaluation (RAE) précité, daté d’octobre 2020.
«
L’objectif stratégique adopté par l’École à l’issue de cette démarche consiste à
développer, pour ses étudiants et ses partenaires académiques et économiques, une offre
conjuguant formation, recherche et valorisation qui équilibre sciences et technologies,
spécifiquement dans les domaines d : - la transition énergétique
: la mobilité, l’habitat, la
production, la gestion de l’énergie ; - l’industrie
: les procédés, la robotique, le génie industriel,
le génie océanique ; - la santé
: la génomique, l’imagerie et le traitement du signal, le
bioprinting ; - le numérique : calcul intensif, objets connectés, réalité virtuelle et augmentée.
»
Il en ressort que la stratégie de l’École semble suivre deux grands axes susceptibles, à ses
yeux, d’apprécier sa performance :
-
La validation par l’industrie au travers notamment du lien «
entre la recherche
menée à l’École et la recherche industrielle
» mais qu’on retrouve évidemment dans
la formation comme l’atteste le développement du nouveau
Bachelor of Science in
Engineering
, marqueur de l’ancrage industriel de l’ECN ;
-
La reconnaissance à l’international, distinguant d’ailleurs «
l’impact
» de la
«
visibilité
», notamment par «
une identification et une reconnaissance dans les
classements (inter)nationaux
».
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
24
S’est ajoutée plus récemment la volonté d’accentuer le virage du développement durable
thématique fortement intégrée dans ses programmes de formation et de recherche.
2.3.1
Le lien recherche-industrie, un axe stratégique au c
œ
ur de l’identité de l’ECN
Au regard de son histoire, le lien avec les entreprises, industrielles notamment, est au
c
œ
ur de l’identité de Centrale Nantes, dont la création fut le fruit d’une initiative conjointe de
la municipalité et des industriels nantais pour former les professionnels et les ingénieurs dont
la région avait besoin aux lendemains de la Grande Guerre.
Selon l’ECN, ce lien recherche-industrie, fondé sur une volonté forte et ancienne
d’association de ses laboratoires avec des entreprises, a été amplifié, à partir de 2007, par une
évolution favorable du cadre législatif de l’enseignement supérieur dont l’École a su pleinement
profiter. Ainsi, le passage aux « responsabilités et compétences élargies » a permis le
recrutement de personnels, et notamment d’enseignants-chercheurs contractuels, pouvant
assurer des fonctions jusqu’ici réservées à des fonctionnaires. Parallèlement, le remplacement
progressif de financements étatiques récurrents par des financements sur projets, mutation
illustrée par le rôle jouée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le développement
des « programmes d’investissements d’avenir » (PIA) fournissaient de nouvelles opportunités.
Aujourd’hui, l’ECN présente ses activités de recherche comme découlant de trois
«
thèmes stratégiques
» orientés vers les industries d’avenir dont deux étaient au c
œ
ur de
l’association de Centrale Nantes au projet d’ISITE NExT : l’usine du futur au service de la
réindustrialisation de la France, l’ingénierie de la santé ou santé du futur et la transition
énergétique.
Ce lien recherche-industrie s’appuie sur deux vecteurs majeurs : les chaires
industrielles
38
et les plateformes technologiques.
La première chaire industrielle de l’ECN fut mise en place en 2008 avec EADS
39
autour
de nouvelles techniques de calcul des structures en grandes déformations. Une quinzaine sont
actives aujourd’hui
40
, auxquelles s’ajoutent des partenariats industriels de recherche avec des
38
L’objectif principal d’une chaire industrielle est de créer un partenariat durable entre un établissement
de recherche académique et un ou des industriel(s) dans le cadre d’une recherche collaborative sur un axe de
recherche innovant. Les chaires industrielles relèvent aussi (ce n’est pas le cas de celles de l’ECN) d’un programme
créé en 2011 par l’ANR sur appel annuel à projets d’une durée de 48 mois où l'entreprise finance 50 % du montant
de l'assiette éligible de la chaire industrielle par un apport en numéraire versé à l'établissement d'accueil, l'ANR
finançant les 50 % restants.
39
Aujourd’hui Airbus Group. Elle fut dotée pour une durée de quatre ans d'un M
.
40
Avec, à titre d’exemples, pour partenaires respectifs : Siemens (simulation numérique appliquée à la
mécanique des fluides) ; MAN Energy Solutions (décarbonation progressive de la propulsion marine et de la
production d’électricité) ; Renault Group (performance de la propulsion électrique des véhicules automobiles) ;
Bureau Veritas (Navire du futur) ; Edycem (Moderniser la formulation des matériaux cimentaires et améliorer leur
bilan énergétique) ; Naval Group (Innovations pour les applications industrielles de Naval Group dans le domaine
de la construction navale militaire) ; RTE (analyse et commande des réseaux électriques intelligents) ; Faurecia
(composites industriels pour applications automobiles) ; CETIM (Surcyclage des composites thermoplastiques
structuraux) ; Eolink (éoliennes flottantes) ; MANN+HUMMEL (Systèmes d'admission Innovants et Thermo-
Management),
etc
.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
25
groupements d’acteurs
41
. Le tableau ci-après, qui retrace les produits de l’ECN tirés de la
recherche, par source de financement, atteste l’effet positif de ce partenariat sur les ressources
de l’École.
2018
2019
2020
2021
2022
Chaires
3 008 824
3 850 645
3 497 384
2 344 381
2 374 432
Divers industriels
639 877
531 372
1 364 358
1 408 230
1 537 355
Fonds nationaux (État,
collectivités, ANR, BPI, IRT,
FEM, etc.)
3 004 279
3 139 325
2 987 452
2 412 773
3 829 735
Fonds européens (ERC, H2020,
ITN, Feder, etc.)
1 016 243
2 217 732
1 683 572
1 066 043
1 369 657
TOTAL
7 671 241
9 741 092
9 534 786
7 233 448
9 113 202
p. m % des financements
industriels (chaires et divers
industriels)
48,2
45
51
51,9
42,9
Source : ECN
Cet impact financier positif de la relation recherche-industrie est placé par l’ECN au
c
œ
ur de son modèle économique, alors que les dispositifs publics (État, région etc.), qui «
ne
financent pas la totalité des frais de gestion ni les dépenses directes des personnels supports
»
sont perçus comme «
coûteux en frais de gestion compte tenu de la complexité de l'ingénierie
administrative et financière
» et que «
les contrats industriels (…) permettent de financer les
frais de gestion
»
42
.
La validation de la recherche de l’École par des partenaires industriels passe aussi par
la création de plateformes technologiques ou de recherche, «
points d’ancrage recherche-
industrie
», pour lesquelles Centrale Nantes revendique sa spécificité dans le paysage
universitaire français. Pour Centrale Nantes : «
Les plateformes permettent de tisser un lien
académique-industriel fort et consiste en l'utilisation partagée de très grands équipements de
recherche, généralement d'échelle européenne
»
43
.
Aujourd’hui, l’ECN dispose de treize grandes plateformes de recherche parmi lesquelles
on peut citer quatre « bassins de génie océanique » sur le campus de l’École qui permettent de
tester de nombreux équipements dans leur milieu d'utilisation, rivière ou mer ; le site d’essai en
mer SEM-REV
44
, premier site européen d’essais en mer multi-technologies connecté au
41
Mervent 2025 (1
er
porte-conteneur industriel à propulsion hybride voiles/carburant de synthèse) ou
Hymot (moteur à hydrogène).
42
Diaporama relatif au modèle économique de l’ECN présenté au conseil d’administration du 14 mars
2023.
43
Site internet de l’ECN.
44
La chaire de l’ECN développée avec la société d’ingénierie Eolink est en lien avec la plateforme d'essais
en mer SEM REV au large du Croisic. Eolink, associé à Valorem ainsi qu’à l’École Centrale de Nantes, développe
une éolienne flottante innovante qui vise à réduire le coût de l’énergie.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
26
réseau ; un banc d’essai pour véhicules électriques ; une plateforme d'essais dynamiques et
statiques permettant de solliciter des matériaux jusqu'aux grandes vitesses de déformation.
L’ECN, dont la direction partage ce constat
45
, devrait disposer d’un
suivi analytique de
chacun de ces équipements compte tenu des coûts induits tant en investissement qu’en
fonctionnement. Toutefois, selon l’ECN, «
L’outil de gestion de l’École -le logiciel "Cocktail"-
ne permet pas la mise en place d’une comptabilité analytique
». De fait, le périmètre de chaque
plateforme expérimentale nécessiterait une collecte d’informations auprès des gestionnaires des
différents cofinanceurs de l’équipement rendant particulièrement complexe le travail de
fiabilisation et d’actualisation des données nécessaires à ces calculs. L’École a cependant déjà
défini les méthodes de calcul de coût horaire de deux plateformes et s’engage à établir celui de
toutes ses plateformes expérimentales d’ici à douze mois.
En tout état de cause, les liens étroits tissés avec l’industrie constituent un des points
forts de l’ECN et, plus particulièrement, de sa recherche, ce que corrobore aussi l’évolution, à
la hausse, de trois de ses indicateurs stratégiques :
- le nombre de publications de recherche imputables aux personnels de l’École, qui est
en augmentation régulière
46
;
- Le nombre de projets européens déposés (passés de 18 à 24 entre 2018 et 2022) dont
le montant cumulé sur 5 ans (projets acceptés) a cru de 10,6 M
à 12,4 M
;
-
Le montant cumulé, en euros, des contrats de recherche signés, passés en 5 ans de
70 M
à 103,4 M
, résultat encore plus remarquable replacé dans une perspective longue
(triplement sur 10 ans) qui ne put que contraster avec la révision à la baisse actée dans le "Volet
spécifique de l’ECN" du contrat pluriannuel de Nantes Université 2022-2027 qui, à l’échéance
2027 ne retient plus qu’une cible de 80 M
.
Nombre de publications de recherche des personnels de l’École
2018
2019
2020
2021
2022
Objectif
2027
Nombre de publications
417
380
340
344
409
450
Nombre de citations
8 370
9 858
10 483
11 360
13 007
14 000
Source : ECN.
45
RAE de l’ECN octobre 2020 : « (le)
déploiement
(de ces plateformes)
justifie un modèle économique
spécifique (et tendu, en raison des montants engagés).
»
46
En outre l’ECN s’est dotée en décembre 2018 de Scival, outil d’analyse de la base de données Scopus
(base de données de résumés et de citations gérée par des experts) de la société Elsevier, entreprise d’analyse des
données qui s’est fixé pour objectif d’aider les gouvernements et les universités à évaluer et améliorer leurs
stratégies de recherche.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
27
Nombre de projets européens
47
déposés et montant cumulé en M
de ceux acceptés
48
2018
2019
2020
2021
2022
Objectif
2027
Nombre de projets européens déposés
18
18
15
11
24
NC
Montant cumulé (M
) sur 5 ans de ceux acceptés
10,6
12,8
14,4
10
12,4
14
Source : ECN.
Montant cumulé sur cinq ans des contrats de recherche signés
49
2018
2019
2020
2021
2022
Objectif
2027
Montant cumulé (M
) sur 5 ans
des contrats de recherche signés
70,1
70,1
60,3
73,7
103,4
80
Source : ECN.
Un seul l’indicateur n’est pas à l’unisson de cette tendance : le nombre de doctorants
encadrés par un enseignant-chercheur rattachable à l’ECN, qui stagne voire régresse légèrement
sur l’année universitaire 2022-2023, sans pour autant dessiner une tendance à la baisse. L’ECN
propose une option de familiarisation avec le doctorat, suivie par une petite cohorte de ses
élèves de 3
ème
année (2 à 6 par an). Elle affiche, dans le « volet spécifique » du contrat
pluriannuel de Nantes Université 2022-2027, qui lui est consacré, une ambition modérée, avec
un objectif de 220 doctorants en 2027, légèrement supérieur à la moyenne des années
2012-2023.
Nombre de doctorants inscrits
dont l’un des encadrants est un enseignants-chercheur de
l’École ou assimilé
50
2018/2019
2019/2020
2020/2021
2021/2022
2022/2023
Objectif
2027
Nombre de doctorants
225
224
210
211
191
220
Source : ECN.
47
Sont inclus dans cet indicateur les contrats de recherche financés par la Commission européenne, hors
CPER.
48
Le montant indiqué pour une année N totalise les financements européens obtenus au cours de la période
allant de l’année N – 4 à l’année N, incluses. Pour chaque contrat (ceux de l’Ecole et ceux de Centrale Innovation),
le financement pris en compte est la part dévolue à l’Ecole.
49
Sont comptabilisés tous les contrats à finalité de recherche (ceux de l’Ecole et ceux de Centrale
Innovation) dont le financement est public ou privé, incluant collectivités territoriales, ANR, FUI, OSEO, DGA,
ADEME, les contrats entreprises sans co-financement institutionnel, les contrats relatifs aux chaires industrielles,
les CPER recherche,
etc.
50
Sont pris en compte tous les doctorants quelle que soit leur année d’études et tous financements
(contrats doctoraux, CIFRE, bourses,
etc.
).
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
28
Un autre indicateur (n° 11) reflète sans ambiguïté l’ambition de l’ECN pour la
recherche, puisqu’en moyenne, sur la période 2018-2022, 52,6 % des coûts engagés par
l’établissement ont concerné la recherche, soit deux fois plus que pour la formation (24,3 %).
Répartition en pourcentage des coûts selon l’activité
%
2018
2019
2020
2021
2022
Recherche
56,1
54,2
50,8
49,3
50,9
Formation
23,3
23,5
25,5
26,3
23,2
Fonction soutien
5,6
7
8,7
7,7
8,4
Fonction support
13
13,2
12,9
14,6
15,9
Hors ECN
2
2,1
2,1
2,1
1,6
Source : ECN.
Sur la construction de cet indicateur, on observera toutefois que l’affectation par
destination (activités) de charges par nature relève de la comptabilité analytique, dont l’ECN
ne s’est pas encore définitivement dotée (
cf.
ci-avant) : interrogée sur la construction de cet
indicateur, l’ECN a indiqué qu’elle s’appuyait sur la répartition des dépenses par destination,
selon le code et l’architecture budgétaire de l’État pour la plupart des dépenses de
fonctionnement, concédant toutefois retraiter certaines données avec des clés de répartition.
Recommandation n° 3.
(ECN) : Mettre en
œ
uvre dès que possible un dispositif de suivi
analytique des coûts des équipements de recherche.
2.3.2
L’attractivité internationale : un objectif stratégique en quête d’un second
souffle ?
Selon le RAE de 2020, «
l’internationalisation est un vecteur majeur de la stratégie de
l’École
», fruit d’une «
politique volontariste
» et «
naturellement omniprésente dans ses volets
recherche et formation
». Pour ce faire, l’ECN n’a pas ménagé ses efforts qu’il s’agisse de son
offre de formation avec ses différents masters, de l’implication internationale de ses structures
de recherche ou encore du développement de ses enseignements en anglais.
L’exemple le plus significatif de ce choix de l’internationalisation est celui des masters
« Erasmus Mundus » dans lesquels l’École s’est très tôt investie puisque, dès 2007, démarrait
son premier programme Erasmus Mundus, « Computational Mechanics », avec l’UPC de
Barcelone et l’université de Swansea.
Créé en 2004, le programme Erasmus Mundus encourage la création de masters
d’excellence (diplôme « master of science » sur deux ans) par des consortiums d’universités
principalement européennes, avec pour objectif de contribuer à l’intégration et à
l’internationalisation de l’espace européen de l’enseignement supérieur. En pratique, un EMJM
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
29
(« Erasmus Mundus Joint Master ») associe au moins trois établissements d’enseignement
supérieur de trois pays différents, dont au moins deux doivent être des États membres de
l’Union européenne, le reste pouvant être constitué de pays-tiers associés au programme.
Le point fondamental est que la recherche et les enseignants-chercheurs sont au c
œ
ur de
la conception des Erasmus Mundus, ces masters étant construits à partir des domaines
d’excellence en recherche des universités partenaires, en mettant en avant leur complémentarité
et leur rayonnement à l’international. De plus, la formation est très sélective
51
.
En 2023, l’École Centrale de Nantes propose sept masters Erasmus ce qui la classe
deuxième au niveau national, voire première en nombre de programmes (trois) dont elle est
coordinatrice
52
.
L’indicateur pertinent en matière d’attractivité internationale demeure toutefois le
nombre et le pourcentage d’étrangers venant suivre une formation délivrée par l’ECN,
indicateur au demeurant suivi par l’École, depuis 2015 au moins, dont l’évolution récente ne
peut être qualifiée de satisfaisante pour un établissement dont c’est un objectif essentiel.
Entre 2014 à 2019, cet indicateur avait fortement crû, passant de 681 à 1 036 (soit de
32 % à 42 %des effectifs de l’Ecole, d’après le tableau de bord 2020), avant d’évoluer à la
baisse. Atypique, du fait de l’impact de la pandémie de Covid-19, l’année universitaire
2019-2020 ne retient plus que 902 étudiants étrangers (soit 37,9 %)
53
. Depuis cette date, la
baisse du nombre d’étudiants internationaux est sensible, en valeur absolue comme relative, ces
données atteignant 789 et 34,5 %
54
, en 2022-2023, selon le propre indicateur stratégique de
l’Ecole
55
.
Nombre et pourcentage d’étudiants internationaux
2018/2019
2019 / 2020
2020 / 2021
2021 / 2022
2022/2023
Objectif
2027
Nombre d’étudiants internationaux sur le
campus
952
902
836
801
789
820
Pourcentage d’étudiants internationaux
56
39,6
37,9
35,8
34,9
34,5
35
Source : ECN.
Bien entendu, la COVID a impacté la mobilité des étudiants internationaux sur la scène
mondiale, ce qui contribue à expliquer la baisse des effectifs étrangers en masters de l’ECN
51
À titre d’exemple, pour l’un des programmes de l’ECN (Jemaro), 16 places sont ouvertes pour environ
850 candidatures.
52
Après AgroParisTech qui participe de six masters Erasmus et en coordonne deux.
53
L’année 2018-2019 n’étant, elle, corrigée qu’à la marge entre les deux tableaux de bord 2020 et 2021,
d’ailleurs par une réévaluation puisqu’elle passe de 947 à 952.
54
Ce qui reste néanmoins deux fois supérieur à la moyenne nationale, de 17 %, des écoles d’ingénieurs
en France telle qu’évaluée en 2022 par la Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises d’Ingénieurs (CDEFI).
55
Qui continuait néanmoins, en 2023, de mentionner un pourcentage de 43 % sur son site internet.
56
Nombre d’étudiants internationaux rapporté au total d’étudiants inscrits à l’ECN, toutes filières et
diplômes confondus.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
30
durant ces années
.
Dans le même temps, l’indicateur de mobilité sortante à l’international a
stagné.
Nombre d’élèves ingénieurs de 3
ème
année en double diplôme sortant
2018/
2019
2019/
2020
2020/ 2021
2021/ 2022
2022/
2023
Objectif
2027
Effectifs 3
ème
année en
double diplôme sortant
127
132
118
106
117
NC
dont en France
15
19
18
6
17
20
dont en Europe
83
97
71
78
83
85
dont hors Europe
29
26
29
22
17
15
Source : ECN.
Les objectifs affichés, pour cet indicateur, dans le « Volet spécifique de l’ECN » du
contrat pluriannuel de Nantes Université 2022-2027 demeurent modestes.
La question de l’attractivité internationale est d’autant plus importante qu’elle se situe
au c
œ
ur du modèle économique de l’ECN qui attribue la subvention Etat au financement en
coûts complet de la (seule) formation d’ingénieurs généralistes et renvoie à l’autofinancement
les autres cursus de formation (
bachelors
, masters, ingénieurs de spécialité en alternance,
mastères spécialisés, formation continue, etc.)
57
.
Or, le créneau des étudiants non européens dans les formations de masters
58
est le plus
rentable pour le développement de l’ECN, le coût de ces formations étant bien supérieur
(7 500
par an pour les deux années de master, jusqu’à 18 000
par an pour les masters
Erasmus Mundus) puisque fixé librement par l’École, aux droits de scolarité pour les diplômes
d’ingénieurs qui font l’objet d’un arrêté ministériel (2 500
/ an depuis l’arrêté interministériel
du 21 août 2018).
En conséquence, l’ECN attache une très grande importance aux classements nationaux
et internationaux
59
, mettant en avant, sur son site internet, sa reconnaissance dans les
57
Diaporama relatif au modèle économique de l’ECN présenté au conseil d’administration du 14 mars
2023. «
Le coût moyen de formation d’un ingénieur dans une grande école ayant une activité de recherche
intensive est de 15 à 20 k
/an. A l’ECN, la subvention de l’Etat rapportée au nombre d’ingénieurs généralistes
donne 23 315 793 / 1 463 = 15 937
auxquels se rajoutent 2 500
de droits d’inscription
».
58
S’y ajoutent les deux formations de
bachelor
qui sont des diplômes d’établissements dont les frais de
scolarité pour tous les étudiants inscrits sont fixés par l’Ecole : soit 12 000
/ an pour le BBA et 9 800
/ an pour
le
Bachelor of Science in Engineering
.
59
Communiqué de l’ECN du 27 septembre 2023 : «
Centrale Nantes progresse dans le classement du
Times Higher Education World University Rankings et rejoint le top 500. Sur plus de 1900 établissements retenus
dans plus de 100 pays, le classement situe l’école dans le Top 500 mondial, à la 11e place au plan national (sur
49 établissements) et 2
ème
des écoles d'ingénieurs en France. Cinq grands domaines sont évalués pour intégrer ce
cercle fermé : enseignement, recherche, valorisation de la recherche, citations et rayonnement international.
Centrale Nantes se distingue plus particulièrement sur 3 critères : le rayonnement international (152
ème
rang
mondial et 3e en France), la valorisation de la recherche où elle se positionne au 8e rang en France et au 250
ème
au niveau mondial et sur la formation pour laquelle elle occupe la 285
ème
place mondiale.
»
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
31
classements internationaux, comme les deux
60
premières des « 10 bonnes raisons de choisir
Centrale Nantes ». Au regard des publications de référence, la progression de l’ECN dans les
classements internationaux en quelques années semble réelle voire impressionnante, même si
lesdits classements restent complexes voire peu lisibles pour le lecteur non averti.
Cette progression sensible de l’ECN dans les classements internationaux et l’importance
qu’elle y attache légitimement, pose la question de leur devenir au regard de l’article 27 des
statuts de l’EPE « Nantes Université » qui disposent que «
Nantes Université et ses
établissements-composantes conviennent ensemble de la manière de gérer leur intégration
dans les classements nationaux et internationaux dans l’objectif de contribuer au rayonnement
et à l’attractivité du site nantais, et ce, préalablement à toute initiative en direction des
organismes qui produisent ces classements
». A ce titre, la commission d’évaluation NExT
mise en place par le conseil d’administration
61
a d’ores et déjà indiqué qu’elle serait «
attentive
à l’évolution du positionnement de l’École dans les classements nationaux et internationaux,
notamment ceux dans lesquels l’École apparaîtra sous la bannière de Nantes Université
(Shanghai, Leiden
62
) et, plus généralement, à la visibilité internationale de l’École.
»
63
Le Conseil d’administration de l’École a approuvé le 30 septembre 2021 que les
activités de l’École soient prises en compte dans le périmètre "Nantes Université" dans le
classement de Shanghai et le classement de Leiden à compter de l’année 2022, choix qui s’avère
judicieux car le classement thématique "
génie océanique
" de Shanghai 2023 positionne Nantes
Université au 41
ème
rang mondial, seul établissement français (sur la filière) de ce palmarès qui
répertorie les 50 meilleures universités dans le monde.
2.3.3
Le dernier vecteur stratégique de Centrale Nantes : le développement durable
Si on en croit les publications de l’ECN, le développement durable aura justement été
pour l’École, une clé d’entrée essentielle dans les classements internationaux, en l’occurrence
le THE thématique.
Certes, comme dans les autres « écoles Centrale » du réseau GEC et dans beaucoup
d’autres établissements
64
, l’ECN a résolument intégré le développement durable dans son offre
de formation et le plan d’action adopté par le conseil d’administration le 1
er
juillet 2021 l’érige
en priorité au nom de sa «
responsabilité sociétale
», sans omettre de rappeler qu’elle est aussi
un levier du développement industriel.
Cette priorité s’est traduite par la sensibilisation systématique aux enjeux de la transition
écologique et sociétale des personnels enseignants et non-enseignants et des étudiants. S’ajoute,
dans la gestion courante de l’établissement, le suivi du bilan carbone et la mise en
œ
uvre d’un
60
La seconde raison ressort de la publication des « Palmarès & Classements » depuis 2019, lesquels font
la part belle aux classements internationaux.
61
Cf. infra
2.4 .
62
Le classement du Centre d'études scientifiques et technologiques (CWTS) de l'université de Leiden aux
Pays-Bas.
63
Rapport au conseil d’administration du 8 décembre 2022.
64
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ayant rappelé en 2023 que parmi ses
objectifs prioritaires de politiques publiques figuraient « la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la
recherche en faveur de la transition écologique et le développement soutenable dans l’ensemble de ses
dimensions ».
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
32
plan de sobriété 2019-2024 (raccordement programmé de trois nouveaux bâtiments du campus
au réseau de chaleur de Nantes Métropole). Mais c’est surtout la relation recherche-
développement durable qui fournit un nouveau vecteur stratégique avec l’objectif affiché de
mettre la recherche au service de la transition énergétique, à partir de deux axes de
développement : l’alignement des thématiques de recherche avec les objectifs internationaux et
nationaux de développement durable (technologies bas carbone, hydrogène, etc.) et la maîtrise
des
impacts directs de la recherche en mettant en place des démarches d’évaluation avec les
laboratoires du CNRS en pointe sur la question.
2.4
À l’aune de la stratégie de l’École, le volet institutionnel demeure l’objet
d’interrogations
Pour Centrale Nantes, asseoir son développement au niveau international sur une politique
nationale de regroupement institutionnel des EPSCP n’est jamais allé de soi, ce qui explique
largement les difficultés de son intégration à Nantes Université. Comme beaucoup d’écoles
d’ingénieurs, l’ECN conteste que la place médiocre des universités françaises dans les
classements internationaux, en particulier celui de Shanghai, découlerait de leur taille
insuffisante, observant que parmi les premières universités du classement de ce classement la
plupart ont une taille raisonnable, souvent inférieure à 25 000 étudiants, et systématiquement
en dessous de l’effectif atteint désormais par Nantes Université (43 000 étudiants en 2023). Au
demeurant, les projets de regroupements universitaires ont représenté, pour les établissements,
un investissement lourd en temps comme en argent.
Par ailleurs, pour l’ECN, l’objectif primordial a été de permettre le meilleur financement
possible de sa recherche, c
œ
ur de son développement, via les ressources du PIA au travers des
supports IDEX puis ISITE, le regroupement avec d’autres organismes n’étant qu’une condition,
parfois perçue comme une contrainte, nécessaire pour y parvenir. L’ECN revendique sa
singularité et son avance, sur l’université, en matière de recherche, puisque dès 1967
l’un des
laboratoires de l’École (LAN futur LS2N) avait gagné une reconnaissance scientifique qui lui
valut son association au CNRS, bien avant les unités de recherche de l’université.
Enfin, dans le cas de l’ECN, l’État aura pesé de tout son poids, jusqu’au rapport de force,
pour favoriser une politique de regroupement.
Or aujourd’hui, le bilan que Centrale Nantes fait de l’ISITE NExT, notamment en termes
de soutien à sa recherche, lui apparaît pour le moins contrasté.
S’agissant des financements de l’ISITE, l’ECN était longtemps restée dans l’attente du
paiement de 2 116 724
sur une enveloppe de 6 285 927
65
, solde qui lui a finalement bien
été versé à la fin de l’année.
65
Part ECN, le premier budget global de l’ISITE NExT étant d’environ 37 M
correspondant aux intérêts
générés par la dotation non consommable au titre de la période probatoire du 1
er
janvier 2017 au 31 mars 2022
(
Cf.
art. 3 de la convention de dévolution IDEX-NExT n° ANR-16-IDEX-0007 du 31 mars 2022).
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
33
Depuis la fin de la période probatoire, soit mars 2022, l’enveloppe ISITE-NExT, gérée par
l’EPE s’élève à 10 M
par an
66
, l’article 6 de la convention de dévolution avec l’Etat disposant
que «
Nantes Université (en) dispose en pleine autonomie
». Mais en pratique, l’EPE en reverse
une partie à ses entités constitutives sur la base des projets qu’ils lui présentent après validation
par le directoire
67
. À ce titre, l’ECN a obtenu 1,3 M
pour l’année 2022
68
.
Dans ce cadre, le conseil d‘administration de l’ECN a logiquement réactivé en 2022 sa
« Commission permanente d’évaluation des résultats du projet NExT pour l’établissement »,
créée en 2018 puis mise en sommeil compte tenu du ralentissement du projet. Cette commission
dont les membres ont été reconduits en mars 2023, a présenté et fait valider sa méthode
d’évaluation au conseil d’administration du 8 décembre 2022. Dans ce cadre, la Commission
entend appuyer ses travaux sur quatre types d’indicateurs ceux relatifs à la mise en
œ
uvre des
financements NExT au sein de l’Ecole ; les projets structurants rendus possibles par la création
de l’EPE ; l’impact éventuel de l’ISITE et de l’EPE sur les indicateurs stratégiques de l’Ecole ;
une évaluation du « ressenti » des personnels et des étudiants, en termes de satisfaction et
d’appartenance.
Pour légitimes qu’elles soient, ces problématiques ne sont pas neutres à l’égard de
l’avenir de Nantes Université car certains des débats internes à Centrale Nantes qui ont précédé
la création de l’EPE, se sont d’abord exprimés au nom des principes et de la stratégie, voire de
l’identité de l’Ecole, point de vue illustré par la lettre ouverte de 2019 de trois anciens directeurs
de l’Ecole
69
visant à appeler l’attention des responsables, personnels et étudiants de l’ECN «
sur
certains risques attachés au projet, cela pendant qu’il est encore temps
» (les statuts définitifs
de Nantes Université ayant d’ailleurs évolué par rapport à la version provisoire connue et
critiquée par les signataires de 2019)
70
. L’ECN est d’ailleurs la seule école centrale en région à
avoir rejoint une université de site.
Dans ce contexte, d’ici 2028, le devenir de Centrale Nantes comme établissement-
composante de Nantes Université méritera pour le moins d’être clarifié.
66
Montant résultant de l’article 4 de la convention : 23 323 750
+ 95 776 250
au titre du PIA 1,
auxquels s'applique le taux de 3,413 % (arrêté du 15 juin 2010), soit 4 064 883
par an, et 237 785 136
au titre
du PIA 2, auxquels s'applique le taux de 2,496 % (arrêté du 3 juin 2014), soit 5 935 117
par an.
67
Présidé par le président de Nantes Université, le bureau du directoire réunit le président directeur
général de l’INSERM ou son représentant, le directeur général du CHU de Nants et le directeur de l’Ecole Centrale
de Nantes. Il veille à la cohérence entre la stratégie du déploiement de l’i-site et la politique mise en
œ
uvre au sein
de Nantes Université s’agissant de la santé du futur et de l’industrie du futur. » (Art. 45 des statuts de Nantes
Université.
68
Convention de reversement (Crédits NExT dévolution 2022) entre Nantes Université et l’ECN.
69
Daniel Tardy (directeur de 1968 à 1971 et président du CA de 1983 à 1997), Pierre Vaussy (directeur
de 1982 à 2002) et Patrick Chedmail (directeur de 2002 à 2012).
70
«
S’il est évident que l’Ecole centrale a besoin de partenaires locaux, nationaux, aussi bien
qu’étrangers pour poursuivre son développement, l’apport potentiel d’une tutelle supplémentaire telle que [Nantes
Université] semble loin de répondre aux besoins. Elle garde le besoin fondamental de l’autonomie qui a permis
son développement et sur le plan organisationnel d’une totale liberté de man
œ
uvre dans le respect de la
réglementation en particulier pour
:
le choix et donc la sélection de ses étudiants ; l’existence de droits de scolarité
significatifs (…) ; l’ouverture des CA des établissements d’enseignement supérieur vers la société civile (50/50)
(…).
Une priorité évidente est d’abord la conservation d’une autonomie d’action et celle du modèle commun aux
Ecoles Centrale de province (Lille, Lyon, Marseille) qui elles ont déjà choisi de s’associer aux Universités locales
pour les IDEX ou ISITE, en conservant leur complète autonomie d’EPSCP à côté et non au sein de leurs universités
de proximité
»
.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
34
Enfin, le degré réel d’autonomie de l’ECN au sein de Nantes Université demeure
incertain comme l’atteste l’élaboration récente de son nouveau « contrat d’objectifs de moyens
et de performance » (COMP)
71
destiné à apporter « sous contrôle de performance, un
complément de financement fléché sur des priorités stratégiques partagées entre le ministère et
l’établissement lui-même ». Parmi les 34 établissements qui inauguraient en 2023 ces nouveaux
contrats figuraient Nantes Université et Centrale Nantes. Or, le ministère a apparemment pris
la décision de ne transmettre aux deux entités qu’un COMP commun unique répartissant, sur
une période triennale, 6,7 M
d’engagements financiers de l’État, dont 6,2 M
pour Nantes
Université et 0,5 M
72
pour l’ECN. Mais, ce qui doit évidemment retenir l’attention est le
dernier alinéa de l’article 2 du contrat aux termes desquels « Nantes Université et
l’établissement-composante signataire sont solidaires dans la réalisation des objectifs.
L’éventuel abattement sur le solde sera appliqué uniformément à l’ensemble des établissements
signataires ». Cet abattement est prévu dans le COMP en cas « d’atteinte partielle d’une cible »
dès lors que « (le) versement des crédits est conditionné à la réalisation des actions prévues et
à l’atteinte des cibles associées (…). »
Il est inhabituel qu’une partie de la subvention (SCSP) d’un EPSCP soit tributaire de
l’atteinte d’objectifs assignés à un autre EPSCP, sans que le premier soit assuré de pouvoir
influer réellement sur la réalisation des objectifs du second. Il, en conséquence, très souhaitable
que le ministère de tutelle (DGESIP) puisse expliciter sa position sur cette question
fondamentale, non seulement à propos du cas d’espèce, posé par les COMP respectifs de Nantes
Université et Centrale Nantes) mais, d’une façon plus générale, s’agissant des relations des
établissements expérimentaux avec les établissements-composantes.
3
UN DÉVELOPPEMENT SOUS CONTRAINTE FINANCIÈRE
3.1
Présentation des résultats de l’ECN de 2018 à 2022
Les produits et charges d’exploitation de l’établissement qui s’établissaient
respectivement en 2010, au moment du passage aux responsabilités et compétences élargies, à
16,4 M
et 15,4 M
, s’élèvent, désormais (2022) à 44,4 M
et 44,8 M
.
71
140 établissements sont éligibles à ces contrats d’un budget global de 100 M
et d’une durée
prévisionnelle de trois ans. Leur déploiement est programmé en trois vagues successives sur 18 mois.
72
Soit un niveau au demeurant très inférieur aux montants obtenus par Centrale Nantes ces dernières
années via le dialogue stratégique, qui étaient d’au moins 400 K
/ an.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
35
Les résultats de l’ECN sur la période sous revue sont présentés dans le tableau ci-après.
2018
2019
2020
2021
2022
SCSP
22 088 767
22 066 616
21 941 288
22 956 488
23 358 603
Autres subventions publiques
4 681 157
6 778 398
6 412 611
5 665 662
6 556 056
Autres produits sans contrepartie
directe (dont fiscalité affectée)
596 124
853 796
172 946
674 356
632 682
Ventes de biens ou prestations de
services
10 288 105
10 516 112
10 034 998
9 891 472
10 414 677
Autres produits avec contrepartie
directe
469 393
200 279
247 345
1 651 232
341 299
Produits calculés
5 149 977
4 148 471
5 136 531
2 947 399
3 082 098
Produits financiers
0
0
75 065
0
0
Total Produits
43 272 523
44 563 672
44 020 784
43 786 609
44 385 415
dont hors éléments calculés
38 122 546
40 415 201
38 884 253
40 839 210
41 303 317
Consommation des tiers
5 841 307
5 827 456
5 666 097
5 666 637
6 733 649
Salaires et traitements
16 758 188
17 417 105
18 256 825
17 918 221
19 566 252
Charges sociales
9 394 595
9 511 349
9 793 765
9 744 364
10 503 073
Autres charges de personnel
88 944
97 073
153 430
166 640
787 778
Total de charges de personnel
26 241 727
27 022 527
28 204 020
27 829 225
30 857 103
Autres charges de fonctionnement
2 701 646
2 848 050
2 445 920
2 632 313
2 520 190
Dotations charges calculées
7 886 814
8 415 329
5 780 765
6 570 576
4 688 336
Charges financières
0
75 065
82 473
0
0
Total Charges
42 671 494
44 191 427
42 179 275
42 698 751
44 799 278
dont hors éléments calculés
34 784 680
35 776 098
36 398 510
36 128 175
40 110 942
Résultat
601 029
372 245
1 841 509
1 087 858
(413 863)
Source : Cour des comptes
Ces résultats et leur structure appellent les commentaires suivants.
1°) Sur les cinq derniers exercices, l’ECN a dégagé un excédent cumulé avoisinant les
3,5 M
, malgré un déficit de 0,4 M
, enregistré en 2022.
2°) Le déficit 2022 de 413 863
est expliqué, pour l’essentiel, par la direction de l’ECN,
dans la note de présentation du compte financier de cet exercice, par l’augmentation au
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
36
1
er
juillet, de 3,5 %, du point d’indice des fonctionnaires, non compensée par l’État. Cette note
estime le coût induit pour l’ECN à 370 000
. Cette augmentation a d’ailleurs conduit l’État à
autoriser les EPSCP à mobiliser leurs fonds de roulement pour équilibrer leurs dépenses de
fonctionnement, autrement dit à afficher une perte
73
. Reste que le budget initial de l’ECN
affichait un excédent de 35 000
et que l’établissement a bénéficié d’un complément de
dotation de 270 000
afin de compenser partiellement la hausse du coût de l’énergie.
3°) Néanmoins, si, sur la période sous revue, on neutralise en charges et en produits les
éléments calculés (dotations aux amortissements et aux provisions, dépréciations, reprises
corollaires et sur financements de l’actif), on constate que, depuis 2018, les charges décaissables
ont bien plus augmenté (+ 5,3 M
) que les produits encaissables (+ 3,2 M
).
4°) Or, cette augmentation des charges décaissables est largement due à la croissance
soutenue de la masse salariale comme l’attestent tant les comptes certifiés que les documents
sociaux (bilan social puis à partir de 2021, rapport social unique) de l’ECN.
M
2018
2019
2020
2021
2022
Δ2022/
2018
Masse salariale (RSU 2022)
26,5
27,6
28,6
28,9
30,7
+ 4,2
Comptes certifiés
26,2
27
28,2
27,8
30,8
+ 4,6
Source : ECN.
5°) Même en 2022, il faut nuancer l’explication de la hausse de la masse salariale
imputable à la seule revalorisation du point d’indice (des agents titulaires), soutenue par la
direction de l’ECN, en soulignant que cette revalorisation a été étendue aux agents non titulaires
et que certaines des primes des enseignants-chercheurs ont été revalorisées. Le rapport social
unique pour 2022 est encore plus précis : «
la hausse de la masse salariale en 2022 s’explique
notamment par l’augmentation des effectifs de 4 % en ETPT, de la revalorisation indemnitaire
et statutaire et du repyramidage des enseignants-chercheurs, du GVT, de l’augmentation du
point d’indice au 01/07/2022 et de l’augmentation du SMIC.
»
De fait, le compte financier fait apparaître une augmentation des frais de personnel
dépassant les 30,7 M
par rapport à 2021, la subvention (SCSP) n’augmentant pour sa part que
de 0,4 M
: cette hausse a principalement des causes structurelles sinon tendancielles, à
commencer par celle des effectifs.
6°) Sur la période 2012-2022, le différentiel de variation entre produits encaissables et
charges décaissables est, de surcroît, masqué par les effets de la crise sanitaire qui a limité la
croissance de ces dernières, en 2020 et 2021, en particulier les consommations en provenance
des tiers qui ont baissé par rapport à 2019, puis fortement crû en 2022.
7°) Or, sur cette période, la dynamique des produits encaissables a cependant été tirée
vers le haut par le quadruplement des droits d’inscription pour les diplômes d’ingénieurs passés
73
Lettre conjointe de la DGESIP et de la DAF du MESRI aux présidents et directeurs des établissements
d’enseignement supérieur, en date du 28 septembre 2022.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
37
de 610 à 2 500
/ an, qui a impacté par tiers les effectifs de l’ECN (et des autres écoles
Centrale), à partir de la rentrée 2018 avec effet plein à partir de l’année universitaire 2020.
3.2
Structure financière
Entre 2012 et 2022, la période sous revue, la structure financière de l’ECN a évolué
comme suit.
2018
2019
2020
2021
2022
Fonds de
roulement
3 844 920
9 842 396
11 530 278
14 961 097
14 713 097
BFR
(4 985 896)
(2 015 318)
(4 258 940)
(6 061 435)
(3 747 454)
Trésorerie
8 830 816
11 857 714
15 789 218
21 022 532
18 460 551
p.m. Résultat
601 029
372 245
1 841 509
1 087 858
(413 863)
Source : Cour des comptes d’après ECN.
Au 31 décembre 2022, ce fonds de roulement de 14,7 M
correspondait à un volet
mobilisable d’environ 9,6 M
qu’il convient de mettre en regard avec la programmation
pluriannuelle des dépenses d’investissement de l’ECN.
Adopté le 9 décembre 2021 par son conseil d’administration, le plan pluriannuel
d’investissement (PPI) de l’ECN a été revu à deux reprises et à date, s’élevait à 11 213 750
dont 5 718 230
à prélever sur fonds propres, d’ici 2027/2028. S’agissant des financements
externes à hauteur du solde, l’ECN indique qu’ils proviendront notamment du CPER
2021-2027 pour l’un de ses bâtiments, de l’État via résilience 2 (
Cf. supra
). Eu égard aux
hypothèses d’autofinancement retenues pour ce PPI, celui-ci apparait soutenable mais appelle
néanmoins deux remarques.
D’une part, il ne concerne que les opérations immobilières qui mobilisent
systématiquement les fonds propres de l’Ecole et entrainent donc pour elle une charge nette
d’amortissement alors que s’agissant des équipements de recherche par exemple, il serait
fréquent, selon l’ECN, que les contrats signés prévoient leur prise en charge intégrale par un
tiers-financeur.
D’autre part, et bien que l’ECN n’affiche pas d’impasse en ajustant des dépenses à ses
ressources, la question du financement des investissements est bel et bien posée, l’Ecole ayant
elle-même estimé, hors budget, ses besoins au titre de la rénovation immobilière, à 55 M
. La
programmation pluriannuelle des investissements devrait en conséquence inclure tous les
investissements, y compris non immobiliers, et faire apparaître
a minima
le niveau des
investissements obligatoires (accessibilité) ou urgents (sécurité) qui ne sont pas couverts par les
ressources prévisionnelles.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
38
Recommandation n° 4.
(ECN) : Intégrer l’ensemble des investissements dans le plan
pluriannuel d’investissement d’ici le 30 juin 2024.
3.3
Un budget 2023 adopté en déficit et caractérisé par une hausse sensible
de la masse salariale
Le budget initial pour 2023 avait été adopté par le conseil d’administration de l’ECN,
le 8 décembre 2022, en déficit de plus d’1,2 M
. Cette possibilité avait été ouverte aux EPSCP
par lettre de leur ministère de tutelle le 10 novembre 2022.
Dans ce cadre, dans sa note au conseil d’administration, l’ECN a logiquement justifié
la présentation et l’adoption de son budget 2023 en déséquilibre en arguant qu’il était
«
fortement impacté par le surcoût prévisionnel de l’énergie
», dès lors qu’il était «
prévu une
hausse de 1,7 M
: + 1,5 M
pour l’électricité et 0,2 M
pour le réseau de chaleur
». En
conséquence : «
Compte tenu de l’augmentation prévisionnelle de la facture énergétique et du
déficit de la FAPE
74
(…), le résultat prévisionnel est déficitaire à hauteur de 1 234 K
dont un
résultat déficitaire de 62 K
pour la FAPE et un résultat déficitaire pour l’Ecole de 1 172 K
.
»
Ainsi, ce budget 2023 avait-il été construit en escomptant que, cette fois-ci, l’État
compenserait sur cet exercice la revalorisation du point d’indice des agents publics de + 3,5 %,
mise en
œ
uvre à compter du 1
er
juillet 2022, soit 0,6 M
pour l’ECN, engagement annoncé dans
la lettre précitée du MESRI du 10 novembre 2022 et confirmée dans sa pré-notification reçue
par l’Ecole le 24 novembre 2022. À l’inverse, bien que l’État ait annoncé dans sa lettre du
10 novembre 2022 la mise en place d’un fonds de compensation de la hausse du coût de
l’énergie, l’ECN n’a pu intégrer cette hypothèse dans sa construction budgétaire initiale de
2023, faute d’avoir reçu la notification d’un montant de dotation complémentaire. La lettre du
ministère de tutelle du 10 novembre n’écartait d’ailleurs pas l’hypothèse d’une compensation
partielle.
Dans ce cadre, s’appuyant explicitement sur la déclaration du gouvernement, reprise dans
ce courrier, selon laquelle «
le contexte exceptionnel de hausse des dépenses d’énergie ne doit
pas (…) conduire à remettre en cause (les) projets d’investissement, ni à geler (les) campagnes
de recrutements, ni à dégrader les conditions de recherche et de formation ou l’accueil des
étudiants.
», la direction de l’ECN a présenté et fait adopter un BI 2023 prévoyant des charges
de personnel à hauteur de 33,1 M
, soit une forte augmentation par rapport à 2022 (30,7 M
d’après le RSU). Dans ce même budget, la SCSP est évaluée à 23,6 M
, à rapprocher des
23,35 M
constatés au compte financier 2022.
74
Cf.
infra.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
39
Cette augmentation de la masse salariale découle d’une augmentation programmée des
effectifs, de 54 équivalents temps plein, portant leur total prévisionnel à 517 si on part du chiffre
du BR 2022, soit 463 (le RSU retenant celui de 456).
Quoi qu’il en soit, en 2023, l’augmentation du nombre d’emplois équivalent temps plein
devait résulter des recrutements prévisionnels sur les contrats de recherche, conformément au
principal objectif stratégique de développement de Centrale Nantes.
3.5 Un modèle économique en trompe-l’
œ
il ?
Lors du conseil d’administration du 11 mars 2023, la direction de l’École a présenté un
certain nombre d’éléments relatifs au modèle économique de l’École parmi lesquels une
présentation des recettes du budget 2023 sous forme de graphique circulaire en couleur dont la
conclusion était : «
La part de la subvention de charge de service public est inférieure à 40 %
dans le budget 2023
», conclusion optimiste qui occultait le titre du graphique : « Montant des
encaissements
par origine. »
La stratégie de l’ECN est certes résolument tournée vers un développement de ses
ressources propres tirées de la valorisation de sa recherche notamment vers l’industrie, et de la
diversification de son offre de formation vers des diplômes autres que ceux d’ingénieurs dont
il lui est loisible de fixer librement tout ou partie des frais de scolarité
75
. Néanmoins, (cf.
supra
)
75
Du moins pour ses diplômes d’établissement, car s’agissant des masters, la liberté tarifaire ne concerne
que les étudiants hors pays membres de l’Union européenne (UE) et assimilés, les autres ne s’acquittant que de
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
40
la dynamique des inscriptions y compris pour ces formations rémunératrices, n’est pas
systématiquement au rendez-vous, du moins au niveau espéré.
Ainsi, entre 2019 et 2022, les droits d’inscription des diplômes propres à l’établissement
(augmentés des droits acquittés pour les autres diplômes par des étudiants hors Union
européenne) a chuté de 2,6 M
à 2,15 M
, alors que dans le même temps les droits payés par
les ressortissants européens passaient de 1,3 M
à 2,06 M
. Ce rattrapage était également
favorisé par l’augmentation des droits de scolarité des élèves ingénieurs des Ecoles centrales,
autorisée à partir du 1
er
septembre 2018. L’année 2023 n’a pas remis en cause cette tendance :
«
En termes d’activité, le budget de l’année 2023 est marqué par la diversification des activités
de formation. Il est fait l’hypothèse que le nombre d’étudiants en masters va légèrement
augmenter à la rentrée de l’année universitaire 2023/2024 notamment grâce aux masters
Erasmus Mundus (…) : Les effectifs et le chiffre d’affaire des formations d’ingénieurs
généraliste et de spécialité ainsi que ceux de la formation doctorale sont stables »
et il était
attendu que les trois nouveaux diplômes d’établissement «
génèrent un chiffre d’affaire
prévisionnel à la hausse par rapport au budget initial 2022 (+ 0,7 M
)
»
76
.
En tout état de cause, il est patent qu’à l’ECN, le total des subventions publiques
représente nettement plus de la moitié de ses ressources annuelles (56,4 % en moyenne sur la
période examinée), comme l’atteste le tableau ci-après tiré de ses comptes certifiés
77
.
%
2018
2019
2020
2021
2022
SCSP / Produits encaissables
57,9
54,6
56,4
56,3
56,6
Toutes
subventions
publiques
y
compris SCSP / Produits encaissables
70,2
71,4
72,9
70,1
72,4
Source : Cour des comptes d’après comptes certifiés ECN
Cette réalité n’a pas échappé à l’ECN qui, depuis 2020, calcule dans son tableau de bord
stratégique, un indicateur n°12, intitulé «
Répartition des recettes par nature
» qui, malgré un
périmètre de calcul différent puisqu’il inclut Cinnov
78
, conduit à des pourcentages analogues.
En réalité, le graphique circulaire précité décrit plus l’objectif stratégique de Centrale
Nantes que la réalité. La gouvernance de l’Ecole a fait le constat, également présenté à l’appui
du modèle économique qu’elle a défendu devant le conseil d’administration, que le niveau de
la progression de ses subventions, notamment de la SCSP, contraint son développement.
Avec une SCSP représentant en 2022, 56,5 % des produits encaissables, il n’est pas
contestable que l’ECN affiche néanmoins un degré d’indépendance financière vis-à-vis de
l’Etat particulièrement élevé, pour un établissement de cette nature, puisque ce ratio s’établit
243
par an, montant fixé par arrêté ministériel. Il en est de même pour les diplômes d’ingénieurs : 2 500
pour
les uns, 12 000 pour les autres.
76
Note de présentation du budget initial 2023 à l’attention du conseil d’administration.
77
Les comptes de l’ECN ont fait l’objet, à compter de l’exercice 2011, d’une certification annuelle par
un commissaire aux comptes, sans réserve, sur toute la période examinée par la Cour des comptes.
78
«
Données compte financier ECN + CA ECN Centrale innovation : Comptabilité générale recettes de
fonctionnement y compris SCSP, hors FAPE, hors recettes non encaissables (quote-part reprise des financements
rattachés à des actifs, reprise pour provision ou dépréciations)
».
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
41
en moyenne, au niveau national, à 80 % pour les universités et qu’il évolue à l’intérieur d’une
fourchette comprise entre de 68 % à 76,6 %, pour les trois autres Ecoles centrales en région.
4
POINTS PARTICULIERS EXAMINÉS LORS DU CONTRÔLE
4.1
Le recours à des organismes privés pour la délivrance d’heures de
formation
À plusieurs reprises, l’École centrale de Nantes a eu recours à des vacations
d’enseignement, exécutées par convention sous forme de prestations de service externes,
facturées par des tiers, dans des conditions qui ne semblent pas autorisées par la législation
applicable.
Cette pratique a été observée au sein du département CLES (pour « Communication,
Langues et Entreprises »), où elle semble implantée de longue date. L’agent comptable de
l’ECN, en fonctions entre le 31 mars 2021 et le 15 mai 2023, a d’ailleurs manifesté son intention
de suspendre le paiement de plusieurs factures de ce type émises par différents prestataires.
Dès le 21 juin 2022, l’attention des services de l’ECN était appelée, par l’agence
comptable, sur le risque juridique lié au recours à des conventions de prestations de services
d’enseignement. Le 8 juillet 2022, l’agent comptable saisissait le directeur de l’École afin de
l’informer de ses doutes sur la régularité de la pratique poursuivie par le département CLES et
lui suggérer des solutions. Appelé à donner un avis sur la validité du recours à des tiers,
personnes morales, prestataires de service d’enseignement, rémunérés sur factures, la direction
générale des finances publiques (pôle de soutien aux agents comptables) confirmait peu après
que le recours à des entreprises pour des vacations d’enseignement n’était pas autorisé.
Néanmoins, devant l’émoi suscité par la perspective d’une suspension de paiement et les
relances des prestataires, l’agent comptable acceptait de procéder aux paiements des factures
en suspens au début de l’année 2023.
En tout état de cause, de 2017 à 2022, les conventions de prestations de services
d’enseignement ont donné lieu aux paiements suivants récapitulés ci-après.
Prestataires /
2017
2018
2019
2020
2021
2022
TOTAL
TOTAL
187 513
171 000
166 355
144 379
129 535
94 103
892 885
Source : agence comptable
Or, et malgré une note circulaire contradictoire du ministère chargé de l’enseignement
supérieur et de la recherche, il résulte bien des dispositions combinées des article L. 718-16 et
L. 952-1 du code de l’éducation que les missions de service public, que la loi confie aux EPSCP,
sont exclusivement dispensées par des personnes physiques relevant de catégories de
personnels strictement énumérées dans le code de l’éducation et que des conventions
correspondant à des prestations d’enseignement intervenant dans le cadre de ces formations ne
peuvent être passées qu’avec des établissements d’enseignement ou de recherche. «
Les
missions du service public de l’enseignement supérieur
» étant notamment «
la formation
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
42
initiale et continue (…)
», toujours aux termes des dispositions des articles L. 123-3 et
L. 123-4 du code de l’éducation.
L’article L. 718-16 du code de l’éducation dispose, en effet, que «
les établissements
publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent conclure des conventions de
coopération soit entre eux, soit avec d'autres établissements publics ou privés
», le juge
administratif ayant déjà eu l’occasion de relever qu’une SARL dispensant des prestations
d’enseignement et de formation et, arguant à ce titre qu’elle était «
susceptible de conclure une
convention avec un établissement d'enseignement supérieur
» (aux fins d’exonération fiscale )
ne figurait pas «
au nombre des établissements qui sont visés aux articles 43 à 45 de la loi
susvisée du 26 janvier 1984
79
».
Par ailleurs, l’article L. 952-1 du même code définit strictement la notion de «
personnel
enseignant
», qui comprend «
des enseignants-chercheurs appartenant à l'enseignement
supérieur, d'autres enseignants ayant également la qualité de fonctionnaires, des enseignants
associés ou invités, agents contractuels qui, par dérogation à l'article L. 311-1 du code général
de la fonction publique, peuvent occuper des emplois permanents à temps complet
d'enseignants chercheurs des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, et des
chargés d'enseignement
».
Les conditions de recrutement et de rémunération des chargés s’enseignement sont
d’ailleurs strictement encadrées par le texte du décret n°87-889 du 29 octobre 1987 relatif aux
conditions de recrutement et d'emploi dans l'enseignement supérieur public, dont l’article
1
er
dispose que «
Les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre de
l'éducation nationale peuvent faire appel pour des fonctions d'enseignement, dans les
disciplines autres que médicales et odontologiques, à des chargés d'enseignement vacataires
(…)
» et dont l’article 2 précise que «
Les chargés d'enseignement vacataires sont des
personnalités choisies en raison de leur compétence dans les domaines scientifique, culturel ou
professionnel, qui exercent, en dehors de leur activité de chargé d'enseignement, une activité
professionnelle principale (…)
». À titre dérogatoire enfin, dans les établissements bénéficiant
de responsabilités et de compétences élargies, l’article L. 954-3 du code de l’éducation permet
au président de recruter «
(…) pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents
contractuels : (…) Pour assurer, par dérogation au premier alinéa de l'article L. 952-6 des
fonctions d'enseignement, de recherche ou d'enseignement et de recherche, après avis du
comité de sélection prévu à l'article L. 952-6-1
».
En résumé, la formation initiale ou continue fait partie du c
œ
ur des missions dévolues
aux établissements publics d’enseignement supérieur, qui ne peuvent donc être dispensées que
par des personnes physiques relevant de catégories de personnels strictement énumérées dans
le code de l’éducation. Des conventions correspondant à des prestations d’enseignement,
intervenant dans le cadre de ces formations, ne peuvent être passées qu’avec des établissements
d’enseignement ou de recherche. Le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la
recherche a fait cette analyse, dans une note en date du 26 juillet 2013, en tous points conforme
à une précédente circulaire de 2010, avant de prendre le contrepied de sa première interprétation
dans une note du 20 février 2014. Toutefois, ces nouvelles interprétations semblent toujours en
contradiction avec les dispositions du code de l’éducation : des prestations, comprises au
79
Disposition désormais codifiée au 1
er
alinéa de l’article L. 718-16.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
43
nombre des missions de service public de l’enseignement supérieur, ne sauraient être réalisées
par une entreprise ou une association.
Aucune des dispositions rappelées n’a été respectée dans le cas du recours à des
prestataires de service externes par Centrale Nantes. Le dispositif auquel elle a eu recours lui a
permis d’utiliser les services de deux types d’intervenants des chargés d’enseignement recrutés
conformément au 3
ème
alinéa de l’article L. 951-1 du code de l’éducation, rémunérés en
conséquence, mais aussi les formateurs salariés (pour des rémunérations plus élevées) par les
prestataires de services avec lesquels elle conventionne, ainsi que l’accrédite l’appellation de
«
vacataires par convention
» utilisée au sein de l’ECN pour les désigner. Un courrier interne
à l’agence comptable, daté du 7 juillet 2022, évoque bien «
le recours à la prestation pour ceux
qui ne sont pas éligibles au statut de vacataire
».
Enfin, le recours à ces prestations est critiquable à trois autres titres, qui avaient pourtant
fait l’objet de mises en garde de la part du ministère de tutelle :
-
Tout d’abord, ces prestations, dont beaucoup excédaient le seuil de 25 000
, en deçà
duquel un minimum de formalisme est requis, auraient dû faire l’objet d’une
procédure, adaptée ou formalisée, de commande publique ; il apparaît même que ces
prestations ont toutes été fractionnées en une pluralité de conventions infra-
annuelles, en contradiction d’ailleurs avec la note circulaire du 20 février 2014, dont
l’analyse de fond demeure contestable, mais qui rappelait explicitement rappelé la
nécessité de respecter les règles de la commande publique
80
;
-
La circulaire de 2014 subordonnait la passation de conventions avec des organismes
de formation privés à l’achat de «
prestations que (les établissements publics
d’enseignement) ne peuvent offrir : compétences spécifiques de formateurs, plate-
forme technique, équipements spécifiques, personnels assurant l’encadrement / la
sécurité, etc.
» ; or, pour l’essentiel, les prestations commandées par Centrale Nantes
l’ECN concernaient à 91% des enseignements de langues, de surcroît faciles à
assurer (langue anglaise à 32 % et français / langue étrangère pour 36,5 %) ;
Heures
Français
(langue
étrangère)
Russe
Chinois
Anglais
Finances
Marketing
Softskills
Espagnol
Allemand
TOTAL
2018-2019
879,5
76
152
602
0
0
324
148
0
2 181,5
2019-2020
920,5
76
152
717
0
24
105
174
0
2 168,5
2020-2021
635
76
151,2
952
0
32
96
152
72
2 166,2
2021-2022
619
75
311
682
26
50
188
100
0
2051
2022-2023
437
97
221
102
24
0
64
52
0
997
TOTAL
3 491
400
987,2
3 055
50
106
777
626
72
9 564,2
%
36,5
4,2
10,3
32
0,5
1,1
8,15
6,5
0,75
100
Source : Cour des compte
s
-
Enfin, dans la sélection de ses partenaires, l’ECN n’a pas veillé à ce que le processus
fût, du moins en apparence, exempt de tout risque de conflit d’intérêt au sens de
l’article L. 121-5 du code général de la fonction publique, alors que plusieurs
80
«
Mais il faut dans ce cas (le recours à des organismes de formation au sens du code du travail) se conformer au
code des marchés publics si le montant financier de la prestation dépasse le seuil minimal indiqué dans ce code
».
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
44
personnes formatrices apparaissaient sur le site internet de l’ECN, à la fois comme
chargés d’enseignement, voire comme membres du département CLES et comme
dirigeants des organismes partenaires.
4.2
Le recours à une entité de droit privé pour la valorisation d’une partie
de la recherche scientifique
A l’instar de deux des trois autres « écoles centrales », l’ECN a recours aux services
d’une filiale de droit privé, société anonyme dénommée Centrale Innovation ou Cinnov’, pour
la valorisation d’une partie de sa recherche scientifique ce, conformément au cadre fixé par les
articles L. 533-3 du code de la recherche et L. 762-3 du code de l'éducation, lequel prévoit qu’à
ce titre soit passée entre les établissements délégants et l’entité délégataire une convention
approuvée par leur autorité de tutelle.
Au-delà des actions de valorisation, Centrale Nantes a recours à Cinnov’, qui lui procure
des biens et des fournitures qu’elle met à sa disposition, sans publicité préalable ni mise en
concurrence. Aux termes de l’article 9 (« Acquisition d’immobilisations ») de la convention qui
lie Centrale Nantes à Cinnov’ : « (
la) conclusion d’un contrat et de ses avenants éventuels dans
lequel intervient une unité de recherche de l’ECN peut nécessiter l’acquisition d’un équipement
pour leur réalisation. Ces matériels sont acquis par Cinnov et mis, dès leur acquisition, à
disposition de l’unité qui effectue les recherches. Cinnov enregistre dans sa comptabilité les
amortissements correspondants pour la durée légale en vigueur en fonction de la nature des
matériels acquis, et cèdera ces matériels à l’ECN, pour leur valeur nette comptable
». Cette
disposition est en tous points identique à celle figurant au même article 9 des conventions
régissant les relations entre Cinnov’ et les deux autres Ecoles centrales actionnaires.
Cinnov’ a déjà eu l’occasion de faire savoir, sans jamais varier sur ce point, qu’elle ne
se considérait pas comme une entité soumise au code de la commande publique, probablement
eu égard à la nature des biens qu’elle acquiert pour le compte de ses mandataires et actionnaires.
Or, cette situation, sur laquelle –– l’attention de l’Etat avait été appelée aux fins de
clarification à la suite de précédents contrôles de la Cour des comptes, expose, d’une part, les
établissements actionnaires de Cinnov’ au risque de nullité des procédures concernées en cas
de recours d’un tiers et, d’autre part, les personnes responsables de ces achats au risque de
devoir répondre d’une infraction à une règle de la commande publique.
Le refus de la société Cinnov’ d’appliquer le code de la commande publique s’appuyant
aussi, selon les dires de la présidente de son directoire, sur l’accord implicite du ministère
chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, et plus précisément de son « Service de
l'innovation, du transfert de technologie et de l'action régionale (SITTAR) », l’avis de ce service
a été sollicité.
Pour sa part, le SITTAR a fait savoir qu’il n’a jamais laissé entendre, ni au cas d’espèce
ni en général, que les entités privées prévues aux articles L.533-3 du code de la recherche et
L.762-3 du code de l’éducation, pouvaient s’exonérer de l’application du code de la commande
publique. Il a précisé que son rôle dans la procédure d’approbation des conventions prévues
aux articles précités se limitait à un simple avis au rectorat, en tant qu’autorité chargée du
contrôle de légalité et que la question générale relative au respect, par ces entités, du code de la
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
45
commande publique relevait de la compétence de la direction des affaires juridiques (DAJ) du
ministère des Finances.
La DAJ, enfin, a fait savoir que les achats effectués par Cinnov’ pour le compte des
« écoles centrale » doivent être passés après publicité et mise en concurrence préalables
81
dans
le respect des règles qui s’imposeraient si les acquisitions étaient réalisées par les écoles elles-
mêmes. Plus généralement, lorsqu’une personne agit comme mandataire d’un acheteur soumis
au code de la commande publique, elle doit, pour les contrats passés en exécution de ce mandat,
respecter le droit applicable à l’acheteur en sa qualité de mandant.
En outre, il a été pris acte, comme un élément de fait, qu’il ressortait des précédents
contrôles ayant porté sur Cinnov’ et sur ses écoles actionnaires, qu’aucune entité privée,
chargée de la valorisation de la recherche scientifique d’un EPSCP en application des articles
L.533-3 du code de la recherche et L.762-3 du code de l’éducation, n’appliquerait le code de la
commande publique, situation qui serait connue du ministère de tutelle.
Il y aurait lieu, en présence d’une situation traduisant une non-conformité persistante,
que le ministère chargé de l’enseignement supérieur se saisisse de cette question afin de lui
apporter une réponse appropriée et conforme à la réglementation applicable.
Face à une pratique à risque, le respect du principe de précaution commande à nouveau
à tous les acteurs impliqués dans la chaîne de ces commandes et singulièrement aux dirigeants
de Centrale Nantes de se conformer sans délai aux règles de la commande publique.
4.3
L’important déficit de la fondation universitaire «
Agissons pour
l’emploi
»
La fondation « Agissons pour l'emploi » (FAPE) est une fondation universitaire,
agissant sous l’égide de la FACE (« Fondation Agir Contre l’Exclusion »), soumise aux
dispositions de l’article L-719-12 du code de l’éducation, inséré par l’article 28 de la loi
n° 2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités et des
dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Elle a pour origine la démarche
«
innovante
» de recrutement mise en place en 2003 par une entreprise nantaise de service du
numérique, pour faire face à la pénurie sur le marché de l’emploi de profils informatiques.
En 2019, le "Plan d’investissement dans les compétences" (PIC)
82
reconnaissait
l’efficacité de la méthode, qualifiée de «
médiation agissante
», ayant l’objectif de sortir de
l’exclusion des personnes spécialement formées à cet effet au profil des postes recherchés dans
les entreprises du numérique et de l’industrie. Considérant bien connaitre ces deux métiers,
l’ECN décida de s’investir dans la démarche et le proposa à son conseil d’administration, le
81
Sous réserve évidemment des exonérations prévues par le code de la commande publique lui-même.
82
« Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) constitue l’un des volets du Grand Plan
d’investissement lancé en 2017 (GPI) dont il mobilise environ un quart des crédits (14 Md
sur 57 Md
). Il vise,
au cours de la période 2018 à 2022, à intensifier l’action au service de l’emploi et de la formation professionnelle,
en ciblant les publics les plus fragiles. » (Référé de la Cour des comptes du 2 avril 2021 adressé à la Première
ministre).
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
46
5 mars 2019. Celui-ci approuvait, le 17 juin 2019, les statuts de la nouvelle fondation constituée
au 1
er
janvier 2020 avec comme membres fondateurs, l’ECN et la fondation Manpower Group.
Aux termes de l’article 3 de ses statuts, cette fondation, bien que dépourvue de la
personnalité morale, «
a pour but de collecter, gérer et affecter des ressources destinées à
financer, dans une démarche d’équité sociale, des actions dans les domaines de l’orientation,
de l’insertion professionnelle et de la formation continue conformément à l’article L. 123-3 du
code de l’éducation.
»
En termes de ressources, cette fondation a bénéficié d’une dotation initiale d’un montant
de 150 000
, dont 51 000
de l’ECN et 99 000
de la fondation Manpower. Elle a ensuite
répondu à un appel à projet du PIC et proposé une action déployée sur quatre régions, dont les
Pays de la Loire, consistant «
en la remise en emploi pérenne de bénéficiaires éloignés de
l’emploi et répondant aux profils ciblés par le PIC 100 % inclusion, sur les métiers du
numérique ou de l’industrie
». Au titre de ce projet, évalué à 6 771 728
, il était prévu que
l’ECN reçoive du PIC, sur trois ans, 3 941 384,12
, à charge pour la FAPE, donc l’ECN, de
réunir les 43 restants.
En fait, la fondation universitaire « Agissons pour l’emploi » n’aura duré que trois ans,
son conseil de gestion ayant décidé l’arrêt du projet dès octobre 2022 pour insuffisance de
cofinancements éligibles. En trois ans, la FAPE n’aura obtenu du FIC, à titre d’avance, que
57 % des dépenses qu’elle avait engagées, soit un peu plus de 838 000
, correspondant à moins
de 22 % du financement prévisionnel.
En définitive, outre l’incapacité de trouver des cofinanceurs, le bilan opérationnel du
projet ECN-FAPE apparait médiocre avec 162 bénéficiaires pour un objectif initial de 500, soit
un taux d’exécution inférieur au tiers.
Par ailleurs, la FAPE n’ayant pas de personnalité morale, les produits et les charges de
la FAPE sont intégrées à ceux de l’ECN. Ses comptes font néanmoins l’objet d’une certification
par le même commissaire aux comptes que l’ECN. L’examen des comptes certifiés de la FAPE
fait apparaitre que, sur les trois exercices comptables de 2020 à 2022, elle a enregistré un déficit
cumulé avoinant les 645 000
83
.
De plus, même si la dissolution de la FAPE a été programmée en 2023, son conseil de
gestion a adopté le 1
er
décembre 2022 un budget 2023 prévoyant un déficit supplémentaire de
61 947
.
Par courrier en date du 29 septembre 2023, la Caisse des dépôts et consignations (CDC),
gestionnaire du programme PIC, a confirmé son financement à hauteur de 56,73% ainsi que
l’éligibilité des dépenses engagées par la FAPE. L’École indique avoir adressé en retour un
courrier à la CDC pour lui demander de remonter son taux de participation
84
.
En outre, une provision a été constituée à hauteur de 104 000
pour pallier le risque de
non éligibilité des dépenses découlant de la décision prise en 2021 par la FAPE d’affecter à titre
83
Pertes : 218 130 en 2020 ; 225 337
en 2021 et 199 591 en 2022, soit un déficit cumulé de 643 058
et non 653 058
comme mentionné dans la note ordonnateur sur le compte financier 2022 présentée lors du conseil
de gestion de la FAPE en date du 13 mars 2023.
84
Le PIC pouvant aller jusqu’à un taux de 80 %.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
47
principal une partie des personnels, initialement embauchés pour organiser les formations, à la
recherche et au montage des financements auprès de partenaires publics et privés
85
.
Interrogée sur l’information qui avait été donnée au conseil d’administration quant au
bilan financier de la FAPE, l’ECN a transmis des notes de l’ordonnateur qui ont été présentées
au conseil de gestion de cette fondation et il a été confirmé que le conseil d’administration de
l’École en a bien été destinataire.
En tout état de cause, eu égard à une perte cumulée déjà importante et dont on ne peut
en l’état écarter qu’elle augmente, il sera nécessaire d’établir, après avoir intégré les résultats
de l’audit de la CDC et donc le montant final des concours du PIC, un bilan financier détaillé
et exhaustif de la FAPE et de son impact sur les comptes de l’ECN, afin qu’il soit présenté au
conseil d’administration de l’Ecole.
Recommandation n° 5.
(ECN) : Établir un bilan financier détaillé de la FAPE et le
présenter au conseil d’administration de l’ECN avant le 30 juin 2024.
4.4
Politique d’achat et marchés publics : un cadre formalisé et mis en
œ
uvre
Sur la période 2018-2022, l’ECN passe annuellement entre 7 et 12 marchés de fourniture
et entre trois et 11 marchés de service. Elle conclut selon les années entre 1 et 3 matchés de
travaux.
École d’ingénieurs, l’ECN peut par ailleurs être amenée, en particulier pour ses
matériels à caractère scientifique, à mettre en
œ
uvre les articles L. 2122-1 et R. 2122-3 du code
de la commande publique, soit sans publicité ni mise en concurrence. Ainsi de 2018 à 2020,
inclus, l’ECN a eu recours à cette procédure à six reprises. Les pièces justificatives fournies
comprennent un argumentaire précis et documenté pour justifier le recours à un marché négocié
sans publicité ni mise en concurrence préalables, en général sur la base du 1° de l’article
R. 2122-3 du code de la commande publique. Toutefois, ces documents pourraient non
seulement être signés par le pouvoir adjudicateur et le porteur du projet, mais encore préciser
l’identité et les fonctions de ce-dernier.
L’instruction de la Cour n’a pas révélé d’anomalie majeure
86
dans la gestion des
marchés publics et a permis de vérifier que l’ECN s’était doté d’une procédure des achats de
fournitures courantes et de services y compris pour les achats dont les besoins estimés étaient
inférieurs aux seuils de publicité. En outre, depuis 2023, toutes les personnes participant au
choix d’un prestataire doivent signer une «
déclaration d’absence de conflit d’intérêts dans le
cadre de la passation d’un marché
».
85
Note sur le compte financier de 2021 présentée au conseil de gestion de la FAPE le 8 mars 2022.
86
Au-delà des questions soulevées
supra
.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
48
4.5
La discrète fermeture de l’École Centrale de Maurice
En 2023, le site internet de l’ECN mentionnait encore que Centrale Nantes avait ouvert
en 2016 un campus à l'Île Maurice
dénommé « Centrale Nantes Mauritius Campus », en
collaboration avec un groupe privé «
une des références économiques de l'Île
». Il s’agissait, en
collaboration avec un partenaire local, de «
réaliser un projet de création d’un centre
universitaire d’excellence
» à Maurice, centre «
qui dispenserait des programmes élaborés et
pilotés par Centrale Nantes
». Dès l’année 2016, le recteur des Pays de la Loire avait évoqué
les «
risques financiers et budgétaires
» du projet mais en concentrant toutefois son point de
vue sur l’un aspect du montage envisagé, la création d’une filiale opérationnelle de droit
mauricien.
Dès le conseil d’administration du 17 juin 2019, la direction de l’ECN indiquait l’arrêt
du projet Centrale Nantes Mauritius, dès lors qu’il était «
fait le constat que les candidatures
solvables ne sont pas suffisantes pour ouvrir une nouvelle promotion à la rentrée 2019 et que
le gouvernement mauricien (…) n’autorise pas l’ouverture de master. Les perspectives de
développement à moyen terme de l’antenne de Centrale Nantes à Maurice se trouvent donc
compromises
». Il s’agissait aussi de mettre un terme à l’accord de coopération défini avec le
partenaire mauricien concernant ce projet.
Cette décision a cependant préservé les droits des élèves inscrits puisqu’il semble bien
que la
dernière promotion de 1
ère
année
87
, arrivée pour l'année universitaire 2018-2019 a pu
terminer son parcours au terme de l'année universitaire 2021-2022.
Il reste que la création de l’antenne mauricienne de l’ECN relevait d’un double montage
financier complexe entre celle-ci et, d’une part, une filiale opérationnelle de droit local, d’autre
part, le partenaire mauricien.
L’article 4 de la convention entre l’ECN et sa filiale prévoyait qu’afin de permettre à
celle-ci de réaliser sa mission d’appui, l’École lui reverserait entre autres «
une quotité des
droits d’inscriptions
»
ainsi que d’autres ressources issues des conventions de financement
conclues avec des partenaires.
La convention entre l’ECN et l’autre partenaire local décrit des modalités financières
plus complexes. L’article 7 prévoyait des paiements de loyers, durant une période d’installation
initiale, puis la période d’installation définitive, avec des alternatives pour le calcul du loyer et
une option de construction ou d’achat des locaux spécifiques, le tout avec des modalités
financières de sortie en cas d’arrêt du projet. L’article 8 prévoit le versement par l’ECN de 10 %
des frais de scolarité de la 1
ère
année de
bachelor
pour rémunérer les actions de publicité et de
promotion du programme «
dans un certain nombre de journaux africains
» ainsi qu’«
un
dispositif permanent de recrutement d’étudiants africains et mauriciens
». Enfin, l’article 9.6
organisait un fort peu lisible «
dispositif d’accompagnement financier de la montée en
puissance
».
Selon l’ECN, et conformément aux dispositions contractuelles de l'accord de
coopération, sa dette vis à vis du groupe partenaire local a bien été annulée car l'École a décidé
d’arrêter le projet avant la date butoir contractuelle. L’ECN a transmis à la Cour le bilan
financier de l’opération, tardivement établi en lien avec l’agent comptable, qui fait apparaître
87
Les premiers étudiants sont arrivés pour l'année universitaire 2016-2017 pour quatre années de scolarité.
ÉCOLE CENTRALE DE NANTES (ECN)
49
(en comptabilité budgétaire) un solde négatif de 341 107
. L’École indique ne plus identifier
de risques à venir eu égard à l’absence de flux financier entre elle et Centrale Mauritius depuis
2021. Il lui reste néanmoins à finaliser les formalités de clôture de la filiale et à informer son
conseil d’administration et sa tutelle, qui ne semble pas l’avoir demandé, du bilan de
l’opération.
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