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Parc d’activités La Providence –
Kann’Opé –
Bât. D - CS 18111
97181 LES ABYMES CEDEX
Tél. 05 90 21 26 90
Courriel : «
antillesguyane@crtc.ccomptes.fr
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www.ccomptes.fr/fr/antilles-guyane
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RAPPORT
D’
OBSERVATIONS DEFINITIVES
COMMUNE DE FORT-DE-FRANCE
(Département de la Martinique)
Exercices 2019 et suivants
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires
concernés, a été délibéré par la chambre le 7 décembre 2023
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
1
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
...............................................................................................................
3
1.
UNE SITUATION FINANCIERE ENCORE TRES TENDUE, MARQUEE
PAR DES INSINCERITES BUDGETAIRES ET COMPTABLES
....................
7
1.1 Une situation financière encore très tendue
....................................................
7
Des charges de gestion encore trop élevées
....................................................
7
Une augmentation des produits de gestion soutenue par la fiscalité spécifique
à l’outre
-mer
...................................................................................................
8
Une capacité d’autofinancement en voie récente de rétablissement
.............
10
1.2 Une collectivité encore confrontée à d’importantes difficultés de trésorerie et
à une insuffisance d’investissement
.............................................................
11
1.2.1 Un niveau de trésorerie toujours très dégradé et sujet à caution
..................
11
1.2.2.
Un niveau d’investissement insuffisant
........................................................
12
2 DES RECOMMANDATIONS COMPTABLES ET BUDGETAIRES TROP
TARDIVEMENT ET TROP PARTIELLEMENT MISES
EN ŒUVRE, AVEC
DES CARENCES IMPORTANTES ET PERSISTANTES
...............................
14
2.1 Mettre en place une comptabilité analytique pour les travaux en régie
........
15
2.1.1 Les règles de gestion des travaux en régie
...................................................
15
2.1.2 L’organisation des travaux en régie au sein de la commune
.........................
16
2.1.3 Des frais de gestion comptabilisés à tort dans le calcul des immobilisations 17
2.1.4 Une recommandation partiellement suivie
....................................................
18
2.2 Un enregistrement des amortissements des frais d’étude en nette
amélioration
..................................................................................................
19
2.2.1 Un défaut persistant de suivi de l’amortissement des immeubles de rapport
20
2.2.2 La mise en service des biens immobilisés à effectuer
....................................
21
2.3 Inscrire au compte administratif et au budget les dettes sociales non
mandatées
.....................................................................................................
22
2.3.1 Des conventions avec les organismes sociaux pour apurer un montant énorme
de dettes sociales
..........................................................................................
22
2.3.2 La persistance de la comptabilisation irrégulière de la dette de la CNAF
.....
23
2.4 Procéder au rattachement des charges à l’exercice auxquelles elles se
rapportent
.....................................................................................................
24
2.4.1 Le principe de rattachements à l’exercice des charges et produits
................
24
2.4.2 Une absence grave de maîtrise des opérations de rattachement de charges à
l’exercice, qui fait courir à la collectivité des risques financiers
..................
24
2.5 Clarifier les relations avec ODYSSI en répartissant définitivement les biens
et les moyens liés au service de l’eau et de l’assainissement
.......................
26
2.5.1
La question du transfert comptable des actifs vers la régie communautaire
ODYSSI
........................................................................................................
26
2.5.2 Les modalités de la mise à disposition des biens meubles et immeubles
......
26
2.5.3 Un transfert au calendrier incertain
................................................................
27
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
2
3 LES RECOMMANDATIONS DE REGULARITE FORMULEES EN 2019 EN
MATIERE DE RESSOURCES HUMAINES ONT ETE EN MAJORITE
IGNOREES PAR LA COMMUNE
....................................................................
29
3.1 Supprimer le versement de toutes les primes qui ne sont pas fondées en
droit; instituer un régime indemnitaire conforme à la réglementation pour
les agents qui remplissent les conditions prenant en compte le mérite
individuel à travers la modulation des montants
..........................................
29
3.2 Procéder
à l’émission des titres de recettes en vue du reversement des
sommes indûment perçues au titre de «
l’indemnité de fonction, de sujétion,
d’expertise et d’engagement professionnel
», conformément aux règles
précisées par le Conseil d’Etat
.
....................................................................
37
3.2.1
Le versement d’une IFSE exclusive pour le cadre d’emplois des
administrateurs territoriaux au regard de pièces justificatives est irrégulier 37
3.2.2 La monétisation et le placement sur le régime de la retraite additionnel de la
fonction publique (RAFP) de congés du DGS ont été manifestement
excessifs et irréguliers, et ont procuré à l’intéressé un avantage injustifié
... 39
3.2.3 Des indemnités
d’astreintes irrégulièrement versées à ce collaborateur et
partiellement recouvrées le concernant
........................................................
41
3.2.4 Les conditions d’avancement d’échelon accordées au DGS sont irrégulières
42
3.2.5 Une indemnité exceptionnelle accordée irrégulièrement à ce personnel et des
incohérences constatées au niveau des frais de mission et transport
............
43
3.3 Mettre en place un système de pointage automatique et revoir le dispositif
d’attribution des heures supplémentaires afin de le rendre conforme aux
obligations légales et d’en limiter le versement
...........................................
45
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
3
SYNTHÈSE
Sur la période 2019-2022, la situation de la commune est très tendue et présente
de vrais risques financiers. Depuis 2019, les charges de gestion ont augmenté de 31,4
millions d’euros, nettement plus vite que les produits de gestion
, qui ont cru de 12,8
millions d
’euros.
La dynamique des recettes est seulement portée par la fiscalité
ultramarine (octroi de mer et accises sur
les carburants). L’encours de la dette est élevé
(13,2 millions d’euros en 2022) et l’investissement est insuffisant.
En ne transmettant pas à la chambre le rapport sur les actions entreprises à la suite
de son précédent contrôle de 2019, la commune n’a pas respecté la loi.
La chambre a
donc souhaité évaluer la situation. Elle constate que ses recommandations comptables et
b
udgétaires n’ont que trop tardivement et trop partiellement été mises en œuvre. Aussi,
les comptes présentent encore de sérieuses limites en matière de fiabilité, et ne permettent
pas de cerner tous les engagements réels et les risques qu’ils comportent. C
ela nuit
également à la sincérité des résultats, notamment du fait des défauts dans le rattachement
des charges.
La chambre relève que l’appui de l’assistance technique
dans le cadre du dispositif
des Contrats de Redressement Outre-Mer (COROM), a permis depuis 2021 une mise à
plat de la dette de la commune envers les organismes sociaux, avec lesquels elle a passé
des conventions d’apurement. Toutefois, l’intégralité des montants n’est pas encore
inscrite dans les comptes.
En matière de gestion des ressources humaines, la commune a largement ignoré
les recommandations du dernier rapport de la chambre, pourtant rappelées chaque année
dans ses avis budgétaires.
En novembre 2022, la mise en place très tardive du régime indemnitaire tenant
compte des fonctions,
des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel
(RIFSEEP) ne règle pas les défauts observés. Il comporte de nombreuses irrégularités,
dont par exemple l’attribution d’indemnités de fonctions, de sujétions
,
d’expertises et de
compléments indemnitaires au-delà des plafonds réglementaires. Au préjudice de sa
situation financière, la commune octroie toujours certaines primes en l’absence de bases
légales ou réglementaires.
Elle maintient par exemple
l’application d’
une prime de fonction pourtant abrogée
en 2014. En 2021 et 2022, respectivement 343 000 euros et 176 000 euros ont ainsi été
indûment versés. Des agents de surveillance de la voie publique perçoivent
irrégulièrement une prime non référencée. Depuis 2019, son montant cumulé est de
296 0
00 euros. La chambre rappelle à la commune que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-
321 du 12 avril 2000 l’autorise à demander la répétition des paiements indus effectués au
cours des deux dernières années.
L’ordonnateur s’oppose à la mise en place d’un dispos
itif de contrôle automatisé
du temps de travail, sur lequel repose nécessairement entre autres le versement
d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires. Entre 2019 et 2022, 2,3 millions
d’euros versés n’ont pu ainsi être justifiés.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
4
Recommandations (
régularité
)
Totalement
mis en
œuvre
Mise en
œuvre en
cours
Mise en
œuvre
incomplète
Non mis
en œuvre
Page
Recommandation n
o
1 :
Conformément aux dispositions
de l’instruction budgétaire et comptable M14 (Tome 2,
titre 3, chapitre 3), exclure du coût des travaux en régie à
immobiliser les frais de gestion.
X
18
Recommandation n
o
2 :
Conformément aux articles
L. 2321 27° et R. 2321-1 du CGCT aux dispositions de
l’instruction budgétaire et comptable (tome 2, titre 3,
chapitre 4),
régulariser
les
amortissements
des
immobilisations, et ainsi autoriser une mise à jour de
l’inventaire et de l’état de l’actif
.
X
22
Recommandation n
o
3
Conformément aux articles
L. 2321 29° et R. 2321-2 du CGCT et aux dispositions de
l’instruction budgétaire et comptable (tome 2, titre 3,
chapitre 4), constituer au budget 2023 pour la dette
fournisseur non soldée une provision pour risques et
charges
X
26
Recommandation n
o
5:
Abroger les dispositions illégales
de la délibération du 15 novembre 2022 concernant les
indemnités de fonctions, de sujétions et d’expertises
« régie » et « activité » et appliquer pour les autres IFSE
les plafonds des services déconcentrés de l’Etat exprimés
sur une base annuelle.
X
32
Recommandation n
o
6 :
Mettre en place un contrôle
automatisé du temps de travail des agents.
X
46
Recommandations (
performance
)
Totalement
mis en
œuvre
Mise en
œuvre en
cours
Mise en
œuvre
incomplète
Non mis
en œuvre
Page
Recommandation n
o
4 :
Etablir une stratégie et un plan
d’action
afin
de
faire
avancer
le
transfert
des
immobilisations.
X
28
* Voir notice de lecture
NOTICE DE LECTURE
SUR L’AVANCEMENT DE LA MISE EN ŒUVRE DES RAPPELS AU DROIT ET DES RECOMMANDATIONS
Les recommandations de régularité (rappels au droit) et de performance ont été arrêtées après examen des réponses écrites et des pièces justificatives
apportées par l
ordonnateur en réponse aux observations provisoires de la chambre.
Totalement mise en
œuvre
L
’organisme contrôlé indique avoir mis en œuvre la totalité des actions ou un ensemble complet d’
actions permettant de répondre
à la recommandation, même si les résultats escomptés n
ont pas encore été constatés.
Mise en œuvre en cours
L
’organisme contrôlé affirme avoir mis en œuvre une partie des actions nécessaires au respect de la recommandation et indique
un commencement d
exécution. L
organisme affirme, de plus, avoir l
intention de compléter ces actions à l
avenir.
Mise en œuvre
incomplète
L
’organisme contrôlé indique avoir mis en œuvre une partie des actions nécessaires sans exprimer d’
intention de les compléter
à l
avenir.
Non mise en œuvre
Trois cas de figure :
-
l’
organisme contrôlé indique ne pas avoir pris les dispositions nécessaires mais affirme avoir l
intention de le faire ;
- ou il ne précise pas avoir le souhait de le faire à l
avenir ;
- ou il ne fait pas référence, dans sa réponse, à la recommandation formulée par la chambre.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
5
INTRODUCTION
Le contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Fort-de-France à
compter de 2019 jusqu’à la période la plus récente, a été ouvert le 5 octobre 2022 par
lettre du président de la chambre régionale des comptes de la Martinique, adressée à
M. Didier LAGUERRE, maire de Fort-de-France et ordonnateur en fonctions.
Le contrôle a porté sur la situation financière et le suivi des recommandations
émises par la chambre dans s
on rapport d’observations définitives sur la gestion de la
commune au cours de la période 2012 à 2018
1.
La chambre constate que l’ordonnateur ne lui a pas transmis dans le délai prévu
par la loi (article L. 243-9 du code des juridictions financières), le rapport présenté à son
assemblée délibérante, sur les actions qu'il a entreprises à la suite de ses observations
définitives.
La chambre déplore que son présent contrôle se soit déroulé dans des conditions
difficiles, compte tenu des délais de transmission des documents par plusieurs services de
la commune.
En application de l’article L. 243
-
1 du code des juridictions financières, l’entretien
de fin de contrôle a eu lieu avec l’ordonnateur le 4 mai 2023
.
La chambre, dans sa séance du 24 mai 2023, a arrêté ses observations provisoires
qui ont été communiquées à l’ordonnateur en fonctions.
Par courrier en date du 30 août 2023, l’ordonnateur a demandé un délai
supplémentaire. Par courrier en date du 7 septembre 2023, le président de la chambre
régionale des com
ptes de Martinique lui accordé cette faculté jusqu’au 14 septembre
2023. M. Didier LAGUERRE a répondu par courrier enregistré au greffe de la chambre
le 14 septembre 2023.
Des extraits ont également été adressés à deux tiers, pour ce qui les concernait. Un
tiers a répondu.
Après avoir examiné les réponses obtenues, la chambre, dans sa séance du
7 décembre 2023 a arrêté les observations définitives suivantes.
1
Chambre régionale des comptes de Martinique, rapport d'observations définitives n° 2019-0756
- exercices 2012 à 2017, décembre 2019.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
6
La commune de Fort-de-France
Située dans le département de la Martinique, la commune de Fort-de-France est le
chef-
lieu du département. A l’origine c’est un Fort Royal qui a été bâti dès la seconde
moitié du XVII
ème
siècle pour défendre les positions françaises face aux Anglais et
Hollandai
s. Aujourd’hui, c’est le centre des activités économiques, culturelles et
touristiques de l’île.
Sur une superficie de 44,21 km
2
, sa population est en baisse continue. La
commune comptait 100 080 habitants en 1990, 89 794 habitants en 2007 et 77 410
habitants en 2022.
Fort-de-
France appartient à la communauté d’agglomération de l’espace centre
Martinique (CACEM). Son maire, Didier LAGUERRE, a succédé en 2014 à Raymond
SAINT-LOUIS-AUGUSTIN.
Dans son précédent rapport de 2019, la chambre avait relevé que la commune
n’avait plus les moyens d’assurer son fonctionnement courant étant donné un résultat de
fonctionnement déficitaire de 20 millions d’euros. Sa capacité d’autofinancement
négative ne lui permettait pas non plus d’assurer le financement de ses investis
sements.
Dans son rapport d’observations définitives sur la gestion d’un de ses principaux
satellites, le centre communal d’action sociale
2
(CCAS), elle relevait que sa situation
financière est fragilisée par le déficit structurel du service d’aide à domic
ile et les tensions
sur le budget de l’EPHAD. Elle l’est également dans la mesure où le financement de cet
établissement dépend de la participation communale, dont le déficit budgétaire
prévisionnel pour 2022 était estimé fin septembre dernier par la chambre à 48 millions
d’euros.
Constatant le déficit du compte administratif 2018, la chambre régionale des
comptes de Martinique a proposé un plan de redressement budgétaire en 2019
qui projette
un retour à l’équilibre au plus tard en 2025
3
.
Depuis, elle s’assure chaque année que la
collectivité prenne les mesures suffisantes pour y parvenir.
Dans son dernier avis budgétaire du 24 août 2023
4
, la chambre constate que le
résultat global de clôture du compte administratif de 2022 du budget principal est un
déficit de 52
,2 millions d’euros.
En octobre 2021, la commune a signé avec l’Etat un contrat de redressement
dans
le cadre du dispositif COR
OM d’une durée de trois ans, en vue de rétablir son équilibre
budgétaire.
2
Chambre régionale des comptes de la Martinique, Rapport d'observations définitives n° 2022-
0589 - exercices 2015 et suivants, février 2023.
3
Chambre régionale des comptes de la Martinique, avis budgétaire n° 2019-0128 du 15 novembre
2019 relatif au compte administratif 2018 et au budget primitif 2019.
4
Chambre régionale des comptes de la Martinique, avis budgétaire n° 2023-0028 rectifié, du
24 août 2023.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
7
1.
UNE SITUATION FINANCIERE ENCORE TRES TENDUE,
MARQUEE PAR DES INSINCERITES BUDGETAIRES ET
COMPTABLES
1.1 Une situation financière encore très tendue
Le budget de la collectivité se
compose d’un budget principal d’environ
150
millions d’euros en fonctionnement et 30 millions d’euros en investissement, ainsi
que d’un budget annexe de la régie autonome du service municipal d’action culturelle
SERMAC (d’environ 5,9 millions d’euros en fonctionnement et 0,3 millions d’euros en
investissement)
. L’analyse des comptes qui suit ne porte que sur le budget principal.
Des charges de gestion encore trop élevées
Evolution des charges courantes
en €
2019
2020
2021
2022
Charges à caractère général
12 472 376
10 363 010
17 533 728
12 072 654
+ Charges de personnel
101 353 186
107 078 910
106 387 743
136 575 047
+ Subventions de fonctionnement
20 275 441
17 455 395
18 916 476
17 215 688
+ Autres charges de gestion
4 526 845
4 965 085
10 432 536
4 952 175
= Charges de gestion
138 627 848
139 862 400
153 270 483
170 815 563
+ Charges d'intérêt et pertes de change
6 186 093
5 891 551
5 639 623
5 400 712
= Charges courantes
144 813 941
145 753 951
158 910 105
176 216 276
Charges de personnel / charges
courantes
70,0%
73,5%
66,9%
77,5%
Intérêts et pertes de change / charges
courantes
4,3%
4,0%
3,5%
3,1%
Source
: CRC, d’après les comptes de gestion
La commune de Fort-de-France est encore confrontée à des charges trop élevées
par rapport à ses recettes. Sur la période de contrôle, les charges de gestion connaissent
une augmentation annuelle moyenne de 6 % en raison de l’augmentation des dépenses de
personnel qui suit la même variation annuelle. La part de ces dernières dans les charges
de gestion atteint un niveau très élevé en moyenne 72 %. En 2022, elle représente 77,5 %.
Ce résultat est pour partie imputable aux opérations initiées par la collectivité de
règlement de ses dettes sociales passées. Ceci a eu pour conséquence d’accro
ître
conjoncturellement les dépenses de personnel (136,6
millions d’euros
en 2022).
L’examen des seules rémunérations nettes, c’est
-à-dire exception faite des
cotisations sociales, des impôts liés aux rémunérations et du personnel extérieur, permet
de cern
er l’évolution sous
-jacente des dépenses de personnel en se prémunissant de
facteurs perturbateurs à la comparaison pluriannuelle, par exemple les évolutions de la
législation sociale et fiscale et, surtout, les carences en matière de comptabilisation des
charges sociales.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
8
Depuis 2019, la commune est presque revenue au niveau de rémunérations nettes
de 2009. Après une décennie d’augmentation continue du net à payer aux agents du
budget principal (+ 4,8
millions d’euros
entre 2009 et 2018), le solde du compte 641
«
Rémunérations du personnel
» a été réduit de 4,64
millions d’euros
au cours des
4 exercices 2019 à 2022, soit une évolution annuelle moyenne de -1,6 %.
Evolution des rémunérations nettes du budget principal de Fort-de-France
2018
2019
2020
2021
2022
Solde du compte 641, en
M€
74,58
73,73
72,13
70,69
69,94
Évolution annuelle
-1,1%
-2,2%
-2,0%
-1,1%
Source : Comptes de gestion
La poursuite de l’ajustement en matière de dépenses de personnel requerra que la
commune se fixe une stratégie de gestion des emplois et compétences nécessaires pour
rendre au mieux ses services publics.
Si la maî
trise des rémunérations nettes est en cours, il n’en demeure pas moins
que le règlement de la dette accumulée auprès des organismes sociaux (plus d’une
cinqu
antaine de millions d’euros) pèsera de façon durable sur l’évolution des dépenses
de personnel.
En réponse aux observations provisoires de la chambre, l’ordonnateur considère
que le mandatement de la totalité de la dette des organismes sociaux est effectif sur
l’exercice 2022. La chambre maintient que cette opération aura un impact dans la durée
sur la situation financière de la collectivité.
Une augmentation des produits de gestion soutenue par la fiscalité spécifique à
l’outre
-mer
Evolution des produits de gestion
en €
2019
2020
2021
2022
Ressources fiscales propres (nettes des
restitutions)
90 500 364
92 539 794
98 819 553
104 046 095
+ Fiscalité reversée
14 104 379
14 312 848
14 374 223
14 212 550
= Fiscalité totale (nette)
104 604 743
106 852 643
113 193 776
118 258 645
+ Ressources d'exploitation
2 257 451
1 565 348
2 522 499
2 931 624
+ Ressources institutionnelles (dotations et
participations)
33 676 606
35 649 045
34 634 343
34 414 594
+ Production immobilisée, travaux en régie
4 729 259
3 078 462
3 565 417
2 532 508
= Produits de gestion (A)
145 268 059
147 145 498
153 916 035
158 137 371
Source
: CRC, d’après les comptes de gestion
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
9
Depuis 2019, le montant total des produits de gestion a progressé de 12,8 millions
d’euros.
Cette
hausse est pour l’essentiel due au dynamisme des ressources fiscales
(+ 14,8
millions d’euros), avec une augmentation moyenne annuelle de 3,4 %. La fiscalité
spécifique outre-mer (octroi de mer et accises sur les carburants) explique presque la
moitié de cette évolution (+
7 millions d’euros, soit +
4,1 % par an en moyenne).
Les évolutions législatives des années récentes ont entraîné des transferts entre les
dotations, participations et compensations, d’une part, et la fiscalité, d’autre part. Pour
une comparaison pluriannuelle pertinente, il faut faire masse de ces deux ensembles de
recettes, comme proposé dans le tableau suivant.
Evolution des produits de fiscalité et de dotations et participations
2019
2020
2021
2022
Fiscalité nette (A), en M€
104,60
106,85
113,19
118,29
Dotations et participations (B),
en M€
33,68
35,65
34,63
34,41
Total (A+B), en M€
138,28
142,50
147,82
152,70
Total par habitant (en €)
1 686
1 759
1 870
1 973
Évolution annuelle
2,5%
4,4%
6,3%
5,5%
Source : comptes de gestion.
Les produits de fiscalité et de dotations et participations ont augmenté de
15,4
millions d’euros en 4 ans. Rapportés à la population, ils ont crû de 20
%. A ces
éléments s’ajoutent les subventions exceptionnelles versées par l’Etat dans le cadre du
COROM. En 2022, Fort-de-France a ainsi reçu 3,6
millions d’euros à ce titre, après
1,3
million d’euros accordés dans le contexte de la signature du contrat le
13 octobre 2021.
LE COROM
Pour aider les communes des départements et régions d’outre
-mer en graves
difficultés financières, la loi de finances initiale pour 2021 a créé les contrats de
redressement outre-mer (COROM). Le dispositif est issu des préconisations du rapport
du député Jean-René CAZENEUVE et du sénateur Georges PATIENT « Soutenir les
communes des départements d’outre
-mer, pour un accompagnement en responsabilité »
(décembre 2019).
Les collectivités sont retenues au regard de deux critères : la mise en place de
procédures
de contrôle budgétaire et de règlement d’office du budget par les préfets et les
chambres régionales des comptes et un retour à l’équilibre envisageable sur plusieurs
exercices.
Basé sur un diagnostic préalable, le contrat nécessite des engagements de la
commune sur la mise en œuvre de réformes structurelles visant une meilleure maîtrise
des dépenses, le déploiement de procédures de gestion et une amélioration de la qualité
comptable. Un plan de redressement et une feuille de route des chantiers prioritaires de
la collectivité sont arrêtés. L’Etat s’engage à soutenir l’effort de redressement, en mettant
à disposition une assistance technique, en attribuant une subvention exceptionnelle et une
aide à la résorption des dettes fournisseurs. Ces concours financiers sont attribués en
fonction des résultats obtenus.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
10
La commune de Fort-de-France fait partie des 9 premières collectivités
concernées. Elle a signé son contrat le 13 octobre 2021. La trajectoire financière définie
dans le COROM prévoit un retour à l’éq
uilibre en 2025 (résultat global de clôture positif
de 6,5 millions d’euros), contre un déficit de 61,1 millions d’euros en 2019. Elle repose
principalement sur une baisse de la masse salariale de 4,4 millions d’euros et la réduction
de 226 équivalents tem
ps plein travaillé. D’après un rapport sénatorial de juin 2023, la
situation reste très fragile malgré quelques tendances positives
5.
Une capacité d’autofinancement en voie récente de rétablissement
La capacité d’autofinancement (CAF) brute
6
est le principal indicateur de
performance. Elle mesure la capacité de la commune à dégager des ressources propres
sur son cycle de fonctionnement courant, afin de lui permettre de financer ses
investissements et de rembourser sa dette.
Si en 2019 la CAF brute était négative (-
9,3 millions d’euros), elle redevient
positive en 2022 (+ 32,2 millions d’euros). En 2020 et 2022, elle couvre le règlement des
annuités en capital de la dette. Sa nette évolution entre 2021 et 2022 (+ 121,8 %)
s’explique par une a
ugmentation des ressources fiscales propres cumulée à une baisse des
charges à caractère général en 2022, mais également en partie par la prise en charge en
2021 des dettes fournisseurs
.
Le rétablissement de la CAF est toutefois précaire et devra
se confirmer les exercices suivants.
Les capacités d’autofinancement brute et nette
en €
2019
2020
2021
2022
CAF brute
-9 389 652
11 978 547
-7 014 594
32 237 000
- Annuité en capital de la dette
11 531 118
10 442 240
14 044 840
14 467 733
= CAF nette ou disponible (C)
20 920 771
1 536 308
-21 059 435
17 769 267
Source
: CRC d’après les comptes de gestion
5
Sénat, les contrats de redressement outre-
mer, rapport d’information n° 756 (2022
-2023) du
21 juin 2023 des sénateurs Georges PATIENT et Téva ROHFRITSCH. https://www.senat.fr/rap/r22-
756/r22-7569.html#toc158.
6
La capaci
té d’autofinancement (CAF) s’obtient en soustrayant le montant des dépenses réelles
de fonctionnement à celui des recettes réelles de fonctionnement. Une dépense/recette réelle est une
dépense/recette décaissable/encaissable, c’est
-à-dire ayant un impact en trésorerie.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
11
1.2 Une collectivité encore confrontée à d’importantes difficultés de
trésorerie et à une insuffisance d’investissement
Depuis 2019, les résultats de clôture des comptes de gestion évoluent de façon
erratique. Leur fiabilité est très relative compte tenu des erreurs et insuffisances dans la
tenue des comptes (voir chapitre 2). A titre d’exemple, la sous
-estimation du montant des
charges
à rattacher a pour effet d’améliorer le résultat, tout en faisant courir à la
collectivité des risques importants. Aussi, il est difficile d’en tirer des enseignements sur
la trajectoire financière à venir de la commune.
Résultats de clôture en million
d’euros
2018
2019
2020
2021
2022
Fonctionnement
2,5
-44,3
-36,8
-43,0
-24,4
Investissement
-14,2
26,9
11,7
-7,0
-15,7
Total
-11,7
-17,5
-25,1
-50,0
-40,1
Source : comptes de gestion.
1.2.1
Un niveau de trésorerie toujours très dégradé et sujet à caution
Pour l’analyse de la situation dans les communes antillaises et guyanaises, le
montant des dépôts au compte au trésor en fin d’exercice n’est pas une information
financière fiable. En effet, il ne tient pas compte des mandats en instance de paiement
souvent importants compte tenu des insuffisances de trésorerie auxquelles sont
confrontées les collectivités.
En ce qui concerne Fort-de-France, le niveau de trésorerie nette des mandats en
instance, c’est
-à-dire la trésorerie implicite
7
, est même discutable en
raison de l’absence
de mandatement de factures parvenues à la commune.
Trésorerie implicite de Fort-de-France
au 31/01, en M€
2019
2020
2021
2022
Trésorerie nette des mandats en instance
-35,4
NC
-40,5
-37,8
Source : DGFiP.
7
Le montant des insuffisances de trésorerie en fin d’exercice correspond au solde de trésorerie,
après déduction des mandats en instance de paiement.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
12
Dans sa réponse aux
observatoires provisoires, l’ordonnateur indique qu’au
31 août 2023, la trésorerie nette moyenne mensuelle de la ville (après paiement des
charges) s’élèv
er
ait à 14,5 millions d’euros.
Avec le COROM et son diagnostic initial, ce défaut est en cours de résolution au
fil des exercices concernés. L’amélioration s’initie notamment avec le dynamisme des
recettes déjà évoqué et la maîtrise progressive de la masse salariale.
Si elle consolide son organisation en mettant en place des procédures structurées,
la commune pourra payer ses créanciers et devenir ainsi un acteur public de référence et
de confiance pour ses partenaires et la population.
Par exemple, le capital et les intérêts des emprunts bancaires sont réglés à temps
et pour le bon montant. En revanche, les prestataires sont souvent payés en retard et les
intérêts moratoires légalement dus ne sont jamais versés. Le retour à la règle et aux
standards de gestion sera l’occasion de mettre fin à ce type d’anomalie.
1.2.2.
Un niveau d’investissement insuffisant
A partir de 2023, le principal défi pour Fort-de-France porte sur sa section
d’investissement. Comme la chambre l’a signalé dans ses avis budgétaires, en particulier
celui de 2020, la trop longue absence de maîtrise des charges de la section de
fonctionnement, notamment celles de personnel, a conduit à un autofinancement
durablement négatif, privant la commune des moyens de financer directement ses
investissements.
Le montant cumulé des dépenses d’équipement est depuis 2018 de
5,9 millions
d’euros
.
Les
dépenses d’équipement de Fort
-de-France
En M€
2018
2019
2020
2021
2022
Dépenses d'équipement réelles nettes
2,95
2,46
1,61
3,09
5,76
Évolution annuelle
-16,5%
-34,8%
92,6%
86,2%
Source : comptes de gestion
La commune présente la particularité de réaliser en régie une partie importante de
ses investissements, ce qui accroît leur volume total. Entre 2019 et 2022, le montant
engagé s’est élevé à 13,9 millions d’euros
8
. Toutefois, celui-ci est surestimé dans la
mesure où des frais ont indûment été immobilisés (voir chapitre 2).
8
Travaux en régie : une commune peut pour son investissement soit faire appel à une entreprise
extérieure, soit le réaliser en régie avec son personnel et les matériaux qu’elle achète. Ces immobilisations
sont comptabilisées en intégrant les matières premières et les charges directes (matériel acheté ou loué, frais
de personnel etc.) à l’exclusion des frais financiers et des frais d’administration générale (frais de gestion).
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
13
En 2022, le retour à une CAF positive permet d’augmenter les dépenses
d’équipement au cours des années récentes, même si le niveau encore élevé de la dette ne
permet pas d’atteindre immédiatement un rythme de croisière en mati
ère de nouveaux
emprunts.
En bonne gestion, la commune devra se concentrer sur les opérations cofinancées
(par l’Europe, l’Etat et ses opérateurs, voire la collectivité territoriale de Martinique) et
sur leur mise en œuvre selon les calendriers prévus afin d’éviter tant les dérapages de
coûts que les pertes de subventions. Dans un premier temps, la collectivité pourrait par
exemple cibler les projets d’équipement financés à plus de 92%, afin de ne pas aggraver
son endettement. En effet, son reste à charge serait pratiquement nul du fait du différentiel
existant en Martinique entre le taux de TVA (taux normal à 8,5 %) et celui de FCTVA
(16,404 %).
Dans son référé au premier ministre du 29 octobre 2020
9
, le Premier président de
la Cour des comptes indiquait que « Le dernier contrôle de la commune de Fort-de-France
a conduit à un rapport adopté par la chambre régionale en décembre 2011. La chambre
avait relevé des lacunes importantes dans l’information budgétaire, les comptes ne
traduisant pas fidèlement la situation financière de la commune. Elle avait souligné la
fragilité de la collectivité, en termes budgétaires et de trésorerie, en raison, déjà, de
dépenses de personnel excessives. Le contrôle qui vient de s’achever démontre que, loin
de s’être améliorée, la situation de la commune s’est encore dégradée et nécessite
désormais des mesures correctives plus rigoureuses que lors du constat précédent. Cette
dégradation n’a pas été empêchée par les dispositifs de contrôle, qui ont été inefficaces
pour relever les défaillances et permettre la prise de mesures nécessaires ».
Dans le présent contrôle, la chambre constate en conclusion que depuis, la
situation financière est en redressement.
Celui-ci est toutefois très récent et très fragile,
lié au bon comportement d
e la fiscalité spécifique à l’outre
-mer, aux subventions
exceptionnelles de l’Etat et à une ma
îtrise progressive des dépenses de personnel. En
effet, des risques importants (trésorerie, dettes sociales, défaut de rattachement de
charges, difficultés des satellites de la collectivité), mieux cernés grâce aux travaux
réalisés dans le cadre du COROM, subsistent et obèrent durablement la trajectoire
financière. La démarche de fiabilisation des comptes, qui permettra de porter sur la
situation financière un regard plus sûr et plus transparent, est en cours (voir parties 2 et 3
du présent rapport).
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE __________________
La situation de la commune de Fort-de-France reste très tendue et présente de
vrais risques financiers.
9
Cour des comptes, référé sur la situation financière de la commune de Fort-de-France, 29 octobre
2020.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
14
La chambre souligne que les comptes de la collectivité comportent encore de
sérieuses limites en matière de fiabilité, ce qui nuit à la bonne mesure des engagements
réels et des risques qu’ils comportent, et à la sincérité des résultats.
Depuis 2019, les charges de gestion ont augmenté de 31,4 millions
d’euros
plus
vite que les produits de gestion avec seulement 12,8
millions d’euros
. Cette situation est
pour partie imputable au règlement de la dette sociale passée, qui augmente
conjoncturellement les charges de personnel sur un exercice, mais assainit la situation
financière à venir.
La dynamique des recettes est seulement portée par la fiscalité ultramarine (octroi
de mer et accises sur les carburants).
La capacité d’autofinancement brute se rétablit e
n fin de période. Ce résultat
devra se confirmer. L’encours de dette reste élevé (13
,2
millions d’euros
en 2022) et
l’investissement est insuffisant, malgré la réalisation de travaux en régie. La collectivité
est toujours en grande difficulté de trésorerie. Au surplus, la situation financière de ses
satellites qui dépendent de ses financements, comme le CCAS, n’est pas bonne.
En 2021, la signature avec l’Etat d’un contrat COROM inscrit la collectivité dans
une démarche de rétablissement de son équilibre financier, avec notamment une mise à
plat de la réalité du montant de ses engagements financiers. A ce titre, Fort-de-France a
perçu 3,6
millions d’euros
de subventions exceptionnelles.
______________________________________________________________________
2
DES
RECOMMANDATIONS
COMPTABLES
ET
BUDGETAIRES
TROP
TARDIVEMENT
ET
TROP
PARTIELLEMENT MISES
EN
ŒUVRE, AVEC DES
CARENCES IMPORTANTES ET PERSISTANTES
A l’occasion de son précédent contrôle
10
, la chambre avait formulé 20
recommandations, dont 11 recommandations de régularité (voir en annexe la liste de
celles-ci).
En effet, elle avait relevé que les pratiques de gestion de la commune n’étaient pas
structurées et ne respectaient pas la réglementation budgétaire et comptable en de
nombreux points majeurs :
enregistrement non exhaustif des dettes de fonctionnement (en particulier les dettes
sociales) ;
10
Chambre régionale des comptes de la Martinique, commune de Fort-de-France
exercices 2012
et suivants, août 2019.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
15
défaut de comptabilisation de certaines dépenses obligatoires (amortissements) ;
inscription de recettes de fonctionnement mal justifiées (travaux en régie
immobilisés) ;
insuffisance des rattachements des charges à l’exercice
;
maintien de dispositions irrégulières coûteuses (notamment en matière de personnel
voir partie 3).
L’article 107 de la loi n°
2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation
territo
riale de la République a introduit les dispositions suivantes, aujourd’hui codifiées
à l’article L.
243-9 du code des juridictions financières : « Dans un délai d'un an à compter
de la présentation du rapport d'observations définitives à l'assemblée délibérante,
l'ordonnateur de la collectivité territoriale […] présente, dans un rapport devant cette
même assemblée, les actions qu'il a entreprises à la suite des observations de la chambre
régionale des comptes. Ce rapport est communiqué à la chambre régionale des comptes
[…] » A défaut de n’avoir obtenu, malgré des relances, le rapport de la collectivité sur
leurs mises en œuvre, la chambre a souhaité faire un point sur l’état d’avancement de ces
dernières.
2.1 Mettre en place une comptabilité analytique pour les travaux en
régie
2.1.1
Les règles de gestion des travaux en régie
Lorsqu’elle souhaite effectuer des travaux, une commune peut soit faire appel à
une entreprise extérieure dans le cadre de mise en concurrence, soit les faire réaliser en
régie par le personnel communal si les compétences nécessaires sont disponibles.
Les travaux en régie correspondent à des immobilisations que la collectivité crée
pour elle-
même. Ils sont réalisés par son personnel avec des matériaux qu’elle achète. Ces
immobilisations sont comptabilisées par leur coût de production qui correspond à celui
des matières premières, augmenté des charges directes de production (matériel acheté ou
loué, frais de personnel etc.) à l’exclusion des frais financiers et des frais d’administra
tion
générale (frais de gestion).
Les travaux d’investissement en régie donnent lieu à la création d’une
immobilisation d’un montant équivalent à son coût de production.
Les travaux en régie doivent être de véritables immobilisations créées et non de
simpl
es travaux d’entretien.
L’instruction budgétaire et comptable M14 permet d’affecter en dépenses
d’investissement le montant des charges enregistrées en section de fonctionnement. Ainsi,
les dépenses de main d’œuvre, de petit outillage et de fournitures, in
itialement inscrites
en section de fonctionnement, sont transférées en fin d’exercice au moyen d’une écriture
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
16
d’ordre budgétaire, aux chapitres concernés de la section d’investissement pour
l’immobilisation des biens.
Cette opération repose sur un état des
travaux d’investissement effectués en régie
établi avant la clôture de l’exercice. Doivent y figurer le montant de chaque catégorie de
dépenses ou des portions de dépenses se rapportant au travail ou à l’opération intéressée
et, pour les dépenses de main
d’œuvre, le décompte des heures de travail précisant les
tarifs horaires retenus selon la catégorie de personnel.
Afin de lui permettre d’évaluer de façon précise et sincère les différentes charges
qui contribuent à la réalisation de l’immobilisation, la c
ollectivité doit obligatoirement
tenir une comptabilité analytique. Celle-
ci doit lui permettre d’identifier parmi toutes ces
charges, celles qui se rattachent aux travaux en régie et à chacune des opérations.
En 2019, la chambre recommandait donc la mise
en place d’une telle comptabilité
(recommandation n°1).
2.1.2 L’organisation des travaux en régie au sein de la commune
Sur la période 2019-2022, les travaux en régie, réalisés par les agents communaux
et intégrés en investissement dans le patrimoine de la
commune s’élèvent à 4,7
millions
d’euros en 2019, 3,1
millions d’euros en 2020, 3,6
millions d’euros en 2021 et
2,5
millions d’euros en 2022.
Le repli constaté en 2020 s’explique en partie par la crise sanitaire qui a réduit
l’activité opérationnelle. D’autres facteurs sont à l’œuvre, comme la diminution des
moyens de fonctionnement de la commune en situation de fort déficit de fonctionnement
et d’insuffisance de trésorerie (achat d’intrants, matériel opérationnel, effectif
mobilisable).
Les travaux en régie sont suivis par la cellule contrôle de gestion de la Direction
générale adjointe chargée des services techniques et de l’adaptation du patrimoine
(DGASTAP).
Au sein de cette direction générale, 4 services sont amenés à procéder à la
réalisation de travaux en régie :
le service du patrimoine bâti ;
le service de gestion des infrastructures ;
la régie de production ;
le servic
e d’éclairage public et de signalisation.
Ponctuellement, d’autres directions en dehors de la DGASTAP peuvent réaliser
des travaux
en régie (aménagement du paysage…).
Dans chacun de ces services un correspondant contrôle de gestion est chargé de
saisir dans l’outil AS 400 le détail utile des travaux réalisés. Chaque direction établit un
rapport journalier, alimenté par les
contributions des chefs d’équipe, permettant
d’identifier les engins, le nombre d’agents utilisés et le nombre d’heures effectuées.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
17
La collectivité n’a pas transmis de procédure écrite de traitement des travaux en
régie. Dans le cadre du contrôle, la chambre a pu obtenir des informations du contrôleur
de gestion et ainsi appréhender le dispositif suivi.
Tout au long de l’année, pour chaque chantier effectué, un rapport journalier est
complété et signé par le chef d’équipe. Chaque chantier dispose d’un code
particulier qui
renvoie à une opération. Ce rapport journalier liste les agents qui ont travaillé et le nombre
d’heures effectué pour chacun d’eux. Le document mentionne également les fournitures
utilisées pour la réalisation des travaux.
Les informations
sont vérifiées et reportées dans l’outil AS 400 au sein des
cellules contrôle de gestion de chaque direction.
Le service de contrôle de gestion de la DGASTP vérifie la fiabilité des chiffres
enregistrés et assure la synthèse des informations saisies par les différents correspondants.
En fin d’année, il communique à la Direction des affaires financières le montant annuel
des travaux à comptabiliser en investissement.
2.1.3 Des frais de gestion comptabilisés à tort dans le calcul des immobilisations
L’analyse
détaillée des montants des travaux transmis chaque année par le
contrôleur de gestion permet de décomposer la nature des travaux.
Travaux en régie décomposés par nature de travaux
Nature des travaux
2019
2020
2021
2022
Main d’œuvre
2 601 474
1 734 244
2 098 678
1 547 761
Fournitures
672 842
443 910
485 928
290 107
Engins (location)
523 894
281 649
269 125
180 664
Produits d’ateliers
10 663
15 246
10 110
17 290
Outillage
132 178
90 337
107 342
74 602
Frais de gestion
788 209
513 076
594 236
422 084
TOTAL
4 729 259
3 078 462
3 565 417
2 532 508
Source : Commune et compte de gestion
Le montant titré au compte 722 «
immobilisations corporelles
» en fin d’année
comprend le montant des frais de gestion, contrairement à ce que prévoit la
réglementation en la matière.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
18
Chaque année la comptabilité analytique établie par la cellule contrôle de gestion
permet de décomposer par nature de dépense le bilan des travaux en régie réalisés.
Cependant le montant total calculé est repris à l’identique par la directio
n des affaires
financière dans les documents financiers sans soustraire les frais de gestion, fixés
conventionnellement par la commune à 20 % des autres coûts (ce qui revient à dire que
les frais de gestion amplifient de façon factice de 16,7 % le total transféré en section
d’investissement).
En 2019 par exemple, le montant des frais de gestion comptabilisé à tort
11
s’élevait
à 788 209 euros sur un montant total des travaux de 4,73
millions d’euros. Sur la
période
de contrôle, 2,3 millions d’euros ont ainsi été comptabilisés à tort en
investissement, ce
qui a pour effet d’améliorer d’autant
de façon artificielle le résultat de la section de
fonctionnement et également la capacité d’autofinancement. A titre d’illustration, un tel
montant représente environ 10 % du résultat de clôture de la section de fonctionnement
en 2022.
La chambre lui recommande d’exclure conformément aux dispositions de
l’instruction budgétaire et comptable M 14, les frais de gestion du
montant transféré en
immobilisation, comme elle le lui rappelle chaque année depuis 2020 dans ses avis
budgétaires.
Recommandation n°1 :
(
Régularité
) Conformément
aux
dispositions
de
l’instruction budgétaire et comptable M 14 (Tome 2,
titre 3, chapitre 3), exclure du coût des travaux en régie
à immobiliser les frais de gestion.
2.1.4 Une recommandation partiellement suivie
En 2019, les charges de personnel représentaient 56,1 % du montant total des
dépenses réalisées en régie. En 2022, ce pourcentage s’élève à 61,1 %. Les écha
nges avec
les services ont dégagé deux principaux facteurs explicatifs à cette baisse de productivité :
la difficulté à disposer de matériel opérationnel et des intrants nécessaires ; un effectif
moins mobilisable (état de santé du personnel, notamment).
La collectivité a déterminé pour chaque agent un taux horaire par métier et par
grade. Si les moyens informatiques actuels peuvent permettre de reporter le coût exact de
chaque d’entre eux, la répartition retenue peut être estimée conforme à la règlementati
on
car elle ressort d’une comptabilité analytique.
Par ailleurs, le décompte des heures ne fait l’objet d’aucun recoupement de
cohérence, automatisé ou semi-
automatisé, par exemple sur le nombre d’heures déclaré
pour chaque agent ou encore le volume horaire pour tel type de chantier. Cette démarche
11
Circulaire NOR/INT/B/94/00257C du 23 septembre 1994. Les frais financiers et des frais
d’administration sont exclus de l’assiette de calcul des travaux en régie.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
19
permettrait non seulement de fiabiliser le dispositif, mais également d’en tirer profit en
termes d’arbitrages et d’organisation du travail.
De manière incidente, la chambre estime que les pourcentages de coûts appliqués
à l’outillage sont un peu élevés au regard de l’utilisation normalement moins concentrée
sur quelques chantiers dudit outillage.
En résumé, la collectivité dispose bien d’une comptabilité analytique et a pris les
mesures nécessaires pour met
tre en œuvre la recommandation énoncée au précédent
rapport de la chambre. Cependant, elle pourrait améliorer sa comptabilisation des coûts
de personnel et de l’outillage.
2.2 Un enregistrement des amortissements des frais d’étude en nette
amélioration
Dan
s son rapport d’observations définitives précité, la chambre écrivait
: « Fort-
de-France a inscrit à son actif 5,14
millions d’euros de frais d’études en 2017. La plupart
ne sont pas récentes et n’ont pas été suivies de réalisation. Il convient donc de les
amortir
à hauteur, au minimum, d’un cinquième par année, soit environ 1
million d’euros. Or, la
ville n’a inscrit que
320 000
au titre de ces amortissements. Une dotation
supplémentaire de 700 000
€ doit donc être prévue pour l’amortissement de ces bien
s »
12
.
Répondant à la saisine préfectorale du 2 juillet 2019, la chambre a pu actualiser et
affiner son analyse dans l’avis budgétaire n°
2019-0128 du 15 novembre 2019, publié le
19 novembre 2019, relatif au compte administratif de 2018 de la commune de Fort-de-
France : « CONSIDERANT que la commune détient à son actif des études, inscrites au
bilan pour un montant de 4 366 394
€ ; que ces études qui n’ont pas donné lieu à
réalisation de travaux, doivent faire l’objet d’un amortissement sur cinq ans ; qu’une
partie de ces études, pour un montant de 1 262 000 € est antérieure à 1996 et qu’il n’est
pas fait obligation par les textes de les amortir ; qu’en revanche, il y a lieu d’inscrire une
dotation aux amortissements de 538 018 €, correspondant au cinquième de
la valeur
restante des actifs (3 104 394
€), nette des amortissements déjà comptabilisés
(82 861
€)
».
La commune a amorti les frais d’études à hauteur de 1
829 019,74
depuis 2019,
au compte 28031 «
Amortissements des frais d’études
» : 631 436,06
au compte
administratif (CA) de 2019, 604 556,05
au CA de 2020 et 593 027,63
au CA de 2021.
12
La formulation intégrale de la recommandation n° 2 était
: Amortir les frais d’études à hauteur
de 700 000 € par an (compte 6811 «
Dotations aux amortissements des immobilisations incorporelles et
corporelles
»), les immeubles de rapport ainsi que les imm
obilisations relatives aux réseaux d’eau et
d’assainissement (compte 2153 «
Réseaux divers
» à inscrire au compte 6811 pour un montant de
22,06
millions d’euros au 31 décembre 2017).
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
20
Au 31 décembre 2018, le compte 28031 était créditeur de 305 316,54
. Au
31 décembre 2021, il était créditeur de 1 918 904,12
€. Quelques frais d’études
totalement
amortis entre ces deux dates ont pu être sortis du bilan.
Les amortissements constatés sur le compte 28031 au cours de cette période
n'avaient pas été repris dans les fiches d’inventaire, ce qui n’avait pas permis au
comptable de les répartir da
ns l'état de l'actif. Ainsi, à l’issue de l’exercice 2021, la valeur
brute du compte 2031 «
Frais d’études
» s’élevait à 4
287 477,87
et les amortissements
à seulement 248 763,36
dans l’état de l’actif, contre 1
918 904,12
au bilan au compte
28031 «
Amortissements des frais d’études
».
A l’occasion des travaux préparatoires à la régularisation, la commune et le
comptable ont identifié qu’une étude de 1
671 007,44
, relative à la rénovation de
l’habitat insalubre du quartier Trénelle, avait été suivie
de travaux et, par conséquent, ne
devait pas être amortie, mais plutôt transférée vers le compte d’immobilisation corporelle
adéquat. In fine, un « sur-amortissement » de 190 492,48
a ainsi été identifié et corrigé
en 2022 par le débit du compte 28031«
Amortissements des frais d’études
». Des frais
d’études totalement amortis pour un total de 1
710 012,07
ont été sortis du bilan en
2022.
Il résulte de ces éléments que la question de l’amortissement des frais d’études
non suivis de travaux est correctement appréhendée par la commune.
2.2.1 Un défaut persistant de suivi de l’amortissement des immeubles de rapport
Un point d’attention mérite d’être souligné
: la bonne réalisation des opérations
repose sur l’implication d’une seule personne à Fort
-de-France, sans procédure écrite ni
organisation polyvalente permettant de palier son éventuelle absence. Le dispositif ne
peut donc être considéré comme sécurisé.
Les immeubles de rapport, imputés au compte 2132, sont productifs de revenus
(bail, droit d’occupation,). Ils sont amortissables dès lors qu’ils ne sont pas affectés à
l’usage du public ou à un service public à caractère administratif.
Dans le rapport d’observations définitives de 2019, la chambre rappelait
: « les
collectivités sont aussi tenues d’amor
tir les biens immobiliers productifs de revenus. La
ville dispose d’un actif de 1
,85
millions d’euros
d’immeubles de rapport, dont la
construction remonte, pour certains, à 1980. L’obligation d’amortir est imposée pour les
biens acquis depuis le 1
er
janvier 1996. Il est donc nécessaire que la ville se conforme à
cette obligation ».
Le bilan fait effectivement apparaître 1 853 305,43
sur ce compte, montant qui
n’a pas varié au cours de la période de contrôle. Aucun amortissement n’a été constaté
depuis la formulation de la recommandation.
L’état de l’actif tenu par le comptable public identifie 6 biens imputés au compte
2132 «
Immeubles de rapport
», avec des dates d’acquisition comprises entre 1980 et
1991. Antérieurs à 1996, ces biens n’ont pas à être am
ortis.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
21
Toutefois, la commune n’a produit aucun élément permettant à la chambre de
s’assurer que la comptabilisation des immeubles de rapport repose sur un recensement
exhaustif et correctement évalué. En outre, elle n’a pas précisé si une partie des
57 083 459,88
enregistrés au compte 2313 «
Immobilisations en cours
constructions
»
concernait des travaux mis en service relatifs à des immeubles de rapport.
2.2.2 La mise en service des biens immobilisés à effectuer
Les transferts des comptes d’immobilisations en cours vers les comptes
d’immobilisations en service ne sont pas faits. Il n'y a pas d'ajustement entre l'inventaire,
l'état de l'actif et la comptabilité.
Le solde débiteur du compte 231 «
Immobilisations corporelles en cours
» était
de 142,6
millions d’euros
en balance d’entrée 2019 et s’élève à 165
,9 millions
d’euros
dans le compte de gestion 2022. Une partie de ce montant n’est peut
-être pas encore à
mettre en service ou a trait à des catégories d’immobili
sations non amortissables. Il est
également possible qu’une partie soit très ancienne et indistincte, appelant des modalités
de régularisation à envisager avec le comptable et la direction générale des finances
publiques.
Pour autant, le reste doit être c
lairement identifié et faire l’objet d’une mise en
service au plus près du fait générateur, d’une part, et d’amortissements et de rattrapage
d’amortissements, d’autre part. Par exemple, le solde débiteur du compte 2315
«
Installations, matériel et outillage techniques en cours
» représente plus de la moitié du
compte 231 précité. Il est passé de 80,7
millions d’euros
à 96
millions d’euros
entre début
2019 et fin 2022. Or, cette imputation renvoie à des immobilisations qui doivent être
amorties une fois mises en service (compte 215).
Dans ses observations définitives de 2019, la chambre relevait qu’«
En outre, la
commune détient dans son patrimoine des biens qui devraient être affectés à un organisme
doté de la personnalité morale, la régie des eaux Odyssi ». En effet, elle détient dans son
actif (compte 2153) des réseaux d’eau, pour une valeur historique de 17
,89 millions
d’euros, et d’assainissement, pour une valeur de 34
,6
millions d’euros
. Ces biens, qui sont
utilisés par Odyssi, doivent figurer aux comptes 24 «
Immobilisations affectées,
concédées, affermées ou mises à disposition
» et non au compte 21 «
Immobilisations
corporelles
» de la collectivité affectante. Ils doivent être transférés au bilan d’Odyssi.
Ces réseaux sont des biens productifs de revenu affectés à un service public
industriel et commercial (SPIC). Ils doivent donc être amortis en application de l’article
R. 2321-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), au moins pour la partie
des biens acquis après le
1
er
janvier 1996.
Or, ils n’ont fait l’objet d’aucun amortissement.
Normalement, l’affectataire du bien doit poursuivre l’amortissement des biens à partir du
moment où ces biens lui ont été affectés (M14). Il appartient à la collectivité d’amortir
les biens tant qu’ils ne sont pas affectés à l’entité bénéficiaire. La ville de Fort
-de-France
doit donc procéder à leur amortissement, sans omettre de rattraper le retard.
Si la collectivité avait amorti les biens des principales opérations destinées à
l’alimentation en eau potable et à l’assainissement, elle aurait mandaté 22
,06 millions
d’euros
au 31 décembre 2017, correspondant à des annuités de 1,11
millions d’euros
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
22
depuis la date de mise en service des équipements ». La commune a comptabilisé ces
amortissements en 2019. En
2021, le comptable public a décelé d’anciennes erreurs de
comptabilisation entre le budget principal et les budgets annexes «
Eau
» et
«
Assainissement
», toutes antérieures à 2000. Cela a conduit en 2021 à corriger de
6,8
millions d’euros
le montant amorti dans les comptes du budget principal de la
commune, comme la chambre l’a constaté à l’occasion de son dernier contrôle budgétaire
en 2022.
Recommandation n°2 :
(
Régularité
) Conformément aux articles L. 2321 27° et
R. 2321-
1 du CGCT et aux dispositions de l’instruction
budgétaire et comptable (tome 2, titre 3, chapitre 4),
régulariser les amortissements des immobilisations, et
ainsi autoriser une mise à jour de l’inventaire et de l’état
de l’actif.
2.3 Inscrire au compte administratif et au budget les dettes sociales non
mandatées
13
2.3.1 Des conventions avec les organismes sociaux pour apurer un montant énorme de
dettes sociales
Au cours de la période sous revue, les avis budgétaires de la chambre régionale
des comptes soulignent les défauts de comptabilisation des dettes so
ciales. L’absence de
leur juste appréciation dans les comptes masque la réalité de la situation financière de la
commune. Au surplus, cela porte préjudice à une construction budgétaire sincère et
transparente.
En 2022, les travaux menés par l’assistance t
echnique prévue par le COROM ont
permis une mise à plat de la situation réelle. Des conventions ont été signées avec les
principaux créanciers sociaux, à l’exception de la CNAF (Caisse nationale des allocations
familiales, cf. infra). Les dettes reconnues
par la commune à leur égard s’élèvent à
53,3
millions d’euros, soit l’équivalent de 31 % des charges de gestion de cet exercice
:
-
CGSS (Caisse générale de la Sécurité sociale)
: 19,4 millions d’euros ;
-
CNRACL (Caisse nationale de retraie des agents des collectivités locales,
gérée par la Caisse des dépôts et consignations) : 29,3
millions d’euros
;
-
FNC SFT (Fonds nationaux de compensation du supplément familial de
traitement, gérés par la Caisse des dépôts et consignations) : 3,2 millions
13
La formulation exhaustive de la recommandation n° 4 était « Inscrire au compte administratif et
au budget les dettes sociales non mandatées, en tant que restes à réaliser en dépenses de fonctionnement,
soit 11,79 millions d’euros au compte 645 «
Charges de sécurité sociale et de prévoyance
».
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
23
d’euros
;
-
FIPHF
P (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction
publique)
: 1,4 million d’euros.
Ces montants comprennent 4,8 millions d’euros de majorations et pénalités
susceptibles de pouvoir faire l’objet d’une remise gracieuse à terme, dans l’hyp
othèse où
Fort-de-France respecterait les échéanciers convenus. A ce stade, ils sont dus, doivent
être comptabilisés et constituent une hypothèque sérieuse sur l’évolution de la situation
financière.
Par ailleurs, l’examen des opérations passées en 2022 su
r le fondement des
conventions précitées révèle des défauts de comptabilisation pour un montant total de
4,9
millions d’euros
:
-
absence de mandatement de 4,2 millions d’euros au profit de la CGSS,
correspondant aux majorations rémissibles et aux pénalités (respectivement
4
millions d’euros et 0,2
million d’euros)
;
-
absence de mandatement des majorations CNRACL (0,6
million d’euros)
;
-
absence de 0,1
million d’euros dans le mandatement de la dette ancienne à
l’égard du FIPHFP.
2.3.2 La persistance de la comptabilisation irrégulière de la dette de la CNAF
En outre, comme le rappelle chaque année la chambre dans ses avis budgétaires,
la commune de Fort-de-
France n’a pas mandaté l’ensemble de sa dette à l’égard de la
CNAF sur la correcte imputation budgétaire et comptable.
A l’issue de l’exercice 2022, le montant en cause est de 2
,5
millions d’euros
au
chapitre 012 «
Charges de personnel
». Si la commune respecte, malgré quelques retards,
l’échéancier de décaissements annuels convenu avec la CNAF en 2019, la
chambre relève
que le dispositif d’étalement de la charge mis en place déroge aux règles budgétaires. En
effet, la collectivité n’a pas obtenu de dérogation interministérielle nécessaire, comme lui
rappelle systématiquement la chambre dans ses avis budgétaires.
Les 7,6
millions d’euros
de paiements réalisés depuis 2020 n’ont pas été imputés
au chapitre budgétaire correct, le 012 relatif aux charges de personnel. A ce montant, il
convient d’ajouter la dernière échéance de 2
,5
millions d’euros
prévue en 2023, non
encore mandatée à la fin de l’exercice 2022. Cette pratique minore la réalité des charges
de personnel et améliore artificiellement la capacité d’autofinancement de 10
,1 millions
d’euros
.
En définitive, la commune ne suit que partiellement la recommandation n° 4
d’inscription au budget et au compte administratif, de ses dettes sociales.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
24
2.4 Procéder au rattachement des charges à l’exercice auxquelles elles
se rapportent
2.4.1 Le principe de rattachement à l’exercice des charges et produits
Le rattachement des charges et des produits aux exercices concernés est effectué
en application du principe comptable d’indépendance des exercices. Il vise à faire
apparaître, dans le résultat de l’exercice, les charges et les produits qui s’y rapportent.
Les communes de plus de 3 500 habitants sont tenues de pratiquer cette
comptabilité pour toutes les dépenses et produits de fonctionnement qui ont donné lieu à
service fait entre le 1
er
janvier et le 31 décembre de l’exercice et qui n’ont pas été
comptabilisés par mandats et titres ordinaires.
Dans son rapport de 2019 relatif aux exercices 2012 à 2018, la chambre avait
constaté que la collectivité ne procédait pas aux opérations de rattachement des charges
à l’exercice.
2.4.2 Une absence grave de maîtrise des opérations de rattachement de charges à
l’exercice, qui fait courir à la collectivité des risques financiers
Au cours de son contrôle, la chambre n’a pas identifié au sein de la direction des
affaires financières de procédures écrites relatives aux opérati
ons de fin d’exercice. La
collectivité inscrit chaque année des montants de rattachement de charges au compte
administratif, sans qu’il soit possible de s’assurer que ces opérations soient exhaustives
et fiables.
En effet, les états informatiques fournis par la commune mettent en évidence des
délais importants de traitement des factures et des services faits, donc de possibles défauts
de rattachements à l’exercice.
Ainsi, 23 768 mandats sur factures ont été émis au cours des exercices 2019 à
2022. Le 13 fév
rier 2022, l’état des lieux suivant est constaté par la chambre
:
-
4 % de ces mandats n’avaient pas encore été payés, tous se trouvant en
situation de dépassement du délai réglementaire de paiement (30 jours);
-
un certain nombre de factures reçues avant la c
lôture de l’exercice n’étaient
pas encore mandatées ; 84 % sont en dépassement du délai de 30 jours,
générant un total de plus de 3,6 millions d’euros d’intérêts moratoires, y
compris l’indemnité forfaitaire de 40 euros
;
-
les dépassements sont significatif
s, symbole d’une désorganisation complète
de la chaîne de la dépense. Dans 52 % des cas, le délai de paiement est
supérieur à 90 jours ;
-
les engagements de régularisation sont avérés dans 34 % des cas (plus de 8 000
occurrences). L’obligation de l’engagement préalable n’est pas respectée, ce
qui affecte la sincérité budgétaire, réduit les capacités de pilotage en gestion
et provoque in fine un surcroît de charge pour les agents concernés;
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
25
-
le délai de traitement par les services de l’ordonnateur, de la
réception de la
facture jusqu’au mandatement, est dans 57 % des cas supérieur aux 20 jours
prévus à l’article 12 du décret n°
2013-269 du 29 mars 2013. Le service fait
est certifié en plus de 15 jours dans 51 % des cas et les mandats sont émis dans
36 % des cas plus de 5 jours après le service fait. Ces mauvais résultats ne sont
pas le fait d’un manque d’agents, mais d’un déficit d’organisation de la chaîne
de la dépense.
Le non-
respect de la procédure classique présente l’inconvénient supplémentaire
de com
pliquer l’apurement des factures. Ainsi, plus de 2
500 factures émises entre 2019
et 2022, d’un montant total d’environ 16
millions d’euros, n’étaient pas encore mandatées
au 8 février 2023. Le mandatement permet l’enregistrement budgétaire et comptable de
la dette en cause.
Le fait que des factures de 2019 ou 2020 ne soient toujours pas traitées à l’issue
de l’exercice 2022 démontre l’absence de qualité du recensement des charges à payer à
la clôture de chaque exercice, et fait peser des risques financiers supplémentaires sur la
situation financière de la collectivité. D’ailleurs, lorsque la procédure classique en matière
de dépenses n’est pas respectée, comme cela a été montré statistiquement supra, les
services sont contraints à une surcharge de travail pour les opérations de rattachement,
dans des conditions dégradées qui compliquent l’atteinte de l’objectif d’exhaustivité.
Factures émises de 2019 à 2022 et non encore mandatées au 8 février 2023
*Factures non mandatées au 08/02/2023
Année d'émission de la facture
2019
2020
2021
2022
total
Nombre restant au 08/02/2023
408
753
393
1 028
2 582
Montant (en M€)
2,2
3
6,2
4,7
16,1
Intérêts moratoires au
08/02/2023 (en M€)
0,6
0,6
0,9
0,1
2,2
Source : extraction du logiciel de suivi des factures par la commune de Fort-de-France.
Le montant des intérêts moratoires indiqué dans le tableau ci-dessus est un
minimum, fondé sur la date d’arrivée enregistrée par les services de Fort
-de-France dans
le logiciel financier. La chambre s’étonne, par exemple, que cer
taines factures de 2019
aient une «
date d’arrivée
» affichée à fin 2022.
Surtout, les fichiers transmis ne concernent pas les factures émises antérieurement
à 2019. Rien ne permet donc d’écarter la possibilité que des factures antérieures à cette
date ne soient pas encore mandatées, donc non enregistrées en comptabilité. Les intérêts
moratoires seront d’autant plus importants que le paiement en principal de la dette aura
été tardif.
L’engagement n°
2 « résorption de la dette non bancaire de la ville » du COROM
signé avec l’Etat en octobre 2022 comprend, d’une part, un «
plan de résorption de la
dette sociale
» et, d’autre part, «
un plan de résorption de la dette fournisseurs ». La dette
fournisseur réelle s’avère supérieure à celle jusqu’ici affichée. En a
pplication du principe
de prudence, la commune doit donc inscrire une provision.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
26
Recommandation n°3 :
(
Régularité
) Conformément aux articles L. 2321 29° et
R. 2321-
2 du CGCT et aux dispositions de l’instruction
budgétaire et comptable (tome 2, titre 3, chapitre 4),
constituer au budget 2023 pour la dette fournisseur non
soldée une provision pour risques et charges
D’après l’ordonnateur, «
a
u cours de l’exercice 2022
, la ville a complètement
repensé sa chaine de dépenses et l’organisation des circuits de commande et de
mandatement
(…)
1es délais de paiement sont ainsi passés de 120 jours à 80 jours, soit
une réduction de 30 % des délais de paiement
». La chambre relève d’une part qu’aucun
document ne lui a été transmis à l’appui de
ces
déclarations et, d’autre part, que
de tels
délais sont trop élevés.
La chambre constate donc que sa recommandation n°3
n’est toujours pas mise en
œuvre. Cette situation fait courir à la collectivité des risques financiers importants.
2.5 Clarifier les relations avec ODYSSI en répartissant définitivement
les biens et les moyens liés au service de l’eau et de l’assainissement
14
2.5.1
La question du transfert comptable des actifs vers la régie communautaire
ODYSSI
Le transfert des compétences « Eau potable » et « Assainissement » a été opéré au
profit de la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) par arrêté
préfectoral du 31 décembre 2002 pour ce qui concerne l’assainissement et par arrêté
préfectoral du 30 septembre 2003 concernant l’eau potable.
La CACEM avait approuvé ce
tte extension de compétence à l’eau potable et à
l’assainissement par délibération communautaire du 14 décembre 2001.
Depuis le 1
er
janvier 2004, la régie communautaire de l’eau et de l’assainissement
« ODYSSI
» a été chargée par l’établissement public de l’exploitation de ce service à
caractère industriel et commercial.
2.5.2 Les modalités de la mise à disposition des biens meubles et immeubles
Les modalités sont précisées aux articles L. 1321-2 et L. 321-5 du CGCT. Lorsque
la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition,
leur remise a lieu à titre gratuit, ce qui est le cas pour ce transfert.
14
Recommandation n° 20.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
27
Cependant, tous les biens immobiliers qui supportent les équipements industriels
ne sont pas maîtrisés juridiquement par la commune de Fort-de-France. Ainsi, elle a
procédé à un classement des biens en catégorie, en tenant compte du degré de maîtrise
juridique.
-
catégorie 1 : les équipements reposant sur les terrains dont la ville est
propriétaire avec des titres de propriété ;
-
catégorie 2 : les équipements reposant sur des terrains dont la ville est
présumée propriétaire, mais pour lesquels aucun titre de propriété n’a été
produit ;
-
catégorie 3
: les équipements reposant sur des terrains dont l’Etat est
propriétaire ;
-
catégorie 4
: les équipements reposants sur le sol d’autrui et pour lesquels
la régularisation des emprises foncières doit être réalisée.
2.5.3 Un transfert au calendrier incertain
Un procès-verbal a été signé le 7 octobre 2019 avec la CACEM transférant les
25 biens relevant de la catégorie 1. Toutefois, des difficultés opérationnelles sont
apparues, avec parfois des conséquences juridiques. Par exemple, des riverains allèguent
que la construction d’un ouvrage empiète sur leur propriété et réclament une remise en
éta
t conforme aux plans d’origine. Dans un autre cas, les voisins de l’infrastructure ont
empiété sans autorisation sur le terrain, empêchant l’accès à l’ouvrage par l’exploitant.
Dans un troisième cas, la parcelle en cause a été utilisée en partie par la commune pour
une opération immobilière et ne peut donc être transférée en l’état.
Il reste des opérations à mener dans le cadre du foncier pour lequel la commune
est réputée propriétaire, sans qu’elle soit en mesure de le justifier (catégorie 2). Elle s’était
engagée à lancer les procédures de prescription acquisitive avant le 31 décembre 2021.
Selon la collectivité, aucun office notarial n’a pour le moment accepté de prendre en
charge l’une de ces procédures.
Concernant les équipements reposant sur des terrai
ns dont l’Etat est propriétaire
(catégorie 3), la collectivité n’a pas été en mesure de justifier les démarches effectuées
auprès des services de celui-ci pour négocier les conditions de mise à disposition ou
d’acquisition. Il en est de même pour les équip
ements de la catégorie 4 qui reposent sur
le sol de personnes privées. Elle n’a pas non plus été en mesure de transmettre les
démarches ou évaluations effectuées en matière de régularisation des emprises foncières.
Au-delà de la recommandation de 2019 stri
cto sensu, qui n’est que trop
partiellement mise en œuvre, la collectivité devra également vérifier le passif et les
charges liés à l’actif, approfondir ses travaux sur la facturation d’ODYSSI et conforter
les dimensions juridiques et financières relatives aux agents mis à disposition du service
public de l’eau et de l’assainissement.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
28
Recommandation n°4 :
(
Performance
) Etablir une stratégie et un plan d’action,
afin de faire avancer le transfert des immobilisations.
______________________ CONCLUSION INTERMEDIAIRE __________________
Sur la période 2019 à 2022, la commune de Fort-de-
France n’a mis en œuvre que
trop tardivement et trop partiellement les recommandations comptables et budgétaires
établies par la chambre régionale des comptes dans son rapport de 2019.
Les seules avancées concernent la comptabilité analytique pour le suivi des
travaux en régie, dont elle doit encore exclure les frais de gestion, et les amortissements
pour frais d’étude, ses autres obligations en la matière n’étant pas encore respectées.
Grâce à l’appui de l’assistance technique du COROM,
la commune a également
procédé à l’évaluation du montant de sa dette auprès des organismes sociaux, avec
lesquels elle a passé des conventions d’apurement. Toutefois, l’intégralité de ce montant
n’est pas inscrite dans ses comptes. Cette situation obère le
redressement financier de la
collectivité.
La commune ne respecte toujours pas le principe d’indépendance des exercices.
En effet, les rattachements des charges ne sont pas exhaustifs. L’absence de procédure et
de contrôle interne induit une incapacité à évaluer la réalité des engagements contractés
et des factures non encore identifiées. Dans cette situation, les délais de paiement des
fournisseurs s’allongent et le montant des intérêts moratoires à régler augmente. La
collectivité doit provisionner ces dettes.
Le transfert des biens entre la commune et ODYSSI doit également s’accélérer
par la mise en place d’un plan d’action et d’un calendrier.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
29
3
LES
RECOMMANDATIONS
DE
REGULARITE
FORMULEES EN 2019 EN MATIERE DE RESSOURCES
HUMAINES ONT ETE EN MAJORITE IGNOREES PAR LA
COMMUNE
3
.
1
Supprimer le versement de toutes les primes qui ne sont pas fondées
en droit; instituer un régime indemnitaire conforme à la
réglementation pour les agents qui remplissent les conditions
prenant en compte le mérite individuel à travers la modulation des
montants
15
3.1.1 Des primes et indemnités, parfois irrégulières, non remplacées par le RIFSEEP,
alors en vigueur pour certains agents depuis 2014
Pourtant alertée par le rapport d’observations définitives de 2019 et les avis
budgéta
ires annuels, la commune a continué de verser les primes irrégulières et n’a pas
cherché à recouvrer les indus et laisse les montants en cause se prescrire.
Le régime indemnitaire de la ville de Fort-de-
France se compose de plus d’une
centaine de primes. 108 délibérations ont été communiquées pour justifier les primes et
indemnités servies aux agents.
Sur la période sous revue, ce régime est le même que celui en vigueur lors de la
période 2015-2019. Les irrégularités constatées demeurent donc : non-application du
régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de
l’engagement professionnel (RIFSEEP) et octroi de certaines primes en l’absence de
bases légales ou réglementaires.
Les indemnités versées aux agents étant nombreuses, la chambre a contrôlé un
échantillon :
-
les indemnités pour travaux dangereux, insalubres incommodes ou salissants ;
-
l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS)
;
-
l’indemnité d’administration et de technicité (IAT)
;
-
indemnité forfaitaire aux polices
;
-
la prime de fonctions et de résultats (PFR) ;
-
l’indemnité de participation hors échelle (IPTHE)
;
-
les heures supplémentaires, les indemnités d’astreinte et l’indemnité forfaitaire
15
Recommandation n° 11.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
30
pour élections (IFCE).
3.1.1.1 La transposition du RIFSEEP dans les collectivités territoriales
Conformément aux dispositions de l’article 88 de la loi du 26
janvier 1984, le
RIFSEEP a été transposé en 2016 dans la fonction publique territoriale dans le respect de
deux principes :
-le principe constitutionnel de libre administration, en vertu duquel le régime
indemnitaire ne s’applique que dans les conditions fixées par délibération;
-le principe de parité entre la fonction publique territoriale et la fonction publique
de l’Etat, selon lequel les collect
ivités territoriales sont liées par le plafond du régime
indemnitaire applicable aux corps comparables de l’Etat.
Les personnels de l’Etat bénéficient d’une indemnité de fonctions, de sujétions et
d’expertises (IFSE) et d’un complément individuel annuel (C
IA) comportant des
montants plancher et des montants plafond, alors que dans les collectivités territoriales,
l’organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe
les critères, sans que la somme des deux parts ne puisse dépasser le plafond global des
primes octroyées aux agents de l’État.
Les administrations de l’Etat ont prévu de maintenir le même niveau de régime
indemnitaire perçu par leurs agents lors de l’entrée en vigueur du RIFSEEP.
S’agissant
de la fonction publique territoriale, son maintien est préconisé au « titre des primes et
indemnités liées au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats », conformément à
l’article 6 du décret n°
2014-513 du 20 mai
2014 modifié portant création d’un régime
indemnitaire ten
ant compte du RIFSEEP dans la fonction publique de l’Etat.
Ce régime est composé d’une indemnité principale, l’IFSE, à laquelle peut
s’ajouter un CIA versé en fonction de l’engagement professionnel et de la manière de
servir. Le dispositif a vocation à remplacer progressivement tous les régimes
indemnitaires existants, notamment :
-
la prime de fonctions et de résultats (PFR), abrogée le 31 décembre 2015 par le
décret 2008-1533 du 22 décembre 2015 ;
-
l’indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de tr
avaux supplémentaires
(IFRSTS), abrogée le 31 décembre 2015 ;
-
l’indemnité d’exercice de missions des préfectures (IEMP), abrogée le
31 décembre 2016, par le décret n°2017
829 du 5 mai 2017
-
l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaire (IFTS),
attribuée uniquement
aux professeurs territoriaux chargés de direction administrative et pédagogique.
La généralisation du RIFSEEP devait originellement intervenir au plus tard le
1
er
janvier 2017 conformément au décret n° 2014-513 précité. Il est progressivement
entré en vigueur, par la publication d’arrêtés interministériels fixant la liste des corps et
emplois y étant éligibles. Ces différents arrêtés étalent les dates de mise en œuvre aux
filières et aux cadres d’emplois qui s’y rapportent entre le 1
er
juillet 2015 et le
1
er
janvier
2022. Au chapitre des exclusions, les grades d’assistants d’enseignement
artistique et les professeurs d’enseignement artistique ainsi que les agents appartenant à
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
31
la filière police municipale, les gardes champêtres et les sapeurs-
pompiers n’entrent pour
l’instant pas dans le champ d’application.
Les collectivités disposent d’un délai raisonnable pour délibérer et mettre en place
la nouvelle réglementation relative au régime indemnitaire. La circulaire DGCL-DGFIP
du 3 avril 2
017 note que la notion de délai raisonnable relève de la jurisprudence et qu’elle
est appréciée au cas par cas par le juge administratif. La même circulaire insiste
néanmoins sur le fait qu’il «
est préférable de ne pas attendre que tous les corps
équivalents de la FPE soient passés au RIFSEEP, mais plutôt de prendre des délibérations
pour les cadres d’emplois concernés au fur et à mesure, compte tenu de l’échelonnement
dans le temps du passage au RIFSEEP des corps de la FPE
». L’instruction
interministérielle du 28 septembre 2021 prévoit que «
si les collectivités ont disposé d’un
délai raisonnable pour délibérer sur ce fondement, il leur appartient désormais de se
mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions et d’instituer le RIFSEEP en lieu et
pla
ce des anciens régimes indemnitaires au profit de l’ensemble des cadres d’emplois
éligibles. […] Vous rappellerez cet impératif aux collectivités et établissements publics
qui n’ont pas encore délibéré sur la mise en place du RIFSEEP et veillerez, par tous
les
moyens à votre disposition, à ce que cela soit mis en œuvre dans les meilleurs délais
».
Par conséquent le délai de transposition peut être raisonnablement considéré comme
révolu depuis le 1
er
octobre 2021.
3.1.1.2
Une entrée en vigueur très tardive et pour partie irrégulière du RIFSEEP
Au cas d’espèce, la ville de Fort
-de-France a délibéré le 15 novembre 2022 sur
l’application du RIFSEEP. Cette délibération n’appelle pas d’observation particulière sur
la forme. Sur le fond, quelques modifications devraient être toutefois opérées :
-
la création d’une indemnité complémentaire «
IFSE régie », non référencée
réglementairement et en sus de l’IFSE, pour valoriser «
les responsabilités liées
aux régies d’avances et de recettes
», va à l’encontre des règles
établies par le
décret n° 2014-
513. En effet, l’IFSE intègre déjà la «
responsabilité financière »
au sein des «
sujétions particulières ou le degré d’exposition du poste au regard
de son environnement professionnel » ;
-
la création d’une indemnité compléme
ntaire « IFSE activité », non référencée
réglementairement et en sus de l’IFSE, pour compenser la suppression de
l’indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes et salissants, va à
l’encontre des règles établies par le décret n°
2014-513. En effet
, l’IFSE intègre
déjà les «
sujétions particulières ou le degré d’exposition du poste au regard de
son environnement professionnel
» ;
-
s
’agissant du montant plafond réglementaire de l’IFSE et du CIA versé aux cadres
d’emplois des administrateurs territoriaux, l’arrêté applicable à compter du
1
er
janvier
2023 est l’arrêté du 23
novembre 2022, et non celui du 29 juin 2015,
-
s
’agissant du montant plafond IFSE réglementaire des cadres d’emplois des
auxiliaires de puéricultrice, la collectivité a retenu 11 800 euros, réservé à
l’administration centrale, et non le plafond versé aux services déconcentrés, qui
est de 9 000 euros ;
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
32
-
s
’agissant du montant plafond IFSE réglementaire des cadres d’emplois des
techniciens territoriaux, la collectivité a retenu les montants de 19 660
(groupe
1), 18 580
(groupe 2) et 17 500
(groupe 3 et 4), réservés à l’administration
centrale. Les montants des services déconcentrés que doit appliquer la collectivité
sont respectivement de 17 480 euros, 16 015 euros et 14 650 euros ;
-
Les montants plafonds individuels de l’IFSE et du CIA doivent être exprimés sur
une base annuelle, et non mensuelle.
Recommandation n°5 :
(
Régularité
) Abroger les dispositions illégales de la
délibération du 15 novembre 2022 concernant les
indemnités de fonctions, de sujétion
s et d’expertises
« régie » et « activité » et appliquer pour les autres IFSE
les plafonds des services déconcentrés de l’Etat exprimés
sur une base annuelle.
Dans sa réponse aux observations provisoires, l’ordonnateur a déclaré que,
concernant le montant
plafond des IFSE des cadres d’emploi des auxiliaires de
puériculture et des techniciens territoriaux, comme pour le RIFSEEP, « une nouvelle
délibération sera présentée devant le conseil municipal afin de mettre à jour la délibération
et les montants plafonds des IFSE et CIA. »,
ce qu’à la date du
présent
délibéré n’était
pas le cas.
3.1.1.3 Des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants
attribuées au vu de délibérations très anciennes, mais en l’absence de décision
individuelle
La chambre a vérifié si la commune de Fort-de-France avait payé à son personnel
les 60 indemnités relatives à des « travaux dangereux, insalubres, incommodes ou
salissants », conformément aux décrets n° 67-624 du 23 juillet 1967 modifié et
n° 98-1057 du 27 mai 2005 et des arrêtés ministériels du 2 décembre 1969, 13 janvier
1972, 11 août 1975, 4 mars 1976, 9 juin 1980, 18 mars 1981, 9 décembre 1999 et 27 mai
2005, et si celles-ci avaient été expressément transposées par délibérations du conseil
municipal.
L
a collectivité a communiqué deux délibérations, l’une prise le 27
janvier 1984,
accordant «
une prime d’insalubrité ou de risque allouée aux personnels municipaux […]
affectés aux tâches de désinfection, de désinsectisation et de dératisation présentant des
risques d’intoxication ou de contamination
», l’autre adoptée le 27
février 1986, dans
laquelle le maire propose «
d’appliquer à certains agents les primes et indemnités relatives
aux travaux de peinture et vernissage au pistolet, de graissage et réparation de moteurs de
véhicules, à l’utilisation des scies à ruban, toupies, raboteuses et dégauchisseuses et à
l’utilisation de débroussailleuses, de faucardeuses et de tronçonneuses
».
Ces délibérations, bien que très anciennes, étaient encore en vigueur au cours des
exercices contrôlés. L’organe délibérant avait fixé un cadre précis concernant les travaux
indemnisés en application de l’arrêté ministériel du 9 juin 1980 relatif à diverses primes
et indemnités du personnel communal dont les taux et le montant sont déterminés par des
textes applicables aux agents de l'État. Néanmoins, dans les pièces de dépense, elles
n’étaient pas accompagnées des décisions individuelles permettant la liquidation de ces
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
33
indemnités notamment par l’application des taux pour chaq
ue catégorie de travaux. En
outre, ces délibérations ne pouvaient être maintenues au-delà du délai raisonnable de
transposition du RIFSEEP, en tout état de cause au plus tard le 1
er
octobre 2021.
Au cours du seul mois de janvier 2022, la commune de Fort-de-France a payé plus
de 100 000 euros au titre de ces indemnités, soit environ 1 200 000 euros
pour l’année
entière, en année pleine au bénéfice de 706 agents, selon les fichiers de paie transmis par
la commune. Sur la période 2019-2022, cela représente 4,8
millions d’euros
.
De plus, le décret n° 67-624 du 23 juillet 1967 modifié indique que
« les
indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants ne sont pas
cumulables entre elles, ni avec les indemnités de risques et de sujétions spéciales ». Or,
les agents concernés cumulent fréquemment plusieurs de ces indemnités.
La simple « reprise
» de ces indemnités dans le cadre de la mise en œuvre du
RIFSEEP, sans réflexion sur les fonctions, les sujétions et l’expertise des intéressés,
revient
à pérenniser un avantage injustifié. La recommandation de la chambre n’a donc
pas été mise en œuvre.
Elle rappelle à la commune que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril
2000 l’autorise à demander la répétition des paiements indus effectués au
cours des deux
dernières années.
3.1.1.4 Une indemnité pour travaux supplémentaires (IFTS) encore irrégulièrement
octroyée entre 2019 et 2022
L’IFTS a été créée par le décret n°
2002-63 du 14 janvier 2002. Elle permet aux
agents de catégorie B (à partir
de l’indice brut 380) et A de percevoir cette indemnité
lorsque le travail effectué va au-delà de la durée réglementaire du travail. Les filières
administratives, sportives, culturelles et animations étaient éligibles jusqu’à l’instauration
du RIFSEEP, intervenant entre le 1
er
janvier 2015 et le 1
er
mars 2020.
Or, certains agents de la ville de Fort-de-France ont continué à la percevoir en
2021.
Par conséquent, la recommandation de la chambre n’a pas été suivie, puisqu’entre
2019 et 2022, plusieurs agents ont encore perçu cette indemnité.
3.1.1.5 Une indemnité d’administration et de technicité (IAT) encore attribuée
L’IAT fait partie des primes qui ont été absorbées par le RIFSEEP. Les agents
concernés auraient dû passer au RIFSEEP entre le 1
er
janvier 2016 et le 27 mai 2018,
exception faite des agents de la filière police. Or, les agents de la catégorie C et B (jusqu’à
l’indice 380) ont continué à percevoir irrégulièrement cette indemnité au cours de la
période de contrôle.
Il en est de même que pour l’IFTS
. En effet, plusieurs agents des catégories
précitées ont perçu l’IAT, sous la période sous revue.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
34
La commune n’a donc pas mis en œuvre la recommandation du précédent rapport
de la chambre.
3.1.1.6 Des primes non référencées juridiquement ou inexistantes attribuées à des agents
de surveillance de la voie publique (ASVP)
La rubrique PRIME/ASVP extraite de l’application Xémélios montre que certains
agents appartenant au grade des adjoints administratif ou technique ont perçu, en qualité
d’ASVP, des primes sous l’appellation
:
-
gardien de groupe scolaire ;
-
sécurité aux abords des écoles ou sécurité écoles ;
-
forfaitaires aux polices ;
-
forfaitaire AMU ;
-
ASVP.
Or, conformément à la réglementation, le cadre d’emploi susmentionné était
éligible, avant l’application du RIFSEEP, à l’IHTS, l’IAT et l’IEMP. Les délibérations
du 1
er
juin 2006, 31 janvier 2012, 28 mai 2013, 27 janvier 2015, 26 mai 2015 et toutes
celles qui suivent ne donnent pas de précision sur le régime indemnitaire des ASVP, mais
elles fixent les taux p
our les filières éligibles à l’IAT.
Ces primes et indemnités ne sont pas correctement référencées ou n’existent pas.
Ainsi, l’indemnité forfaitaire aux polices ne peut leur être servie, car les fonctions
d’ASVP ne sont pas assimilées à celles des policiers
municipaux.
Par conséquent, la collectivité a payé aux agents en question ces primes ou
indemnités sans fondement juridique ou à un cadre d’emplois non éligible. La somme en
cause prise en charge par la commune s’élève à environ 74
000
en 2022, soit de
l’ordre
de 296 000
sur la période de contrôle.
3.1.1.7 Une prime de fonctions et de résultats abrogées en 2014 et versées sur la période
sous revue
La collectivité a payé à plusieurs agents la prime de fonctions et de résultats (PFR),
laquelle comprend une part fonctionnelle déterminée selon le niveau d’expertise de
l’agent et une part liée aux résultats individuels, conditionnée par la manière de ser
vir
appréciée à l’occasion de l’évaluation annuelle, conformément au décret n°
2008-1533
du 22 décembre 2008.
Toutefois, ce décret a été abrogé et remplacé par le décret n° 2014-513 du 20 mai
2014 portant création du RIFSEEP.
Ainsi, la collectivité ne pouvait plus continuer à verser cette prime aux agents de
catégorie A, car celle-
ci n’avait plus de base réglementaire depuis le 31
décembre 2015.
La chambre rappelle à la commune que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-321 du
12
avril 2000 l’autorise à demander
la répétition des paiements indus effectués au cours
des deux dernières années. Ainsi, sur la base des éléments qui lui ont été fournis, elle
évalue à 343 316 euros en 2021 et 175 676 euros en 2022 les montants de remboursement
à réclamer aux agents ayant perçu irrégulièrement cette PFR.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
35
3.1.1.8 Une indemnité participation hors échelle (IPTHE) versée sans base légale
Bien que ce point de contrôle n’ait pas fait l’objet de recommandation lors du
dernier contrôle de la chambre, elle a souhaité l’examiner, car il révèle l’attribution d’une
indemnité présumée irrégulière à une ingénieure en chef hors classe.
En effet, la collectivité lui a versé une IPTHE de 17 314,92 euros en 2021 et
15 965,91 euros en 2022, soit 33 280,83 euros au total, comme indiqué ci-après.
Détail de l’indemnité perçue par
l’ingénieure
en chef hors classe
Mois
2021
2022
janvier
1 442,91
1 442,91
février
1 442,91
1 442,91
mars
1 442,91
1 442,91
Avril
1 442,91
1 442,91
Mai
1 442,91
1 442,91
Juin
1 442,91
1 442,91
juillet
1 442,91
1 442,91
Août
1 442,91
1 442,91
septembre
1 442,91
1 442,91
octobre
1 442,91
1 518,03
novembre
1 442,91
1 461,69
décembre
1 442,91
0,00
TOTAL
17 314,92
15 965,91
Source : Xémélios
Pour justifier cette indemnité non référencée réglementairement, la collectivité a
joint un document vierge.
Par conséquent, les paiements effectués en faveur de
l’ingénieure
en chef hors
classe sont irréguliers, car dépourvus de fondement juridique. La collectivité est invitée à
l’en informer.
La chambre rappelle à la commune que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-321 du
12
avril 2000 l’autorise à demander la répétition des paiements indus effectués au cours
des deux dernières années. Ainsi, elle l’invite à
demander
à l’ingénieure
en chef hors
classe le remboursement de cette somme.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
36
3.1.1.9
Des IHTS et indemnités accordées en l’absence de pièces justificatives et une
IFCE versée à des agents non éligibles
La collectivité a pris trois délibérations
relatives à l’indemnité horaire pour
travaux supplémentaires (IHTS). La première, en date du 13 février 1992, accorde un
forfait mensuel de 10 heures par agent. La deuxième, datée du 24 octobre
2000, l’attribue
aux cadres d’emplois des agents d’animation jusqu’au 7
ème
échelon. La dernière, prise le
30 juillet 2002, précise les dispositions des décrets n° 2002-60 et 2002-63 du
14 janvier
2002. Ces délibérations sont imprécises. En outre, la commune n’a pas
communiqué :
-
la délibération fixant la liste des emplois dont les missions impliquent la
réalisation effective d’heures supplémentaires
;
-
les états liquidatifs précisant pour chaque agent, par mois et par taux
d’indemnisation le nombre d’heures effectuées
;
-
la décision justifiant le dépassement du contingent mensuel autorisé.
La collectivité n’a mis en place aucun dispositif de contrôle des heures de travail
conforme au décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour
travaux supplémentaires, texte réglementaire qui subordonne le versement des IHTS à la
mise en œuvre de moyens de contrôle automatisé des heures accomplies
(voir point 3.3
infra).
Ainsi, les éléments justificatifs n’ont pas été suffisants pour liquider les heures
supplémentaires servies aux agents.
S’agissant des astrein
tes, la collectivité a produit deux délibérations pour leur
attribution. L’une, datant du 28
mars
1985, fixe le taux d’astreinte en francs pour les
agents d’encadrement et d’exécution des services techniques. L’autre, prise le
24 septembre 2013, alloue « u
ne indemnité d’astreinte aux agents d’encadrement et
d’exécution des services lorsque des obligations liées au travail imposent à un agent
titulaire, stagiaire et non titulaire de se trouver sur son lieu de travail habituel ou sur un
lieu désigné par son chef de service par nécessité de service ».
A l’instar des IHTS, la commune n’a pas fourni les pièces justificatives requises
pour la liquidation des indemnités d’astreintes, notamment
:
-
la délibération déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des
astreintes ou à des permanences, la liste des emplois concernés, les modalités de
leur organisation et, le cas échéant, le montant des crédits budgétaires alloués à
cet effet ;
-
l’état des crédits alloués aux astreintes ou permanences consommé
s ;
-
les états liquidatifs, précisant l’emploi de l’agent, la période d’astreinte ou de
permanence, le taux applicable et, le cas échéant, le nombre d’heures
d’intervention réalisées pendant la période d’astreinte.
En conséquence, les sommes versées à tous les agents de la collectivité étaient
indues, au titre de l’IHTS et de l’indemnité d’astreinte, respectivement pour 2,3 millions
d’euros et 1,3 millions d’euros au cours de la période 2019
-2022. A titre indicatif, sur le
mois de janvier 2022, 109 agents on
t perçu l’IHTS et 77 les indemnités d’astreintes, sous
réserve de la fiabilité des données fournies.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
37
Evolution des IHTS et des indemnités d’astreinte, en million d’euros
En M€
2019
2020
2021
2022
Heures supplémentaires
0,733
0,663
0,433
0,492
Evolution annuelle
-9,5%
-34,6%
13,6%
Astreintes
0,255
0,310
0,367
0,351
Evolution annuelle
21,5%
18,5%
-4,6%
Source : Xémélios (fichiers de paie)
La ville de Fort-de-
France a mis en place l’indemnité forfaitaire complémentaire
pour les élections (IFCE). Selon la réglementation (arrêté ministériel du 27 février 1962,
décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 et circulaire ministérielle du 11 octobre 2002), les
agents de catégorie C et B sont exclus de ce dispositif car ils peuvent prétendre aux IHTS.
Pour les deux tours des élections de la Collectivité Territoriale de Martinique
(CTM)
en 2021, la commune a accordé l’IFCE à 165 agents pour un montant total de
156 495,20 euros.
Si la moyenne est d’environ 950
euros, la prime varie de 380 euros à
2 942,40 euros. Parmi les bénéficiaires se trouvent des agents de catégories exclues du
décret précité.
Cette recommandation de la chambre n’a donc été que très partiellement mise en
œuvre. En dehors de l’application tardive du RIFSEEP, la collectivité doit correctement
libeller les catégories de primes et indemnités. L’autorité communale doit prendre pour
chaque agent des décisions individuelles conformes aux délibérations. Concernant la
délibération fondant le RIFSEEP, il convient de préciser expressément toutes les primes
et indemnités qui lui sont cumulables, et cela pour toutes les filières et cadres d’
emplois.
3.2
Procéder à l’émission des titres de recettes en vue du reversement
des sommes indûment perçues au titre de «
l’indemnité de fonction,
de
sujétion,
d’expertise
et
d’engagement
professionnel
»,
conformément aux règles précisées par le Conseil d’
Etat
16.
3.2.1
Le versement d’une IFSE exclusive pour le cadre d’emplois des administrateurs
territoriaux au regard de pièces justificatives est irrégulier
Dans ses observations définitives en 2019, la chambre avait révélé qu’un cadre de
la collectivité avait perçu depuis 2016, une prime intitulée « Indemnité de fonction, de
sujétion, d’expertise et d’engagement professionnel » qui ne reposait sur aucun
fondement légal. Elle avait recommandé à la commune de mettre fin à ce régime illégal
16
Recommandation n° 12.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
38
et l’avait enjoint d’émettre des titres de recettes en vue du reversement des sommes
indûment perçues.
Or, aucun titre n’a été émis pour recouvrer l’IFSE et le CIA irrégulièrement versés
au directeur général des services (DGS) depuis 2016. La recommandation n°
12 n’a donc
pas été mise en œuvre.
Au regard des éléments de paie examinés entre 2019 et 2022, des montants
mensuels de 3 105
euros d’IFSE et 269,10
euros de CIA ont été versés au DGS, soit un
total de 141 712,20 euros
jusqu’à son dernier bulletin de paie de juin 2022
(42 mois).
L’IFSE et le CIA lui ont été attribués au regard de la délibération du
25 octobre 2016, non produite à la chambre lors de son contrôle des comptes et de la
gestion de 2019. Cette délibération a remplacé, pour les seuls administrateurs territoriaux
de la commune, la prime de fonction et de résultats (PFR) par une IFSE dédiée au cadre
d’emplois des administrateurs (groupe 1). La part fonctionnelle de 4,89 a été substituée
par une IFSE de 9 et la part performance de 4,89 par un complément indemnitaire annuel
(CIA) de 0,78. Or, contrairement à la PFR, l’IFSE et le CIA se calculent en fonction de
montants prévus dans la délibération : les taux de 9 et 0,78 ne signifient rien et ne sont
donc pas opérants, d’autant qu’aucune décision individuelle n’a été produite à l’appui de
la dépense.
Cette délibération ne mentionne pas :
-
l’avis obligatoire du comité technique relatif aux grandes orientations en matière
de politique indemnitaire et de critère de répartition y afférent, conformément à
l’article L.
253-5 du code général de la fonction publique (section territoriale) ;
-
la détermination des groupes de fonctions et les montants plafonds de l’IFSE et
du CIA ;
-
la prise en compte de l’expérience professionnelle dans l’IFSE
;
-
les modalités de maintien ou de
suppression de l’IFSE et du CIA
;
-
la périodicité de versement de l’IFSE et du CIA
;
-
la date d’effet.
La délibération susmentionnée a été prise exclusivement pour le cadre d’emplois
des administrateurs territoriaux, dont le DGS fait partie, alors qu’à cette
date d’autres
filières et cadres d’emplois auraient pu en bénéficier. Celle
-
ci s’apparente à une
transposition de l’ancien régime indemnitaire du DGS plutôt qu’à une application du
RIFSEEP.
Par ailleurs, la commune a produit une seule décision individuelle, datée du
28 octobre 2016. Cette dernière se contente de rappeler les taux de 9 et 0,78,
inintelligibles et dépourvus de portée pratique. Elle ne comporte pas les mentions utiles
et obligatoires pour liquider l’IFSE et le CIA, notamment le montant plafon
d.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
39
En définitive, la collectivité ne s’est pas appuyée sur une délibération
suffisamment précise ni sur l’avis obligatoire du comité technique, qui n’a pas été
transmis à la chambre.
Par conséquent, le versement de 141 712,20 euros
d’IFSE (3
105 euros chaque
mois) et du CIA (269,10 euros chaque mois) au DGS au cours de la période de contrôle
est irrégulier, en l’absence d’informations précises permettant de calculer leur liquidation
au regard des justifications transmises. La recommandation de la chambre n’
a pas été
mise en œuvre.
3.2.2 La monétisation et le placement sur le régime de la retraite additionnel de la
fonction publique (RAFP) de congés du DGS ont été manifestement excessifs
et irréguliers, et ont procuré à l’intéressé un avantage injustifié
Bien que ce type d’irrégularité n’ait pas été soulevée lors du dernier rapport,
l’attribution de jours de congés non pris en l’absence
d’élément la justifiant est
irrégulière.
En effet, les bulletins de paie du DGS, font apparaître des monétisations et
placements sur le régime de RAFP de jours de congé suivants :
-
mars 2020 : monétisation de 40 jours : 5 000 euros ;
-
août 2020 : placement sur le régime de RAFP de 240 jours soit 15 751,20 euros;
-
juillet 2022 : monétisation de 40 jours soit 5 000 euros
Six pièces ont été produites par la commune :
-
une
délibération
datée
du
31 janvier 2017,
modifiant
celle
prise
le
25 septembre 2012, mais non transmise, qui se conforme au décret n° 2010-531 du
20 mai 2010, notamment en précisant les jours qui peuvent être épargnés et
indemnisés dans le compte épargne temps ;
-
une délibération du 22 juin 2018, qui reprend certaines dispositions contenues dans
le décret susmentionné, permettant aux agents de combiner au-delà des 20 jours
épargnés, soit une prise en compte au sein du régime de RAFP, soit une
indemnisation, soit leur maintien dans le compte épargne temps (CET) ;
-
une décision du maire en date du 14 mai 2018, précisant en son article 4 que le DGS
«
percevra l’indemnité compensant les (40) jours d’indemnités sur les
jours épargnés
en 2017 du compte épargne temps à la date du 31 décembre 2017. Le montant brut
forfaitaire est fixé pour la catégorie statutaire à (125
) par jour conformément à
l’état joint
». Les 5 000
qui en résultent correspond à la somme payée en mars
2020 ;
-
une décision du maire en date du 4 août 2020, indiquant en son article premier, que
le DGS
« opte pour le transfert de 240 jours de RTT sur son compte du régime de
retraite additionnelle de la fonction publique territoriale au titre des années 2002 à
2019
» ;
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
40
-
une décision du maire datée du 23 juin 2022 indiquant que le DGS dispose de
70 jours épargnés sur son compte épargne temps, dont 40 jours lui ont été payés et le
solde laissé sur ledit compte ;
-
un tableau de suivi du CET de l’année 20
22, lequel mentionne que le DGS est
bénéficiaire de 60 jours.
Dans un deuxième temps, la collectivité a été conviée à transmettre à la chambre :
-
la demande d’ouverture des droits au CET
du DGS ;
-
la délibération originelle relative au CET ;
-
la délibération du Conseil municipal en date 31 janvier 2017 et du 22 juin 2017
relative à l’indemnisation du CET
du DGS;
-
l’avis obligatoire du comité technique
;
-
la délibération organisant le temps de travail.
Ces pièces n’ont pas été transmises, ni la
délibération du 25 septembre 2012. Or,
c’est cette dernière qui fonde la gestion du compte épargne temps du personnel de la ville
en application du décret n° 2004-878 du 26 août 2004 modifié.
La collectivité n’a pas non plus communiqué la demande d’ouvertu
re du compte
du DGS
, conformément à l’article 1 du décret de 2004 précité, précisant qu’il «
est institué
dans la fonction publique territoriale un compte épargne-temps. Ce compte est ouvert à
la demande de l'agent, qui est informé annuellement des droits épargnés et consommés ».
Or, c’est ce compte qui justifie les jours épargnés par l’agent, lui offrant les différentes
options précédemment rappelées, et non les décisions du maire susmentionnées.
Par ailleurs, il était manifestement impossible pour le DGS
d’avoir épargné autant
de jours que ce qui est mentionné dans les différentes pièces précitées. Les agents peuvent
disposer de deux comptes : un CET pérenne où sont comptabilisés les jours acquis à
compter du 1
er
janvier 2009 ; un CET historique concernant les jours acquis de 2002
jusqu’au 31 décembre 2008 et soumis à un régime de gestion transitoire, jusqu’à
épuisement. Les 20 premiers jours du stock du compte historique et les 20 premiers jours
du compte pérenne (soit 40 jours au total) ne peuvent être pris que sous forme de congés.
Les agents doivent prendre un minimum de 20 jours de congés par an. Jusqu’au
décret n° 2008-1136 du 3 novembre
2008, il n’était réglementairement possible
d’épargner que 22 jours maximum par an. Depuis, sauf à ce que la commune
prouve
qu’elle a mis en place un régime de réduction du temps de travail (RTT) particulièrement
favorable et justifié (ce qui ne modifierait de toute façon l’analyse qu’à la marge), le
plancher des 20 jours de congés à prendre par an conduit de facto au maintien du plafond
de 22 jours qu’il est possible d’épargner.
Sur la période 2002-2008 (CET historique), le DGS
n’aurait donc pu épargner
qu’un maximum de 154 jours.
De son côté, le CET pérenne (depuis le 1
er
janvier 2009) est plafonné à 60 jours.
Les 20
premiers jours de ce CET pérenne devant nécessairement n’être pris que sous
forme de congés, cela laisse un maximum de 40 jours pour une éventuelle monétisation
ou placement sur le régime de RAFP. Ainsi, le nombre de jours maximum que le DGS
pouvait monét
iser ou placer sur ce régime en août 2020 s’élève à 174 jours. Il s’agit d’un
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
41
maximum théorique. Il convient en outre de tenir compte des monétisations
précédemment effectuées sur le CET du DGS : 40 jours en 2018 et 40 jours en mars 2020.
Au surplus, en cas de monétisation ou de placement sur le régime de RAFP du
CET historique (au-delà des 20 premiers jours du stock, qui ne peuvent être pris que sous
forme de congés), le versement s’effectue par fractions de 4 jours par an jusqu’à
épuisement du solde. Si la durée de versement qui en résulte est supérieure à 4 ans,
l’indemnisation est versée en 4 fractions annuelles d’égal montant. Il est donc impossible
de monétiser ou de placer sur le régime de RAFP 240 jours en une seule fois.
En conséquence, la commune a attribué sans être en mesure de le justifier au DGS
un avantage injustifié de 25 751,20 euros, au travers des monétisations et placements sur
le régime de RAFP, au cours de la période sous revue.
La collectivité doit prendre une nouvelle délibération conforme au décret
n° 2004-878 du 26 août 2004 modifié par les décrets n° 2010-531 du 20 mai 2010,
n° 2018-1305 du 27 décembre 2018, n° 2018-821 du 27 septembre 2018, n° 2020-287 du
20 mars 2020 et n° 2021-571 du 10 mai 2021.
Parmi les principaux changements
, il faut noter l’abaissement du nombre de jours
épargnés passant de 20 à 15 à partir desquels la combinaison des options (congés,
indemnisation et RAFP) est possible et la consultation du comité social qui « détermine,
dans le respect de l'intérêt du service, les règles d'ouverture, de fonctionnement, de gestion
et de fermeture du compte épargne-temps ainsi que les modalités de son utilisation par
l'agent ».
3.2.3 Des indemnités d’astreintes irrégulièrement versées
à ce collaborateur et
partiellement recouvrées le concernant
Dans son rapport d’observations définitives de 2019, la chambre indiquait
que
«
Des indemnités d’astreinte ont été versées chaque mois à un agent occupant un emploi
fonctionnel (DGA, devenu par la suite DGS), dont
la rémunération exclut l’indemnisation
d’astreintes, selon un quantum qui n’est pas compatible, en outre, avec le nombre de jours
de congés annuels. Le DGA aurait ainsi effectué, au cours de l’année 2015, des astreintes
correspondant à toutes les fins de s
emaine de l’année et à 60
% des nuits de l’année.
Cet agent, occupant un emploi fonctionnel, bénéficie à ce titre d’une bonification
indiciaire (NBI) qui lui interdit de recevoir des indemnités d’astreinte, aux termes de
l’article 3 du décret n° 2005
-542 du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération
ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique
territoriale ».
Une somme totale de 8 379,29 euros a été recouvrée par précompte sur la paye de
l’intéressé en 2020 et
2021 (un titre avait été émis en juin 2019, mais rejeté en septembre
2019 au motif que la modalité du précompte avait finalement été retenue). Selon l’état
produit par la commune le 14 février 2023, un montant de 2 704,71 euros resterait dû au
titre des in
demnités d’astreinte irrégulières.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
42
En réponse aux observations provisoires, l’ordonnateur a indiqué qu’ «
un titre de
recettes sera émis pour le solde des astreintes qui ont été versées à
l’intéressée
», ce dont
la chambre prend acte.
3.2.4 Les conditions d’avancement d’échelon accordées
au DGS sont irrégulières
La commune a produit deux arrêtés d’avancement pris au cours de la période de
contrôle au profit du DGS :
-
arrêté du 7 juillet 2020 à effet du 1
er
juin 2019 le promouvant du 8
ème
échelon
(sans plus de précision) du grade de DGS des communes de 80 000 à 150 000
habitants au 9
ème
échelon, indice brut HEB chevron 3, ancienneté épuisée ;
-
arrêté du 10 novembre 2021 à effet du 1
er
janvier 2021 le faisant avancer du
9
ème
échelon (IB : 977 ; IM
: 792) du grade d’administrateur
au 10
ème
échelon
(IB : 1015 ; IM : 821).
Dans le cas d’espèce, la grille de DGS 80
000 / 150 000 habitants est celle qui
s’applique pour la liquidation de la paie, dans la mesure où elle est plus favorable à l’age
nt
que celle d’administrateur territorial.
Pour mémoire, les arrêtés d’avancement d’échelon et de grade ne sont pas soumis
à l’obligation de transmission au contrôle de légalité de la préfecture.
Selon l’arrêté du 7
juillet 2020, le DGS
était jusqu’au 31
mai 2019 au 8
ème
échelon
du grade de DGS de communes de 80 000 à 150 000 habitants, sans plus de détail sur
l’indice brut (HEA, HEA2 ou HEA3, chacun de ces chevrons étant d’une durée d’un an).
L’arrêté l’avance au 9
ème
échelon HEB3 à partir du 1
er
juin 2019, ce qui est impossible.
En effet, même s’il était HEA3 jusqu’au 31 mai 2019, il n’aurait pu être que HEB à partir
du 1
er
juin 2019, HEB2 à partir du 1
er
juin 2020 et HEB3 (indice terminal de ce grade) à
partir du 1
er
juin 2021.
L’arrêté lui a fait gagner deux ans irrégulièrement, ce qui contrevient à l’article 2
de l’arrêté du 29
août 1957 précisant que : « Les traitements afférents aux deuxièmes et
troisièmes chevrons sont attribués après un an de perception effective du traitement
correspondant au chevron immédiatement inférieur.
Pour la détermination du chevron de traitement qui lui est applicable, il est tenu
compte au fonctionnaire civil ou militaire ainsi qu'au magistrat occupant dès le
1
er
novembre 1957 un emploi classé hors échelle de la durée des services effectivement
accomplis dans la classe ou l'échelon qu'il a atteint à cette date ».
Les bulletins de paie du DGS font apparaître les échelons suivants :
-
de juin 2018 à mai 2019 (nota : le bulletin de janvier 2019 inclut un « rattrapage »
concernant
les 7 derniers mois de l’année 2018
; ce rattrapage a été payé en 2019
et fait donc partie de la période de contrôle à ce titre) : HEB2, au lieu de HEA3
(au mieux) ;
-
de juin 2019 à mai 2020 (nota : le bulletin de décembre 2019 inclut un
« rattrapage » à partir de juin 2019) : HEB3, au lieu de HEB (au mieux) ;
-
de juin 2020 à mai 2021 : HEB3 au lieu de HEB2 (au mieux) ;
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
43
-
de juin 2021 à juin 2022
: HEB3, ce qui est conforme à l’hypothèse la plus
favorable.
Le détail des éléments calculés sur 12 mois sont les suivants :
Calcul du trop-perçu du DGS en euros
Période
concernée
IM
Montant
indiciaire
liquidé
40%
liquidée
Montant
indiciaire
qu'aurait
percevoir le
DGS
40%
qu'aurait
percevoir
le DGS
Ecart
montant
indiciaire
Ecart
40%
Ecart
mensuel
total
Ecart total
de juin 2018
(rattrapage en
2019) à mai
2019 :
HEB2 au
lieu de
HEA3
4 746,94 1 898,78
4 554,82
1 821,93
192,13
76,85
268,98
3 227,71
de juin 2019
à mai 2020 :
HEB3 au
lieu de
HEB2
5 000,00 2 000,00
4 554,82
1 821,93
445,18
178,07
623,25
7 479,01
de juin 2020
à mai 2021 :
HEB3 au
lieu de
HEB2
5 000,00 2 000,00
4 746,94
1 898,78
253,05
101,22
354,27
4 251,30
de juin 2021
à juin 2022 :
OK :
HEB3
TOTAL
14 958,02
Source : bulletins de paie
L’avantage injustifié tiré de l’écart sur le traitement indiciaire et de son effet en
matière d’application de la prime de 40 %, s’élève sur la période à 14
958,02 euros.
Il s’agit de l’évaluation minimale du préjudice financier, en raison de l’absence
de précision du chevron exact détenu par le DGS
début 2019 et sans examiner l’entièreté
du déroulement de sa carrière.
Dans sa réponse, le tiers intéressé indique que « Toutes les décisions prises par la
ville de juin 2018 à mai 2019 sont parfaitement régulières et ont créée des droits q
ui n’ont
pas été remis en cause que dans les délais réglementaires. »
Pour la chambre, l
’absence de déféré par l’autorité préfectorale sur les décisions
d’avancement
d’
agent, est indifférente aux irrégularités relevées dans la décision.
3.2.5 Une indemnité exceptionnelle accordée irrégulièrement à ce personnel et des
incohérences constatées au niveau des frais de mission et transport
Au cours de la période sous revue, le DGS a perçu chaque mois une « indemnité
exceptionnelle
» d’un montan
t invariable de 35,17 euros soit 1 477,14 euros de janvier
2019 à juin 2022.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
44
Le décret n° 2015-492 du 29 avril 2015 a abrogé l'indemnité exceptionnelle et créé
une indemnité dégressive, dont le montant est réduit lors de chaque avancement de grade,
d’échelon ou de chevron. Le versement de l’indemnité exceptionnelle est donc irrégulier.
Dans l’hypothèse où l’assemblée délibérante aurait voté la création d’une indemnité
dégressive, ce qui n’a pas été justifié par la commune au cours du contrôle de la chambre
,
le maintien de son montant au niveau antérieur à l’abrogation de l’indemnité
exceptionnelle, alors que le DGS
a avancé d’échelon et de chevron au cours de la période,
révèle que le dispositif réglementaire n’a pas été appliqué.
L’examen des mandats de
remboursement de frais de mission a également fait
apparaître plusieurs anomalies : indemnités accordées incohérentes avec les délibérations,
frais de transport pas toujours justifiés, nombre de repas de mission accordés largement,
créneaux de réunion parfois peu réalistes.
Sur la période en question, les avantages susmentionnés perçus par le DGS
s’élèvent à 186
603,27 euros, comme le montre le tableau récapitulatif qui suit :
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
45
Récapitulatif des avantages indemnitaires à le DGS
Intitulé de la prime ou de l'indemnité
Montant en €
IFSE
130 410,00
CIA
11 302,20
Monétisation et placement de jours de congés non pris
25 751,20
Astreintes restant à recouvrer
2 704,71
Trop perçu sur avancement d'échelon irrégulier
14 958,02
Versement d'une indemnité exceptionnelle irrégulière
1 477,14
TOTAL
186 603,27
Source : Chambre régionale des comptes
La chambre constate que sa recommandation n°
12 n’a pas été mise en œuvre
18
.
Aussi, la chambre rappelle à la commune que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-321
du 12
avril 2000 l’autorise à demander la répétition des paiements indus effectués au
profit de le DGS
au cours des deux dernières années. Ainsi, elle l’invite à demander à
celui-ci le remboursement de ces sommes.
3.3 Mettre en place un système de pointage automatique et revoir le
dispositif d’attribution des heures supplémentaires afin de le rendre
conforme aux obligations légales et d’en limiter le versement
17
Conformément aux dispositions du 2
ème
alinéa de l’article 2 du décret n°
2002-60
du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, « le
versement des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à ces fonctionnaires est
subordonné à la m
ise en œuvre par leur employeur de moyens de contrôle automatisé
permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires qu'ils auront
accomplies. S'agissant des personnels exerçant leur activité hors de leurs locaux de
rattachement, un décompte déclaratif contrôlable peut remplacer le dispositif de contrôle
automatisé. Un décompte déclaratif peut également être utilisé pour les sites dont l'effectif
des
agents
susceptibles
de
percevoir
des
indemnités
horaires
pour
travaux
supplémentaires est inférieur à 10 ».
La commune n’a mis en place aucun dispositif de contrôle des heures de travail,
automatisé ou non.
17
Recommandation n° 13.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
46
Recommandation n°6 :
(
Performance
) Mettre en place un contrôle automatisé
du temps de travail des agents.
Dans sa réponse aux observations provisoires, l’ord
onnateur indique que « la mise
en place d’un système de pointage automatique impliquant un surcoût important pour la
collectivité qui travaille, depuis plusieurs années maintenant, à une meilleure maîtrise et
une réduction de ses dépenses, cela a dû être différé pour raisons financières.
Néanmoins, le suivi du temps de travail effectivement réalisé par les agents est
rigoureusement effectué par les managers. Des états signalant les absences injustifiées et
les retards sont systématiquement transmis à la Direction des Ressources Humaines pour
application des sanctions prévues par la réglementation.
De plus, ce sont bien des états validés par le personnel encadrant qui permettent
d’octroyer les heures supplémentaires. Par ailleurs, il est à préciser que le dis
positif
d’attribution des heures supplémentaires a fortement été optimisé et fait l’objet d’un suivi
mensuel afin de sécuriser la maîtrise des dépenses. »
La chambre maintient néanmoins que la commune doit respecter les dispositions
réglementaires précitées. Elle évalue le préjudice causé à la collectivité à 2,3 millions
d’euros des exercices 2019 à 2022. En 2022, 109 agents ont perçu l’IHTS sur le mois de
janvier 2022.
Selon la réglementation (arrêté ministériel du 27 février 1962, décret n° 2002-63
du 14 janvier 2002 et la circulaire ministérielle du 11 octobre 2002), les agents de
catégorie C et B sont exclus de ce dispositif car ils peuvent prétendre aux IHTS.
Au-delà de la problématique des heures supplémentaires, le service fait certifié
pour la mise en paiement des rémunérations ne repose sur aucune vérification, et ce
malgré les déclarations de l’ordonnateur précitées sur la mise en place d’un contrôle
automatisé du temps de travail. Tout au plus les responsables de service sont-ils censés
signaler les arrivées trop tardives. Les absences ne sont pas systématiquement recensées
et le télétravail n’est pas correctement encadré. Rien ne permet de s’assurer que le
personnel à temps complet travaille effectivement 1 607 heures par an.
______________________________________________________________
_______
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
En matière de gestion des ressources humaines, la commune a largement ignoré
les recommandations du dernier rapport de la chambre, pourtant rappelées chaque année
à l’occasion dans s
es avis budgétaires.
En novembre 2022, la mise en place très tardive du régime indemnitaire tenant
compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel
(RIFSEEP) ne règle pas les défauts observés. Il comporte de nombreuses irrégularités,
dont par exemple l’attribution d’indemnités de fonctions, de sujétions et d’expertises et
de compléments indemnitaires d’attributions au
-delà des plafonds. La commune octroie
toujours certaines primes en l’absence de bases légales ou régleme
ntaires.
Elle maintient par exemple une prime de fonction pourtant abrogée en 2014. En
2021 et 2022, 343 000 euros et 176 000 euros ont ainsi été indûment versés. Des agents
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
47
de surveillance de la voie publique perçoivent irrégulièrement une prime non référencée.
Depuis 2019, son montant cumulé est de 296 000 euros. La chambre a relevé par ailleurs
que l’ancien directeur général des services avait obtenu une monétisation et un placement
sur le régime de RAFP de ses congés exorbitants du droit commun.
Au préjudice de sa situation financière, la collectivité verse donc des primes
irrégulières à ses agents, ne cherche pas à recouvrer les indus et laisse les montants en
cause se prescrire. La chambre lui rappelle que l’article 37
-1 de la loi n° 2000-321 du
12 avr
il 2000 l’autorise à demander la répétition des paiements indus effectués au cours
des deux dernières années
L’ordonnateur s’oppose à la mise en place d’un dispositif de contrôle automatisé
du temps de travail, sur lequel repose nécessairement le versement
d’indemnités horaires
pour travaux supplémentaires. Entre 2019 et 2022, 2,3 millions d’euros versés n’ont pu
ainsi être justifiés.
COMMUNE DE FORT DE FRANCE
48
Annexe n° 1.
Les recommandations de régularité du rapport de 2019
Mettre en place une comptabilité analytique pour les travaux
en régie
.
Amortir les frais d’études à hauteur de 700
000
€ par an
(compte
6811
« Dotations
aux
amortissements
des
immobilisations incorporelles et corporelles »
), les immeubles
de rapport ainsi que les immobilisations relatives aux réseaux
d’eau et d’assainissemen
t (compte 2153
« Réseaux divers »
à
inscrire au compte 6811 pour un montant de 22,06
M€ au
31 décembre 2017).
Recommandation n°3
Recommandation devenue sans objet
Recommandation n°4
Inscrire au compte administratif et au budget les dettes sociales
non mandatées, en tant que restes à réaliser en dépenses de
fonctionnement, soit 11,79
M€ au compte 645
« Charges de
sécurité sociale et de prévoyance ».
Recommandation n° 5
Procéder au rattachement exhaustif des charges à l’exercice
auquel elles se rapportent.
Mettre fin au régime illégal d’incitation au départ à la retraite.
Recommandation n°10 :
Supprimer le congé de deux mois supplémentaires accordé
sans base légale aux agents partant à la retraite (retirer la
délibération illégale).
Recommandation n°11 :
régime indemnitaire conforme à la réglementation pour les
agents qui remplissent les conditions et en intégrant le mérite
individuel dans sa modulation.
Recommandation n°12 :
Procéder à l’émission des titres de recettes en vue du
reversement des sommes indûment perçues au titre de
«
l’
i
ndemnité de
fonction,
de
sujétion,
d’expertise et
d’engagement professionnel
», conformément aux règles
précisées par le Conseil d’Etat.
Recommandation n° 13 :
Mettre en place un système de pointage automatique et revoir
le
dispositif d’attribution des heures supplémentaires afin de le
rendre conforme aux obligations légales et d’en limiter le
versement.
Clarifier les relations entre Odyssi et Fort-de-France en
répartissant définitivement les biens et les moyens liés au
servi
ce de l’eau et de l’assainissement
.