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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
20 mars 2024
Communication à la commission des finances du Sénat
LES CRÉDITS EXCEPTIONNELS À LA CULTURE ET AUX
INDUSTRIES CRÉATIVES
Entre 2017 et la mi-2023, plus de 3 Md€ de crédits de l’État ont été engagés pour le secteur
culturel en dehors du budget du ministère de la Culture, soit presque l’équivalent d’une
année des crédits de la mission culture de ce dernier. Avec une ampleur sans précédent, ces
crédits exceptionnels viennent s’ajouter au budget ministériel et ont pour ambition de
soutenir le secteur de la culture et des industries culturelles et créatives après la crise Covid,
mais aussi de financer leur innovation et leur transformation, à travers le plan de relance
(1,6 Md€ consacrés à la culture) et les programmes d’investissement d’avenir et France 2030
(1,5 Md€ consacrés à ce secteur). Réalisée à la demande de la commission des finances du
Sénat, la présente enquête s’inscrit dans le prolongement de travaux de la Cour sur ces
procédures inédites.
Un plan de relance orienté vers la sauvegarde du secteur
Annoncé à la sortie de l’été 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, le plan de relance visait
un soutien aux revenus du secteur. Doté d’1,6 Md€ pour la culture et adopté dans le cadre de
la loi de finances pour 2021, il a été intégralement engagé. En raison du contexte sanitaire, il a
été en grande partie constitué de mesures relevant de l’urgence. Ce plan a permis de stabiliser
la situation budgétaire et financière de nombreux acteurs et plus globalement la sauvegarde
du secteur culturel. En revanche, son second objectif : accélérer les transformations
économiques, industrielles et sociales, probablement trop ambitieux dans le cadre d’une action
conjoncturelle, n’a été que marginalement engagé. Cette intention, de dépenser le plus vite
possible les crédits de l’État, a, par ailleurs, eu un effet inflationniste dans certains secteurs et
a pu se faire au détriment d’autres enjeux de politique publique. Les crédits de relance qui ont
été gérés par l’administration, ont pu être réalloués en fonction des besoins effectivement
constatés. En revanche, faute de clauses de retour à meilleure fortune, ceux confiés à des
opérateurs au titre de la relance ne sont pas restitués au budget de l’État quand bien même
leur situation le permettrait. Les contrôles visant à récupérer des indus auprès de certains
bénéficiaires d’aides demeurent marginaux. Par ailleurs, le risque de pérennisation de certains
dispositifs financés sur crédits exceptionnels n’est pas totalement écarté.
Des PIA 1 et 3 : une absence de stratégie d’ensemble pour le secteur culturel
Le programme d’investissement d’avenir (PIA) 1 dans le champ culturel et celui des industries
culturelles et créatives présente un bilan insatisfaisant. Dans le cadre d’un appel à
manifestation d’intérêt, « Culture, patrimoine et numérique » et d’un fonds industries
culturelles et créatives (ICC-
Tech and Touch
), des entreprises au modèle économique fragile
ont été financées. Elles ont, depuis, connu de graves difficultés. Les projets des sociétés
financées relèvent parfois d’une conception extensive des industries culturelles ou n’en font
pas partie, comme des produits de consommation éthiques et durables. Ces premières
expériences d’investissement dans le secteur culturel (à hauteur de 70 M€ à mi-2023) ont
souffert d’une absence de stratégie formalisée avec le ministère de la Culture. Ce qui s’est aussi
traduit par une réflexion lacunaire sur les outils mobilisés, sur la typologie des projets
structurants et les effets d’accélération recherchés. Quant au PIA 3, il a été utilisé pour financer
de grands travaux patrimoniaux (à hauteur de 193 M€), utiles certes, mais sans lien avec
l’objectif d’innovation et d’accélération attaché à ce dispositif interministériel.
France 2030 : des moyens considérables sans analyse préalable de besoins ni suivi
Après le plan de relance, fin 2020, l’État a décidé d’engager 400 M€ dans le cadre du PIA 4,
pour mettre en œuvre la stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives. Puis, à
l’automne 2021, ont été annoncés 600 M€ destinés aux industries de l’image et du numérique,
dans le cadre de France 2030. Fin 2022, le PIA 4 a été rattaché à France 2030 ce qui porte
l’effort pour son volet culturel à 1 Md€ au total. La stratégie « France 2030 » pour le secteur
culturel est peu lisible et les processus décisionnels lourds, tandis que l’éparpillement de
l’information rend le suivi très difficile. Surtout, la volonté de lancer rapidement des appels à
concurrence a pu conduire à ne pas aborder des sujets stratégiques et à privilégier les projets
les plus matures ou portés par les secteurs les plus structurés comme les industries de l’image.
Les études préalables des besoins et du fonctionnement des marchés s’avèrent insuffisantes si
bien que des effets d’aubaine ont été relevés. Enfin, les opérateurs financiers de sa mise en
œuvre, Caisse des dépôts et Bpifrance, sont mis en position de verser surtout des subventions,
mission qui relève en principe du ministère de la Culture.
Premiers enseignements
La prise de décision pour engager les crédits des PIA et de France 2030 conduit à
déresponsabiliser des intervenants : en particulier, le ministère de la Culture est dessaisi de ses
missions de pilotage stratégique et de contrôle sur des crédits équivalents à une part
significative de son budget annuel. Par ailleurs, le pilotage des PIA et de France 2030 déroge
aux principes des finances publiques (annualité, spécialité, unité, voire sincérité) sans
permettre au Parlement d’exercer son rôle de contrôle. En conclusion, la Cour souligne la
nécessité d’introduire une culture d’évaluation dans ces dépenses exceptionnelles.
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