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QUATRIÈME CHAMBRE
S2023-1434
PREMIÈRE SECTION
RAPPORT PORTANT SUR UNE ENTREPRISE
PUBLIQUE
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
CIVIPOL SA
Exercices 2016-2022
Le présent document, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 9 novembre 2023.
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TABLE DES MATIERES
SYNTHÈSE
................................................................................................................
4
LISTE DES RECOMMANDATIONS
.......................................................................
7
INTRODUCTION
.......................................................................................................
8
1 UNE STRATEGIE ET DES MISSIONS REFONDUES A LA SUITE DES
ARBITRAGES SUR LE DISPOSITIF DE COOPERATION
................................
9
1.1 Civipol, l’opérateur du ministère de l’intérieur pour les actions de
coopération internationale
..................................................................................
9
1.1.1 Civipol abordait le processus de rapprochement des opérateurs en
situation de fragilité
...................................................................................
9
1.1.2 Les arbitrages interministériels ont mis un terme au processus de
rapprochement des opérateurs et redéfini la trajectoire de Civipol
.........
10
1.1.3 Un climat apaisé, une coordination interministérielle en progrès
mais qui se cherche encore
......................................................................
11
1.2 Stratégie et missions assignées à Civipol : un recentrage sur le c
œ
ur de
métier, une action publique à coût nul pour l’État.
..........................................
16
1.2.1 Des objectifs détaillés dans le cadre du plan stratégique et, depuis
2020, de la société à mission
...................................................................
16
1.2.2 La transformation du modèle économique et le maintien à
l’équilibre : un impératif majeur
.............................................................
17
2 GOUVERNANCE ET ORGANISATION : UN RENFORCEMENT DU
LIEN INSTITUTIONNEL AVEC L’ÉTAT, DES PROGRES SUR LE
PILOTAGE INTERNE.
.........................................................................................
22
2.1 Une gouvernance qui conforte le contrôle de l’État
.........................................
22
2.1.1 Un Conseil d’administration pour la prise de décision globale
..............
22
2.1.2 Un comité d’audit qui surveille la situation financière
...........................
23
2.1.3 Le comité de mission : contrôle opérationnel de Civipol et creuset
d’une harmonisation entre les stratégies des services du ministère.
.......
23
2.2 Une organisation de Civipol progressivement adaptée aux nouveaux
défis du modèle d’affaires
................................................................................
24
2.2.1 Un organigramme en voie de stabilisation
..............................................
24
2.2.2 Civipol renforce ses capacités internes en expertise de haut niveau
.......
25
2.2.3 Une restructuration en profondeur du pilotage et des processus
internes, reconnue par la Commission européenne
.................................
26
3 LES METIERS DE CIVIPOL : REMPORTER DES PROJETS DE
COOPERATION ET PROMOUVOIR LA FILIERE INDUSTRIELLE DE
SECURITE.
............................................................................................................
28
3.1 Un portefeuille recentré, conforme à la stratégie ministérielle, et qui
connaît un redémarrage après le creux de la crise sanitaire
.............................
28
3.2 La diversité des rôles de Civipol dans le cycle d’un projet
..............................
30
3.2.1 Une intrication forte de l’opérateur et du ministère de l’intérieur
..........
30
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3.2.2 Au stade amont de la programmation : d’une logique de réaction à
une attitude plus pro-active de l’opérateur et du ministère de
l’intérieur
.................................................................................................
30
3.2.3 Un nouveau cadre contractuel entre Civipol et le ministère de
l’intérieur
.................................................................................................
31
3.2.4 Le programme de recherche et innovation en sécurité,
...........................
32
3.3 La promotion de la filière industrielle de sécurité : succès croissant des
salons Milipol, résultats mitigés des offres intégrées
.......................................
33
3.3.1 Les salons Milipol
...................................................................................
33
3.3.2 Adosser à l’expertise technique une offre industrielle privée : les
ambitions déçues de l’offre intégrée.
......................................................
33
4 FINANCE ET GESTION : DES EFFORTS A POURSUIVRE, DES
DECISIONS A PRENDRE
....................................................................................
36
4.1 Une stratégie économique à confirmer après l’accréditation européenne
en 2022
.............................................................................................................
36
4.1.1 Une modification des filiales en 2019 et 2020
........................................
36
4.1.2 Des résultats d’exploitation négatifs compensés par les résultats
financiers
.................................................................................................
39
4.1.3 Un recours nécessaire au mécanisme de transfert de charges
.................
41
4.1.4 Des dettes en diminution depuis la vente de Transtec
............................
42
4.1.5 Une amélioration de la rentabilité opérationnelle à l’épreuve d’un
changement de modèle
............................................................................
42
4.2 Une fonction achat en progrès mais qui présente encore des fragilités
............
44
4.2.1 Les achats réalisés en délégation de la Commission européenne
sont cadrés depuis 2022
...........................................................................
45
4.2.2 Le code de la commande publique appliqué aux achats réalisés en
qualité de mandataire
..............................................................................
45
4.3 Les systèmes d’information : un rattrapage à organiser
...................................
47
4.3.1 Une gouvernance à construire
.................................................................
47
4.3.2 Des investissements massifs pour réduire la dépendance
.......................
48
4.4 Une gestion des ressources en mutation pour accompagner le nouveau
modèle d’affaires
..............................................................................................
49
4.4.1 Une vision d’ensemble à mettre en place
................................................
49
4.4.2 Des voies de mobilisation d’expertise à ouvrir davantage
......................
52
ANNEXES
................................................................................................................
55
Bilans 2016-2021
..................................................................
56
Comptes de résultat 2016-2021
.............................................
60
Transferts de charge
..............................................................
64
Composition du Conseil d’administration de Civipol
...........
65
L’évolution du portefeuille de Civipol dépend de
l’évolution de l’Union européenne comme acteur de la sécurité
.....................
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SYNTHÈSE
Société anonyme régie par le code du commerce, au capital de 2,2 M
€
et dont le chiffre
d’affaires atteignait 13,1 M
€
en 2022, Civipol a pour objet social la promotion à l’étranger de
la compétence et du savoir-faire du ministère de l’intérieur. À cette fin, Civipol assiste le
ministère de l’intérieur dans ses actions de coopération internationale, assure auprès
d’institutions publiques étrangères des missions de conseil et de services appuyées notamment
sur l’expertise du ministère de l’intérieur et promeut les technologies nationales utilisées dans
les domaines de la sécurité. Civipol est par ailleurs actionnaire, et depuis 2019
actionnaire
majoritaire, du groupement d’intérêt économique Milipol qui gère le réseau mondial des salons
de la sécurité intérieure à Paris, Doha, Singapour, et prochainement New Delhi.
Le chemin suivi par Civipol obéit à un arbitrage gouvernemental, qui a pris
en compte le choix du ministère de l’intérieur
La loi du 7 juillet 2014
d’orientation et de programmation relative à la politique de
développement et de solidarité internationale
organisait un rapprochement des opérateurs de
coopération de l’État duquel le ministère de l’intérieur a souhaité exonérer Civipol. Un arbitrage
interministériel a maintenu l’autonomie de Civipol, décision mise en
œ
uvre par la loi du 4 août
2021
de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités
mondiales
.
Les arbitrages interministériels rendus en 2018 ont confié à Civipol l’exclusivité de
projets de coopération des secteurs de la sécurité dite « dure » (lutte contre le crime organisé,
le terrorisme et la radicalisation, contrôle des flux migratoires, état-civil identité sécurisée),
permettant de renforcer l’intervention du ministère de l’intérieur vers les zones génératrices de
menaces. Ces arbitrages ont apaisé les relations entre opérateurs qui interviennent néanmoins
dans un dispositif durablement fragmenté.
L’ancrage de Civipol à son ministère de tutelle, à travers la direction de la coopération
internationale de sécurité, n’a cessé de se renforcer durant la période sous revue, puisque la
quasi-totalité des projets en portefeuille sont désormais conduits conjointement avec le
ministère de l’intérieur. L’adoption en 2020 du statut de société à mission consacre cet ancrage
à travers la création d’une nouvelle instance de gouvernance, le comité de mission,
exclusivement composé de représentants de l’État. Cette prépondérance du contrôle de l’État a
pour corollaire la nécessaire conciliation de sa mission publique avec ses objectifs de rentabilité.
Ainsi les interventions de Civipol à l’international ne sont-elles pas, ou plus, dépendantes des
opportunités économiques que peut offrir une zone géographique ou un secteur particuliers,
mais bien de leur adéquation aux priorités du ministère de l’intérieur.
En application de ces priorités géographiques, Civipol a recentré sa présence sur les
zones génératrices de menaces : les projets de Civipol se concentrent essentiellement en Afrique
sub-saharienne (60 % du chiffre d’affaires) et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (15 %),
les projets en Europe (14 %) et en Asie centrale (8 %) étant minoritaires. L’opérateur intervient
auprès de l’État bénéficiaire, en agissant sur trois « fondamentaux de la sécurité » : l’identité
(état civil, titres), le contrôle des mouvements de biens et de personnes, constitutif de la
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souveraineté d’un État, et « l’empreinte territoriale », soit la capacité de l’État à déployer ses
politiques de sécurité sur l’intégralité de son territoire.
La clarification des compétences respectives des différents opérateurs en matière de
sécurité et migrations – et la coordination de leurs interventions – reste dans certains cas
perfectible. C’est le cas en matière d’état-civil, où le ministère des affaires étrangères ne fait
pas appel à Civipol. De même, l’AFD refuse de financer des projets en matière de migrations.
Ces difficultés témoignent de différences d’approche de fond sur ces questions, rendant d’autant
plus opportun un dialogue interministériel nourri.
Une rentabilité faible qui doit désormais se fonder sur un nouveau modèle
économique
Entre 2016 et 2022, le résultat net annuel moyen de Civipol a été légèrement bénéficiaire
(+71 400
€
). Toutefois, le caractère exceptionnel des années 2020 et 2021, marquées par la
cession en 2020 de sa filiale Transtec et la crise sanitaire, et la grande variabilité des résultats
sur la période, ne permettent pas de dégager de tendance pour l’avenir. Les résultats de Civipol
sont équilibrés sur son c
œ
ur de métier depuis l’exercice 2018, sauf en 2020.
Les produits financiers comprenaient jusqu’en 2020 les dividendes de Transtec, société
acquise en 2015 puis revendue à la suite d’arbitrages interministériels. Cette cession, organisée
sans justification économique, est à l’origine d’une perte limitée en tenant compte de l’ensemble
des flux financiers (-0,2 M
€
sur une entreprise acquise pour 10 M
€
). Depuis la cession de
Transtec, Civipol a renforcé sa participation dans le GIE Milipol, organisateur de salons dont
elle détient désormais 57 %, qui lui assure des rentrées régulières : elles étaient en moyenne de
550 000
€
par an au cours des trois exercices 2019-2021.
Les recettes résultant de sa participation dans Milipol apparaissent comme le moyen
d’amortir la baisse de rentabilité de la société depuis qu’elle s’est engagée en priorité dans la
voie des projets conduits sur subvention de l’Union européenne, dont la rentabilité est faible,
alors que les contrats de prestation de services qu’elle conduisait avant 2018 dégageaient une
rentabilité proche de 29 %. Autre source de diversification, les offres intégrées visant à
promouvoir l’offre industrielle française ont connu des résultats décevants et devraient amener
Civipol à revoir à la baisse ses ambitions en ce domaine.
La dépendance croissante de Civipol vis-à-vis des projets européens obligera l’opérateur
et l’État à une grande vigilance sur les prochaines orientations des fonds européens consacrés
au développement (NDICI) et le maintien d’un volume de projets de sécurité, au-delà des
projets concernant la seule thématique migratoire. La programmation des opérations au titre du
cadre financier pluriannuel 2021-2027 constitue un défi majeur pour Civipol.
De surcroît, les événements survenus en Afrique entre 2021 et 2023 (Mali, République
centrafricaine, Burkina Faso, Soudan, Niger) ont entraîné l’arrêt de la coopération bilatérale
dans des pays essentiels pour les activités de Civipol. La direction de l’entreprise comme le
ministère de l’Intérieur devront suivre avec attention l’impact de ce nouvel environnement
géopolitique sur l’équilibre fiancier et les orientations stratégiques de Civipol dans les années
à venir.
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L’accès au statut d’opérateur public européen, facteur de modernisation
dans l’organisation de Civipol
L’accès au statut d’opérateur public européen de coopération a nécessité un effort
important de rationalisation et de maîtrise du pilotage des processus de l’entreprise. La
coexistence d’instruments de
reporting
relevant du plan stratégique et du statut de société à
mission aboutit toutefois à un dispositif de pilotage assez peu lisible.
La réussite de cette préparation s’est traduite par l’obtention en avril 2022 de
l’accréditation pour la gestion des fonds européens délégués, dite
Pillar Assessment
. Cette
accréditation ouvre potentiellement à Civipol l’accès à de nouvelles sources de crédits
européens disponibles au titre du cadre financier 2021-2027, dans tous ses secteurs
d’interventions stratégiques.
Elle place cependant l’opérateur face à une mutation profonde de son modèle
économique. Celle-ci, observable dès le second semestre 2022, se caractérise par la montée en
puissance des projets en subvention, aux flux financiers importants mais à faible rentabilité.
Pour maintenir l’excédent brut d’exploitation au niveau de 3 % souhaité par son conseil
d’administration, Civipol devra poursuivre l’optimisation des transferts de charges de structure,
c’est-à-dire l’imputation d’une partie des coûts de siège sur le budget des projets. Cette
évolution rend nécessaire un nouvel environnement informatique en cours de construction, à
commencer par le nouveau progiciel de gestion intégré, qui devra aussi corriger les défauts
connus de longue date de son prédécesseur.
Le ralentissement de l’activité provoqué par la crise sanitaire a aussi été mis à profit par
Civipol pour progresser dans la maîtrise de ses processus, dont le précédent contrôle de la Cour
avait souligné les failles. Le système de contrôle interne est dorénavant adossé à un
management de la qualité plus élaboré.
Enfin, le statut de société à mission pourrait impliquer pour Civipol des changements
organisationnels à l’avenir, en créant une filiale qui logerait les contrats européens relevant de
l’accréditation
Pilar Assessment
.
Des progrès de gestion sont encore nécessaires dans trois domaines
Civipol exploite de nombreux systèmes d’information, outre le progiciel de gestion
intégré en cours de remplacement. La démarche adoptée pour ce dernier pourrait constituer la
première étape de la définition d’un schéma directeur d’ensemble et de la mise en place d’une
structure de pilotage de l’ensemble des systèmes d’information.
La connaissance des ressources humaines employées par Civipol doit être approfondie,
qu’il s’agisse des salariés du siège ou des experts, qu’ils soient salariés ou employés sous
d’autres formes contractuelles, car leur existence, leur disponibilité et leurs compétences sont
les conditions du succès dans l’obtention de crédits délégués et de projets. Les effectifs
employés par Civipol tous statuts confondus ont presque triplé entre 2016 et 2022 (de 76,5 à
192 ETPT). Or, la direction des ressources humaines n’est toujours pas en mesure de déterminer
les effectifs travaillant pour Civipol en temps réel.
Civipol doit, enfin, se préparer à respecter le code de la commande publique pour les
achats réalisés en qualité de mandataire de l’administration.
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LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 :
(Civipol) : mettre en place une comitologie spécifique aux
systèmes d’information et nouvelles technologies, ainsi qu’un schéma directeur assorti
d’un budget pluriannuel.
Recommandation n° 2 :
(Civipol) : Centraliser sans délai la gestion des ressources
humaines de l’entreprise (salariés et experts) et renforcer la connaissance du vivier des
experts.
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INTRODUCTION
Civipol a été créée le 28 février 2001 afin de doter le ministère de l’intérieur d’un
opérateur spécialisé dans l’ingénierie de projets internationaux. Pour plus de souplesse de
gestion, dans un contexte d’expansion des financements européens dans le domaine de la
coopération technique internationale, le choix avait été fait de recourir à un opérateur de droit
privé (société anonyme) soumis à un principe d’autofinancement et dont le capital est détenu
directement à 40,03 % par l’État. Ses autres principaux actionnaires sont Défense Conseil
International (13,83 %), société elle-même soumise au contrôle majoritaire de l’État, Thales
international (12,47 %), Airbus DS (12,07 %) et Morpho (11,14 %).
Civipol a possédé deux filiales au cours de la période sous revue : Transtec SA, société
de droit belge rachetée en mai 2016 (à 100 %) et une filiale créée au Cameroun fin 2015
(100 %). Par ailleurs, Civipol assure la présidence du GIE Milipol, qui est propriétaire de la
marque Milipol et organise les salons mondiaux de la sécurité intérieure. Civipol a augmenté
sa participation au capital du GIE Milipol 43 % à 57,33 % en 2019.
Un précédent contrôle, portant sur la période 2009 à 2015, a été conduit dans le contexte
de la réforme du dispositif français de coopération technique internationale, et s’est déroulé au
moment du rachat inattendu de Transtec. Ce contrôle a été suivi d’un référé au Premier
Ministre
1
soulevant des incohérences dans le dispositif français de coopération internationale.
Civipol tire ses ressources de la vente de ses prestations, sans recevoir de subvention, et
son principal client est l’Union européenne. En 2015, le chiffre d’affaires de la SA Civipol seule
s’établissait à 9,6 M
€
pour un volume d’affaires
2
de près de 21 M
€
. En 2021, la société a dégagé
un chiffre d’affaires de 11,3 M
€
pour un volume d’affaires de 43,2 M
€
et employait
221 équivalents temps-plein.
Son président-directeur général, nommé fin juin 2017 et reconduit en février 2019 puis
février 2022, a mis en place une nouvelle stratégie, en lien avec le ministère de l’intérieur, visant
à faire de Civipol l’instrument de la prolongation de l’action du ministère à l’international. Elle
intègre le nouveau modèle économique ouvert par l’obtention de l’accréditation européenne
Pillar Assessment
en avril 2022, combiné au nécessaire développement de nouvelles activités,
afin que la société continue à dégager des marges sur son c
œ
ur de métier, c’est-à-dire hors
produits financiers.
Le présent rapport examine successivement la stratégie et les missions (1), la
gouvernance (2), les métiers (3), avant d’aborder les comptes et la gestion (4).
1
Cour des comptes ;
référé du 28 juin 2017 sur
Les comptes et la gestion de Civipol Conseil
.
2
Le volume d’affaires est plus élevé que le chiffre d’affaires car il comprend en plus les flux financiers de l’Union
européenne vers les projets, qui transitent par les comptes de Civipol mais ne sont pas des charges ou des produits
de la société.
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1
UNE STRATEGIE ET DES MISSIONS REFONDUES A LA
SUITE DES ARBITRAGES SUR LE DISPOSITIF DE
COOPERATION
Depuis 2016, période soumise au contrôle de la Cour, des arbitrage gouvernementaux
ont permis d’établir la place de Civipol dans les actions de coopération internationale (1). La
société a développé dans ce contexte une nouvelle stratégie (2).
1.1
Civipol, l’opérateur du ministère de l’intérieur pour les actions de
coopération internationale
1.1.1
Civipol abordait le processus de rapprochement des opérateurs en situation
de fragilité
Au début de la période sous revue, la situation de l’opérateur Civipol présentait des
fragilités
-
Un résultat légèrement négatif sur son c
œ
ur de métier, compensé par ses produits
financiers ;
-
une relation considérée par Civipol comme « sous-optimale » avec son administration de
référence, la direction de la coopération internationale du ministère de l’intérieur, dont
certains services tendaient à privilégier le recours à Expertise-France ;
-
une inquiétude de Civipol, enfin, à l’égard des initiatives de l’opérateur Expertise France
dans le champ de la sécurité intérieure, alors même qu’Expertise France était, avec
l’Agence Française de développement, le seul opérateur français accrédité par la
Commission européenne pour la gestion déléguée de fonds européens, lui permettant de
bénéficier de budgets importants réservés aux organismes accrédités
3
.
Ce climat général de tension s’inscrit dans le contexte de la réforme du dispositif de
l’expertise publique internationale, qui prévoyait le rapprochement des opérateurs et créait une
agence française d’expertise technique internationale, préfigurée par France Expertise
Internationale (devenue Expertise France), elle-même issue d’une première fusion de six
opérateurs publics.
Au début de la période sous revue, Civipol était maintenu hors de ce périmètre de
rapprochement des opérateurs, le ministère de l’intérieur ayant plaidé pour la conservation d’un
opérateur métier spécifique au champ de la sécurité.
3
En application de l’article 154 du règlement financier applicable au budget général de l’Union européenne, la
Commission européenne peut confier des tâches d’exécution budgétaire à des « entités », parmi lesquelles des pays
tiers ou des organismes qu’ils auront désignés (cf.
infra 2.3
).
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1.1.2
Les arbitrages interministériels ont mis un terme au processus de
rapprochement des opérateurs et redéfini la trajectoire de Civipol
En 2018, les arbitrages interministériels suivants ont été rendus :
-
Civipol interviendra désormais sur les seules thématiques dites « de sécurité dure »
correspondant aux priorités opérationnelles du ministère de l’intérieur : lutte contre le
crime organisé, contre le terrorisme et la radicalisation, contrôle des flux migratoires et des
frontières,
identité
(consolidation
des
systèmes
d’état-civil),
cybercriminalité,
renforcement des forces de sécurité intérieure et appui aux États dans la consolidation de
leur système de sécurité intérieure.
-
Outre les projets en matière de développement, Expertise France se voit attribuer de
manière exclusive les projets relatifs à la sécurité civile
4
, à l’administration territoriale, à
la gouvernance, naguère portés également par Civipol. Expertise France ne sera plus
autorisée à conduire des projets de sécurité « dure », désormais réservés à Civipol.
-
Instruction a été donnée à Civipol d’engager une demande d’accréditation auprès de la
Commission européenne pour la gestion des fonds européens délégués (PAGoDA,
devenue
Pillar Assessment
à partir de 2019). Il s’agissait pour Civipol d’avoir accès à
l’ensemble des instruments financiers lui permettant de conduire sa mission recentrée, et
de mettre un terme à la confusion entretenue auprès des instances européennes et des
partenaires par le positionnement d’Expertise France sur ces thématiques.
À la suite des arbitrages, le projet de fusion des opérateurs français a été abandonné et
l’intégration d’Expertise France au sein d’un groupe élargi de l’Agence française de
développement officialisée par le Comité interministériel de la coopération internationale et du
développement du 8 février 2018 puis confirmée par la loi du 4 août 2021
5
qui abroge la quasi-
totalité de la loi de 2014 qui disposait le rapprochement des opérateurs de coopération de l’État
6
.
Le ministère de l’intérieur a réorganisé le pilotage de son action européenne et
internationale : le
Livre blanc de la sécurité intérieure
de novembre 2020 affirme la dimension
extérieure de son action de protection du territoire national et par extension la nécessité de
disposer d’un opérateur dédié, Civipol, placé sous son contrôle. Une direction des affaires
européennes et internationales, chargée de la conduite stratégique des coopérations de sécurité
et de leur coordination non opérationnelle, est créée. Cependant, les coopérations
opérationnelles restent du ressort de la direction de la coopération internationale de sécurité
(DCIS). La récente loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de
l’intérieur (LOPMI) confirme cette réorganisation et par conséquent le rôle central de Civipol
comme outil de l’action du ministère à l’international.
4
Bien que relevant du ministère de l’intérieur, cette thématique ne fait donc pas partie du périmètre de la sécurité
dure au sens des arbitrages.
5
Loi 2021-1031 du 4 août 2021 « de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les
inégalités mondiales ». Elle confirme (article 10-III) l’autorisation donnée à l’Agence Française de développement
de détenir tout ou partie du capital de la SAS Expertise France.
6
La loi du 7 juillet 2014
d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité
internationale
.
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1.1.3
Un climat apaisé, une coordination interministérielle en progrès mais qui se
cherche encore
1.1.3.1
L’apaisement des relations entre Civipol et Expertise France
Le constat est globalement partagé par toutes les parties prenantes d’une clarification
progressive des domaines de compétence entre Civipol et Expertise France. La signature en
février 2019 d’une convention-cadre entre le ministère de l’intérieur (direction de la coopération
internationale de sécurité) et Expertise France, renouvelée à deux reprises, désormais jusqu’en
2025, fixe les nouvelles modalités de coopération entre les deux parties.
Les principes de « dominante » et de « subsidiarité » structurent le dialogue entre
Civipol et Expertise France. La convention précise ainsi les critères d’attribution des projets
comportant plusieurs composantes selon le principe de la dominante : si une composante
sécurité civile (compétence dévolue à Expertise France) figure dans un projet à dominante
développement, l’opérateur de mise en
œ
uvre sera Expertise France ; si la thématique
dominante de ce même projet est d’ordre sécuritaire (par exemple, capacité de gestion de crise
du ministère de l’intérieur du bénéficiaire), c’est Civipol qui conduira le projet. De même un
principe de subsidiarité est prévu, avec l’intervention possible d’un opérateur dans le champ de
compétence de l’autre, en concertation et si ce dernier ne peut pas ou ne souhaite pas se porter
candidat.
La convention adopte enfin une comitologie spécifique qui a été mise en
œ
uvre avec
succès en plusieurs occasions en cas de désaccord persistant, permettant d’aplanir les difficultés
résiduelles entre opérateurs.
1.1.3.2
Un ancrage revendiqué de Civipol au sein du ministère de l’intérieur
Le dispositif qui émerge des arbitrages de 2018 préserve au ministère de l’intérieur le
bénéfice d’un opérateur de droit privé lui permettant de développer des coopérations techniques
pouvant être intégralement portées par le ministère, ou bien portées conjointement avec Civipol,
en recourant à sa capacité de mobilisation de ressources externes au ministère. Cette agilité
assure au ministère de l’intérieur un accès relativement fluide aux fonds européens.
En 2020, l’adoption par Civipol du statut de « société à mission » en vertu de la loi
Pacte
7
est venu conforter son ancrage institutionnel. Les statuts de société à mission ont été
approuvés en assemblée générale du 16 décembre 2020. L’objectif premier de la société à
mission Civipol n’est autre que la mise en
œ
uvre de la stratégie du ministère de l’intérieur, qui
figurait déjà depuis 2018 au c
œ
ur de la raison d’être de l’opérateur. La direction générale de
Civipol reconnaît que ce changement a pour objectif principal une amélioration de la
7
Loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation de l’entreprise) du 22 mai 2019. L’article 176 de
la loi PACTE et les articles L210-10 à L 210-12 du Code de commerce qui en découlent ouvrent droit à toute
société de faire publiquement état de sa qualité de société à mission, dès lors qu’elle présente une raison d’être et
des objectifs sociaux et environnementaux, traduits par des engagements opérationnels. Ces derniers sont contrôlés
en interne par un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le Code de commerce et qui rend
compte à l’Assemblée Générale en charge de l’approbation des comptes.
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communication institutionnelle de l’opérateur vis-à-vis des administrations de référence et des
principaux partenaires, aux yeux desquels le statut de société anonyme de Civipol laissait
entendre que l’opérateur plaçait la rentabilité au premier plan de ses objectifs.
Un plan d’actions communes élaboré en 2019 entre la direction de la coopération
internationale de sécurité et Civipol, ainsi que le renouvellement du cadre contractuel des
relations entre l’opérateur et sa tutelle en juin 2021 (cf.
infra
), procèdent de la même logique
qui tend à faire de Civipol un partenaire à part entière et non plus un « sous-traitant » du
ministère de l’intérieur.
1.1.3.3
Les efforts de coordination interministérielle pour assurer la cohérence de
« l’équipe France » dans le domaine de la coopération de sécurité
Les arbitrages ont décidé la suppression du poste de délégué interministériel à la
coopération technique internationale, dont le titulaire était aussi le président d’Expertise-
France, au risque de le placer en position de conflit d’intérêt. Le remède apporté par cette
suppression et celle de la comitologie associée qu’il était censé animer prive néanmoins le
dispositif d’un outil de coordination interministérielle ainsi que de sa déclinaison opérationnelle
au niveau des opérateurs.
Le défi principal aujourd’hui n’est plus tant celui du partage des champs de compétence
dans les cas litigieux (qui font l’objet en dernière instance d’un arbitrage du secrétariat général
des affaires européennes (SGAE) que celui d’une coordination efficace entre tutelles
ministérielles.
Coordination interministérielle en Belgique : les réponses pragmatiques de l’opérateur.
L’agence ENABEL, SA de droit public placée sous la tutelle du ministère fédéral belge de la
coopération, est compétente sur l’ensemble de champs de coopération technique rassemblés sous le vocable
d’approche globale, ou « trois D » (diplomatie, défense, développement). Sur ses zones d’intervention
réduites en nombre (quelques pays d’Afrique et du Maghreb), ENABEL a le monopole de la coopération
technique belge internationale. Il se décrit comme comparable dans son mode de fonctionnement à la GIZ
allemande. Compétent sur la coopération de sécurité, il s’abstient de traiter de sujets de sécurité « dure »
tels que la lutte antiterroriste, afin de limiter le risque d’exposition des équipes en charge du développement
qui travaillent également sous son pavillon.
En dehors des projets de développement bilatéraux financés et exécutés sous mandat direct de sa
tutelle (environ 200 M
€
par an), 42 % du volume d’affaires d’ENABEL (150 M
€
) relèvent des fonds
européens. En l’absence d’un comité interministériel, pourtant prévu dans les textes mais jamais convoqué,
et d’une véritable coordination de la part du ministère des affaires étrangères, c’est l’opérateur ENABEL
lui-même qui s’assure auprès de ministères techniques de la cohérence de ses propositions de projets avec
les stratégies et les zones prioritaires de ces ministères, dont celui de l’intérieur. Cette précaution facilite en
retour la mise à disposition d’une expertise-métier pointue, en particulier sur les sujets de sécurité.
Ce mécanisme de coordination interministérielle assurée par l’opérateur lui-même semble bien
fonctionner et jouer son rôle de substitut partiel de son ministère de tutelle, un rôle facilité, il est vrai, par
le rassemblement sous l’entité unique ENABEL de l’ensemble des capacités belges d’expertise technique
internationale.
Au sein du ministère de l’intérieur, c’est la direction des affaires européennes et
internationales qui, dans le domaine des coopérations de sécurité, a vocation à jouer un rôle
pivot, d’une part en qualité de point de contact avec le SGAE, en participant à l’élaboration de
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stratégies interministérielles, d’autre part, en élaborant des stratégies ministérielles ou
sectorielles et géographiques. Diverses stratégies ministérielles sont en cours de validation,
indique la Direction des affaires européennes et internationales, dont la plus récente fait suite
aux coups d’État récents (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, Guinée) et porte sur la descente
de la menace terroriste sur les pays du golfe de Guinée. Toutefois, l’ancrage actuel de cette
direction auprès du secrétariat général du ministère fragilise sa légitimité pour proposer des
stratégies sur la lutte antiterrorisme (chef de file : direction générale de la sécurité intérieure)
ou la lutte contre les stupéfiants (chef de file Office antistupéfiants).
Dans les domaines relevant de la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée
(sécurité dure), le ministère de l’intérieur est le pilote naturel de la stratégie de coopération, en
vertu du continuum sécurité intérieure-sécurité extérieure posé par le
Livre Blanc de la sécurité
intérieure
de novembre 2020 et en raison de la recherche de coopérations qui ont un effet sur
le territoire national, désignée comme « retour en sécurité intérieure », au c
œ
ur de la stratégie
du ministère et de celle de Civipol.
D’autres stratégies interministérielles en revanche sollicitent les compétences de
Civipol tout en n’étant pas exclusivement axées sur la sécurité intérieure mais en touchant
également le continuum sécurité-défense ou sécurité-développement. Il en résulte des exercices
nécessaires de conciliation entre ces différentes approches. On en donnera trois exemples ci-
dessous :
La réforme des systèmes de sécurité : une stratégie interministérielle partagée, sous pilotage
du MEAE
Dotée d’un réseau de 313 coopérants, la direction de la coopération de sécurité et de
défense (DCSD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pilote les actions de
coopération en matière de défense, sécurité intérieure et protection civile. Elle gère en propre
100 M
€
de crédits de coopération bilatérale (transférés en 2009 du ministère de l’intérieur au
MAE), dont environ 9,9 M
€
hors dépenses de personnel. La DCSD contractualise directement
avec l’Union européenne ou en association avec les opérateurs français accrédités, dont Civipol,
en maître d’
œ
uvre des projets, pour affecter des fonds européens à l’exécution de projets en
matière de coopération structurelle de sécurité et de défense, y compris des projets portant sur
la réforme des systèmes de sécurité.
L’accréditation de Défense Conseil International (DCI), opérateur du ministère des
armées au statut de société anonyme, à la gestion déléguée des fonds européens, obtenue en
juillet 2023, relance les risques de compétition entre Civipol et Défense Conseil International,
sur ce champ sécurité-défense.
Civipol, l’Agence des participation de l’État (APE) et la DAEI assurent qu’un tel risque
est inexistant en vertu du continuum sécurité-défense et de la concertation entre tutelles, tandis
que le MEAE souligne la réalité de risque de chevauchement des périmètres. Il s’agit ici d’un
point de vigilance renforcée du fait des projets de privatisation complète de DCI, et qu’il
conviendra de suivre pour apprécier l’impact de la montée en puissance de DCI dans le
dispositif français de coopération.
Coopération en matière d’état civil : des approches différenciées que le dispositif actuel doit
pouvoir faire coexister dans leur plénitude et dans l’intérêt de « l’équipe-France »
La coopération en matière d’état civil se trouvait jusqu’en 2021 dépourvue de service
traitant au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères depuis le transfert à l’Agence
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française de développement (AFD), en 2016, de la compétence gouvernance et des crédits
correspondants. En 2021, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (direction générale
de la mondialisation) a été fortement incité à reprendre l’initiative sur ce sujet à la suite d’un
rapport de l’Assemblée nationale sur les enfants sans identité
8
. Il a entrepris la rédaction d’une
«
feuille de route interministérielle état civil 2021-2027
»
9
, axée sur l’accès à l’identité
juridique comme vecteur d’accès aux droits (santé, éducation, droits civiques).
Cette feuille de route cible prioritairement l’Afrique du Nord et subsaharienne, soit des
priorités géographiques identiques à celles figurant au plan stratégique de Civipol. Ce dernier
a d’ailleurs contribué à la rédaction de cette feuille de route, en y soulignant le besoin d’une
approche étatique dans les pays bénéficiaires, en complément de l’Agence française de
développement, plutôt tournée vers la sensibilisation des sociétés civiles via les ONG.
Si les pays bénéficiaires ne sont guère disposés à s’endetter auprès de l’Agence française
de développement pour financer des missions régaliennes telles que l’état-civil, le MEAE
dispose de son côté d’un outil de financement, le
Fonds de solidarité pour les projets innovants
,
permettant aux ambassades de conduire des actions au bénéfice des populations locales (par
exemple, dans des domaines qui comportent une dimension d’enregistrement à l’état civil en
vue d’accéder aux droits fondamentaux comme l’éducation ou la santé).
La Cour a pu constater au cours de son contrôle qu’Expertise France se tient
délibérément écarté de la composante état-civil de tout projet de coopération, quand bien même
l’opérateur a compétence sur les secteurs de la santé et de l’éducation, terrains privilégiés de
l’accès aux droits à condition qu’existe un système d’état-civil fiable. À ce constat s’ajoute
l’interdiction faite par les statuts de l’AFD de financer directement Civipol car il n’est pas
détenu à 100 % par l’État ; d’autre part, le MEAE s’abstient de faire appel directement à Civipol
en raison du lien entre identité et contrôle des migrations, qu’il juge peu compatible avec
l’approche développement adoptée dans le cadre du dialogue avec le pays bénéficiaire.
Ainsi la politique française de coopération internationale en matière d’état civil peine-
t-elle encore à réconcilier les deux courants qui la traversent : l’approche axée sur le soutien au
développement, d’une part, et l’approche axée sur l’objectif de retour en sécurité intérieure,
d’autre part.
Dans le domaine de l’état-civil comme dans les autres champs de coopération, les
administrations et les opérateurs doivent mettre en
œ
uvre le principe de subsidiarité figurant
dans la convention-cadre passée entre Expertise-France et le ministère de l’intérieur. Ce
principe autorise Expertise-France ainsi que Civipol à intervenir sur tout projet relevant du
domaine exclusif attribué à l’autre opérateur par la convention, en concertation entre les
ministères responsables, lorsque cet autre opérateur décide de ne pas se positionner sur un
projet.
8
Rapport des députées Laurence Dumont et Aina Kuric du 3 mars 2021.
9
Dont les objectifs ont été entérinés par la loi du 4 août 2021.
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Migrations : un dialogue en cours de structuration entre les ministères de l’intérieur et de
l’Europe et des affaires étrangères, un début de déclinaison opérationnelle.
Dans le domaine des migrations, les efforts de coordination interministérielle sont
récents et motivés par le contexte européen, notamment depuis le sommet de La Valette sur les
migrations de novembre 2015.
Le sommet de La Valette sur la migration, 11-12 novembre 2015
Le sommet de La Valette sur la migration a réuni les chefs d'État ou de gouvernement européens et
africains Les dirigeants ont adopté une déclaration politique et un plan d'action visant à :
- s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés de population
- intensifier la coopération concernant les migrations et la mobilité légales
- renforcer la protection des migrants et des demandeurs d'asile
- prévenir la migration irrégulière, le trafic de migrants et la traite des êtres humains et lutter contre ces
phénomènes
- coopérer plus étroitement pour améliorer la coopération en matière de retour, de réadmission et de
réintégration
C’est à l’ambassadeur chargé des migrations au sein du ministère de l’Europe et des
affaires étrangères que revient la tâche de «
consolider une stratégie migratoire globale
», qui
combine le traitement des causes profondes des migrations, la protection des migrants et la lutte
contre les migrations irrégulières. L’impulsion politique est donnée par un comité stratégique
créé en janvier 2023 et présidé par les ministres de l’Europe et des affaires étrangères d’une
part, de l’intérieur d’autre part. L’objectif majeur est de coordonner l’ensemble des opérateurs
placés sous tutelle du ministère de l’intérieur afin de couvrir le spectre complet du plan d’action
de la Valette. Les opérateurs sont invités à inscrire leurs actions dans le cadre de leurs mandats
respectifs, aussi Civipol n’est-il concerné que par le pilier sécuritaire des cinq piliers dits « de
la Valette » (prévenir la migration irrégulière, le trafic de migrants et la traite des êtres humains).
L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de positionner des offres françaises cohérentes sur
les programmes européens en matière de migrations, et de s’assurer que les opérateurs français
s’abstiendront, lorsque c’est possible, de préférer un partenariat avec un concurrent européen
là où un partenaire français est disponible (le cas se serait présenté à plusieurs reprises,
notamment au bénéfice de l’Agence de coopération allemande GIZ.
La possibilité d’un financement par l’AFD de sujets migratoires est un v
œ
u réitéré du
ministère de l’intérieur. Le point de blocage est celui des conditionnalités (retour au pays des
migrants irréguliers), une approche étrangère au mandat de l’agence. Le ministère de l’intérieur
s’efforce de son côté de doter son budget d’un levier financier spécifique à la question
migratoire. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l’intérieur 2023-2027 a
prévu une enveloppe de 120 M
€
à cet effet.
*
Civipol se trouvait en position de fragilité au début du processus de rapprochement des
opérateurs de coopération voulu par la loi du 7 juillet 2014. Les arbitrages du Gouvernement et
la loi du 4 août 2021 ont modifié le dispositif, permettant au ministère de l’intérieur de redéfinir
la mission de son opérateur. La coordination interministérielle a progressé sans répondre à
toutes les questions encore posées par la cohérence nécessaire entre les coopérations de sécurité
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et de développement. Le ministère de l’intérieur doit veiller à ce que sa politique de coopération,
menée par le biais de Civipol, soit cohérente avec la politique définie par le ministère des
affaires étrangères.
1.2
Stratégie et missions assignées à Civipol : un recentrage sur le c
œ
ur de
métier, une action publique à coût nul pour l’État.
Les statuts de Civipol, mis à jour au 11 juin 2019 à la suite des arbitrages de 2018,
incorporent les nouvelles missions de la société, qui contribue «
à la réalisation des missions
de service public de l’État
» et de «
priorités opérationnelles du ministère de l’intérieur à
l’extérieur des frontières, en particulier vers les zones génératrices de menaces pour le
territoire national et européen
».
La dernière lettre de mission du 1
er
février 2022 au PDG de Civipol, à l’occasion du
renouvellement de son mandat, cosignée par les directeurs de cabinet du ministre de
l’économie, des finances et de la relance, et du ministre de l’intérieur, lui assigne pour tâche la
mise en
œ
uvre du plan stratégique révisé 2019-2022 (ensuite étendu à 2023) mais également la
transformation du modèle économique.
1.2.1
Des objectifs détaillés dans le cadre du plan stratégique et, depuis 2020, de la
société à mission
À la suite des arbitrages de 2018, Civipol s’est doté d’un plan stratégique largement
remanié, approuvé en conseil d’administration d’avril 2019. Il couvre la période 2019-2021,
suivi d’une actualisation et d’une extension à 2022 puis à 2023.
Cette actualisation lui en conserve les trois axes prioritaires, à savoir le recentrage de
l’activité sur les fondamentaux de la sécurité, la consolidation des positions sur les zones
génératrices de menaces, et l’amélioration de la qualité des productions. Depuis 2020, dans le
cadre de la société à mission qu’est devenue Civipol, l’opérateur s’est également doté de
missions certes cohérentes avec les indicateurs du plan stratégiques mais qui n’en constituent
pas moins un corpus distinct, aux modalités d’évaluation par ailleurs différentes.
Il résulte de ces instruments concomitants un dispositif composite et assez peu lisible.
Une mise en cohérence des deux corpus (plan stratégique, société à mission) dans le cadre de
l’élaboration du prochain plan stratégique, faciliterait la lecture de l’atteinte des résultats.
De surcroît, un compte-rendu plus fréquent du niveau d’exécution du plan stratégique à
l’attention des membres du conseil d’administration serait souhaitable. Le plan stratégique a
fait l’objet de deux documents formels d’évaluation de son exécution : à 18 mois de mise en
œ
uvre (avril 2019-mars 2020) à partir des indicateurs élaborés en 2018, puis à la fin de 2022,
après trois ans.
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Une première évaluation du plan stratégique de Civipol effectuée en 2019 estimait son
taux de réalisation à 66 %
10
.
En 2020, sans être remis en cause dans leurs fondamentaux, ces trois axes ont été
retravaillés par Civipol pour produire les trois objectifs de la nouvelle société à mission.
Le premier rapport de mission pour 2021 fait état, au 31 décembre 2021, de taux
d’atteinte satisfaisants : 75 % pour l’objectif « contribuer à la mise en
œ
uvre de la stratégie de
coopération internationale du ministre de l’intérieur », 86 % d’atteinte pour l’objectif de
« renforcement des capacités des pays en zone fragile dans une logique de retour en sécurité
intérieure » mais seulement 48 % d’atteinte pour l’objectif « fournir une identité sécurisée pour
une meilleure gestion des flux migratoires et renforcer la capacité des États à assurer la
protection de leurs citoyens » (qui traduit la contribution de Civipol à la fiabilisation des
systèmes nationaux d’état-civil).
De son côté, l’opérateur effectuait à la fin de 2022 une évaluation à N+3 de la mise en
œ
uvre de son plan stratégique 2019-2023, selon sa méthode de coefficients de pondération de
ses indicateurs. Il en résulte, aux trois quarts de la période d’exécution, un taux d’exécution de
83 %, soit une trajectoire positive, tandis que 10 % seulement des actions n’avaient pas
démarré, par exemple la formation des responsables de projet aux activités de développement
de projet ou le retour d’expérience des experts de Civipol sur la qualité de leur relation avec
l’opérateur.
Il reste que le bilan d’exécution apparaît satisfaisant. En particulier, l’objectif
d’intégration de Civipol dans la réflexion du ministère quant à son dispositif de coopération
(axe 1) est atteint, au point qu’il ne devrait plus figurer au nombre des axes prioritaires du
prochain plan stratégique. On soulignera au crédit de Civipol que ces performances sont
obtenues dans le cadre du ralentissement dû à la crise sanitaire et aux crises à répétition en
Afrique, tout particulièrement en République centrafricaine et au Mali (mise à l’arrêt d’un
important projet d’état civil au Mali en 2022).
Un nouveau plan stratégique 2024-2027, en cours d’élaboration, traduira les tendances
à l’
œ
uvre en 2022 : redéploiement vers de nouvelles zones prioritaires (Balkans, Golfe de
Guinée), conséquences juridiques pour Civipol d’une orientation forte vers des projets en
innovation, entre autres.
1.2.2
La transformation du modèle économique et le maintien à l’équilibre : un
impératif majeur
C’est l’autre tâche assignée au président-directeur général Civipol, aux côtés de la mise
en
œ
uvre du plan stratégique et de la gouvernance de la société, dans sa lettre de mission du
1
er
février 2022. Le contexte de la crise sanitaire a entraîné dès 2020 un ralentissement (-7 %
d’excédent brut d’exploitation) dont les effets exogènes se prolongent en 2021 pour s’atténuer
au second semestre de 2022 seulement. C’est dans ce contexte difficile qu’interviennent les
premiers effets de l’accréditation à la gestion déléguée de fonds européens, aux conséquences
décisives pour la rentabilité de l’entreprise.
10
Ce taux d’exécution est calculé à partir de l’agrégation des 63 indicateurs du plan stratégique, affectés d’un
coefficient de pondération, traduisant 71 résultats à atteindre, 34 actions à réaliser, 17 objectifs, 7 composantes
réparties dans les trois axes stratégiques.
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1.2.2.1
Rentabilité et mission de service public demeurent également prioritaires
pour Civipol
Civipol est une société commerciale : un financement équilibré par ses ressources
propres et non par subvention d’équilibre est nécessaire à sa viabilité. Par ailleurs, chargée
d’une mission de service public, la société anonyme n’est pas en mesure de conduire une
politique commerciale propre et ce ne sont pas (ou plus) les opportunités économiques ou
financières qui conditionnent principalement sa prise de position sur un marché déterminé. Une
telle politique, encore à l’
œ
uvre sur les deux premières années de la période sous revue, ne
serait du reste pas une garantie suffisante de rentabilité : ainsi l’objectif, en vigueur en 2016 et
2017, d’une performance accrue par la diversification des sources de revenus, n’a-t-il pas été
atteint.
L’enjeu central est de rendre Civipol profitable sur son « c
œ
ur de métier », c’est-à-dire
maintenue à l’équilibre sans recourir aux dividendes de ses titres Milipol et encore moins à
l’argent public. Le conseil d’administration vise le maintien d’un excédent brut d’exploitation
supérieur à 3 %, hors produits financiers.
Le taux de marge brute des projets est resté stable dans la durée, en dépit des choix faits
depuis les années 2010 – s’accélérant à partir de 2015 – de donner la priorité à des projets
financés par la Commission Européenne. Ces projets représentent des volumes d’affaires plus
importants mais des marges moins rémunératrices que les projets de prestation de service. Si la
question du seuil de rentabilité des projets n’est donc pas neuve pour Civipol, elle se pose de
manière accrue depuis l’obtention de l’accréditation pour la gestion déléguée des fonds, laquelle
constitue une variante des projets en subvention.
La classification des contrats
La gestion déléguée des fonds européens se greffe sur une classification des contrats toujours
en vigueur : prestation de services, d’une part et subvention d’autre part, qui détermine le calcul de la
rémunération de l’opérateur. Il est à noter que cette classification est indépendante de la thématique,
mais relève du choix du bailleur. Civipol mène son mandat selon deux grandes catégories de contrats :
1-En tant que prestataire de services : une forte rentabilité.
Civipol fournit une prestation principalement d’assistance technique. Sa rémunération forfaitaire est
versée par le client, après validation des livrables : rapport, formation réalisée, etc. Une option consiste
pour le client à rémunérer Civipol sur honoraires, sur lesquels Civipol réalise sa marge. Le taux de
marge brute de Civipol sur un contrat de prestation de services se situe aux alentours de
29 %
.
2-En tant qu’opérateur public sur subvention : la question récurrente du calcul de la marge.
Certains bailleurs privilégient les subventions, mieux adaptées à la gestion de projets
comportant tout à la fois des fournitures, des prestations de services et des travaux. Les subventions
sont en outre le vecteur tout indiqué pour les contrats passés de gré-à-gré.
La rémunération de l’opérateur, ou frais de gestion, correspond dans les contrats sur subvention
à une quote-part prédéterminée de l’ensemble du budget du contrat géré, soit le plus souvent 7 % sur
les contrats passés avec l’Union européenne. Ce pourcentage, censé couvrir les coûts indirects de
l’opérateur, est prélevé par Civipol sur le budget du projet, sans justificatif. Les coûts directs, quant à
eux, sont intégralement remboursés par l’Union européenne sur justificatifs et après audit des dépenses.
Enfin, une quote-part de la masse salariale mobilisée par le siège de Civipol pour l’exécution
du contrat (
backstopping
) peut être intégrée, sur justificatif, dans les coûts directs : c’est le calcul du
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temps passé sur le projet par les salariés du siège, par la méthode comptable du « transfert de charges »,
qui détermine la marge opérationnelle finale d’un contrat en subvention. Ces coûts de soutien directs
validés par le bailleur excèdent rarement 5 % du budget total, d’où une marge moyenne de
12 %
(soit
7 % + 5 %), réalisée par Civipol sur le volume d’affaires des projets qu’il conduit en subvention.
1.2.2.2
La réussite du passage à la gestion déléguée des fonds européens constitue
l’enjeu central de son modèle d’affaires
L’accréditation de Civipol pour la gestion déléguée des fonds de l’Union européenne,
issue du
Pillar Assessment
11
, a permis d’inscrire la société au nombre des opérateurs publics
européens de coopération.
La montée en puissance des projets en gestion déléguée sur les thématiques régaliennes
aura mécaniquement pour effet de réduire pour Civipol la part des projets financés selon
d’autres modalités (et notamment la prestation de services), voire de la faire disparaître à l’égard
de la Commission européenne
12
. En effet, l’accréditation
Pillar Assessment
faisant désormais
de Civipol un partenaire de mise en
œ
uvre pour le bailleur européen, il est logique que la société
ne puisse plus soumissionner à un contrat de prestation de services au risque de générer une
distorsion de concurrence vis-à-vis des autres opérateurs privés non accrédités
Pillar
Assessment
. Un enjeu décisif pour Civipol sera donc d’augmenter dans son portefeuille la part
des projets de prestation de services financés par d’autres bailleurs : Banque mondiale, Agence
française de développement dans les limites du mandat de celle-ci, États tiers.
En effet la hausse des projets en gestion déléguée a pour conséquence une forte pression
à la baisse du chiffre d’affaires de Civipol, en raison de leur moindre rentabilité intrinsèque
ainsi que du mode de calcul de ce chiffre d’affaires dans les projets en gestion déléguée (cf.
§4.1.6). À volume d’affaires égal (le volume d’affaires traduit le montant du contrat, et à
l’échelle de la société, l’ensemble de flux financiers transitant dans ses comptes), les contrats
en subvention et notamment en gestion déléguée génèrent un taux de marge trois à quatre fois
moindre (7 à 12 %) que celui des contrats prestataires qui atteint 29 %. L’impact économique
et financier de l’accréditation sur le modèle économique de Civipol sera donc très significatif.
Le modèle d’affaires (
business model
), adopté en janvier 2022 par le conseil
d’administration de Civipol, et qui couvre la période 2022-2026, s’efforce d’inscrire ces
perspectives dans une stratégie de développement cohérente.
Le bilan à mi-parcours du modèle d’affaires de Civipol est programmé pour le premier
semestre 2024. Civipol considère comme assuré un excédent brut d’exploitation positif
jusqu’en 2024, par le seul effet des projets actifs en 2022 : en septembre 2022, le chiffre
d’affaires et le volume d’affaires prévisionnels pour 2022 étaient légèrement supérieurs aux
anticipations du modèle d’affaires. Pour l’avenir proche, des discussions sont en cours avec
l’Agence française de développement, la Banque mondiale, la Banque africaine de
développement ainsi que l’agence de coopération japonaise, susceptibles de déboucher en 2023
sur un rebond des contrats en prestation de services. S’agissant en revanche des transferts de
11
Anciennement PAGoDA, fondé sur le règlement européen 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil et sur
la décision de la Commission européenne 2019/C191/02.
12
Comme l’a confirmé la programmation du cadre financier pluriannuel 2021-2027 adopté par l’UE.
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charge, et malgré des progrès notables
13
permis par le renforcement du pilotage des projets et
des processus, le seuil de rentabilité des projets en subvention n’est pas atteint. Il reste que les
événements survenus au cours des années 2021-2023 dans les zones d’intervention
traditionnelles de Civipol en Afrique francophone ne peuvent qu’affecter sa clientèle actuelle
et potentielle.
Déjà constatée au second semestre de 2022, la montée en puissance des projets en
Pillar
Assessment
dans le portefeuille des projets en négociation jouera un rôle déterminant pour
compenser la baisse du chiffre d’affaires par un volume d’affaires attendu en forte hausse.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
En quête d’un nouveau modèle économique et de diversification, en concurrence avec
Expertise France sur son c
œ
ur de métier, Civipol se trouvait au début de la période sous revue
à la croisée des chemins. Le projet de son intégration au sein d’une agence unique de
coopération technique internationale, prévue par la loi de 2014, sous l’égide d’Expertise
France, a été fortement combattue dans son principe et ses méthodes par le ministère de
l’intérieur qui souhaitait conserver un opérateur capable de mettre en
œ
uvre des projets de
coopération ayant des effets sur le territoire national. De difficiles arbitrages interministériels
ont consacré le maintien de Civipol sous la tutelle du ministère de l’intérieur, avec une mission
de recentrage sur les thématiques de sécurité « dure » au service des priorités du ministère. En
parallèle, les acteurs des arbitrages ont invité Civipol à obtenir l’accréditation pour la gestion
déléguée des fonds européens, afin de devenir opérateur de référence de l’Union européenne
sur les coopérations de sécurité et d’accéder à des financements accrus en nombre et en
volume.
S’il résulte de ces arbitrages un paysage durablement fragmenté de la coopération
technique internationale, celui-ci n’en est pas moins sensiblement apaisé par rapport à la
situation antérieure. La répartition des tâches entre opérateurs sur le champ sécuritaire est
opérante pour l’essentiel, les mécanismes de dialogue entre tutelles sont à l’
œ
uvre, et le
ministère de l’intérieur a musclé son orientation européenne et internationale avec la création
d’une direction dédiée et envisage de poursuivre ses efforts de structuration en ce sens, qui ne
sont pas sans soulever des questions d’organisation.
Des points de tension interministériels subsistent sur les politiques de coopération
relevant en tout ou partie du portefeuille de Civipol ; en particulier, le ministère de l’intérieur
et le ministère des affaires étrangères ne visent pas les mêmes objectifs en matière d’état-civil
et
de migrations. Leurs opérateurs doivent donc développer l’application les règles de partage
et de subsidiarité prévues par la convention-cadre passée entre Expertise-France et le
ministère de l’intérieur.
L’évaluation après trois ans du plan stratégique couvrant la période 2019-2023
confirme une trajectoire satisfaisante sur le plan opérationnel. L’évaluation de l’atteinte de ses
missions par Civipol, assurée de manière indépendante dans le cadre de la société à mission,
met en lumière le haut degré d’intégration de Civipol au ministère de l’intérieur et l’effectivité
de son recentrage en vue d’un retour en sécurité intérieure. Une articulation plus claire des
13
Progrès qui ont permis une croissance de 228 % des transferts de charge entre 2017 et 2022 (source : comité
d’audit de septembre 2022), en dépit de plusieurs dépenses jugées inéligibles par la Commission européenne.
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deux corpus d’indicateurs, ceux du plan stratégique et ceux de la société à mission, serait
bienvenue.
C’est la transformation de son modèle économique qui constitue le défi majeur posé à
l’opérateur. Civipol devra impérativement trouver, dans les contrats générés par
l’accréditation européenne, à volume d’affaires élevé et faible marge bénéficiaire, la source
d’une rentabilité pérenne. Cette évolution interviendra également à un moment où le contexte
géopolitique en Afrique subsaharienne affecte les relations bilétarles de la France avec
plusieurs pays dans lesquels Civipol était présent.
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GOUVERNANCE ET ORGANISATION : UN
RENFORCEMENT DU LIEN INSTITUTIONNEL AVEC
L’ÉTAT, DES PROGRES SUR LE PILOTAGE INTERNE.
La gouvernance de Civipol repose sur plusieurs conseils et comités utiles mais qui se
superposent (1). Elle a accompagné les adaptations de la société à son nouveau modèle
d’affaires (2).
2.1
Une gouvernance qui conforte le contrôle de l’État
La gouvernance de Civipol s’organise en un triptyque donnant lieu à une comitologie
dense. Le fonctionnement de cette comitologie traduit l’étroitesse des liens institutionnels avec
l’État et particulièrement avec le ministère de l’intérieur, pour lequel le renforcement de la
«
coloration métier des organes sociaux
»
14
constitue une priorité.
2.1.1
Un Conseil d’administration pour la prise de décision globale
Le conseil d’administration de Civipol est composé de dix membres non rémunérés
(voir sa composition en annexe n° 4). Il se réunit quatre fois par an pour examiner tous les
segments d’activité de la société : les comptes, les activités, le modèle d’affaires et les dossiers
d’actualité. La direction de la coopération internationale de sécurité y fournit les éléments de
contexte géopolitique éclairant le risque pays (ainsi des coups d’État en Afrique en 2021) et la
dépendance de Civipol aux décisions exogènes (à titre d’exemple le retrait français du Mali).
La qualité des échanges a été fréquemment soulignée par les participants, tout spécialement
quand il s’est agi de leur présenter les raisons ayant conduit à la candidature à la gestion
déléguée, ou encore au statut de société à mission. Les résolutions présentées durant la période
sous revue ont toutes été votées à l’unanimité sauf dans un cas
15
.
L’agence des participations de l’État estime que les débats sont équilibrés entre les
représentant des actionnaires privés et publics. La participation des actionnaires privés est
cependant faible selon les comptes rendus des conseils d’administration, ainsi que la Cour
l’avait déjà observé lors du précédent contrôle.
14
Source : plan 2019 d’actions communes entre Civipol et la direction de la coopération internationale de sécurité.
15
Cette exception visait la résolution proposant, le 4 octobre 2022, une renonciation à la distribution des dividendes
pour une durée de cinq ans (décembre 2022-décembre 2027), pour des raisons d’inéligibilité de Civipol au
remboursement complet de frais engagés dans les projets de recherche (infra). En raison de son rejet par un
actionnaire privé, un nouveau conseil d’administration a été réuni le 15 novembre 2022 au cours duquel la
condition d’un vote à l’unanimité n’était pas requise, permettant l’adoption de cette résolution.
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2.1.2
Un comité d’audit qui surveille la situation financière
Civipol s’est doté d’un comité d’audit, à la demande de l’Agence des participations de
l’État, soucieuse d’une information financière fiable et d’un contrôle renforcé des comptes
annuels.
Composé de six administrateurs dont deux actionnaires privés, du contrôle général
économique et financier, de la commissaire du gouvernement, avec la participation du
commissaire aux comptes lorsque sa présence est requise, le comité d’audit se réunit quatre fois
par an, soit deux fois plus souvent que ne le prévoit son règlement intérieur. Organe consultatif,
il reçoit ses missions du conseil d’administration et lui transmet ses conclusions. Son rôle est
l’examen détaillé de comptes et prévisions budgétaires de l’entreprise pour fournir au conseil
d’administration une appréciation motivée sur la situation de la société et les risques qu’elle
encourt, sur la préparation et l’exécution du budget, l’avancement des prises de commandes et
les conditions financières des contrats.
2.1.3
Le comité de mission : contrôle opérationnel de Civipol et creuset d’une
harmonisation entre les stratégies des services du ministère.
Le comité de mission est la nouvelle instance de gouvernance de Civipol, née de
l’adoption du statut de société à mission
16
. Il est présenté comme le garant de l’exécution de la
mission telle que formulée par la direction générale de Civipol et contrôlée par l’organisme
tiers indépendant mentionné supra.
Le comité de mission est un organe consultatif en charge de la revue de portefeuille de
l’opérateur, de la cartographie des risques opérationnels et de l’examen des opportunités
d’intervention. Il contribue à l’élaboration du plan stratégique et il est théoriquement en charge
du suivi de la matrice de ses indicateurs. Concrètement, ce sont les axes et indicateurs de la
société à mission qui sont désormais présentés durant ses séances, tandis que le plan stratégique
y est sobrement traité par le rappel de son taux d’exécution.
L’installation de ce comité le 10 juin 2021 par le directeur de cabinet du ministre de
l’intérieur et sa composition exclusivement étatique
17
soulignent le rôle des administrations de
référence dans le contrôle opérationnel de la société.
Par ailleurs, l’exclusion des actionnaires industriels du comité de mission, en vertu des
statuts de Civipol, confirme un mode de gouvernance par lequel les entreprises apparaissent
cantonnées dans le rôle de garantes de la gestion non déficitaire de la
SA Civipol. Cette
exclusion
suscite une déconvenue chez certaines d’entre eux. Ainsi Défense Conseil
International fait-il observer que son propre comité de mission, installé en 2023, comporte la
participation des industriels. Les intéressés prennent néanmoins acte du fait que le comité de
16
Civipol fait partie des trois seules entreprises à participation d’État, avec la Poste et la Banque Postale, à avoir
adopté le statut de société à mission.
17
Direction Générale de la Police nationale (DGPN), Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN),
Direction générale des étrangers en France (DGEF) en raison de l’importance de la thématique migratoire pour
Civipol, Direction de la coopération internationale de sécurité (direction de la coopération internationale de
sécurité), Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD, ministère de l’Europe et des affaires
étrangères), Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), Agence des participations de l’État
(APE), participants auxquels s’ajoute un salarié de Civipol.
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mission rapporte au conseil d’administration. La direction de Civipol confirme cette distinction
par un principe d’étanchéité, dans sa gouvernance, entre l’opérationnel et le financier. On
pourrait également avancer l’argument, dont la direction de Civipol ne fait pas état, d’un risque
de distorsion de concurrence entre industriels si certains étaient associés en tant
qu’administrateur aux réflexions de Civipol sur des projets auxquels ils pourraient
ultérieurement participer dans le cadre d’un appel d’offres.
L’examen des comptes-rendus du comité de mission sur ses deux années d’existence
confirme en tout état de cause la pertinence de cette instance. Le comité de mission apparaît
une enceinte propice aux échanges entre les administrations et l’opérateur, ce qui doit permettre
une mise en cohérence entre les orientations stratégiques de Civipol et celles des départements
ministériels dans le champ de la sécurité.
2.2
Une organisation de Civipol progressivement adaptée aux nouveaux
défis du modèle d’affaires
Les mesures d’organisation engagées par Civipol durant la période sous revue marquent
un progrès en matière de pilotage, de productivité et de maîtrise des processus internes,
conditions préalables à l’atteinte des objectifs du modèle d’affaires.
2.2.1
Un organigramme en voie de stabilisation
L’organigramme de la SA (présenté ci-dessous dans sa version d’octobre 2022) a connu
cinq modifications en sept ans, guidées par les nouvelles attributions de l’opérateur et les
impératifs de la candidature à l’accréditation
Pillar Assessment
.
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En prévision de la mise en conformité de Civipol avec le cahier des charges de
l’accréditation
Pillar Assessment
, le rôle de l’encadrement intermédiaire était renforcé en 2019
avec la création de fonctions de chef de pôle et du poste d’adjoint au directeur des opérations.
Toujours en vue de l’accréditation, l’ancien secrétariat général, qui regroupait en 2016
les fonctions support et la comptabilité, devenu en 2018 direction des affaires générales et
institutionnelles, puis en 2020 direction administrative et financière avec les mêmes
attributions, est scindé en 2021 en une direction support d’une part, une direction administrative
et financière d’autre part. Au sein de cette dernière, les méthodes de validation des paiements
sont réorganisées de façon à les confier à deux signataires distincts
18
. Un poste de contrôleur
interne a été créé en 2021 (cf.
2.2.4
) et le pôle de « contrôle interne et qualité » est positionné
en 2022 auprès de la direction générale.
Des réflexions sont en cours pour rétablir un secrétariat général, présent à
l’organigramme de 2017 et qui regroupait les fonctions comptabilité-finances et les fonctions
support. Une telle mesure déboucherait sur une répartition mieux équilibrée des effectifs entre
deux entités de taille comparable, l’une consacrée aux opérations, l’autre aux finances et aux
fonctions support.
2.2.2
Civipol renforce ses capacités internes en expertise de haut niveau
La réouverture en 2019
19
d’un poste de représentant de Civipol au sein de la
Représentation permanente auprès de l’Union Européenne concrétise la volonté d’ancrage de
18
Ce dédoublement du contrôle des paiements a été impulsé par la tentative d’usurpation de signature en 2018 par
un assistant de projet indélicat, qui est restée un temps non détectée par la comptabilité.
19
Le poste avait été supprimé fin 2016 à la suite du départ en retraite de son titulaire.
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l’opérateur au plus près de l’écosystème européen et des décisions de financement. Par ailleurs,
Civipol a recruté début 2022 deux postes de salariés permanents du siège : un commissaire
général retraité, avec un contrat de prestation de services, au poste de conseiller police ainsi
qu’un conseiller gendarmerie rémunéré sur une enveloppe-projet.
Le recrutement de ces deux profils complémentaires a pour objectif l’acculturation
réciproque entre Civipol et les directions métier du ministère (direction générale de la police
nationale, direction nationale de la police aux frontières, direction générale de la gendarmerie
nationale, direction générale des étrangers en France). Il est à noter que si la direction de la
coopération internationale de sécurité est composée à 74 % de policiers et 26 % de gendarmes,
les effectifs de Civipol n’ont que rarement comporté de personnel de police ou de gendarmerie,
illustration du lien distendu qui prévalait jusqu’en 2018 entre le ministère et l’opérateur.
Les conseillers apportent à la direction des opérations leur expertise sur tout le cycle des
projets, contribuant à transformer les besoins en expression susceptibles de recevoir des
financements, et à professionnaliser les productions écrites de la direction des opérations.
De plus, leur connaissance du réseau des experts actifs ou de réserve permet aux deux
conseillers d’enrichir le vivier disponible, en apportant à Civipol et à la direction de la
coopération internationale et de sécurité les réponses en ressources humaines dès la phase de
conception des projets.
En application de l’axe 3 du plan stratégique
« amélioration de la qualité de productions
de Civipol »
, Civipol a cherché à élargir les éclairages sur ses projets auprès du monde de la
recherche universitaire. La tâche en est confiée à une cellule baptisée « Vision », placée auprès
du PDG de Civipol, sous l’animation d’un conseiller stratégique et sécurité. Elle s’appuie sur
la recherche académique par le biais d’un référent scientifique recruté en son sein. Ce dernier
assure l’animation d’un réseau informel de chercheurs sélectionnés pour la pertinence de leur
recherche, au regard des priorités thématiques et géographiques du ministère de l’intérieur.
Vision assure enfin une veille géopolitique sur les aires d’intervention possibles de
l’opérateur. Le cas échéant ces productions font appel aux contributions des chefs de mission
et experts mobilisés par Civipol dans les zones concernées, permettant de confronter aux
données publiques les témoignages des intervenants locaux.
2.2.3
Une restructuration en profondeur du pilotage et des processus internes,
reconnue par la Commission européenne
Au début de la période sous revue, Civipol était doté d’un classeur papier de procédures
dont la mise à jour, éclatée entre les différents salariés, n’était pas centralisée. La gestion du
système qualité incombait épisodiquement à tel ou tel responsable de projet. Comme l’avait
observé la Cour dans son rapport de 2017, le contrôle interne, quoique mentionné dans les
documents stratégiques, était quant à lui inexistant, même si Civipol disposait d’une
cartographie des risques.
Ces dispositifs insatisfaisants étaient en partie la cause d’une accumulation de contrôles
redondants, facteurs de ralentissement dans le traitement des projets et qui ont contribué aux
médiocres résultats financiers de 2016 et 2017. De plus, les défaillances du corpus de procédure
ont été la source d’inéligibilité de certaines dépenses au remboursement par le bailleur
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européen
20
. Le constat était celui d’une mise en péril de la société par l’insuffisante maîtrise de
ses propres processus.
Le travail d’uniformisation de la démarche qualité et du contrôle interne n’a réellement
démarré qu’avec la candidature de Civipol à l’accréditation
Pillar Assessment
en 2020. Une
évaluation des failles (
gap assessment
) réalisée dès mars 2021 par un cabinet extérieur avait
conclu à des lacunes du cadre juridique et réglementaire. Civipol a donc mis à profit en 2021 la
réduction d’activité due à la crise du Covid pour renforcer de manière significative la mise aux
normes
Pillar Assessment
de l’ensemble de ses procédures et documents-qualité, et pour assurer
la formation de ses équipes dans les domaines du contrôle interne, du
reporting
de réunions, de
l’archivage, de procédures comptables et financières et de passation des marchés, entre autres.
Le défi était d’intégrer la culture de la qualité et du contrôle interne, jusqu’alors parents
pauvres de Civipol
21
, dans l’ensemble de ses activités en réduisant autant que possible les
contraintes induites par cet exercice. Pour en signifier le caractère stratégique vis-à-vis des
salariés, des actionnaires et des bailleurs, le PDG a proposé l’inscription de l’objectif de qualité
en 3
e
axe prioritaire du plan stratégique actualisé de la société.
L’audit final des sept piliers réalisé en novembre 2021 pour le compte de la Commission
européenne par le même cabinet a reconnu les progrès accomplis et conclu à leur validation,
débouchant sur l’octroi de l’accréditation
Pillar Assessment
par la Commission européenne
22
.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Les organes de contrôle de Civipol donnent lieu à une comitologie dense depuis la
création en 2021 du comité de mission, instance de suivi pour la « société à mission ». Tant par
leur composition que par la teneur des échanges, ils traduisent la présence très forte des
administrations de référence dans les orientations de l’entreprise.
Avec l’ambition, atteinte, d’obtenir l’accréditation européenne, Civipol a remanié son
organisation par étapes successives. Aujourd’hui pratiquement stabilisée, cette organisation
met en relief l’encadrement intermédiaire, l’apport en expertise de haut niveau afin de traduire
la stratégie de l’entreprise dans les domaines clefs du lien avec le ministère et avec l’Union
européenne, et le renforcement du pilotage des processus.
Sur ce dernier point, des efforts considérables ont été entrepris à un rythme très soutenu,
permettant la mise à niveau en synergie d’un système de management de la qualité et d’un
dispositif de contrôle interne, dont la maîtrise a été sanctionnée par la reconnaissance de
Civipol comme organisme délégué à la gestion indirecte des fonds européens.
20
Ainsi d’un projet d’assistance à la réforme du système de sécurité au Liban, achevé en 2018, en prestation de
services, pour lequel Civipol a enregistré une perte de 120 000
€
de dépenses inéligibles à la suite d’un audit de la
Commission européenne mettant en évidence le défaut de présentation pour validation
ex ante
des CV des experts.
21
En particulier s’agissant des processus autres que la gestion des projets, dont les responsables étaient plus familiers
de l’environnement normé imposé par les bailleurs et contrôlé par leurs audits à mi-parcours et en fin de projet.
22
Décision notifiée le 6 avril 2022 au représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne par le
directeur général pour les partenariats internationaux (DG INTPA).
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3
LES METIERS DE CIVIPOL : REMPORTER DES PROJETS
DE COOPERATION ET PROMOUVOIR LA FILIERE
INDUSTRIELLE DE SECURITE.
Après un recentrage de son portefeuille sur ses nouvelles tâches (1), Civipol intervient
dans deux volets complémentaires : remporter et mettre en
œ
uvre des projets de coopération
technique dans le champ de la sécurité dure, d’une part (2) et promouvoir la filière industrielle
française de sécurité, d’autre part (3).
3.1
Un portefeuille recentré, conforme à la stratégie ministérielle, et qui
connaît un redémarrage après le creux de la crise sanitaire
Civipol recensait 113 projets de durée et d’importance très variables à la fin de 2022.
Les plus anciens, bien que modestes, ont une durée de dix ans ou plus, tandis qu’un quart
environ a une durée inférieure à un an. Ces 113 projets doivent apporter un volume d’affaires
total supérieur à 215 M
€
, dont un chiffre d’affaires pour Civipol de 50 M
€
.
Civipol est dépendant d’un nombre restreint de clients : sur les projets commencés en
2016 et après, ceux qui sont financés par l’Union européenne sont à l’origine de 77 % du chiffre
d’affaires attendu (36 M
€
sur 47 M
€
).
Au cours des deux dernières années, les données relatives au portefeuille de projets
de Civipol mettent en évidence les caractéristiques suivantes :
-
le recentrage sur la thématique de la sécurité dure, est effectué ; il était déjà à l’
œ
uvre à
80 % dès 2018, avec la quasi-disparition de la composante sécurité civile, conformément
aux arbitrages ;
-
le volume d’affaires entre les différentes thématiques apparaît relativement équilibré :
identité-état-civil (20 % du volume d’affaires), contrôle des flux migratoires (34 %),
antiterrorisme (36 %), et pôle administration publique (10 %). De volume modeste, cette
dernière activité mandataire n’en constitue pas moins une forte valeur ajoutée pour les
directions-métier du ministère de l’intérieur, et un vecteur essentiel de la visibilité de
Civipol auprès de celles-ci.
On note une concentration de 90 % du chiffre d’affaires et d’un tiers du volume
d’affaires sur dix projets seulement, qui met en lumière la dépendance de l’opérateur au risque
pays. Il s’agit des projets suivants :
-
Better Migration Management
en Afrique de l’Est,
-
Le renforcement du système informatique de l’état civil au Sénégal,
-
Projet état civil au Mali,
-
Appui au G5 pour la sécurité au Sahel (phase 2),
-
Lutte contre les réseaux criminels liés au trafic (Sénégal),
-
Law enforcement in Central Asia
(LEICA),
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-
Radicalisation Awareness Network
2022,
-
Anti-money Laundering in greater Horn Africa
,
-
Appui à la réadaptation des populations carcérales en Tunisie,
-
ROCK Soudan (
Regional Operational Center in Khartoum
), projet régional de lutte contre
le crime organisé dans 11 pays).
Les événements survenus en Afrique entre 2021 et 2023 ont entraîné l’arrêt de la
coopération dans des pays stratégiques pour la France : Mali, République centrafricaine,
Burkina Faso, Soudan, Niger. Le ministère considère que ces changements justifient une
nouvelle stratégie. Civipol a le dessein de se redéployer en Afrique sur des projets en lien avec
les migrations illégales, qui constituent une urgence politique et où Civipol peut agir en relais
direct des priorités du ministère : projet d’appui à la garde maritime tunisienne pour 16,5 M
€
et
avec de surveillance de la frontière maritime en Égypte pour 20,6 M
€
.
L’autre axe du redéploiement pourrait être les Balkans, désormais dans une zone de
priorité haute. Néanmoins, l’Afrique concentre encore 75 % des interventions de Civipol,
principalement dans le Sahel (élargi au Golfe de Guinée à la demande du ministère de
l’intérieur, ainsi qu’en Afrique de l’Est).
Si l’Amérique latine ne figure pas à proprement parler au nombre des priorités du
ministère, elle est néanmoins présente en portefeuille avec un unique projet, « El PaCCTO »
23
,
de coopération policière en partenariat avec la FIIAPP espagnole
24
.
L’activité a redémarré au second semestre 2022, après un fort ralentissement dû à la
quasi-absence de signature de contrats par l’Union européenne durant l’année 2021 en raison
de la crise sanitaire. Le portefeuille de 114 projets fin 2021 a chuté à 84 en mai 2022. Dès le
second semestre 2022 cependant les entrées en portefeuille s’accéléraient (92 en septembre
2022), en raison de l’effet-retard de la reprise des activités de l’Union européenne.
Au sein du portefeuille de projets en développement, c’est-à-dire en négociation ou en
attente de réponse du bailleur ou du bénéficiaire, une part prépondérante est prise par la
modalité contractuelle de gestion déléguée
Pillar Assessment,
qui apporte environ 70 % du
volume d’affaires prévisionnel (contre 24 % pour les subventions classiques et 7 % pour les
contrats de services), alors même que la gestion déléguée n’est effective pour Civipol que
depuis le printemps 2022.
23
Programme d’assistance entre l’Europe et l’Amérique latine en vue du renforcement de la lutte contre la
criminalité organisée transnationale. Il couvre 18 pays du continent sud-américain. La première phase d’El
PaCCTO, est achevée depuis janvier 2022 pour un budget de 22 M
€
. Le début de la phase 2 a été retardé.
24
FIIAPP : Fundación Internacional y para Iberoamérica de Administración y Políticas Públicas.
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3.2
La diversité des rôles de Civipol dans le cycle d’un projet
3.2.1
Une intrication forte de l’opérateur et du ministère de l’intérieur
Le ministère est impliqué à des degrés variables dans la quasi-totalité des projets de
Civipol. L’opérateur est quant à lui partie prenante dans la totalité des projets au titre de l’aide
extérieure (hors UE) dans lesquels s’est impliquée la direction de la coopération internationale
de sécurité entre 2016 et 2022.
En 2022, le ministère de l’intérieur était significativement engagé, via la DCIS et avec
Civipol, dans 27 projets de sécurité, pour un budget pluriannuel cumulé de près de 220 millions
d’euros. Le ministère de l’intérieur est partie prenante directe de contrats de subvention pour
cinq projets actifs, pour lesquels c’est lui-même qui perçoit la subvention de l’Union
européenne. Durant la période sous revue, le pourcentage revenant à Civipol s’est échelonné
entre 85,4 % (en 2017) et 100 % (en 2022).
3.2.2
Au stade amont de la programmation : d’une logique de réaction à une
attitude plus pro-active de l’opérateur et du ministère de l’intérieur
Un projet est le résultat d’un long processus de négociations entre trois parties : celle
qui représente les intérêts de la France en matière de coopération de sécurité, celle qui incarne
la stratégie du bailleur ou « client » (notamment l’Union européenne), enfin les intérêts des
bénéficiaires.
Dans cette phase amont, pour la quasi-totalité des projets relevant de ses missions
25
,
Civipol participe, en co-construction avec la direction de la coopération internationale de
sécurité seule ou de concert avec les directions-métier techniquement compétentes. Le cas
échéant, d’autres opérateurs français (Expertise France, Défense Conseil International) se
joignent au travail en réseau de « l’équipe France ». La Direction des affaires européennes et
internationales ainsi que l’ambassadeur aux migrations, sur les dossiers de son ressort, jouent
un rôle de coordination en tant qu’interlocuteurs des instances européennes, sous l’arbitrage du
secrétariat général des affaires européennes. L’annexe 5 détaille les liens entre l’évolution du
portefeuille de Civipol et celle du rôle de l’Union européenne comme acteur de la sécurité.
De ce dispositif européen largement renouvelé, il ressort que l’inscription, très en
amont, des thématiques de sécurité dans le nouvel instrument financier européen NDICI
constitue un élément vital du modèle économique de Civipol. Après avoir largement émargé
aux budgets du fonds fiduciaire d’urgence sur les sujets de migrations entre 2014 et 2021,
Civipol a ainsi pris une part active dans les efforts de veille et d’influence, s’agissant de la
programmation et de la mise en
œ
uvre du cadre financier européen 2021-2027
.
L’annexe 5
25
Dans le cas des projets « sous mandat » (voir infra), Civipol peut n’intervenir qu’en phase de développement :
l’identification des opportunités et la direction technique relèvent exclusivement de la tutelle, qui lui confie alors
le seul rôle de gestionnaire administratif et financier.
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analyse l’évolution du portefeuille de Civipol en parallèle à celle de l’UE comme acteur de
la sécurité.
On relèvera à cet égard le travail d’influence engagé par l’opérateur depuis 2021 et
la relance de missions de prospection dans les pays bénéficiaires
26
, qui ont contribué à une
reprise des commandes au second semestre 2022, soit une année après l’entrée en vigueur
du NDICI. Quatre projets étaient en phase de signature ou de négociation avancée à fin 2022,
financés en gestion déléguée
Pillar Assessment
, dont trois sur fonds du NDICI
27
.
Il se confirme ainsi que l’accréditation P
illar Assessment
de Civipol, quoique récente,
joue un rôle essentiel dans sa participation aux projets du nouveau cadre financier européen.
3.2.3
Un nouveau cadre contractuel entre Civipol et le ministère de l’intérieur
Historiquement, Civipol avait pour rôle quasi-exclusif celui d’opérateur de gestion du
ministère de l’intérieur. Il consistait à mettre en
œ
uvre la logistique et l’administration de
projets dont l’identification, la conduite technique et l’expertise-métier revenaient à la direction
de la coopération internationale de sécurité, seule ou avec une direction-métier du ministère,
qui en assurait alors le pilotage et la maîtrise d’ouvrage.
Cette activité mandataire mobilisait le seul pôle Administration Publique et concentrait,
jusqu’en 2007, 40 % du chiffre d’affaires global de Civipol et l’essentiel de son activité. Ces
projets « sous mandat » représentent aujourd’hui une contribution modeste au chiffre d’affaires
(entre 4 et 8 % selon la période) mais ils forment le noyau de la mission de service public de
Civipol et matérialisent son lien avec le ministère de l’intérieur. Le pôle s’est notamment vu
confier par la DCIS la gestion du programme de recherche européen Horizon 2020, (cf.
infra
).
Succédant à l’accord-cadre en vigueur de 2015 à 2020, une convention de partenariat a
été signée entre Civipol et le ministère de l’intérieur le 11 juin 2021. Les différents rôles de
Civipol y sont désormais définis sous les vocables de « partenaire » ou de « co-contractant »
(au sein d’un consortium), etc., reprenant la terminologie et les règles de gestion fixés par les
différents instruments financiers européens.
Les projets de coopération extracommunautaire sont conduits par Civipol en chef de file
(seul ou en consortium européen), c’est-à-dire en gestion administrative et financière du budget
et presque toujours sous sa direction technique. S’agissant des projets de coopération intra-
communautaires (Fonds de sécurité intérieure en gestion directe), le ministère est présenté
comme coordonnateur-partenaire (et signataire du contrat de subvention) et Civipol comme
entité affiliée gestionnaire du budget.
26
Missions conjointes Civipol-DCIS réalisées en 2022 : Niger, Bénin, Togo, Sénégal, Balkans, Côte d’Ivoire.
27
Au 30 juin 2023, neuf projets en gestion déléguée étaient signés, pour un volume d’affaire de 70,81 M
€
. Les
montants les plus importants concernent l’appui à la garde nationale maritime tunisienne (16,5 M
€
) et le
renforcement des opérations de recherche en mer en Égypte (20,6 M
€
).
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3.2.4
Le programme de recherche et innovation en sécurité,
En 2021, la DCIS s’est vu confier par lettre de mission de la DGPN et la DGGN la
mission d’obtenir les financements du programme « Horizon Europe 2021-2027 » pour la
recherche et l’innovation. Doté de 93 milliards d’euros dont 1,3 milliard géré par la DG-HOME,
Horizon Europe est consacré au développement d’outils innovants face aux risques du
terrorisme, de la cybercriminalité et des attaques contre les infrastructures critiques, rassemblés
sous l’appellation « sécurité civile pour la société ». La direction de la coopération
internationale de sécurité a commencé à solliciter dès 2016 les acteurs du ministère de
l’intérieur, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et le
ministère des finances pour structurer une réponse aux appels d’offres. Civipol s’est d’emblée
imposé comme gestionnaire administratif et financier pour le compte du ministère.
Bénéficier des appels d’offres européens en recherche et innovation en sécurité constitue
une priorité pour le ministère de l’intérieur. Il y voit un point d’application de sa politique
d’action publique à coût réduit, confortée par la forte dynamique interservices et par le succès
de cette démarche auprès des partenaires académiques et industriels. Aussi le ministère a-t-il
chargé le PDG de Civipol de proposer des solutions pour renforcer l’appui de la SA dans
l’obtention de ces financements Horizon Europe. En effet, si le statut « d’entité affiliée » de
Civipol créé par la convention de juin 2021 (supra) permet de confier directement à l’opérateur
le budget et le portage des ressources humaines, il ne suffit pas à résoudre les difficultés
spécifiques au programme Horizon Europe. La direction de la coopération internationale de
sécurité demande donc à Civipol :
-
de développer d’ici 2024 les compétences internes pour rédiger les réponses aux appels
d’offres d’Horizon Europe, dont la technicité exige le recours des cabinets privés
extérieurs, coûteux, surtout en cas d’insuccès de la candidature.
-
d’évoluer vers une configuration juridique l’autorisant à se présenter auprès du bailleur
européen comme la « plateforme » rassemblant l’ensemble des partenaires universitaires,
scientifiques, industriels, membres du consortium constitué par la direction de la
coopération internationale de sécurité. L’opérateur endosserait ainsi le rôle de guichet
unique de l’Union européenne de ces entités au nom du ministère de l’intérieur-maître
d’ouvrage du projet ;
-
enfin, de trouver la forme juridique qui lui ouvrira droit à une éligibilité au remboursement
intégral des dépenses engagées dans ces projets Horizon Europe, dont le règlement réserve
une prise en charge à 100 % pour les seuls organismes à but non lucratif.
En l’état actuel,
le statut de société anonyme de Civipol ne l’autorise qu’à une prise en charge de 70 % des
montants engagés, ce qui fait peser un risque de déficit structurel sur ces projets,
incompatible avec le principe d’action publique à coût nul figurant au c
œ
ur de ses
missions.
Le président-directeur général a soumis à l’assemblée générale extraordinaire des
actionnaires une résolution de modification des statuts portant suspension de toute mise en
distribution des dividendes pendant une période de cinq années consécutives à compter du
15 décembre 2022, afin de présenter à Bruxelles ce profil « sans but lucratif ». Une telle
proposition a de quoi surprendre s’agissant d’une société privée à statut de société anonyme,
même lorsque celle-ci, recentrée sur sa mission de service public, ne fait de l’objectif de
rentabilité qu’un accessoire nécessaire à la poursuite de sa mission. Mais outre le fait que
Civipol n’a distribué des dividendes qu’en deux occasions depuis sa création (dont une seule
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fois durant la période sous revue : en 2018), les actionnaires ont considéré dans leur majorité
que l’objectif indirect de la mesure était bien d’accroître la rentabilité de l’opérateur, argument
jugé convaincant par l’Agence des participations de l’État (APE) et par Défense conseil
international, les deux principaux actionnaires. L’APE a néanmoins conditionné la modification
statutaire à l’engagement de créer à brève échéance une structure adaptée pour y loger les
contrats européens de type Horizon Europe, requérant pour opérateur une organisation sans but
lucratif.
Ainsi le futur plan stratégique de Civipol 2024-2027 pourrait-il comporter pour objectif
prioritaire la création de cette structure interne à Civipol destinée à pérenniser le statut de
non
profit
. Elle pourrait prendre la forme d’une nouvelle filiale de Civipol, qui verrait le jour en
2023.
3.3
La promotion de la filière industrielle de sécurité : succès croissant des
salons Milipol, résultats mitigés des offres intégrées
Ce métier spécifique de Civipol, qui représente 10 % de son activité, prolonge ses
missions d’assistance technique et fournit à l’opérateur des marges de rentabilité supérieures à
celles procurées par les contrats, qui relèvent d’un modèle économique différent. Depuis les
arbitrages de 2018, ce métier figure en axe prioritaire du plan stratégique, où il est présenté
comme s’inscrivant dans la logique de mission de service public assignée à Civipol.
3.3.1
Les salons Milipol
Les salons Milipol sont le terrain de prédilection de cet accompagnement des entreprises
de la filière de sécurité. Le réseau Milipol fournit aux entreprises françaises (ainsi qu’aux
exposants de toutes origines) du secteur de la sécurité un levier de promotion considérable. Le
réseau s’est développé depuis le premier salon à Paris en 1985, sur les principales zones de
marché (Qatar depuis 1995, Singapour en 2016) afin de s’adapter à un marché de la sécurité en
très forte croissance.
Les salons sont l’occasion pour l’opérateur de promouvoir auprès des délégations
étrangères, à travers l’organisation de circuits personnalisés et de rencontres thématiques, la
capacité d’influence française dans un contexte de croissance des marchés de la sécurité.
L’objectif ultime est de faciliter l’association des industriels français ou européens dans la
constitution de ses offres en consortium, en réponse à des demandes d’appui d’États partenaires
susceptibles de déboucher sur une offre intégrée, axe fort de son développement.
3.3.2
Adosser à l’expertise technique une offre industrielle privée : les ambitions
déçues de l’offre intégrée.
Les offres intégrées permettent d’adosser à l’expertise technique régalienne, faite de
transmission de savoir-faire et d’actions de formation, une offre technique de type matériel,
systèmes d’information, infrastructures. En plus d’une source de rentabilité en raison d’un
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volume d’affaires très supérieur à celui de contrats d’assistance technique, les offres intégrées
sont considérées comme un apport à l’objectif de « retour en sécurité intérieure », à travers une
adéquation entre l’assistance technique et un déploiement concomitant d’équipements.
Civipol s’est efforcé, chaque fois que les conditions contractuelles le permettaient,
d’inclure dans ses offres une composante de solution technologique (caméras, détecteurs de
drones, etc.). Les premières offres intégrées d’envergure, en 2019 et 2020, portaient toutefois
sur deux projets d’état civil en République Démocratique du Congo, conduits avec des sociétés
françaises.
Les circonstances géopolitiques ont empêché deux projets dans le domaine des
infrastructures, dont les négociations étaient pourtant très avancées, de prospérer jusqu’à leur
terme : un marché de construction du futur aéroport de Mossoul, en Irak, suspendu en raison
des crises politique et sanitaire de 2020 ; un marché de construction d’un barrage
hydroélectrique dans le Donbass, qui devait être signé en février 2022 et se trouve suspendu
jusqu’à nouvel ordre.
Deux possibilités d’offres intégrées sont à l’étude en 2022, dans lesquelles Civipol
s’éloignerait de son rôle de facilitateur de l’accès d’entreprises au marché de pays instables ou
en crise, pour traiter, dans l’attente d’un contexte géopolitique plus porteur, avec un partenaire
directement solvable et moins exposé au risque-pays : l’Arabie saoudite souhaite en effet
confier à ses frais à la France la sécurisation de son circuit « Paris-Dakar », ainsi que celle du
site patrimonial de Al Ula.
À l’occasion du prochain plan stratégique, l’opérateur devrait revoir à la baisse ses
ambitions sur l’offre intégrée, ce qui semble une démarche raisonnable face à ce bilan
globalement peu concluant.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le portefeuille de projets de Civipol, recentré sur la sécurité dure, est relativement
équilibré, en volume d’affaires, entre les thématiques de l’état-civil, des migrations et du
contre-terrorisme. Le pôle mandataire assure quant à lui un dixième du volume sur des projets
peu rentables mais à fort enjeu pour le ministère de l’intérieur.
Les risques pour l’activité de Civipol viennent d’une part de la concentration sur une
dizaine de gros projets de 90 % du chiffre d’affaires de l’opérateur, soulignant la dépendance
croissante de Civipol à l’impact des crises politiques, particulièrement fréquentes depuis 2020,
sur son équilibre financier. Or c’est précisément l‘Afrique qui concentre les trois quarts de ses
interventions. La diversification récente vers l’Asie centrale est limitée à un projet tandis que
les Balkans et l’Amérique du Sud offrent à ce jour des débouchés limités. Les risques viennent,
d’autre part, d’une quasi-exclusivité de l’Union européenne comme financeur de l’activité. En
effet, dans la période postérieure à 2018, seuls trois projets susceptibles chacun de contribuer
à plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires sont financés par d’autres sources que l’UE.
L’activité, mise en veille durant la crise sanitaire, connaît un fort rebond au second
semestre 2022. Elle est marquée par une montée en puissance significative des contrats en
gestion déléguée dans le portefeuille des projets en cours de négociation (70 %), ce qui devrait
placer Civipol à très brève échéance face au défi de son nouveau modèle économique.
Tous les projets de Civipol sont soumis au feu vert préalable du ministère de l’intérieur,
qui décide de son niveau d’implication. Le nouveau cadre contractuel entre le ministère de
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l’intérieur et Civipol, en vigueur depuis juin 2021, consacre désormais le principe du
partenariat comme dénominateur commun de leurs relations multiformes. Une étape décisive
du développement de Civipol au service des objectifs du ministère sera l’adoption d’une
formule juridique lui permettant d’être reconnue comme entité sans but lucratif par la
Commission européenne, aux fins d’éligibilité au remboursement intégral sur les fonds
d’Innovation en sécurité.
La promotion de la filière industrielle de sécurité, second métier de Civipol, prospère
de manière inégale. Elle est assurément favorisée par le succès des salons Milipol, tandis que
les efforts pour bâtir des offres intégrées, dans des pays à fort enjeu (Irak, Ukraine), se sont
heurtés à un contexte géopolitique adverse. Civipol prévoit de réajuster ses ambitions sur ce
point à l’occasion du prochain plan stratégique.
CIVIPOL SA
36
4
FINANCE ET GESTION : DES EFFORTS A POURSUIVRE,
DES DECISIONS A PRENDRE
4.1
Une stratégie économique à confirmer après l’accréditation
européenne en 2022
Le modèle économique de la société a connu une mutation consécutive aux arbitrages
de 2018. Les objectifs de diversification, de prise de participation dans des filiales rentables
pour amortir les périodes de crise ont été revus. Un
business model
, élaboré en 2022 dans le
cadre de la demande d’accréditation
Pillar Assessment
engagée en 2021, couvre la période
2022-2026. Il a été présenté au Conseil d’Administration qui l’a adopté le 7 avril 2022.
La lettre d’accréditation de la Commission européenne notifiant l’accréditation émet
une appréciation très positive sur les sept piliers évalués
28
, relevant néanmoins des faiblesses
non significatives des systèmes, des contrôles, des règles ou des procédures, qui n’appellent pas
de surveillance, mais qu’il convenait de corriger.
Du point de vue comptable, selon les dispositions du code de commerce, les comptes
annuels, établis par un expert-comptable, sont arrêtés par le conseil d’administration en
application des articles L. 123-12 et L. 123-28 du code de commerce, du plan comptable général
et du règlement ANC n°2014-03 relatif au plan comptable général et aux règlements ultérieurs
modificatifs, notamment le règlement n° 2015-06 du 23 novembre 2015 (entrée en vigueur au
1
er
janvier 2016) et le règlement n° 2016-07 du 4 novembre 2016 (entrée en vigueur au
1
er
janvier 2017). Sur la période sous revue, le commissaire aux comptes a toujours certifié les
comptes sans réserve.
4.1.1
Une modification des filiales en 2019 et 2020
Jusqu’en 2019, Civipol s’appuyait sur des objectifs de diversification pour compenser
le manque de rentabilité de son activité c
œ
ur de métier sur laquelle la concurrence était rude.
Lors de son dernier contrôle, la Cour avait souligné le caractère bloquant de l’acquisition en
2016 de sa filiale Transtec pour un futur rapprochement avec Expertise France. Depuis la vente
de Transtec, Civipol détient seulement des parts dans une filiale au Cameroun et a augmenté sa
participation au capital du GIE Milipol.
28
Ces sept piliers concernent : le système de contrôle interne, le système comptable, un audit externe indépendant,
les achats, l’exclusion de l’accès au financement, la publication d’informations sur les bénéficiaires et la protection
des données personnelles.
CIVIPOL SA
37
4.1.1.1
Transtec, une cession stratégique
En 2015, l’objectif affiché de l’acquisition de cette société était de «
poursuivre et
renforcer la politique de développement [de Civipol] par une opération de croissance
externe »
29
. L’acquisition de Transtec était de nature à constituer un frein à l’absorption de
Civipol par Expertise France, que Civipol cherchait précisément à éviter. À l’origine, Transtec
était une société de droit belge, créée en 1983, qui intervenait dans les domaines de la
gouvernance démocratique, administrative, économique et dans l’évaluation de projet ou de
programme. Elle était active sur des marchés très concurrentiels non fréquentés par les autres
opérateurs français. L’acquisition avait une justification économique autant que stratégique.
En 2016, avec un bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement
30
de
plus de 1,7 M
€
et un chiffre d’affaires près de cinq fois supérieur à celui de Civipol, Transtec
était une entreprise rentable. Civipol a acquis Transtec pour un prix total de 10,5 M
€
. Toutefois,
ce prix définitif n’a été connu qu’en 2020 car il était composé d’une part fixe de 6,7 M
€
et d’une
part variable, conditionnée par les résultats des exercices 2017, 2018 et 2019 (3,7 M
€
). Les
bénéfices de Transtec qui ont servi au calcul de la part variable du prix d’achat ont aussi profité
à Civipol par le versement de dividendes de 1,3 M
€
en 2017, 0,5 M
€
en 2019 et 1,3
€
en 2020.
Face au changement de stratégie consécutif aux arbitrages de 2018, le conseil
d’administration d’avril 2019 a validé le processus de mise en vente, sous réserve d’un prix
couvrant l’ensemble des coûts nets de l’acquisition, évalué à 8,1 M
€
.
Les actions composant le capital de Transtec ont été cédées le 17 septembre 2020 à
Cowater Sogema au prix de 7,9 M
€
, en-deçà du prix d’équilibre. Le bilan financier de
l’opération, présenté dans le tableau ci-dessous, affiche une perte d’environ 2,4 % du capital
investi.
Tableau n° 1 :
Bilan financier de l’opération Transtec
en euros courant
En
€
Prix d'acquisition (parts fixe et variables in fine)
-10 479 313
Frais acquisition
-152 878
Intérêts bancaires
-202 288
Frais dossier emprunt
-15 000
Soulte : coût du remboursement par anticipation
-9 554
Dividendes exceptionnels
+1 333 333
Dividendes 2017
+ 533 000
Dividendes 2018
+1 300 000
dénouement litige Guinée 2019
+117 380
Prix de cession
+7 856 903
Honoraires transaction
-413 286
Frais data room (HT)
-4 645
Honoraires avocats (HT)
-64 331
29
PV du comité d’audit du 25 mai 2016.
30
EBITDA, à rapprocher de l’excédent brut d’exploitation français.
CIVIPOL SA
38
En
€
Intéressement à la cession
31
-13 083
Bilan de l'opération
-213 762
Source : Civipol
Les investigations de la Cour ont révélé quelques écarts qui portent ce bilan négatif à
252 228
€
. Les près de 40 000
€
d’écart s’expliquent ainsi :
-
les intérêts bancaires affichés dans les comptes ne correspondent pas au montant cumulé
des intérêts du bilan, mais l’ordre de grandeur est correct ;
-
Civipol comptabilise les frais de
data room
et d’avocat hors taxes plutôt que TTC.
Le résultat négatif, correspondant à 2,4 % du capital investi, tient en partie au fait que
la cession est intervenue pendant la crise sanitaire, période d’activité réduite et d’incertitude
économique. Il est aussi la conséquence d’opérations, tant à l’acquisition qu’à la cession, qui
mettaient en
œ
uvre des orientation stratégiques et non la recherche du seul bénéfice
économique.
Le bilan financier négatif diffère du bilan comptable de l’opération calculé en fonction
de la valeur comptable nette de Transtec dans les comptes de Civipol, une partie des frais
d’acquisition et de vente n’étant pas prise en compte dans cette présentation. La plus-value
comptable est positive de 0,4 M
€
.
4.1.1.2
Une filiale dormante au Cameroun que Civipol veut réactiver
Entre 2011 et 2015 Civipol s’était implanté physiquement dans certains pays, au moyen
de bureaux mis en place pour le besoin des projets. Dans le cadre du soutien au programme
d'appui à la réhabilitation de l'état civil financé par l’État camerounais, Civipol avait installé
une équipe permanente dans le pays à partir de 2011 dans une succursale dépourvue de
personnalité juridique. Celle-ci a été transformée en filiale de droit camerounais en 2015.
La filiale camerounaise a un capital de 1 524
€
, une dette à l’égard de Civipol de
168 810
€
en 2021 et un résultat négatif annuel de 16 556
€
en 2021. Cependant, Civipol
maintient cette structure en raison des perspectives ouvertes dans ce pays par le futur plan
d’affaires.
4.1.1.3
Milipol, une activité en forte croissance
Depuis novembre 2001, le PDG de Civipol préside le GIE Milipol qui est propriétaire
de la marque Milipol et qui organise tous les deux ans le salon mondial de la sécurité intérieure
à Paris (premier salon de la sécurité dans le monde), en alternance avec deux autres, organisés
au Qatar et à Singapour et dont il est également président.
31
L’octroi d’une prime d’intéressement à Timanmay Consulting était facultatif, la prime étant exigible dans la
seule situation où le montant de la vente dépassait 8 M
€
, ce qui n’a pas été le cas.
CIVIPOL SA
39
En 2015, le marché était en forte croissance dans le monde (+10 % par an en moyenne).
En France, un Conseil des industries de confiance et de sécurité (CICS), et un Comité de filière
(CoFIS) directement rattaché au premier ministre et couvrant la sécurité et la défense, ont été
créés. Ces instances permettent aux industriels de dialoguer avec les administrations clientes et
d’assurer une cohérence entre les besoins exprimés et le développement de solutions adaptées.
La rentabilité de ces salons est élevée. Depuis 2019, le résultat de l’activité du GIE se
monte à plus de 80 % de son chiffre d’affaires (en 2021, résultat de 761 025
€
pour un CA
de855 826
€
). C’est pourquoi, un mois après la décision de vendre Transtec, Civipol a augmenté
sa participation au GIE Milipol le 5 juin 2019, portant sa participation de 43 % à 57,33 % par
le rachat de la totalité des parts de la société Risk&Co (14,67 % pour un montant de 650 000
€
auquel s’ajoutent 9 624
€
de frais). Depuis lors, Civipol est l’actionnaire majoritaire avec
57,33 % du GIE Milipol, aux côtés de Thales Six GTS France (24 %), Visiom (14,67 %) et
Protecop (4 %)
32
..
Milipol est retracée dans les comptes de Civipol depuis l’exercice 2019.
Milipol a été le premier et est aujourd’hui le plus grand organisateur de salon
international de la sécurité mais il peut être en concurrence avec d’autres salons comme cela a
été le cas du salon de Milipol Doha, concurrencé par celui d’Interpol en 2015. Par ailleurs, des
évènements organisés plus spécifiquement dans le domaine de la défense sont amenés à s’ouvrir
progressivement aux thématiques de sécurité pour attirer davantage de visiteurs. Cela a été le
cas du DSA Malaisie 2018, Shield Africa 2019, IDEX Abu Dhabi 2019, Intersec Dubaï en
janvier 2019. Enfin, certains équipementiers (Mars Armor), initialement spécialisés dans
l’industrie de la défense, ont été conduits à se diversifier dans le domaine de la sécurité.
En dépit de ce marché concurrentiel, la reprise des salons Milipol en sortie de la crise
sanitaire a ouvert au GIE la perspective d’étendre le réseau avec l’ouverture d’un 4
e
salon à
New Delhi au second semestre 2023.
Les comptes de Civipol SA, Transtec SA, Milipol et de la filiale au Cameroun ne sont
pas consolidés. Cette consolidation n’est pas nécessaire, selon les articles L233-17 et R233-16
du code du commerce. En effet, le groupe ne dépasse pas deux des trois critères qui rendraient
la consolidation nécessaire :
1)
Un bilan de 24 M
€
;
2)
Un montant net du chiffre d’affaires de 48 M
€
; (le CA du groupe est inférieur à 40 M
€
)
3)
Un nombre moyen de 250 salariés. (Civipol emploie 44 à 85 salariés, Transtec moins d’une
centaine, Milipol aucun et la filiale camerounaise une seule) ;
4.1.2
Des résultats d’exploitation négatifs compensés par les résultats financiers
Le chiffre d’affaires résulte de deux types de contrats, les contrats dits « prestataires »,
au forfait ou en régie, et les contrats sur subvention (présentés au chapitre 3). Entre 2016 et
2019, le chiffre d’affaires a augmenté de manière continue jusqu’à sa valeur maximum, à près
de 14,5 M
€
. Malgré une baisse sur deux années consécutives (2016 et 2017) liée à l’insuffisante
32
Le partage du capital est mentionné dans le PV du comité d’audit du 2 juillet 2019.
CIVIPOL SA
40
réalisation des projets en raison «
d’une organisation et d’un management défaillants
»
33
.
Malgré une nouvelle baisse conjoncturelle en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire, il progresse
sensiblement, de 4 % en 2021 et de 16 % en 2022.
Depuis 2016, le résultat d’exploitation a toujours été négatif, à l’exception de l’année
2018, en raison d’un rattrapage sur l’exécution des contrats signés, du début de déstockage des
retards de facturation, du démarrage de nouveaux contrats sur la thématique état-civil et du
déblocage du processus décisionnel mettant fin à la direction bicéphale des opérations. Le
résultat net particulièrement négatif en 2020 s’explique par la cession de Transtec.
Tableau n° 2 :
Comptes de résultats simplifiés de Civipol, 2015-2022
En
€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Montant net
du chiffre
d'affaires
9 580 720
8 483 469
7 558 827
13 860 174
14 423 121
10 900 543
11 346 097
13 122 733
Résultat
d'exploitation
70 831
-328 620
-553 128
1 034 142
-64 919
-1 573 726
-97 381
-426 756
Résultat
financier
418 129
342 427
196 456
919 496
76 152
3 660 058
548 216
418 851
Résultat
exceptionnel
5 807
969
-24 635
-30 581
-109 420
-2 666 463
-253 124
13 075
Bénéfice ou
perte
339 355
14 400
-364 053
1 493 719
-157 033
-580 131
87 546
5 170
Source : reconstitution Cour des comptes, d’après comptes financiers approuvés
Les comptes de résultats détaillés sont présentés en annexe 2
Le résultat financier permet quant à lui de maintenir un résultat net bénéficiaire en 2016,
2021 et 2022, en dépit du poids des charges liés aux intérêts d’emprunt pour l'acquisition de
Transtec. Il demeure toujours fortement positif, en augmentation de plus de 30 % entre 2015 et
2021, avec un maximum atteint en 2020 en raison de la reprise sur immobilisation financière
(3,14 M
€
) liée à la vente de Transtec. Historiquement, ce résultat est alimenté essentiellement
par la quote-part de résultat du GIE Milipol, et marginalement par les produits d'excédents de
trésorerie placés.
Tableau n° 3 :
Dividendes de Milipol perçus par Civipol
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Quote-part du
capital détenu par
Civipol (%)
43 %
43 %
43 %
43 %
57 %
57 %
57 %
Résultat (
€
)
529 550
640 522
677 800
954 899
936 684
853 401
761 025
chiffre d’affaires
HT (
€
)
nc
nc
nc
nc
1 072 270
1 022 461
855 826
33
Le comité d’audit du 9 mars 2018 fait état d’une «
dilution des responsabilités, de procédures insuffisamment
fluides, de la faiblesse des instruments de contrôle et de pilotage
».
CIVIPOL SA
41
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Dividendes
encaissés par
Civipol (
€
)
225 906
273 246
289 149
407 359
533 169
687 960
430 000
Source : reconstitution Cour à partir des comptes Civipol.
4.1.3
Un recours nécessaire au mécanisme de transfert de charges
Civipol distingue le « volume d’affaires », total des financements des projets qui passent
par ses comptes, marge comprise, et le chiffre d’affaires, qui lui est acquis. La différence, très
importante dans le nouveau modèle d’affaires, est le montant des dépenses des projets qui sont
intégralement refacturées au donneur d’ordre. Ainsi, Civipol enregistre en charge dans des
comptes de transfert de charges
34
des dépenses engagées pour le compte de tiers
35
(essentiellement la Commission européenne), ce qui a pour effet de neutraliser les charges
correspondantes dans le résultat de l’exercice.
Les transferts de charge d’exploitation étaient proches de 2 M
€
chaque année jusqu’en
2019. Ils augmentent depuis 2020 et atteignaient 5,9 M
€
en 2021 (cf.
annexe 3
). Une partie de
cette hausse vient de l’inclusion dans le calcul, depuis 2020, d’une fraction croissante des
charges salariales de personnels du siège affectée aux projets, au prorata du temps qu’ils y
consacrent ; ces salariés du siège comptent pour environ le quart du total des transferts de
charges. En sus, pour 2021 uniquement, a été ajouté un transfert relatif au temps affecté par le
personnel du siège aux travaux de révision des procédures pour obtenir l’accréditation
Pillar
Assessment
(196 000
€
), dont la contrepartie est passée en charges exceptionnelles sur
opérations de gestion. En 2022, Civipol a inclus dans ces transferts de charge 640 000
€
pour
la mise en place du progiciel de gestion intégrée et de l’outil de gestion électronique des
documents (cf. §4.3.2).
34
Les charges supportées pour le compte de tiers (classe 4) sont transférées au débit du compte de tiers afférent par
le crédit des comptes 791 « transferts de charge d’exploitation » en produit du compte de résultat.
35
l’Autorité des normes comptables s’est saisie de la question du manque de lisibilité induit par ce mécanisme, en
raison du basculement d’une charge en produit. Elle a publié le 1
er
février 2022 un projet de règlement visant à
supprimer les comptes en question et à inscrire les compensations de charges de personnel au crédit du compte de
charge 649 « remboursement de charges de personnel »
Comptabilité : réforme du résultat exceptionnel et
suppression des transferts de charges LégiFiscal (legifiscal.fr)
CIVIPOL SA
42
Graphique n° 1 :
Comparaison des taux de masse salariale 2015-2021
Source : Cour des comptes, d’après comptabilité Civipol.
4.1.4
Des dettes en diminution depuis la vente de Transtec
L’actif immobilisé a significativement augmenté entre 2016 et 2019 (+46 %). Il consiste
pour l’essentiel en immobilisations financières correspondant aux titres Transtec détenus pour
la période 2016 à 2019.
Au passif du bilan, les capitaux propres ont atteint un niveau en 2021 (4 239 537
€
)
équivalent à celui de début de période (4 369 477
€
en 2016). Les provisions pour charges
augmentent continument (elles ont doublé entre 2016 et 2021) pour anticiper les départs en
retraite. En bas de bilan, les dettes exigibles dans un délai court (factures à payer, salaires,
taxes...) augmentent jusqu’en 2019 avant de diminuer en raison du remboursement à cette
échéance de l’emprunt lié à l’acquisition de Transtec. En particulier, les avances bailleurs sur
conventions (soldes créditeurs des comptes projets des contrats sur subvention) et les
per diem
à verser aux experts ont doublé entre 2015 et 2021. Ils représentent, en 2021, 68 % du compte
« Dette ».
Les bilans de la période 2026-2022 sont présentés en annexe.
Hormis en 2018, la trésorerie nette reste abondante sur la période 2016-2021 en raison
des avances versées par la Commission européenne. En 2018, elle est négative malgré un
résultat exceptionnel cette année-là, en raison de disponibilités qui ne suffisent plus à couvrir
la dette envers le vendeur de Transtec (4,39 M
€
) et le découvert auprès de l’administration
fiscale (1,23 M
€
). Elle augmente en 2020 du fait de la cession de Transtec en août 2020 et des
facilités instaurées par la conjoncture liée au Covid, avant de diminuer sensiblement en 2021,
en raison de l’augmentation significative des comptes fournisseurs créditeurs, qui traduit une
aggravation des retards de paiement des fournisseurs. Ce phénomène résulte de la longueur des
délais de paiement du principal client, la Commission européenne, pour permettre d’engager
les audits consécutifs aux projets, et cela malgré les avances accordées par elle.
4.1.5
Une amélioration de la rentabilité opérationnelle à l’épreuve d’un
changement de modèle
L’orientation de Civipol vers les contrats en gestion déléguée de fonds européens
(cf.
1.2.2.1
) a pour effet économique principal une baisse des marges, alors que les contrats de
prestation de services apportaient un taux de marge brute moyen de 29 %.
CIVIPOL SA
43
Le tableau suivant retrace les indicateurs principaux concourant à l’appréciation de la
rentabilité des activités de la société. Il montre une forte croissance du volume d’affaires
36
depuis 2016, atteignant 41,3 M
€
en 2022, une croissance moins importante du chiffre d’affaires
qui était en 2022 de 13,1 M
€
et une masse salariale en augmentation de 17 % seulement, à
4,1 M
€
en 2021.
Tableau n° 4 :
Indicateurs économiques et rentabilité 2015-2022
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Marge nette
14 400
-364 053
1 493 719
-157 033
-580 131
87 543
5 170
Volume d'affaires
23 000 000
28 384 000
38 112 000
40 121 000
36 689 000
43 350 000
41 297 000
Chiffre d'affaires
8 483 469
7 558 827
13 860 174
14 423 121
10 900 543
11 346 097
13 122 733
Masse salariale
du siège, brute
3 471 000
3 020 108
3 539 242
4 208 604
4 166 122
4 075 692
Excédent brut
d’exploitation
-202 488
-253 076
1 079 112
407 847
-873 658
328 292
34 600
Taux EBE
-2,39 %
-3,35 %
7,79 %
2,83 %
-8,01 %
2,89 %
Source : Civipol, comptes approuvés et communication de l’EBE.
Ce tableau présente aussi l’excédent brut d’exploitation (EBE)
.
Des retraitements
exceptionnels et des écarts de faible montant ont conduit jusqu’en 2020 à un EBE corrigé,
supérieur au montant déterminé par l’application stricte de la formule comptable
37
, sans
entraîner d’objection du commissaire aux comptes ni de rejet par le conseil d’administration.
Le changement de modèle d’affaires conduit à une part prédominante des experts
dans la production et à une grande sensibilité des résultats aux charges de personnel
. Le
tableau ci-dessous montre l’évolution comparée des effectifs (cf. §4.4) et des indicateurs
d’activité. L’effectif des salariés du siège a fortement progressé entre 2016 et 2021, plus vite
que le chiffre d’affaires. Le ratio de chiffre d’affaires par salarié du siège s’est donc réduit en
tendance sur la période, particulièrement depuis l’adoption du nouveau modèle en 2018, ce qui
met en évidence une vulnérabilité induite par ce modèle. L’affectation rigoureuse d’une partie
de l’activité des salariés du siège aux projets conduits pour le compte de l’Union européenne
devient particulièrement nécessaire.
36
Le volume d’affaires est plus élevé que le chiffre d’affaires car il comprend en plus les flux financiers de l’Union
européenne vers les projets, qui transitent par les comptes de Civipol mais ne sont pas des charges ou des produits
de la société.
37
Selon l’INSEE, «
l'excédent brut d'exploitation est le solde du compte d'exploitation, pour les unités de
production. Il est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la
production et augmentée des subventions d'exploitation
». Il se calcule en retranchant du chiffre d’affaires (compte
70 seul car Civipol ne reçoit pas de subvention d’exploitation au compte 74) les consommations, impôts et taxes
et charges de personnel (comptes 60 à 64). Dans le cas de Civipol, la neutralisation des charges transférées
(cf. §4.1.4) se fait en ajoutant le compte 791 « transfert de charges d’exploitation » au chiffre d’affaires, pour
compenser les charges de personnel transférés qui figurent dans le compte 64.
CIVIPOL SA
44
Tableau n° 5 :
Effectifs et activité (en ETPT)
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Chiffre d'affaires
8,48 M
€
7,6 M
€
13,9 M
€
14,4 M
€
10,9 M
€
11,3 M
€
13,1 M
€
ETPT au siège
36
39
49
59
58
62
69
CA/ETPT du siège en
€
235 652
193 816
282 861
244 460
187 940
183 002
190 185
Experts projets, en ETPT
40,5
59,4
92,3
117,5
117,6
159,0
123,1
Total des effectifs (ETPT)
76,5
98,4
141,340
176,5
175,6
221,0
192,1
volume d’affaires/ETPT (
€
)
300 457
288 485
269 724
227 353
208 935
195 317
214 977
Source : Cour des comptes, d’après comptes Civipol et effectifs Civipol.
Au total, la voie choisie des contrats en gestion déléguée de fonds européens laisse peu
de marge sur les projets et rend Civipol dépendant des résultats financiers des salons Milipol.
4.2
Une fonction achat en progrès mais qui présente encore des fragilités
Lors de son dernier contrôle, la Cour avait constaté qu’en matière d’achat, Civipol
«
appliquait ses propres règles, qui
[n’étaient]
cependant pas détaillées dans une procédure
formalisée
». La démarche de demande d’accréditation
Pillar Assessment
auprès de l’Union
européenne a contraint Civipol à engager une révision de l’ensemble de ses processus de
gestion
38
entre 2020 et 2021.
Plusieurs situations doivent être envisagées. Civipol ne se considère pas comme
acheteur soumis au code de la commande publique (CCP) lorsqu’il conclut des marchés pour
satisfaire ses besoins propres. Antérieurement au CCP, la société n’était pas non plus soumise
à l’ordonnance du 6 juin 2005
39
. En revanche, lorsque Civipol intervient comme délégataire
d’acheteurs soumis aux directives européennes en matière d’achat public
40
, il est soumis à la
règlementation qui s’impose à ces derniers. C’est le cas notamment pour les projets qu’il met
en
œ
uvre en qualité d’opérateur délégué de la Commission européenne, et pour les projets gérés
en tant que mandataire de l’administration publique française.
38
Les procédures applicables pour l’exécution de contrats
Pillar Assessment
ne seront plus celle de l’Union
européenne mais celles propres à Civipol agréées par l’UE.
39
Ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées
non soumises au code des marchés publics.
40
Directive 2014/23/CE du 26/02/2014 relative aux concessions ; Directive 2014/24/CE du 26/02/2014 relative aux
secteurs classiques : marchés de travaux, fournitures et services ; Directive 2014/25/CE du 26/02/2014 relative
aux secteurs spéciaux ; Directive 2009/81/CE relative à la coordination des procédures de passation de certains
marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les
domaines de la défense et de la sécurité.
CIVIPOL SA
45
4.2.1
Les achats réalisés en délégation de la Commission européenne sont cadrés
depuis 2022
La Commission européenne est soumise aux directives et règlements applicables au sein
de l’Union européenne
41
, qu’elle a retranscrits dans ses
Procédures Contractuelles applicables
à l’Action Extérieure de l’UE
(PRAG)
42
. Lorsque Civipol intervient en gestion déléguée des
fonds de la Commission européenne, il utilise depuis le 1
er
novembre 2020 son guide des
procédures de passation de marché et règles d’attribution des contrats (PRO_S3_00) qui a été
audité préalablement à l’accréditation
Pillar Assessment
comme étant conforme au PRAG,
après correction «
des fragilités dans le domaine de l’achat
» relevées par une premier rapport
d’évaluation.
4.2.2
Le code de la commande publique appliqué aux achats réalisés en qualité de
mandataire
Civipol est soumis au code de la commande publique quand il met en
œ
uvre des projets
en qualité de mandataire de l’administration publique ; il s’agit pour l’essentiel de projets que
Civipol gère pour le compte du ministère de l’intérieur sur des financements du Fonds de
sécurité intérieure ou d’Horizon Europe.
Au cours de la période sous revue, les relations contractuelles entre Civipol et ses
donneurs d’ordre ministériels ont été régies par un accord-cadre de prestation de services,
conclu en juin 2015, puis par la convention de partenariat entre la direction de la coopération
internationale de sécurité et Civipol en vigueur depuis juin 2021. Dès 2015, l’inspection
générale de l’administration invitait Civipol à étendre le champ d’applicabilité de l’accord-
cadre à la situation où le ministère confiait le portage de projet à Civipol, le ministère restant
lui-même partenaire.
La convention de partenariat appelle deux remarques :
1)
La période entre le 1
er
janvier et le 10 juin 2021 n’est pas couverte ; les opérations
de cette période ont été régularisées par un accord transactionnel ;
2)
L’avenant du 14 janvier 2022 vise à transformer un marché public en subvention.
Le marché initial désignait Civipol comme prestataire de services contre
rémunération, situation susceptible de requalifier le partenariat en marché public.
L’avenant produisant ses effets, Civipol devient délégataire d’une subvention et
perçoit à ce titre un «
remboursement des frais engagés
».
Le délai entre la fin de l’accord cadre et l’entrée en vigueur de la convention s’explique
par la saisine préalable de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)
au motif que la Commission européenne aurait considéré que Civipol était un pouvoir
41
Notamment Directive 2014/23/CE du 26/02/2014 relative aux
concessions ;
Directive 2014/24/CE du 26 février
2014 relative aux
secteurs classiques
(marchés de travaux, fournitures et services) ; Directive 2014/25/CE du
26 février 2014 relative aux
secteurs spéciaux
(eau, énergie, transport, …)
42
1. Introduction - EXACT External Wiki - FR - EC Public Wiki (europa.eu)
. Le PRAG explique les procédures de
passation de marchés et d’attribution de subventions applicables aux actions extérieures de l’Union européenne
financées par l’Union européenne elle-même. Il s’agit d’un guide général juridiquement non contraignant.
CIVIPOL SA
46
adjudicateur en tant que «
personne morale de droit privé créée pour satisfaire spécifiquement
des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :
1)
soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur,
2)
soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur,
3)
soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres
dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur »
43
.
De l’analyse rendue par la DLPAJ le 25 mars 2021, il ressort que :
1)
les contrats passé par le ministère à Civipol peuvent, sous réserve de remplir certaines
conditions, être exclus du code de la commande publique ;
2)
à condition que Civipol soit qualifié de pouvoir adjudicateur, l’entreprise pourrait
s’exonérer «
des règles de passation prévues par le code de la commande publique
»
sur le fondement d’une coopération public-public (art. L.2511-6 CCP
44
) avec le
ministère, pour contracter un marché avec lui. Cela supposerait :
a)
une participation conjointe des parties à l’exercice d’une mission de service public
obéissant à des considérations exclusivement d’intérêt général ;
b)
que Civipol réalise moins de 20 % de l’activité via ce partenariat, les 80 % restant
faisant l’objet de marché public. Il conviendrait alors de déterminer au cas par cas
les interventions conjointes qui satisfont à cette double obligation ;
3)
la DLPAJ écarte, à juste titre, la situation de quasi-régie (art. L.2511-2 CCP).
La Cour prend acte de cette analyse. Elle relève les fragilités suivantes : sur le point 1),
le ministère étant un pouvoir adjudicataire, les contrats couverts par la convention de partenariat
de juin 2021 ne se situent pas dans l’un des cas d’exclusion. les contrats exclus du code de la
commande publique
45
se limitent aux subventions, mécénat, parrainage ou sponsoring, contrat
de travail, transfert de compétences ou de responsabilités entre acheteurs publics et aux
conventions d’occupation domaniale.
Concernant le point 2), les règles de la commande publique s’appliquent sans préjudice
des contrats de coopération public-public (qui sont des marchés publics) que Civipol et le
ministère auront organisés entre eux, dans le cadre de relations distinctes de celles d’opérateurs
intervenant sur un marché concurrentiel. Il en résulte que la convention de partenariat du 11 juin
2021 entre le ministère de l’intérieur et Civipol n’affranchit pas Civipol de l’obligation de
passer, le cas échéant, un marché public. En sus, elle soumet Civipol à la contrainte d’avoir à
suivre précisément et au cas par cas le volume des prestations confiées via le partenariat, afin
de vérifier l’applicabilité des pourcentages respectifs d’activité ouvrant droit à l’exonération
des règles de passation de marchés publics.
La situation ambivalente de Civipol, indistinctement société de droit privé poursuivant
un but lucratif, et opérateur contribuant à mettre en
œ
uvre la politique de son ministère de
tutelle, l’a d’ailleurs récemment conduit à évoluer vers un statut plus proche d’une société
publique que d’une société de droit privé (agrément
Pillar Assessment
, qualification de société
de mission, abandon du versement des dividendes...).
En cohérence avec cette évolution, il conviendrait de rendre les procédures d’achat plus
lisibles, notamment auprès des partenaires en consortium, et de mettre fin aux situations de
43
Art. L.1211-1 du code de la commande publique.
44
Article L2511-6 - Code de la commande publique - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
45
Article L. 1100-1 CCP
CIVIPOL SA
47
fragilité juridique susceptibles de constituer des freins à la mise en
œ
uvre des nouvelles activités
confiées par la Commission européenne. Cette revue pourrait se faire à la lumière de l’examen
de la séparation de l’activité « prestataire de services » de celle « d’opérateur de subvention »,
qui prend ici tous son sens.
4.3
Les systèmes d’information : un rattrapage à organiser
Lors du dernier contrôle de la Cour, Civipol était focalisé sur le renforcement de ses
outils de gestion et de planification pour fiabiliser ses données, et notamment déployer un
progiciel de gestion intégré (PGI)
46
nommé SMART. Le présent contrôle a été contemporain,
tout comme le précédent, de la mise en place du nouveau PGI, nommé SPICE.
4.3.1
Une gouvernance à construire
Le pôle « systèmes d’information » est composé de trois agents dont un stagiaire et,
depuis novembre 2021, un prestataire extérieur pour les besoins de SPICE (nouveau PGI, cf.
infra
).
À fin 2022, il est dénombré
a minima
13 applications ou logiciels métier
47
, acquis ou
développés par Civipol, pour ses besoins métier ou support.
Schéma n° 1 :
Carte fonctionnelle des systèmes d’information
Source : Civipol
46
Aussi appelé Entreprise ressource planning (ERP).
47
Le PGI SMART ne figurait déjà plus dans la liste. Ne sont pas répertoriés les applications ou logiciels libres.
CIVIPOL SA
48
Cette carte fonctionnelle n’inclut pas Solstice, outil de suivi de projets développé en
interne avant d’être confié à un prestataire, qui permet de produire en temps réel depuis janvier
2021 l’ensemble des principaux indicateurs d’activité (EBE, marges, chiffre d’affaires,
résultat…). Tout comme le premier PGI SMART, il a vocation à disparaître, ses fonctionnalités
étant reprises par SPICE.
Il n’existe pas à Civipol de comité de pilotage global couvrant le volet informatique.
Néanmoins, à l’occasion du déploiement du PGI SPICE en juin 2022 (cf.
infra
), ont été
installées deux enceintes dédiées : un comité de pilotage et un comité projet. De la même
manière, il existe depuis 2022 un budget annuel prévisionnel « IT », qui s’élève à 683 517
€
en
2023, dont près de 97 % est constitué de prestations de services et de maintenance, y compris
la double maintenance sur SPICE et SMART (cf.
infra
). Ainsi, les dépenses en matière
informatique représentent de l’ordre de 3,8 % des charges d’exploitation de la structure.
La matrice des risques complétée d’un plan d’actions correctrices a été mise à jour pour
accompagner cette évolution. La réalisation de tests de vulnérabilité est nécessaire pour en
vérifier la bonne maîtrise.
4.3.2
Des investissements massifs pour réduire la dépendance
Lors du dernier contrôle, la Cour recommandait à Civipol de «
mettre en
œ
uvre
pleinement le contrôle de gestion, notamment en achevant la mise en place [du progiciel de
gestion intégrée] et le développement des outils analytiques
». À l’époque, ces projets avaient
un objectif majeur : rendre opérationnelle la planification budgétaire de chaque projet.
Civipol avait démarré une étude de faisabilité de l’outil SMART en 2013 pour un
déploiement qui devait s’achever à l’été 2016. En réalité, le déploiement s’est achevé en 2021,
pour un produit qui s’est révélé inapproprié, voire défaillant pour les raisons techniques
suivantes :
-
il ne permet pas de gérer des devises autres que l’euro ;
-
SMART ne permet pas de comptabilité analytique telle que volume d’affaires par
client, ou résultat net par projet;
-
SMART ne permet pas un audit interne des dépenses des projets.
Enfin, il est développé par Microsoft Dynamics, et Civipol invoque qu’il ne sera
a priori
plus maintenu à compter de janvier 2023..
Aussi, dès 2020, la période de crise sanitaire et la mise à l’arrêt des projets ont-elles
fourni l’occasion d’engager les équipes à réfléchir au changement de PGI. Un responsable de
projet à la direction des opérations a été délesté de certains projets pour se concentrer sur
l’accréditation
Pillar Assessment
, et par conséquent sur le déploiement du nouveau PGI. Des
travaux préliminaires ont été initiés en 2021 pour un déploiement en juillet 2022. Un avis de
marché de « mise en
œ
uvre et déploiement d’un ERP » a été publié le 25 février 2022 avec
l’objectif de notification en mai 2022, pour une durée de 13 mois. Le contrat pour un PGI
baptisé « SPICE » a été signé le 1
er
juin 2022au prix de 538 246
€
la première année, assistance
incluse et de 130 932
€
par an pour les années suivantes (le contrat initial prend fin le
31 décembre 2023).
En parallèle au déploiement du nouveau PGI SPICE, Civipol a pris la décision de mettre
en place un outil de gestion électronique de documents (GED) pour permettre un pointage des
CIVIPOL SA
49
justificatifs au fil de l’eau. Un avis de marché a été publié le 1
er
mars 2022 pour un démarrage
du marché en juin 2022. Pour la même raison que le marché du PGI, le contrat a été passé en
dehors du cadre de la commande publique. Le contrat a été signé le 26 octobre 2022.
Les investissements massifs en matière de technologie IT depuis 2021, réalisés dans
l’objectif de réduire la dépendance aux prestataires extérieurs et particulièrement étrangers, et
par conséquent de réinternaliser pour réduire les coûts, sont louables. La maintenance des
serveurs a été réinternalisée depuis juillet 2022. S’agissant de SPICE puis de la GED, un
prestataire extérieur dédié a été recruté comme assistant à maîtrise d’ouvrage au pôle SI alors
que ce pôle ne gérait pas le projet SPICE.
Civipol n’est cependant pas dotée d’un schéma directeur informatique ni d’un budget
pluriannuel d’investissement dans les systèmes d’information. Toutefois, la société a
commencé en 2020 et prévoit d’achever en 2024 un travail pour structurer les nombreux
documents qu’elle utilise aujourd’hui. Il s’agira alors d’établir un document de « politique des
systèmes d’information » adossé à un schéma directeur. ces démarches ont été entreprises en
vue d’une demande de certification ISO 27001
48
. L’entreprise annonce donc «
un schéma
directeur informatique sera formalisé et une comitologie spécifique mise en place
» dans ce
contexte et accepte la recommandation de la Cour.
Recommandation n° 1.
(Civipol) : mettre en place une comitologie spécifique aux
systèmes d’information et nouvelles technologies, ainsi qu’un schéma directeur
assorti d’un budget pluriannuel.
4.4
Une gestion des ressources en mutation pour accompagner le nouveau
modèle d’affaires
Le siège de Civipol employait en 2022 près de 70 salariés permanents, après un
doublement depuis 2016. L’adoption du nouveau modèle d’affaires en 2018 a aussi entraîné
une augmentation du nombre d’experts employés pour les projets sous différentes modalités,
pour un total de 159 équivalents-temps plein en 2021. Ces experts et quelques salariés sont issus
des services du ministère de l’intérieur en application de conventions renouvelées récemment.
Les modalités d’emploi des experts sont en cours d’évolution.
4.4.1
Une vision d’ensemble à mettre en place
Civipol étant une société privée de conseil, la convention nationale collective applicable
à la branche est le Syntec brochure N°3018 (IDCC 1486)
49
. L’opérateur de compétence (OPCO)
48
ISO 27001 est une norme internationale de sécurité des systèmes d'information : « Technologies de l'information
- Techniques de sécurité - Systèmes de gestion de sécurité de l'information – Exigences ».
49
collective/
Principales dispositions :
Convention collective SYNTEC - JO 3018 - IDCC 1486 (dicotravail.com)
CIVIPOL SA
50
défini comme collecteur de taxes pour la branche « bureaux d'études techniques, cabinets
d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils » est Atlas
50
.
Lors du précédent contrôle, la Cour constatait que Civipol ne disposait pas «
d’une vue
précise de l’ensemble des collaborateurs qu’elle emploie dans le cadre de ses projets
». Elle
recommandait de «
définir une politique de gestion de l’ensemble des ressources humaines de
l’entreprise (salariés et experts) et en informer régulièrement le conseil d’administration
».
La catégorisation des emplois au sein de la société procède aux distinctions suivantes :
Tableau n° 6 :
Catégorisation des personnels de Civipol
Catégories
Sous-catégorie
Comptabilisation
Type de contrat
Salariés
permanents dits
« salariés du
siège »
Y compris les stagiaires et
apprentis, les
fonctionnaires détachés ou
mis à disposition, y
compris certains AMO (en
SI) et le doctorant en CDD
long
Font partie des
effectifs et perçoivent
un bulletin de paie
Contrat de travail pour tous les
salariés : en fonction de la situation
CDI, CDD, CDD longs, contrats de
professionnalisation, contrats
d’apprentissage
Conseiller expert
gendarme rémunéré sur
une enveloppe projet
Fait partie des
effectifs et perçoit un
bulletin de paie
Contrat de travail CDI
51
en
convention collective Syntec depuis
le 01/01/2022
Conseiller expert police
Exclu des effectifs
conformément aux
règles Urssaf
En portage salarial (honoraires)
Experts salariés
non permanents
Experts projets en France
Font partie des
effectifs et perçoivent
bulletin de paie
Contrat de travail pour tous les
salariés : fonctionnaires mis à
disposition ou détachés ou retraités
ou en cumul d’activité + CDI « de
chantier » en convention collective
Syntec
52
si durée > 1 mois ou en
CDD « d’usage » si durée < 1 mois
Experts projets expatriés à
l’étranger, y compris les
jumelages (ex : CNES)
Non-salariés
Experts indépendants
recrutés par les
responsables de projet
Exclus des effectifs et
rémunérés sur le
budget projet
Autoentrepreneur ou en portage
salarial (honoraires)
Source : reconstitution Cour, validée par Civipol
50
La loi avenir du 05 septembre 2018 a mis en place, à compter du 1
er
janvier 2022 un collecteur unique des
contributions formation et apprentissage, pour toutes les entreprises, quelle que soit la branche concernée.
Auparavant, pour Civipol, l’organisme paritaire collecteur agréé était le FAFIEC (Source :
Article 49 - Convention
collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils
du 15 décembre 1987. - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
.
51
Dans la fiche de poste transmise aux rapporteurs, la durée du contrat était initialement de deux ans renouvelable
par tacite reconduction.
52
Convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil
Syntec brochure N°3018 (IDCC 1486).
CIVIPOL SA
51
Lors de l’enquête de la Cour, Civipol a fait part de difficultés pour reconstituer
l’évolution des effectifs par année au sein des différentes catégories car, avant 2022, le pôle RH
ne disposait ni de tableau de suivi ni d’extraction pour différencier les catégories de salariés.
Le pôle RH, composé fin 2022 d’une responsable arrivée en 2021 dans un poste
auparavant vacant et d’une assistante (en novembre 2022, elle était en arrêt-maladie depuis
juillet 2022), ne traite que les personnels salariés de Civipol. Les experts sont marginalement
suivis par la direction des opérations. Leur traitement financier est directement assuré par la
comptabilité.
Tableau n° 7 :
Évolution des effectifs par catégorie 2016-2022* (en ETPT)
Catégorie
Sous-catégorie
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Salariés
permanents
dits « salariés
du siège »
Y compris
stagiaires
apprentis,
fonctionnaires
détachés ou mis à
disposition
36
39
49
59
58
62
69
Expert salariés
Experts projets
16,15
16,08
16,00
24,17
24,17
47,86
43,28
Experts
non-salariés
Experts
indépendants et
mis à disposition
24,40
43,31
76,30
93,30
93,43
111,16
79,81
Sous-total
experts
(salariés +
non-salariés)
40,55
59,39
92,30
117,47
117,60
159,02
123,09
Total des
effectifs (siège
et experts)
76,55
98,39
141,30
176,47
175,60
221,02
192,09
Source : Civipol
* Chiffres provisoires pour la catégorie « non-salariés » pour l'année 2022
Civipol compte sur son prochain progiciel de gestion intégré pour centraliser, dès 2024,
la gestion des ressources humaines, experts compris. Cette évolution permettrait de disposer
d’une donnée de pilotage utile ; elle doterait en outre Civipol d’un registre d’experts, dont la
disponibilité est sa principale ressource pour se faire attribuer et conduire les projets. La Cour
réitère donc, en l’adaptant, sa recommandation antérieure, acceptée par Civipol et encouragée
par la DCIS.
CIVIPOL SA
52
Recommandation n° 2.
(Civipol) : Centraliser la gestion des ressources humaines
de l’entreprise (salariés et experts) et renforcer la connaissance du vivier des
experts.
4.4.2
Des voies de mobilisation d’expertise à ouvrir davantage
Pour mettre en
œ
uvre les projets, Civipol fait appel à des experts provenant du secteur
privé ou à des fonctionnaires en activité ou retraités. Une distinction est opérée entre l’expertise
long-terme (expertise-clé sur une durée supérieure à six mois) et l’expertise court-terme
(inférieure à six mois). Les CV des experts long-terme sont obligatoirement validés par le
bailleur et par le bénéficiaire en amont de la signature du contrat pour s’assurer du respect des
« termes de référence ».
Concernant les fonctionnaires en activité, Civipol recourt aux partenariats qu’il a
conclus, en priorité avec le ministère de l’intérieur et aussi avec la direction générale des
douanes et droits indirects (DGDDI). L’affectation provisoire de ces fonctionnaires aux projets
de Civipol prend l’une des formes prévues par le code général de la fonction publique
53
.
La convention de partenariat signée le 11 juin 2021 entre le ministère de l’intérieur et
Civipol présentée
supra
(cf.
4.2.2)
, régit notamment les modalités de mobilisation des
expertises de toutes les directions et services du ministère à l’initiative d’un projet et Civipol.
Cette convention ne s’applique pas aux réservistes qui font l’objet d’une convention spécifique.
Les modalités financières de mobilisation de l’expertise sont déséquilibrées. En effet,
dans la plupart des cas, le ministère met à disposition de Civipol des experts contre des
modalités de remboursement clairement définies. Dans le cas contraire, le mode de
« rémunération » des experts mobilisés par Civipol mériterait d’être précisé (remboursement
par le ministère des coûts directs et indirects et remboursement des sommes avancées par
l’opérateur sont définis au cas par cas).
La convention cadre entre la DGGN et Civipol du 25 janvier 2022, qui succède à celle
du 9 novembre 2017, est en vigueur depuis le 1
er
janvier 2022 pour une durée maximale de six
ans. Elle a pour objet de déterminer les conditions générales de mise à disposition de Civipol
des moyens humains et matériels de la gendarmerie dans le cadre de projets mis en
œ
uvre par
Civipol à l’exclusion de ceux pris en charge par la convention de partenariat du 11 juin 2021 et
des réservistes opérationnels gérés par une convention spécifique (convention cadre entre la
direction générale de la gendarmerie nationale et Civipol du 16 novembre 2022, qui prend effet
rétroactivement au 1
er
juillet 2022 pour une durée maximum de six ans). À chaque projet
particulier est conclue une « convention subséquente » qui précise les conditions
administratives et financière de mise à disposition, la direction opérationnelle du projet étant
assumée par l’une ou l’autre des parties suivant les situations.
La convention de partenariat entre Civipol et la direction générale des douanes et droits
indirects, signée le 22 novembre 2019 pour une durée d’un an, renouvelable annuellement et
indéfiniment, a pour objet la mobilisation d’expertise au bénéfice de projets mis en
œ
uvre par
Civipol.
53
Détachement, disponibilité, cumul d’activité, mise à disposition contre remboursement.
CIVIPOL SA
53
Une convention de partenariat entre l’ACPNSI
54
et Civipol du 27 mars 2018 et à durée
illimitée, facilite la diffusion des offres auprès des adhérents de l’association, l’ACPNSI
réalisant des missions de filtrage et Civipol sponsorisant les évènements de l’association.
Il n’existe pas de grille de rémunération pour les experts recrutés (indépendants ou
fonctionnaires). Les agents mis à disposition sont employés contre remboursement à leur
administration d’origine Pour les autres experts, les rémunérations dépendent du niveau
d’expertise et du statut de la personne (fonctionnaire, salarié ou indépendant). En 2022
l’enveloppe budgétaire annuelle allouée est de 150 000
€
en moyenne par expert, tous frais
inclus.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
À l’issue d’une réorientation du modèle d’affaires engagée en 2018 et après un
ralentissement de l’activité pendant la crise sanitaire, Civipol a surmonté plusieurs difficultés.
La recherche de l’accréditation de Civipol pour la gestion déléguée des fonds de l’Union
européenne, engagée en 2020 et obtenue le 6 avril 2022, a été le motif principal d’une
réorganisation interne, d’une revue des processus et d’une évaluation externe. Le renforcement
du contrôle interne et une modernisation des systèmes d’information en sont deux
conséquences. La démarche n’est pas totalement achevée et les travaux entrepris pour doter
Civipol d’un nouveau progiciel de gestion intégré doivent se prolonger dans une démarche
d’ensemble sur les systèmes d’information.
L’accréditation entraine aussi des conséquences à tirer vis-à-vis du code de la
commande publique dans la conduite des projets pour le compte de l’Union européenne. La
liberté qu’avait Civipol de contracter hors du code de la commande publique ne peut désormais
être générale.
La transformation du modèle d’affaires a pour premier effet économique de baisser la
rentabilité des activités de Civipol. Cette baisse de la rentabilité se lit dans l’évolution du ratio
du chiffre d’affaires par employé du siège, en réduction depuis 2018. La viabilité de l’entreprise
dépend aussi de la rémunération des experts, dont le coût annuel est de près de 150 000
€
, alors
que le volume d’affaires par expert est descendu sous les 200 000
€
en 2021.
Civipol doit tirer deux conséquences de cette évolution. La première est d’affiner sa
connaissance des experts qu’elle fait intervenir, de leur temps de travail et de leur affectation
aux projets ; la mesure des frais de support affectés aux projets par des transferts de charge
appelle également une grande précision, au risque sinon que ces frais soient rejetés par le
donneur d’ordre. La seconde est que ses frais de structure ne sont pris en charge, pour les
projets conduits pour le compte de l’Union européenne, qu’à un niveau limité à 7 % du budget
des projets.
Pour se financer, Civipol compte sur une participation au GIE MILIPOL, organisateur
de salons, qui lui assure des rentrées régulières : elles étaient en moyenne de 550 000
€
au
cours des trois exercices 2019-2021. À l’inverse, Civipol a dû céder en 2020, à la suite des
arbitrages interministériels, sa filiale Transtec, pourtant bénéficiaire. Cette cession est à
54
Amicale des cadres de la police nationale et de la sécurité intérieure, mutuelle créée en 1905 reconnue d’utilité
publique par décret du 27 décembre 1935, dont objet est de pratiquer la prévention, l’action sociale et la gestion
de réalisations sociales relevant du Livre III du Code de la mutualité.
CIVIPOL SA
54
l’origine d’une perte limitée (-0,2 M
€
sur une entreprise acquise pour 10 M
€
) en tenant compte
de l’ensemble des flux financiers, malgré une vente conclue en pleine crise sanitaire.
En définitive, sur la période 2016-2022, les résultats financiers, notamment les
dividendes de Transtec et les résultats de MILIPOL, ont compensé les pertes d’exploitation,
mais le caractère exceptionnel des années 2020 et 2021 ne permet pas de dégager des
tendances.
CIVIPOL SA
55
ANNEXES
Bilans 2016-2021
..............................................................................
56
Comptes de résultat 2016-2021
.........................................................
60
Transferts de charge
..........................................................................
64
Composition du Conseil d’administration de Civipol
.......................
65
L’évolution du portefeuille de Civipol dépend de l’évolution de
l’Union européenne comme acteur de la sécurité
......................................
66
CIVIPOL SA
56
Bilans 2016-2021
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
ACTIF (valeurs nettes)
I- ACTIF
IMMOBILISE
324 948
6 045 299
5 836 106
9 506 829
8 835 031
1 401 363
1 518 297
2 124 116
Immobilisations
incorporelles
127 348
106 748
81 330
64 532
220 105
417 242
565 609
1 244 556
Frais
d'établissement
Concession,
brevets, droit
similaires
127 348
106 748
81 330
64 532
78 055
291 542
471 263
364 928
Immo incorporelles
en cours
142 050
125 700
94 346
879 628
Immobilisations
corporelles
114 716
128 094
143 641
167 865
250 185
213 952
189 951
123 230
Autres immo
corporelles
114 716
128 094
143 641
167 865
250 185
213 952
189 951
123 230
Avances et
acomptes
Immobilisations
financières
82 884
5 810 457
5 611 135
9 274 432
8 364 741
770 169
762 737
756 331
Participations
1 524
5 729 403
5 527 878
9 181 477
8 265 859
659 624
659 624
659 624
Prêts
4 400
9 690
6 540
0
Autres immo
financières
81 360
81 054
83 257
92 955
94 482
100 855
96 573
96 707
II- ACTIF
CIRCULANT
34 640 928
34 628 320
39 223 747
43 298 071
51 608 904
53 163 411
50 725 736
43 106 290
Avances et
acomptes sur
commandes
1 047 804
1 168 205
1 926 905
1 327 011
2 756 470
3 158 645
4 222 417
4 752 456
CIVIPOL SA
57
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Créances
20 451 686
14 318 058
15 843 393
24 243 286
29 841 155
24 886 607
25 793 378
120 020
Créances clients
14 744 623
10 147 568
12 256 699
16 932 285
16 105 857
18 423 952
16 266 052
16 168 729
Personnel
5
657
200
17 214
2 113
6 024
2 000
15 524
Créances fiscales
et sociales
302 904
245 236
134 448
117 545
338 509
203 510
89 692
99 559
Autres créances
73 741
173 129
140 956
75 825
65 634
29 093
12 536
4 937
Débiteurs divers
5 330 414
3 751 468
3 311 090
7 100 417
13 329 042
6 224 028
9 423 098
5 949 201
Valeurs mobilières
de placement
4 708 964
0
0
0
0
0
0
0
Actions propres
Autres titres
4 708 964
0
Disponibilités
8 328 911
19 094 012
21 396 543
17 629 941
18 910 010
25 016 103
20 616 190
15 788 874
Charges
constatées
d'avance
103 562
48 045
56 906
97 833
101 269
102 056
93 751
327 009
III-CHARGES A
REPARTIR
IV-PRIMES
REMBOURSEMEN
T EMPRUNT
V-ECARTS
CONVERSION
ACTIF
18
18
TOTAL GENERAL
ACTIF
(I+II+III+IV+V)
34 965 876
40 673 619
45 059 853
52 804 900
60 443 953
54 564 792
52 244 033
45 230 406
PASSIF
I-CAPITAUX
PROPRES
4 336 817
4 369 477
4 035 997
5 560 290
4 838 264
4 150 070
4 239 537
CIVIPOL SA
58
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Capital
2 201 480
2 201 480
2 201 480
2 201 480
2 201 480
2 201 480
2 201 480
2 201 480
Réserve légale
220 148
220 148
220 148
220 148
220 148
220 148
220 148
220 148
Report à nouveau
1 575 834
1 915 189
1 929 586
1 565 532
2 462 650
2 305 616
1 725 485
1 813 031
Résultat de
l'exercice
339 355
14 400
-364 053
1 493 719
-157 033
-580 131
87 543
5 170
Provisions
règlementées
18 260
48 836
79 411
111 019
2 957
4 881
6 806
II-PROVISIONS
101 844
75 968
132 615
155 346
108 939
144 633
168 456
156 472
Provisions pour
risques
44 453
6 535
60 000
60 000
11 000
11 000
30 160
13 625
Provisions pour
charges
57 391
69 433
72 615
95 346
97 939
133 633
138 296
142 847
III-DETTE
30 527 216
36 228 174
40 891 241
47 089 264
55 496 750
50 270 089
47 836 037
40 827 299
Emprunt auprès
établissement de
crédit
12 386
3 501 926
3 001 485
2 501 519
1 999 551
Avances et
acomptes sur
commande en
cours
10 346 593
9 554 216
10 956 122
11 305 094
7 555 645
8 597 074
6 755 826
6 113 440
Dettes fournisseurs
1 529 146
1 525 434
3 434 474
4 429 520
3 143 069
4 058 468
7 172 057
7 631 291
Dettes fiscales et
sociales
835 138
564 607
613 804
1 229 123
918 328
1 029 663
1 412 537
1 284 373
Dettes sur
immobilisations
2 564 583
1 593 750
4 393 348
117 380
Autres dettes
17 803 953
18 517 408
21 291 606
23 230 660
41 762 777
36 584 884
32 495 617
25 798 195
Produits constatés
d'avance
IV-ECART DE
CONVERSION
PASSIF
CIVIPOL SA
59
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
TOTAL GENERAL
PASSIF (I+II+III+IV)
34 965 876
40 673 619
45 059 853
52 804 900
60 443 953
54 564 792
52 244 033
45 230 406
Source : comptes Civipol approuvés, après ajustement Cour sur les arrondis
CIVIPOL SA
60
Comptes de résultat 2016-2021
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Produits
d'exploitation (1)
11 256 904
9 866 807
9 461 411
16 305 021
16 457 034
14 221 546
17 367 117
19 477 746
Production vendue
(biens et services)
9 580 720
8 483 469
7 558 827
13 860 174
14 423 121
10 900 543
11 346 097
13 122 723
Reprise sur
provisions (et
amortissements),
transferts de
charges
1 676 146
1 377 959
1 842 752
2 312 922
1 922 080
3 276 799
5 927 726
6 324 065
Subvention
d'exploitation
26 172
16 667
Autres produits
38
5 379
59 832
131 925
111 833
44 204
67 121
14 281
Charges
d'exploitation (2)
11 186 073
10 195 427
10 014 539
15 270 879
16 521 953
15 795 272
17 464 496
19 904 502
Achats de
marchandises
25 134
999
0
Achats de matières
premières et autres
appros
110
142
127
2 452
4 894
1 670
10 078
5 437
Autres achats et
charges externes
5 788 087
5 467 234
4 800 156
9 169 482
8 815 744
7 723 188
7 311 888
9 403 424
Impôts, taxes et
versements
assimilés
335 453
182 487
172 698
248 784
191 837
244 130
268 213
82 652
Salaires et
traitements
3 496 186
3 200 459
3 500 912
4 026 546
5 217 205
5 642 568
7 575 876
7 892 013
Charges sociales
1 314 181
1 192 927
1 254 574
1 441 360
1 846 983
1 847 813
1 791 385
2 045 320
CIVIPOL SA
61
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Dotations aux
amortissements sur
immobilisations
119 746
98 455
129 825
142 617
161 923
199 017
313 135
324 522
Dotations aux
amortissements sur
actif circulant
(dotations
aux dépréciations)
73 740
0
22 300
11 546
18 000
Dotations aux
provisions
56 792
18 300
63 182
22 730
2 594
35 694
4 662
18 176
Autres charges
1 778
10 289
70 765
204 363
262 773
101 192
189 260
132 959
Résultat
d'exploitation (1-2)
70 831
-328 620
-553 128
1 034 142
-64 919
-1 573 726
-97 381
-426 756
Quote part des
résultats sur
opérations faites en
commun
0
-376
17 254
0
6 993
0
-110 168
0
Bénéfice ou perte
transféré
17 254
0
6 993
0
Perte ou bénéfice
transféré
-376
-110 168
Produits financiers
(5)
464 631
1 739 608
369 643
997 482
1 829 525
3 945 410
585 713
444 669
Produits financiers
de participations
1 333 333
533 057
1 300 021
117 386
14
234
Autres intérêts et
produits assimilés
(3)
409 196
356 174
368 998
444 438
541 332
692 792
435 808
408 390
Reprise sur
provision, et
3 143 335
0
CIVIPOL SA
62
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
dépréciations et
transfert de charges
Différences
positives de change
53 103
49 454
645
19 987
-11 828
-8 103
149 891
36 045
Produits nets sur
cessions de valeurs
mob de placement
2 332
647
0
0
0
0
0
Charges financières
(6)
46 503
1 397 181
173 187
77 986
1 753 373
285 352
37 497
25 818
Dotations
financières aux
amortissements et
provisions
1 333 333
98 026
18 565
1 702 813
131 841
16 557
10 648
Intérêts et charges
assimilées (4)
459
32 233
73 912
57 576
49 058
58 606
3 536
2 303
Perte de change
46 043
31 615
1 249
1 845
1 502
94 905
17 404
12 867
Charges nettes -
cessions de valeurs
mobilières
placement
Résultat financier
(5-6)
418 129
342 427
196 456
919 496
76 152
3 660 058
548 216
418 851
Résultat courant
avant impôt (1-
2+5-6)
488 960
13 431
-339 418
1 953 638
18 226
2 086 332
340 669
-7 905
Produits
exceptionnels (7)
47 434
38 490
15 778
0
10 529
7 859 522
27 550
45 160
Sur opérations de
gestion
29 285
9 425
0
CIVIPOL SA
63
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Sur opérations en
capital
18 149
38 490
15 778
10 529
7 859 522
7 125
15 000
Sur reprise sur
provisions et
transferts de
charges
11 000
30 160
Charges
exceptionnelles (8)
41 627
37 521
40 413
30 581
119 949
10 526 015
280 674
32 085
Sur opérations de
gestion
35 073
347
5
2 532
34
243 319
30 160
Sur opérations en
capital
6 553
18 914
9 796
74 810
10 498 508
5 271
0
Sur dotation
amortissement,
dépréciations,
provisions
18 260
30 617
30 576
42607
27 473
32 085
1 925
Résultat
exceptionnel (7-8)
5 807
969
-24 635
-30 581
-109 420
-2 666 463
-253 124
13 075
Participation des
salariés aux
résultats (9)
18 510
0
119 120
Impôt sur les
bénéfices (10)
136 902
0
310 218
65 839
RÉSULTAT NET
339 355
14 400
-364 053
1 493 719
-157 033
-580 131
87 546
5 170
Source : comptes Civipol approuvés, après ajustement Cour sur les arrondis
64
Transferts de charge
Tableau n° 8 :
Évolution des transferts de charge d’exploitation
en
€
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Transfert de charges de
personnel (compte 791100)
1 183 125
1 827 900
2 134 372
1 835 504
3 259 171
5 909 814
dont projets opérateurs
(subvention directe ou gestion
déléguée)
1 174 084
1 815 810
2 135 808
1 835 504
3 259 171
5 713 910
dont PAGoDA /Pillar Assessment
0
0
0
0
0
195 893
dont PGI
0
0
0
0
0
0
dont autres
9 041
12 090
-1 436
0
0
11
Autres transferts de charge
(compte 791000)
150 658
3 978
9 810
6 994
-373
3 647
TOTAL transferts de charge
d'exploitation
1 333 783
1 831 878
2 144 182
1 842 498
3 258 798
5 913 461
Transfert de charges des salariés
du siège refacturés à l’UE
144 177
360 564
444 363
491 354
841 792
1 434 430
en % des transferts de charge de
personnel
12 %
20 %
21 %
27 %
26 %
24 %
Source : reconstitution Cour d’après données Civipol
Tableau n° 9 :
Effet du report de charge sur la masse salariale
en
€
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Masse salariale
brute*
3 496 186
3 200 459
3 500 912
4 026 546
5 217 205
5 642 568
7 575 876
Transferts de
charge**
964 508
1 183 125
1 827 900
2 134 372
1 835 504
3 259 171
5 909 814
Masse salariale
nette
2 531 678
2 017 334
1 673 012
1 892 174
3 381 701
2 383 397
1 666 062
Chiffre d'affaires
9 580 720
8 483 469
7 558 827
13 860 174
14 423 121
10 900 543
11 346 097
Taux de masse
salariale brute
36,5 %
37,7 %
46,3 %
29,1 %
36,2 %
51,8 %
66,8 %
Taux de masse
salariale nette
26,4 %
23,8 %
22,1 %
13,7 %
23,4 %
21,9 %
14,7 %
Source : reconstitution Cour d’après données Civipol
* définition de l'INSEE : la somme des rémunérations brutes versée par l’entreprise à ses salariés au cours d’un
exercice.
** frais de masse salariale engagés par Civipol et réimputés sur les projets pour prise en charge par les bailleurs.
65
Composition du Conseil d’administration de Civipol
Fin 2022, l’instance était composée comme suit :
-
un administrateur nommé par l’État et représentant de l’État, issu du ministère de
l’économie et des finances (Agence des participations de l’État) ;
-
trois administrateurs proposés par l’État, dont un issu de la direction générale du Trésor et
deux du ministère de l’intérieur (direction de l’évaluation de la performance, de l’achat des
finances et de l’immobilier ; direction des affaires européennes et internationales) ;
-
six administrateurs élus en assemblée générale : un représentant pour chacune des quatre
sociétés Airbus, Défense Conseil International, Idemia et Thales International, un
administrateur indépendant et le PDG lui-même, reconduit sans interruption à cette
fonction depuis juin 2017.
Participent également au conseil d’administration, sans voix délibérative :
-
un représentant du contrôle général économique et financier, exerçant un contrôle sur les
risques et la performance ;
-
deux représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises,
en qualité de censeurs ;
-
le commissariat du gouvernement, assuré par la directrice de la direction de la coopération
internationale de sécurité ;
-
le commissaire aux comptes en tant que de besoin ;
-
des représentants de l’encadrement de Civipol.
L’Agence des participations de l’État, actionnaire majoritaire, veille aux intérêts
patrimoniaux de l’État (actionnaire direct à 40 %, et indirectement majoritaire à travers ses
participations au capital des autres actionnaires) et au respect des missions de service public
de l’entreprise
55
. La direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et
de l’immobilier (DEPAFI) du ministère de l’intérieur exerce le suivi des grands indicateurs
financiers de Civipol mais sans exercer aucune responsabilité sur le fond des activités de
l’opérateur.
Les quatre administrateurs industriels (ils étaient au nombre de six au début de la période
sous revue) représentent 49,51 % du capital : dont 13,83 % pour Défense conseil
international, 12,47 % pour Thalès, 12,07 % pour Airbus et 11,14 % pour Idemia. Les autres
actionnaires non présents au conseil d’administration détenaient, en 2021, 10,45 % du
capital
56
.
55
L’État a fait évoluer en 2017 sa doctrine d’investissement en la simplifiant. Ainsi l’État a vocation à être
actionnaire dans trois types d’entreprises : les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de la France
(défense, nucléaire) ; les entreprises participant à des missions de service public ou d’intérêt général ; les
entreprises en difficulté dont la disparition peut entraîner un risque systémique (
rapport d’activité 2021 de
l’Agence de participations de l’État
).
56
Il s’agit de AGF-UMANIS, Caisse des dépôts, Comexposium, Security Sfere, Aéroport de Paris, Systra.
66
L’évolution du portefeuille de Civipol dépend de l’évolution de
l’Union européenne comme acteur de la sécurité
La montée en puissance de l’Union européenne comme acteur de la sécurité, renforcée par la crise
migratoire de 2015, a donné lieu à la création d’instruments spécifiques de renforcement des capacités
de sécurité des partenaires et de protection du territoire européen : l’instrument de stabilité, le Fonds de
Sécurité Intérieure (DG-HOME, instrument privilégié de la coopération opérationnelle mise en
œ
uvre
par la direction de la coopération internationale de sécurité), ou encore le Fonds fiduciaire d’urgence
migrations. Ce dernier, en vigueur de 2014 à 2021 et doté de 4,09 milliards d’euros, bénéficiait d’un
mécanisme décisionnaire particulièrement flexible, impliquant le seul siège à Bruxelles et non les
délégations de l’Union européenne. Cet instrument a propulsé Civipol parmi les opérateurs grands
bénéficiaires des financements européens relevant du « nexus sécurité-développement » sur les enjeux
liés aux migrations irrégulières, et facilité son accession ultérieure au rang d’opérateur de référence de
l’Union européenne.
Le défi de la programmation 2021-2027 :
Avec le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne sur la période 2021-2027, dont la
programmation s’est achevée début 2022, ce sont deux instruments principaux de coopération
extérieure qui émergent désormais : l’Instrument de pré-Adhésion (IPA III), centré sur les Balkans, qui
comporte un budget dédié à la sécurité et aux migrations, d’une part ; l’instrument européen pour le
voisinage, le développement et la coopération internationale (NDICI), entré en vigueur le 14 juin 2021,
d’autre part. Doté d’un budget de près de 80 milliards d’euros, le NDICI remplace et fusionne 10
instruments financiers du cycle budgétaire antérieur (2014-2020), couvrant 70 % du financement
des relations extérieures de l’Union européenne. Il comporte des piliers géographiques et thématiques.
La thématique migratoire au sens le plus large, pour lequel l’équipe France s’est fortement mobilisée
dans le cadre de discussions, y bénéficie d’une enveloppe financière de 10 % de la totalité des fonds du
NDICI. La déclinaison opérationnelle de cette composante migratoire constitue pour Civipol un enjeu
majeur, pour garantir que les projets financés correspondent effectivement aux priorités françaises en la
matière.
À l’inverse des migrations, la thématique sécuritaire en tant que telle ne fait pas l’objet d’une
enveloppe financière dédiée au sein du NDICI. Ainsi les actions sécuritaires, structurelles et
opérationnelles, devront-elles être financées à travers les piliers géographiques ou thématiques.
L’implication du ministère de l’intérieur et de Civipol en phase amont de la programmation, dont la
révision à mi-parcours intervient après trois années, constitue le levier pour orienter les fonds vers des
actions relevant du domaine de la sécurité. À défaut, Civipol et le ministère de l’intérieur pourraient se
voir partiellement exclus des crédits européens. La difficulté est accrue par le fait que la programmation
du NDICI est sous-tendue par l’exigence d’une approche unifiée (« holistique » selon la terminologie
de l’Union européenne) entre les acteurs-clés : États membres et leurs opérateurs, institutions
onusiennes, société civile, secteur privé, axées de surcroît sur les politiques de l’Union européenne
(
policy driven
) dans les domaines des objectifs de développement durable tel le climat, le genre, la
participation des autorités locales.
67
Enfin, pour une partie de son enveloppe budgétaire, l’exercice de programmation du NDICI est
décliné au sein des Initiatives Équipes Europe (IEE), instrument créé en 2020 par l’Union européenne
pour expérimenter un modèle de dialogue tripartite décentralisé entre États membres, délégations de
l’Union européenne et pays bénéficiaires. Le ministère de l’intérieur y prend part via le réseau des
attachés de sécurité intérieure, la direction des affaires européennes et internationales et Civipol,
fortement appuyés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (ambassadeur aux migrations,
direction générale de la mondialisation). Civipol y a contribué à travers l’élaboration de fiches-projets
par pays. Le résultat de ces dialogues tripartites est mitigé, en raison notamment des pratiques de
consultation différenciées de la part des délégations de l’Union européenne. On relèvera cependant la
participation de Civipol en 2022, à une proposition de la France d’Equipe Europe régionale « Etat-civil-
Afrique de l’Ouest ».