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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
AUDIT FLASH
Décembre 2023
LE GUICHET UNIQUE
ÉLECTRONIQUE
DES FORMALITÉS
DES ENTREPRISES :
UN PROJET À SÉCURISER
COUR DES COMPTES
3
SOMMAIRE
4
PROCÉDURES ET MÉTHODES
6
SYNTHÈSE
13
INTRODUCTION
16
I - LA MISE EN ŒUVRE CHAOTIQUE DU PROJET
DE GUICHET UNIQUE
16
A - La création du guichet unique, une réforme
nécessaire et systématique
20
B - Le développement du projet par l’Inpi
21
C - L’année 2022, une année charnière
25
D - L’échéance du 1
er
janvier 2023 :
des dysfonctionnements techniques aggravés
par un défaut d’assistance
26
E- La prolongation de la procédure de secours
jusqu’au 31 décembre 2023
28
II - LES RAISONS D’UNE RÉFORME EN DIFFICULTÉ
28
A - Une échéance initiale irréaliste compte tenu
de l’ambition du projet
32
B - Une gouvernance et un pilotage inadaptés
34
III - PERSPECTIVES
37
LISTE DES ABREVIATIONS
38
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES
CONCERNÉS
4
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres
thématiques que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour
ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi
bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports
publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle
des juridictions financières et l’indépendance
statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations faites
lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises
aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne
peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses
reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
La collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des procédures
de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou
plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs
d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont
examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au
moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur
et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
Le présent audit a été conduit sur le fondement des articles L. 111-2 et
suivants du code des juridictions financières. Il est rendu public en vertu
des dispositions de l’article L.143-1 alinéa 2 du même code. Contrairement
à d’autres publications de la Cour des comptes, il ne donne pas lieu à un
rapport exhaustif sur un organisme ou une politique publique mais permet
de dresser dans un délai resserré un état des lieux factuel sur un dispositif
public bien délimité.
COUR DES COMPTES
5
L’audit a cherché à établir précisément les conditions de mise en œuvre
du projet de guichet unique électronique de formalités des entreprises, à
identifier les causes des difficultés rencontrées lors de sa mise en service au
1
er
janvier 2023 et à apprécier dans quelle mesure les ajustements décidés
en cours d’année 2023 permettent de résoudre les problèmes constatés au
démarrage du guichet unique.
L’audit a été réalisé par la première chambre à partir d’entretiens et
d’éléments
documentaires
recueillis
auprès
des
administrations
et
organismes auxquels l’enquête a été notifiée le 9 juin 2023 (et le 28 juin 2023
pour une notification complémentaire) : la direction générale des entreprises
(DGE), la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), l’Institut national
de la propriété industrielle (Inpi) et l’Institut national de la statistique et des
études économiques (Insee).
Des entretiens ont aussi été tenus avec la direction générale des finances
publiques (DGFiP), l’agence centrale des organismes de sécurité sociale
(ACOSS), le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,
l’établissement public national fédérateur du réseau des chambres de
métiers et de l’artisanat (CMA France), le Mouvement des entreprises de
France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises
(CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P).
Le projet de rapport a été préparé puis délibéré le 16 octobre 2023 par la
première chambre, présidée par Mme Camby et composée de Mmes Lignot-
Leloup et Bouzanne des Mazery, MM. Soubeyran, Tersen et Turenne, conseillers
maîtres, ainsi que, en tant que rapporteur, M. Savy, conseiller maître et, en tant
que contre-rapporteur, M. Pelé, conseiller maître en service extraordinaire.
Il a été examiné et approuvé le 7 novembre 2023 par le comité du rapport
public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici,
Premier président, M. Rolland, rapporteur général, Mme Podeur, M. Charpy,
Mme  Camby, Mme Démier, M. Bertucci, Mme Hamayon et M. Meddah,
présidentes et présidents de chambre de la Cour, M. Lejeune, Mme Daussin-
Charpantier, Mme Gervais et Mme Renet, présidentes et présidents de chambre
régionale des comptes, M. Gautier, procureur général, entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur
le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes :
www.ccomptes.fr
.
6
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
SYNTHÈSE
1. PACTE : plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises.
Une réforme visant à simplifier les procédures pour les entreprises
Depuis 1981, sept réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE)
permettaient aux entreprises d’effectuer les formalités relatives à leur création, aux
modifications de leur situation et enfin, à la cessation de leur activité. Ces centres
transmettaient les dossiers reçus aux organismes chargés de valider les informations,
de les transcrire dans des registres et d’en tirer toutes les conséquences d’un point
de vue fiscal, social ou juridique (services des impôts, organismes de sécurité sociale,
Insee, inspection du travail, greffes des tribunaux de commerce pour inscription sur
les différents registres, chambres de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture
et chambre nationale de la batellerie artisanale).
L’existence de ces sept réseaux était source de complexité et de difficultés tant
pour les entreprises que pour les administrations.
Poursuivant un objectif de simplification et de modernisation, la loi relative à la
croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE
1
) du 22 mai 2019 a
décidé de leur substituer un guichet unique, collectant l’ensemble des informations
et des pièces nécessaires au dossier de formalités et constituant ainsi l’interface entre
les entreprises déclarantes et les organismes destinataires des formalités, quels que
soient l’activité, le lieu d’implantation et la forme juridique de l’entreprise. Cette
unification du circuit des formalités devait s’accompagner de la dématérialisation
complète de la procédure. Parallèlement, cette même loi a créé un registre national
des entreprises (RNE), destiné à devenir l’unique registre auprès duquel doivent
s’immatriculer les entités exerçant une activité économique sur le territoire français,
en lieu et place des divers registres préexistants. Le RNE doit assurer le recueil, la
conservation et la diffusion des informations concernant les entreprises.
La création d’un guichet unique électronique des formalités des entreprises et
d’un registre national des entreprises par la loi PACTE constitue une réforme
complexe, avec une forte dimension technique et un caractère systémique
en raison des bouleversements qu’elle introduit dans le fonctionnement,
l’organisation, les systèmes d’information et les pratiques professionnelles des
utilisateurs, des entités précédemment chargées des CFE et des organismes
destinataires des informations collectées par les CFE. Ces bouleversements vont
d’ailleurs bien au-delà puisqu’ils affectent les attributions mêmes de l’ensemble
COUR DES COMPTES
7
des participants et donc leur positionnement institutionnel. En confiant cette
activité à un établissement public placé sous sa tutelle, l’État prend la main
sur la gestion de ces formalités. La réforme a rencontré, dès l’origine, de fortes
réticences chez certains des acteurs concernés.
L’entrée en service du guichet unique comme du registre national des entreprises
était fixée par la loi au 1
er
janvier 2023 au plus tard. Des dysfonctionnements
importants sont apparus dès le début de l’année 2023. Dans ce contexte, la Cour a
souhaité conduire à l’été 2023 un audit flash pour établir précisément les conditions
de mise en œuvre de ce projet, identifier les causes des difficultés rencontrées
et apprécier dans quelle mesure les ajustements décidés en cours d’année 2023
permettent de résoudre les problèmes constatés au démarrage du guichet unique.
Une mise en œuvre difficile du projet
Depuis le vote de la loi PACTE en mai 2019, le calendrier de la réforme avec ses
dates clés se présente ainsi.
8
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Schéma n° 1 : chronologie du projet de guichet unique de formalités des entreprises
(GUFE)
Mai 2019
Loi PACTE
Création guichet unique
(GUFE) et RN
E
Juillet 2020
INPI nommé opérateur
Juillet 2021
Ouverture GUFE créations
Pour les mandataires
Janvier 2022
Ouverture GUFE créations
Pour toutes entreprises
+ voies existantes
Janvier 2023
GUFE voie unique créations
Activation de la procédure de secours
Cessations et modifications -
Guichet Entreprises + voie papier
Ouverture RNE
Février 2023
Réouverture partielle Infogreffe
Cessations et modifications
Mars 2023
Ouverture GUFE cessations
En parallèle des autres voies
Avril 2023
Fermeture Guichet Entreprises cessations
Autres voies maintenue
s
Mai 2023
Ouverture GUFE modifications
Pour les personnes physiques -
en parallèle des autres voies
Juin 2023
Ouverture GUFE modifications
Pour les personnes morales -
en parallèle des autres voie
s
Fermeture Guichet Entreprises modifications
Pour les personnes physiques –
autres voies maintenues
Prolongation de la période de secours
Échéance au 31 décembre 2023
Été 2023
Fermeture Guichet Entreprises modifications
Pour les personnes morales –
autres voies maintenues
31 décembre 2023
Fin de la période de secours
Juillet 2019
Création de la mission interministérielle
chargée du pilotage du projet
Source : Cour des comptes
COUR DES COMPTES
9
Pour assurer le pilotage stratégique du projet, une mission interministérielle
ad hoc
,
placée sous l’autorité du ministre de la justice et des ministres chargés de l’économie
et du budget, a été créée dès juillet 2019. Par ailleurs, l’Institut national de la propriété
industrielle (Inpi) a été désigné, en juillet 2020, comme opérateur du guichet unique
et chargé de tenir le registre national des entreprises. L’opérateur s’est acquitté de sa
tâche en ayant recours à des prestataires externes et en s’appuyant sur ses équipes
dont les effectifs ont été renforcés mais dans des proportions moindres que demandé
aux tutelles. Le coût global d’environ 15 M€ a été entièrement financé sur les fonds
propres de l’Inpi.
L’ouverture anticipée au 1
er
janvier 2022 du module permettant d’accomplir les seules
formalités de création d’entreprises sur le guichet unique aurait dû permettre d’en
vérifier le bon fonctionnement. Or, les CFE poursuivant leur mission d’enregistrement
de ces formalités, beaucoup d’utilisateurs ont continué à s’adresser à eux. Ainsi, faute
d’une utilisation suffisante du guichet unique, sa capacité à gérer les flux importants de
formalités de création n’a pas pu être testée avant le 1
er
janvier 2023, date prévue pour
la fermeture des CFE.
Par ailleurs, les autres fonctionnalités (modifications et cessations), compte tenu de
l’insuffisance des tests qui n’ont pu démarrer qu’à l’automne 2022, n’ont pas pu être
ouvertes sur le guichet unique au 1
er
janvier 2023. Une procédure de secours a donc
été activée permettant de réaliser ces formalités en dehors du guichet unique, les CFE
ayant, conformément à la loi, cessé à cette même date leur activité d’enregistrement.
La généralisation, au 1
er
janvier 2023, de la fonctionnalité « création d’entreprises » sur
le seul guichet unique (avec la fermeture concomitante des autres voies) et la mise en
œuvre de la procédure de secours pour les formalités de modification et de cessation
d’entreprises ont été marquées par d’importants dysfonctionnements : complications
techniques pour réaliser les formalités, spécificités fonctionnelles du portail non
adaptées, impossibilité de valider ses formalités, formalités non transmises voire
refusées par les destinataires, etc. Cette situation a fortement pénalisé les entreprises,
d’autant plus que le dispositif d’assistance aux utilisateurs s’est révélé insuffisant.
À l’été 2023, six mois après l’ouverture du guichet unique, la situation n’est pas stabilisée :
les formalités de création fonctionnent bien sur le guichet unique ; les formalités de
modification et de cessation ont été ouvertes mais restent peu utilisées ; la procédure
de secours a été prolongée dans un premier temps jusqu’au 30 juin 2023 puis, dans un
second temps, jusqu’au 31 décembre 2023.
10
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Le présent audit permet d’identifier les deux principales raisons expliquant les
difficultés rencontrées par ce projet : d’une part une échéance initiale irréaliste
compte tenu de l’ampleur du projet et, d’autre part, une gouvernance et un
pilotage inadaptés au projet.
Une échéance initiale irréaliste compte tenu de l’ampleur du projet
La loi PACTE n’a pas été précédée d’une analyse suffisamment approfondie de
la nature et des conditions de la réforme. En raison des insuffisances de l’étude
d’impact, les décisions finalement prises pour mettre en place ce guichet unique
ont été sensiblement éloignées de la solution initialement envisagée. Sur le plan
technique, il a finalement été décidé de développer un système d’information
totalement nouveau. Sur le plan fonctionnel, la connexion pourtant indispensable
avec le registre national des entreprises (RNE) n’avait pas été prise en compte.
Dans ces conditions, dès 2020 l’objectif d’une ouverture du guichet unique des
entreprises au 1
er
janvier 2023 n’apparaissait déjà pas réaliste.
À ce calendrier extrêmement tendu se sont ajoutées les perturbations découlant
des travaux normatifs de redéfinition des procédures des formalités, conduits en
parallèle du développement du guichet unique et du RNE. Certains arbitrages
sur les textes réglementaires sont intervenus alors que les deux projets étaient
en cours de développement, obligeant à des modifications qui ont contribué à
accroitre la tension sur les délais.
Compte tenu de ce contexte, plus l’échéance se rapprochait, plus les difficultés
s’accumulaient sur le projet, amenant à des arbitrages difficiles fin 2022 mais
également en 2023, sur les procédures de secours à activer et sur les nouvelles
échéances. Les arbitrages ministériels n’en ont pas moins constamment privilégié
le respect du calendrier initial.
Une gouvernance et un pilotage inadaptés au projet
Les difficultés rencontrées tiennent également aux modalités de gouvernance et
de pilotage du projet, très éloignées des standards en la matière.
Afin d’assurer ce pilotage, une mission interministérielle a été créée par décret
du 3 juillet 2019. Composée de trois personnes, elle a été placée sous l’autorité
du ministre de la justice et des ministres chargés de l’économie et du budget, et
rattachée au directeur général des entreprises pour sa seule gestion administrative
et financière. Ses attributions sont assez générales. Elle est notamment chargée
d’exercer la maîtrise d’ouvrage stratégique du projet, en particulier d’en préciser
COUR DES COMPTES
11
son contenu, ses objectifs détaillés, son calendrier et les moyens nécessaires à
sa mise en œuvre, et de veiller à son bon déroulement. Un comité de pilotage,
prévu par ce même décret, présidé par le chef de la mission interministérielle, se
réunissait également
a minima
quatre fois par an.
L’Inpi avait en charge la maîtrise d’œuvre du projet sans qu’aucun texte ne précise
l’organisation de la maîtrise d’ouvrage opérationnelle. Cette lacune est à la
source des difficultés rencontrées : un directeur de projet aurait dû être désigné
pour animer des groupes de travail réunissant les représentants des différents
partenaires et utilisateurs, définir les besoins et les fonctionnalités, assurer le
pilotage de l’Inpi et procéder quand cela était nécessaire aux arbitrages techniques.
L’absence d’association des partenaires et des utilisateurs au déroulement de ce
projet explique également que certains d’entre eux aient tardé à prendre toute la
mesure de la réforme. Ce n’est qu’à l’été 2023, bien trop tardivement, que ce déficit
initial de structuration opérationnelle collective a commencé à être corrigé en
intégrant l’ensemble des acteurs.
Des perspectives sans garantie d’une résolution rapide des difficultés
À l’automne 2023, la situation globale du guichet unique tend à s’améliorer. La
gouvernance et le pilotage du projet sont en cours d’ajustement et la prolongation
de la période de secours devrait permettre de progresser. Il reste cependant de
nombreux dysfonctionnements à traiter, alors même que le volume des formalités
effectuées par le guichet unique est encore insuffisant pour les détecter tous et les
corriger.
Un certain nombre d’actions décidées par la DGE en lien avec les autres acteurs,
interviennent tardivement et ne paraissent pas de nature à résoudre l’ensemble
des difficultés d’ici la fin de l’année.
Il n’est donc pas possible d’exclure que l’échéance du 1
er
janvier 2024 pour
l’utilisation du seul guichet unique pour effectuer les formalités soit marquée
par d’importants dysfonctionnements.
De graves anomalies ne pourraient être
détectées par les entreprises qu’en 2024 voire ultérieurement, au moment où elles
voudront accomplir une nouvelle formalité, ou lorsqu’elles seront confrontées à
des demandes infondées des administrations fiscales ou sociales.
Les conséquences d’une réforme insuffisamment préparée et mal conduite
pourraient donc se faire encore sentir pendant plusieurs années sans avoir apporté
aux entreprises la simplification attendue.
12
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Les principaux enseignements de l’audit
L’examen de la mise en œuvre du guichet unique et du registre national des
entreprises conduit à constater que deux conditions nécessaires à la réussite
d’un projet de transformation numérique complexe n’ont pas été mises en
œuvre :
le projet de guichet unique aurait dû faire l’objet d’une étude d’impact
beaucoup plus approfondie dans le projet de loi Pacte. Ces insuffisances
ont conduit à revoir le projet, dont la mise en œuvre s’est révélée plus
complexe que prévu, rendant le calendrier initial impossible à tenir ;
la mise en œuvre du guichet unique a pâti d’une organisation inadaptée
du pilotage et de la gouvernance qui n’a associé les parties prenantes qu’à
l’été 2023. Le projet a subi d’importants retards du fait de l’absence d’un
directeur de projet, en charge de la maîtrise d’ouvrage opérationnelle et
en capacité d’imposer des décisions aux différents acteurs.
Enfin, le refus de remettre en cause la date de mise en œuvre prévue par la
loi, en dépit des nombreuses difficultés identifiées, a constitué une prise de
risque sans doute déraisonnable dont les entreprises et les services de l’État
ont supporté les graves conséquences.
COUR DES COMPTES
13
INTRODUCTION
Créé par l’article 1
er
de la loi relative à la croissance et la transformation des
entreprises (loi PACTE) du 22 mai 2019, le guichet unique électronique des
formalités des entreprises a vocation à unifier l’ensemble des formalités que les
entreprises doivent accomplir au moment de leur création, en cas de modification
de leur situation ou lors de la cessation de leur activité.
Jusqu’au déploiement de ce nouveau portail, ces formalités devaient être
effectuées, selon leur activité, auprès d’un centre de formalités des entreprises
(CFE) appartenant à l’un des sept réseaux existants : les chambres de commerce
et d’industrie, les chambres des métiers, les greffes des tribunaux de commerce,
les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, les centres des
impôts, les chambres d’agriculture et, jusqu’en 2019, la chambre nationale de la
batellerie artisanale
2
.
Les CFE avaient pour mission, après avoir recueilli et vérifié les documents
déposés, de les transmettre aux organismes destinataires des formalités (services
des impôts, organismes de sécurité sociale, Insee, inspection du travail, greffes
des tribunaux de commerce pour inscription sur les différents registres, chambres
de métiers et de l’artisanat, chambres d’agriculture et chambre nationale de la
batellerie artisanale).
Par ailleurs, l’article 2 de la loi PACTE prévoit la création d’un registre national des
entreprises (RNE)
3
destiné à devenir, à compter du 1
er
janvier 2023, l’unique registre
auquel doivent s’immatriculer les entités exerçant une activité économique sur le
territoire français, en lieu et place des divers registres pré existants
4
.
La création du guichet unique comme du RNE s’inscrit dans un objectif général de
modernisation et de simplification de la vie des entreprises, tout en permettant
à l’État de confier désormais à un établissement public placé sous sa tutelle la
gestion des formalités. L’unification du circuit des formalités doit notamment
permettre aux entreprises de ne plus s’interroger sur leur CFE de rattachement
et de ne pas multiplier les démarches pour une seule formalité. La généralisation
de la dématérialisation des formalités doit également faciliter et sécuriser la
transmission des informations à tous les destinataires concernés.
2. La chambre nationale de la batellerie artisanale a été supprimée à compter du 1
er
juillet 2019 par
la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019. Ses missions ont été transférées
aux chambres des métiers et de l’artisanat.
3. Ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021 portant création du Registre national des
entreprises.
4. La loi PACTE prévoit toutefois le maintien du répertoire Sirène tenu par l’Insee et des registres
tenus par les greffes des tribunaux de commerce.
14
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
5. Décret n° 2019-699 du 3 juillet 2019 portant création d’une mission interministérielle relative à la
simplification et à la modernisation des formalités des entreprises et de publicité légale.
6. Décret n° 2020-946 du 30 juillet 2020 relatif à la désignation de l’Institut national de la propriété
industrielle en tant qu’organisme unique mentionné à l’article 1
er
de la loi n° 2019-486 du 22 mai
2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et introduction de diverses mesures
applicables aux formalités incombant aux entreprises.
Par décret du 3 juillet 2019
5
, une mission interministérielle (MISMFE) placée sous
l’autorité du ministre de la justice et des ministres chargés de l’économie et du
budget a été mise en place afin d’assurer le pilotage et la coordination des travaux
pour la création du guichet unique et du registre national des entreprises.
Par décret du 30 juillet 2020
6
, l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) a
été désigné comme l’opérateur du guichet unique électronique des formalités des
entreprises (GUFE). Il a également été chargé de la tenue du registre national des
entreprises (RNE).
Le déploiement du nouveau service s’est effectué en plusieurs étapes au cours
desquelles ont coexisté les guichets des CFE et le nouveau guichet unique :
à partir du 1
er
juillet 2021, le guichet unique a été rendu accessible aux seuls
professionnels disposant d’un mandat pour réaliser les formalités de création
d’entreprises pour le compte de leurs clients ;
à partir du 1
er
janvier 2022, il a été ouvert à tous pour effectuer les formalités
liées à la création des entreprises, quelles que soient l’activité et la forme
juridique de celles-ci ; les formalités tenant à la modification de la situation ou
à la cessation d’activités ont continué à être recueillies par les CFE ;
à compter du 1
er
janvier 2023, les CFE ont disparu et le guichet unique devenait
le seul mode d’enregistrement.
Le guichet unique devait à cette date être pleinement opérationnel pour recevoir
l’ensemble des formalités des entreprises, y compris donc celles relatives aux
modifications de leur situation et à leur cessation d’activité. Cette échéance, fixée
dans l’article 1
er
de la loi PACTE, n’a cependant pas pu être totalement respectée.
Une procédure de secours a dû être activée début 2023 pour le recueil des
formalités de cessation et de modification. Initialement prévue pour se terminer
fin juin, la procédure de secours a finalement été prolongée jusqu’au 31 décembre
2023.
À l’été 2023, le recueil des formalités des entreprises suit donc deux procédures
distinctes,
via
le guichet unique pour l’ensemble des formalités et
via
Infogreffe
pour celles relatives à la cessation d’activité et aux modifications.
COUR DES COMPTES
15
Le présent audit flash, lancé dans ce contexte, vise, d’une part, à comprendre
les raisons qui ont conduit au report de la mise en service du guichet unique, et,
d’autre part, à identifier les perspectives pour parvenir à assurer, à court terme, un
fonctionnement satisfaisant du portail.
Après avoir rappelé les conditions de développement du projet (1
ère
partie), le
rapport identifie les deux principales raisons qui expliquent son parcours chaotique
(2
ème
partie) avant d’en présenter les perspectives à court terme (3
ème
partie).
16
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
La création d’un guichet unique électronique
des
formalités
des
entreprises
visait
à
moderniser et à simplifier les formalités
effectuées par les entreprises. Complexe et de
nature systémique, sa mise en œuvre, confiée
à l’Inpi, a connu différentes phases marquées
par un certain nombre de difficultés qui sont
apparues en 2022 puis en 2023, nécessitant
de recourir à des procédures de secours pour
assurer la continuité du service.
A - La création du guichet unique,
une réforme nécessaire et systémique
Depuis 1981, sept centres de formalités
des entreprises (chambres de commerce et
d’industrie, chambres des métiers, greffes
des
tribunaux
de
commerce,
unions
de
recouvrement des cotisations de sécurité
sociale,
centres
des
impôts,
chambres
d’agriculture et chambre nationale de la
batellerie
artisanale)
permettaient
aux
entreprises d’effectuer les formalités relatives
à leur création, aux modifications de leur
situation et enfin, à la cessation de leur activité.
Ces centres transmettaient ensuite les dossiers
reçus aux destinataires chargés de valider
les informations, de les transcrire dans des
registres et d’en tirer toutes les conséquences
d’un point de vue fiscal, social ou juridique
(services des impôts, organismes de sécurité
sociale, Insee, inspection du travail, greffes des
tribunaux de commerce pour inscription sur les
différents registres, chambres de métiers et de
l’artisanat, chambres d’agriculture et chambre
nationale de la batellerie artisanale).
Comme le précisait l’étude d’impact annexée
au projet de loi PACTE, en 2016 et sur
l’ensemble du territoire national, les 1 400 CFE
traitaient chaque année près de trois millions
de
formalités
pour
les
entreprises,
dont
30 % relatives à leur création, 55 % pour des
modifications intervenant en cours d’existence
et 15 % au moment de leur radiation. Le
graphique suivant présente la répartition de
ces formalités entre les six principaux réseaux
de CFE (le CFE de la batellerie artisanale ayant
été supprimé en 2019).
I - LA MISE EN ŒUVRE CHAOTIQUE DU PROJET DE GUICHET UNIQUE
Graphique n° 1 : activité des CFE en 2016 (en milliers d’évènements traités)
290
458
184
234
325
44
197
525
105
138
231
99
39
13
22
31
33
18
0
100
200
300
400
500
600
Création
Modification
Cessation
URSSAF
Greffes
CCI
CMA
DGFiP
CDA
Source : Insee (direction des statistiques des entreprises, chiffres établis en 2017
COUR DES COMPTES
17
La création du guichet unique répondait à
la nécessité de simplifier et de moderniser
le circuit des formalités des entreprises du
déclarant au destinataire final
7
.
1 - De nombreuses difficultés
qui prévalaient avant la création
du guichet unique
L’existence de sept réseaux de CFE était source
de complexité et de difficultés :
les déclarants avaient parfois des difficultés
à identifier leur réseau d’appartenance ;
il existait des dérogations à la saisine
directe du CFE compétent;
certains organismes gérant des CFE étaient
également organismes destinataires des
formalités (cas des chambres des métiers
et de l’artisanat par exemple pour la mise à
jour de leur registre) ce qui était source de
confusion pour les déclarants ;
la qualité de service rendu aux déclarants
dépendait largement du réseau de CFE
dont ils relevaient, ce qui engendrait une
inégalité de traitement ;
les
systèmes
d’information
étaient
hétérogènes, reposant sur des normes de
transmission
diverses
8
,
compliquant
la
tâche des services centralisateurs ;
même s’il n’était pas possible d’évaluer leurs
coûts de fonctionnement, la coexistence de
plusieurs réseaux avec leur propre service
électronique et leurs moyens spécifiques
semblait peu compatible avec les objectifs
de réduction des moyens et d’allocation
optimale des ressources ;
enfin, le recours à la dématérialisation
comme moyen d’accomplissement des
formalités demeurait faible.
En plus des CFE, un téléservice intitulé
« guichet-entreprises.fr », avait été créé en 2009
pour satisfaire aux obligations européennes
de la directive 2006/123/CE du Parlement
européen et du Conseil du 12 décembre 2006
relative aux services dans le marché intérieur
qui imposait aux États membres la mise à
disposition d’un guichet unique électronique
pour
effectuer
toutes
les
procédures
et
formalités nécessaires à l’accès à une activité
de service. Ce service était mis en œuvre par
un service à compétence nationale « Guichet
Entreprises », rattaché à la direction générale
des entreprises (DGE) du ministère en charge
de l’économie. Ce téléservice ne constituait pas
en lui-même un CFE, les dossiers qu’il recevait
étant ensuite transmis aux CFE compétents.
Ainsi, « guichet-entreprises.fr » ajoutait une
strate supplémentaire pour les utilisateurs
sans
simplifier
leurs
démarches.
C’est
probablement pour cette raison qu’il n’avait
pas vraiment réussi à s’imposer, le volume des
formalités qu’il traitait étant resté à un niveau
très modeste, à peine plus de 2 % en 2017.
7. La plupart des développements qui suivent sont extraits de l’étude d’impact accompagnant
l’article 1
er
de la loi PACTE. L’analyse des débats parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au
Sénat ne fait pas apparaître de véritables contestations sur le bien-fondé de la réforme, ni sur les
objectifs poursuivis. En revanche, le relatif consensus politique autour de la réforme ne doit pas
masquer les réticences plus ou moins marquées de certaines parties prenantes devant la perte de
leurs attributions.
8. Ou des versions différentes d’une même norme (EDI-CFE).
18
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
2 - Des objectifs d’amélioration
clairement définis
La réforme de 2019 poursuit un objectif
de
modernisation
mais
également
de
simplification tant pour les entreprises que
pour les administrations. Elle a pour objet
de substituer aux différents réseaux de CFE,
un
guichet
unique,
collectant
l’ensemble
des informations et des pièces nécessaires
à la confection du dossier de formalités et
constituant ainsi l’interface directe entre les
entreprises déclarantes et les organismes
destinataires de ces éléments, quels que soient
l’activité, le lieu d’implantation et la forme
juridique des entreprises. Cette unification
du circuit des formalités s’accompagne d’une
dématérialisation de ces formalités.
Selon l’étude d’impact du projet de loi PACTE,
il s’agit de répondre aux difficultés rencontrées
par les déclarants pour identifier l’organisme
compétent pour leur entreprise, de remédier
aux différences constatées dans le traitement
des dossiers de déclaration, que ce soit entre
les réseaux de CFE ou au sein d’un même
réseau, et de mettre un terme à la coexistence
de modalités de transmission hétérogènes
(automatisées mais avec des normes distinctes,
support papier, etc.). La dématérialisation
intégrale doit se traduire par une amélioration
de la qualité et de la complétude des dossiers
grâce à la normalisation des informations, à la
mise en œuvre de contrôles automatiques et à
une diffusion facilitée des pièces justificatives
accompagnant les dossiers, générant ainsi une
baisse des charges associées au traitement des
déclarations par les organismes destinataires.
Enfin, la création d’un guichet unique va de pair
avec celle d’un registre unique des entreprises.
Le RNE, qui assure le recueil et la conservation
des informations concernant les entreprises,
est consulté pour l’obtention d’informations
sur ces dernières ainsi que pour la réalisation
des formalités de modification et de cessation, y
compris les inscriptions d’office. À ce titre, il est
nécessairement en interaction avec le guichet
unique comme avec les organismes destinataires
de ces informations (Insee, DGFiP, URSSAF,
greffe des tribunaux de commerce, chambres
des
métiers
et
de
l’artisanat,
Chambres
d’agriculture), ce qui nécessite la mise en place
d’interfaces logicielles. Il est également utilisé
par les chambres consulaires, notamment pour
l’organisation des élections professionnelles et
pour affiner leur connaissance de leurs secteurs
d’activités respectifs.
3 - Une réforme complexe modifiant
des positions établies
Cette réforme d’ampleur est complexe compte
tenu de ses impacts sur le fonctionnement,
l’organisation, les systèmes d’information et
les pratiques professionnelles des déclarants
comme des utilisateurs, à savoir les différentes
entités précédemment chargées des centres
des formalités des entreprises (CFE) et les
organismes destinataires des informations
collectées par les CFE. Ces bouleversements
vont
d’ailleurs
bien
au-delà
puisque,
en
confiant à l’État la gestion des formalités
des entreprises, ils affectent les attributions
mêmes
de
l’ensemble
des
organismes
concernés
et
donc
leur
positionnement
institutionnel. Cela permet ainsi d’expliquer
pour quelles raisons la réforme a rencontré,
dès l’origine, de fortes réticences chez certains
d’entre eux.
Pour apprécier toute la complexité du projet, le
compte rendu de la réunion interministérielle
qui s’est tenue le 30 janvier 2020 afin d’arbitrer
les
propositions
faites
pour
conduire
la
réforme, comprenait deux schémas présentant
la situation initiale et la situation cible des flux
en partant des entreprises à l’initiative des
formalités.
COUR DES COMPTES
19
Les
deux
graphiques
montrent
toute
la
complexité de la création du guichet unique
et du registre national des entreprises avec
la nécessité d’une approche
front offi
ce
(les
déclarants) mais également en tenant compte
des
fonctions
de
back
offi
ce
impliquant
l’ensemble des partenaires pour la validation
des différents flux.
Schéma n° 2 : circuit des formalités et flux avant la mise en service du guichet unique
Schéma n° 3 : circuit des formalités et flux après la mise en service du guichet unique
Saisie
Entreprises
Échanges bilatéraux selon besoin
Situation actuelle
Dépôt papier
Mandataires
A
P
I
Infogreffe
Guichet
Entreprise
Dépôt
papier
Valideurs
(Autorisations, qualification, etc.)
Dépôt
papier
Flux
Tiers facilitateurs
Greffe
Impôts
CA
CCI
CMA
CPL-Metier.fr
URSSAF
Autoentrepreneur.fr
CFE
Flux PJ ?
INSEE
Autres
destinataires
formalités
INPI
CA/MSA
Flux norme
fontionnelle
RNS
RCAA
Greffes
RCS
CMA
RMA
Flux RCS
SIRENE
Flux SIRENE
Flux SIRENE
Flux
SIRENE
Flux rejet
Flux rejet
Destinataires formalités IMR
Numérotation
Autorités - teneurs de registre
Création ou modification d’office
Entreprises
Situation cible (2023
Valideurs
(Autorisations, qualification, etc.)
Dépôt
papier
Mandataires
Tiers
facilitateurs
API
Saisie
Gestion bilatérale des rejets au fond
Inscripteurs
d’office
Guichet
unique
(formalités
IMR,
qualifications,
informations)
Saisie/API
Flux retours -
échanges
Registre
général
Registres
Greffes
RCS
Destinataires
pour information
Autres
destinataires
formalités
* Sous réserve des discussions à venir avec la MSA.
Flux validation -
échanges
Greffes
CMA
MSA*
URSSAF
DINR
SIET
INSEE
Flux NF
Flux NF si besoin liasse
Api Sirene
Flux
AVISIR
Numérotation
SIRENE
Autres valideurs
des qualifications
et autorisations concomitantes
Valideurs des formalités IMR
Flux
registre
Proposition
IMR : Immatriculation, Modification, Radiation
Source : compte rendu de la RIM de janvier 2020
Source : compte rendu de la RIM de janvier 2020
20
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
B - Le développement du projet
par l’Inpi
1 - Le choix de l’Inpi
L’Institut national de la propriété industrielle
(Inpi) a été désigné comme opérateur du
guichet unique en juillet 2020. En cohérence, il
a également été choisi pour mettre en place et
administrer le registre national des entreprises
(RNE). Enfin, la DGE lui a transféré le service
« Guichet Entreprises ».
L’établissement public, qui avait manifesté
son intérêt pour cette nouvelle mission, ne
manquait pas d’arguments :
il tenait déjà le registre national du
commerce et des sociétés (RNCS) qui
représentait
quelque
6
millions
de
données sur un volume total, tous registres
confondus, compris entre 10 et 12 millions
de données ;
il avait une compétence sur l’
open data
avec ses différentes bases de brevets et
marques et le RNCS ;
il avait une compétence technique sur le
pilotage de projets SI (dématérialisation
des procédures de propriété industrielle) ;
il avait la capacité de contribuer au
financement du projet.
D’autres options, examinées lors de la réunion
interministérielle de janvier 2020, avaient été
écartées, consistant à confier cette mission
à la direction de l’information légale et
administrative, à l’Agence pour l’information
financière de l’État ou à l’Insee mais aucune de
ces trois administrations n’avaient marqué son
intérêt pour l’ensemble du projet.
La solution consistant à s’appuyer sur le portail
Infogreffe avait été écartée d’emblée en raison
de plusieurs limites fortes :
technique
:
une
architecture
actuelle
centrée autour des greffes ;
pilotage : l’absence de tutelle de l’État sur
Infogreffe ;
stratégique : l’État ne serait pas propriétaire
de la solution informatique.
2 - Les coûts
L’Inpi
a
eu
recours
à
un
prestataire
externe pour réaliser les développements
informatiques sur la base de son accord-
cadre de marchés informatiques. Le cahier
des charges a été diffusé aux candidats le
5 mars 2020. L’attribution a été effectuée
en
plusieurs
lots
(marchés
subséquents)
correspondant aux différentes étapes du
projet : un lot de conception initiale et des
lots de développement. Deux prestataires ont
été retenus, un pour la conception initiale du
guichet unique, l’autre pour les développements
et le registre national des entreprises.
Le compte rendu la réunion interministérielle
de janvier 2020 présentait ainsi les coûts
estimés du projet
9
:
coûts d’investissement initiaux (mise en
place) : 28 M€
- suivi maîtrise d’ouvrage (spécifications,
qualifications, communication, pilotage)
(5 M€) ;
- construction du site et des interfaces
entreprises/mandataires (7 M€) ;
- mise en œuvre du «
back office
» de
validation (7 M€) ;
9. Il s’agit de coûts complets intégrant la sous-traitance.
COUR DES COMPTES
21
- gestion de l’intégration et de la fiabilité
des échanges (6 M€) ;
- coût d’infrastructure technique, sécurité
et d’hébergement (3M€).
coûts récurrents : 5 M€
Le financement, représentant le coût de
la sous-traitance pour le développement
informatique du projet guichet unique et du
RNE, a été assuré sur les fonds propres de
l’Inpi, sans subvention additionnelle, pour un
coût au 31 juillet 2023 estimé à 10 M€ (dont
0,5 M€ pour le RNE). Cependant, ces montants
ne comprennent pas les coûts internes de
l’Inpi (coûts de personnels essentiellement)
qui n’ont pas été valorisés ce qui ne permet
pas de comparer les 10 M€ aux 28 M€ estimés
initialement. Par ailleurs, le Fonds pour la
transformation de l’action publique (FTAP)
a été sollicité, à hauteur de 1,18 M€, pour
financer le développement du «
chatbot
»
(agent conversationnel) du guichet unique. La
mission interministérielle a piloté elle-même
le développement de cet outil en faisant
appel à un marché de l’État. L’Inpi a intégré
ce composant dans son propre «
chatbot
»
accessible depuis le guichet unique.
Les moyens humains affectés au projet par
l’Inpi sont passés de 5 ETP en 2020 à 21 ETP
en 2023 pour assurer le développement du
projet global, et de 25 ETP en 2022 à 55 ETP en
2023 pour renforcer les équipes d’assistance
du service « Inpi Direct », pour un coût total
estimé de 5 M€. Il est à noter que l’opérateur
avait demandé des moyens humains beaucoup
plus importants que ceux qui lui ont été
accordés (75 ETP pour 46 obtenus). Sans que
l’on puisse attribuer à cette insuffisance de
moyens les graves dysfonctionnements ayant
affecté le développement du projet, elle n’en
constitue pas moins un élément compliquant
la gestion pour l’opérateur.
Le coût supporté par l’Inpi au titre de ce projet
s’élève donc
a minima
à 15 M€.
Bien qu’aucune information consolidée ne soit
disponible, les difficultés rencontrées dans
la mise en service des outils ont entraîné des
coûts supplémentaires pour l’Inpi comme
d’ailleurs
pour
les
autres
acteurs.
Ainsi,
l’Insee a été contraint de recruter 50 agents
en contrat à durée déterminée de la fin 2022
à la fin 2023 pour renforcer ses équipes de
gestion du répertoire SIRENE et d’assistance
de premier niveau, qui ont dû faire face à une
augmentation des traitements manuels. Pour
le réseau des chambres des métiers et de
l’artisanat, le coût du maintien opérationnel
du logiciel métier nécessaire pour alimenter
les organismes sociaux, fiscaux et l’Insee,
est estimé aux alentours de 2 M€ auquel il
convient d’ajouter des dépenses de personnel
non chiffrées. Quant à Infogreffe, le projet
informatique du guichet unique, pour s’y
raccorder et pour maintenir Infogreffe en
solution de secours jusqu’au 31 décembre
2023, représente un coût de près de 2 M€.
C - L’année 2022, une année charnière
Le guichet unique doit traiter les formalités
de création d’entreprises, de modification de
leur situation et de cessation de leur activité
(également le dépôt des comptes annuels).
Le calendrier de développement prévoyait le
séquençage suivant :
Juillet 2021 : ouverture du nouveau portail
pour les formalités de création d’entreprises
accomplies par les mandataires ; compte
tenu de leur parfaite connaissance des
formalités, l’objectif était de pouvoir tester
l’outil en étant affranchi des problèmes
posés
par
le
dépôt
de
documents
incomplets ;
22
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
1
er
janvier 2022 : ouverture du nouveau
portail pour les formalités de création
d’entreprises à toutes les entreprises ; cette
ouverture n’emportait pas la fermeture
progressive des CFE pour ces formalités ;
1
er
janvier 2023 : ouverture du nouveau
portail pour les modifications de situation
des entreprises et pour leur cessation
d’activité avec disparition définitive des
CFE à cette même date.
Dans
le
cadencement
du
projet,
les
fonctionnalités
de
modifications
et
de
cessations d’entreprises étaient dépendantes
de la mise en place du registre national
des entreprises, puisque le choix a été fait,
à l’automne 2020, d’éviter au déclarant la
ressaisie de la situation de son entreprise
en faisant appel aux données du RNE, pour
améliorer l’expérience utilisateur.
1 - La mise en service du module
« création d’entreprises »
au 1
er
janvier 2022 : une échéance
respectée mais pour un volume
limité de formalités
Comme cela était prévu dans le calendrier
validé par la réunion interministérielle de janvier
2020, le module « création d’entreprises  » a
été ouvert au public au 1
er
janvier 2022, sans
pour autant que les CFE ne perdent leurs
compétences en ce domaine
10
. Le guichet
n’a commencé à enregistrer ses premières
formalités qu’à partir du mois de mars.
L’analyse des volumes traités montre clairement
que les entreprises comme les mandataires
ont continué à privilégier le mode habituel
d’accomplissement de leurs formalités
via
les
CFE ou directement auprès des greffes des
tribunaux de commerce.
Après avoir stagné plusieurs mois à 7 000
environ, le nombre de formalités de création
réalisées auprès du guichet unique s’est élevé
à plus de 12 000 en septembre 2022 et à près
de 36 000 en décembre.
Au 31 décembre 2022, le guichet unique avait
enregistré 122 200 formalités de création
d’entreprises ce qui représente 6 % du volume
total des formalités de création d’entreprises de
l’année 2022 (1 881 600 en 2022 pour 1 861 200
en 2021), même si au mois de décembre,
ce pourcentage était de 16,4 %, illustrant la
montée en charge du nouveau portail.
La mission interministérielle avait demandé,
en mai 2022, la fermeture de deux des trois
sites Internet de CFE ouverts (Infogreffe,
Autoentrepreneur,
CMA)
afin
de
pouvoir
réorienter les flux vers le guichet unique en
anticipant l’échéance du 1
er
janvier 2023.
Concernant le site Autoentrepreneur, l’URSSAF
a mis en place des bandeaux de redirection
sur son site (au profit du guichet unique) sans
pour autant le fermer. Concernant le site CFE-
Métiers (CMA), le décret en Conseil d’État
imposant la fermeture de ce site est paru le
11 novembre 2022, et CMA France a procédé
à la fermeture de son site vers le 20 novembre
2022. Ces fermetures n’ont donc eu que peu
d’effets sur l’année 2022 pour réorienter les
formalités vers le guichet unique.
Une fermeture progressive des différents CFE
au cours de l’année 2022 aurait permis une
montée en charge du nouveau portail sans
attendre la date butoir du 31 décembre. Il
aurait ainsi été possible de traiter au fur et à
mesure les interrogations des déclarants, en
évitant la saturation des services d’assistance
et le mécontentement qui s’en est suivi, tout
en corrigeant les anomalies relevées.
10. Le guichet unique avait été ouvert aux mandataires dès 2021, mais le volume de formalités s’est révélé epsilonesque
(moins d’une dizaine).
COUR DES COMPTES
23
Dans ces conditions et compte tenu de ce faible
volume des formalités de création concernant
essentiellement
des
personnes
physiques,
il était impossible de tester la résistance du
service en cible au regard des flux attendus
et des besoins d’assistance des utilisateurs.
D’autant qu’il n’y avait pas eu de campagnes
de tests de bout en bout s’inscrivant dans
une procédure formalisée et partagée par
l’ensemble des acteurs.
2 - Une situation à l’été 2022 marquée
par des risques avérés et connus
À partir de l’été 2022, différents acteurs,
parties prenantes de la réforme, ont informé
le ministre de l’économie, des finances, et de
la souveraineté industrielle et numérique
des risques importants liés à l’échéance du
1
er
  janvier 2023. Ces alertes portaient tant
sur les conséquences d’un volume trop faible
des formalités de création déjà possibles sur
le site que sur les formalités attendues de
modification et de cessation.
Dans une note de juillet 2022, le directeur
de
l’Agence
centrale
des
organismes
de
sécurité sociale (Acoss) alertait ainsi sur le
fait qu’en l’absence d’une phase de test/
expérimentation sur un périmètre probant, la
découverte des anomalies et leur traitement
interviendrait lors de la généralisation du
dispositif au 1
er
 janvier 2023, avec une qualité
de service dégradée  : rupture de service
en cas de saturation, flux ne parvenant pas
à certains destinataires et altération des
données transmises. Les conséquences pour
les
entreprises
en
seraient
l’impossibilité
temporaire
de
réaliser
leurs
formalités,
l’absence de prise en compte ou la prise en
compte tardive de leurs formalités par les
administrations
(impossibilité
de
délivrer
les attestations URSSAF, taxation d’office,
etc.), la transmission d’informations erronées
aux administrations et la sollicitation des
entreprises par les administrations pour leur
redemander des informations déjà transmises.
Graphique n° 2 : ventilation des formalités de création d’entreprises – année 2022
1 881 600
122 200
1 928 600
763 600
0
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
Création
Modification
Cessation
Total tous canaux
Dont guichet unique
Source : Insee
24
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
L’Inpi, dans une note du 18 juillet 2022,
avait posé les conditions de réussite du
projet articulées autour de trois priorités : la
fermeture par anticipation des autres sites de
dépôt afin d’assurer une montée en charge
progressive du guichet unique, le maintien
du périmètre initial du projet sans ajouter de
nouvelles
fonctionnalités
et
l’autorisation
d’effectuer des recrutements adéquats pour
absorber la charge.
En juin 2022, la mission interministérielle avait,
quant à elle, préparé un document de travail
présentant
divers
scenarii
envisageables
d’évolution du projet, soit avec le maintien
de l’échéance initiale accompagnée d’une
procédure
dérogatoire
pendant
quelques
mois, soit avec le report de l’échéance.
3 - Les décisions prises à l’automne 2022 :
la généralisation du guichet unique
au 1
er
 janvier 2023 pour une partie
seulement des formalités
En septembre 2022, et compte tenu de
toutes ces alertes, le Conseil général de
l’économie (CGE) a été mandaté par le
ministre de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et numérique
pour effectuer une mission d’évaluation des
risques liés à l’ouverture du guichet unique au
1
er
 janvier 2023.
Afin de limiter les risques qui avaient été
identifiés, le CGE faisait un certain nombre de
recommandations dans son rapport remis le
17 novembre 2022 :
mener à terme un programme, partagé
avec les partenaires, de cas tests de « bout
en bout » pour les formalités de création,
modification et cessation ;
effectuer
des
cas
réels
d’utilisation
du guichet unique en proposant à des
déclarants volontaires de les accompagner
à saisir leurs formalités dans le guichet lors
de l’accueil physique des CFE ;
effectuer dès la fin du développement
informatique du guichet unique (prévue le
30 novembre) et d’ici le 15 décembre un
nouveau test de tenue en charge.
Le CGE concluait que si, au 15 décembre 2022,
des dysfonctionnements majeurs/bloquants
subsistaient pour certains types de formalités,
il faudrait alors activer la procédure de secours.
Les tests sur les fonctionnalités de modification
et de cessation ne pouvaient pas être réalisés
avant que le RNE ne soit mis en service. Ils
n’ont donc pu démarrer qu’à l’automne 2022.
Leur volume étant resté faible (moins de 80
fin novembre) et les résultats non probants,
le comité de pilotage présidé par le chef de
la mission interministérielle, a estimé que le
risque était trop grand d’autoriser l’ouverture
des deux fonctionnalités au 1
er
janvier 2023. La
« procédure de secours » a alors été activée.
Il a été décidé de confier au service « Guichet
Entreprises », géré par l’Inpi, la mission
de
recueillir
les
dossiers
de
formalités
de modification et de cessation et de les
transmettre
aux
ex-CFE
compétents,
ceux-ci
pouvant
toujours
recevoir
des
formalités sous un support papier. Cette
solution avait été proposée par la mission
interministérielle même si, comme le relevait
le CGE dans son rapport de novembre
2022, «  Guichet Entreprises » traitait au
plus 400  000  formalités par an, alors que la
11. Une procédure de secours a été prévue par le décret n° 2021-300 du 18 mars 2021, codifiée à l’article R. 123-15 du
code du commerce : «
En cas de difficulté grave de fonctionnement de l’organisme unique, le Premier ministre prend, par
arrêté, toutes mesures de nature à assurer la continuité du service
». L’arrêté du 28 décembre 2022 a déclenché sa mise
en œuvre en en précisant les conditions d’application.
COUR DES COMPTES
25
charge prévue pour le guichet unique était de
4,7 millions de formalités par an. Le CGE avait
donc recommandé que soient réalisés, avant
le 15  décembre 2022, des tests de tenue en
charge. Ces tests de charge ont été réalisés
par l’Inpi fin décembre 2022 et ont semblé
confirmer que le « Guichet Entreprises  »
pouvait supporter un volume hebdomadaire
de 100 000 formalités (correspondant au
même niveau que le guichet unique).
D - L’échéance du 1
er
janvier 2023 :
des dysfonctionnements techniques
aggravés par un défaut d’assistance
Les
développements
informatiques
du
nouveau SI s’étant déroulés normalement pour
la fonctionnalité de création d’entreprises,
le guichet unique est bien entré en fonction
au 1
er
janvier 2023 pour recueillir toutes les
formalités de création d’entreprises et les CFE
ont été fermés.
Cependant, et comme cela était redouté et
annoncé par les acteurs et parties prenantes
du
guichet
unique,
la
généralisation
au
1
er
 janvier 2023 de la fonctionnalité « création
d’entreprises » avec fermeture concomitante
des autres voies a été marquée par un certain
nombre de dysfonctionnements : complications
techniques
pour
réaliser
les
formalités,
spécificités
fonctionnelles
du
portail
non
adaptées, impossibilité de valider ses formalités,
formalités non transmises voire refusées par les
destinataires, etc. Les entreprises concernées
se sont retrouvées pénalisées dans la mesure
où elles ont eu à faire face à l’impossibilité
de débuter une activité, de souscrire un
emprunt, de conclure des contrats, de signer
un bail, d’embaucher des salariés, etc. avec
les implications qui s’en suivent (insécurité
juridique, fraudes, travail illégal, etc.).
Ces dysfonctionnements, pour une partie
d’entre eux, ne relevaient pas de l’outil
lui-même, mais des difficultés rencontrées
par
les
déclarants
pour
effectuer
leurs
démarches
en
ligne.
Avec
les
CFE,
les
utilisateurs bénéficiaient d’une assistance de
proximité pour réaliser leurs formalités. Avec
la dématérialisation complète, ils sont censés
être autonomes. Il aurait été nécessaire de
mettre à leur disposition une assistance de
premier niveau performante.
Par ailleurs, et comme on pouvait le craindre,
« Guichet Entreprises » s’est rapidement révélé
sous-dimensionné pour traiter le nouveau
volume des formalités de modification et de
cessation, provoquant une embolie rapide
du système au début de l’année, de graves
dysfonctionnements et une véritable crise. Si le
portail « Guichet Entreprises » pouvait recevoir
un certain volume de formalités, la capacité
de traitement pour l’envoi des dossiers aux
partenaires s’est avérée insuffisante.
L’ensemble des dysfonctionnements constatés
a provoqué un fort mécontentement chez les
utilisateurs du guichet unique et du « Guichet
Entreprises », mécontentement renforcé par les
difficultés de l’assistance en ligne, qui n’avaient
pas été suffisamment anticipées, comme le
relevait le directeur général de l’Insee dans une
note au ministre de juin 2022. En décembre
2021, Inpi Direct avait reçu 4 000 appels, 20 000
en décembre 2022 et 66 000 en janvier 2023.
Ne parvenant pas à traiter l’ensemble des
appels, l’Inpi a progressivement augmenté ses
ETP au fur et à mesure des autorisations de
recrutement accordées par l’État (de 25 ETP fin
2022 à 55 ETP en 2023) et a eu recours à un
prestataire externe pour venir en appui d’Inpi
Direct (pour un coût de 5 M€ par an).
Dans ce contexte, et alors qu’initialement,
la procédure de secours devait se terminer
fin mars 2023, il a été décidé de réouvrir
partiellement
le
portail
Infogreffe
des
tribunaux de commerce le 20 février 2023
12
,
pour les seules formalités de modification et
de cessation d’activité et pour le dépôt d’actes
isolés, en reportant au 30 juin 2023, la fin de la
procédure de secours.
26
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
On peut s’interroger sur la solution retenue
d’utiliser « Guichet Entreprises » alors que
des doutes existaient sur sa capacité à
absorber les flux. D’autant que cette solution
imposait de maintenir en activité les ex-CFE
qui
juridiquement
n’existaient
plus
au
1
er
  janvier  2023 mais dont il fallait bien
conserver l’organisation et les outils. Une
solution alternative aurait été de demander
à
l’ensemble
des
portails
informatiques
existants,
«
Guichet
Entreprises
»
mais
également Infogreffe, Autoentrepreneurs et
CFE-Métiers, d’assurer la continuité du service
sans attendre le mois de février 2023 et la
cristallisation des difficultés. Mais l’on peut
surtout s’interroger sur les raisons qui ont
conduit à ne pas décider de modifier la date
d’entrée en vigueur du guichet unique pour la
repousser au 1
er
janvier 2024 (cf. 
infra
).
E - La prolongation de la procédure
de secours jusqu’au 31 décembre 2023
1 - Le volume des formalités en juin
2023 : un recours encore minoritaire
au guichet unique pour les formalités
de modification et de cessation
Le guichet unique a été étendu aux formalités
autres que les créations au premier semestre
2023. Les formalités de cessations ont été
ouvertes aux bénéficiaires sur le guichet unique
en mars 2023 et la voie « Guichet Entreprises »
a été fermée en avril. Les formalités de
modifications pour les personnes physiques
ont été ouvertes aux bénéficiaires le 22 mai
2023 ; celles relevant des personnes morales
ont été ouvertes fin juin.
Le graphique n° 3 fait apparaître le volume des
formalités enregistrées par l’Insee en juillet 2023.
12. Arrêté du 17 février 2023.
Graphique n° 3 : ventilation des formalités de création d’entreprises en semaine 29 de l’année
2023 (total et
via
le guichet unique) et comparaison à 2022 (même semaine)
943 400
1 076 400
1 077 100
415 200
1 010 200
411 300
0
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
Création
Modification
Cessation
Total tous canaux
Dont guichet unique
Total 2022
798 300
27 200
58 000
Source : Insee
COUR DES COMPTES
27
2 - La qualité des formalités en juin
2023 : des dysfonctionnements encore
importants pour les formalités autres
que les créations
Pour les formalités de création, la grande
majorité
des
dysfonctionnements
avaient
disparu à l’été 2023 et les représentants des
entreprises rencontrés dans le cadre de cet audit
flash ont reconnu qu’ils n’avaient quasiment plus
de remontées de leurs adhérents sur ce point. À
nouveau saisi par le ministre de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et
numérique, le CGE, dans son rapport rendu en
juin 2023, estimait, quant à lui, que la situation
était stabilisée et les anomalies corrigées.
Cependant, si l’on s’en tient aux résultats d’un
sondage BVA, commandé par la direction
générale des entreprises, et effectué auprès
des usagers et des mandataires en juin 2023,
la situation semble beaucoup plus contrastée
pour l’ensemble des formalités. Après quelques
mois d’utilisation du guichet unique, l’expérience
utilisateur
s’avère
mitigée,
les
utilisateurs
donnant une note moyenne de 4,5/10 au guichet
unique en général.
En
ce
qui
concerne
les
anomalies
et
dysfonctionnements
observés,
le
dernier
état de l’outil synthétique de suivi (OSS)
13
au
30 juin 2023 faisait état de 37 signalements
de
dysfonctionnements
depuis
la
mise
en place de cet outil en septembre 2022,
dont 8 dysfonctionnements bloquants et
11 dysfonctionnements majeurs, soit environ
50 % du total, dont 17 étaient soit « encore en
cours », soit « reporté ».
En juin 2023, le taux de régularisation des
formalités par les chambres des métiers et
de l’artisanat en tant que valideurs
14
, portant
essentiellementsurlesformalités de création,était
de l’ordre de 30 % pour les personnes morales
et de 50 % pour les personnes physiques avec
un taux de rejet de l’ordre de 12 %. Les greffes
des tribunaux de commerce enregistraient de
leur côté un taux de réclamation supérieur à
50 % et un taux d’invalidation définitif de l’ordre
de 12 % (contre 6 % dans l’ancien système).
Par ailleurs, le registre national des entreprises,
qui a été mis en service le 1
er
janvier 2023, ne
fonctionne de manière optimale que pour les
créations et les cessations effectuées sur le
guichet unique. Pour les modifications et les
cessations non réalisées sur le guichet unique,
le RNE reste alimenté par le registre national du
commerce et des sociétés (RNCS) centralisant
les registres du commerce et des sociétés (RCS)
tenus par chacun des greffes, par l’ex-registre
des actifs agricoles (RAA) et par l’ex-répertoire
national des métiers (RNM). Il doit également
se recaler sur le répertoire Sirene pour toutes les
formalités non versées à un registre.
Dans son rapport de juin 2023, le CGE souligne
que les «
formalités de création se passent
désormais de manière satisfaisante
» et constate
«
des progrès et des évolutions positives
»,
mais estime que «
le projet n’est à ce stade pas
suffisamment stabilisé en termes de process et
de qualité des livrables pour entrevoir une fin de
procédure de continuité au 30 juin sans prendre le
risque de revivre le scénario de début d’année
. ».
13. L’OSS est un outil qui a été mis en place par la mission interministérielle à l’automne 2022 afin de recenser les
dysfonctionnements et d’en suivre le traitement. Cet outil n’est cependant pas partagé au sein du comité de suivi.
14. Les organismes valideurs sont chargés de procéder à la validation des informations déclarées et des pièces transmises
par les entreprises : greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux judiciaires à compétence commerciale,
chambres des métiers et de l’artisanat, caisses départementales de mutualité sociale agricole, service des impôts des
entreprises (DGFIP).
28
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Le rapport du CGE conclut qu’au regard des
risques encourus, il faudrait envisager de décaler
la date du 30 juin 2023 initialement prévue pour
la fin des procédures de secours. Il assortit cette
préconisation de neuf autres recommandations
dont trois concernent le RNE. Par arrêté du
27 juin 2023, la procédure de secours a donc été
prolongée jusqu’au 31 décembre 2023.
Au
mois
de
juin
2023,
six
mois
après
l’ouverture
du
guichet
unique,
son
fonctionnement est devenu satisfaisant pour
les formalités de création, mais d’importants
dysfonctionnements restent à résoudre pour
les formalités de modification et de cessation
et pour l’alimentation du RNE.
II - LES RAISONS D’UNE RÉFORME EN DIFFICULTÉ
Si l’échéance, posée par la loi, du 1
er
janvier 2023
pour la mise en service du guichet unique et du
registre national des entreprises a fortement
contraint le développement du projet, cette
situation a été aggravée par les insuffisances
de la gouvernance et du pilotage.
A - Une échéance initiale irréaliste
compte tenu de l’ambition du projet
La loi PACTE fixait au 1
er
janvier 2023 la mise
en service du guichet unique électronique et
du registre national des entreprises. La fixation
d’une telle échéance pouvait se justifier
compte tenu de l’ampleur de la réforme
et de la multiplicité des parties prenantes.
L’expérience du développement de projets de
systèmes d’information complexes montre que
l’absence de délais est souvent préjudiciable
à leur réalisation. En fixant une échéance et
en l’inscrivant dans la loi avec toute la force
contraignante qui en résulte, les rédacteurs
de la loi PACTE pensaient pouvoir se prémunir
contre de telles déconvenues. Ce faisant, toute
remise en cause de cette échéance en cours
de projet était rendue très difficile, même
lorsqu’il est apparu évident que le nouvel
outil ne serait pas pleinement opérationnel au
31 décembre 2022.
1 - Une réorientation technique
et fonctionnelle du projet, conséquence
des insuffisances de l’étude d’impact
Sur un plan technique
D’après l’étude d’impact de la loi PACTE
comme des débats parlementaires, l’intention
première des promoteurs de cette réforme
était de construire le guichet unique sur le
fondement du service électronique développé
par « Guichet Entreprises ». En cohérence
avec ce choix technique initial, prévoir un peu
plus de trois années pour faire évoluer un SI
existant ne constituait pas, en soi, un objectif
insurmontable.
Cependant,
après
avoir
fait
réaliser
au
second semestre 2019 un audit complet du
service « Guichet Entreprises », la mission
interministérielle a réalisé que ce portail
comportait un certain nombre de faiblesses :
une dépendance à un outil informatique de
conception déjà ancienne
;
peu de documentation et une concentra-
tion de la maitrise des compétences sur
quelques personnes ;
une ergonomie assez faible et en dessous
des standards ;
des failles de sécurité critiques dans l’outil.
COUR DES COMPTES
29
Dans ces conditions, après avoir examiné les
trois options possibles – la reprise intégrale
du « Guichet Entreprises » avec évolution vers
la cible, la reprise partielle de certaines de
ses briques, son abandon et la construction
ex-nihilo
du socle du guichet unique – cette
dernière solution a été finalement validée lors
d’une réunion interministérielle en janvier 2020.
Sur un plan fonctionnel
L’étude d’impact relative à l’article 1
er
de la
loi PACTE ne fait pas apparaitre clairement
le lien entre la création d’un guichet unique
et celle d’un registre national des entreprises.
Dans ces conditions, et même si l’Inpi est
choisi comme opérateur du guichet unique et
se voit charger de la tenue du RNE, les deux
projets ne font pas l’objet d’une approche
commune. Les formalités de modification et
de cessation devaient donc, à l’origine, être
effectuées isolément du RNE. Cette hypothèse
n’a pas résisté à l’examen approfondi du projet
et la mission interministérielle a décidé, à
l’automne 2020, de coupler les deux projets de
telle sorte que le déclarant puisse bénéficier
des informations déjà présentes dans le
registre pour accomplir ses formalités. Ce
faisant, le projet du guichet unique pour ces
fonctionnalités de modification et de cessation
devenait totalement dépendant du projet du
RNE dont l’entrée en service était programmée
au 1
er
janvier 2023, et pour lequel le décret
fixant ses conditions de fonctionnement n’a
été publié qu’en juillet 2022.
Du fait des insuffisances de l’étude d’impact,
les décisions relatives au projet, avec le choix
de
développer
un
système
d’information
totalement nouveau et de l’articuler avec le
RNE, se sont éloignées considérablement
du schéma initial. Dès l’automne 2020, il
apparaissait clairement que l’objectif d’une
ouverture du guichet unique des entreprises
au 1
er
janvier 2023 n’était plus tenable. L’Inpi,
ayant
été
officiellement
désigné
comme
opérateur du projet en juillet 2020, ne pouvait
concevoir
et
développer
deux
systèmes
d’information en moins de trois ans, tout en
laissant un temps suffisant pour les phases de
tests et de recettages. La crise sanitaire qui est
intervenue à partir du printemps 2020 n’a fait
qu’aggraver une situation déjà difficile.
2 - Une insuffisante prise en compte
des nécessaires ajustements normatifs
et fonctionnels liés au projet
La mission interministérielle était chargée
d’exercer la maîtrise d’ouvrage stratégique du
projet et en particulier d’en préciser son contenu
et ses objectifs détaillés. Elle devait également
veiller,
en
lien
avec
les
administrations
concernées, à l’élaboration des textes juridiques
nécessaires à sa mise en œuvre.
Il appartenait donc à la mission de définir les
spécifications fonctionnelles attendues tant
du guichet unique que du registre national
des entreprises et de les traduire dans des
textes législatifs et réglementaires. L’Inpi, de
son côté, devait intégrer ces spécifications
dans le développement des outils. Il était donc
totalement dépendant du travail fait en amont.
Or, le projet nécessitait d’importants travaux
normatifs.
La chronologie de la publication des différents
textes rendus nécessaires par la réforme
montre bien que cette question des normes
a
affecté
directement
le
calendrier
de
développement du projet. Ainsi, s’agissant du
RNE, le décret constitutif est daté du 19 juillet
2022 pour une mise en service prévue au
1
er
  janvier 2023, soit un délai de cinq mois,
alors que la livraison d’une première version
de l’outil devait nécessairement intervenir
en amont pour effectuer des tests. Une autre
illustration est donnée par l’arrêté relatif aux
formats techniques applicables pour le dépôt
des dossiers de formalités des entreprises
auprès de l’organisme unique, qui n’a été pris
qu’en décembre 2022.
30
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Alors que l’Inpi travaillait au développement
du portail sur la base des indications données
par la mission interministérielle sans attendre
la
publication
des
textes
législatifs
et
réglementaires, il était fréquent que lesdits
textes comportent des dispositions différentes
de celles transmises initialement à l’Inpi. Ceci
obligeait ce dernier à réaliser des corrections
sur l’outil en développement. Ainsi, certaines
des dispositions du décret sur le RNE ont
modifié des spécifications du guichet unique,
notamment en ce qui concerne le circuit de
validation. Alors qu’initialement, il avait été
spécifié que les valideurs interviendraient
en parallèle, le décret a modifié ce circuit en
rétablissant
des
interventions
successives
des trois valideurs, ce qui a obligé à corriger
des fonctionnalités déjà en service pour les
créations d’entreprises.
Par
ailleurs,
en
cours
de
projet,
des
modifications du cahier des charges initial sont
intervenues, conduisant à alourdir la charge de
développement dans une feuille de route déjà
très contrainte.
Un autre exemple de modification est intervenu
lorsqu’en avril 2022, le périmètre du projet,
qui portait uniquement sur les entreprises
conformément à la loi PACTE, a été étendu
aux
associations,
syndics
de
copropriété,
organisations
professionnelles,
syndicats
et autres entités qui ne constituent pas des
entreprises. L’Inpi avait alerté sur ce point la
mission interministérielle dès mars 2022. Dans
ce courrier, l’opérateur expliquait qu’ «
ajouter,
avec une échéance en fin d’année 2022, une
extension supplémentaire du périmètre ferait
courir un risque majeur pour l’ensemble du
projet. Avec l’intégration des non-entreprises
d’ici la fin de l’année, l’Inpi par rapport au
projet initial déjà très ambitieux, ne serait plus
en mesure de garantir ses engagements du
1
er
janvier 2023 pour le guichet unique et le
registre national des entreprises. L’extension
aux non-entreprises serait de nature à remettre
en cause les conditions de succès du dispositif
prévu par la loi PACTE pour les entreprises.
».
Avec un calendrier du projet qui était, dès 2020,
extrêmement tendu, l’ensemble des travaux
normatifs qu’il nécessitait ont été conduits en
parallèle du développement des deux outils,
et non pas en amont comme cela aurait été
préférable. Ce faisant, ils ont contribué à
accroitre la tension sur les délais.
3 - Une échéance maintenue alors
que la réforme était en grande difficulté
Compte
tenu
des
développements
qui
précèdent, il était quasi certain que plus
l’échéance se rapprocherait, plus les tensions
allaient s’accumuler sur le projet, amenant
à des arbitrages difficiles dès fin 2022. Or,
tous ces arbitrages ont systématiquement
privilégié le respect des délais au détriment de
la prise en compte de l’état réel d’avancement
du projet et de ses dysfonctionnements.
Une procédure de secours préférée
à un report de l’échéance
À l’automne 2002, lorsqu’il est apparu à tout
le monde qu’il ne serait pas possible d’ouvrir
l’ensemble des fonctionnalités au 1
er
janvier
2023 dans des conditions satisfaisantes, il
aurait été possible, plutôt que d’activer une
procédure de secours qui a montré ses limites,
de reporter d’une année la date d’entrée en
vigueur de la réforme, soit dans sa totalité,
soit partiellement en ne reportant que les
formalités de modification et de cessation.
Un tel report, qui se serait accompagné d’une
fermeture échelonnée des différents CFE pour
permettre la montée en charge progressive du
guichet unique aurait permis d’éviter la crise
COUR DES COMPTES
31
du début de l’année 2023 et la fragilisation de
l’acceptation de la réforme par les utilisateurs.
Certains partenaires avaient d’ailleurs proposé
ce report. Le directeur général de l’Insee, dans
deux notes au ministre de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et
numérique de juin et juillet 2022, préconisait
ainsi que l’on prenne «
le temps nécessaire pour
que le projet « Guichet unique » puisse atterrir
correctement
» en ne maintenant l’échéance
du 31 décembre 2022 que pour les seules
créations de personnes physiques. Il rappelait
les écueils qui dans le passé avaient conduit
«
à l’échec de certains projets informatiques
ambitieux (notamment l’Interlocuteur social
unique), à savoir l’intangibilité du délai et la
confirmation d’un objectif irréaliste
».
Le cabinet du ministre, qui avait alors repris la
direction du comité de pilotage, s’y est toujours
opposé.
La nécessité de prolonger la procédure
de secours faute d’une sécurisation
suffisante des formalités
La procédure de secours qui avait été activée
fin 2022 devait se terminer au 30 juin 2023.
À plusieurs reprises, tant le ministre de
l’économie, des finances, et de la souveraineté
industrielle et numérique, que la ministre
déléguée, chargée des petites et moyennes
entreprises, du commerce, de l’artisanat et du
tourisme, ont confirmé, au cours du printemps
2023, que le guichet unique serait totalement
opérationnel fin juin.
À compter d’avril 2023, la DGE a pris la main
pour la réalisation de campagnes de tests de
grande envergure, formalisées et partagées
entre les acteurs. La DGE réalise les tests
sur la formalité initiale et s’assure ensuite
que les tests sont poursuivis par les autres
acteurs dans une logique « de bout en bout ».
Cette phase de recettage, indispensable pour
permettre
l’ouverture
des
fonctionnalités
dans de bonnes conditions, est intervenue
cependant beaucoup trop tardivement, tous
les partenaires ayant demandé, dès l’été
2022, qu’il soit procédé ainsi pour sécuriser
l’ouverture du portail.
Ces
campagnes
ont
permis
de
préparer
l’ouverture
en
2023
des
cessations
(en
mars), puis des modifications de personnes
physiques (en mai) et enfin des modifications
de personnes morales (en juin), mais elles sont
loin d’avoir pleinement sécurisé les formalités.
Le bilan dressé par la DGE montre que les
décisions prises en comité de pilotage par
le cabinet du ministre de l’économie et des
finances d’ouvrir les fonctionnalités l’ont été
alors que la proportion de tests dits « bloqués »
étaient encore importants. Ces tests non
concluants
ont
été
systématiquement
retestés. Néanmoins, le jour de l’ouverture aux
personnes morales des modifications, il restait
encore 26 cas à retester sur les 108 tests non
concluants, la volonté de tenir le calendrier
annoncé d’une ouverture totale du guichet
fin juin ayant sans aucun doute pesé sur les
décisions du comité de pilotage.
Cependant, par arrêté du 27 juin 2023, la
procédure de secours a dû être prolongée
jusqu’au 31 décembre 2023 compte tenu
des risques de dysfonctionnements sur les
procédures de modification et de cessation.
L’absence
de
révision
du
délai
fixé
par
la
loi
PACTE
est
l’une
des
causes
des
dysfonctionnements et des retards observés
dans la mise en œuvre du guichet unique et du
registre national des entreprises, la contrainte
calendaire
ainsi
imposée
ayant
joué
au
détriment d’un nécessaire pilotage en mode
projet de cette réforme.
32
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
B - Une gouvernance et un pilotage
inadaptés
La réunion interministérielle de janvier 2020
avait validé un pilotage organisé de la façon
suivante :
un
pilotage
stratégique
effectué
par
la
mission
interministérielle
créée
spécialement à cet effet et qui devait
assurer la maîtrise d’ouvrage stratégique
du projet ; cette mission est composée de
trois agents ;
un
pilotage
opérationnel
par
l’Inpi,
responsable de la maîtrise d’œuvre.
Or, cette architecture globale s’est révélée
totalement inadaptée à un projet d’une telle
nature.
1 - Une gouvernance insuffisante
qui a dû être corrigée
Afin d’assurer la gouvernance du projet, une
mission interministérielle a été créée par
décret du 3 juillet 2019. Composée de trois
personnes, elle est placée sous l’autorité du
ministre de la justice et des ministres chargés
de l’économie et du budget, et rattachée au
directeur général des entreprises pour sa seule
gestion administrative et financière.
Ses attributions sont assez générales. Elle
est notamment chargée d’exercer la maîtrise
d’ouvrage stratégique du projet, en particulier
d’en préciser son contenu, ses objectifs détaillés,
son calendrier et les moyens nécessaires à sa mise
en œuvre, et de veiller à son bon déroulement.
Dans l’énumération de ses missions, il n’est
nulle part indiqué qu’elle doit assurer la maîtrise
d’ouvrage opérationnelle du projet.
Une comitologie était prévue avec un comité
de pilotage présidé par le chef de la mission
interministérielle,
se
réunissant
au
moins
quatre fois par an. Par ailleurs, il avait été
décidé de mettre en place un comité technique
chez l’opérateur.
La
composition
du
comité
de
pilotage
prévue par le décret du 3 juillet 2019 précité,
comporte des représentants des différentes
administrations concernées par le projet, ainsi
que l’Insee. Ce comité est chargé de valider
les orientations et le calendrier de la mise en
œuvre du projet. La direction générale des
entreprises fait partie du comité de pilotage
mais elle est placée sur un même plan que les
autres membres.
Des comités de suivi ont été mis en place,
réunissant les mêmes membres que le comité
de
pilotage
auxquels
ont
été
ajoutés
les
représentants des trois réseaux consulaires (CCI
France, CMA France et CA France). Ces comités
n’ont jamais eu un rôle de pilotage partenarial
du projet permettant les échanges techniques
sur son architecture et sur son développement
(outils de tests partagés, outils de traitement
des anomalies partagés, etc.). Ils étaient plutôt
destinés à transmettre aux partenaires une
information sur l’état d’avancement du chantier
normatif accompagnant le projet.
Compte tenu des difficultés rencontrées par
le projet, cette gouvernance stratégique a été
modifiée à deux reprises. Tout d’abord, à partir de
l’été 2022, le cabinet du ministre de l’économie,
dont ce n’est pas le rôle, a repris la main sur les
comités de pilotage avec des effets positifs qui
ont été perçus par l’ensemble des acteurs. Les
réunions hebdomadaires ont permis de mettre
en place un début de coordination multipartite
qui a incontestablement facilité l’échange des
informations et des bonnes pratiques, même
si le projet a alors basculé dans un mode de
gestion de crise.
Par ailleurs, par arrêté du 14 décembre 2022,
il a été créé un collège stratégique chargé du
pilotage du suivi du traitement des formalités
des
entreprises
dont
la
composition
est
identique à celle du comité de pilotage.
Ses missions (article A. 123-7 du code de
commerce) sont un peu différentes de celles du
COUR DES COMPTES
33
comité de pilotage, étant plus opérationnelles
(décisions
sur
des
évolutions
techniques
et sur les délais de leur réalisation, partage
d’informations entre acteurs, mise en place de
groupes de travail techniques, etc.).
2 - Une absence initiale de maîtrise
d’ouvrage opérationnelle mise en place
trop tardivement
Chargé de la maîtrise d’œuvre du projet, l’Inpi
a constitué une cellule réunissant quatre chefs
de projet sous la coordination d’un directeur de
projet. Cette cellule est montée en puissance
avec des moyens supplémentaires qui ont été
accordés à l’Inpi, même si ces autorisations
d’emploi sont intervenues en nombre limité
et tardivement. Alors que l’Inpi avait proposé
aux partenaires impliqués dans la réforme de
désigner une personne pour venir travailler au
sein de la cellule projet, ce n’est finalement pas la
solution qui a été retenue. La cellule projet a donc
travaillé en bilatéral avec chacun des partenaires.
Dans ces conditions, l’Inpi ne pouvait assurer la
maîtrise d’ouvrage opérationnelle.
Les textes ne prévoyaient pas la mise en place d’un
comité réunissant les organismes partenaires des
formalités (Insee, organismes sociaux et fiscaux),
les acteurs de l’assistance (réseaux consulaires) et
les utilisateurs (notamment les représentants des
entreprises et des mandataires). Or, la réforme,
parce qu’elle remettait assez profondément en
cause les organisations de travail et les systèmes
d’informations
des
différents
partenaires,
exigeait de leur part une véritable conduite du
changement et un accompagnement de leurs
équipes. Ne pas les associer en amont ne les a
pas incités à se mettre en ordre de marche et à
anticiper les nécessaires transformations de leurs
propres organisations, d’autant que l’accès au
guichet unique a été réalisé concomitamment
au maintien temporaire des autres modalités
d’accomplissement
des
formalités
(voies
existantes et voies de secours).
L’absence de maîtrise d’ouvrage opérationnelle,
dotée d’un directeur de projet chargé d’animer
des groupes de travail réunissant les différents
partenaires
et
utilisateurs
pour
définir
précisément les besoins et les fonctionnalités,
d’assurer le pilotage de l’Inpi et de procéder aux
inévitables arbitrages techniques est une des
causes essentielles des difficultés rencontrées.
Il faut attendre juin 2023 et les conclusions
d’un second rapport
15
rendu par le CGE, très
critique sur cette question de la gouvernance
et du pilotage, pour qu’il soit décidé de mettre
en place une telle instance de coordination
opérationnelle.
La
nouvelle
gouvernance
du projet s’appuie désormais sur un collège
stratégique,
un
comité
de
pilotage,
des
groupes de travail et un comité des utilisateurs
à vocation opérationnelle. Comme le souligne
ce rapport, «
il apparaît (…) déterminant que
la MISMFE exerce son rôle de synchronisation
des acteurs notamment en consolidant la
consistance des tests et leur exécution, action
qui ne devrait pas relever du cabinet du ministre.
Il lui appartient tout autant de s’assurer que les
conséquences du changement sont anticipées
et prises en charge par les acteurs du système,
sans pour autant entrer dans l’opérationnel
relevant de leur responsabilité.
».
Les insuffisances majeures constatées dans
l’organisation de la gouvernance et du pilotage
de la réforme constituent, avec l’absence de
report du délai initial malgré les évolutions
substantielles du projet, les deux principales
causes des dysfonctionnements et des retards
observés dans la mise en œuvre de la réforme
créant le guichet unique électronique des
formalités des entreprises.
15. En juin 2023, à nouveau saisi par le ministre, le CGE a rendu un rapport portant sur l’amélioration du fonctionnement
du guichet unique des formalités et du registre national des entreprises (GURN).
34
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
III - PERSPECTIVES
À l’été 2023, la situation globale du guichet
unique tendait à s’améliorer : la gouvernance
et le pilotage du projet étaient en cours
de mise en place et la prolongation de la
période de secours laissait quelques mois de
délai. Cependant, il restait encore beaucoup
de dysfonctionnements à traiter alors que
le volume des formalités effectuées par le
guichet unique était encore insuffisant pour
permettre de les détecter puis de les corriger.
Par ailleurs, même en admettant que les
problèmes concernant les formalités soient
résolus d’ici le 31 décembre 2023, le rapport du
CGE de juin 2023 observait que d’autres questions
ne pourront pas être réglées à cette date.
Il en est ainsi de la situation des « non-
entreprises 
»,
entités
sans
activité
économique
16
, qui ne pourront pas être prises
en charge par le guichet unique au 1
er
janvier
2024. Auparavant, les CFE permettaient de
traiter les démarches d’autres acteurs que les
entreprises (comme les associations). Or, le
développement du guichet unique s’est centré
sur les travaux concernant les entreprises.
Il a donc été demandé aux organismes
concernés (DGFiP, URSSAF, Insee, CCMSA
17
)
d’établir un circuit de traitement papier et
manuel des démarches dans l’attente d’une
extension du guichet unique aux « non-
entreprises », au 1
er 
janvier 2024. À l’analyse,
le CGE estime que le guichet unique et le
guichet pour les « non-entreprises » sont de
natures différentes, en particulier parce qu’il
n’est pas prévu d’équivalent du RNE pour les
« non-entreprises ». Pour des raisons de nature
de projet et de sécurité, le CGE recommande
donc de séparer les systèmes, même si
des factorisations techniques peuvent être
présentées à l’arbitrage par l’Inpi.
C’est
également
le
cas
pour
l’interface
de
programmation
d’application
ou
API
« formalités » qui doit permettre aux acteurs
de disposer, selon leur périmètre et niveau
d’habilitation,
des
données
issues
des
formalités validées et enregistrées au RNE,
en se substituant à partir du 1
er
janvier 2024
aux flux existants entre le guichet unique et
les différents partenaires. Sur ce sujet, dans
une note du 6 juin 2023 au cabinet du ministre
de l’économie, le directeur général de l’Insee
après avoir rappelé que «
L’objectif du guichet
unique n’est pas seulement de permettre
au déclarant de faire une formalité sur un
portail mais bien plutôt que l’information ainsi
collectée irrigue correctement l’ensemble des
systèmes d’information des administrations
  »,
constatait que ce n’était pas encore le cas
et qu’aucun répertoire n’était plus capable
de faire référence en raison des problèmes
rencontrés sur l’API « formalités » qui affectent
également le système des avis de mise à jour
du répertoire Sirene.
On pourrait également ajouter la question
fondamentale de la fiabilité des données du RNE
qui est encore mise en doute en ce qui concerne
leur complétude et leur cohérence avec d’autres
registres ou répertoires. À cet égard, dans un
courrier adressé, le 16 mars 2023 au ministre de
l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle
et
numérique,
l’ensemble
des
présidents des chambres des métiers et de
l’artisanat constataient « 
l’absence d’un registre
national des entreprises fiable et consistant,
16. Par exemple syndics de copropriété, associations.
17. Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
COUR DES COMPTES
35
du fait notamment d’une reprise des données
déficiente, d’informations erronées, de l’absence
de la mention d’appartenance au secteur des
métiers et de la qualité artisanale – « artisan »,
« artisan d’art », « maitre artisan » et « maitre
artisan en métiers d’art
» […].
Nous sommes
ainsi confrontés à l’impossibilité de fournir des
extraits d’inscription issus du registre national
des entreprises
».
Or, comme le rappelle le rapport du CGE
précité, «
Le registre national des entreprises
est un actif stratégique, dans la mesure où il
détient des données clés, dont la complétude et
l’intégrité sont nécessaires au fonctionnement
intrinsèque des entreprises, à leur rapport fiscal
avec l’État, avec les organismes sociaux.
».
La direction générale des entreprises (DGE) a
engagé une réflexion à l’été 2023 pour élaborer
un plan d’actions à conduire avant l’arrêt de
la procédure de secours et la généralisation
du guichet unique le 1
er
janvier 2024. Dans
sa réponse aux observations provisoires de la
Cour, la DGE mentionne quatre risques qu’elle
a identifiés liés à cette échéance :
l’absence
d’une
fonctionnalité
sur
le
guichet unique ;
des dysfonctionnements techniques du
guichet non testés en amont ;
un défaut de coordination entre les acteurs
induisant un mauvais fonctionnement du
guichet dans son écosystème ;
une qualité insuffisante des données du
registre.
Pour
se
prémunir
contre
ces
risques,
quatre séries d’actions ont été décidées par
l’ensemble des acteurs : la priorisation des
développements techniques, l’augmentation
volontariste du volume des formalités réalisées
via
le guichet unique
18
, le déploiement de la
nouvelle gouvernance et la création d’une
procédure de mise à jour du RNE pour en
fiabiliser
les
données.
La
DGE
annonce
également qu’un audit du guichet unique sera
réalisé par la DINUM début 2024.
La première action, qui se traduit par le report
en 2024 des développements relatifs aux « non-
entreprises » et à l’API « formalités », rejoint
les constats faits par le CGE dans son dernier
rapport (cf.
supra
). Cette décision permet aux
acteurs de se centrer sur les développements
indispensables au fonctionnement autonome
du guichet unique au 1
er
janvier 2024. Mais,
elle
intervient
seulement
quelques
mois
avant le terme de la procédure de secours,
ce qui laisse un délai court pour résoudre les
nombreuses difficultés encore identifiées sur
les développements critiques. Le déploiement
de la nouvelle gouvernance qui doit être finalisé
d’ici la fin de l’année avec le recrutement
d’un directeur de projet et d’un responsable
technique apparaît également bien tardif, et
sans effet majeur d’ici la fin de l’année 2023.
Quant à la procédure de mise à jour du RNE
pour fiabiliser ses données, disponible à
l’automne, son utilisation par les déclarants
dépend de leur implication.
Ainsi donc, sur les quatre actions envisagées,
trois d’entre elles sont sans incidence ou avec
une incidence très faible sur l’échéance du
1
er
janvier 2024 et les risques associés. Seule
une augmentation rapide et significative du
volume des formalités réalisées
via
le guichet
18. La DGE a indiqué à la Cour que «
dans le cadre d’un protocole avec l’Inpi, les mandataires sont maintenant encouragés
à déposer leurs formalités sur le guichet unique, en garantie d’un traitement rapide (en 72 h) de leurs éventuelles difficultés
et de la possibilité d’utiliser la solution de continuité
[le portail Infogreffe]
en cas de blocage non résolu à cette échéance 
».
36
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
unique
pourrait
permettre
de
tester
les
nouvelles formalités auprès d’un grand nombre
d’entreprises, afin de s’assurer de leur bon
fonctionnement dans toutes les situations.
Cette montée en charge des formalités
via
le
guichet unique n’est toutefois en aucun cas
garantie
19
.
En conséquence, les actions de sécurisation
mises en œuvre ne semblent pas de nature à
garantir le bon fonctionnement de l’ensemble
des formalités sur le guichet unique à l’horizon
du 1
er
janvier 2024. L’arrêt à cette date de la
solution de continuité et l’obligation d’utiliser
le seul guichet unique pour effectuer les
formalités pourraient donc se traduire par une
nouvelle phase de dysfonctionnements et de
difficultés pour les entreprises au début de
l’année 2024.
S’agissant du registre national des entreprises,
la présence de données erronées à la suite des
dysfonctionnements des formalités pourrait
persister au-delà du 31 décembre 2023. Il est en
effet possible que les entreprises ne détectent
les erreurs qu’en 2024 voire après, au moment
où elles voudront accomplir une nouvelle
formalité, ou lorsqu’elles seront confrontées à
des demandes des administrations fiscales ou
sociales infondées.
Les évolutions du guichet unique et du registre
national des entreprises sont donc entourées
d’importantes incertitudes à l’horizon des
prochains mois, voire des prochaines années.
La Cour demeurera attentive à la poursuite de
ce projet et à l’amélioration du fonctionnement
de ces deux outils indispensables à la vie des
entreprises.
19. Elle suppose que les mandataires acceptent de réaliser les formalités par le guichet unique, en renonçant à la solution
de continuité, le portail Infogreffe qu’ils ont l’habitude d’utiliser.
COUR DES COMPTES
37
LISTE DES ABRÉVIATIONS
ACOSS
Agence centrale des organismes de sécurité sociale
API
Application
programming
interface
ou interface de programmation
d’application
CCI
Chambres de commerce et d’industrie
CGE
Conseil général de l’économie
CFE
Centres de formalités des entreprises
CMA France
Établissement public national fédérateur du réseau des chambres
de métiers et de l’artisanat
CPME
Confédération des petites et moyennes entreprises
DACS
Direction des affaires civiles et du sceau
DGE
Direction générale des entreprises
DGFiP
Direction générale des finances publiques
DINUM
Direction interministérielle du numérique
ETP
Équivalent temps plein
FTAP
Fonds pour la transformation de l’action publique
GUFE
Guichet unique de formalités des entreprises
Inpi
Institut national de la propriété industrielle
Insee
Institut national de la statistique et des études économiques
MEDEF
Mouvement des entreprises de France
Md€
Milliard d’euros
M€
Million d’euros
MISMFE
Mission
interministérielle
Simplification
et
modernisation
des formalités des entreprises
OSS
Outil synthétique de suivi
PACTE
Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises
RAA
Registre des actifs agricoles
RCS
Registres du commerce et des sociétés
RNCS
Registre national du commerce et des sociétés
RNE
Registre national des entreprises
RNM
Répertoire national des métiers
U2P
Union des entreprises de proximité
URSSAF
Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale
et d’allocations familiales
38
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
Sommaire
39
Réponse du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
Destinataire n’ayant pas d’observation
Garde des Sceaux, ministre de la justice
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES CONCERNÉS
COUR DES COMPTES
39
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
La mise en oeuvre du guichet unique des formalités d’entreprise et du registre national des
entreprises est un projet majeur porté par le Gouvernement. En 2019, dans le cadre de la loi PACTE,
le législateur a souhaité redéfinir en profondeur le fonctionnement technique et l’organisation du
système des formalités d’entreprises en vigueur depuis les années 1980. L’ambition est d’unifier
et de numériser le dépôt par les entreprises des formalités, au travers d’une nouvelle plateforme
d’échange avec les organismes compétents. Ce chantier est également une transformation
managériale des administrations parties prenantes de cette réforme.
Aussi, dès l’adoption de la loi, le Gouvernement a mis en place une mission interministérielle chargée
de concevoir le projet sur la base du cadre général fixé par ses articles 1 et 2 et d’en piloter le
déploiement avec l’ensemble des acteurs membres de son comité de pilotage. Le Gouvernement a
ainsi validé, dès février 2020, le choix structurant proposé par la mission consistant à relier les deux
projets, le guichet unique et le registre national, le calendrier et les modalités de développement
techniques sous la responsabilité de l’INPI, désigné par décret comme opérateur des projets.
Dès la mi-2022, j’ai souhaité que mon cabinet s’implique directement dans la gouvernance du
projet, en prenant la tête du comité de pilotage jusqu’alors dirigé par la mission interministérielle.
Cette organisation m’a paru nécessaire afin d’assurer que chacun des partenaires du projet anticipe
les évolutions nécessaires de ses systèmes d’information, dans la perspective de l’ouverture du
guichet unique, d’autant que le cadre juridique ne prévoit pas d’obligation portant spécifiquement
sur leur mise en oeuvre par ces acteurs.
À cet égard, le législateur a défini, en 2019, une date d’échéance pour l’entrée en vigueur du guichet
unique. Le Gouvernement a souhaité maintenir ce calendrier, connu d’emblée de l’ensemble des
acteurs et qui s’imposait à eux. L’expérience de projets antérieurs de même nature montre en effet
que le report de dates structurantes peut porter un coup fatal à l’ambition initiale.
Comme tout projet de cette envergure, il a connu des retards, de nature technique et
organisationnelle. Afin de pallier les retards de développement qui avaient été anticipés fin 2022,
et comme le permettait le cadre juridique, une solution de secours avait été élaborée, qui s’est
avérée défaillante à l’usage, dès mi-janvier 2023. Conscient des conséquences indésirables que
cette situation créait pour les entreprises empêchées de réaliser leurs démarches obligatoires, le
Gouvernement a rapidement pris la décision de compléter cette solution en rouvrant Infogreffe dès
mi-février 2023, en complément de la voie papier et du guichet entreprises. Ce choix pragmatique
a permis de sécuriser la procédure de continuité, en ouvrant une option parallèle au guichet unique
pour les entreprises en société et les commerçants individuels.
Tout au long de l’année 2023, le guichet unique a ainsi pu poursuivre sa montée en puissance
progressive. Alors que début 2022, seules les formalités de création étaient proposées, l’ensemble
des types de formalités (création, modification, cessation) et de dépôts (comptes, actes) étaient
disponibles dès l’été 2023. Des développements nouveaux, ainsi que des corrections techniques
et des améliorations d’ergonomie ont été apportés au système. À fin 2023, plus de 2 millions de
déclarations ont été déposées sur le guichet unique, avec un rythme quotidien de 12 000 dépôts,
dont 100 % des formalités de création et près de 80 % des formalités de cessation.
40
LE GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE DES FORMALITÉS DES ENTREPRISES : UN PROJET À SÉCURISER
L’ambition du Gouvernement, pour 2024, est de conduire le guichet unique vers sa pleine
effectivité pour les déclarants dans une logique d’amélioration continue, objectif qui a été
assigné à l’opérateur, tout en sécurisant au maximum les entreprises dans leurs démarches. Les
formalités les plus récemment ouvertes sur ce site, notamment les modifications d’entreprises,
qui ne représentent actuellement que 20 % du flux total de ces formalités, pourront donner lieu
à une attention particulière. Une nouvelle procédure de secours sera mise en place dès fin 2023
pour garantir à tous une solution en cas de dysfonctionnement éventuel. Un deuxième guichet
sera également ouvert, pour recevoir spécifiquement les déclarations d’entités qui ne sont pas des
entreprises.
D’autres améliorations seront apportées au guichet unique, qui concernent les partenaires du
projet, comme la possibilité de procéder directement sur le guichet aux inscriptions d’office dont
ils ont la responsabilité, ainsi que la possibilité d’accéder à l’ensemble des données issues des
formalités par échange de données avec la base du registre.
Cette nouvelle phase s’inscrit logiquement dans le contexte d’une gouvernance rénovée des projets.
Progressivement installée depuis mi-2023, après l’ouverture du guichet, cette organisation a pour
ambition de permettre à chaque acteur (administrations compétentes, organismes en charge de
la validation des données, organismes destinataires des formalités, représentants des entreprises
utilisatrices ou des mandataires professionnels) de prendre part à l’amélioration continue et à
l’enrichissement de ces nouveaux outils. L’État fixera, quant à lui, les orientations à l’opérateur
dans le cadre du collège stratégique nouvellement créé, le suivi de leur mise en oeuvre technique
et opérationnelle étant confié au comité de pilotage.
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
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Décembre 2023