ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA GESTION
QUANTITATIVE
DE L’EAU EN PÉRIODE
DE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
Exercices 2016-2022
Rapport public thématique
Synthèse
Juillet 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Le changement climatique affecte les ressources
en eau du pays
7
2
L’eau est moins abondante et sa qualité plus difficile
à préserver
9
3
La moindre disponibilité de cette ressource essentielle
exacerbe les conflits d’usages .
11
4
Les connaissances insuffisantes sur la ressource
et les prélèvements effectués entravent la recherche
de consensus
13
5
Le pilotage de la politique de l’eau doit être renforcé
au plus près des territoires
15
6
Le financement public de la politique de l’eau
est mal connu et la redevance sur les prélèvements
ne joue pas son rôle de levier en faveur de la sobriété
17
7
La protection de la ressource en eau ne sera assurée
que par une stratégie de long terme de réduction
des prélèvements
19
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
L’eau est un bien commun qui fait l’objet d’une protection particulière .
L’article L . 210-1 du code de l’environnement dispose que : «
L’eau fait partie
du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le
développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels,
sont d’intérêt général
» . La directive cadre sur l’eau de l’Union européenne du
23 octobre 2000 précise dans son premier considérant que «
l’eau n’est pas un
bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu’il faut protéger défendre
et traiter comme tel
» . Sa préservation participe de l’objectif de développement
durable n° 6 de l’agenda des Nations Unies 2030 visant à «
garantir l’accès de tous
à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable
» .
Pour assurer la protection de ce patrimoine, la politique publique de l’eau doit
préserver le bon fonctionnement du grand cycle de l’eau, en lui permettant
d’assurer le renouvellement de la ressource et de garantir que les besoins des
milieux naturels et les besoins humains sont satisfaits . La gestion quantitative de
l’eau doit garantir que les prélèvements sur la ressource en eau sont compatibles
avec le bon état des milieux naturels, des nappes et des cours d’eau . Elle est
devenue, dans le contexte du changement climatique, une préoccupation aussi
importante que celle de sa qualité . C’est pourquoi la Cour et les chambres
régionales des comptes ont décidé de consacrer cette enquête à la gestion
quantitative de l’eau en période changement climatique . Les conclusions en sont
présentées peu de temps après la présentation d’un plan consacré à l’eau par le
Gouvernement le 30 mars 2023 .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Le changement climatique
affecte les ressources en eau
du pays
La réalité du changement climatique
affecte d’ores et déjà les ressources
en eau . Il ne s’agit pas d’un moment
difficile à traverser avant un retour à
la situation antérieure . Au contraire,
toutes
les
études
prospectives
laissent penser que la situation ira en
s’aggravant dans les décennies qui
viennent .
Le volume de précipitations (pluie
et neige) qui tombe sur le pays reste
constant aux environs de 510 milliards
de m
3
par an . Ces dernières sont
plus concentrées qu’auparavant sur
l’automne et l’hiver . L’eau se fait rare
lorsque les plantes en ont besoin pour
leur croissance, au printemps et à l’été,
et lorsque la consommation humaine
augmente en raison de la chaleur .
À
l’échelle
mondiale,
l’eau
douce
se trouve à 76 % dans les glaciers,
à 22,5 % sous la terre (nappes
phréatiques et nappes profondes et
captives), à 1,26 % dans les eaux de
surface (lacs, rivières, étangs) et à
0,04 % dans l’atmosphère (nuages,
pluies, brouillard, brume) . Sa durée
de résidence avant de repartir vers
la mer est très variable : quelques
jours dans les rivières, huit jours dans
l’atmosphère, 17 ans dans les lacs,
de quelques jours à plusieurs milliers
d’années dans les nappes souterraines
et plusieurs milliers d’années dans
les glaciers . Toutes les ressources en
eau douce ne présentent donc pas la
même disponibilité, pour les usages
humains .
En France métropolitaine, la quantité
d’eau
renouvelable
disponible
–
celle
qui
peut
être
utilisée
pour
satisfaire les besoins humains sans
compromettre la situation future –
a baissé de 14 % entre la période
1990-2001 et la période 2002-2018,
passant de 229 milliards de m
3
à
197 milliards de m
3
Cette réduction
résulte essentiellement de l’élévation
du niveau moyen des températures
de 0,6 °C au cours de la décennie
2011-2021 en comparaison de la
période 1981-2010 . L’élévation des
températures,
particulièrement
au
printemps et en été, provoque une
évapotranspiration plus importante
que par le passé et un retour rapide de
l’eau vers l’atmosphère au détriment
des cours d’eau, des sols et des nappes .
82 % des prélèvements d’eau sont
réalisés sur les eaux de surface . Or ce
sont les masses d’eau qui subissent
le plus directement les effets du
changement
climatique,
avec
des
étiages de plus en plus longs et
sévères qui contraignent les préfets
à prendre des mesures de plus en
plus fréquentes de restriction des
usages de l’eau . 78 départements
métropolitains étaient en situation
de crise le 25 août 2022, les autres en
situation d’alerte .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les eaux souterraines ne sont pas
épargnées .
Leur
recharge
se
fait
moins bien à l’automne et à l’hiver
en raison de la concentration des
précipitations sur des sols secs et
moins perméables .
Près de 11 %
des masses d’eaux souterraines font
l’objet de prélèvements excessifs .
Cette évolution concerne à des degrés
divers tous les pays européens voisins
de la France et devrait conduire
l’Union européenne à adapter ses
directives
et
règlements
à
cette
nouvelle réalité .
Le changement climatique
affecte les ressources en eau du pays
Répartition des départements selon le nombre de cours d’eau à sec
de fin mai à fin septembre 2019
Part des observations
en assec, en %
(Nombre de départements
concernés)
20 et plus (35)
De 12 à moins de 20 (26)
De 8 à moins de 12 (10)
De 3 à moins de 8 (14)
Moins de 3 (5)
Pas d’observation en assec (3)
Aucune observation (3)
Source : Eaux et milieux aquatiques – Les chiffres clés – Edition 2020
Notes : le suivi usuel correspond à toute campagne effectuée entre mai et septembre, le 25
du mois à +/- 2 jours ; assec = assèchement temporaire d’un cours d’eau, d’un tronçon de
cours d’eau ou d’un plan d’eau (source JO du 16 janvier 2015).
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La réduction des quantités d’eau
présentes dans les cours d’eau et les
nappes souterraines rend plus difficile
l’atteinte du « bon état », tel que défini
dans la directive cadre sur l’eau . En
2019, 43,1 % des masses d’eau de
surface étaient en bon état écologique
et 44,7 % en bon état chimique ; 88 %
des masses d’eau souterraine en bon
état quantitatif et 70,7 % en bon état
chimique .
Le gouvernement a fixé aux agences
de
l’eau
l’objectif
d’améliorer
de
20 % le pourcentage des masses
d’eau
en
bon
état
dans
chaque
bassin hydrographique entre 2022
et 2027 . Cet objectif « volontariste »
correspond
à
une
multiplication
par deux ou trois du rythme de
progression constaté pendant la mise
en œuvre des précédents schémas
de six ans qui rythment le travail
des agences de l’eau . Il a très peu de
chance d’être atteint .
En 2021, 83,6 % de la population
française
a
bénéficié
au
robinet
d’une eau dont la qualité respectait
en
permanence
les
limites fixées
par la réglementation . La qualité de
l’eau distribuée par les services d’eau
desservant plus de 50 000 usagers
a été constamment conforme, ce
qui ne fut pas le cas pour ceux
desservant moins de 5 000 usagers .
Dans les départements d’outre-mer,
la situation est tellement dégradée
que le gouvernement a décidé en
2016 d’un plan eau spécifique qui n’a
connu à ce jour qu’un début de mise
en œuvre .
Les
polluants
sont
d’autant
plus
concentrés que la quantité d’eau dans
laquelle ils sont déversés est faible . Le
traitement de l’eau pour sa potabilisation
est en conséquence plus complexe et
demande des quantités de produits
réactifs et d’énergie croissantes qui en
renchérissent le coût .
L’eau est moins abondante
et sa qualité plus difficile
à préserver
2
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Environ 32 milliards de m
3
d’eau sont
prélevés annuellement pour satisfaire
les différents usages . La moitié de ces
prélèvements, soit 16 milliards de
m
3
, servent au refroidissement des
réacteurs nucléaires . Viennent ensuite
presque à égalité les prélèvements
au profit de l’eau potable (5,3 Md m
3
)
et
de
l’alimentation
des
canaux
(5,4 Md m
3
), puis des usages agricoles
(3 Md m
3
) et enfin des usages
industriels (2,5 Md m
3
) .
La moindre disponibilité
de cette ressource essentielle
exacerbe les conflits d’usages
3
Évolution des prélèvements d’eau douce par usage en France métropolitaine
0
5
10
15
20
En milliards de m
3
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
Eau potable
Autres usages, principalement industriels
Alimentation des canaux (navigabilité et circulation de l’eau)
Agriculture (irrigation, abreuvement...)
Refroidissement des centrales électriques thermiques (nucléaire et à flamme)
Sources : agences de l’Eau ; OFB, Banque nationale des prélèvements quantitatifs
en eau, depuis l’année de constat, 2012, traitements : SDES, 2022
Note : pour l’irrigation, la série démarre en 2008 en raison d’un changement du
mode d’estimation des volumes prélevés.
La consommation d’eau potable reste
un usage prioritaire que personne ne
conteste, même si elle doit être réduite
autant que possible par l’amélioration
des
réseaux
de
distribution
et
une
consommation
économe
des
ménages . Les autres usages sont
plus conflictuels . L’irrigation agricole
s’est développée dans des régions où
cette pratique n’était pas habituelle et
aggrave des situations déjà tendues .
Les propositions de prélèvements
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
et
de
stockage
sont
contestées
notamment pour leurs effets sur la
recharge
des
nappes
souterraines
ainsi
que
sur
le
fonctionnement
des cours d’eau et de leurs nappes
d’accompagnement (Sivens, Sainte-
Soline ou Caussade, par exemple) .
Les prélèvements réalisés par EDF
peuvent
poser
problème
l’été
en
raison de la réduction de débit des
cours d’eau et de l’élévation de la
température de l’eau .
La moindre disponibilité de cette ressource
essentielle exacerbe les conflits d’usages
Les prélèvements d’eau par région et usage
Source : BNPE, chiffres 2021
Enfin, la disponibilité de l’eau pour
le
fonctionnement
d’installations
industrielles ou touristiques devient
une
condition
du
développement
économique que les régions doivent
prendre
en
compte
dans
leurs
schémas régionaux d’aménagement
et de développement durable du
territoire .
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les prélèvements d’eau opérés par
l’ensemble de la population restent
mal connus . La banque nationale
des prélèvements en eau comporte
des incohérences . Le dispositif de
collecte des données fait l’objet de
contestations récurrentes . Le bureau
de recherches géologiques et minières
(BRGM)
a
d’ailleurs
pris
soin
de
mentionner, dans la présentation de
l’étude prospective « Explore 2070 » sur
les effets du changement climatique,
l’insuffisance de connaissances et de
données fiables .
Dans
cette
situation,
il
est
très
difficile pour les autorités publiques
de
rassembler
toutes
les
parties
prenantes
autour
d’une
stratégie
commune
de
protection
de
la
ressource .
Les
négociations
sont
longues, leurs conclusions renvoyées
à de nouvelles études . Les mesures de
gestion des crises successives tiennent
lieu de stratégie . L’amélioration de
la qualité et de l’exhaustivité des
informations
rassemblées
par
la
banque nationale des prélèvements
est indispensable à l’amélioration de
la gestion locale de l’eau .
4
Les connaissances insuffisantes
sur la ressource et les prélèvements
effectués entravent la recherche
de consensus
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La gouvernance de la politique de l’eau
est complexe . L’État et les collectivités
territoriales
interviennent,
dans
un
mélange
de
décentralisation
historique de la gestion de l’eau et de
tentation centralisatrice autour des
préfets coordonnateurs de bassin .
Bien structurée au niveau des bassins
versants, autour des comités de bassin,
des agences de l’eau et des directions
régionales
de
l’environnement,
de
l’aménagement
et
du
logement,
l’organisation est beaucoup moins
aboutie à l’échelle des sous-bassins
hydrographiques où les orientations
sont mises en œuvre .
La
planification
stratégique,
qui
mobilise
beaucoup
de
moyens,
reste
souvent
insuffisamment
opérationnelle . Les comités de bassins
adoptent
des
schémas
directeurs
d’aménagement et de gestion des
eaux sur une période de six ans . Ils
élaborent avec les agences des eaux
des programmes assurant la mise en
œuvre de ces schémas . Ils doivent
disposer d’un plan d’adaptation au
changement climatique et veiller à
la cohérence des documents qu’ils
élaborent avec les autres documents
stratégiques des régions . Au niveau
des
sous-bassins,
des
schémas
d’aménagement et de gestion des
eaux déclinent le schéma directeur,
notamment sous la forme de contrats
entre
l’État
et
les
collectivités
locales . Tous ces documents, longs
et techniques, souvent sans objectifs
mesurables,
restent
ignorés
des
citoyens .
Les
communes
et
leurs
groupements devraient constituer des
établissements publics à l’échelle des
sous-bassins . Ils font souvent défaut .
La constitution d’une gouvernance
locale de l’eau dans chaque sous-
bassin versant est donc vivement
recommandée .
Les schémas d’aménagement et de
gestion des eaux, élaborés sur une
durée moyenne de neuf ans, ne sont
pas toujours actualisés et parfois ne
sont plus adaptés à la situation . Dès
lors, l’État donne une préférence à la
politique contractuelle au détriment de
la planification, au risque d’ajouter un
facteur de confusion supplémentaire .
La
procédure
d’élaboration
des
schémas
de
gestion
devrait
être
simplifiée pour qu’ils puissent être
adoptés et mis en œuvre rapidement,
autour de quelques objectifs clairs et
mesurables, compréhensibles par les
citoyens .
5
Le pilotage de la politique
de l’eau doit être renforcé
au plus près des territoires
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
R
épartition des schémas
d’aménagement suivant la durée
de leur élaboration
Source : juridictions financières
à
partir
des
données
de
Gest’eau 2022
La cohérence entre cette planification
de la politique de l’eau et les politiques
d’aménagement
du
territoire
ou
de développement économique et
touristique n’est pas assurée, alors
que l’accès à l’eau deviendra une
contrainte de plus en plus forte sur les
activités humaines et leur localisation .
La politique agricole commune et
certaines de ses mesures de mise
en œuvre nationale favorisent une
agriculture très consommatrice d’eau
dans des régions qui connaissent déjà
de fortes tensions sur la ressource .
Pour
assurer
la
cohérence
entre
la politique de l’eau et les autres
politiques,
la
constitution
de
commissions locales de l’eau devrait
être généralisée dans tous les sous-
bassins
hydrographiques
et
leur
saisine pour avis sur les documents
d’urbanisme et de développement
économique devrait être systématique .
L’État est très présent dans la conduite
de cette politique, mais il maîtrise
mal l’activité de ses propres services,
notamment dans le domaine de la
police de l’eau qui lui revient pourtant
entièrement
et
dont
les
moyens
devraient être renforcés .
Le pilotage de la politique de l’eau
doit être renforcé au plus près des territoires
55 %
7 %
9 %
29 %
5 ans et moins
Entre 6 et 10 ans
Entre 11 et 14 ans
15 ans et plus
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le financement public
de la politique de l’eau
est mal connu et la redevance
sur les prélèvements ne joue pas
son rôle de levier en faveur
de la sobriété
6
Le financement de la politique de l’eau
est mal connu dans son ampleur . La
charge des redevances est injustement
répartie entre les ménages et les
autres usages . Son efficacité peut être
améliorée .
Une étude sur la récupération des
coûts des services publics de l’eau
et
de
l’assainissement
(SPEA),
réalisée en 2018/2019 sur la période
2013-2016, évaluait à 15,7 Md€ le
montant de leurs dépenses .
Les
comptes
de
l’environnement,
publiés par le ministère de la transition
écologique, ont fourni pour la dernière
fois
en
2015
une
évaluation
des
dépenses consacrées à la politique
de l’eau à hauteur de 26,4 Md€ . La
quasi-totalité était dirigée vers l’eau
potable et l’assainissement . Seules les
ressources et les dépenses des agences
de l’eau sont précisément connues,
à hauteur de 2,2 Md€ de recettes
de redevances par an . Le total des
dépenses est ainsi financé pour 10 %
par les redevances des agences de l’eau
et pour le reste par la facture d’eau des
usagers, les collectivités locales et des
subventions européennes .
La redevance sur les prélèvements
d’eau
devrait
encourager
les
économies d’eau . Elle est globalement
d’un faible montant, d’une grande
complexité dans la détermination de
son assiette et indifférente à l’évolution
de la disponibilité de la ressource .
Supportée à hauteur de 75 % (hors
redevance
liée
à
la
production
hydroélectrique) par les particuliers
qui ne représentent que 16,4 % des
prélèvements, elle représente 17 %
environ des ressources des agences de
l’eau . Elle constitue une simple variable
d’ajustement budgétaire et non un outil
de fiscalité environnementale ayant
une influence sur les comportements .
Le plafonnement du produit global des
redevances a un effet contre-productif
dans la mesure où il n’incite pas à
moduler le montant des redevances
en
fonction
des
tensions
sur
la
ressource en eau et de la situation
environnementale . Sa suppression est
souhaitable afin que l’équilibre entre
les différentes redevances soit modifié
pour tenir compte de la pression
réellement exercée sur la ressource
par les principaux usages de l’eau
(alimentation en eau potable, irrigation
et industrie) et en particulier pour
que la redevance pour prélèvements
d’eau
puisse
être
augmentée
de
façon à inciter à la réduction des
prélèvements .
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le financement public de la politique de l’eau est
mal connu et la redevance sur les prélèvements ne
joue pas son rôle de levier en faveur de la sobriété
Montants des redevances pour prélèvement d’eau et volumes prélevés
selon l’usage (hors hydroélectricité)
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
80 %
Redevances
Irrigation
Alimentation
en eau potable
Alimentation
d’un canal
Refroidissement
industriel et autres
usages économiques
Prélèvements
Sources : juridictions financières d’après rapports de gestion annuels des agences
de l’eau, annexes budgétaires des PLF, direction du budget
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
7
La protection de la ressource
en eau ne sera assurée que
par une stratégie de long terme
de réduction des prélèvements
La politique de l’eau a consisté pour
l’essentiel à organiser la répartition
de l’eau entre ses différents usagers
de sorte qu’ils en disposent lorsqu’ils
en avaient besoin . Elle doit désormais
devenir une politique de protection
d’un bien commun essentiel . La prise
de
conscience
de
cette
nécessité
tarde à se traduire en mesures de
politique
publique .
Celles
retenues
par les autorités locales consistent
toujours
à
essayer
de
sécuriser
l’approvisionnement en eau par des
interconnexions, des infrastructures de
stockage et de transfert de l’eau . Ces
solutions anciennes deviennent de plus
en plus difficiles à mettre en œuvre .
Les alternatives à ces investissements
traditionnels soulèvent de nombreuses
difficultés . La réutilisation des eaux
usées traitées est coûteuse et se heurte
à des considérations sanitaires . Cette
solution peut se développer dans les
zones côtières où elle pèse moins sur le
fonctionnement des cours d’eau, mais
n’a qu’un potentiel réduit sur le reste
du territoire . La désalinisation de l’eau
de mer est très coûteuse en énergie
et produit des quantités importantes
de
saumure
dont
l’utilisation
ou
le
stockage
sont
problématiques .
Les solutions fondées sur la nature
sont
plus
prometteuses .
Mais
certaines peuvent s’avérer longues et
complexes à mettre en œuvre quand
elles supposent par exemple une
modification de la conception des
villes, de l’aménagement du territoire
et des pratiques agricoles .
Une
stratégie
déterminée
de
réduction des prélèvements d’eau et
d’utilisation raisonnée de la ressource
est seule susceptible d’apporter une
solution de long terme . La réduction
des prélèvements est la condition du
retour à l’équilibre dans les zones en
tension et de la restauration du bon
état des masses d’eau .
Tous les outils disponibles doivent être
utilisés dans ce sens . La tarification
progressive doit être mise en place
partout où cela est possible pour
inciter les gros consommateurs à
modifier leurs comportements . Le
financement public d’infrastructures
d’irrigation de terres agricoles devrait
être conditionné à des engagements
de
pratiques
agricoles
plus
respectueuses
de
l’environnement
et à la réduction des quantités d’eau
utilisée pour irriguer . La planification
stratégique de la gestion de l’eau et les
plans territoriaux de gestion de l’eau
devraient comporter des objectifs de
réduction des prélèvements .
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
Améliorer la connaissance de l’état
de la ressource
1.
Se donner les moyens d’assurer
l’exhaustivité
et
la
fiabilité
des
informations transmises à la banque
nationale des prélèvements en eau
(ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires,
ministère de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire, ministère
de
l’intérieur
et
des
outre-mer,
agences de l’eau)
Piloter la politique de l’eau au plus
près des territoires
2.
Simplifier
la
procédure
d’élaboration
des
schémas
d’aménagement
et
de
gestion
des eaux pour en permettre la
généralisation à terme
(MTECT ;
recommandation modifiée ; 2024)
3.
Promouvoir, dans l’ensemble des
territoires, la constitution d’établisse-
ments publics d’aménagement et de
gestion de l’eau et d’établissements
publics territoriaux de bassin favorisant
une gestion intégrée de l’eau à l’échelle
d’un
sous-bassin
ou
d’un
groupe
cohérent
de
sous-bassins versants
(MTECT, MIOM ; recommandation
réitérée)
4.
Généraliser
les
commissions
locales de l’eau sur les territoires, les
adosser aux établissements publics
d’aménagement et de gestion de
l’eau
ou
établissements
publics
territoriaux de bassin et renforcer
à la fois leurs attributions et leur
indépendance
(MTECT,
MIOM
;
recommandation réitérée ; 2025)
Assurer la cohérence des politiques
publiques
5.
Proposer au Parlement de rendre
obligatoire l’avis des commissions
locales de l’eau sur les schémas
régionaux
d’aménagement,
de
développement durable et d’égalité
des
territoires,
les
schémas
territoriaux de cohérence territoriale
et les plans locaux d’urbanisme,
le
cas
échéant
intercommunaux
(MTECT, MIOM ; 2024)
Réduire
les
prélèvements
d’eau
et réformer les redevances
6.
Renforcer sans délai le contrôle
des autorisations de prélèvements
(MTECT, MIOM, 2024)
7.
Conditionner
le
financement
public
des
infrastructures
de
sécurisation de l’irrigation agricole
à des engagements pris par les
bénéficiaires,
notamment
de
réduction des consommations et
des prélèvements
(MTECT, MIOM,
collectivités territoriales ; 2024)
8.
Développer
la
tarification
progressive
de
l’eau
lorsque
les
conditions le permettent
(MTECT,
MIOM, collectivités territoriales)
9.
Fixer des taux planchers aux
redevances
pour
prélèvement
d’eau et supprimer les exemptions
injustifiées
(MTECT,
ministère
de
l’économie,
des
finances
et
de
la
souveraineté
industrielle
et
numérique)
22
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
10.
Supprimer le plafonnement du
produit
des
redevances
perçues
par les agences de l’eau et donner
une plus grande responsabilité aux
comités de bassin dans l’équilibre
d’ensemble de la fiscalité affectée
à la politique de l’eau
(MTECT,
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique)
11.
Simplifier
et
harmoniser
la
nomenclature des tarifs applicables
à la redevance pour prélèvement
sur la ressource en eau
(MTECT ;
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, agences de l’eau)