LES COTISATIONS VOLONTAIRES OBLIGATOIRES PRÉLEVÉES
PAR LES INTERPROFESSIONS AGRICOLES
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Les cotisations volontaires obligatoires
prélevées par les interprofessions
agricoles
Le contrôle des interprofessions agricoles avait conduit la Cour à
constater un manque de rigueur dans l’application de la loi du 10 juillet
1975 qui encadre le fonctionnement de ces organismes regroupant tous
les acteurs économiques d’une filière (producteurs, transformateurs,
négociants…) autour de missions d’intérêt commun.
Trop souvent, les accords dont l’extension était demandée aux
pouvoirs publics - afin notamment de rendre obligatoire pour tous les
membres d’une filière le prélèvement de cotisations décidées par
l’organisme (d’où l’appellation paradoxale de « cotisations volontaires
obligatoires », les CVO) - demeuraient imprécis sur la nature des actions
que ces cotisations devaient financer ainsi que sur les hypothèses
conduisant
à la détermination du taux de prélèvement. Les ministères
chargés de l’agriculture et des finances étaient parfois conduits à étendre
des accords sans avoir reçu les informations nécessaires à leur juste
appréciation. La Cour recommandait donc que l’Etat applique plus
strictement
le
principe
interprofessionnel,
notamment
durant
la
procédure d’extension des accords.
Dans sa réponse, le ministre de l’agriculture et de la pêche avait
« pris bonne note des observations de la Cour concernant un contrôle
plein et entier [de l’utilisation du produit des CVO] » et avait indiqué
avoir proposé au ministère des finances, qui l’avait acceptée, « la
rédaction d’un guide commun d’instruction et de suivi des accords
interprofessionnels, qui fixera[it] notamment l’ensemble des éléments du
contrôle à opérer dans ce cadre ».
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COUR DES COMPTES
Ce guide, qui prend la forme d’une instruction interministérielle
signée le 15 mai 2007, contient plusieurs éléments qui répondent aux
observations de la Cour et améliorent les procédures de prélèvement des
CVO.
Néanmoins, certaines questions importantes liées au prélèvement
des cotisations volontaires obligatoires demeurent en attente de réponse,
notamment celle relative à l’absence de notification de ces cotisations à
la
Commission
européenne
et
celle
relative
à
la
nécessaire
harmonisation
entre
les
divers
organismes
interprofessionnels,
regroupements de droit privé, et les offices agricoles, établissements
publics, dont les compétences se recouvrent en partie.
La Cour avait relevé que certains accords avaient été étendus alors
que le flou de leur rédaction ne rendait pas possible la vérification de
leur conformité avec les dispositions du code rural.
L’instruction indique que les accords dont l’extension est demandée
doivent détailler « de manière exhaustive » les actions que
viendraient financer les CVO envisagées. Cette description, rappelle
l’instruction, « ne doit pas être une simple reprise des missions
statutaires
de
l’interprofession ».
La
direction
générale
des
politiques économique, européenne et internationale du ministère
chargé de l’agriculture ainsi que la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du
ministère chargé de l'économie, conjointement responsables de
l’extension des accords,
sont donc désormais en mesure de rejeter
les accords vagues ou imprécis.
La Cour avait relevé que les CVO venaient parfois abonder sans
nécessité les réserves financières déjà élevées des interprofessions.
L’instruction indique que l’extension d’un accord est subordonnée à
la vérification des actions effectivement financées par CVO lors de
la
précédente
campagne,
ainsi
qu’à
l’appréciation
par
l’administration de la cohérence du taux de cotisation avec la nature
des actions envisagées. Si cette procédure est appliquée avec
rigueur, elle est de nature à éviter que des CVO soient perçues sans
justification.
LES COTISATIONS VOLONTAIRES OBLIGATOIRES PRÉLEVÉES
PAR LES INTERPROFESSIONS AGRICOLES
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La Cour avait relevé que la représentativité des organisations
membres d’une interprofession, condition nécessaire pour que
l’extension d’un accord interprofessionnel ne relève pas d’un abus de
pouvoir, n’était pas suffisamment vérifiée.
L’instruction apporte une amélioration, puisqu’il est désormais
prévu de vérifier la représentativité d’une interprofession à chaque
fois qu’une de ses organisations professionnelles viendrait à
démissionner. Cependant, la question ne se limite pas aux
évolutions liées à d’éventuelles démissions ; il peut y avoir
modification de la représentativité sans que change la composition
de l’interprofession et l’instruction n’apporte pas de réponse sur ce
point.
La Cour avait relevé qu’une certaine opacité entourait les accords
étendus, dont la consultation n’était possible qu’en se rendant au
ministère de l’agriculture ou au siège de l’interprofession.
L’instruction prévoit de rendre publics, sur le site Internet du
ministère de l’agriculture, les accords professionnels étendus. Une
fois effective, cette mesure contribuera à lever l’opacité dénoncée
par la Cour.
La Cour avait relevé que les interprofessions finançaient parfois, sans
fondement
évident,
les
organisations
professionnelles
qui
les
composent.
L’administration exige désormais, en préalable à toute extension,
la liste des conventions de service passées par les interprofessions
avec des tiers pour la réalisation des actions financées par CVO.
Cela devrait permettre un premier contrôle de l’utilisation des
fonds,
afin
d’éviter
notamment
que
les
interprofessions
n’invoquent des motifs contestables pour justifier le reversement
aux organisations professionnelles qui les composent d’une partie
des cotisations perçues.
***
130
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE LA PÊCHE
Vous trouverez ci-après les précisions qu’il me paraît utile d’apporter à
la Cour à deux remarques figurant à la fin de son insertion (« L’instruction
rédigée par les ministère de l’agriculture……….. se recouvrent en partie »)
Sur l’absence de réponse concernant la notification des cotisations
volontaires à la Commission européenne.
Le ministère de l’agriculture et de pêche considère que les CVO ne
constituent pas des ressources d’Etat et ne sont pas, en conséquence,
susceptibles de notification à la Commission européenne, ainsi que cela a été
conforté, au niveau national, par la jurisprudence récente du Conseil d’Etat
dans l’affaire CIFOG (CE 21 juin 2006).
Au niveau communautaire, un arrêt de la Cour de justice des
communautés européennes (Affaire Paerle, 15 juin 2004) contribue par ailleurs
à définir les conditions dans lesquelles des cotisations perçues pour la mise en
oeuvre de mesures collectives sont des ressources privées. Cette jurisprudence
est confirmée par un arrêt du tribunal de première instance des communautés
européennes
(affaire Rivesaltes, 20 septembre 2007).
Sur la nécessaire harmonisation entre organismes interprofessionnels et
offices agricoles
La Cour avait constaté une similitude entre les rôles et les rapports
entretenus entre ces diverses structures, compte tenu de la composition très
similaire de leurs conseils d’administration (les mêmes membres y siègent), qui
seraient de nature à entraîner des conflits d’intérêt.
Dans la pratique, il est constaté qu’en matière de promotion par
exemple, les financements sont assurés essentiellement, et dans des proportions
qui peuvent représenter jusqu’à 50 % de leur budget, par les interprofessions
elles-mêmes.
En tout état de cause, lorsque les offices contribuent à une action menée
par des interprofessions, c’est toujours en complément des financements
apportés par ces dernières.
Il faut ajouter que la logique d’intervention de ces organismes est
différente : mise en oeuvre de politiques publiques pour ce qui concernent les
offices agricoles, libres décisions des organisations professionnelles dans le
cas des interprofessions.
Enfin, comme l’avait d’ailleurs remarqué la Cour dans son rapport
2006, le champ d’intervention des interprofessions est amené à s’élargir à de
nouvelles missions, en raison des évolutions engagées ou prévisibles, tant au
plan national (loi d’orientation agricole) que communautaire, alors que celui
de l’Etat, et des offices agricoles en particulier, tend à se recentrer. A ce titre,
l’évolution des établissements publics agricoles fait actuellement l’objet d’une
réflexion approfondie dans le cadre de la révision générale des politiques
publiques.
LES COTISATIONS VOLONTAIRES OBLIGATOIRES PRÉLEVÉES
PAR LES INTERPROFESSIONS AGRICOLES
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RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
La Cour des comptes souligne tout d’abord que l’instruction
interministérielle du 15 mai 2007 est de nature à répondre à certaines des
observations qu’elle avait formulées dans son rapport public annuel 2006.
Cette instruction interministérielle permet en effet d’améliorer les procédures
de prélèvement des CVO en précisant les règles à appliquer lors d’une
demande d’extension ou d’homologation d’un accord interprofessionnel.
La Cour s’interroge ensuite sur les questions de la notification des
cotisations volontaires obligatoires à la Commission européenne et de
l’articulation des rôles respectifs des organismes interprofessionnels et des
offices agricoles. Ces questions appellent les observations suivantes.
Sur la question de la notification des CVO à la Commission européenne
Comme mes prédécesseurs, je partage l’avis de la Cour des comptes
quant à la nécessité de s’assurer d’une plus grande sécurité juridique des
CVO au regard du droit communautaire. La position de la cour de justice des
communautés européennes n’étant toujours pas connue, le débat juridique sur
la nature publique ou privée des CVO reste entier. Tant que le doute perdure,
la prudence doit conduire à les notifier à la Commission européenne. Il semble
toutefois possible d’affiner l’analyse et de ne notifier que la part des CVO qui
finance les interventions des interprofessions, et non celle qui concourt au
financement de leurs dépenses de fonctionnement.
Sur l’articulation entre les interprofessions et les offices agricoles
La clarification des rôles respectifs des interprofessions et des offices
agricoles s’avère en effet nécessaire afin d’éviter que leurs compétences ne
se recouvrent. Les décisions du premier Conseil de modernisation des
politiques publiques le 12 décembre dernier, relatives d’une part à la fusion
de l’AUP et du CNASEA et d’autre part au regroupement des offices
d’intervention agricoles, devraient être l’occasion de redéfinir les lignes de
partage. De façon générale, il serait souhaitable de circonscrire le rôle des
structures publiques aux actions qui ne peuvent être menées de manière
efficace par les interprofessions. La réflexion sur la gouvernance des filières
agricoles engagée dans le cadre des Assises de l’agriculture et les
propositions que la France pourrait être année à faire en matière
d’adaptation du droit de la concurrence aux spécificités du secteur agricole
peuvent aussi être l’occasion d’un réexamen des interventions des offices et
des interprofessions.