LES AIDES DE L’ÉTAT A LA FORMATION DES REPRESENTANTS
DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES
111
Les aides de l’État à la formation des
représentants des organisations
syndicales et professionnelles
A côté d’autres concours de l’État, de nature fiscale, comme la
réduction d’impôt au titre des cotisations d’adhérents et la déduction des
cotisations aux organisations professionnelles
29
les aides à la formation
des représentants des organisations syndicales et professionnelles
expriment le soutien apporté par les collectivités publiques, en particulier
par l’État et les organismes à gestion paritaire, à l’effort de formation
mis en oeuvre par les organisations syndicales et professionnelles pour
assumer leurs responsabilités. Elles représentent une part essentielle du
financement des formations.
Ces dispositifs, qui étaient au nombre de quatre en 2002, ont été
réduits à deux conformément à l’une des recommandations de la Cour.
Outre l’aide à la formation des conseillers prud’hommes (6,7 M€ en
2006), la direction générale du travail gère le nouveau dispositif d’aide à
la formation syndicale (25,56 M€ en 2006).
La Cour a examiné ces deux dispositifs budgétaires sur la période
2003 à 2006, avec le souci d’apprécier les suites données à son précédent
contrôle.
La Cour constate que le ministère a donné une suite à plusieurs
de ses recommandations : rapprochement de deux dispositifs aux
finalités proches, passation de conventions pluriannuelles, réexamen
des critères de répartition des subventions, possibilité de contrôles
comparables à ceux de la formation professionnelle continue. Mais
l’amélioration reste souvent formelle et l’objectif de transparence est
loin d’être atteint.
29) Estimation : 115 M€ (2006) pour la réduction d’impôt au titre des cotisations
versées aux organisations syndicales représentatives de salariés ; estimation toujours
non disponible pour les autres cotisations (Cf. rapport public 2002, p. 170).
112
COUR DES COMPTES
La formation des conseillers prud’hommes
Cette formation est obligatoirement réalisée par des
associations
ad hoc
créées par les organisations syndicales et s’y
consacrant exclusivement. Son financement a été profondément
modifié :
−
le caractère représentatif est désormais reconnu à des
organisations syndicales non nationales, qui ont obtenu 150 sièges
dans 50 départements ;
−
l’État accorde d’importantes garanties financières aux
associations par des conventions désormais pluriannuelles, calées
sur la durée de la mandature prud’homale ;
−
l’institution d’un forfait journalier confortable (155 € en
2007) les dispense d’avoir à justifier de leurs frais de formation.
Cette réforme n’a toutefois pas eu pour contrepartie des
avancées en matière de transparence financière de la part des
associations bénéficiaires :
−
certes une normalisation des documents a été obtenue
par la direction générale du travail, mais celle-ci n’exige pas la
transmission desdits justificatifs ;
−
de même, l’autorisation accordée aux associations de
déléguer les crédits reçus de l’État à des entités locales n’est pas
assortie de l’obligation pour elles de justifier de l’utilisation locale
des fonds ;
−
la procédure d’agrément des bénéficiaires de l’aide de
l’État ne s’appuie pas sur un examen des comptes des associations,
qui ne sont presque jamais certifiés par un commissaire aux
comptes, alors que la convention quinquennale le prévoit et que
c’est la règle au-delà d’un montant que ces aides dépassent
souvent
30
.
Enfin, il y a peu de contrôles de la direction générale du
travail tant lors de l’octroi de l’agrément qu’en cours de
réalisation, par exemple sur la qualité de conseiller titulaire des
stagiaires
31
. Aucune sanction n’a été prononcée après une
30) Article L. 612-4 du code de commerce
et décret n° 2006-335 du 21 mars 2006
(153 000 €).
31) Il a été constaté d’ailleurs que la direction générale du travail ne dispose pas d’une
liste nominative des conseillers prud’hommes.
LES AIDES DE L’ÉTAT A LA FORMATION DES REPRESENTANTS
DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES
113
production de faux justificatifs pourtant non contestée par
l’organisation syndicale concernée. Au cours de la période
examinée, aucun contrôle n’a été opéré pour le compte de l’État
par une autorité de contrôle.
Les conventions prévoient une évaluation. Elle se limitera
au mieux au terme de la convention à une auto-évaluation par
l’association bénéficiaire de la subvention elle-même, procédure
qui n’est pas sans valeur mais qui devrait être complétée par des
évaluations externes. Il est rappelé à cet égard que la circulaire du
16 janvier 2007 du Premier ministre relative aux subventions de
l’État aux associations prévoit que l’évaluation des conditions de
réalisation des projets ou actions aidés doit intervenir avant le
1
er
juillet de la dernière année d’exécution des conventions
pluriannuelles d’objectifs.
L’aide à la formation syndicale
Le nouveau dispositif d’aide à la formation syndicale est
issu de la fusion de deux aides du ministère chargé des relations du
travail et de l’emploi
32
. Il n’est toutefois pas fondé sur un texte
réglementaire qui l’instituerait, et il en résulte des faiblesses sur
deux aspects déjà soulignés par la Cour :
−
l’élargissement de la population ayant droit à la nouvelle
aide à la formation ne s’appuie sur aucun texte ;
−
la direction générale du travail ne fait pas respecter la
disposition
contractuelle
qui
met
fin
à
la
pratique
des
remboursements par l’État des pertes de salaires
33
.
Des conventions triennales ont été conclues avec les
organisations syndicales et les instituts du travail
34
. La direction
générale du travail a obtenu, ici aussi, une normalisation des
documents justificatifs contractuels, mais l’enquête a fait ressortir
une difficulté certaine de celle-ci pour assurer un suivi minimum
des financements accordés :
32) Aide à la formation économique, sociale et syndicale (gérée par la direction des
relations du travail) et aide à la formation des syndicalistes participant à différentes
instances de la formation professionnelle (gérée par la délégation générale à l’emploi
et à la formation professionnelle).
33) L’article L. 451-1 du code du travail met la rémunération des stagiaires à la
charge de l’employeur.
34) En 2006, des aides ont été versées à six organisations syndicales, onze instituts du
travail et un autre organisme.
114
COUR DES COMPTES
−
le montant de la subvention forfaitaire octroyée à un
bénéficiaire
35
n’est pas révisé en fonction des réalisations annuelles
d’actions de formation, et le montant alloué au titre d’une année
n’est pas réduit du montant des excédents non utilisés ;
−
les fréquents retards de transmission des documents
prévus par la convention triennale ne sont pas sanctionnés ;
−
les contrôles de la direction générale du travail ne
portent que sur la partie de la subvention qui correspond au forfait
journalier, soit sur 56 % seulement de la subvention aux
organisations syndicales, et leur nombre trop faible (4 dossiers de
stages en moyenne par an) les rend peu significatifs ;
−
enfin, la direction générale du travail accepte une
évaluation différée des conventions triennales en cours.
Dans ces conditions, il ne peut être assuré que ces concours
ne financent que la seule formation.
***
La Cour avait critiqué en 1994
36
et en 2002 les faiblesses du
contrôle qu’exerçait le ministère chargé du travail sur l’utilisation des
subventions pour la formation des représentants des organisations
syndicales. Ces faiblesses persistent pour partie.
La Cour, qui prend acte de l’intention du ministère de faire
évoluer la situation, recommande que la démarche vers une plus grande
transparence soit poursuivie par :
- l’amélioration de la présentation des budgets et des comptes
définitifs transmis, qui devraient être complétés par les résultats des
années antérieures et l’indication des comptes de comptabilité générale
concernés ;
- la certification des comptes par un commissaire aux comptes ;
- la transmission à la demande des justifications comptables,
notamment des listes de stages dans un format normalisé comportant
l’indication de l’intitulé et du coût de chaque stage ;
35) Forfait journalier de 165 € pour le coût variable (2005), prise en charge des coûts
fixes pour 44 % de la subvention.
36)
« La formation des conseillers prud’hommes », Rapport public 1994, p. 81-97.
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DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES
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- la réalisation de contrôles fréquents et représentatifs ;
- la mise en oeuvre d’une évaluation par des tiers.
La Cour recommande à nouveau de réexaminer les critères de
répartition des subventions afin d’encourager l’effort de formation
réalisé par les organisations syndicales.
Ces évolutions seraient de nature à accroître l’efficacité du soutien
apporté par l’État à l’effort de formation des organisations syndicales et
professionnelles, dans le respect de la liberté d’organisation et de gestion
d’acteurs essentiels de la démocratie sociale.
116
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES
ET DE LA SOLIDARITÉ
La Cour, tout en prenant acte de l’évolution et de l’amélioration des
dispositifs de financement suite à ses recommandations de 2002, formulent
un certain nombre de d’observations et de préconisations à l’égard des
insuffisances qui selon elles, ils présentent ou non.
1. Les réformes engagées ces dernières années, à la suite notamment
de précédents contrôles de la Cour, ont en effet permis des améliorations
significatives dans les modalités d’attribution et de contrôle des subventions
accordées par l’Etat aux organismes syndicaux et professionnels.
S’agissant de la formation des conseillers prud’hommes, il convient
de rappeler qu’à l’issue de la précédente mandature de ces conseillers, le
ministère s’est appuyé sur les conclusions de la Cour et sur les propositions
d’un groupe de travail comprenant les partenaires sociaux, institué à la
demande du Conseil supérieur de la prud’homie, pour améliorer ce
dispositif.
Il en est résulté notamment :
- la passation de conventions pluriannuelles avec les organismes
agréés, pour une durée de cinq ans correspondant à celle du mandat des
conseillers. Les conventions passées en 2003 ont été prolongées d’une année
par voie d’avenant pour tenir compte de la prolongation du mandat décidée
par l’ordonnance du 24 juin 2004, jusqu’à la fin de l’année 2008. Cette
pluri-annualité, recommandée par la Cour, apporte aux organismes des
garanties financières et permet au ministère de mieux planifier ses
engagements financiers.
- la mise en place, en contrepartie de cet engagement pluriannuel,
d’une procédure de contrôle a posteriori, fondé sur la fourniture, par les
associations, d’un certain nombre de pièces comptables permettant de
s’assurer de la solvabilité de la structure et de la bonne utilisation des
crédits ainsi que des feuilles d’émargement des stagiaires permettant de
vérifier le service fait.
Le dispositif d’aide à la formation syndicale à lui aussi été rénové et
amélioré en particuliers sur les points suivants:
- fusion à partir de 2005 des subventions gérées par la délégation
générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et par la
direction des relations du travail (DRT) qui sont désormais intégralement
gérées par la Direction Générale du Travail, ce qui permet une plus grande
lisibilité du financement ;
LES AIDES DE L’ÉTAT A LA FORMATION DES REPRESENTANTS
DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES
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- passation de conventions pluriannuelles : la première génération de
ces conventions est intervenue en 2005-2007, la seconde est en cours de
négociation.
- mise en place d’une procédure de suivi de l’utilisation des
subventions spécifiques aux organisations syndicales et renforcement du
contrôle des sessions de formation ainsi subventionnées.
La mise en place de ces réformes a fait l’objet de nombreuses sessions
de travail avec les organisations syndicales et les Instituts du travail,
conduisant ceux-ci à modifier en profondeur leurs procédures internes. Pour
remplir les engagements souscrits dans leurs conventions et apporter les
éléments de vérification à chaque stade du processus (établissement du
budget prévisionnel, versement de l’acompte puis du solde, suites à donner
aux contrôles), les organisations syndicales et instituts ont en effet été
amenés à opérer un meilleur suivi de leurs stages, une évaluation de leurs
sessions, et la traçabilité de leurs actions de formation.
La mise en oeuvre de la réforme de ces deux dispositifs est
progressive, tous les organismes ne se situant pas au même niveau
d’avancement. Le premier bilan de son application qui devrait avoir lieu
avant la fin de l’année 2007 pour les formations syndicales et 2008 pour les
formations prud’homales permettra d’ailleurs d’en améliorer encore le
déploiement. La négociation des conventions 2008-2010 pour les formations
syndicales et pour la prochaine mandature pour conseillers prud’homaux,
permettra de progresser vers une transparence accrue des comptes des
Instituts du travail et leur certification.
2. Quant aux faiblesses relevées par la Cour dans les différents
contrôles exercés par le ministère sur la bonne utilisation des crédits
apportés, elles appellent de ma part les observations suivantes:
1) La formation des conseillers prud’hommes.
Conformément aux recommandations expérimentées par la Haute
juridiction dans son précédent rapport, le ministère, a normalisé les pièces
justificatives que doivent fournir les associations de formation. La mise en
place de ce nouveau dispositif à nécessité au départ une certaine tolérance
dans le contrôle du respect des délais de production des pièces justificatives.
Depuis 2006, ces délais doivent désormais être strictement respectés, faute
de quoi les financements ne sont pas versés.
Le ministère procède par ailleurs au contrôle exhaustif des feuilles
d’émargement transmises par les associations afin de s’assurer que seules
sont financées des sessions effectivement réalisées. Ce contrôle est
proportionné aux ressources susceptibles d’y être affectées. Il a ainsi permis
de mettre en évidence, en 2005, des incohérences dans les pièces
justificatives produites par une association, qui ont été rectifiées après une
intervention du ministre auprès de ses dirigeants.
118
COUR DES COMPTES
Le ministère effectue le même contrôle sur les aides déléguées par les
associations à des entités locales que celui qu’il effectue sur les structures
nationales
La Cour souligne l’insuffisance du dispositif d’évaluation des
formations et notamment l’absence d’évaluation externe. Il faut néanmoins
relever que le principe d’une évaluation a été introduit dans les conventions
par voie d’avenant, malgré les réserves initiales des partenaires sociaux qui
craignaient que celle-ci ne soit contraire à la liberté syndicale. L’article 8bis
stipule désormais que « l’évaluation vise à faire un état des lieux du
dispositif de formation des conseillers prud’hommes sur la durée de la
convention en mettant en relief les aspects positifs et négatifs de celui-ci afin
d’améliorer son efficacité et efficience ». Il prévoit également que
« l’association réalise l’évaluation dans les conditions qui lui semblent les
plus pertinentes pour apprécier l’adéquation des résultats aux objectifs ».
L’évaluation requise par la convention constitue donc une première étape
reposant effectivement à ce stade uniquement sur une évolution interne
effectuée par les associations elles-mêmes. La possibilité de recourir à une
évaluation externe sera examinée lors de la signature des prochaines
conventions.
2) l’aide à la formation syndicale
La Cour relève que « l’élargissement de la population ayant droit à la
formation ne s’appuie sur aucun texte ».
Les termes du conventionnement relevant du Code du Travail
réservent en effet clairement le champ du financement aux formations des
salariés appelées à exercer des responsabilités syndicales. Les formations
organisées par les organisations syndicales peuvent cependant englober
d’autres publics que les salariés du secteur privé, comme des retraités qui
représentent les organisations syndicales au sein de multiples commissions
départementales ou régionales (CRG, mission du handicap, CODEF,
COREF, CDIAE …), ou bien des agents de la fonction publique pour leur
fonction de conseiller du salarié par exemple…. Le coût des formations de ce
public est pris en charge par les organisations syndicales, qui assument par
leur financement propre une part importante de ces formations, et
notamment celles des salariés du secteur public. Il n’est donc pas imputé sur
la subvention de l’Etat.
Pour vérifier la stricte adéquation de l’utilisation des fonds publics à
leur objet, le contrôle actuel des fiches d’émargement et de la description des
actions de formation présente cependant des limites. Un contrôle plus fin
exigerait que les organisations syndicales puissent ventiler le coût respectif
des formations selon les publics.
LES AIDES DE L’ÉTAT A LA FORMATION DES REPRESENTANTS
DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET PROFESSIONNELLES
119
Quant à l’absence de respect des dispositions conventionnelles
mettant fin aux remboursements par l’Etat des pertes de salaires, elle ne
concerne qu’ un nombre limité d’Instituts du Travail, qui cherchent à
répondre ainsi à la situation des stagiaires volontaires qui ne peuvent
bénéficier d’une prise en charge des frais par leur entreprise, (notamment
dans les petites entreprises où le 0,08 pour mille ne peut couvrir ces frais).
Ces instituts ont été rappelés à leur obligation de respecter la convention et
donc de cesser cette pratique.
La Cour relève ensuite que, malgré une normalisation des documents
justificatifs contractuels, des difficultés se font jour pour « assurer un suivi
minimum des financements accordés ».
Il convient de souligner l’apport qu’a constitué la mise en place de
documents de suivi et de contrôle normalisés, établis en concertation avec les
intéressés.
La transmission des documents ainsi que l’évaluation par les
organisations syndicales et instituts s’effectuent dorénavant sans les retards
enregistrés lors des deux premières années de mise en oeuvre.
En réponse aux observations de la Cour sur les contrôles approfondis,
le ministère s’engage à un triplement des contrôles effectués par la direction
générale du travail sur la nouvelle période conventionnelle.
Enfin, il convient de replacer ces constats dans le contexte plus
large de la question de la modernisation de la démocratie sociale, de la
représentativité, de l’audience et du financement des organisations
professionnelles et syndicales. Après les travaux importants conduits sur
cette question en 2006 par Raphaël Hadas-Lebel et par le Conseil
économique et social, les partenaires sociaux se sont saisis de cette
question sur la base d’un document d’orientation adressé par le
Gouvernement en vertu de la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation
du dialogue social. La question du financement des syndicats devrait être
abordée à cette occasion et leur mode de financement évoluer vers plus
de sécurité et de transparence. Les dispositifs examinés par la Cour sont
dès lors susceptibles d’être affectés par ces évolutions.