Réponses concernant le chapitre
«
La décentralisation 40 ans après
: un élan
à retrouver
»
et le chapitre
«
Les finances
locales, un mode de financement à redéfinir
»
Réponse de la Première ministre
............................................................
169
Réponse de la présidente de Régions de France
.....................................
176
Réponse du président de l’assemblée des départements de France
........
183
Réponse du président de l’association Intercommunalités de France
.....
186
Reponse de la présidente de
l’association France Urbaine
.....................
190
Réponse du président de l’association Villes de France
.........................
195
Réponse du président de l’association petites villes de France
...............
197
R
éponse du président de l’association des maires de France
..................
199
Réponse du président de la métropole de Toulouse
................................
206
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsi
eur le président de l’association des maires ruraux de France
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RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Sur le chapitre « La décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver »
Vous avez bien voulu m'adresser le chapitre introductif du rapport
public annuel 2023, intitulé « La décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver ».
La nature des deux premiers actes de décentralisation menés en
1983-1986 et en 2003-2004, qui comportaient des transferts de
compétences très substantiels aux collectivités territoriales, se distingue
des textes adoptés depuis 2010, qui ont eu pour principal objectif d'affermir
et de rationnaliser l'organisation décentralisée de la République. À une
phase de décentralisation a succédé une phase de consolidation. Le
Gouvernement et le Parlement ont eu le souci, à chaque étape, de préserver
les libertés constitutionnellement garanties aux collectivités, en s'attachant
au « triptyque compétences-ressources-moyens ».
Avec le recul de 40 années de décentralisation, les collectivités ont
besoin de visibilité et de stabilité dans leurs compétences. L'action locale
doit être orientée vers l'approfondissement des réponses à apporter aux
besoins de nos concitoyens plutôt que vers l'adaptation chronophage à des
réformes continuelles.
Le Président de la République a souligné l'importance de la
différenciation
et
de
la
proximité
pour
construire
une
vraie
décentralisation. Elle répond en effet à quatre principes indissociables :
d'abord, transférer des compétences, ensuite, accorder des ressources
dynamiques et adaptées, puis donner des capacités de différenciation, et,
enfin, assumer les responsabilités qui vont avec.
La décentralisation doit donc s'inscrire dans un projet de territoire
et dans un dialogue dense entre l'État et les collectivités. L'agenda
territorial, que je souhaite bâtir avec les élus locaux, doit permettre de
nous donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer
et des moyens nécessaires. De même, des groupes de travail ont été
institués pour partager, avec les associations d'élus, une vision prospective
des finances locales.
C'est notamment dans ce cadre que je souhaite, avec les
collectivités, améliorer le service public de la petite enfance, atteindre le
plein emploi et répondre aux défis de la transition écologique.
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COUR DES COMPTES
170
I) S'agissant de la rationalisation inachevée
de l'organisation territoriale
Comme vous le soulignez, le succès des dispositifs mis en place pour
favoriser le rapprochement des communes doit être réaffirmé : les
dispositifs de bonification (exemption de contribution au redressement des
finances publiques, maintien des dotations...) et de souplesse successifs
(effectif du conseil municipal, régime indemnitaire...) prévus par plusieurs
lois depuis 12 ans en faveur des communes nouvelles ont permis de
fusionner de nombreuses communes et doivent être poursuivis.
Dans ce contexte, la montée en puissance de l'intercommunalité
constitue un levier incontournable afin de permettre aux communes
françaises, dans leur diversité et quelle que soit leur taille, de faire face à
l'exercice de leurs nombreuses compétences face à des enjeux toujours plus
complexes. Nous devons donc continuer à chercher la voie et les moyens
d'une coopération intercommunale efficace et durable, en préservant
l'action communale.
Cette voie passe nécessairement par le renforcement des
mécanismes permettant l'association effective et complète des maires et des
communes à la gouvernance et au fonctionnement de l'intercommunalité.
La conférence des maires et le pacte de gouvernance, institués par la loi
du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la
proximité de l'action publique, ont vocation à renforcer cette association
et à permettre aux EPCI de fonctionner sur la base de projets de territoire
construits et mis en œ
uvre de manière pleinement partagée.
De la même manière, la possibilité pour les communes membres
d'un établissement public de coopération intercommunale de transférer
des compétences ou des équipements à l'échelon intercommunal répond à
cette logique.
L'analyse de la Cour sur les rôles respectifs des régions et des
départements est partagée. Si les régions ont pu s'affirmer comme des
acteurs majeurs, en particulier par leurs compétences économiques, de
formation professionnelle et de transports, la redéfinition de leurs
périmètres en 2016 a redonné à l'échelon départemental un nouvel élan en
termes de proximité.
Enfin, s'agissant de l'action des services déconcentrés de l'État, le
contrôle
de
légalité,
l'activité
de
conseil
aux
collectivités
et
l'accompagnement financier par les dotations de l'État, notamment celles
destinées à soutenir l'investissement, relevées à plus de 4 Md€ en 2023, sont
des missions portées au quotidien par les préfectures. La Direction générale
des collectivités locales (DGCL) assure d'ailleurs un accompagnement
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
171
important des services déconcentrés en la matière, en particulier par
l'intermédiaire du pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Centre
d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et
l'aménagement (CEREMA) apportent quant à eux un appui soutenu en
ingénierie de projets, à travers le développement d'une offre d'ingénierie sur
mesure et territorialisée (Action Cœur de Ville, Petite
Ville de demain,
Avenir Montagnes).
II) S'agissant de l'imbrication des compétences
des collectivités territoriales et de leurs groupements
Le constat de la Cour d'une imbrication des compétences des
collectivités territoriales et de leurs groupements met en évidence une
réalité partagée par un grand nombre d'acteurs.
Selon la Cour, les départements abuseraient « de la capacité à
intervenir dans tout domaine présentant un intérêt local non confié par la
loi à une autre collectivité ». Le législateur est cependant intervenu dans
tous les champs majeurs des compétences décentralisées depuis 2010 afin
de déterminer un niveau de collectivité responsable à travers la
détermination de compétences exclusives, d'organiser les coopérations en
cas de compétences partagées et de limiter les interventions concurrentes
notamment en matière de cofinancement.
La Cour appelle à légiférer sur la notion d'intérêt communautaire
afin qu'elle soit déterminée selon des critères formalisés et objectifs. Or,
l'intérêt communautaire est une notion dynamique et non figée, visant à
faciliter l'exercice des compétences par les EPCI à fiscalité propre et par
là-même l'intégration intercommunale, qui permet de s'inscrire dans une
logique de différenciation territoriale. Un encadrement législatif me paraît
donc peu opportun.
Comme le souligne ta Cour, les efforts de mutualisation doivent se
poursuivre, sans créer de nouvelles structures. Le nombre de syndicats, s'il
demeure important, a connu un mouvement de réduction très significatif
depuis la mise en place des premiers schémas départementaux de
coopération intercommunale prescriptifs en 2010. Le nombre total de
syndicats de communes et de syndicats mixtes ouverts ou fermés est ainsi
passé de 15 366 en janvier 2010 à 8 628 en janvier 2022, soit une
diminution de plus de 46 %.
Enfin, concernant le constat d'un affaiblissement du contrôle de
l'État, il faut préciser que l'activité de contrôle représente une partie
importante de l'activité des préfectures. Ainsi, en 2021, 6 280 446 actes ont
été reçus (contre 5 866 736 en 2020) et 1 282 781 ont été contrôlés (contre
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COUR DES COMPTES
172
1 277 577 en 2020). Le taux de contrôle des actes prioritaires se situe, en
2021, à 83 %. S'agissant de la phase contentieuse, on observe, en 2021,
une diminution du nombre d'affaires portées devant le juge administratif,
avec 817 déférés contre 1 396 en 2020. Toutefois, le nombre de déférés
déposés a doublé entre 2015 et 2020.
La mission constitutionnelle du contrôle de légalité reste une
mission prioritaire pour les préfectures, comme l'illustre la stabilité du
taux de contrôle des actes reçus, de l'ordre de 20 % depuis 2015, et ce,
sans inflexion malgré la crise sanitaire. Un effort a, en outre, été fait pour
accélérer la télétransmission des actes (73 % en 2021 contre 53 % en
2016) grâce au système d'information @CTES.
III) S'agissant de la nécessité d'une relance progressive
et organisée de la décentralisation
Le rapport se conclut par un appel à « un réaménagement ambitieux
mais pragmatique de l'organisation territoriale qui devrait concerner
aussi bien les collectivités que l'État », écartant l'idée d'un nouveau grand
acte de décentralisation d'une part et la poursuite d'améliorations de
l'organisation décentralisée par « petits pas » d'autre part. Vous proposez
plusieurs améliorations en ce sens.
Vous recommandez de permettre au conseil communautaire de
modifier les montants des attributions de compensation des communes à la
majorité qualifiée des deux tiers du conseil communautaire. Je partage le
constat selon lequel, dans certains EPCI à fiscalité propre, le montant des
attributions de compensation versées aux communes est manifestement
déséquilibré et ne correspond plus à la réalité du partage des compétences.
Votre recommandation permettrait effectivement de traiter quelques cas
spécifiques, qui pourrait faire l'objet d'une analyse approfondie
Le versement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à
l'EPCI à fiscalité propre, qui serait chargé de la répartir entre ses
communes membres selon une méthode de droit commun, à laquelle il
pourrait déroger, est déjà possible. L'article L. 5211-28-2 du Code général
des collectivités territoriales (CGCT) permet à un EPCI à fiscalité propre
et à ses communes membres de s'entendre pour mettre en commun leur
DGF et la répartir sur la base de critères de ressources et de charges
déterminés par le conseil communautaire.
L'adoption obligatoire de conventions de partage du produit de la
taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) entre les communes et les
EPCI à fiscalité propre, notamment pour partager l'impôt acquitté par une
entreprise s'installant dans une zone d'activité économique d'intérêt
communautaire, est une proposition qui est également, en partie, satisfaite.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
173
Les communes et les EPCI à fiscalité propre peuvent déjà s'entendre pour
adopter de telles conventions de partage. En outre, les pactes financiers et
fiscaux, obligatoires dans certaines conditions, répondent à cet objectif de
partage de la ressource fiscale sur le territoire d'une intercommunalité.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Sur le chapitre « Les finances locales, 40 ans après les grandes
lois de décentralisation »
Vous avez souhaité recueillir les observations qu'appelle de ma part
l'insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes relative aux
finances locales.
Je partage la majorité des constats formulés par la Cour des
comptes dans cette insertion au rapport public annuel.
En premier lieu, la situation financière des collectivités territoriales
est maîtrisée. Leurs ressources et leur épargne atteignent aujourd'hui un
niveau supérieur à celui antérieur à la crise sanitaire. Leur encours de
dette est stable et ne représente qu'une part limitée de l'endettement
national. Elles disposent des moyens pour maintenir un niveau
d'investissement important.
Cette situation globale peut néanmoins masquer des situations
individuelles différentes, notamment au sein du bloc communal. Certaines
collectivités locales, notamment les communes rurales exerçant des
charges de centralité et les communes urbaines accueillant une population
fragile, peuvent faire face à des difficultés dont le Gouvernement a montré
qu'il sait tenir compte.
Le constat d'une bonne situation financière est particulièrement
avéré pour la plupart des départements qui, grâce au dynamisme des droits
de mutation à titre onéreux et au ralentissement des dépenses au titre du
revenu de solidarité active, disposent en 2021 et en 2022 d'un niveau
d'épargne brute et d'épargne nette jamais observé. En matière de
financement des allocations individuelles de solidarité (AIS), une
expérimentation de la recentralisation du financement du revenu de
solidarité active (RSA) a été ouverte par l'article 43 de la loi de finances
pour 2022 et l'article 132 de la loi du 21 février 2022 relative à la
différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses
mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS ». La
Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales en bénéficient depuis 2022,
le département de l'Ariège depuis 2023.
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COUR DES COMPTES
174
Cette situation financière globale maîtrisée résulte de la capacité de
l'ensemble des collectivités territoriales à faire évoluer leur modèle de
fonctionnement en fonction de la conjoncture économique. Elle témoigne
de l'engagement et de la responsabilité des élus locaux pour répondre aux
besoins de nos concitoyens tout en préservant l'équilibre budgétaire de leur
collectivité.
Cette bonne situation financière résulte également du soutien
continu apporté par l'État. Entre 2017 et 2022, les concours financiers de
l'État aux collectivités territoriales ont progressé de 2,5 %, représentant
une hausse de près de 5
Md€
; la dotation globale de fonctionnement et les
dotations de soutien à l'investissement local ont été préservées. En outre,
pour faire face à la crise sanitaire ou aux effets de l'inflation, le
Gouvernement a déployé un ensemble d'outils budgétaires inédits visant à
soutenir les collectivités territoriales, comme, par exemple, dans le cadre
du plan de relance, une hausse de 2 M
d€
des dotations de soutien à
l'investissement local.
Ce soutien budgétaire sera accentué en 2023, puisque, d'une part,
un ensemble de dispositifs ont été institués pour répondre à la hausse des
prix de l'énergie avec plus de 2,5 Md€ et, d'autre part, l'Ét
at financera pour
la première fois depuis 13 ans la hausse de la péréquation avec une
augmentation de 320
M€
de la dotation globale de fonctionnement.
En second lieu, comme le mentionne la Cour des comptes, les
collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer dans l'investissement
public. Elles seront l'un des premiers acteurs des grands défis que nous
devrons collectivement relever dans les années à venir en matière
notamment de transition écologique et de préservation de l'environnement.
Le Gouvernement sera à leurs côtés dans cette démarche et son
engagement se matérialise dès à présent par la création en 2023 d'un fonds
pour l'accélération et de la transition écologique dans les territoires doté de
2
Md€. Ce «
fonds vert » vient compléter le soutien de l'État à
l'investissement des collectivités territoriales par l'intermédiaire notamment
de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de
soutien à l'investissement local (DSIL) et du fonds de compensation de la
taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Concernant le financement des
investissements des collectivités locales, je souscris au besoin de disposer
d'une meilleure coordination des subventions accordées par les différents
acteurs. Cette coordination pourrait s'accompagner d'un meilleur fléchage
de ces crédits sur des projets d'investissement tournés vers la transition
écologique afin d'accompagner les collectivités dans cette transition.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
175
Par ailleurs, dans le cadre de la transition écologique, le
Gouvernement veille à renforcer la visibilité pluriannuelle des crédits de
l'État pour les collectivités locales, notamment via les contrats de relance
et de transition écologique (CRTE) qui ont vocation à décliner le volet
territorial des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027. Le
Gouvernement est également attentif à l'articulation entre les documents
de planification des collectivités et les instruments contractuels pour la
cohésion des territoires : les CPER se fondent ainsi sur les objectifs inscrits
dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et
d'égalité des territoires (SRADDET).
La Cour souligne que la suppression progressive de certains impôts
locaux aurait distendu le lien entre les collectivités locales et les
contribuables, en dépit des dégrèvements que l'État assumait au profit des
plus fragiles d'entre eux. Je relève que, systématiquement, ces suppressions
d'impôts locaux ont fait l'objet d'une compensation intégrale, dynamique et
de nature fiscale. Le transfert de fractions d'impôt national aux collectivités
locales leur a été jusqu'à présent bénéfique. La TVA a ainsi progressé de
près de 10 % en 2022, bien davantage que les impôts locaux ou que les
dotations dont elle est venue compenser la suppression.
Au demeurant, le lien entre les contributions aux financements des
services locaux et les habitants et entreprises existe toujours. Les
contribuables continuent d'acquitter les taxes foncières et la cotisation
foncière des entreprises, impôts dont les collectivités continuent à fixer le
taux. Par ailleurs, la taxe d'habitation demeure sur les résidences
secondaires ce qui en fait un outil pour lutter contre la rétention foncière.
Afin de répondre à la volonté de certaines collectivités locales de préserver
un lien entre leurs ressources et l'exercice de leurs compétences, la loi de
finances pour 2023 prévoit d'ailleurs que la dynamique de TVA attribuée au
bloc communal en contrepartie de la suppression de la CVAE sera répartie
sur la base de critères visant à inciter les communes et des EPCI à fiscalité
propre à accueillir des entreprises.
La Cour des comptes préconise par ailleurs une réforme du système
de financement des collectivités territoriales afin de le rendre plus stable
et plus lisible.
Les collectivités territoriales ont fait l'objet d'une évolution sensible
de leur schéma de financement. Depuis 2021, il a été profondément modifié
avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales
et l'octroi, afin de leur assurer une compensation intégrale, pérenne et
dynamique, d'une fraction de TVA de plus de 20
Md€. Par conséquent, il
me semble utile d'évaluer l'actuel schéma de financement des collectivités
territoriales avant de le faire évoluer, en concertation avec elles.
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COUR DES COMPTES
176
Le rapport recommande également d'accentuer le caractère
péréquateur des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Je
partage le souhait de faire progresser les mécanismes de péréquation afin
de réduire les écarts de richesse entre les collectivités locales. À ce titre,
le Gouvernement a procédé à une hausse inédite des dotations de
péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement entre 2017
et 2022, qui sera amplifié en 2023, comme indiqué plus haut : sous le
premier quinquennat d'Emmanuel Macron, la dotation de solidarité rurale
a progressé de 32 %, la dotation de solidarité urbaine de 23 % et la
dotation d'aménagement des communes d'outre-mer de 43 %. La Cour
souligne également la nécessité d'associer les collectivités territoriales à
la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes publics. Si le
ralentissement récent du taux de croissance de la dépense locale s'inscrit
dans un contexte marqué par l'absence de transferts nouveaux de
compétences, il s'explique également par les outils de gouvernance des
finances locales mis en place au cours des dernières années. La Cour
rappelle ainsi que « l'objectif de modération de l'évolution des dépenses
locales » fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP)
pour les années 2018 à 2022 « a été respecté ». Il convient aujourd'hui de
poursuivre nos objectifs collectifs en matière de maîtrise des dépenses
publiques. Cette volonté de rétablir une trajectoire de finances publiques
crédible est un objectif partagé et l'État comme les collectivités
territoriales doivent continuer à améliorer l'efficience des dépenses
publiques.
Un dialogue permanent avec les collectivités territoriales a été mis
en place, notamment avec un comité des financeurs des dépenses sociales
et des échanges réguliers avec les différentes strates de collectivités sur
leurs perspectives financières. Je souhaite poursuivre ce dialogue sur
l'ensemble de ces sujets afin de maintenir la relation de confiance entre
l'État et les collectivités locales, qui est indispensable pour répondre avec
plus d'efficacité aux besoins de nos concitoyens et de nos territoires.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE RÉGIONS DE FRANCE
Par courrier en date du 10 janvier dernier, vous m’avez transmis le
deuxième chapitre du rapport public annuel 2023 sur la décentralisation.
Les observations formulées par la Cour appellent de ma part des
réponses sur l’évolution du poids des finances locales, du mode de
financement des collectivités ainsi que sur un éventuel encadrement de la
dépense locale.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
177
La Cour relève en premier lieu que le poids des finances locales
s’est accru au sein des finances publiques au cours des quarante dernières
années, en raison des différentes lois de décentralisation et des transferts
de compétences et financiers qui s’y rattachen
t. « En 1980, les collectivités
locales représentaient 17 % des dépenses et 15 % des recettes de
l’ensemble du secteur public. Leur part s’est légèrement accrue pour
atteindre 20,2 % des dépenses publiques en 2019 avant de redescendre à
19 % en 2021 sous l
’effet de la forte augmentation des dépenses de l’État
et de la sécurité sociale pendant la crise sanitaire ».
Il convient de souligner, dès ce stade de l’analyse, que cette
augmentation du poids des dépenses locales ne s’est traduite
:
-
d’une part ni par
une augmentation de la dette locale attestant que les
collectivités territoriales ne sont pas responsables du déficit public de
la France : « Enfin, la maî
trise de la dette n’est plus l’enjeu principal
des
finances
publiques
locales »
et
« Depuis
les
lois
de
décentralisation de 1982-1983, la dette des collectivités locales a été
progressivement maîtrisée et son poids ramené de 9,4 points de PIB
en 1993 à 8,4 points en 2021 » ;
-
d’autre part ni par une hausse de leurs dépenses de personnel
: « La
masse salari
ale représente aujourd’hui 60
% des dépenses de
fonctionnement (66 % en 1982) ».
Cette augmentation des dépenses locales est également à mettre en
perspective en comparaison avec nos principaux partenaires européens :
« le poids de la dépense publique locale en France demeure en retrait par
rapport aux autres pays de l’Union européenne (17,9
%) » ou encore
«
cette situation résulte d’une décentralisation plus forte de compétences
et de ressources aux institutions locales ». Parmi les différents blocs de
collectivités, ce constat est d
’
autant plus marqué concernant les régions,
la Cour rappelant à juste titre que « le budget cumul
é
de l
’
ensemble des
régions françaises (37,7
Md€ en 2021) est significativement inferieur à
celui du Land de Bade-Wurtemberg (57,4
Md€)
».
La Cour note que « le dynamisme de ces ressources transférées
(TVA notamment) a participé
à
la sécurisation durable des équilibres
financiers locaux, au détriment de ceux de l
’
État qui a finalement support
é
seul les impacts des crises et aléas divers au travers d’un accroissement de
sa dette ». Cette observ
ation, pour juste qu’elle soit, résulte du fait que seul
l’État peut, en regard des règles de gestion applicables aux acteurs
publics, adopter des budgets et en voter une exécution en déséquilibre. À
cet égard, seul l’État dispose d’une faculté de mobilisa
tion du déficit public
et, dans cette ampleur, de la dette comme instruments d’intervention lors
de crise d’envergure internationale.
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COUR DES COMPTES
178
La Cour ajoute que « Pour autant, les collectivités ne sont pas
totalement exemptes de risques sur leurs ressources. La crise sanitaire a
montré la grande exposition au risque conjoncturel de certaines d’entre
elles, comme les communes touristiques, du fait de l’effondrement de la taxe
de séjour ou de la taxe sur les produits des jeux. Elle a aussi révélé la
sensibilité des recettes, autres que les prélèvements obligatoires,
à
la
situation économique et la forte exposition aux évolutions de la conjoncture
des
collectivités
dont
la
part
des
recettes
tarifaires
(piscines,
médiathèques...) et d’occupation de l’espace public (pa
rkings publics,
terrasses de bars...) est importante ». Il convient, à cet égard, de rappeler
que les régions ont pleinement subi les conséquences de la crise sanitaire et
qu’elles sont, de surcroît, l’échelon de collectivité qui a le plus augmenté son
niv
eau d’investissement pour accompagner le plan de relance de l’État.
Au cours de l’année 2020, en neutralisant la recentralisation de la
compétence apprentissage, les Régions ont enregistré une baisse de
206
M€
de leur fraction de TVA, de 100
M€
de leur fraction de TICPE et
de 208
M€
de la taxe sur les certificats d’immatriculation. A ces pertes se
sont également ajoutées des baisses de recettes dans le secteur du transport
public de voyageurs, accompagnées d
’une hausse sensible des charges
supportées par les r
égions, sans que l’État n’apporte de compensation
financière. Les régions ont ainsi vu leur épargne brute chuter de 21,6 %
en 2020 et leur capacité de désendettement se dégrader de 4,3 à 6 ans, soit
comme la Cour a pu le relever, la catégorie de collectivités qui a été la
plus impactée par la crise sanitaire. Régions de France souligne que la
fraction de TVA, qui s’est substituée à la part régionale de CVAE depuis
le 1
er
janvier 2021, n’est assortie d’auc
un plancher garanti à la différence
de la fraction de TVA, qui a remplacé la DGF des régions en 2018.
La Cour rappelle que les collectivités représentent le premier
investisseur public et que « Dans une moindre mesure, départements et
régions contribuent directement
à
l
’
investissement local, notamment sur
les équipements qui leur ont été transférés par l’État, lycées et collèges,
transports publics pour l’essentiel
». Alors que les régions représentaient
15
%
de la dépense locale en 2019, leur part dans l’
investissement public
local représentait 23 %
en 2021. Elles sont l’échelon de collectivités qui a
produit l’effort le plus important d’investissement aux côtés de l’État pour
la relance du pays :
entre 2019 et 2021, les dépenses d’investissement des
Régions ont ainsi connu une progression de 19,7 %, soit une hausse de
2,2
Md€
(11,2
Md€ en 2019 et 13,4
Md€ en 2021) attestant de leur plein
engagement au titre du plan de relance et renforçant leur rôle déterminant
au sein de l’investissement local, notamment dans les domaines de
l’économie, des transports et de la transition
énergétique.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
179
Enfin, simultanément à cette hausse sensible des dépenses
régionales d’investissement, «
les dépenses de fonctionnement des régions
n’en constituent qu’une part minoritaire et maîtrisée dans la durée (11
%
en 2021) », ce qui rejoint les concl
usions d’une étude réalisée par la
Direction générale des collectivités locales
135
(DGCL) publiée au mois de
février 2021 et concluant que « les dépenses de fonctionnement des régions
se trouvent en 2019 au même niveau qu’en 2015, pour les régions
fusionnées comme pour les autres régions, hors transports transférés et
gestion des fonds européens ».
S’agissant de l’évolution du mode de financement des collectivités, le
rapport publié par la Cour des comptes à la demande du Sénat, cet automne,
permet de poser
un débat crucial sur l’avenir des finances locales.
Régions de France partage ainsi l
’
avis de la Cour estimant que « Les
réformes successives de la fiscalité locale ont, en effet, modifi
é
considérablement les principes de financement des politiques publiques
locales. En substituant des fractions de fiscalité nationale, sur lesquelles les
collectivités ne disposent pas de pouvoir de taux,
à
des recettes de fiscalité
locale, elles ont retiré des marges de manœuvre financières aux collectivités.
Ce faisant, elles ont distendu le lien, pour les habitants comme pour les
entreprises, entre contribution
à
la charge publique locale et service public
rendu aux usagers ». Ce constat se vérifie particulièrement pour les
Régions : leur autonomie fiscale « se limite
à
présent
à
environ 10 % de leurs
recettes (part de taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques -
TICPE et taxe sur les certificats d’immatriculation)
».
Comme avait pu également le relever la Cour des comptes dans son
dernier rapport
annuel sur les finances publiques publié, à l’exception de la
TVA, « Les autres recettes des régions ont perdu de leur dynamisme ». En
effet, les recettes de la taxe sur les certificats d’immatriculation, après avoir
chuté de 266
M€
en 2020, ont atteint 2,2
Md€ en 2021 alors qu’elles
dépassaient 2,3
Md€ avant la crise. Cette situation résulte d’un niveau de
ventes de véhicules neufs toujours en net retrait par rapport à l’année
2019
mais également en raison de l’exonération de carte grise, imposée par
l’Éta
t, sur les véhicules électriques. Or, la part des véhicules neufs pour les
particuliers, bénéficiaires de l’exonération de carte grise, est passée de 2
%
en 2019 à 13,3 % en 2022 (en 2035, il est également prévu au niveau
européen la fin de la vente des vé
hicules thermiques). Cette mesure ne s’est
pas traduite par une compensation de pertes de recettes pour les régions. Le
135
Les dépenses de fonctionnement des régions se trouvent en 2019 au même niveau
qu'en 2015, pour les régions fusionnées comme pour les autres régions.
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COUR DES COMPTES
180
produit de cette taxe devrait connaître une nouvelle diminution de 13 % en
2022. En raison également de la transformation du parc automobile, les
recettes de TICPE sont amenées à diminuer au cours des prochaines années.
Ainsi, « un scénario possible de réforme pourrait recentrer toute la
fiscalité locale sur le bloc communal pour plus d’autonomie et de
responsabilité, tandis que les départements bénéficieraient d
’
un financement
dynamique et plus solidaire pour faire face
à
leurs dépenses sociales
(dotation d’action sociale et fiscalité nationale) et que les régions se
verraient affecter une part plus importante de fiscalité nationale économique
(TVA et impôt sur les sociétés (IS)) en phase avec leurs compétences ». Cette
proposition pourrait rejoindre en partie celle portée par le Livre Blanc des
Régions, « Vers une République de la confiance », publié en 2022, appelant
à un système de partage et de codécision pour un certain nombre d
’
impôts
nationaux (TVA, IR, IS, CSG, etc.). Il propose notamment de rechercher les
conditions dans lesquelles une fraction de l
’
assiette et/ou du taux de ces
impôts partagés pourrait être laissée
à
la décision des régions sans
augmentation globale de la pression fiscale. Comme le souligne à juste titre
la Cour, «
La mise en œuvre de toute réforme exigera en tout état de cause
de rétablir la confiance entre les collectivités locales et l’État
».
Régions de Fran
ce appelle l’attention sur la recommandation
proposant « la suppression des rétrocessions de frais de gestion des impôts
locaux ». En effet, les frais de gestion transférés aux collectivités ne
contribuent pas à la clarté du système de financement des collectivités mais
ces derniers constituent toutefois une ressource dynamique. Les régions,
dans une exigence de prévisibilité pluriannuelle des recettes et des
engagements, ne pourraient concevoir une suppression des frais de gestion
qui leur sont affectés qu
’à la condition qu’ils soient remplacés par une
ressource dynamique.
Dans ce cadre, la Cour relève que « Les transferts de compétences
s
’
accompagnent de l
’
attribution de ressources équivalentes
à
celles qui
étaient consacrées par l
’
État
à
leur exercice, soit une compensation de leur
coût historique, sans prise en compte de l’évolution future de ces
charges ». Cette observation de la Cour est assortie du constat que « Le
dialogue entre l’État et les collectivités locales sur le niveau de
financement des c
ompétences transférées fait l’objet de tensions
récurrentes ». Le Livre blanc des régions vise à cet égard, à garantir
constitutionnellement que les ressources attribuées dans le cadre de
transferts de compétences soient équivalentes aux charges transférées. Il
conviendrait ainsi que ces compensations fassent l'objet d'une réévaluation
régulière tenant compte de la dynamique exogène des charges transférées.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
181
Régions de France ne partage pas l’avis de la Cour estimant que
« Les mécanismes de péréquation (entre les régions) sont complexes mais
leur volume est insuffisant ». À ce titre, Régions de France rappelle que la
loi de finances initiale pour 2022 a réformé en profondeur le système de
péréquation régionale. En effet, dans le cadre de l’accord de partenari
at
et en conséquence de la suppression de la part régionale de CVAE et de
son remplacement par une fraction de TVA, les r
égions s’étaient engagées
à définir un nouveau fonds de péréquation régionale avec une traduction
législative au sein du PLF 2022. Il s
’agissait plus particulièrement
d’arrêter entre elles, à la demande du Premier ministre, la manière de
répartir leurs ressources issues de la réforme de la taxe professionnelle.
Les régions ont considéré dans un premier temps que la substitution de la
TVA à la part régionale de CVAE supprimait les différentiels territoriaux
de croissance de la ressource fiscale. Elles ont ainsi cherché à gommer les
disparités issues de la réforme antérieure et qui pouvaient générer des
différentiels artificiels. Dans ce cad
re, les Régions ont proposé d’intégrer
dans la fraction de TVA (ex-
CVAE) les montants issus de l’ancien fonds de
péréquation régionale et les prélèvements au titre du FNGIR.
Le système finalement retenu dans la loi de finances pour 2022
diffère des propositions unanimement souhaitées par les régions. Le texte
soumis au vote des parlementaires ne retient pas un retraitement spécifique
pour deux Régions qui aurait permis de tenir compte de leurs situations
spécifiques et ne conserve pas la transparence de la contribution de la
région Île-de-France au titre du FNGIR, en ne la faisant plus apparaître
comme une dépense qui aurait également été indexée sur la dynamique
annuelle de TVA. Ce nouveau système permet de gommer les écarts à la
croissance moyenne de la ressource de TVA qui représente 89 % des
ressources s’étant substituées à l’ancienne taxe professionnelle. Les
r
égions ont également proposé la création d’un dispositif supplémentaire
de solidarité au bénéfice de la Corse et des régions et collectivités
d’O
utre- Mer, compte tenu des spécificités liées à leur insularité ou à leur
situation ultra-
marine. Cette proposition prend la forme d’un fonds de
solidarité inédit auxquels contribuent seules les régions de métropole. Ce
fonds a été doté en 2022 d’un montan
t égal à 0,1 % de la fraction de TVA
ex-CVAE, soit près de 10
M€
. À compter de 2023, ce fonds montera en
charge chaque année à hauteur de +1,5 % de la dynamique cumulée, en
complément de la péréquation régionale. Il s’agit, là encore, d’un effort de
solidarité conséquent, complémentaire de celui dû en tout premier lieu par
l’État à l’endroit de ces collectivités.
Concernant les modalités de la contribution éventuelle des
collectivités au redressement des finances publiques, la Cour estime que
«
L’interdépendance financière entre l’État et les collectivités locales es
t
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COUR DES COMPTES
182
telle aujourd’hui qu’un redressement durable des finances publiques dans
leur ensemble passe par un nouveau pacte financier entre eux, fixant des
engagements réciproques, respectueux de la libre administration des
collectivités locales autant que de l
’
exigence d
’
une participation de toutes
les administrations publiques
à
l
’
effort de retour
à
une trajectoire
soutenable dans la durée ». Comme Régions de France a pu le rappeler à
de nombreuses reprises, les collectivités territoriales ont su démontrer leur
capacité à piloter en responsabilité leurs finances, à maîtriser leur dette et
à prendre les dispositions nécessaires au rétablissement des grands
équilibres. En effet, divers mécanismes permettent déjà de limiter le
recours à l’emprunt et d’
assurer une bonne capacité de désendettement
des collectivités locales. Comme la Cour le rappelle, ces mécanismes
d’encadrement de la gestion locale «
constituent la garantie essentielle de
la soutenabilité des finances publiques locales
» telle que la règle d’or. Les
collectivités, « contrairement à l
’
État, n
’
ont pas la possibilité de recourir
à
l
’
emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement, ni pour
rembourser leurs emprunts en cours, la charge correspondante devant être
couverte par leur épargne brute ».
Enfin, Régions de France conteste l
’
appréciation de la Cour selon
laquelle « pour favoriser le respect de cette règle, les normes de
comptabilité locale ont parfois fait l
’
objet d
’
accommodements qui nuisent
à
la fiabilité des comptes locaux, comme la Cour l
’
a plusieurs fois soulign
é
.
En
particulier,
les
collectivités
comptabilisent
les
subventions
d
’
équipement qu
’
elles versent
à
l
’
actif de leur bilan, comme s
’
il s
’
agissait
d’un élément de leur patrimoine, alors que l’État comptabilise ces mêmes
flux de subventions dans ses charges » et que « Tous ces traitements
comptables dérogatoires, dont l
’
État a souvent été
à
l
’
origine, ont pour
objectif d’éviter de peser sur les budgets de fonctionnement et de permettre
le financement des subventions d’équipement par
l’emprunt
». Les
subventions d’équipement versées par les collectivités contribuent en effet
directement au développement de leurs territoires : leur comptabilisation
en investissement se justifie pleinement tout en assurant une bonne tenue
des finances locales comme les différentes analyses au sein du présent
projet de rapport le démontrent.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
183
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSEMBLÉE
DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE
Chapitre 1
er
: la décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver
Départements de France (DF) considère que les multiples réformes
qui ont jalonné ces quarante dernières années sont largement responsables
de «
l’essoufflement de la décentralisation
» (nouvelles cartes territoriales,
nouveaux modes de scrutins, métropolisation et nouvelles répartitions de
compétences).
Pour Départements de France, l’élément structurant de la première
étape de la décentralisation a bien été la liberté de gestion des affaires
locales résultant de la suppression de la tutelle.
Mais, comme le souligne le rapport, la logique des blocs de
compétences se heurte au principe de réalité lié à la complexité de
l’exercice des compétences confiées aux départements
Toute nouvelle modification de la répartition des compétences
départementales devra tenir compte de la nécessité de préserver
l’efficience de l’action publique liée aux solidarités tant sociales que
territoriales.
Par ailleurs, [...]DF partage les observations de la Cour relatives à
l’échelon de proximité et de référence qu’a toujours été le département.
Cependant, DF souligne la nécessité de dépasser la question de la
répartition des compétences entre les échelons pour lui préférer le principe
de subsidiarité permettant de soutenir l’activité économique de proximité
et les mobilités.
L’inadaptation de l’organisation
déconcentrée de l’État par rapport
à la décentralisation résulte d’un pilotage stratégique, mené en
contradiction avec les objectifs même de celle-ci.
Ainsi, le retrait de l’ingénierie de l’État a été compensé par les
départements qui ont préservé leur ingénierie départementale (80 agences
environ) apportant ainsi leur soutien au bloc local.
DF partage le constat d’une insuffisante coordination et
complémentarité des politiques menées par les différents échelons de
collectivités au titre des compétences propres ou partagées.
À cet égard, les départements constituent la bonne échelle pour
favoriser cette complémentarité qui améliorerait l’efficacité et la lisibilité
des politiques publiques par le biais des chefs de filât des départements :
inclusion numérique, logement social, gestion de la ressource en eau et des
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COUR DES COMPTES
184
réseaux, accessibilité aux services de proximité ou encore lutte contre les
déserts médicaux pour ne citer que quelques exemples. Par ailleurs, il nous
apparaît
indispensable,
pour
sortir
de
cet
enchevêtrement
des
compétences, de rendre le département, pilote des politiques médico-
sociales, sociales et territoriales.
Il est urgent de clarifier les bons niveaux d’action pour agir mieux
et plus efficacement, mais aussi d’organiser les compétences
partagées
pour pallier tout risque de concurrence entre échelons et améliorer leurs
synergies. Les carences de la médecine scolaire sont criantes comme l’a
rappelé la Cour en 2020 et le département est la bonne maille pour tenir
le rôle de pilote dans ce domaine majeur de la prévention (la France
compte 900 médecins pour 12 millions d’élèves). DF soutient la
proposition de la Cour d’une relance progressive et organisée de la
décentralisation.
DF partage l’observation de la Cour concernant la responsabilité
de l’État dans l’atteinte contrariée des objectifs de la décentralisation et
sur l’inflation normative.
Mais, il existe un facteur aggravant en matière de droit des
collectivités territoriales qu’il faut souligner
:
l’insuffisante portée de la
reconnaissance de la valeur constitutionnelle des principes de libre
administration et de l’autonomie financière qui la rend possible.
Un réaménagement pragmatique de l’organisation territoriale
décentralisée passe par un renforcement du rôle des chefs de file et DF ne
peut qu’approuver la proposition de la Cour qui affirme que la théorie des
blocs de compétences ne correspond plus à la réalité. DF approuve la
proposition de la Cour de confier aux départements la plénitude de la
compétence sociale, dans un souci de
cohérence et d’efficience des
politiques publiques. Il serait souhaitable que la notion de chef de file aille
au-
delà d’un simple pouvoir d’organisation. DF approuve les nouvelles
possibilités de délégations de compétences qui en découleraient ainsi que
l’
application qui pourrait en être faite concernant les départements en
matière d’aménagement du territoire, de solidarité territoriale, de
mobilités ou de transition énergétique. En revanche, s’agissant des
possibilités de différenciation, il convient de ne pas généraliser les
expérimentations institutionnelles de fusion ou de création de collectivités
à statut particulier afin de conserver cohérence et homogénéité dans notre
organisation territoriale décentralisée.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
185
Chapitre 2 : Les finances locales, 40 ans après les grandes lois de
décentralisation
Si D
épartements de France ne conteste pas l’état des lieux réalisé
par la Cour sur la base des données disponibles, nous regrettons que le
scénario privilégié par la Cour soit le même que celui retenu par son
précédent rapport relatif aux scénarios de financement des collectivités
territoriales, vis-à-vis duquel Départements de France a déjà fait part de
son total désaccord.
En effet, la Cour a dit avoir travaillé à une option de réforme qui
recherche « un équ
ilibre adapté entre les objectifs d’autonomie et de
solidarité pour les régions, les départements et le bloc communal » mais
qui a abouti en définitive à privilégier, en ce qui concerne les
départements, un financement exclusivement assuré par de la fiscalité
nationale partagée et des dotations.
Départements de France tient à rappeler que nous sommes
fermement opposés à la perte de l’imposition sur le foncier bâti lors de la
dernière réforme fiscale, non par principe, mais parce que la possibilité
d’actionn
er ce levier fiscal a été salvatrice pour un certain nombre de
Départements quand il a fallu faire face aux conséquences économiques et
financières issues de la crise de 2008, sans pour autant faire appel à l’État.
Qui plus est, le foncier bâti constitue une ressource stable et résiliente ou
pour reprendre les termes de la Cour dans le présent rapport « des
produits d’imposition peu volatiles et protecteurs des collectivités
». Pour
autant, le choix a été fait par le Gouvernement d’en priver les
département
s. La Cour observe par ailleurs qu’une part importante de la
fiscalité perçue par les collectivités est « sans relation avec une base
territoriale
». Départements de France rappelle qu’il était, de la même
manière, opposé à la suppression de la CVAE. Départements de France a
toujours défendu la conservation d’un panier fiscal diversifié.
Désormais, et bien que le rapport présentement commenté n’en
refasse pas mention, il pourrait être envisagé de transférer, via une
répartition nationale, les DMTO aux communes. Comme cela a déjà été dit,
le risque serait de mettre fin à un système consolidé de responsabilité et de
solidarité qui n’a aucun équivalent dans les finances locales
: dispositif
ambitieux de péréquation horizontale, mise en réserve collective du CFL et
possibilité d’épargner individuellement les surplus de DMTO constatés.
Départements de France souhaite attirer l’attention de la Cour sur
les risques de déséquilibres considérables qu’un tel bouleversement
engendrerait, particulièrement pour le monde rural. Le produit des DMTO
serait alors concentré sur les aires urbaines creusant encore davantage le
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COUR DES COMPTES
186
fossé avec la France périphérique. Lutter contre cette pente naturelle
reviendrait à dépenser une énergie sans commune mesure avec les gains
espérés, là où le mécanisme est parfaitement maîtrisé par les Départements
qui jouent un rôle péréquateur tant au niveau de leurs territoires respectifs
qu’entre eux, dans la répartition de cette ressource.
Par ailleurs, Départements de France souhaite préciser s’agi
ssant
de la situation financière présumée favorable des Départements après la
crise covid 19 relevée par la Cour, nonobstant certaines disparités
individuelles, qu’elle tient incontestablement à la dynamique constatée des
recettes, mais également aux importants efforts de gestion qui ont été
conduits par nos collectivités depuis bien avant cette crise. Nous devons
cependant faire face à une explosion des dépenses sociales qui met les
départements dans une situation difficile.
Enfin, Départements de France ne peut que partager avec la Cour
la nécessité de « rétablir la confiance entre les collectivités locales et
l’État
». L’actuel Gouvernement s’y est engagé après avoir cependant pris
un certain nombre de mesures sans concertation, voire même
d’information,
peu ou pas du tout compensées…
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSOCIATION
INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE
Je vous remercie de m’avoir adressé les chapitres «
La
décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver » et « Les finances
locales, 40 ans après les grandes lois de décentralisation » qui seront
versés au rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes.
Intercommunalités de France partage une grande partie des
constats qui y figurent et je souhaite saluer le travail approfondi des
magistrats. Je les rem
ercie en particulier d’avoir bien voulu tenir compte
de certaines des observations que j’avais formulées sur la version initiale
de ces chapitres.
Pour celui qui concerne les finances locales, je constate que
l’analyse de la situation financières des colle
ctivités proposée par la Cour
est très globale. Les enjeux financiers tant en termes de dépenses de
fonctionnement qu’en ce qui concerne le panier de ressources sont bien
sûr très différents selon les niveaux de collectivités.
Intercommunalités de France partage les conclusions de la Cour
concernant le décalage entre la volonté décentralisatrice des différents
gouvernements dans la lignée des grandes lois de 1980 et la réalité des
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
187
moyens dont disposent les collectivités pour mettre réellement en œuvre les
compétences qui leur sont confiées.
Le constat fait par les magistrats concernant le niveau relativement
faible du poids de la dépense locale au regard de l’ensemble des dépenses
publiques et du PIB comparativement à ce que font nos voisins européens
en témoigne.
Du fait de l’importance de leurs compétences et de l’amplitude de
leurs domaines d’intervention les collectivités du bloc local, communes et
intercommunalités, assurent désormais une large part de la dépense
publique.
La réponse aux enjeux liés à la transition écologique, à la
nécessaire réindustrialisation du pays, aux besoins et aspirations nouvelles
des ménages (vieillissement, évolutions des mobilités et des modes
d’habitat, transformation des modes de vie…) passera nécessairement par
les collectivités locales.
Intercommunalités de France partage à ce titre le constat d’un
système de financement des collectivités aujourd’hui « à bout de souffle »,
instable, manquant de lisibilité et de prévisibilité, peu compréhensible tant
pour les responsables locaux que pour les contribuables, avec des
inégalités qui se creusent entre les territoires.
Hérité du passé, le système de financement des collectivités semble
aujourd’hui mal armé pour faire face dans de bonnes conditions aux
besoins
d’investissement
très
conséquents
des
territoires.
Le
démembrement progressif de la fiscalité locale (perte de la TP, puis de la
TH, actuellement de la CVAE), la dépendance accrue aux dotations de
l’État, l’insuffisance des taxes affectées face à des enjeux pourtant majeu
rs
comme la transition écologique, témoignent de l’urgence à refonder de
façon ambitieuse le modèle de financement des collectivités.
Dans la réponse écrite faite aux magistrats, Intercommunalités de
France insistait sur la nécessité de disposer d’un systè
me de financement
lisible pour l’ensemble des acteurs, permettant une approche pluriannuelle
plus favorable à l’investissement, et associé à une fiscalité véritablement
locale, c’est
-à-dire en lien avec le développement des territoires. Ce
système de finan
cement rénové doit s’accompagner de dispositifs de
péréquation pérennes et efficaces.
Concernant le chapitre relatif à la décentralisation, je souhaite
souligner l’équilibre dont font montre les magistrats en traitant
conjointement des processus de décentralisation et de déconcentration, à
mon
sens,
indissociables.
Intercommunalités
de
France
partage
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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COUR DES COMPTES
188
notamment l’analyse de la Cour selon laquelle le préfet se retrouve en
« porte-à-faux » vis-à-
vis des collectivités locales puisqu’il est censé
représenter chacun des ministres (malgré son rattachement au ministère
de l’Intérieur plutôt qu’au Premier ministre et malgré la réduction
substantielle des effectifs de l’administration territoriale de l’État), tandis
que des politiques publiques majeures, dans les domaines de la rénovation
urbaine, de la santé, de l’habitat ou de l’environnement, son portées par
des agences et des services situés hors de son autorité. Assurément, la
qualité et l’efficacité des relations entre l’État et les collectivités doi
vent
s’appuyer sur une unicité de la parole de l’État territorial, incarnée par le
binôme préfet de région
–
préfet de département.
Intercommunalités de France souscrit d’ailleurs aux constats de la
Cour lorsqu’elle remarque que la logique de clarification des blocs d
e
compétence, pour vertueuse qu’elle soit, achoppe en pratique sur la
nécessaire complémentarité des interventions des différents niveaux de
collectivités
et de l’État pour la mise en œuvre des politiques publiques.
Plutôt que de nouvelles modifications de la répartition des compétences
entre niveaux de collectivités, il paraît plus judicieux de préciser au sein
des différents domaines de politiques publiques le « qui peut faire quoi »
et le « qui doit faire quoi
» : écrire des normes, financer, être maître
d’ouvrage, chef de file…
À cet égard, la notion d’autorité organisatrice (AO) peut s’avérer
utile. Autorités qui ne sont pas nécessairement les seules à agir mais qui
sont celles sans lesquelles rien n’est possible, les AO permettent de
distinguer les rô
les de coordination (chef de file) et de maître d’ouvrage.
L’AO est dotée d’une capacité opérationnelle et est investie de
responsabilités élargies pour territorialiser les politiques publiques. Elle
dispose de moyens adaptés, financiers et réglementaires, pour mener ses
missions à bien. Elle est systématiquement informée et consultée par les
chefs de file pour les domaines qui la concernent. Intercommunalités de
France propose d’ailleurs que les conférences territoriales d’action
publique deviennent des conférences des AO, à caractère opérationnel.
L’affirmation du rôle des AO, déjà effective dans les domaines des
mobilités, des déchets et de l’habitat, paraît donc complémentaire du
renforcement des chefs-de-file que propose la Cour.
Intercommunalités de Fr
ance ne partage pas l’analyse des
magistrats au sujet de la loi Engagement et proximité, qui a contribué à
généraliser des pratiques de gouvernance intercommunale déjà largement
répandues (conférence des maires, pacte de gouvernance). La logique de
transfert de compétences « à la carte
» introduite par la loi n’a pas
prospéré dans la pratique. On est donc loin d’un mouvement de
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
189
« syndicalisation » des intercommunalités à fiscalité propre, qui ne
correspond ni à leur logique d’action, ni à la volonté manifes
te des élus du
bloc communal.
Ces mêmes raisons nous invitent à quelques réserves sur
l’appréciation que la Cour fait de l’intérêt communautaire. Il ne nous
semble pas bienvenu de rigidifier ce mécanisme qui aujourd’hui fonctionne
bien dans ses équilibres
en laissant d’importantes marges de manœuvre
pour s’accorder au niveau local sur les services et équipements à
transférer ou à créer, sur la base d’un projet communautaire partagé. Le
législateur a déjà prévu des garde-fous efficaces (impossibilité de scinder
l’investissement et le fonctionnement, ou des obligations relevant du même
service public).
De même le regard que la Cour porte sur les démarches de
mutualisation ne nous paraît pas correspondre à la réalité du bloc local. Le
projet de rapport titre «
Des efforts de mutualisation insuffisantes » et relève
la «
timidité de l’usage que les collectivités territoriales et EPCI font des
instruments de mutualisation ». Ces assertions nous apparaissent exagérées
pour le bloc communal, faute par ailleurs d’être étayées. À l’échelle de ses
moyens, Intercommunalités de France a réalisé une enquête sur les
mutualisations entre communes et intercommunalités en 2021, dont il ressort
que, sur 80 répondants, plus de 90 % des intercommunalités avaient mis en
œuvre au m
oins un projet de mutualisation ; 58 % mutualisaient une partie
de leurs services pour l’ensemble de leurs communes membres. L’usage des
instruments de mutualisation est répandu, même s’il peut être inégal d’un
territoire à l’autre.
À ce propos, la Cour av
ance l’hypothèse qu’il serait davantage fait
recours à des organismes de coopération tels que les SIVU ou SIVOM, les
syndicats mixtes, les groupements d’intérêt public (GIP), les SEM, SPL et
SPLA, plutôt qu’à des dispositifs de mutualisation portés par les
intercommunalités. Cette affirmation nous surprend dans la mesure où elle
ne repose pas sur une étude ou un recensement référencé par la Cour et où
les échanges au sein de notre association font état de réalités beaucoup
plus nuancées, qui donnent à voir une bonne part de mutualisations
organisées par les intercommunalités (instruction des demandes
d’autorisation d’urbanisme depuis le retrait quasi
-généralisé des services
de l’État, ingénierie à disposition des communes, prestations de services
ponctuelles
, appui aux marchés publics, etc.). Par ailleurs, l’économie
mixte peut se révéler un véhicule intéressant notamment pour la transition
écologique et énergétique.
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COUR DES COMPTES
190
Intercommunalités de France partage pleinement le constat dressé
par la Cour du besoin de s
implification et d’amélioration de la lisibilité
des relations financières au sein du bloc local. En particulier, les règles
aujourd’hui
applicables
à
la
modification
des
attributions
de
compensation sont source de grandes difficultés là où les montants en
vigueur ne correspondent plus à la réalité des investissements et des coûts
portés respectivement par l’intercommunalité et ses communes membres,
ce qui est fortement préjudiciable dans la pratique.
Pour autant, davantage de prudence serait requise lorsqu
’il est
proposé de revoir en profondeur les équilibres internes au bloc local. Ainsi
en va-t-il de la formule des communes-communautés qui conserve un
caractère expérimental et n’a pas donné à voir toutes ses conséquences
potentielles. De même, la promotion des communes nouvelles, si elle peut
en pratique simplifier la gouvernance intercommunale, ne saurait être
entièrement subordonnée à cette fin. La commune nouvelle doit avant tout
traduire un projet politique communal.
Enfin, le scénario proposé par la Cour consistant à transférer au
département les compétences et les ressources des intercommunalités
lorsqu’elles ne disposent que d’une ingénierie limitée paraît hautement
improbable. La Cour mentionne à juste titre l’absence de consensus sur cette
proposition qui retirerait aux communes la maîtrise des projets et des
services publics de proximité aujourd’hui portés à l’échelle intercommunale.
REPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE
L’
ASSOCIATION
FRANCE URBAINE
Par courrier en date du 10 janvier, vous nous avez adressé deux
chapitres du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes.
Ces projets de chapitres appellent de notre part les observations
exprimées dans le présent courrier.
Premier chapitre - la décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver
France urbaine tient en premier lieu à saluer et appuyer le constat
suivant lequel « la décentralisation [des] compétences de la vie
quotidienne a eu des conséquences positives sur la qualité du service
rendu » aux habitants.
Cette décentralisation ne peut toutefois se résumer à la répartition
des compétences entre collectivités et groupements du bloc local. En
l’espèce, une plus grande efficacité de l’action publique peut être générée
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
191
par la confiance plus que par l’uniformisation «
à la Française » des
intervention
s. Nous partageons que « dans certains domaines, [l’État] peut
se désengager et accroître ainsi l’efficacité globale de l’action publique
»,
et attendons par exemple de l’État qu’il cesse d’interférer sur le champ
transféré du logement et délègue les crédits « Ma Prime Rénov » pour le
volet habitat, et les crédits « Réussite éducative du BOP 147 » au titre de
la politique de la ville.
Mobilités et lutte contre la pollution atmosphérique, lutte contre
l’artificialisation des sols, raréfaction de la ressource
en eau, enjeux de
souveraineté alimentaire, approche territoriale de l’emploi… La transition
écologique et démographique impose de conduire une action ambitieuse à
l’échelle des bassins de vie
: les grandes intercommunalités et métropoles
sont à ce titre en première ligne. France urbaine partage donc la crainte
implicite de la Cour (qui gagnerait à être plus fermement formulée) d’une
régulière remise en cause de la construction intercommunale. Alors que
les lois RCT, MAPTAM et NOTRé
ont poursuivi l’affirma
tion du fait
intercommunal et métropolitain, de récentes évolutions législatives ont pu
faire craindre que la « différenciation » ne devienne prétexte au «
détricotage », à la demande supposée des communes.
Pour ces mêmes raisons, France urbaine souhaite nuancer
l’affirmation selon laquelle «
le développement de l’intercommunalité, la
complexité des partages de compétences entre les catégories de
collectivités territoriales, le foisonnement de techniques de gestion locale
faisant intervenir sur de nombreux dossiers un nombreux croissant
d’acteurs, [aboutiss
e
nt au] sentiment d’une dilution des responsabilités et
d’un accroissement de la distance entre le citoyen
-contribuable et le cadre
d’exercice de la démocratie locale
». En effet :
-
c’est d’abord la coordination d’interventions publiques légitimes
et attendues qui est le principal défi devant nous. À ce titre, métropoles et
grandes intercommunalités ont la responsabilité d’assumer un rôle
d’ensemblier, y compris sur des champs qui ne relèvent pas strictem
ent du
CGCT : acceptabilité sociale de la transition écologique, santé, emploi et
insertion…
;
- la distance avec le citoyen-contribuable est avant tout liée à la
suppression progressive du lien fiscal commune-habitant ;
- enfin, pointer de manière implicite le « développement de
l’intercommunalité
» comme source de distanciation démocratique est
possiblement contre-
productif à l’heure où l’accélération du réchauffement
climatique rendent indispensable l’accélération intercommunale.
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COUR DES COMPTES
192
C’est pourquoi, France u
rbaine reste particulièrement circonspecte
face à des tentations de jardin à la Française largement démenties
aujourd’hui par la réalité des interventions de chacun
:
-
en matière d’insertion et d’emploi, la Cour préconise de renforcer
l’échelon régional.
Or la proximité avec les habitants et le tissu économique
place les grandes agglomérations et métropoles dans une position de
responsabilité de fait : certaines métropoles gèrent par exemple le Fonds
social européen, avec des taux de consommation supérieurs aux moyennes
départementales ou nationales, ils animent des écosystèmes d’insertion et
d’emploi que France Travail devrait d’ailleurs prendre en compte. En
l’espèce, ce que la rationalisation théorique y perd, le citoyen y gagne
;
- en matière de développement économique, la Cour appelle à
renforcer les capacités d’action économique des régions. Or les premières
capacités restent dans les métropoles, ne serait-
ce qu’en matière d’effectifs
ou de budget ;
- en matière de mobilités, la Cour mentionne que le « rôle de chef de
file [concept d’ailleurs largement battu en brèche par l’interdiction
opportune de tutelle entre collectivités] des régions [soit] plus affirmé
notamment aux abords des métropoles ». Les grandes agglomérations et
métropoles sont AOM, elles sont concernées par les ZFE et depuis peu,
peuvent constituer des AOM interterritoriales sous formes de pôles
métropolitains.
Tous ces exemples invitent donc à placer la différenciation des
modalités d’action au cœur de l’organisation territoriale. À ce
titre, si
l’expérience lyonnaise est un exemple et pas un modèle, elle permet
toutefois d’objectiver un renforcement de la métropole solidaire ces
dernières années, du transfert de certaines compétences départementales
(loi NOTRé) à la signature de conventions métropolitaines dans le cadre
de la stratégie pauvreté, et concrétise le principe même de différenciation.
La Cour pointe par ailleurs la faiblesse supposée des coopérations.
Cette affirmation est à nuancer et à objectiver, car elle ignore un
foisonnement de coopérations territoriales qui, si elles ne sont pas toujours
formalisées par tel ou tel label national, n’en ont pas moins d’effets
structurants. France urbaine n’a eu de cesse depuis sa création de soutenir
la
création
de
nouveaux
outils
de
coopé
ration,
qu’ils
soient
organisationnels, contractuels ou financiers. Cela s’est notamment traduit
par la création en 2010 des « pôles métropolitains ». Il en existe une
trentaine aujourd’hui, pas uniquement autour de métropoles mais souvent
autour d’un maillage de villes et d’agglomérations moyennes. Ils méritent
toute l’attention des rapporteurs. Dans les suites du Pacte État
-métropole
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
193
du 6 juillet 2016, France urbaine et l’ANCT avaient identifiés pas moins
de 173 coopérations entre les 15 premières métropoles et les territoires
voisins, preuve de la réalité de cette dynamique. Elles doivent faire l’objet
d’une cartographie interactive en ligne administrée par l’ANCT.
Le destin d’une métropole est ainsi lié à son territoire, et c’est
justement cette solidari
té de fait qui appelle à renforcer l’Alliance des
territoires et à en faire le prérequis de toute réflexion réellement
décentralisatrice. L’affirmation suivant laquelle
la Cour a « aussi pu
constater les difficultés de mise en place des métropoles […] et l
a faiblesse
des effets d’entraînement attendus sur leurs territoires et leurs
hinterlands
» mériterait a minima d’être sourcée et explicitée, même si la
Cour prend l’utile précaution de préciser que ce constat dépend de
l’antériorité de l’histoire intercom
munale. Aucune métropole française ne
se développe au détriment de son territoire. Et si l’on peut trouver des
territoires se développant mieux que leur métropole, l’inverse n’est en
revanche jamais vrai.
Deuxième chapitre
–
les finances locales, un mode de financement
à redéfinir
Grâce à une mise en perspective sur la « durée longue », ce projet
de chapitre éclaire opportunément ce qui caractérise le profil financier des
collectivités françaises :
- un poids de la dépense publique locale qui demeure en retrait par
rapport aux autres pays européens (cf. graphique n° 4), conduisant à ce
que la France demeure un pays moins décentralisé que ses voisins ;
-
une constante maitrise de l’endettement public local, conduisant
la Cour, d’une part, à rappeler que «
[
…
] alors que la dette des
collectivités locales représentait environ un tiers de la dette publique en
1980 (…) elle n’en représente plus que 8,7
% en 2021 [
…
] », et lui
permettant, d’autre part, d’exprimer que «
[
…
]
la maîtrise de la dette n’est
plus l’enjeu
principal des finances publiques locales » ; ce qui est, à notre
sens, d’autant plus notable que les collectivités portent la majorité de
l’investissement public.
Il dresse également un constat qui, 40 ans après les grandes lois de
décentralisation, s’avè
re très insatisfaisant, à savoir :
-
celui d’une régression de la responsabilisation locale
: « Le
principe
d’autonomie
financière,
consacrée
par
la
révision
constitutionnelle de 2003, n’empêche pas la perception par les élus locaux
d’une perte de maîtrise
de leurs ressources » ;
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COUR DES COMPTES
194
-
celui d’une immaturité qui perdure dans les relations avec l’État
et les collectivités (cf. les développements du point C-4 a)- intitulé « Un
dialogue insuffisant entre le Parlement, le Gouvernement et les
collectivités territoriales »).
France urbaine rejoint également le diagnostic de la Cour selon
lequel les produits fiscaux sont de moins en moins liés aux territoires et
aux compétences exercées et que les « ressources des collectivités ont été
progressivement déterritorialisées, des parts du produit fiscal national
étant substitues aux recettes fiscales locales » (conclusion). La clarté du
propos fait écho à l’analyse développée au B
-1-, notamment : « En
substituant des fractions de fiscalité nationale, sur lesquelles les
colle
ctivités ne disposent d’aucun pouvoir de taux, à des recettes de
fiscalité locale, elles ont retiré des marges de manœuvre financières aux
collectivités. Ce faisant, elles ont distendu le lien, pour les habitants comme
pour les entreprises, entre contribution à la charge publique locale et
service public rendu aux usagers ».
Aussi, France urbaine partage, d’une part, la nécessité de
réinterroger l’architecture de ressources des collectivités en général et du
bloc local en particulier, et, d’autre part, l’urgence d’une reconsidération
de la gouvernance des relations financières entre l’État et les collectivités.
Dès lors, l’association confirme le propos selon lequel nombre des
propositions du récent rapport de la Cour intitulé « Le financement des
collectivités territoriales :
des scénarios d’évolution » rencontrent son
adhésion. Il y a dans ces recommandations des axes de réforme qui
rejoignent les propositions que France urbaine porte, telle que, par exemple,
la nécessité de sortir du piège des compensations de la fiscalité « morte ».
Pour autant France urbaine estime que lorsque la Cour met en
avant la nécessité d’affirmer la contribution des collectivités à une
trajectoire soutenable des finances publiques, il aurait été pertinent qu’elle
fonde son propos non pas uniquement sur le fait que « les règles
européennes sont à considérer globalement au titre des finances de l’État,
mais également de celles des organismes de sécurité sociale et de celles
des collectivités territoriales
», mais qu’elle se fasse également l’écho de
la double finalité mise en avant par la Commission Européenne elle-même.
À savoir, non seulement « assurer une réduction de la dette progressive et
crédible » mais également «
accroître l’investissement public en faveur de
la
transition
énergétique »
(pour
reprendre
les
termes
de
la
« Recommandation du Conseil concernant le programme national de
réforme de la France pour 2022 », en date du 23 mai dernier).
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195
En effet, à notre sens, le débat sur l’association des collectivités à
la trajectoire globale des finances publiques ne peut pas être déconnecté
de la réflexion européenne sur l’indispensable accélération des
investissements publics induits par la crise climatique.
Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre
connaissance à la lecture de ces deux chapitres.
RÉPONSE
DU PRÉSIDENT DE L’AS
SOCIATION VILLES
DE FRANCE
Villes de France - qui rassemble les maires de villes de
10 000 habitants
à
100 000
habitants,
et
leurs
présidents
d’intercommunalités
-
défend
la
place
et
le
rôle
des
villes
infra-métropolitaines, charnières entre les grandes métropoles et les espaces
ruraux, qui bénéficient en particulier du programme «
Action cœur de ville
»
qui a été renouvelé pour cette mandature. Je vous remercie d’avoir invité
Villes de France à formuler ses remarques à propos du au rapport public
annuel 2023 consacré à la décentralisation.
Dans le premier chapitre consacré à l’analyse des évolutions
juridiques entourant la décentralisation, la Cour des Comptes souligne que
« la France est un pays moins décentralisé que ses voisins européens » et
que «
comparativement la France ne s’est pas dotée de l’organisation
décentralisée proclamée par la révision constitutionnelle de 2003 » (plus
faible part des dépenses locales et des compétences à l
’étendue limitée).
Cette perception «
d’un nouvel élan à retrouver
», à laquelle Villes de
France adhère, témoigne d’améliorations à la fois structurelles et
conjoncturelles, qui peuvent et doivent être apportées au fonctionnement
de nos collectivités loca
les, et cela dans l’intérêt de la démocratie locale.
En effet, l’ambition du législateur de 1982 de spécialiser la gestion
des compétences par niveau de collectivités et blocs de compétences (pour
les départements et par la suite pour les régions) a été contrecarrée par
l’exercice de la clause de compétence générale, qui a démultipliée les
échelons et les niveaux d’exercice de l’action publique (politique du
logement, de l’habitat et développement économique figurent parmi les
exemples que vous citez). La spécialisation réengagée depuis 2008, puis
les efforts de rationalisation des périmètres depuis 2014 pour les
départements et les régions, la diminution du nombre de collectivités
(EPCI, régions, et communes nouvelles), et le maintien de la clause de
compétence générale au niveau du bloc local, sont allés dans le bon sens.
Aujourd’hui, les demandes de collectivités visant à bénéficier de nouvelles
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COUR DES COMPTES
196
délégations de compétences, ou à exercer celles-ci de manière différenciée,
restent relativement minoritaires.
En ce qui concerne le rôle et de la place des services déconcentrés
de
l’État, dont la Cour reconnaît une «
gestion mal maîtrisée de la
réduction des moyens » et « peu cohérente avec les effets de la
décentralisation » sur la période passée, les élus des Villes de France
restent effectivement attachés à l’idée de garder une proximité avec les
services territoriaux de l’État. La crise sanitaire a d’ailleurs révélé
l’importance du binôme maire
- services du préfet dans la gestion de celle-
ci. Une administration territoriale trop distante contrevient non seulement
au principe de subsidiarité, mais est également source d’incompréhensions
tant pour les usagers que pour les collectivités locales. Il ne s’agit pas
forcément de garder une proximité avec les services, mais de conserver
dans la pratique, une relation de proximité avec leurs décideurs (préfets,
sous-préfets, magistrats financiers). Les élus locaux souhaitent ainsi
conserver une proximité avec cet interlocuteur privilégié, capable
d’engager l’État dans son
entier, par exemple apte à engager les
subventions d’équipement de l’État à l’échelon départemental.
En termes d’organisation des services publics locaux, l’enjeu pour les
Villes de France reste d’améliorer l’ingénierie communale dans la conduite
et la ge
stion d’investissements d’envergures comme ceux liés à la transition
énergétique, et de garder un appui et un conseil par les services de l’État
:
la question des moyens humains, financiers, techniques et opérationnels dont
disposent les villes moyennes po
ur mener leurs projets est toujours au cœur
des préoccupations des élus de notre réseau. Cette préoccupation doit être
prise en compte à plus forte raison dans des politiques locales qui concernent
l’énergie ou le climat. À la différence des Métropoles et
des plus grandes
collectivités, les villes moyennes et leurs intercommunalités ne disposent pas
toujours de l’offre d’assistance technique, avec des établissements publics
locaux, des agences d’urbanisme et des opérateurs publics et privés bien
identifiés par les services techniques.
S’agissant du principe de libre administration et des garanties
apportées par le niveau des ressources propres que vous abordez dans le
second chapitre, nous estimons que ce principe a été sérieusement malmené
ces dernières an
nées, et que nous ne disposons en réalité plus que d’une
autonomie de gestion pour exercer des compétences générales au niveau du
bloc communal. Les réformes fiscales et financières intervenues depuis une
quinzaine années, ont comme vous l’indiquez conduit
à réduire
considérablement
l’autonomie
fiscale
des
collectivités
(disparition
progressive des impôts directs locaux liés aux compétences exercées, avec
un pouvoir de taux comme la TP, la TH), et à réduire parfois même notre
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
197
autonomie financière, avec la remise en cause possible de dotations et de
compensations fiscales dans les lois de finances successives.
Villes de France estime par ailleurs, que les transferts de charges
de l’État à destination des collectivités locales, sont de moins en moins
bien compensés, et de plus en plus réguliers (passeports biométriques,
missions de police, fonctionnement des centres de vaccination…), ce qui
aboutit dans les faits à dénaturer la libre administration des collectivités
locales. Chaque transfert de compétences doit normalement être évalué et
compensé, selon le triptyque « compétences
–
ressources
–
moyens ».
Quelle que soit la tendance affectant l’évolution des ressources des
collectivités du bloc local pour cette mandature (question devenue centrale
avec la repris
e soutenue de l’inflation), il est indispensable de garder un
lien entre les ressources fiscales perçues sur un territoire, et les
compétences exercées (fiscalité environnementale et économique pour les
EPCI, fiscalité foncière, recettes domaniales pour les communes), et
d’assurer surtout une prévisibilité de nos ressources, à travers une loi de
finances spécifique, ou bien à défaut un pacte ou contrat pluriannuel que
vous appelez aussi de vos vœux.
S’agissant de la contribution des collectivités locales au
redressement
des finances publiques, les élus de Villes de France entendent la volonté des
pouvoirs publics de limiter l’évolution de la dépense et de réduire
l’importance de la dette publique dans sa globalité. À la vue du contexte
actuel particulièrement contraignant pour les budgets municipaux, le rythme
de réduction des dépenses réelles de fonctionnement qui était envisagé un
temps dans le PLF pour 2023, apparaissait non seulement exagéré mais
aussi pénalisant pour le fonctionnement de nos services publics locaux.
Enfin, s’agissant des relations financières au sein du bloc communal,
Villes de France estime prioritaire de régler les difficultés rencontrées par
les « villes-centres » au sein de leur EPCI. La correction des charges de
centralité doit être
apportée par le biais des concours financiers de l’État
(DGF) et corrigée via une politique de redistribution nationale plus
ambitieuse. Les dispositifs locaux de péréquation doivent quant à eux être
refondus pour plus de lisibilité (Fonds de concours, DSC, et FPIC).
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L
’
ASSOCIATION
PETITES VILLES DE FRANCE
L’APVF confirme son attachement et son intérêt aux travaux de la
Cour des comptes et se félicite du choix de la décentralisation et des
finances locales comme thèmes de travail du rapport public annuel 2023.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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COUR DES COMPTES
198
Ces deux chapitres auraient néanmoins mérité d’être traités au sein d’un
chapitre unique.
En effet, pour l’APVF, ces sujets ne peuvent être
appréhendés de manière hermétique et cloisonnée sauf à donner une vision
incomplète de la décentralisation, ou à en vider la substance.
Au même titre que le principe de libre administration, le principe
d’autonomie
financière
fait
partie
des
grands principes
de
la
décentralisation. Ils sont intimement liés dans la mesure où la libre
administration impose des compétences mais également des moyens
suffisants : des moyens humains, des moyens juridiques qui interdisent
notamment que la liberté contractuelle des collectivités territoriales
subisse « une contrainte excessive » et enfin, des moyens financiers qui
«
ne
doivent
pas
être
restreints
au
point
d’entraver
la
libre
administration » (décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991).
D’ailleurs, la Cour des comptes elle
-même constate que, depuis
2010, et contrairement à la méthode qui prévalait jusque-
là, l’approche
retenue a presque exclusivement été centrée sur la question de la
répartition des compétences, laissant parfois se créer un déséquilibre entre
les prérogatives transférées et la capacité des collectivités territoriales
concernées à les exercer. Les actes I et II avaient reposé, eux, sur un
triptyque « compétences-ressources-moyens ».
L’APVF craint que cet écart croissant entre l’exercice des
compétences et la capacité à agir des collectivités territoriales ne dénature
le sens de la décentralisation et ne distorde la démocratie locale, avec tous
les risques que cela peut comporter, et notamment le risque d’un véritable
« blackout territorial », tant du côté des élus locaux, que des agents
territoriaux et de la population.
Nous partageons le constat de la Cour selon lequel le couple
« commune-département »
a
laissé
place
au
couple
« région-
intercommunalité » alors même que les besoins de proximité avec les
citoyens supposent au contraire de renforcer la commune.
Nous regrettons, comme la Co
ur, l’éloignement de l’État des
territoires au point de nourrir un véritable sentiment d’abandon. La
contrainte budgétaire l’a conduit à restreindre ses moyens et à
rationnaliser à l’extrême sa présence dans les territoires et il peine à jouer
son rôle de garant de la cohésion territoriale.
L’APVF n’appelle pas «
au grand soir de la décentralisation », mais
invite l’ensemble des parties prenantes à réfléchir au sens que l’on
souhaite lui donner. Car, aujourd’hui, au
-
delà des correctifs qu’il est
encore et
toujours possible d’apporter au fonctionnement de notre
organisation territoriale, les élus locaux se sentent profondément
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
199
dépossédés de leurs moyens d’action et de leur capacité à réaliser l’intérêt
général et à répondre aux besoins de leur population.
Un toilettage de la décentralisation, via de nouveaux transferts de
compétences sans moyens de les exercer, n’est pas souhaitable. En
revanche, l’APVF serait très favorable à la réouverture du chantier de la
révision constitutionnelle qui avait été engagé en 2018.
Cette grande réforme devrait répondre à plusieurs enjeux :
Pour renforcer la responsabilité des m
aires, l’APVF propose une
redéfinition du principe d’autonomie financière locale et des modalités de
financement des transferts de compétence ;
Pour r
éduire les inégalités territoriales, l’APVF suggère de
refondre la fiscalité locale et de repenser les mécanismes de péréquation.
D’ailleurs, si l’APVF partage un certain nombre de constats avec
la Cour des comptes sur les finances locales (complexité des dotations
etc.), elle aurait souhaité qu’elle se penche davantage sur l’autonomie
financière, dont le terme n’apparaît que 12 fois seulement sur 42 pages. Il
n’y aura pas de décentralisation sans autonomie financière.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’
ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE
Vous avez bien voulu transmettre à l’AMF deux chapitres destinés
à figurer dans le rapport public annuel 2023 que la Cour des comptes
consacrera au bilan de quarante années de décentralisation. Nous vous en
remercions vivement.
Vous trouverez ci-
joint les observations de l’AMF dans le format
souhaité de trois pages. Nous regrettons officiellement ce format sur un
sujet qui est au cœur de l’objet de notre Association.
I) Concernant le chapitre intitulé « la décentralisation 40 ans :
un élan à retrouver », plusieurs constats relevés par la Cour rejoignent
ceux de l’AMF sur l’essoufflement du processus de décentralisation
et une réorganisation territoriale des services de l’État peu cohérente
avec les effets de la décentralisation.
Pour l
’AMF, la décentralisation n’est pas une réforme technique
mais un projet politique, une revitalisation de la démocratie, une certaine
vision de la société et de l’équilibre des pouvoirs. Au
-delà des textes, elle
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COUR DES COMPTES
200
doit véritablement rapprocher la décision publique des citoyens
(compétences réelles, moyens et ressources adaptés) pour améliorer
l’efficacité de la gestion locale.
Force est pourtant de reconnaître que les objectifs premiers se sont
effacés au profit d’une vision comptable et standardisée de l’or
ganisation
territoriale avec comme buts la rationalisation des structures locales, des
politiques publiques et des moyens, laquelle serait source d’économie
budgétaire. Il est d’ailleurs frappant que la Cour persiste à prôner cette
approche en pointant le nombre trop important de communes et une vision
dépassée de l’intercommunalité. Sur ce point, l’AMF renvoie la Cour à la
réponse qu’elle lui a adressée en septembre 2022 sur le fascicule 2 du
rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements. La tendance à inverser le processus
de décentralisation depuis 15 ans s’est traduite dans de nombreux
domaines par une forme de recentralisation (explosion des normes,
nationalisation
de
la
taxe
d’habitation,
e
tc.).
Parallèlement
et
paradoxalement, l’État continue de procéder à des transferts insidieux, ce
fut le cas de la Gemapi, de la sécurité publique et plus récemment du
traitement de l’érosion du littoral, sans réelle compensation.
L’AMF porte avec détermination le projet d’une nouvelle loi sur les
libertés locales. Cette nouvelle étape de la décentralisation doit revitaliser
le processus et lui donner plus d’ambition en s’appuyant sur le principe de
subsidiarité inscrit dans la Constitution.
1 - Dans un premier temps, cette nouvelle voie peut être empruntée
en utilisant les textes existants grâce à un changement des pratiques de
l’État. Les communes et les intercommunalités n’ont pas besoin de
complexification excessive pour gérer leurs responsabilités. Elles sont
capables d’assumer des politiques publiques, non seulement celles qui leur
sont confiées mais également celles pour lesquelles l’État n’a plus de
moyens suffisants pour les exercer de manière satisfaisante. L’AMF
propose de laisser aux communes et a
ux intercommunalités le soin d’écrire
la norme locale pour l’exercice de leurs compétences afin de les adapter
localement (exemples : urbanisme dans les territoires ruraux, déclinaison
locale des ZFE, etc.). L’expérimentation est une voie mais elle ne peut
pas
être la seule. Un objectif d’encadrement de l’évolution des normes
apparaît également nécessaire.
2 - La commune tient une place singulière dans notre histoire et nos
institutions -
espace de vie, de débats, d’échanges, de secours
-, repère
essentiel pour nos concitoyens ; elle doit être consacrée dans la
Constitution comme cellule de base de notre démocratie. L’AMF porte
l’objectif de renforcer les capacités d’action des communes et accompagne
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
201
notamment la création de communes nouvelles (issue de la libre volonté
des élus en lien avec leur population). Il s’agit ainsi de défendre la vitalité
locale et l’égalité des habitants quel que soit leur lieu de vie. Cependant
des incitations supplémentaires sont nécessaires, car le dispositif financier
est aujourd
’hui très insatisfaisant. Il est donc urgent de protéger les
communes nouvelles des pertes de dotations et de les accompagner par un
réel soutien de l’État, sans pénaliser les autres collectivités.
3 -
L’AMF ne partage pas les recommandations de la Cour su
r la
coopération intercommunale selon une approche rigide et tutélaire. La
construction intercommunale est un acquis, sa valeur ajoutée est
incontestable. Une nouvelle phase dans son évolution doit être engagée :
réduire le cadre des compétences aux grands enjeux de développement,
d’aménagement et de solidarité intercommunale (économie, mobilité,
aménagement et grands projets structurants, habitat, environnement) ;
généraliser le recours à la notion d’intérêt communautaire et introduire
plus de souplesse dans les transferts de compétences ; remettre de la
souplesse dans la délimitation des périmètres (les SDCI n’ont plus de
raison d’être).
4 - Au titre de la différenciation territoriale, la Cour propose de
supprimer un échelon en créant des métropoles-départements et de confier
aux départements ruraux, faiblement peuplés, les compétences et les
ressources des EPCI. De tels projets semblent assez peu réalistes dans le
contexte actuel et l’on peut s’interroger sur l’efficience d’une telle réforme
qui amène à l
a création de structures mastodontes à l’échelle
départementale. Permet-elle réellement une plus grande efficacité, une
meilleure réactivité de l’action publique, génère
-t-elle véritablement des
économies d’échelle et une plus grande performance ? L’AMF ne
pourra
qu’être opposée à un tel schéma s’il revient à éloigner les lieux de décision
pour les habitants et les entreprises ainsi qu’à écarter les communes et les
maires de la gouvernance de compétences intercommunales. Ces deux
hypothèses apparaissent à contre-courant des aspirations de nos
concitoyens qui veulent des solutions efficaces et faciles d’accès en
proximité.
5 -
Une clarification de la partition des responsabilités avec l’État
apparaît indispensable en matière de politique du logement ; elle doit
s’effectuer selon le principe de subsidiarité. Ainsi, l’État doit fixer la
stratégie nationale et confier aux collectivités la liberté de la décliner de
manière opérationnelle. Il n’y a pas besoin de déclarer un chef de file mais
de rationnaliser la pol
itique du logement et l’exercer au bon échelon
opérationnel sur ses multiples aspects (lutte habitat indigne, attribution de
logement sociaux, construction de logements sociaux, dispositifs de
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202
défiscalisation, etc.). Il faut également laisser de la souplesse dans
l’organisation des compétences au bloc local.
Plus précisément, l’AMF estime qu’il faut laisser aux communes et
aux EPCI compétents en matière d’habitat la possibilité, lors de
l’élaboration du PLH et en lien avec le préfet de département, d’ajust
er la
cartographie des zonages administratifs concernant les fiscalités
incitatives (Denormandie, Pinel, logement locatif intermédiaire) et des
plafonds de ressource des demandeurs de logement social. Elle considère
qu’il conviendrait de transférer aux int
ercommunalités et aux communes,
l’accompagnement financier à la rénovation et à la réhabilitation des
logements et sortir de la logique de zonage pour laisser à toutes les
communes la possibilité de mettre en place des dispositifs comme
l’encadrement des l
oyers ou les opérations de revitalisation des territoires.
Les maires doivent par ailleurs rester l’autorité d’attribution des
logements locatifs sociaux. Il faut dans ce sens généraliser les avis
conformes des maires pour les décisions de bailleurs concernant la cession
de logements sociaux et intermédiaires, les conventions d’utilité sociale,
les orientations des politiques d’attribution….
Dans leurs rapports avec les autres collectivités, la souplesse que
peut offrir le dispositif de chef de file est intéressante en théorie pour mettre
en œuvre la subsidiarité. L’AMF s’interroge toutefois sur l’étendue des
attributions des chefs de file évoquées par la Cour au regard des principes
de libre administration et de non tutelle d’une collectivité sur une autre.
Les communes et les intercommunalités ne peuvent pas être placées comme
des exécutantes de schémas régionaux ou départementaux décidés sans
elles, mais doivent être des partenaires et des codécideurs. Dans ce cadre,
l’AMF ne partage pas la suggestion de r
egrouper au niveau départemental
ou régional la compétence de gestion des établissements scolaires.
6 - Enfin, la décentralisation va de pair avec la déconcentration.
L’AMF constate, comme la Cour, le besoin d’État dans les territoires. Elle
estime importa
nt de s’appuyer sur le travail maire
-préfet et a soutenu la
création d’instance de dialogue aux côtés du préfet
-collectivités et services
de l’État
-
en matière d’urbanisme et d’aménagement. Les pouvoirs et
l’autorité des préfets de département mériteraient
d’être renforcés sur les
directions régionales mais aussi sur l’intégralité des services de l’État
dans le département (santé, industrie, environnement, éducation). Enfin,
l’accès aux services publics ne peut pas être intégralement compensé par
des platef
ormes numériques. Il faut réinvestir les services de l’État
territorial : renforcer le nombre des interlocuteurs des collectivités et
accompagner leurs projets (sur le plan technique et financier).
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
203
II) Concernant le chapitre intitulé « les finances locales,
un mode de financement à redéfinir ».
L’AMF déplore la confusion entre excédents
et santé financière des
collectivités locales. La Cour indique que les «
(…) évolutions profondes
n’ont pas dégradé la situation financière des collectivités territoriale
s, qui
s’est, au contraire progressivement renforcée, y compris pendant et après
les différentes crises subies par notre pays (…)
». L’importance des
excédents n’est pas forcément révélatrice d’une «
situation très favorable »
mais plutôt d’une situation f
inancière équilibrée. En réalité, le niveau
d’épargne a été renforcé pour faire face aux crises (et non l’inverse) d’une
part, et à la réduction continue des marges de manœuvre, d’autre part.
Avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences p
rincipales
à hauteur de 23
Md€, le pouvoir de taux n’a été conservé que sur 15
Md€
avec le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties du
département. Ainsi, la différence, 8
Md€ environ, est pilotée par l’État sous
forme d’une compensation par
prélèvement sur les recettes de la TVA.
S’ajoute la suppression de 3,4
Md€ d’impôts économiques compensés par
un prélèvement sur recettes du budget de l’État.
En excluant du calcul la CVAE sur laquelle il n’y a pas de pouvoir
de taux, les ordonnateurs locaux ont ainsi perdu leur pouvoir de délibérer
sur 11,4
Md€ de recettes locales, soit plus de 15
% du produit des impôts
et taxes locales. La réduction du levier fiscal change le modèle économique
de construction des budgets puisque les ordonnateurs locaux ne peuvent
plus déterminer l’évolution d’une part importante des ressources locales
pour financer les besoins locaux.
Reste la possibilité d’arbitrer sur le niveau de l’épargne. La réduction
progressive du levier fiscal et des marges de manœuvre implique
une
attention renforcée du niveau d’épargne. L’épargne est devenue le principal
levier en lieu et place du levier fiscal. Le niveau d’épargne a ainsi tendance
à augmenter plus vite que l’investissement depuis 2014. Et même si
l’investissement diminue, l’épargne continue d’augmenter. Par exemple,
pendant toute la période de baisse des dotations, le bloc communal a dégagé
des excédents et le niveau d’épargne est resté élevé, à environ 15
% des
recettes de fonctionnement. Toutefois, cette période s’est aussi s
oldée par
l’effondrement inédit des investissements (
-16
Md€ pour le bloc communal).
Pour l’AMF, l’analyse de la situation financière des budgets du bloc
communal ne peut donc se résumer à la constatation d’excédents mais doit
aussi porter sur l’évolution
de l’offre de services à la population et de
l’investissement. En toute hypothèse, il ne saurait être fait grief aux
collectivités d’avoir su affronter les difficultés en préservant l’équilibre des
comptes.
L’AMF conteste l’analyse de la Cour sur le déséq
uilibre entre les
collectivités et
l’État central qui conduirait à ponctionner les unes pour
donner aux autres « [
…
]
La règle d’équilibre budgétaire et les réformes
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204
favorables aux collectivités que le législateur a votées ont permis de
préserver les financ
es des collectivités territoriales alors que l’État,
directement exposé aux crises, porte aujourd’hui une part essentielle de la
dette publique
». L’AMF rappelle que les collectivités locales ont déjà été
ponctionnées pour plus de 47
Md€ depuis 2014 au mot
if qu'elles devaient
contribuer à un « redressement des comptes publics » :
Total DGF perçue de 2008 à 2013 (a)
244,5
Md€
Total DGF perçue de 2014 à 2019 (b)
194,0
Md€
TVA pour les régions en remplacement de la DGF (c) 8,4
Md€
Perte de DGF entre les deux mandats = a-b-c
-42,1
Md€
Gel de la DGF= perte 1 Md€ par an en moyenne
à rapport par
l’inflation de 2018 à 2021
-4,0
Md€
Gel de la DGF en 2022
-1,4
Md€
Ponction totale
-47,6
Md€
Si l’on ajoute les pertes induites par l’écart à l’inflation pendant
les
quatre
années de baisse des dotations de 2014 à 2017, ainsi que l’écart à
l’inflation en 2023, la perte approche les 50
Md€. Les comptes de l’État
n’ont pas fait apparaître pour autant une réduction de son déficit, celui de
2019, juste avant la crise
sanitaire, restant au même niveau qu’en 2014
(3,5 % du PIB). Les collectivités locales ne devraient pas être ponctionnées
pour financer les dépenses d'un État qui s'endette pour son fonctionnement
et ne se réforme pas pour retrouver l'équilibre budgétaire et endiguer la
spirale de sa dette. Suivre cette approche reviendrait même à entretenir le
laxisme budgétaire de l'État en lui donnant les moyens de continuer sur sa
trajectoire de dépenses sans avoir à améliorer son fonctionnement, au
détriment des collectivités qui fournissent des services publics essentiels et
constituent le dernier lien de proximité avec les habitants. En outre, la
méthode pourrait aussi, à terme, propager le déficit à l’ensemble des
acteurs publics.
Si l’AMF souscrit aussi au constat d
e la Cour sur la nécessité de
« redéfinir le mode de financement des collectivités locales au regard de
leurs compétences », la redéfinition de la gouvernance des finances
publiques et du modèle de financement des collectivités locales est
cependant un choix de société dont il appartient aux élus, et non au pouvoir
judicaire, d’en définir les contours et le contenu. Dans ce cadre, l’AMF
porte la proposition des élus du bloc communal d’un pacte financier entre
l’État et les collectivités territoriales pour g
arantir la stabilité, la visibilité
et la prévisibilité pluriannuelles du système de financement local,
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
205
indispensable à la mise en œuvre des politiques publiques locales. Par
ailleurs, la multiplication des normes n’est pas identifiée dans les
évolutions de la dépense publique. La gouvernance des finances publiques
pourra s’intéresser à l’impact de la multiplication des normes sur
l’augmentation des dépenses publiques et fixer des objectifs de plafonds de
coût des normes. L’AMF propose avec le CFL et le CNE
N que leurs avis
soient transmis au Parlement et que soit établi un lien direct entre le CFL,
le CNEN, l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’AMF porte aussi la proposition d’une réforme fiscale d’ensemble
reflétant
l’autonomie
de
gestion
des
collectivités
l
ocales.
La
décentralisation passe nécessairement par l’autonomie financière et
fiscale des collectivités, la responsabilité fiscale des décideurs locaux et
leur capacité à lever l’impôt. Il ne peut y avoir de réelle décentralisation
sans responsabilité politique locale. Il est indispensable de restaurer
l’autonomie fiscale et financière des collectivités, mise à mal par les
restrictions drastiques des ressources locales et par les réformes fiscales
et financières de ces dernières années. L’AMF propose qu'à
chaque strate
de collectivité corresponde un impôt, le panier fiscal devant reposer
équitablement sur les entreprises et sur les ménages.
Enfin, la " fiscalité locale " tend à devenir un terme générique qui
englobe non seulement le produit des impôts locaux mais également les
compensations. Pour plus de sincérité, l’AMF propose une redéfinition des
recettes propres en excluant les recettes pour lesquelles c’est la loi, et non
pas le conseil municipal ou intercommunal, qui détermine le taux ou la
part local
e d’assiette.
Pivot des relations financières entre l'État et les collectivités
locales, la DGF a été instituée par le législateur afin de répondre à
l'obligation constitutionnelle de compensation des ressources supprimées.
À l’inverse de la position de l
a Cour, le financement de la péréquation au
sein de la DGF doit être rééquilibrée en faveur de la péréquation verticale
et passe donc nécessairement par une augmentation de l’enveloppe.
Enfin, l’AMF regrette que la Cour n’ait pas mesuré comptablement
les bénéfices de la décentralisation.
La décentralisation est en effet un atout pour la croissance.
La démocratie de proximité libère les initiatives et participe au
développement du tissu économique local. Les communes et les
intercommunalités ont ainsi été au premier rang pour faire émerger des
dynamiques locales :
le développement du tourisme, l’accompagnement
des communes sur le développement du domaine skiable, la modernisation
des stations balnéaires, etc.
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206
Pour les entreprises, la décentralisation permet le développement
des infrastructures, des voies de communication par exemple, la mise à
disposition de foncier, mais aussi l’attractivité des territoires pour les
salariés, permettant aux entreprises de fidéliser une main-
d’œuvre qui
dispose de services
publics locaux leur facilitant l’accès au marché du
travail (crèches, écoles, etc.).
La décentralisation est un frein aux coûts supplémentaires générés
par les normes. La proximité des décideurs permet de raccourcir le circuit
de la décision et de paramétrer au plus près le financement des dépenses
en limitant les coûts supplémentaires générés par les normes.
Les organisations décentralisées favorisent enfin le maintien des
équilibres financiers. Les collectivités financent en effet plus de 70 % de
l’inve
stissement public hors R & D avec 9 % de la dette publique et des
prélèvements obligatoires à 6,7 % du PIB.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE DE TOULOUSE
Par votre courrier du 10 janvier 2023, vous avez bien voulu
m'adresser des extraits du rapport public annuel 2023 que la Cour des
comptes entend consacrer au bilan de la décentralisation.
Il s'avère, en effet, que Toulouse et la réalisation de la troisième
ligne de métro sont citées comme révélatrices des difficultés de
coordination des actions des collectivités territoriales et de l'incohérence
de leurs périmètres d'intervention, conduisant à des investissements qui ne
répondraient qu'imparfaitement aux besoins des habitants et des usagers.
J'ai noté que la rédaction du rapport a légèrement évolué au regard
du rapport d'observations provisoire transmis le 2 novembre dernier, au
travers de l'insertion d'une phrase selon laquelle « cette situation a cessé
et que les acteurs publics locaux portent désormais ensemble les projets de
mobilité ».
Pour autant, le constat posé par la Cour, qui m'avait fait réagir et
avait motivé ma réponse du 30 novembre 2022 n'est pas fondamentalement
remis en cause par ce simple ajout, pointant une situation passée.
Je ne peux donc que m'inscrire en faux contre une telle affirmation
et réitérer les éléments avancés afin qu'ils figurent expressément dans le
rapport public annuel 2023.
En premier lieu, la Cour revient sur un prétendu défaut de
concertation avec la région. Il n'en est rien.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
207
Le projet de troisième ligne de métro et la définition de son tracé
ont été conçus, dès l'origine, en collaboration avec la région. La
complémentarité recherchée avec le réseau TER a ainsi permis une
amplification de l'effet du métro au-delà de son corridor. Cela se
concrétise notamment par la création de cinq points de correspondance
avec le réseau ferroviaire. Le couple train / métro participe à apporter une
réponse opportune à l'échelle d'un bassin de mobilité élargi. La conception
de la troisième ligne de métro s'inscrit pleinement dans le schéma
d'organisation de l'intermodalité décrit dans le projet mobilité qui explicite
le rôle des gares dites gares amont autour desquelles s'articulent une offre
TER renforcée et une offre urbaine structurante.
À ce titre, la région contribue au financement du projet de métro
- une première par rapport aux deux lignes existantes - à hauteur de
120
M€
, au titre de l'aménagement des stations conçues en intermodalité
avec le train.
Cette participation est la preuve de la bonne coordination,
exemplaire, entre la région et nous pour ce projet. Le projet de 3
e
ligne, en
réunissant toutes les parties prenantes, de la Métropole à l'État en passant
par le département, constitue donc une avancée très positive pour le climat
très partenarial qui anime notre territoire, au même titre que le portage
commun du nouveau parc des expositions.
De plus, cette coordination avec la région existe en matière tarifaire
comme dans les réflexions prospectives.
Ainsi, d'une part, la région Occitanie et Tisséo ont mis en place, au
fil du temps et en cohérence avec les projets :
-
l'acceptation du titre urbain sur les trains du segment Toulouse
Colomiers ;
-
la tarification dite Pastel + mise en œuvre en 2015 et favorisant
l'usage combiné du train et des transports urbains ; cette
tarification permet, avec un seul abonnement, d'accéder à
l'ensemble des offres de transports ;
-
une billettique interopérable.
D'autre part, pour anticiper les réponses aux enjeux de mobilité du
territoire, l'État, la région Occitanie, le département de la Haute-Garonne,
Toulouse Métropole et Tisséo conduisent, depuis plusieurs années, une
démarche partenariale prospective, tous modes de transports confondus, en
s'appuyant sur des modélisations aux horizons 2030 et 2040.
Il s'agit d'une méthode dont l'objectif est de construire une vision
partagée des mobilités à l'échelle de l'aire urbaine toulousaine. Les cinq
partenaires travaillent conjointement pour rechercher des solutions de
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208
mobilité articulant les différents modes de déplacements (vélo, transport
en commun, train, route, covoiturage) afin d'accompagner les évolutions
des modes de vie, les développements économique et urbain, ainsi que les
nouvelles formes et pratiques de mobilité. Le cadre partenarial de cette
démarche, animée par l'État, assure un réel échange autour des études
menées, qui concourt à la cohérence d'ensemble et à la collégialité des
décisions prises.
Un courrier commun au Premier ministre affirme d'ailleurs
l'attachement des signataires à une vision partagée et co-construite de la
mobilité de l'agglomération toulousaine.
De plus, dans la continuité du travail partenarial des études
multimodales qui portait essentiellement sur la création d'infrastructures, le
comité de pilotage réuni en janvier 2022 a souhaité enrichir les réflexions
par un volet ayant trait aux services et à l'articulation des réseaux.
Un programme de travail est en cours d'élaboration pour explorer
les sujets de tarification, mobilité intégrée, coordination et articulation des
offres, cohérence urbanisme-transports. Il sera proposé à la validation
d'un prochain comité de pilotage.
Ce travail de coordination respecte les domaines de compétence et
d'intervention de chaque acteur, et, partant, de financement.
Ainsi, l'intérêt et la nécessité de cette coordination ne sauraient faire
de doute.
C'est, au demeurant, le sens de l'avis émis par Toulouse Métropole
sur le projet de SRADDET arrêté par la région en décembre 2019. Il y est
notamment rappelé « l'importance qui s'attache à ce que le schéma offre,
en articulation avec son plan de déplacement urbain métropolitain, des
perspectives stratégiques régionales ambitieuses, particulièrement pour ce
qui relève de l'offre ferroviaire. (...) » et le fait « que de la qualité des
stratégies régionales de mobilité et de leur planification opérationnelle
dépendent en majeure partie la réussite des objectifs de desserrement et de
rééquilibrage territorial, ainsi que la mise en
œu
vre efficace des processus
accompagnant la nécessaire transition écologique et énergétique ».
Dans ces conditions, la Cour continue de donner à voir, au travers
de cet extrait, une image erronée de la réalité toulousaine. Se référer au
rapport public de la Cour datant de 2019, qui avait survolé déjà le sujet de
la troisième ligne de métro, n'est pas gage de crédibilité : nous avions déjà,
à l'époque, pointé avec force les incohérences de l'analyse de la Cour.
Ainsi, il n'est pas responsable de se prononcer sur la perfection ou
l'imperfection d'un projet de transport, en une ligne, alors que ce projet a
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
209
fait l'objet de milliers de pages d'études et de débats, pour parvenir à une
situation consensuelle validée par une déclaration d'utilité publique.
En second lieu, l'objectif, prôné par la Cour, de rendre plus
intelligible et plus efficiente l'action publique locale ne peut évidemment
qu'être partagé. Il interroge, en revanche, sur sa résonance s'agissant de
la rationalisation prônée de l'organisation territoriale, d'autant que
l'extrait communiqué ne fait que l'évoquer sans le détailler.
La pratique démontre qu'à chaque politique publique servant les
enjeux métropolitains peut correspondre une « bonne échelle » de mise en
cohérence et de gouvernance territoriale. C'est vrai pour la gestion de
l'eau, en liaison avec les bassins versants par exemple, c'est vrai aussi pour
l'efficacité des politiques de mobilités, c'est encore vrai pour la mise en
œuvre de stratégies aliment
aires et agricoles.
Par ailleurs, la réflexion autour des périmètres des institutions doit
intégrer la question de leur masse critique, des limites à leur extension et
de leur fonctionnement, avec un risque de politiser les débats au sein des
instances dirigeantes au détriment de la coopération. À ce titre, la réponse
à l'émiettement des communes, au-delà de l'attachement que chaque
habitant peut avoir avec sa mairie, constitue un préalable à lever avant
tout mouvement.
L'enjeu est donc moins celui de la recherche du périmètre idéal de
chaque institution que celui de la capacité des acteurs locaux à développer
librement
des
« ententes »
interterritoriales
et
des
démarches
opérationnelles communes.
Votre réflexion m'étonne d'autant plus que la Cour des comptes, en
2019, a su pointer l'inefficacité de la fusion des régions pour obtenir des
économies et un service public plus performant. L'âge des grands
remaniements territoriaux me semble être définitivement derrière nous.
Alors que nous avons entamé les travaux d'un projet extrêmement
ambitieux, pesant plusieurs milliards d'euros d'investissement, s'aventurer
dans des réflexions de gouvernance me semble tout à la fois dangereux et
peu responsable. Nos projets et nos concitoyens ont besoin de stabilité.
Cette stabilité n'obère pas nos capacités à dialoguer, bien au contraire :
elle crée les bonnes conditions pour une coopération sereine.
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