Sort by *
7
Mieux coordonner et hiérarchiser
les interventions des collectivités
territori
ales dans l’accès aux soins
de premier recours
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Délais de rendez-vous parfois longs, difficultés à trouver un
« médecin traitant »
, absence de médecin de garde, les difficultés d’accès
aux soins de proximité sont nombreuses et multiformes. Elles sont dues,
pour une bonne part, à des insuffisances dans l’organisation des soins de
premier recours et au manque de soignants disponibles.
Définis de manière large par l’article L.
1411-11 du code de la
santé publique (CSP), les soins de premier recours recouvrent, outre les
soins des médecins généralistes et de quelques spécialistes accessibles
sans ordonnance, comme les pédiatres, les gynécologues ou les
ophtalmologues, les conseils des pharmaciens, les soins infirmiers et de
kinésithérapie, les soins dentaires ou ceux assurés par les orthophonistes
ou les psychologues. L’expression, qui ne correspond pas à un agrégat
précis du point de vue juridique ou comptable, désigne aussi l’ensemble de
ces interventions, dont la coordination doit permettre de mieux prendre en
charge les patients dans la durée, notamment les malades chroniques.
La définition des règles d’accès à ces soignants et les modalités d’exercice
de leur profession dépendent de l’État, responsable de la politique sanitaire,
déclinée en région par les agences régionales de santé (ARS). Les régimes
d’assurance maladie, en particulier la Caisse nationale d’assurance maladie, au
niveau national, et les caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), dans les
départements, prolongent et mettent en
œuvre les orientations nationales par des
conventions qui précisent les actes remboursés et les conditions d’exercice des
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516
professionnels concernés
317
. La politique destinée à améliorer l’accès aux soins,
en particulier de premier recours, est donc principal
ement portée par l’État et ses
opérateurs, au niveau national et déconcentré.
Même si elles exercent des compétences importantes dans des
champs connexes, comme la formation des professionnels paramédicaux,
pour les régions, l’action sociale et médico
-sociale et la protection
maternelle et infantile (PMI), pour les départements, la salubrité publique
et la gestion de centres de santé, pour les communes, les collectivités
territoriales n’ont qu’une compétence limitée pour agir sur la disponibilité
ou l’organ
isation des soins de premier recours. Elles sont toutefois incitées
à intervenir pour répondre aux demandes de leurs administrés, confrontés
à des difficultés d’accès. La légitimité de ces interventions a été reconnue
par le législateur en 2005, de nombreuses collectivités territoriales de
différents niveaux ayant engagé depuis des actions multiples.
Rapportées aux dépenses de l’État et de l’assurance maladie, ces aides
sont peu significatives : leur montant net, estimé par la Cour à 150
M€
, est
six fois i
nférieur à celui des dépenses que les ARS consacrent à l’amélioration
des soins de premier recours par le canal du Fonds d’intervention régional
(1
Md€) et représente 0,5
% du montant des soins de premier recours pris en
charge par l’assurance maladie (30 Md€)
. Elles peuvent cependant compléter
utilement les interventions de l’État ou de l’Assurance Maladie, en ciblant
plus précisément des besoins locaux mal satisfaits.
Une telle complémentarité ne va pourtant pas de soi. La
superposition de politiques suc
cessivement déployées, d’initiatives
d’abord locales puis nationale, a conduit à étendre le champ des
interventions publiques, sans ciblage satisfaisant (I). Dans ce contexte, les
aides apportées par les collectivités territoriales aux professionnels de
sa
nté n’ont pas évolué pour s’adapter aux interventions confiées
postérieurement aux ARS ou à l’Assurance Maladie (II).
317
Aux termes du deuxième alinéa de l’article L
. 1411-1 du code de la santé publique,
« la politique de santé relève de la res
ponsabilité de l’État
»
. Le troisième alinéa du
même article précise que cette politique tend notamment à assurer
« la réduction des
inégalités sociales et territoriales »
. L’article L
. 1411-2 prévoit que
« les organismes
gestionnaires des régimes d
’A
ssurance Maladie
(…)
poursuivent les objectifs, définis
par l’État et déclinés par les agences régionales de santé, visant à garantir
(…)
une
répartition territoriale homogène de l
offre de services de prévention et de soins »
.
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RRITORIALES DANS L’A
CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
517
Périmètre et modalités de réalisation de l’enquête
L’enquête dont est issu le présent chapitre a été conduite par la Cour
et 11 chambres régionales et territoriales des comptes
318
auprès notamment
d’un échantillon d’une quarantaine de communes, groupements de
communes, départements et régions ayant pris des mesures pour favoriser
l’accès de leur population aux soins de premier recours, ains
i que des acteurs
locaux prodiguant cette catégorie de soins.
L’analyse présentée ne porte pas
sur les politiques nationales de santé, qui ne sont évoquées que pour éclairer
le contexte global dans lequel s’insèrent les interventions des collectivités
territoriales. Elle ne vise pas non plus les politiques menées pour limiter les
difficultés financières ou sociales d’accès aux soins, qui ont fait récemment
l’objet de plusieurs enquêtes de la Cour
319
.
I -
Des interventions progressivement
diversifiées, encore en-deçà des besoins
Il existe de fortes inégalités territoriales dans l’accès aux soins, y
compris pour les soins de premier recours, supposés pourtant plus
largement accessibles. Ces inégalités sont vivement ressenties par les
patients et les élus dans les territoires les moins bien desservis (A).
Pourtant, diverses mesures se sont succédé, visant à assurer aux Français
un égal accès aux soins de premier recours. L’accent a d’abord été mis sur
des politiques ciblées, orientées vers les territoires les moins bien dotés en
ressources médicales (B). Une politique plus globale a ensuite été
déployée, qui vise à organiser, dans chaque territoire, la coopération entre
professionnels de santé, plus qu’à mettre en œuvre des mesures ciblées (C).
318
Les chambres régionales des comptes de Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Centre-Val
de Loire, Corse, Grand Est, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-
Côte d’Azur,
Pays de la Loire et Occitanie et la chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie.
319
Cf. le chapitr
e du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale
(RALFSS) de 2016 intitulé
La participation des assurés au financement de leurs dépenses de
santé : une charge croissante, une protection maladie à redéfinir
, le rapport public thématique
publié en décembre 2021 sur
La politique de prévention en santé
et la communication à la
commission des affaires sociales du Sénat de juillet 2022 sur
La réforme du 100 % santé
.
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518
A -
Des difficultés multi
formes dans l’accès aux soins
Les inégalités géographiques sont, aux côtés des inégalités financières
ou sociales, l’une des causes des difficultés d’accès aux soins. Elles sont
étroitement liées à la répartition hétérogène des professionnels de santé sur
le territoire. S’agissant plus spécifiquement des soins de premier recours, les
inégalités d’accès concernent en premier lieu les médecins généralistes, qui
sont les premiers sollicités par les patients en cas de troubles et de douleurs
inopinés : la densité de professionnels, rapportée à la population, de même
que les distances moyennes d’accès aux praticiens les plus proches, sont très
variables. L’indicateur mesurant l’
» accessibilité potentielle localisée
320
»
(ou APL), complexe mais désormais fréquemment utilisé, traduit cette
réalité. Selon l’Insee
321
, en 2019, en Corse par exemple, l’accès à un
médecin, ainsi calculé, était quatre fois plus facile pour les 10 % de la
population les mieux desservis que pour les 10 % les moins bien desservis.
De manière conventionnelle, on qualifie fréquemment les territoires
pour lesquels l’APL aux médecins généralistes est inférieur à 2,5 de
« déserts
médicaux ». La carte ci-dessous montre que des territoires étendus se
trouvent dans cette situation.
320
L’examen des seules densités peut cacher des différences importante
s, liées à
l’âge
moyen des habitants ou encore à
la disponibilité variable des médecins (certains n’ont
qu’une activité partielle, par exemple).
Construit par la Drees
et l’Irdes, l’APL, qui
s’exprime comme une densité (de consultations accessibles par hab
itant), corrige les
données de ces facteurs (pour les détails de construction de l’indicateur, voir notamment
les cahiers de la Drees, n° 17, mai 2017
; et pour ses limites, un document de l’Irdes sur
les
Inégalités spatiales d'accessibilité aux médecins spécialistes
, de mai 2022).
321
La France et ses territoires
, édition de 2021.
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519
Carte n° 1 :
accessibilité potentielle localisée aux médecins
généralistes (libéraux ou exerçant en centre de santé) en 2021
Source : Drees (données par communes)
Ces inégalités territoriales touchent aussi, et souvent davantage,
d’autres professions, comme les infirmières libérales, les
kinésithérapeutes
ou les chirurgiens-dentistes, avec des écarts eux-mêmes plus ou moins
marqués et sans relation évidente entre eux. Selon les choix
méthodologiques et les périmètres professionnels retenus, les estimations
des territoires déficitaires sont donc très différentes :
les difficultés d’accès
aux soins toucheraient de 3 % (selon la direction de la recherche, des
études, de l’évaluation et des statistiques
Drees
, avec une méthodologie
ad hoc
322
) à 20 % de la population française, si on retient les critères
complexes qui définissent des «
zones d’intervention prioritaires (ZIP)
».
322
Adoptée pour rendre mieux comparables les APL des trois professions. Avec la
méthodologie la plus souvent présentée, pour les médecins de moins de 65 ans, on
obtient une estimation de 6 % de la population en zone sous-dense, caractérisée par une
APL de moins de 2,5 (cf.
Études et résultats
n° 1144 de février 2020).
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520
Ces réalités inquiètent les patients, c’est
-à-dire les citoyens et leurs
élus. Selon les enquêtes de la Drees, les Français relèvent souvent une
insuffisance de professionnels à proximité de leur domicile. Cette
inquiétude contribue à l’érosion générale du niveau de satisfaction vis
-à-
vis des diverses composantes des soins. On lit en effet dans le graphique
ci-
dessous que ce niveau de satisfaction s’érode, vis
-à-vis des médecins
généralistes mais encore plus nettement à l’égard des urgences. Cette
dernière évolution traduit surtout l’engorgement de ces services, en raison
des carences de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), ou de
l’incapacité de répondre aux besoin
s en soins non programmés. Elle
témoigne donc également de carences, que l’on sait variables selon les
territoires, dans l’organisation des soins de premier recours.
Graphique n° 1 :
évolution de la part des personnes satisfaites des
soins médicaux offerts, selon le type de structure
Source : Drees
Question posée : En général, concernant la qualité de soins ou des services offerts par les prestataires
suivants, diriez-vous que vous êtes satisfait / plutôt satisfait / ni satisfait, ni insatisfait / plutôt insatisfait /
très insatisfait / je ne suis jamais allé ou je ne connais pas / ne sait pas ?
Note : Les résultats ont été calculés en ne prenant pas en compte les personnes déclarant ne pas
connaître ou ne jamais être allé (réponse possible mais non proposée directement aux personnes
interrogées) :
à l’hôpital public (5
%), aux urgences hospitalières (9 %), dans une clinique privée
(17 %), chez un dentiste ou un orthodontiste (1 %), un médecin spécialiste (3 %), un infirmier
(8 %) ou dans une maternité (21 %).
Champ : Personnes résidant en France métropolitaine, âgées de 18 ans ou plus.
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
521
Ces données suggèrent que les difficultés doivent être prises en
considération même si leurs manifestations ne concernent souvent qu’un
« segment »
d’accès aux soins
: tantôt la difficulté, v
oire l’impossibilité, de
trouver un médecin de garde, la nuit ou le week-
end, ou encore d’obtenir un
rendez-vous chez un médecin généraliste pour des soins non programmés, « de
petite urgence » ; tantôt la faible disponibilité pour des visites à domicile
323
ou
la difficulté à obtenir un rendez-
vous auprès d’un médecin qui n’est pas le
médecin traitant
324
(de nombreux médecins n’acceptent plus d’être
« médecin
traitant
325
» de nouveaux patients). Ces difficultés multiformes alimentent une
insécurité sanitaire diffuse car la proximité des soins est perçue comme une
sécurité potentielle autant que comme un service effectivement utilisé.
Les élus locaux considèrent ces difficultés d’accès aux soins comme
pénalisantes pour l’attractivité de territoires souvent déjà fra
gilisés par la
concentration de l’activité dans les métropoles ou les centres urbains. Comme
l’a souligné dès 2017 un rapport parlementaire sur l’accès aux soins, la
désertification médicale
«
cristallise un sentiment d’abandon, voire de
relégation
326
». Mêm
e anciennes, ces inégalités dans l’accès aux soins sont de
moins en moins tolérées parce qu’elles traduisent un double risque,
d’exclusion du soin pour les patients et de spirale du déclin pour des territoires.
B -
Des mesures sélectives, locales puis nationales
En réponse à ces inquiétudes croissantes, et tout en demeurant
compatibles avec les règles de la concurrence, applicables aux activités
libérales de santé en ville de la plupart des professionnels (1), des
323
Certains département ou territoires sont desservis par des services spécialisés comme
« SOS Médecins
». Mais c’est loin d’être le cas général. Or, le taux d’actes effectués
au domicile des patients continue de baisser. En 2019, ils représentaient moins de 8 %
des actes des médecins (contre 38 % au début des années 80).
324
Les abonnements au service de réservation des rendez-vous,
via
Doctolib notamment,
permettent aux praticiens de réserver les créneaux aux seuls patients les ayant choisis
comme médecins traitants. Cette option, de plus en plus choisie par les médecins
généralistes selon Doctolib, renforce les barrières à l’entrée dans les soins des patients qui
n’ont pas de médecin traitant ou qui sont e
n simple déplacement sur le territoire.
325
54 % des médecins affirment devoir augmenter les délais de prise de rendez-vous,
53 % refuser de nouveaux patients en tant que médecin traitant et seuls 28 % étaient en
mesure d’accepter les demandes de consultati
ons non programmées. Ces résultats
n’étaient qu’assez peu dépendants des territoires, selon l’analyse d’un «
panel
d’observations des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale
» suivi
par la Drees en 2017-2018 (voir
Études et résultats
n° 1140 de janvier 2020).
326
Accès aux soins :
promouvoir l’innovation en santé dans les territoires
, rapport
d’information de MM.
Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, sénateurs, fait au nom de
la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des
affaires sociales du Sénat, juillet 2017.
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522
interventions publiques se sont progressivement déployées dans les
territoires connaissant des difficultés identifiées dans l’accès aux soins, de
manière optionnelle sous la responsabilité des collectivités territoriales (2),
puis de manière systématique à l’initiative des services de l’État et, plus
r
écemment, de l’Assurance Maladie (3).
1 -
Les limites juridiques aux mesures visant à favoriser l’accès
aux soins de premier recours
Face aux attentes des patients et des citoyens, les politiques
publiques sont longtemps demeurées limitées, en raison notamment de la
protection de la liberté d’installation et d’exercice
327
, réaffirmée à de
nombreuses reprises par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État.
S’agissant des compétences locales
328
, la jurisprudence ne reconnaît
la légitimité des interventions publ
iques qu’en cas de
« carence » avérée de
l’initiative privée
329
, ou de nécessité de favoriser un accès étendu pour des
soins que le niveau des remboursements sociaux rendrait sinon, en pratique,
trop réduit
330
. La clause de compétence générale reconnue aux entités du
bloc communal (communes et intercommunalités), ou la définition très large
des compétences attribuées par la loi aux régions ou aux départements
331
, ne
doivent pas tromper : les compétences que les collectivités territoriales
tiennent de ces textes sont en réalité « résiduelles
332
» ; elles ne valent pas
dérogation au regard du principe de liberté d’entreprendre ni, sauf exception,
aux règles de la concurrence entre professionnels libéraux.
327
On cite souvent les « quatre libertés » consacrées par la « charte de la médecine libérale » de
1927 : li
berté de choix du médecin par son patient et, pour le médecin, libertés d’installation, de
prescription et de choix du tarif. Même aménagées et encadrées par des conventions librement
négociées, ces libertés demeurent le pivot de l’organisation des soins e
n ville en France.
328
S’agissant des politiques nationales, divers mécanismes de régulation des dépenses,
envisagés dans le cadre de la mise en place progressive des lois de financement de la sécurité
sociale (LFSS), ont été censurés, en 1998 puis 1999, en vertu de ces principes.
329
L’expression a été employée pour définir le critère de légalité à propos de la création d’une
boucherie municipale à Nevers (CE, Chambre syndicale de Nevers, 30 mai 1930).
330
La carence de l’initiative privée peut ainsi être,
soit quantitative (arrêt précité, Chambre
syndicale du commerce en détail de Nevers), soit qualitative (CE, sect., Ville de Nanterre,
20 nov. 1964 ; CE, 2
e
et 7°sect, Département de la Corrèze, 3 mars 2010).
331
Selon l’article L.
1424-1 du code de la santé publique,
« le conseil régional peut définir des
objectifs particuliers à la région en matière de santé. Il élabore et met en œuvre les actions
régionales correspondantes »
. L’article L.
1423-2 du même code prévoit que
« Le département
peut, dans le cadre de
conventions conclues avec l’État, participer à la mise en œuvre des
programmes de santé définis »
. Tout récemment, enfin, la loi du 21 février 2021, dite « 3DS »,
dispose que le département promeut
«
l’accès aux soins
»
.
332
Comme l’a montré le rapport d’in
formation relatif aux initiatives des territoires en matière
d’accès aux soins fait par M.
Philippe Mouiller et Mme Patricia Schillinger, sénateurs, au nom
de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat (rapport remis le 14 octobre 2021).
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
523
Le schéma qui suit résume la place réservée aux collectivités
t
erritoriales, en complément des compétences assurées par l’État et
l’Assurance
Maladie.
Schéma n° 1 :
les acteurs de la politique d’accès aux soins de premier recours
Source : Cour des comptes
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524
2 -
Une possibilité d’intervention optionnelle reconnue
aux collectivités territoriales
Pour corriger les situations locales marquées par un accès aux soins
insuffisant, une possibilité d’intervention plus étendue a été reconnue aux
collectivités territoriales de tous niveaux par la loi du 23 février 2005
relative au développement des territoires ruraux, principalement en
direction de « zones sous-dotées »
. L’article L.
1511-8 du code général des
collectivités territoriales (CGCT), qui en est issu, autorise ainsi dans des
zones sous-
denses des objectifs et des formes d’interventions
diversifiées :
aides individuelles aux professionnels qui s’y installent ou qui s’engagent
à le faire, une fois leurs études terminées, aides au maintien d’activité,
subventions d’investissement, mise à disposition de locaux construits et
aménagés par les
communes, prise en charge d’une partie des frais de
fonctionnement (avec parfois la mise à disposition de personnel ou la prise
en charge de salaires pour l’accueil ou la coordination)
, etc. Les zones
identifiées comme « sous-denses », qui conditionnent en grande part la
licéïté des aides, sont aujourd’hui très larges
333
: le cumul des zones
d’intervention prioritaire et des zones d’action complémentaire couvrait en
2020 plus de 70 % de la population nationale
334
.
Pour autant, et même si elles étaient très souvent conduites en lien
avec les ARS, les interventions réalisées par les collectivités territoriales
dans ce cadre sont demeurées relativement limitées.
Estimation du montant des interventions des collectivités
Les dépenses cumulées ne peuvent pas être connues précisément à
partir des comptes des collectivités territoriales car les nomenclatures
comptables n’isolent pas les soins de premier recours, ni ne permettent
toujours d’identifier les interventions en matière de santé pour celles qui
sont réalisées a
u titre du développement économique et de l’aménagement.
333
Sous
la responsabilité des ARS (en application de l’article L.
1434-4 du code de la santé
publique), on utilise depuis 2017 la maille territoriale des « territoires de vie santé » déterminés
par l’Insee. Le critère de base est l’indicateur d’accessibilité au m
édecin généraliste : les
territoires où le niveau d’APL aux médecins généralistes est inférieur à 2,5 sont classés dans
une zone dite «
d’intervention prioritaire
», tandis que ceux dont l’APL varie entre 2,5 et 4 (soit
un peu plus que la moyenne nationale, de 3,5 en 2019), peuvent être, soit reclassés dans ces
territoires prioritaires (pour une petite part, inférieure à 20 % de la précédente), soit être classés
dans une catégorie intermédiaire dite de «
zones d’action complémentaire
» (ZAC).
334
L’arrêté min
istériel du 1
er
octobre 2021 précise pour chaque région les pourcentages des
deux zonages, ZIP (30 % de la population en moyenne nationale) et ZAC (42 % de la
population). En Île-de-France, les ZIP représentent un peu moins des deux tiers de la
population (62,4 %) et les ZAC un tiers (33,4 %) pour un total de 96,3 % de la population.
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DES COLLECTIVITÉS TE
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
525
Il n’est pas possible non plus d’extrapoler à partir d’un échantillon, en raison
de la forte disparité dans les niveaux d’intervention, entre collectivités.
En revanche, on peut apprécier le montant cumulé des interventions à
partir d’une estimation globale de l’ampleur des dépenses prises en charge de
manière fréquente. Ainsi, si les analyses des chambres régionales des comptes
montrent une grande variété des interventions en fonctionnement, on constate
très fréquemment la participation des collectivités locales, aux côtés des ARS,
au financement des agents chargés localement de fonctions d’animation et de
coordination, notamment au sein des contrats locaux de santé. Les interventions
en investissement se traduisent par des flux cumulés plus importants,
notamment pour financer ou subventionner la construction de maisons de santé
pluriprofessionnelles (MSP - plus de 2 000 ont été réalisées au cours des
dix dernières années, le plus souvent avec une aide des collectivités). La charge
financière est, là encore, partagée entre les différents niveaux de collectivités et
les ARS mais son niveau global peut être approché,
autour d’environ 200
M€
par an. En revanche, l’effort réel est plus difficile à apprécie
r : il dépend du
niveau des loyers perçus par les collectivités maîtres d’ouvrage, et donc des
conditions accordées aux professionnels, plus ou moins préférentielles selon les
cas (avec des modalités très variables d’ailleurs).
Enfin, le nombre de centres de santé gérés par des collectivités
territoriales est connu (210 environ sur les 700 centres médicaux et polyvalents).
En extrapolant les données recueillies, on peut obtenir un ordre de
grandeur assez grossier d’environ 300
M€
de dépenses annuelles brutes et
de 150
M€
de dépenses nettes (diminuées des recettes de loyers induites),
pour l’ensemble des collectivités territoriales
335
.
Ces montants sont beaucoup plus limités que ceux consacrés par les
ARS à l’amélioration des soin
s de premier recours : les dépenses du Fonds
d’intervention régional affectées à cet objectif atteignent 1
Md€ par an. Ils sont
a fortiori
encore plus réduits au regard du montant des soins de premier recours
pris en charge par l’Assurance Maladie, que la
Cour a estimé à environ 30
Md€
par an (hors dépenses de soins dentaires et de médicaments
336
).
335
Fonctionnement et investissement cumulés.
336
Une note méthodologique de l’OCDE, parue en 2019, porte sur la méthodologie des
estimations de ces dépenses, dont les définitions, imprécises, ne correspondent pas en
général à des divisions comptables. La note préconise notamment de présenter les trois
postes de manière séparée («
deriving preleminary estimates of primary care spending
from SHA 2011 framework
»).
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526
3 -
Des aides nationales généralisées en zones sous-denses
En complément, plusieurs plans d’action nationaux ont été déployés à
partir de 2009, intégrant des aides relevant déjà des collectivités territoriales.
Ils ont ainsi prévu, pour favoriser l’installation des jeunes médecins dans les
zones sous-denses, divers contrats que les ARS pouvaient leur proposer :
contrats de pré-recrutement accessibles aux étudiants en c
ontrepartie d’un
engagement de leur part à exercer en zone sous-dense, ou contrats destinés aux
professionnels déjà en exercice. Leur régime était complexe et le nombre de
contrats signés est resté limité. Pour ce motif, plusieurs de ces contrats ont été
f
usionnés par la LFSS pour 2020, sous la forme d’un
« contrat de début
d’exercice
»
, pour un coût pour l’État estimé à 8
M€
par an en 2021. Une
nouvelle mesure de « rationalisation »
des aides à l’installation, signalées
comme « très morcelées », est prévue dans le PLFSS pour 2023
337
.
Parallèlement aux aides éventuelles des collectivités territoriales et
à celles de l’État, les conventions signées par l’Assurance Maladie
338
ont
également mis en place des aides destinées à l’installation ou au maintien
des praticiens en zones sous-dense, mais avec un zonage plus restrictif
(limité aux seules ZIP). En contrepartie d’un engagement du professionnel
de santé à y exercer pendant toute la durée de son contrat et à maintenir un
certain niveau d’activité, une aide forfaitaire lui est versée, allant d’un
maximum de 50 000
, au total, pour un médecin à 19 500
pour un
orthophoniste. Les aides accordées pour le maintien de l’activité
339
sont
inférieures : elles atteignent 3 000
par an pour toutes les professions (soit
9 000
pour la durée d’un contrat).
Ces aides conventionnelles représentent un coût croissant pour
l’Assurance Maladie, de 49,5
M€
en 2015 à 95,6
M€
en 2020. La part des
dépenses consacrées aux dispositifs de maintien des professionnels en zone
sous-dense conn
aît ainsi une progression sensible, puisqu’elle représentait
337
Selon l’exposé des motifs de l’article 24 du projet
de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2023, devenu article 38 de la LFSS pour 2023
, « en complément des aides que
les collectivités territoriales peuvent apporter, les aides publiques seront réorganisées :
po
ur les médecins conventionnés avec l’
Assurance Maladie, un contrat unique sera
élaboré dans le cadre de la nouvelle convention médicale fusionnant les différents contrats
proposés aujourd’hui par l’
É
tat ou l’
Assurance Maladie. Pour les étudiants et les
rem
plaçants qui ne bénéficient pas des dispositifs de la convention avec l’
Assurance
M
aladie, le contrat de début d’exercice est maintenu pour ne pas les priver d’une aide
».
338
Par l’Uncam, plus exactement, depuis 2015 (et le règlement arbitral de cette année
).
339
Les contrats distinguent quatre catégories, selon la situation du praticien
bénéficiaire : seuls les deux premiers concernent des effectifs importants, les contrats
«
d’aide à l’installation
» (CAIM, un peu plus de 1 700 en 2020), et les contrats de
« stabilisation et de coordination » (Coscom, environ 2 700 fin 2020).
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
527
12,7 % des aides conventionnelles nationales en 2020 (contre 1,6 %
en 2018), principalement à destination des médecins généralistes
340
.
Trois professions ont fait, en outre, l’objet de mesures limi
tant
l’installation de professionnels de santé libéraux dans les zones où ils sont déjà
très nombreux (zones « sur-dotées ») : les infirmières, les kinésithérapeutes et
les sages-femmes. Le principe est le même pour ces trois professions : le
conventionnem
ent du professionnel de santé par l’Assurance Maladie (et donc
l’assurance pour le patient d’être remboursé du montant des soins reçus) y est
conditionné par la cessation d’activité d’un autre professionnel.
C -
Le ciblage territorial insuffisant des mesures
de soutien à la «
transformation de l’offre
»
S’agissant des médecins, l’instauration d’un tel conventionnement
sélectif fait l’objet de débats récurrents
341
. Il n’a pas été retenu jusqu’à
présent, notamment en raison de l’opposition des professionnels et pa
rce
qu’a été privilégiée une politique plus globale de
« transformation de
l’offre
»
de soins, y compris de premier recours, qui s’adresse à l’ensemble
du territoire. Elle se traduit par des incitations à l’exercice coordonné et au
partage des actes entre professionnels (1), avec un risque de ciblage moins
pertinent, territorial ou thématique (2).
1 -
Une incitation générale à l’exercice coordonné
Plusieurs formes d’interventions ont été progressivement instituées,
dans l’objectif d’améliorer la coordination e
ntre professionnels et
d’optimiser le temps médical. Elles ne sont pas ciblées sur des territoires
340
Au 31 décembre 2020, sur les 10 800 médecins libéraux conventionnés exerçant en zone
sous-dense, 4
600 environ bénéficiaient d’un contrat conventionnel, pour un montant total
d’aides
de 28,7
M€
. La montée en charge de ces dispositifs est plus lente pour les infirmiers :
le nombre de contrats est passé de 2 019 en 2016 à 2 678 en
2020, l’aide moyenne perçue
augmentant aussi. À cet inventaire, non exhaustif, il convient d’ajouter le contrat de
solidarité
territoriale médecin (CSTM), destiné aux médecins libéraux effectuant des consultations de
manière ponctuelle mais régulière dans les zones sous-denses. Depuis 2019, les honoraires
de ces consultations sont bonifiés de 25 % (contre 10 % initialement).
341
Dans le rapport public thématique sur
L’avenir de l’
Assurance Maladie
qu’elle a
produit en novembre 2017, la Cour des comptes en a préconisé le déploiement (voir la
recommandation n° 3).
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528
en difficulté, du point de vue de l’accès aux soins, ou seulement très peu
(parfois certains paramètres y sont majorés). Pour autant, ces mesures sont
constamment mises en avant dans les plans ministériels de « lutte contre
les déserts médicaux » ce qui peut créer une forme de confusion.
C’est en particulier le cas de la création de maisons de santé
pluriprofessionnelles (MSP) qui regroupent sur un même site des
professions de santé diverses. Depuis 2017, l’Assurance Maladie soutient
le fonctionnement de ces structures «
d’exercice collectif
», en versant aux
MSP conventionnées un forfait d’un montant de 70
000
en moyenne par
an (en 2019), sous diverses conditions quant au fonctionnement (amplitude
horaire, utilisation de systèmes d’information partagés et labellisés,
analyse périodique des dossiers en équipe pluridisciplinaire, etc.).
L’objectif national, fixé en 2013, de porter à 1
000 le nombre de MSP
conv
entionnées avec l’Assurance Maladie, a été dépassé
: sur les quelques
2 000 MSP créées, environ 1 200 étaient conventionnées à la fin de 2021.
Aucun sous-
objectif précis n’a été fixé pour les zones sous
-denses.
Environ deux tiers des MSP aidées se situent cependant dans ces zones, ce
qui est un peu supérieur à leur proportion globale. Souvent, les projets, à la
fois immobiliers et médicaux, sont d’abord soutenus en investissement par
les collectivités territoriales et les ARS, puis sont aidés de manière
réc
urrente par l’Assurance
Maladie, dès lors que leur fonctionnement
atteint le niveau de qualité requis.
Il en est de même pour les centres de santé : les « Pactes santé
territoire »
ou le plan d’actions qui leur a succédé soulignent l’intérêt de
ces centres
dans des zones où les difficultés d’accès aux soins sont telles
qu’elles découragent l’installation de professionnels libéraux, même aidés.
L’État n’intervient ni directement, ni, sauf exceptions
342
, indirectement
dans la création de ces centres : il laisse les collectivités créer des centres
ou, parfois, soutenir la création de centres par des organismes privés non
lucratifs, dans les territoires qui connaissent des difficultés prononcées
d’accès aux soins. Il s’efforce, en amont, de favoriser leur création
, en
particulier celle des centres médicaux et polyvalents
343
, et l’Assurance
Maladie soutient en aval leur fonctionnement sur le plan financier
344
.
342
Un programme volontariste de création de centres de santé, rattachés aux établissements
de santé de la région Nouvelle-
Aquitaine, a cependant été promu par l’ARS, en 2021.
343
L’ordonnance
n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de
fonctionnement des centres de santé en a simplifié le fonctionnement administratif et financier.
344
Les forfaits structures ont été majorés depuis 2016, représentant jusqu’à 25
% de
leurs ressources.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
529
D’autres outils destinés à améliorer l’accès aux soins, encore plus récents,
échappent eux aussi très largement à tout ciblage géographique. Les aides
apportées aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)
345
,
pour que les différents professionnels de santé d’un territoire définissent
ensemble les synergies et les coopérations utiles, sont ainsi ouvertes à tout le
territoire national. Elles ont même vocation à le mailler de manière aussi
complète que possible, chacune à l’intérieur d’un périmètre librement concerté.
Il en va de même des financements accordés aux services d’accès aux soins
(SAS), d
estinés à organiser l’accès aux soins non programmés, en fonction des
disponibilités des professionnels
346
. La « labellisation » des hôpitaux de
proximité
347
et la définition précise de leurs missions, au titre du soutien aux
professionnels de premier recours, ne dépendent pas non plus de la densité de
professionnels libéraux ou du niveau de difficulté constaté pour ces soins.
Le déploiement de professionnels de santé pour soulager la charge
pesant sur les médecins généralistes n’est pas non plus, sauf à la mar
ge,
indexé sur la densité des professionnels : la mise à disposition
d’infirmières, dites de santé publique, par la Cnam
via
l’association Asalée,
n’obéit à aucun zonage (deux tiers des infirmières sont en zones sous
-
denses, ce qui traduit une légère surpondération mais pas une priorité
affirmée explicite). De même, les aides destinées à développer le recours à
des assistants médicaux
348
, collaborateurs chargés de préparer les soins ou
d’assurer une partie de la charge administrative, ne sont priorisées que d
e
manière relative et d’ailleurs complexe
349
.
345
Une aide forfaitaire est accordée à la structure, et la participation du professionnel lui ouvre
droit au ve
rsement d’un «
forfait structure », dont le montant a été sensiblement relevé en 2021.
346
Fin 2021, on comptait un peu plus de 700 CPTS, couvrant les deux tiers du territoire
national, dont plus de 300 conventionnées avec la Cnam. En revanche le déploiement
des SAS était plus lacunaire. On pourrait également évoquer les diverses plateformes
d’accès aux soins, par exemple pour les personnes souffrant d’autisme ou pour les
personnes âgées polypathologiques, au déploiement lui aussi très hétérogène.
347
Une miss
ion de soutien à l’offre de soins de premier recours leur est notamment
assignée par la loi du 24 juillet 2019.
348
Organisée par un avenant à la convention, qui lie l’Assurance
Maladie aux médecins.
349
Les premiers résultats mesurés par la Cnam montrent une progression sensible de
l’activité des médecins (voir le rapport
Charges et produits
de juillet 2022). Leur
ciblage territorial est limité et complexe
: au terme de l’avenant n°
7 à la convention
médicale, sont pris en considération à la fois les spécialités, les options
conventionnelles, les modes d’exercice (isolé ou non) et des seuils d’APL.
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530
2 -
Un risque induit de faible sélectivité territoriale
Sans même parler des zonages fiscaux
350
, plusieurs stratégies
territoriales coexistent ainsi. La première est celle d’une sélectivité
géographique assumée : les moyens sont concentrés sur des zones
carencées, par exemple les zones d’intervention prioritaire (ZIP)
351
. La
deuxième consiste à considérer que l’ensemble du territoire doit relever
d’actions visant tel ou tel aspect de l’accès aux soins et que les mesures l
es
plus efficaces dépendent d’évolutions dans les pratiques professionnelles,
liées aux contextes professionnels et non territoriaux. Les aides ne sont
alors plus restreintes à un zonage particulier. Elles visent plutôt à
correspondre, partout, à une identification fine des difficultés propres à
chaque territoire, réalisée grâce à l’implication des CPTS ou des hôpitaux
labellisés « de proximité ». Enfin, une logique intermédiaire consiste à
n’exclure des dispositifs d’aides que les zones bien dotées
: toutes les autres
peuvent alors relever d’aides, notamment si les élus de proximité le jugent
utile. Aux ZIP s’ajoutent alors les zones d’action complémentaire (ZAC),
qui représentent plus de 40 % de la population.
Chacune de ces logiques a sa part de pertinence et une évolution
apparaît, d’un ciblage territorial étroit confié au départ aux collectivités
territoriales, vers une extension progressive des territoires éligibles et
l’affirmation de politiques générales, non réservées aux territoires sous
-
denses, mê
me si c’est là qu’elles doivent y avoir les effets les plus forts.
Au terme de cette évolution, cependant, il conviendrait que chacun des
objectifs, complémentaires, soit mieux distingué et que des moyens
suffisants soient alloués aux territoires les plus en difficulté.
En outre, même en instituant au sein des ARS des « guichets
uniques », chargés de signaler aux futurs professionnels les aides dont ils
sont susceptibles de bénéficier, on peut douter de la lisibilité du dispositif
d’ensemble. Foisonnante,
la « boîte à outils » mise à disposition des
territoires est en outre instable :
les divers régimes d’aides sont fréquemment
revus à la marge, soit en LFSS, soit dans les négociations conventionnelles,
conclues en principe pour une période de cinq années m
ais qui font l’objet
d’avenants fréquents. On relève aussi cette complexité dans les mesures
destinées à économiser le temps médical. Dans la LFSS pour 2022, par
exemple, dans un chapitre intitulé «
renforcer l’accès aux soins
», prennent
350
Les médecins implantés en Zones de revitalisation rurale (ZRR) sont exonérés
d’impôt sur le revenu et de cotisations patronales sur leurs employés pendant les cin
q
premières années de leur installation. Or, la carte de ces ZRR ne coïncide pas avec celle
des zones reconnues comme sous-denses.
351
Pour la définition et l’extension des ZIP et des ZAC, voir
supra
, les notes n° 23 et 27.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
531
place plusieurs d
ispositions d’ampleur variable
352
:
l’ouverture de nouvelles
tâches aux orthoptistes sans prescription des ophtalmologues ; la possibilité
accrue pour les médecins de déléguer aux infirmiers de pratique avancée des
interventions non prescrites ; ou encore, à
titre d’expérimentation, des
marges d’exercice autonome accrues pour les orthophonistes et les masseurs
kinésithérapeutes. La mobilisation potentielle des collectivités territoriales,
qui pourraient apporter, elles aussi, leur soutien à ces formes d’organ
isation
plus efficaces, en est rendue plus difficile.
II -
Des interventions locales à mieux
hiérarchiser et coordonner
Les analyses de terrain réalisées par les juridictions financières
montrent que les interventions des collectivités territoriales sont fréquentes et
diversifiées, qu’elles sont souvent utiles mais qu’elles présentent des
insuffisances marquées qui justifieraient une évolution de leur cadre juridique.
A -
Le soutien aux maisons de santé pluridisciplinaires
(MSP) : des effets variables selon le contexte
Les MSP regroupent dans une même structure juridique, et sauf
exceptions dans un même lieu, des professionnels de santé libéraux, médecins
généralistes et parfois aussi de spécialités, infirmières, mais aussi souvent
kinésithérapeutes, parfois psychologues, etc. Leur mise en place constitue
l’une des réponses les plus usitées par les collectivités souhaitant renforcer ou
maintenir la présence sur leur territoire de médecins généralistes, le plus
souvent par des cofinancements qui font intervenir tous les niveaux de
collectivités : régions, départements et intercommunalités ou communes.
L’examen auquel les chambres régionales des comptes (CRC) ont procédé
montre que les résultats sont très variables
353
:
positifs quand l’aide conforte
un projet médical sol
ide et l’engagement effectif des professionnels,
beaucoup plus décevants, voire médiocres, en l’absence de ceux
-ci.
352
C’est également le cas dans la
loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023.
353
Confirmant une évaluation commandée par la région Centre-Val de Loire à un
prestataire privé en 2018, sur un échantillon de 28 MSP soutenues par la région.
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532
1 -
Des résultats positifs en relais de projets médicaux solides
Les CRC ont relevé divers exemples positifs, comme ceux des MSP
de l’Aubrac, dans l’Aveyron, de Casteljaloux, dans le Lot
-et-Garonne, et
de Beaulieu-sur-
Dordogne, en Corrèze. Dans l’Aubrac, la construction de
MSP sur le territoire de la communauté de communes Aubrac, Carladez et
Viadène est ainsi intervenue à la suite d’un diagnostic
réalisé à la fin des
années 2000 par les professionnels de santé du territoire, inquiets des
évolutions possibles en matière de démographie médicale. Les MSP ont
permis d’enrayer le mouvement de désertification médicale parce qu’elles
étaient soutenues par le dynamisme des professionnels les occupant.
De même, à Casteljaloux, l’installation en 2014 d’une MSP a permis
de limiter la baisse rapide de l’effectif de médecins généralistes que
connaissait le territoire. Elle a résulté de l’initiative conjointe de
la
communauté de communes des Côteaux et Landes de Gascogne et d’une
association de professionnels de santé. Cet esprit de partenariat se traduit
notamment par une association qui réunit les professionnels de l’hôpital,
les élus communautaires et les professionnels de santé pour la gestion
quotidienne de l’équipement. Plus largement, un partenariat a été établi
entre la maison de santé et les hôpitaux voisins pour faciliter le suivi du
parcours
des
patients,
les
consultations
dans
les
établissements
d’hébe
rgement
pour
personnes
âgées
dépendantes
(EHPAD)
ou
coordonner la participation des médecins à la permanence des soins.
À Beaulieu-sur-
Dordogne, la chambre a relevé que si l’ouverture d’une
maison de santé n’a pas bouleversé l’offre de soins, elle a permis
en revanche
de maintenir la présence de quatre médecins (comme en 2018), alors qu’ils
n’étaient plus que deux en activité en 2019 et en 2020 (deux jeunes praticiens
ont été accueillis depuis). La plupart des professionnels paramédicaux, dont les
six infirmières, étaient déjà présents sur le territoire mais une orthophoniste est
venue s’installer en 2020. Cette MSP rayonne désormais au
-delà des limites
de la commune et même du « territoire de vie-santé » (qui comporte
10 communes pour un bassin de populatio
n d’un peu plus de 4
000 habitants).
2 -
Des réussites ponctuelles sans effet d’entraînement suffisant
Dans plusieurs cas, les chambres régionales des comptes ont constaté
que la coordination entre les professionnels avait progressé, sans pour autant
créer une
dynamique plus globale. C’est le cas de la MSP multisite, créée en
2013 par la communauté d’agglomération du Grand
-Villeneuvois (CAGV,
Lot-et-
Garonne) avec l’appui de partenaires, ARS et CPAM notamment.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
533
Dans un territoire où la densité médicale est sensiblement plus faible que
dans la région, le bilan des effets induits par la MSP est favorable : le
déploiement des formes d’exercice coordonné améliore notablement les
conditions de travail des praticiens, notamment du fait de la présence
d’assistants médica
ux. Les locaux des trois maisons de santé sont utilisés,
voire saturés dans le cas de celle de Villeneuve-sur-Lot. La stabilisation du
nombre de praticiens exerçant en MSP, au regard de la diminution globale
sur le territoire, confirme la plus-
value de l’e
xercice coordonné comme
facteur de stabilité de la démographie médicale.
Pour autant, les indicateurs d’accès aux soins demeurent
défavorables : la baisse globale du nombre de médecins se poursuit, une
part très importante des recours aux urgences est le fait de patients dont les
pathologies sont peu sévères, une part significative de la population est
dépourvue de médecin traitant, ce qui conduit à douter de l’efficacité des
actions menées (même si l’on peut supposer que ces évolutions
défavorables auraien
t été encore plus fortes en l’absence de MSP).
À Mauvezin (Gers), une MSP a été construite en 2013 à l’initiative de
la commune, propriétaire du bâtiment, dans l’objectif de compenser les
départs à la retraite des deux médecins libéraux présents en ville. La MSP
compte 20 professionnels, dont quatre médecins généralistes libéraux et
10 infirmiers. Le nombre de consultations demeure cependant inférieur aux
besoins locaux, malgré le recours à des infirmières « Asalée »
354
et à des
assistants médicaux. De nouvelles pistes devraient donc être recherchées,
comme l’a recommandé la chambre régionale des comptes, notamment le
recours à l’emploi d’
infirmières en pratique avancée (IPA)
355
. Si les médecins
et les infirmiers libéraux présents dans la MSP se disent intéressés, le suivi,
pour les infirmières en place, d’une formation de deux ans, non rémunérée
(pour devenir IPA) constitue un frein important. Or, à Mauvezin comme dans
presque toutes les communes examinées par les juridictions financières, les
aides demeurent orientées en priorité sur le bâti ou sur les seuls médecins.
354
Créé en 2004, le dispositif « Asalée » (
acronyme d’
« action de santé libérale en
équipe »
) vise à améliorer la prise en charge des patients en organisant la prise en charge
par des infirmières dites « de santé publique
» d’actions d’éducation thérapeutique,
pour des patients que les médecins leur confient.
355
La pratique avancée des infirmiers, qui se déploie dans les établissements hospitaliers mais
aussi « en ville », autorise ceux-ci à exercer des missions et des compétences normalement
dévolues aux médecins, pour des actes de dépistage, d
e prévention, de prescription d’examens
complémentaires ou encore de renouvellement et d’adaptation de traitements médicamenteux.
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COUR DES COMPTES
534
3 -
Des interventions parfois inefficientes
En réalité, très nombreux sont les projets pour lesquels les
collectivités territoriales apparaissent comme de simples intermédiaires
immobiliers. Les communes se cantonnent à un rôle de financeur, sans
disposer d’aucun indicateur de suivi. Ainsi, à Mayenne, avec la
construction du pôle de santé par la communauté de communes « Mayenne
Communauté », les professionnels historiquement présents sur le territoire
mayennais ont profité d’un effet d’aubaine. Ils n’ont pas eu à procéder aux
investissements qu’ils auraient dû réaliser dans leurs précédents cabinets et
sont parvenus à négocier à la baisse les charges qui leur sont facturées.
Même si la nouvelle structure a permis de développer des projets collectifs
pour plusieurs filières de soins, l’objectif initialement affiché, concernant
l’installation de nouveaux médecins traitants, n’a pas été atteint (la MSP
comptait encore trois cabinets médicaux libres en 2021).
La construction de MSP a souvent été portée par les collectivités
territoriales de proximité, communes ou intercommunalités, situées dans
des territoires ruraux, qui ne disposent pas des moyens humains ou
financiers pour mener des projets complexes (non pas du point de vue
immobilier mais du point de vue du projet global). Dès lors, ces créations
n’atteignent pas les objectifs escomptés.
On peut citer, parmi de nombreux exemples, les difficultés
rencontrées par la communauté de communes du Pays de Mirepoix
(CCPM, Ariège). À l’exception d’un contrat local de santé 2013
-2015,
élaboré à l’échelle du Pays Cathare, et qui n’a pas été renouvelé, les
politiques d’amélioration de l’accès aux soins sont conduites à une échelle
plus restreinte, au niveau de chaque établissement public de coopération
intercommunale (EPCI). Par exemple, l’EPCI voisin de la CCPM a mis en
place sa propre politique d’accès aux soins autour d’un centre de santé. Les
moyens sont insuffisants car dispersés et les collectivités se font
concurrence pour conserver leur personnel médical.
B -
Les centres de santé gérés par les collectivités
territoriales : une option parfois mal maîtrisée
Dans des contextes territoriaux où la densité en médecins libéraux est
très dégradée, le recours au salariat, notamment grâce à des centres de santé
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
535
gérés en régie
356
, peut être une solution. Ces centres, qui regroupent des
professionnels salariés et sont soumis à un régime juridique particulier (les
dépassements tarifaires y sont exclus, ils doivent s’ouvrir aux pu
blics
vulnérables, etc.) peuvent en effet constituer un « modèle » économique et
sanitaire, en théorie et même en pratique (1). Les constats des CRC mettent
cependant en évidence le risque d’absence de maîtrise suffisante des coûts
(2).
1 -
Un modèle potentiellement utile mais exigeant
Le recours à des centres de santé territoriaux se développe, comme
une solution adaptée dans les zones marquées
de facto
par une « déprise »
des médecins généralistes ou spécialistes, mais ce modèle peine à
s’équilibrer. En 2013,
un rapport de l’IGAS avait montré que
« rares étaient
notamment parmi les centres créés par les collectivités
ceux qui
réunissaient les critères de bonne gestion »
(horaires, activités des médecins,
part maîtrisée des fonctions supports, etc.)
357
. Malgré la progression du
montant des forfaits accordés par l’Assurance Maladie, les contrôles
effectués par les chambres régionales des comptes confirment que c’est
encore le cas pour bien des centres gérés par les collectivités territoriales.
L’exemple du GIP
de Vierzon (Cher) montre pourtant que ce modèle
est viable. Créé en 2018 par la commune de Vierzon, à la suite d’une réflexion
engagée dès la signature d’un contrat local de santé, il est d’une taille
moyenne : en janvier 2022, il employait 14 équivalents temps-plein (ETP),
parmi lesquels huit médecins (équivalents à quatre temps-pleins). La file
active était composée, en 2021, de 7 200 patients et on constatait en moyenne
une trentaine de consultations par jour et par médecin. En outre, la vocation
sociale du centre de santé transparaît dans la typologie des patients reçus : plus
de 20 %
d’entre eux sont bénéficiaires de l’assurance complémentaire de
santé solidaire ou de l’aide médicale d’État, contre respectivement 10,1
% et
0,5 % en moyenne nationale. En
outre, l’application du tiers payant intégral
permet au patient de n’avancer aucun frais.
356
Une possibilité limitée d’intégrer des professionnels salariés dans les MSP a été introduite
par l’ordonnance du 12 mai 2021
relative aux communautés professionnelles territoriales de
santé et aux maisons de santé, mais l’exercice libéral y demeure la règle. Le soutien apporté
à des centres gérés par des organismes privés à but non lucratif est également possible.
357
Les centres
de santé, situation économique et place dans l’offre de demain
,
juillet 2013, RM 2013-119-P.
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COUR DES COMPTES
536
En installant un fauteuil dentaire et en indexant la rémunération des
praticiens sur leur niveau d’activité
358
, le centre a dégagé des excédents dès
sa première année de fonctionnement. Il a par ailleurs limité le personnel
administratif employé, qui représente 0,24 ETP par ETP de soignant
(médical et paramédical)
359
.
2 -
Une efficacité atteinte, parfois, au détriment de l’efficience
Il arrive que les centres de santé, dont la création était pertinente en
termes de missions, ne soient pas gérés avec suffisamment de rigueur. C’est
le cas par exemple du centre de santé multisites de Saône-et-Loire.
Ce département fait face à une baisse préoccupante de la densité
médicale. Entre 2007 et 2020, son effectif de médecins généralistes a
diminué de 11 %
. En complément des aides à l’installation (1,3
M€
d’aides
accordées à ce titre entre 2017 et 2021), le département de Saône-et-Loire
a décidé de créer en 2017 un centre de santé départemental (CSD),
regroupant six centres de santé territoriaux (CST) et 22 antennes
implantées dans des locaux mis à disposition par des communes ou EPCI.
19 antennes supplémentaires sont en projet.
L’activité du CSD a crû fortement de 2018 à 2021, période marquée
par l’ouverture des CST de Mâcon en 2019 et du Creusot en 2021. Le nombre
de consultations a été multiplié par p
rès de cinq (passant d’un peu plus de
22 000 en 2018 à un peu plus de 100 000 en 2021), le nombre de patients
aussi. Le nombre des consultations non programmées a fortement augmenté
(de 219 %) entre 2018 et 2021. Le personnel du CSD contribue
360
, en outre,
à plusieurs missions de service public relatives à la santé relevant de la
compétence de la collectivité départementale, qui représentent 20 % de
l’activité médicale totale
:
PMI, suivi des enfants confiés à l’aide sociale à
l’enfance, participation aux éva
luations de la maison départementale des
personnes handicapées (MDPH), etc. Les médecins des CST réalisent des
visites à domicile (ou à leur substitut, en établissement médico-social),
essentiellement pour des patients âgés, polypathologiques et ayant des
difficultés à se déplacer sur les lieux de consultation. On observe cependant
que le tiers payant intégral n’est pas appliqué.
358
L
a rémunération des praticiens se compose d’une part fixe (dite forfaitaire),
relativement
peu élevée, et d’une part principalement variable qui est, selon les
praticiens, de 40 % ou de 44 % du montant des actes facturés.
359
Ce ratio doit être inférieur à 1, selon le rapport de l’IGAS précédemment cité.
360
Les charges correspondantes lui sont compensées, en recettes.
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
537
L’effectif a crû fortement
: le personnel soignant est passé de quatre
personnes (en 2018) à 70 (en 2021), dont 40 médecins généralistes. Toutefois,
malgré l’augmentation constante du volume des consultations, le délai
d’obtention d’un rendez
-vous pour une consultation (hors urgence
361
) reste
élevé, de l’ordre de trois semaines en moyenne en 2022. En outre, le CSD n’a
pas atteint l’éq
uilibre financier envisagé en 2018. En 2021, les quelques
100 000 consultations facturées par les 42,4 ETP médicaux ont représenté
seulement 11,4 actes par jour et par ETP
362
. Le coût moyen de fonctionnement
du CSD par consultation s’est réduit mais le reste
à charge du département par
consultation (une fois déduit le remboursement de l’Assurance Maladie)
demeure élevé, à 30,30
en 2021
363
. Contrairement au GIP de Vierzon, la
rémunération des médecins du centre de santé est fixe et ne varie pas en
fonction de l’activité réalisée
364
. Par ailleurs, les ratios d’administration
365
des
six centres territoriaux sont élevés, même supérieurs
à 1 s’agissant de ceux du
Creusot et d’Autun, centres en cours de montée en charge il est vrai.
3 -
Des exemples de déploiement ni efficaces ni efficients
Lorsque les critères de bonne gestion ne sont pas réunis, les résultats
financiers et l’effet sur l’acc
ès aux soins sont souvent décevants.
Ainsi, à Châteaudun (Eure-et-Loir), alors que la MSP voisine
connaissait des difficultés de recrutement, à la suite du départ à la retraite
de trois de ses médecins, la commune a créé un centre de santé municipal.
La coexistence est rapidement apparue difficile entre les deux structures.
Le CMS n’employait plus que de deux ETP de médecins en 2021.
Depuis 2020, le centre ne dispense plus de soins non programmés alors
qu’il en a l’obligation, selon l’accord national des ce
ntres de santé et les
361
Un accueil particulier rapide est organisé pour les soins non programmés.
362
Pourtant, un objectif de trois consultations ou de deux consultations complexes par
heure est fixé, avec un temps quotidien dédié aux missions médicales annexes (suivi de
biologie, courrier adressé), mais c
et objectif n’est
pas formalisé.
L’évolution dans le
temps n’est d’ailleurs pas favorable
: la file active par médecin (en temps médical
annualisé) est passée de 1 239 en 2018 à 844 en 2021.
363
Compte tenu de cette dégradation, le département de Saône-et-Loire a augmenté le
montant de sa participation financière, de 0,3
M€
en 2018 à 1
M€
en 2019 et 2020 puis
à 1,2
M€
en 2021
. Ce soutien s’ajoute à celui opéré en direction des collectivités
d’accueil qui assument l’équipement et l’entretien des centres ou antennes.
364
La grille des praticiens hospitaliers sert de base à la négociation individuelle de
chaque contrat, la rémunération fixée apparaissant même plus favorable parfois.
365
Le ratio d’administration permet de mesurer le poids du personnel administratif par
rapport à celui du personnel soignant (médical et non-médical).
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COUR DES COMPTES
538
engagements figurant dans son projet de santé. Il ne participe pas non plus
à la permanence des soins en soirée ou en fin de semaine, créneaux horaires
où une forte activité des urgences hospitalières est constatée. La vocation
sociale du centre, implanté dans un quartier de politique de la ville
366
, ne
justifie pas la faiblesse de son activité et son coût : en ajoutant les annuités
d’emprunt, chaque consultation coûte à la commune, en moyenne, 13
en
sus du remboursement et des forfait
s de l’Assurance Maladie. Le nombre
de consultations par jour d’ouverture, en moyenne une cinquantaine en
2020 pour cinq médecins, soit dix par praticien, reste globalement faible.
On note que la rémunération des médecins est fondée sur l’échelle
indiciaire de la fonction publique, sans relation directe avec leur activité.
Plus généralement, nombre de collectivités, départementales ou
régionales, rencontrent des difficultés pour recruter les médecins. C’est le
cas, notamment, du département du Gers qui souhaite multiplier les centres
de santé sur son territoire.
Il est encore trop tôt pour apprécier le bien-fondé des programmes de
déploiement d’un réseau régional de centres de santé, par les deux régions
Centre-Val de Loire et Occitanie. Les objectifs de la région Occitanie pour le
groupement d’intérêt public (GIP)
« Ma santé, ma région », récemment créé,
sont ambitieux :
il est prévu d’embaucher 200
médecins, sages-femmes et
infirmières, afin de créer dix centres de santé de proximité par an pendant
cinq an
s. À la fin de l’année
2022, 27 médecins généralistes avaient été recrutés.
Dans la région Centre-Val de Loire, le GIP « Pro santé », créé en
juin 2020, avait pour objectif, sur les cinq premières années, la création de
30 centres de santé et le recrutement de 89 ETP de médecins salariés. Au
30 juin 2022, sept centres avaient été ouverts, avec 16 médecins et huit
secrétaires médicales. En 2021, les produits d’activité (0,25
M€) n’avaient
pas permis, et de loin, de couvrir les seules charges de personnel (0,73
M€
).
Le choix des implantations géographiques n’obéit pas à une logique
explicite. La région ne dispose pas en effet d’un plan d’action stratégique
précisant les prior
ités et les critères d’implantation des centres régionaux.
Alors que le cœur de cible du GIP devait être la ruralité, deux des sept
centres ouverts ont été installés dans l’agglomération de Tours (Indre
-et-
Loire)
367
, dans le seul département de la région dont la densité médicale est
366
Les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de la couverture
maladie universelle complémentaire (CMU-
C) et de l’aide médicale de l’
État (AME)
représentent entre 15 et 18 % des patients reçus au CMS entre 2018 et 2020.
367
Le centre régional de santé de Saint-Pierre-des-Corps avait, en outre, été installé non loin du
centre municipal de santé (CMS), existant de longue date, distant de seulement 800 mètres.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
539
supérieure à la moyenne nationale et dans la seule agglomération de la
région qui connait une très forte attractivité médicale.
Enfin, la région a choisi d’ouvrir de nouveaux centres, de taille
restreinte, inférieure aux seuils d’aide par l’Assurance Maladie
:
ils n’ont
pas la taille critique pour bénéficier d’économies d’échelle et de recettes
complémentaires de l’Assurance Maladie. Ils ne permettent que peu des
délégations d’actes entre professionnels de santé.
Schéma n° 2 :
processus de création des maisons de santé
pluridisciplinaires et des centres de santé
Source : Cour des comptes
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COUR DES COMPTES
540
C -
Des initiatives éparses, aux résultats souvent limités
Au-
delà d’un soutien à l’exercice coordonné, MSP ou CDS,
certaines collectivités ont étendu à l’installa
tion ou au maintien des
professionnels de santé leurs dispositifs d’aide. Malgré leur diversité, le
total des interventions est très limité, hétérogène et souvent fragmenté.
1 -
Une boîte à outils large mais peu mobilisée
Les collectivités les plus importantes, régions et départements, ont
parfois déployé d’autres outils pour tenter d’enrayer les difficultés d’accès
aux soins de premier recours. Le département de l’Aveyron, en complément
du soutien financier aux collectivités souhaitant construire des maisons de
santé (42 projets soutenus depuis 2008, pour un montant moyen unitaire de
95 000
, représentant 9 % du montant total du projet), a organisé un soutien
individualisé aux professionnels de santé, avec la création en 2011 d’une
cellule « Accueil médecin », destinée à permettre la réalisation de stages sur
le territoire et à aider ensuite à l’installation éventuelle des médecins.
De même, face aux fragilités constatées dans l’organisation
territoriale des soins de premier recours, le département du Loiret a innové,
en allant au-delà des actions les plus fréquemment déployées : il a adopté
une procédure d’appel à initiatives,
« Santé Innovation Loiret », pour
soutenir, par exemple,
des outils d’e
-santé, des solutions de mobilité sous
forme de bus d’e
-santé ou de consultations itinérantes, ou encore des
initiatives locales d’éducation thérapeutique du patient. Toutefois la
pérennité des projets financés n’est pas, dans la majorité des cas, assurée.
Ces exemples sont rares, cependant. Peu nombreuses sont les
col
lectivités à avoir mobilisé l’ensemble des leviers à leur disposition, se
privant ainsi de potentiels effets de synergie.
2 -
Des montants limités
Contrastant avec le volontarisme parfois affiché, l’analyse des
montants réellement consacrés aux « politiques régionales de santé » fait
apparaître qu’une part limitée de celles
-ci est affectée aux soins de premier
recours. Ainsi, sur les 128
M€
accordés à la santé par l’accord dit
« de
relance, État-région, 2021-2022 » de la région Bourgogne-Franche Comté,
70 % de
s crédits proviennent de l’État et 25
%
de l’Union européenne. Sur
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
541
ce total, seuls 5
M€
, issus du budget de la région, sont spécifiquement
dédiés aux soins de premier recours.
De même, malgré l’acuité des difficultés, les actions inscrites au
« Pacte régional de santé », adopté par le conseil régional Centre-Val de Loire
en février 2022, se rapportent surtout à la rénovation des Instituts de formation
en soins infirmiers (IFSI) ou à l’augmentation des cohortes d’infirmiers et
d’aides
-soignantes qui y sont formées. Ces actions sont importantes : elles ont
permis d’améliorer la densité de ce personnel, essentiel à l’accès aux soins.
Pour autant, les dispositifs qui concernent directement l’accès aux soins de
premier recours sont relativement modestes sur le plan financier
368
.
Souvent,
d’ailleurs, les montants mobilisés sont très en
-deçà de ceux
prévus, du fait d’aides trop peu lisibles pour être sollicitées. C’est le cas, par
exemple, des mesures de soutien prévues dans le cadre du dispositif
« installeunmedecin.com », mis en place en mars 2013 par le conseil
départemental de la Saône-et-Loire :
la bourse d’études pour les étudiants en
médecine générale s’engageant à s’installer dans les territoires les plus
prioritaires n’a bénéficié qu’à deux internes de 2017 à
2021 (pour un montant
total de 28 000
€). L’aide financière pour l’hébergement des étudiants et
internes en médecine générale, accordées aux collectivités porteuses d’un
contrat local de santé (CLS), a représenté au total 20 000
entre 2017 et 2021,
soit 4 000
par an en moyenne ; 58 professionnels ont bénéficié entre 2017 et
2021 de l’aide à l’installation, pour un montant annuel global de 212
000
,
soit 42 400
par an en moyenne. Sur la période, l’aide au financement versée
pour soutenir les collectiv
ités ayant eu recours à un cabinet de recrutement s’est
élevée au total à 18 000
et la prise en charge financière de cours de français
en faveur des médecins généralistes étrangers à 4 000
.
3 -
Un ciblage insuffisant et un manque de suivi
La modicité des d
épenses n’est pas en soi critiquable et, de fait,
certaines stratégies, notamment départementales, sont pertinentes. Ainsi, la
démographie des médecins a évolué de manière positive en Aveyron.
368
Contribution (conjointement avec l’ARS) au financement de chargés de mission po
ur
les contrats locaux de santé (pour 1
M€
) ou pour les CPTS (pour 0,5
M€
), mesures diverses
pour la télémédecine, définition d’un «
plan régional d’attractivité pour les professions en
santé », pour un montant de 0,5
M€
sur la durée du pacte, soutien aux MSP, dont le nombre
devait être porté de 101 à 125 dans la région, et développement déjà évoqué
supra
des
centres de santé. Il est vrai que les actions engagées dans les années antérieures ont permis
de soutenir la création de 120
MSP et d’un réseau dense de CTPS et de CLS.
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542
La comparaison des interventions confirme cependant le risque de
pertinence insuffisante : certaines collectivités, pourtant confrontées à des
situations complexes en matière d’accès aux soins, ne sont pas intervenues,
faute de volonté, de moyens ou d’ingénierie. Au contraire, d’autres, qui ne
connaissent pourtant pas de difficultés particulières, ont mis en place des
dispositifs qui sont peu efficients. Ainsi, le déploiement de maisons de santé
par la communauté de communes Vendée-Sèvre-Autise a débuté avant que
ce territoire ne soit classé en zone d’action complémentaire par l’ARS, en
2018. En outre, aucun document n’explique le choix des sites choisis. De
même, la commune de Luçon (Vendée) a engagé la construction d’une
maison de santé avant que le territoire ne soit reconnu comme une zone
caractérisée par une offre de soins insuffisante, à la fin de 2017.
Par ailleurs, les interventions des collectivités ne font que très
rarement l’objet d’un suivi régulier, voire de bilans destinés à juger de
l’efficience et de l’efficacité de l’action menée. Ainsi, l’évaluation ann
uelle
du projet de santé de la MSP de la communauté de commune Mont-des-
Avaloirs (Mayenne), adressée à la région Pays de la Loire, ne porte que sur
des aspects non médicaux. De même, la convention de subvention signée
avec la région Pays de la Loire par la MSP de la commune de Luçon prévoit
que
«
le bénéficiaire s’engage à transmettre tous les ans […] un rapport
d’activité […] pendant au moins trois ans à compter de son ouverture
»
;
aucun rapport annuel d’activité n’a été transmis et les financeurs n’en on
t
pas fait la demande.
Parmi bien d’autres, la communauté de communes Vendée
-Sèvre-
Autise ne dispose d’aucun indicateur relatif à l’activité de la MSP,
concernant par exemple le nombre de patients bénéficiaires d’actions de
santé publique ou de consultations de spécialistes extérieurs. Alors que le
projet initial du réseau professionnel de santé du Nord-Aveyron indiquait que
les signataires
«
soucieux d’améliorer la qualité des soins et d’en optimiser
les coûts induits, souhaitent une évaluation annuelle des activités sanitaires
et sociales du réseau de santé »
, aucune évaluation n’a été réalisée.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
543
D -
Des aides à rénover
Au total, les contrôles menés par les chambres régionales des
comptes permettent d’identifier certains facteurs explicatifs des succès
rencontrés localement ou, à défaut, des insuffisances relevées. Ils font
apparaître en particulier la nécessité d’une bonne articulation des
différentes formes d’aides, ainsi que des projets de territoires, entre eux
369
et avec les projets de soins établis par les professionnels de santé. Un suivi
plus effectif du fonctionnement des structures aidées constitue un autre
facteur d’efficacité. Ce suivi doit associer les divers financeurs et les
professionnels et inclure une analyse périodique de l’impact dans le temp
s
des diverses formes de difficultés d’accès aux soins rencontrées par les
patients dans les territoires concernés.
S’agissant des centres de santé, la
bonne application de règles de gestion se révèle déterminante notamment
lorsqu’un département est contraint de s’engager dans une gestion directe.
Les contrôles réalisés
dans le cadre de l’enquête
confirment ainsi
que les formes d’intervention proposées aux collectivités territoriales sont
pertinentes mais qu’elles mériteraient d’être rénovées, pour mieux
contribuer à la réponse globale attendue, dans le cadre de la stratégie
nationale de «
transformation de l’offre de soins
». Des orientations ou
recommandations sont ici dessinées à cet effet.
1 -
Mieux cibler les interventions des collectivités
De nombreux exemples montrent des situations de concurrence
stérile et de manque d’efficacité des aides. Devrait donc être introduit un
meilleur ciblage des interventions des collectivités :
-
s’agissant des aides à l’installation ou au maintien des professionnels de
santé
370
, l’expérience internationale a confirmé la faible efficience des
aides individualisées directes aux professionnels
371
qui, dans le cas
français, alimentent souvent une concurrence entre territoires ; dans la
mesure où ces aides sont désormais déployées de manière accrue par
l’Assurance Maladie, il serait logique de réserver les aides des
369
Parmi les facteur
s d’échecs ou de réussite, certaines ARS ont signalé l’incidence des
projets immédiatement voisins.
370
Ainsi qu’aux aides à la PDSA, évoquées par le CGCT (voir
supra
).
371
Voir le dossier de la Drees
Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones
géographiques : les leçons de la littérature internationale
(n° 89 de décembre 2021).
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COUR DES COMPTES
544
collectivités territoriales aux seuls investissements mobiliers et
immobiliers
372
;
-
le déploiement de certaines mesures de partage du temps médical,
comme l’installation d’assistants médicaux ou l’intégration d’IPA, se
heurte à un manque de locaux disponibles ; en outre, dans certains
territoires, l’installation de centres de santé peut constituer une
solution effective, éventuellement à titre transitoire, mais elle suppose
des locaux adaptés ; une mobilisation des collectivités territoriales,
analogue à celle qui a déjà eu lieu pour la construction et
l’aménagement des maisons de santé pluridisciplinaires, apparaît très
souhaitable, dans le cadre d’une programmation recherchan
t une
égalité d’accès sur l’ensemble du territoire concerné
; il conviendrait
ainsi de confier au département la responsabilité d’établir, en relation
avec l’ARS et avec les acteurs locaux et professionnels, un plan de
création et d’adaptation des locaux à
l’exercice coordonné et partagé,
les choix d’implantation étant réservés au niveau de chaque EPCI
;
-
à plus long terme, la constitution d’une commission, par exemple au
sein des conseils territoriaux de santé
373
, permettrait d’identifier les
difficultés conc
rètes d’accès aux soins, en définissant des indicateurs
et des plans d’actions centrés sur la demande de soins (s’agissant des
médecins traitants, de la PDSA, des soins non programmés, des visites
à domicile, etc.).
2 -
Mieux outiller les interventions des collectivités
Les interventions des collectivités territoriales sont aujourd’hui
fondées sur une logique d’aménagement du territoire, ce qui conduit en
principe à les réserver à des territoires « déficitaires » ou sous-denses
(même si en pratique les périmètres sont très larges). Or, si les moyens et
le niveau d’intervention doivent être renforcés pour les territoires les plus
carencés, les difficultés d’accès touchent à un titre ou à un autre tous les
territoires. Il conviendrait donc de doter tous les territ
oires d’outils
opérationnels de connaissance et d’actions. Le bon niveau paraît être celui
des bassins de vie
374
qui correspondent, le plus souvent, aux EPCI.
372
Suppression des deux premiers alinéas de l’article L.
1511-8 du code général des
collectivités territoriales.
373
Dans certains départements, des cellules de ce type se réunissent tous les mois.
374
« Bassins ou territoires de vie
», selon les unités retenues par l’Insee (voir note de
Méthodes n° 109). Serait confirmé et reconnu le rôle, joué en pratique par les élus
municipaux, de repérage des difficultés multiformes d’accès a
ux soins.
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
545
Un outil existe déjà, mais il est trop peu utilisé et insuffisamment
opérationnel : le contrat local de santé (CLS). Il est donc proposé de
conditionner la possibilité d’intervention financière des collectivités
territoriales par la signature ou tout au moins la mise à l’étude d’un contrat
local de santé à une échelle supra-communale (au niveau de chaque EPCI
ou des autres structures de regroupement
375
), analysant notamment les
difficultés d’accès aux soins déjà repérées
376
et les réponses à y apporter
377
.
Plus généralement, les diverses difficultés que rencontrent les
différents acteurs devraient faire l’objet d’une attention accrue. Est déjà
inscrit dans la LFSS pour 2023 le principe d’un guichet unique, regroupant
l’ensemble des aides ouvertes aux professionnels de santé. Pour mieux
assurer son effectivité
, il convient qu’il se traduise, en pratique, par u
n
dossier unique partagé par l’ensemble des financeurs.
En outre, les collectivités territoriales peuvent juger à juste titre
complexe la création et la gestion d’un centre de santé. Pour les aider à
surmonter ces difficultés, des acteurs publics, nationaux ou locaux (comme
les hôpitaux de proximité) pourraient être appelés à jouer une mission de
sous-traitance et de gestion déléguée. Par ailleurs, il conviendrait de
clarifier la possibilité d’asseoir au moins une partie de la rémunération des
professionnel
s salariés des centres de santé sur l’activité. Une saisine du
Conseil d’État en ce sens pourrait être utile.
375
Certains «
pôles d’équilibre territorial et rural
» (PETR) ont ainsi coordonné une
démarche de CLDS. En revanche, le niveau communal est trop restreint.
376
Déclinaison des indicateurs analysés au niveau départemental.
377
Au-delà des actions de prévention qui y figurent déjà fréquemment.
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COUR DES COMPTES
546
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Au-delà de « bonnes pratiques » de gestion ou de coordination à diffuser
et à conforter (en levant divers obstacles si nécessaire), une structuration plus
forte au niveau national est indispensable, les interventions étant aujourd’hui
trop dispersées, éloignées des difficultés concrètes des patients et trop peu
articulées avec les logiques de projets établis par les professionnels de santé. Il
convient, dès lors, de mieux reconnaître que les collectivités territoriales
contribuent à une politique globale de santé publique et non seulement à de
l’aménagement du territoire, et de mieux organiser les coordinations utiles.
D’autres progrès seront indispensables, au niveau national, pour
définir des indicateurs plus opérationnels, capables de mieux décrire les
obstacles rencontrés dans les différents territoires par les patients, par
exemple en termes de délais de rendez-vou
s, d’accès aux médecins
traitants (pour des publics prioritaires en particulier) ou d’accès non
pertinent aux urgences hospitalières, faute d’un filtre préalable.
Sans préjudice des recommandations qu’elle formulera dans un
prochain rapport d’évaluation de
portée plus générale sur l’organisation
des soins de premier recours, la Cour adresse les recommandations
suivantes au ministère de la santé et de la prévention, au ministère de
l’intérieur et des
outre-mer et au ministère de la transition écologique et
de la cohésion des territoires :
1.
r
ecentrer l’action de soutien des collectivités locales à l’installation et
au maintien des professionnels de santé sur les seuls investissements
mobiliers et immobiliers ;
2.
p
rogrammer et coordonner à l’échelon départemental,
par exemple au
sein de la commission d’exercice coordonné, en liaison avec les EPCI,
la création et l’adaptation des locaux destinés à l’exercice coordonné
et partagé des soins ;
3.
constituer au sein des conseils territoriaux de santé une commission
chargée
d’identifier les difficultés concrètes d’accès aux
soins (
s’agissant
des médecins traitants, de la PDSA, des soins non programmés, des visites
à domicile, des établissements médico-sociaux, etc.) ;
4.
c
onditionner la possibilité d’intervention financière de
s communes et
EPCI par
la signature d’un contrat local de santé, établi à un niveau
supra-communal (EPCI notamment) et identifiant entre autres les
difficultés d’accès aux soins (à partir d’indicateurs définis au niveau
national et départemental) ;
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
547
5.
clarifier, pour les collectivités gérant un centre de santé ou déléguant cette
gestion à un opérateur sans but lucratif, la possibilité juridique de proposer
aux médecins une rémunération partiellement assise sur l’activité.
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Réponses
Réponse de la Première ministre
............................................................
551
Réponse du président du conseil régional de Centre-Val-de-Loire
........
555
Réponse du le président du conseil départemental du Loiret
..................
559
Réponse du président du conseil départemental de Saône-et-Loire
........
560
Réponse de la présidente de la communauté de communes
Monts-des-Avaloirs
................................................................................
563
Réponse du maire de la commune de Châteaudun
.................................
564
Destinataires n’ayant pas
d’observation
Madame la présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté
Madame la présidente du conseil régional d’Occitanie
Monsieur le maire de la commune de Mauvezin
Destinataires n’ayant pas répondu
Madame la présidente du conseil régional des Pays-de-la-Loire
Monsieur le président de la communauté de communes Mayenne Communauté
Monsieur le président de la communauté de communes du Pays de Mirepoix
Monsieur le président de la communauté de communes Vendée-Sèvre-Autise
Monsieur le maire de la commune de Luçon
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RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Vous trouverez ci-
dessous les remarques qu’appelle le chapitre du
rapport annuel 2023 intitulé : « Mieux coordonner et hiérarchiser les
interventions des collectivités territoriales dans l'accès aux soins de
premier recours ».
Les avancées de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
pourraient utilement être mentionnées dans le chapitre puisqu’elles visent à
mieux associer les collectivités territoriales dans la définition des besoins de
santé des territoires et la priorisation des projets d’installation par le biais
de la mise en place d’un guichet unique local d’aide à l’installation des
professionnels de santé, associant les collectivités territoriales, les
représentants des professionnels de santé, les agences régionales de santé et
l’
Assurance Maladie. Ce guichet unique aura prioritairement vocation à
offrir un service d’accompagnement global des professionnels de santé
souhaitant s’installer sur le territoire, à renforcer ainsi la
pertinence des
aides accordées aux professionnels de santé mais aussi à établir un
diagnostic commun sur la priorisation des besoins des territoires au niveau
de chaque département. Il s’accompagne d’une refonte complète des aides à
l’installation afin de
mettre fin au morcellement actuel, faciliter la lisibilité
des aides par les professionnels de santé et simplifier les modalités
d’installation.
L’observation
[dans le rapport] « les conventions signées par
l’Assurance
Maladie ont également mis en place des aides destinées à
l’installation ou au maintien des praticiens en zones sous
-dense, mais avec
un zonage plus restrictif (limité aux seules ZIP) » pourrait être nuancée
puisque ces aides se basent sur le même zonage établi par l’ARS,
conformément aux dis
positions de l’arrêté du 13 novembre 2017 relatif à la
méthodologie applicable à la profession de médecin pour la détermination
des zones prévues au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.
Enfin, il est indiqué [dans le rapport] que les aides apportées aux
communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) échappent
très largement à tout ciblage géographique. Cela est effectivement en
cohérence avec la volonté que ces CPTS se déploient vite dans un souci
d’amélioration de l’organisat
ion des soins et puissent couvrir tout le
territoire national, et pas uniquement les zones sous-denses.
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552
S’agissant des recommandations, elles appellent les observations
suivantes :
Recommandation
n° 1 :
r
ecentrer
l’action
de
soutien
des
collectivités loc
ales à l’installation et au maintien des professionnels de
santé sur les seuls investissements mobiliers et immobiliers
L
a limitation du champ d’application de l’article
L. 1511-8 du code
général des collectivités territoriales (CGCT) aux seuls investissements
mobiliers et immobiliers n’est pas opportune pour des raisons liées à
l’économie générale du dispositif et à la nécessité de laisser aux
collectivités la capacité d’adapter les aides qu’elles peuvent mobiliser en
fonction des spécificités et des besoins de leur territoire, dans la mesure où
il existe de fortes inégalités territoriales dans l’accès aux soins.
Cette approche restrictive et uniformisatrice serait contraire au
besoin d’adaptation et
de nature à limiter la capacité d’intervention des
collectivités territoriales. Elle porterait atteinte au principe de libre
administration des collectivités territoriales et nuirait au principe de
différentiation qu’encourage la loi
du 21 février 2022 relative à la
différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses
mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS ».
Elle remettrait grandement en cause la cohérence d’un dispositif
conçu pour inciter les médecins à s’installer ou à maintenir leur activité
en zone sous-
dense, avec deux outils d’intervention complémentaires que
sont les aides à l’installation ou au maintien des professionnels de santé et
les indemnités attribuées aux étudiants.
La recommandation présente davantage un enjeu de coordination
et de gouverna
nce de l’octroi des aides sur le territoire. Les collectivités et
leurs groupements décident de la nature des aides octroyées et peuvent, à
cet effet, tenir compte des aides attribuées par l’Assurance
Maladie afin
d’assurer la cohérence des mesures de sout
ien individuelles voire de
consolider les incitations financières en direction des professionnels de
santé. Les nouvelles missions confiées par la loi dite « 3DS » aux conseils
d’administration des
agences régionales de santé (ARS), au sein desquels
la place des élus a été renforcée, permettent de renforcer la coordination
des actions de lutte contre la désertification médicale dans la région.
Par ailleurs, la proposition ne conduit aucunement à limiter la
concurrence entre les différents collectivités et groupements, concurrence
également
susceptible
de
s’exercer
pour
l’octroi
des
aides
à
l’investissement
mobilier
ou
immobilier.
L’interdiction
pour
les
collectivités locales d’intervenir en matière d’aides à l’installation ou de
maintien des professionnels de santé se ferait uniquement au détriment de
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RRITORIALES DANS L’A
CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
553
l’offre de soins des territoires les plus en difficulté, et serait perçu
e
négativement par les élus et les habitants de ces territoires.
En dernier lieu, une restriction du champ d’application de l’article
L. 1511-
8 du CGCT s’inscrirait en contradiction avec la loi «
3DS » qui a
étendu les facultés d’intervention financière des collectivités en matière de
santé. En cohérence avec les objectifs du schéma régional de santé,
l’article 126
de cette loi ouvre aux collectivités la possibilité de participer,
sans condition de zonage, au financement du programme d'investissement
des établissements de santé publics, privés d'intérêt collectif et privés.
C
’est davantage dans le cadre du nouveau guichet unique qu’une
nouvelle répartition des interventions des institutions respectives est à
rechercher dans une logique de priorisation pour les zones où la
démographie médicale est la plus faible et de recherche des synergies entre
les différents territoires.
Recommandation n° 2 : p
rogrammer et coordonner à l’échelon
départemental, par exemple au sein de la commission d’exercice
coordonné, en liaison avec les EPCI, la création et l’adaptation de
s locaux
destinés à l’exercice coordonné et partagé des soins.
Le projet de chapitre préconise « de confier au département la
responsabilité d’établir, en relation avec l’ARS et avec les acteurs locaux
et professionnels, un plan de création et d’adaptation
des locaux à
l’exercice coordonné et partagé, les choix d’implantation étant réservés au
niveau de chaque EPCI » sans préciser le partage des rôles entre
département et EPCI.
Cette élaboration confiée au département doit se faire dans le
respect du princ
ipe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité sur une
autre, garanti par l’article 72 de la Constitution. Par ailleurs, si l’échelon
départemental semble pertinent, cette mission nécessiterait une forte
mobilisation de ce dernier et une étroite coordination avec les ARS.
Cette recommandation pourrait être satisfaite pour partie, par les
nouvelles responsabilités qu’a confié
es la loi 3DS aux conseils
d’administration des ARS, chargés, conformément à l’article L. 1432
-3
modifié du code de la santé publique, de :
-
Fixer les grandes orientations de la politique menée par l'agence en
ce qui concerne la conclusion et l'exécution de conventions avec les
collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en œuvre
du projet régional de santé ;
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COUR DES COMPTES
554
-
Procéder régulièrement, en lien avec les délégations départementales
de l'agence et les élus locaux, à un état des lieux de la désertification
médicale dans la région et formuler, le cas échéant, des propositions
afin de lutter contre cette situation.
Recommandation n°3 : constituer au sein des conseils territoriaux de
santé une commission chargée d’identifier les difficultés concrètes d’accès
aux soins (s’agissant des médecins traitants, de la PDSA, des soins non
programmés, des visites à domicile, des établissements médico-
sociaux…)
La nécessité de ce diagnostic partagé est avérée et a été confirmée
dans le cadre des réunions de conseil national de la refondation en santé
dans les territoires. Cependant, la création d’une nouvelle commission
ayant cette mission ne paraît pas le vecteur le plus adapté pour éviter la
multiplication des différentes instances. Cette action pourrait être conduite
dans le cadre des travaux du guichet unique qui regroupe
nt l’ensemble des
acteurs institutionnels et des représentants des professionnels de santé afin
de faire un lien entre la définition des besoins et la mise en œuvre des
solutions d’accompagnement
pour les
projets d’installation.
Cette
approche est pleinement en phase avec l’esprit qui préside au volet santé
du conseil national de refondation.
Recommandation n°4 : c
onditionner la possibilité d’intervention
financière des communes et EPCI par la signature d’un contrat local de
santé (CLS), établi à un niveau supra-communal (EPCI notamment) et
identifiant entre autres les
difficultés d’accès aux soins (à partir
d’indicateurs définis au niveau national et départemental)
Les CLS permettent aux ARS, aux collectivités territoriales et à leurs
groupements,
de définir un programme d’actions communes afin de
réduire les inégalités dans les zones déficitaires en offre de soins. Si la
contractualisation est un outil reconnu pour coordonner l’ensemble des
interventions des différents acteurs impliqués en matière de maintien de
l’offre de soins, le fait de conditionner l’intervention f
inancière des EPCI
à la signature d’un CLS méconnaîtrait la portée de l’article L. 1511
-8 du
CGCT qui autorise l’ensemble des collectivités territoriales et leurs
groupements à attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le
maintien de professionnels de santé dans les zones sous-dotées.
La mesure porterait en outre atteinte au principe constitutionnel de
libre administration des collectivités territoriales et reviendrait à mettre
en place une tutelle des agences régionales de santé sur l’act
ion des
collectivités, qui ne sont en aucun cas des opérateurs de l’État. Elle serait
enfin
perçue par les élus locaux comme une recentralisation d’une
compétence partagée entre les collectivités territoriales et l’État
, au
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RRITORIALES DANS L’A
CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
555
moment même où l’action du Gouve
rnement vise à associer pleinement les
élus locaux à l’amélioration de l’organisation du système de santé et de la
réponse aux besoins de santé de nos concitoyens.
En l’état, la conclusion de CLS doit rester une faculté à la main des
collectivités territor
iales, sur la base d’un projet de développement d’une
offre de soins de proximité, pour permettre de donner de la souplesse à
l’intervention des acteurs locaux, en fonction des besoins des territoires, et
dans le respect du principe de différentiation souhaité par le Gouvernement.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE CENTRE-VAL DE LOIRE
Vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport définitif,
relatif aux interventions des collectivités territoriales pour l'accès aux
soins de premier recours. Cet avis est basé sur les retours des "contrôles
thématiques effectués sur un certain nombre de territoires et
organisations par les chambres régionale des comptes.
J'ai pris connaissance de l'extrait que vous me soumettez et des
observations formulées sur le GIP Pro santé Centre-Val de Loire et sur le
rôle de la région qui appellent des réponses de ma part.
Aucune de mes observations sur le rapport provisoire n'a fait
l'objet d'une prise en compte même partielle. Je me permets donc de vous
présenter de nouveau ces éléments de réponse.
La création récente du GIP Pro Santé, à l'initiative de la région
Centre-Val de Loire, vise à apporter une solution complémentaire aux
difficultés d'accès aux soins primaires rencontrés par 500 000 habitants
en région qui n'ont pas de médecin traitant déclaré. C'est ainsi 20 % de la
population régionale qui se trouve privée d'un droit fondamental à se
soigner. À l'heure où les discours parlent de prévention et de parcours de
soins, la possibilité même d'une consultation pour une pathologie aigüe
est inaccessible pour beaucoup.
Vous soulignez les résultats du GIP après deux ans d'activité. Or,
si le groupement d'intérêt public a été formellement créé en juin 2020
après des mois d'échanges avec les services de l'État pour en valider les
contours juridiques et financiers, le GIP a connu dans les faits un début
d'activité en février 2021 et ce en raison notamment de' la complexité
administrative relative à la phase de création et de lancement du GIP dans
la relation avec l'ensemble des services de l'État.
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556
L'objectif posé en termes de déploiement de centres de santé était
de 30 centres de santé environ, à échéance 2025, pour le recrutement de
150 médecins salarié(e)s.
La question des effectifs, jugés bas au regard des objectifs posés,
est mise en avant.
Fin 2022, ce sont 37 contrats qui sont signés avec des médecins
généralistes en un peu plus de 18 mois d'activité du GIP. Je tiens à
valoriser ces premiers résultats qui apparaissent prometteurs. Les délais
liés à la validation de l'État dans la construction du portagé ainsi que
celles liées à la création des premiers centres de santé, faute d'identifier
des interlocuteurs ARS et ASIP en capacité d'informer et traiter les
demandes, ont été des facteurs de complexité et de retard.
Modèle économique
Vous soulignez le déséquilibre économique constaté entre les recettes,
liées pour l'essentiel aux produits de l'activité, et les charges de personnel.
Les centres de santé du GIP ayant une vocation de médecine
générale, il apparaît complexe, contrairement à d'autres modèles qui
portent des activités d'ophtalmologie ou dentaire de dégager, de facto, un
équilibre financier, L'accueil de patients souvent en renoncement aux soins
génère des consultations complexes et longues, peu rémunérées. Le mode
de rémunération, encore jugé à l'acte, sert peu les objectifs de santé
publique porté par le GIP et ne permet pas de dégager des gains
d'efficience.
Il serait utile de repenser le modèle économique des centres de
Santé et de se reposer la question de ce qui « fait santé » dans une société
où l'accès aux soins n'est pas assuré pour de nombreuses personnes.
L'État doit prendre ses responsabilités pour porter une compétence
régalienne qui lui revient en premier lieu. La santé doit-elle être
économiquement à l'équilibre ?
Si l'accord national présente des améliorations, les conditions
d'octroi des aides restent complexes à atteindre pour des structures de
petite taille telles que celles développées à l'échelle de la région. II ne peut
y avoir de communes mesures avec des centres historiques pluri
professionnels de la région Île-de-France.
Vous notez par ailleurs, concernant le centre de santé de
Châteaudun, que la rémunération des médecins est fondée sur une échelle
indiciaire de la fonction publique, sans relation avec leur activité. Je ne
doute pas que vous connaissiez l'article R. 127-83 du code de la
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
557
déontologie qui précise qu'«
un médecin ne peut accepter un contrat qui
comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle
ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa
rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement ».
Le droit public vient ainsi limiter la possibilité pour un employeur
public d'indexer la rémunération d'un médecin sur un engagement
professionnel lié au volume d'activité impactant ainsi le pilotage de
l'activité.
Maillage territorial des centres de santé
Le rapport indique que le GIP ne dispose pas de logique explicite
et de critères d'implantation des centres régionaux de santé.
Un travail collaboratif porté par le GIP a été engagé avec I'URPS,
la FMPS, l'ARS et la CPAM régionale pour définir une méthodologie de
travail et capitaliser des données récentes permettant de disposer d'une
lecture fine du territoire, les données utilisées par l'ARS datant pour
l'essentiel de 2019 et ne tenant pas compte des mouvements récents et de
la réalité des habitants, notamment exprimée par les élus.
Cette lecture croisée des secteurs les plus carencés reste difficile à
établir, les avis entre ARS, FMPS, URPS et élus étant souvent divergents,
ce qui rend complexe la détermination des lieux d'implantations
prioritaires.
Si cette connaissance fine est un préalable, il est peu réaliste
d'imaginer que le GIP, pas plus que l'État lui-même, détermine de manière
coercitive les lieux d'installation des médecins qui sont certes des lieux
d'exercice mais surtout des lieux de vie. Une stratégie trop précise
d'implantation pourrait faire perdre des opportunités de recrutement de
médecins d'où le choix d'un mode agile.
Le rapport précise que le «
cœur de cible du GIP devait être la
ruralité ». Si les secteurs ruraux sont souvent les plus déficitaires, cette
cible n'est pas exclusive, des villes, y compris en cœur de métropole,
présentent des carences. Ainsi, deux centres régionaux de santé ouverts
sur des quartiers « politique de la ville
» au cœur de la ville de Tours et de
Saint-Pierre-des-Corps, servent 25 000 habitants éloignés du soin car en
rupture sociale.
Le rapport souligne que l'ouverture de centres de santé de taille
restreinte ne permet que peu de délégations d'actes entre professionnels
de santé. À ce jour le GIP pro santé développe des actions de délégation
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558
de tâches avec des professionnels de santé libéraux, infirmières Asalée, et
notamment cinq infirmières en pratiques avancées qui, dans le cadre de
conventions avec huit médecins du GIP permettent une meilleure prise en
charge de patients stabilisés, Ces nouvelles pratiques viennent conforter
les dernières annonces du Président de la République précisant la
nécessité de développer des délégations de tâches pour recentrer le temps
médecin sur une expertise médicale.
Engagement de la Région
Le rapport souligne, en référence au Pacte régional de santé
adopté par la région en février 2022, que « les dispositifs qui concernent
directement l'accès aux soins de premier recours sont relativement
modestes sur le plan financier ».
Ce Pacte régional que la région a proposé est un cadre de réponse
global qui couvre l'ensemble de la chaine des acteurs de la santé en région,
de la formation initiale jusqu'à la prise en charge des soins. C'est cette
approche globale qui autorise la région à intervenir.
Pour ce qui relève de l'accès aux soins de premiers recours, je tiens
à vous rappeler que la région est engagée depuis plusieurs années dans
cette démarche et a soutenu, avant 2022, la création de près de
120 structures d'exercice regroupé sur l'ensemble du territoire,
regroupant plus de 1 200 soignants, dont 370 médecins généralistes. Cette
offre vient compléter le maillage de la quinzaine de MSP d'initiatives
privées. À cela s'est aussi ajouté un soutien important à d'ingénierie au
profit de la fédération régionale des maisons et pôles de santé. Comme le
précise le rapport définitif réalisé par la chambre régionale des comptes
centre Val de Loire ans son enquête relative à l'organisation territoriale
des soins de premier recours ce sont près de 13
M€
qui ont été mobilisés
par la région.
L'ambition sur ces sujets est maintenue, avec notamment l'objectif
de créer 24 MSP supplémentaires à l'horizon 2025 et permettre d'atteindre
1 500 professionnels de santé libéraux dont 500 médecins généralistes.
Plus globalement, la région a également fait valoir son engagement
sur des domaines touchant à la formation, car ce point est tout aussi
essentiel que l'accès aux soins de premier recours. Ainsi, et pour ne citer
que ce projet, la région s'est engagée à apporter 3,5
M€
pour l'installation
de la faculté d'odontologie en Centre-Val de Loire afin de former
50 dentistes par an.
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RRITORIALES DANS L’A
CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
559
Des moyens financiers supplémentaires sont fléchés pour permettre
la création de 20 résidences Pro-Santé qui permettront de répondre au
manque d'hébergement des étudiants et internes des centres hospitaliers.
L'ambition autour de la e-santé est également réaffirmée. Cet axe a
déjà fait l'objet d'un soutien important à travers le 4
è
financement de la
digitalisation de formations, l'équipement de cabinet de téléconsultations,
le soutien à plus d'une vingtaine de projets autour de l'innovation et des
usages numériques, le soutien à l'investissement au sein du GIP e-santé
pour mettre à disposition des services numériques collaboratifs et
renforcer l'interopérabilité au service de la coordination entre les
professionnels sanitaires, médico- sociaux et sociaux.
Enfin, ces initiatives sont complétées par des actions sur l'ensemble
des déterminants de santé. La région agit donc aussi en faveur de la
prévention et de l'éducation à santé, à l'alimentation de proximité et
qualité, à la réduction des habitants aux perturbateurs endocriniens, à la
promotion de l'activité physique et sportive.
Dès lors, vous comprendrez que ces éléments de bilan et les
perspectives affichées témoignent d'une prise en compte systémique des
enjeux et des réponses à y apporter, comme d’une détermination majeure
de la région que je ne peux considérer comme « limitée ».
RÉPONSE DU
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DU LOIRET
J'accuse
réception
du
rapport
définitif
de
l'enquête
sur
l'organisation des soins de premiers recours et je vous en remercie. À cette
occasion, vous avez souhaité formuler une observation concernant l'appel
à initiative « santé innovation Loiret » et plus spécifiquement sur la
pérennité des initiatives financées.
Il est nécessaire de préciser de nouveau qu'il s'agit bien d'un appel
à initiatives et non d'un appel à projets. Le département accompagne ainsi
l'innovation et l'expérimentation pour l'accès aux soins. Les initiatives
déposées sont examinées par un comité technique qui réunit : la région, la
CPAM, l'ARS, la conférence des financeurs lorsqu'il s'agit d'un projet
visant les séniors, la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du
travail et des solidarité (DREETS) et l'URPS médecins libéraux.
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COUR DES COMPTES
560
Plus précisément, cette instance technique permet :
-
le partage de la connaissance des initiatives du territoire par tous les
acteurs susceptibles d'apporter de manière pérenne du conseil et des
financements selon leurs propres modalités ;
-
l'analyse de la viabilité de l'initiative par les participants au comité
technique ;
-
la possibilité de financements pérennes si l'expérimentation est
concluante au terme de la convention.
Ces éléments vous permettront d'attester que le département porte
une attention particulière aux initiatives et que ce financement sert bien au
lancement d'expérimentations. La question de la pérennité des projets se
posera si ces dernières s’avèrent concluantes.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE SAÔNE-ET-LOIRE
Par courrier en date du 15 décembre 2022, vous m'avez transmis un
extrait du chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2023 de
la cour des comptes.
En application des articles L. 148-8 et R. 143-13 du code des
juridictions financières, je vous communique la réponse que je souhaite
voir publiée avec le rapport définitif.
Il me semble important de rappeler en préalable que sur le champ
de l'accès aux soins, le département de Saône-et-Loire intervient depuis
cinq années de manière pragmatique et volontariste. En effet, comme le
souligne la Cour des comptes, la définition des règles d'accès aux
soignants et les modalités d'exercice de leur profession dépend de l'État,
responsable de la politique sanitaire.
La santé et plus spécifiquement l'accès aux soins est la
préoccupation première des français, qui demeurent très inquiets pour
l'avenir de ce secteur. Trouver un médecin traitant, se soigner, renouveler
une ordonnance sont autant de sujets de préoccupation au quotidien pour
nos concitoyens, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer en
cas de défaillance : générer et aggraver les inégalités de santé, précariser
encore davantage les publics vulnérables, ne pas bénéficier de l'accès à la
prévention, entraîner une perte de chance pour sa santé, différer un
diagnostic de maladies graves dont la prise en charge n'en sera que plus
coûteuse pour les finances publiques. En 2016, la Saône-et-Loire se
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DES COLLECTIVITÉS TE
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CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
561
trouvait dans une situation extrêmement préoccupante avec un déficit de
médecins sur le territoire très marqué et de nombreuses perspectives de
départs à la retraite les années suivantes.
Face à ce constat, et en l'absence de solutions apportées par les
autorités compétentes, le département se devait d'agir. C'est ainsi que j'ai
décidé d'engager la collectivité en proposant la création du premier centre
départemental de santé en France.
La Cour des comptes relève que le recours au salariat, grâce à des
centres de santé, peut être une solution là où la densité en médecins libéraux
est très dégradée. La Cour précise ainsi que la création du centre de santé
de Saône-et-Loire est pertinente. En outre, depuis la loi 3 DS relative à la
différenciation, la décentralisation et la déconcentration, la gestion d'un
centre de santé par un département est explicitement prévue par la loi.
Je partage le souci de la Cour des comptes d'une bonne gestion des
deniers publics. Pour autant, je ne puis laisser dire que le centre
départemental de santé n'est pas géré avec suffisamment de rigueur.
Si l'équilibre financier du centre de santé n'est pas encore atteint,
c'est tout simplement que notre structure a dû se développer beaucoup plus
rapidement que prévu, pour répondre aux préoccupations et aux urgences
du quotidien. Et tout cela est assumé.
Notre priorité était de permettre aux habitants de Saône-et-Loire
d'accéder aux soins, ce qui est le cas puisque 30 000 habitants ont retrouvé
aujourd'hui un médecin traitant grâce au centre départemental de santé. De
plus, plusieurs facteurs expliquent cette réalité : la dynamique rapide et
permanente du centre de santé et de son développement, la volonté d'apporter
une réponse au plus proche des habitants, l'état de santé de nombreux patients
privés de suivi médical depuis plusieurs années, l'ambition d'investir des
dispositifs innovants ou encore la contribution à plusieurs missions de service
public relevant de la compétence départementale. À cela, est venue s'ajouter
une crise sanitaire aussi violente qu'imprévue.
Créé en 2017, le centre départemental de santé demeure attractif et
parvient à garder un rythme soutenu de développement de son offre de soins
de premiers recours. Cela est particulièrement mis en avant par la Cour des
comptes qui constate une forte croissance de son personnel soignant, passant
de quatre médecins en 2018 à 70 à ce jour. L'activité à taux plein n'a pas
encore pu être stabilisée. De plus, le recrutement de nouveaux soignants est
un défi constant qui nécessite du temps et des moyens dédiés, notamment
d'administration, pour parvenir à attirer des professionnels de santé.
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COUR DES COMPTES
562
Ouvert à tous, le centre de santé se mobilise sur un territoire où les
patients n'ont souvent plus accès aux soins, sont porteurs de
polypathologies, et sont parfois en grande précarité sociale (30 % sont en
maladie de longue durée, 12 % ont plus de 80 ans et 15,8 % sont
bénéficiaires de la complémentaire santé solidarité). Composés de 30 lieux
de consultations répartis sur l'ensemble du territoire, le Centre de santé a
permis de ré intégrer des patients dans une filière de soins au plus proche
de chez eux. Cet objectif permanent d'aller vers la population se traduit
également par la réalisation de nombreuses visites à domicile et
interventions en structures médicosociales et notamment dans les EHPAD.
Comme le souligne la Cour, le c
entre de santé met en œuvre
plusieurs missions spécifiques de service public relevant notamment des
missions départementales. À ce titre, 20 % des activités médicales
n'entrainent pas de facturation.
Enfin, le centre de santé se saisit de toutes les innovations et
dispositifs proposés par les autorités sanitaires : infirmières "asalée",
assistants médicaux, infirmiers en pratique avancée, psychologues,
déploiement de la télémédecine
téléconsultations et télé expertise.
Cette mobilisation permanente sur les expérimentations et
nouveautés démontre la capacité du centre de santé à faire évoluer son
fonctionnement de manière agile et dynamique. Là encore investir sur ces
champs nouveaux nécessite un travail préalable d'ampleur.
Pour conclure, il me semble important de souligner que grâce à
cette action déterminante du département de Saône-et-Loire au cours des
cinq dernières années, 70 médecins ont rejoint le territoire pour y exercer.
S'il n'a jamais eu vocation à être la panacée, le centre de santé permet
d'apporter une réponse significative à une situation sanitaire difficile et
sous pression. Sans cela, de nombreux habitants auraient été confrontés à
des risques importants pour leur santé.
Ainsi, même s'il reste des éléments à améliorer, les recettes couvrent
une part croissante de ses charges, près des 2/3 désormais. L'objectif des
80 % est donc très proche. De surcroit, comme le souligne la Cour, les
aides des collectivités territoriales sont peu significatives au regard des
dépenses de l'État sur l'amélioration des soins de premiers recours. Il en
va de même pour le département de Saône-et-Loire : le centre
départemental de santé ne représente qu'1,5 % du budget total de la
collectivité en 2023 et un coût net de moins de 3 € par an par habita
nt.
Il me semble que les finances publiques en général et celles du
département en particulier restent gagnantes de cette action. En effet, les
conséquences de l'inaction auraient été bien plus coûteuses pour le territoire.
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AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
563
Le département de Saône-et-Loire va poursuivre son déploiement et
son action tout en continuant d'améliorer l'équilibre financier tel que cela
a toujours été prévu.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ
DE COMMUNES MONTS-DES-AVALOIRS
Vous m’avez adressé les extraits d
u chapitre « Mieux coordonner et
hiérarchiser les interventions des collectivités territoriales dans l’accès
aux soins de premiers recours », destiné à figurer dans le rapport public
annuel 2023 de la Cour des comptes.
Dans cet extrait, au chapitre II section C sous-section 3 : « un
ciblage insuffisant et un manque de suivi », vous citez notre collectivité en
précisant que l’évaluation annuelle du projet de santé de la MSP de la
CCMA adressée à la région Pays-de-la-Loire ne porte que sous des aspects
non médicaux.
Les statuts de notre EPCI stipule dans son chapitre « Compétences
facultatives », en matière de « Santé Publique » que la compétence de notre
collectivité est : «
la construction et la gestion locative d’un pôle de santé
libérale ambulatoire et de maisons de santé pluridisciplinaires satellites ».
De ce fait, la CCMA n’a pas compétence à intervenir au titre du
fonctionnement et de l’organisation des professionnels de santé et
notamment dans le cadre du projet de santé porté par ces mêmes
professionnels.
Par ailleurs, la MSP est bien installée sur le territoire de la CCMA,
mais elle n’est pas un service de la collectivité. Elle est «
MSP collectif
Santé Villaines Javron
» émanant de l’organisation de professionnels
libéraux (médecins libéraux, paramédicaux libér
aux) constitués à l’origine
en association (2012 : Association des Professionnels de Santé Villaines
Javron) en lien avec l’
agence régionale de santé.
Depuis cette association a fait place (2016) à une société
interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) labélisée par un accord
conventionnel interprofessionnel sous tutelle de l’
agence régionale de santé
et de la caisse p
rimaire d’Assurance Maladie. Ce sont les organismes auprès
desquels les professionnels transmettent depuis leur organisation en
collectif, les évaluations annuelles correspondantes à leur projet de santé.
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COUR DES COMPTES
564
RÉPONSE DU MAIRE DE LA COMMUNE DE CHÂTEAUDUN
Vous m’avez communiqué, aux fins de réponse, un extrait du rapport
annuel 2023 de la Cour des Comptes, relatif aux centres de santé et dans
lequel la commune de Châteaudun est citée parmi les exemples de
« déploiements ni efficaces ni efficients ».
Si je salue la démarche de votre haute juridiction qui permet
d’aborder un sujet particulièrement complexe, en perpétuelle évolution, et
dont les collectivités territoriales finissent par assumer une responsabilité
quotidienne à l’égard de leurs administrés qui dépasse, très souvent, le
cadre de leurs compétences, vous comprendrez que je ne puisse accepter
la qualification qui est faite de la démarche de notre collectivité en matière
de santé.
Comme vous le savez, l’article L. 1411
-11 du code de la santé
publique précise que les soins de premiers secours « sont organisés par
l'agence régionale de santé conformément au schéma régional de santé
prévu à l'article L. 1434-2 ». Or dans les faits, et malgré la bonne volonté
des ARS, les communes sont en première ligne dans «
l’organisation
» des
modalités d’accès aux soins de premiers recours, devant de fait intervenir
dans des champs partenariaux qu’elle
ne connait que très mal, avec une
multiplicité d’acteurs et des projets parfois divergents à mettre en œuvre.
L’extrait que vous me communiquez pourrait laisser à penser que la
mise en œuvre d’un
centre municipal de santé sur le bassin de santé de
Châteaud
un
alors
qu’il
existait
déjà
une
maison
de
santé
pluridisciplinaire, pouvait manquer de pertinence.
Il me semble essentiel de rappeler que les collectivités ont été
confrontées (et le sont encore d’ailleurs…), à la désaffection des médecins
à venir exercer au sein de MSP sous un statut libéral, pour privilégier un
mode d’exercice fondé sur le salariat, que seuls les CSM sont en mesure
de leur offrir. La multiplication des points d’offre permet au contraire
d’avoir une offre.
C’est donc pour répondre à un souci réel d’attractivité du territoire
que la commune a pris l’initiative d’un CSM.
S’il est constant que le CSM ne dispensait plus de soins non
programmés depuis 2020 et ne participait pas aux permanences de soins
en soirée ou en fin de semaine, cette tend
ance s’est très largement
expliquée, sur le terrain et au quotidien, par deux éléments incontestables.
Tout d’abord, les publics déjà éloignés des problématiques d’accès
aux soins de premiers recours, et situés en QPV, ont renforcé leur
éloignement des str
uctures de soins de peur d’être contaminés par la
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MIEUX COORDONNER ET HIÉRARCHISER LES INTERVENTIONS
DES COLLECTIVITÉS TE
RRITORIALES DANS L’A
CCÈS
AUX SOINS DE PREMIER RECOURS
565
covid 19
. Je rappelle d’ailleurs, qu’en dehors des périodes de confinement,
tous les partenaires sociaux ont noté les difficultés à remobiliser les
usagers et à les faire revenir auprès des structures publiques. Plus encore,
la sollicitation forte de l’ensemble des personnels de santé au cours de
l’épidémie, a également conduit à adapter les modes de consultation de
droit commun et à les restreindre fortement.
Ensuite, la mobilisation des acteurs de santé autour de projets
communs demande du temps, de la diplomatie, de la bienveillance, que
nous nous efforçons de mettre en œuvre dans le respect des partenaires
médicaux et paramédicaux. Je vous informe d’ailleurs, qu’en lien avec la
CPTS SUD 28, les médecins du CSM de Châteaudun vont participer à une
expérimentation tendant à mettre en œuvre un dispositif spécifique
d’intervention en soins non programmés
.
Je me félicite de la mise en œuvre de ce dispositif qui repose sur une
prise en compte essentielle dans les évolutions liées à la désertification
médicale : confier aux professionnels de santé, à travers les CPTS, la
responsabilité de l’organisation des modes de réponse les plus adaptés,
pouvant être mis en œuvre, dans leurs assises territoriales
.
Il est de notoriété publique, Monsieur le Premier président, que la
commune de Châteaudun est le reflet de l’image de la France lorsque les
citoyens sont appelés aux urnes.
Je crois sincèrement, qu’à bien des égards, la commune de
Châteaudun est aussi le reflet de la France sur des domaines tout aussi
essentiels que celui de la santé et de sa volonté de développer son territoire.
Nous œuvrons par exemple au développement de l’hôpital public de
Châteaudun, tout comme de notre centre de santé municipal.
Ma volonté farouch
e est d’œuvrer, chaque jour de mon mandat, à
promouvoir la santé à Châteaudun, au service des Dunoises et des Dunois.
Je suis persuadé que si les critères de bonne gestion sont effectivement des
invariants essentiels à la gestion des structures que les collectivités créent,
il importe d’avoir des professionnels de la santé (spécialistes,
généralistes), de qualité et en nombre, au service de nos habitants.
Cette dynamique est en cours sur notre territoire et nous
accompagnerons toujours avec force et détermination nos partenaires
dans la trajectoire qu’ils entendent mettre en œuvre pour répondre aux
problématiques d’accès aux soins de premiers recours dans notre ville.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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