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2
Les finances locales, un mode
de financement à redéfinir
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La décentralisation, telle que nos institutions l’ont mise en œuvre
depuis les lois dites « Defferre » de 1982 et 1983, a induit un
bouleversement de la gestion financière des collectivités locales. La fin de
la tutelle financière exercée par le représentant de l’État, c’est
-à-dire
l’exercice de la liberté et de la responsabi
lité
,
en était l’élément central.
Elle était assortie d’une contrepartie
:
la mise en œuvre de contrôles
spécifiques, contrôle de légalité sur la conformité des actes au droit en
vigueur, contrôle budgétaire et contrôles des comptes et de la gestion des
collectivités exercés par les chambres régionales des comptes, constituées
à cet effet et dont les observations sont publiques.
À la suite de ces importantes réformes, la situation des finances
publiques locales a connu de fortes évolutions. La constitution
d’un
appareil administratif, par la création de la fonction publique territoriale
dont la dimension a cru avec l’étendue des compétences exercées,
l’institutionnalisation de l’intercommunalité dans une pluralité de statuts
et une grande diversité de missi
ons, la mise en œuvre des lois successives
de décentralisation résultant de priorités politiques différentes et, enfin, les
soubresauts de l’actualité et les crises sociales, économiques ou
financières qui ont émaillé la période, ont eu des impacts majeurs sur les
finances locales.
Dans le même temps, la population française a augmenté de près de
11
millions d’habitants supplémentaires, et elle a vieilli. Les services de
proximité que nos concitoyens attendent de leur commune et des autres
niveaux de collectivités ont donc considérablement évolué. Les
réglementations, notamment techniques ou sanitaires, se sont également
complexifiées, induisant là aussi une prise en charge différente de leurs
besoins.
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126
La relation des collectivités à l’État s’est en
conséquence
transformée progressivement, pour intégrer la responsabilisation des élus
locaux et de leurs administrations sur des champs de compétence nouveaux
et pour tenir compte des contraintes, notamment européennes et
internationales, qui se sont imposées à l
’État.
Le présent chapitre établit un bilan de l’évolution des finances
publiques locales à l’issue de quarante années de décentralisation, depuis
ce qui a été appelé «
l’acte
I » de la décentralisation, et caractérise la
situation actuelle.
La place des finances locales au sein des finances publiques a
significativement augmenté, les dépenses des collectivités progressant en
même temps que leurs ressources étaient sécurisées (I). Cette évolution
induite, pour partie seulement, par la décentralisation,
s’in
scrit dans un
contexte qui en rend le financement inadapté et appelle à la rénovation de
leur encadrement (II).
Précisions de méthode
L’analyse de
40
années de finances publiques locales s’appuie sur
deux sources distinctes d’information
:
d’une part, le
s comptes des
administrations publiques locales (APUL) tels qu’ils ressortent de la
comptabilité nationale établie par l’Insee
;
d’autre part, les comptes de
gestion des collectivités territoriales.
Le périmètre des APUL inclut non seulement les collectivités
locales, mais également les organismes divers d’administration locale
(ODAL). Les séries de données disponibles n’ont pas la même antériorité
:
au sein de la comptabilité nationale, le détail entre collectivités locales et
ODAL n’est pas disponible ava
nt 2009.
Par extension, et sauf mention contraire, il sera fait référence aux
collectivités locales pour désigner l’ensemble des APUL. Les données
nationales agrégeant les comptes de gestion des collectivités territoriales ne
sont pas disponibles avec le même niveau de détail. Les données concernant
les syndicats intercommunaux ne sont disponibles qu’à compter de 2014.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
127
Observées sur 40
ans, ces données ne peuvent être comprises qu’au
regard de l’évolution des champs de compétence, de la qualité des servic
es
rendus aux citoyens et des normes qui s’appliquent au fonctionnement des
services publics, ainsi que de la démographie (depuis 1983, la France
compte 10,6
millions d’habitants supplémentaires, soit une augmentation de
près de 19 %).
Or, le niveau de détail des données disponibles et la fiabilité,
notamment de la comptabilité fonctionnelle, ne permettent pas d’identifier
avec précision depuis 1983 la nature des dépenses et leur destination, ce qui
limite les analyses et nuance les conclusions. C’est la ra
ison pour laquelle,
dans la deuxième partie du présent chapitre, faute de données existantes, la
décomposition des dépenses et des recettes par catégorie de collectivités est
présentée hors budgets annexes.
I -
L’accroissement significatif du poids des
finances locales au sein des finances publiques
L’extension du champ des politiques publiques et la multiplication
des acteurs locaux ont profondément transformé les finances des
collectivités locales depuis les premières lois de décentralisation. Si les
dépenses
locales ont fortement augmenté depuis 1982, elles n’occupent
cependant pas une place prépondérante au sein des finances publiques.
En 1980, les collectivités locales représentaient 17 % des dépenses
et 15 %
des recettes de l’ensemble des administrations p
ubliques. Leur part
s’est accrue pour atteindre 20,2
% des dépenses publiques en 2019 avant
de redescendre à 19 %
en 2021 sous l’effet de la forte augmentation des
dépenses de l’État et de la sécurité sociale pendant la crise sanitaire. À cette
même date, les recettes des collectivités locales représentaient 21,3 % des
recettes publiques.
Le contenu des dépenses locales a par ailleurs profondément évolué,
notamment du fait des transferts de compétences. Les recettes locales
demeurent structurées par la place prépondérante des prélèvements
obligatoires. Enfin, la maîtrise de la dette n’est plus l’enjeu principal des
finances publiques locales.
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128
A -
Une progression des dépenses locales
tout au long de la période
1 -
Le rythme global de progression de la dépense locale,
longtemps très soutenu, ralentit désormais
La dépense publique locale par habitant a doublé entre 1985 et 2020,
passant en euros constants, c’est
-à-
dire hors effet de l’inflation, de 2
013
à 4 000
(en euros 2020)
89
. Sur la même période, les dépenses de
l’État
par habitant ont été multipliées par 1,4. Cette forte progression ne s’est pas
effectuée de manière continue au cours des 40 années de décentralisation.
Au cours de la décennie 1980-1990, le taux de croissance annuel
moyen hors inflation des dépen
ses locales s’élevait à 3,6
%
. Il s’est réduit
à 3 %
jusqu’en 2010 et, entre 2010 et 2020, il n’était plus que de 0,5
%
(1,6 %
avec inflation), étant précisé qu’il n’y a pas eu de transfert
significatif de compétences sur la période.
Cet infléchissement a notamment porté sur les charges de personnel,
dans un contexte de stabilité de la valeur du point d’indice de la fonction
publique
90
. La masse salariale représente aujourd’hui 60
% des dépenses
de fonctionnement (66 % en 1982). Les autres dépenses de fonctionnement
courant (achat de biens et services) ont été plus dynamiques.
Sur la période allant de 1980 à aujourd’hui, la dépense publique
locale a augmenté significativement plus que le produit intérieur brut
(PIB)
91
. Elle en représentait 8 % en 1980 et 12 %
en 2009. Elle s’est depuis
maintenue en-deçà de ce point haut, revenant à 11 % depuis 2018.
Sur la même période, les dépenses de sécurité sociale ont
constamment progressé, tandis que celles de l’État se sont nettement
contractées à partir de 1997. En 2021, les dépenses locales représentaient
11,2 %
du PIB, les dépenses de l’État 22,7
% et celles des organismes de
sécurité sociale 27,4 %
. Les dépenses de l’État et celles des collectivités
peuvent être mises en regard dans la mesure où, au moins pour partie, elles
89
Sans prendr
e en compte l’évolution démographique et l’inflation, la dépense publique
locale a été multipliée par huit depuis 1980 et celle de l’État par six.
90
Le point d’indice de la fonction publique a progressé en moyenne de 6,4
% par an au
cours des années 1980, de 1,7 % par an au cours des années 1990, de 0,8 % par an au
cours des années 2000 et de 0,1 % par an au cours des années 2010.
91
Cf.
Les transferts financiers de l’
État aux collectivités territoriales
, Annexe au projet
de loi de finances pour 2022, disponible sur www.budget.gouv.fr.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
129
retracent les effets contraires des transferts de compétences liés à la
décentralisation. Les déterminants de la dépense sociale sont de nature
spécifique et indépendante de la décentralisation. Ce sont
pour l’essentiel
le vieillissement de la population, qui impacte les dépenses de retraite et de
santé, et le progrès technique, qui impacte les dépenses de santé.
Graphique n° 1 :
évolution des dépenses des collectivités locales,
de l’État et des administrations de sécurité sociale (% PIB)
Source : Insee. Données APUL. Les étiquettes indiquent les années où la dépense publique locale
a dépassé une unité supplémentaire de PIB
Malgré sa croissance liée à l’extension des compétences des
collectivités locales, le poids de la dépense publique locale en France
demeure en
retrait par rapport aux autres pays de l’Union européenne
(17,9 %
). À titre d’illustration, le budget cumulé de l’ensemble des régions
françaises (37,7
Md€ en 2021) est significativement inférieur à celui du
Land de Bade-Wurtemberg (57,4
Md€). Cette situation résulte d’une
décentralisation plus forte de compétences et de ressources aux institutions
locales, mais aussi du rôle important joué par les collectivités locales de
ces pays dans des domaines pris en charge en France par la sécurité sociale
(santé, aide sociale, politique familiale etc.).
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130
Graphique n° 2 :
part des dépenses locales dans les dépenses
publiques des pays de l’Union européenne (2020)
Source : Eurostat
2 -
Le poids relatif des dépenses locales dans le financement
des politiques publiques
Depuis les années 90
92
, l’essentiel des dépenses locales est consacré
aux affaires économiques (dont plus des deux tiers portent sur les services de
transports), à la protection sociale (insertion sociale, famille, vieillesse) et aux
services généraux. Les champs économiques et sociaux représentent 42 % des
dépenses locales en 1995, et encore plus de 40 % en 2021.
Le poids des prestations sociales dans la dépense locale a fortement
progressé à partir de 2004, lorsque l’État a confié aux départements la
charge du versement du revenu minimum d’insertion (RMI) ainsi que de
nouvelles prestations
comme l’allocation personnalisée d’autonomie
(APA). Elles ont ensuite progressé de manière continue et soutenue au
cours de la dernière décennie (+ 3,3 % par an).
92
Les données fonctionnelles établies par l’Insee ne sont disponibles que depuis 1995.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
131
Tableau n° 1 :
dépenses locales ventilées par fonctions (1995-2020)
1995
2000
2010
2020
Services généraux
25,3 %
25,0 %
18,2 %
18,1 %
Affaires économiques
25,8 %
24,6 %
19,6 %
20,8 %
dont transports
16,5 %
15,7 %
12,5 %
14,3 %
Protection sociale
16,4 %
12,5 %
18,1 %
19,5 %
Enseignement
13,0 %
14,4 %
14,7 %
13,4 %
Loisirs, culture et culte
5,9 %
7,3 %
9,4 %
8,9 %
Logements et équipements collectifs
6,7 %
7,8 %
8,6 %
7,8 %
Protection de l’environnement
4,6 %
6,0 %
7,6 %
7,6 %
Sécurité publique
1,6 %
1,9 %
3,0 %
3,1 %
Source : Insee
Les dépenses de « services généraux » intègrent les opérations concernant la dette publique. Les
dépenses intitulées « affaires économiques » intègrent les dépenses liées aux transports. Au sein de
la catégorie « logements et équipements collectifs », la part propre au logement est très minoritaire.
Pour autant, le poids des dépenses locales au sein de chaque grande
politique publique donne une image nuancée du rôle des collectivités.
Graphique n° 3 :
part des collectivités locales au sein des grands
domaines de dépenses publiques en 2019 (Md€ et
%)
Source : Insee. Montants 2019. Données APUL et APU
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132
Ainsi, les collectivités locales prennent en charge moins de 9 % de
l’ensemble des dépenses publiques de protection sociale qui, pourtant,
représentent 20 % de leurs charges. Dans le champ traditionnel et
emblématique de l’éducation,
elles financent moins de 30 % des dépenses,
car l’État assume la charge de la masse salariale du personnel enseignant
et, pour l’essentiel, de l’enseignement supérieur.
À l’inverse, les services publics de proximité sont financés de
manière prédominante par les col
lectivités locales, à l’instar de la gestion
des équipements collectifs (plus de 86 %), de la protection de
l’environnement (notamment la gestion des déchets et des réseaux d’eau et
d’assainissement) ou des transports publics (plus de 76
%). Dans les
politiques sportives et culturelles, la place prépondérante des collectivités
locales (près de 74 %
) s’explique en partie par le désengagement progressif
de l’État
93
. Dans le domaine de la sécurité publique, les collectivités locales
assurent 92 % des dépenses d
e sécurité civile du fait de l’action des
services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
3 -
Le rôle majeur des collectivités locales en matière
d’investissement public
En
2019,
les
collectivités
locales
ont
réalisé
55 %
de
l’investissement public
94
. Elles interviennent en particulier pour le
développement et le renouvellement de la voirie et des aménagements
urbains et la construction et la rénovation des bâtiments scolaires (écoles
communales, collèges, lycées) et des équipements culturels et sportifs
(bibliothèques, gymnases, stades, centres aquatiques, etc.).
Ces investissements représentent, de manière stable sur longue
période,
environ
20 %
de
leurs
dépenses.
Rapporté
au
PIB,
l’investissement local est demeuré stable depuis le début de la
décentralisation (il représentait 2,6 % du PIB en 2021 comme en 1982).
93
Cf. par exemple Cour des comptes,
Le soutien du ministère de la culture au spectacle
vivant
, rapport public thématique, mai 2022.
94
58,3 % hors dépenses militaires.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
133
Ainsi que l’a relevé la Cour s’agissant des collèges et des lycées
95
ou
des réseaux de voirie non concédée
96
, les transferts d’équipements de l’État
vers les collectivités ont fréquemment nécessité des programmes importants
d’investissement afin de remédier à des défauts récurrents d’entretien, de les
remettre au niveau des normes en vigueur ou d’en augmenter les capacités.
B -
Des ressources sécurisées
Le dialogue entre l’État et les collectivit
és locales sur le niveau de
financement des compétences transférées fait l’objet de tensions
récurrentes. Pour autant, les équilibres financiers des collectivités
territoriales se révèlent solides, du fait de produits d’imposition stables et
de l’intervention de l’État sous forme de dotations.
1 -
Des produits d’imposition peu volatiles
et protecteurs des collectivités
Le financement des collectivités locales est assuré à 60 % par des
prélèvements obligatoires. Outre les traditionnels impôts locaux
taxes
fonc
ières et d’habitation, cotisations sur la valeur ajoutée, etc. –
leurs
recettes fiscales comprennent le produit de nombreuses taxes locales (taxe
de séjour, taxe sur les produits des jeux, par exemple). Elles incluent
également des parts d’impôts nationaux
affectées, soit pour financer des
transferts de compétences (droits de mutation à titre onéreux, taxe
intérieure de consommation sur les produits énergétiques, taxe sur les
conventions d’assurance), soit résultant des différentes réformes de la
fiscalité locale, notamment la substitution de fractions de taxe sur valeur
ajoutée (TVA) au produit de divers impôts locaux.
95
Cour des comptes,
La décentralisation et l’enseignement du second degré
, rapport
public particulier, février 1995, disponible sur www.ccomptes.fr.
96
Cour des comptes,
L’entretien des routes nationales et départementales
, rapport
public thématique, mars 2022, disponible sur www.ccomptes.fr.
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134
Graphique n° 4 :
répartition des recettes des collectivités locales
en 2021
Source : DGCL
Ainsi, si les collectivités locales ont bénéficié de 15 % du produit
des prélèvements obligatoires en 2021, contre 10 % en 1984, cette
progression ne résulte pas seulement d’une sollicitation accrue du
« contribuable local »
, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises, mais
aussi de l’affectation par l’État d’une part croissante d’impôts nationaux.
En 2021, 37 % (contre 14 % en 2014) des ressources fiscales des
collectivités locales provenaient ainsi d’impôts nationaux, sans relation
avec une base territoriale.
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135
Graphique n° 5 :
répartition de la fiscalité locale entre ménages
et entreprises (comparaison 2014
2021)
Source :
Cour des comptes, d’après données DGFiP et INSEE
Une répartition des impôts entre l’État et les collectivités qui
protège ces dernières des risques liés à la conjoncture économique
La nature des impôts affectés aux collectivités locales a contribué,
au cours des 40 dernières années, à la sécurisation des ressources locales.
En effet, l’État a partagé le produit des impôts dont la dynamique était
favorable ou qui apparaissaient peu exposés aux retournements de
conjoncture.
Ainsi, en 2009, alors que le PIB national régressait de 2,9 % dans un
contexte de crise économique mondiale, les produits des collectivités
locales ont globalement progressé de 3,5 %. Dans le même temps, les
prélèvements obligatoires au profit de
l’État chutaient de 16
%.
En 2020, alors que le PIB régressait de 8 % en raison de la crise
sanitaire, le produit des prélèvements obligatoires baissait de 6,3 % pour
l’État, mais seulement de 1,7
% pour les collectivités locales.
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136
De fait, l’État a systé
matiquement compensé les effets sur les
finances locales des transferts de compétences, de ses décisions de
dégrèvement
97
ou de réforme de la fiscalité pour des raisons sociales
98
ou
économiques
99
, ou encore des aléas de la conjoncture, en prélevant de la
ressource fiscale nationale au profit des collectivités locales. Le
quantum
des
ressources
transférées
et
son
évolution
dans
le
temps
ont
systématiquement fait l’objet de débats, voire de contentieux, mais le
dynamisme de ces ressources transférées (TVA notamment) a participé à la
sécurisation durable des équilibres financiers locaux, au détriment de ceux
de l’État qui a finalement supporté seul les impacts des crises et aléas divers
au travers d’un accroissement de sa dette.
Pour autant, les collectivités locales ne sont pas totalement exemptes
de risques sur leurs ressources. La crise sanitaire a montré la grande
exposition au risque conjoncturel de certaines d’entre elles, comme les
communes touristiques, du fait de l’effondrement de la taxe de séjour ou de
la taxe sur les produits des jeux. Elle a aussi révélé la sensibilité des recettes,
autres que les prélèvements obligatoires, à la situation économique et la
forte exposition aux évolutions de la conjoncture des collectivités dont la
part des recettes tarifaires (piscines, médiathèques etc.)
et d’occupation de
l’espace public (parkings publics, terrasses de bars
etc.) est importante.
2 -
Des financements directs de l’État stables sur la période
L’État participe au financement des collectivités locales par ses
dotations et subventions, qui représentent 2,7 % du PIB en 2021, contre
2,6 % du PIB en 1980. Du fait de la croissance des autres recettes des
collectivités, leur part
dans les budgets locaux s’est mécaniquement
contractée d’un tiers sur la période (passant
de 37,6 à 24,2 %).
Ces dotations, ainsi qu’une partie des ressources fiscales qui leur
sont affectées, sont comptabilisées parmi les transferts de l’État aux
collectivités locales. Alors que la décennie 2000 à 2010 avait connu une
forte progression de ces transferts, ils se sont stabilisés à partir de 2010
100
.
97
La compensation des transferts de compétences et des dégrèvements est de droit.
98
Par exemple pour compenser la disparition progressive de la taxe d’habitation.
99
Par exemple pour compenser la disparition de la taxe professionnelle ou réduire les
impôts de production.
100
La baisse observée en 2021 est due au remplacement des dégrèvements de taxe
d’habitation par des recettes fiscales (TVA) qui ne sont pas comptabilisées
comme des
transferts.
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137
Graphique n° 6 :
transferts de l’État aux collectivités locales
et recettes des collectivités (Md€)
Source :
Cour des comptes, d’après DGFiP et Insee
Une vision complète des transferts de l’État vers les collectivit
és
locales intégrant la fiscalité nationale partagée ferait néanmoins apparaître
leur augmentation sensible sur la dernière décennie. Elle gommerait par
exemple l’effet de baisse constaté en 2021 résultant du remplacement des
dégrèvements de taxe d’habitat
ion, considéré comme un transfert, par
l’affectation d’une part des produits de la TVA, qui réduit d’autant les
recettes de l’État.
C -
Une dette publique locale aujourd’hui maîtrisée
Depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, la dette des
collectivités locales a été progressivement maîtrisée et son poids ramené
de 9,4 points de PIB en 1993 à 8,4 points en 2021, soit -183
Md€ à fin
2021. De plus, ce taux intègre à hauteur de 1,5
point la dette d’autres
organismes que les collectivités elles-mêmes
101
, pour
l’essentiel deux
101
Les organismes divers d’administration locale (ODAL) comprennent en particulier
les centres communaux d’action sociale, les établissements publics locaux
d’enseignement, les caisses des écoles, les services départementaux d’incendie et de
secours ou encore les chambres consulaires, mais aussi la société du Grand Paris et Île-
de-France Mobilités. La dette de ces ODAL ne représentait que 0,3 % du PIB en 2016.
L’augmentation de la dette locale est donc principalement de leur fait.
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138
institutions (la Société du Grand Paris et Île-de-France Mobilités) qui, en
raison de leur envergure financière, influent sur la dynamique générale.
Par ailleurs, alors que la dette des collectivités locales représentait
environ un tiers de la dette publique en 1980, la forte hausse de la dette de
l’État
- continue depuis les années 1980 et accélérée depuis la crise
financière de 2008 puis la crise sanitaire - explique la diminution de sa part
dans le total de l’endettement public. Elle n’
en représente plus que 8,7 %
en 2021, contre encore 18,6 % en 1994.
Graphique n° 7 :
dette des différentes administrations publiques
au sens du traité de Maastricht (% du PIB)
Source : Insee
Compte tenu du niveau d’endettement en début de période, la charge
de la dette p
esait lourdement sur les budgets locaux, allant jusqu’à
représenter 8,3 % de leurs dépenses en 1985. Cette part a très fortement décru
à compter de la fin des années 90, grâce aux effets conjugués de la maîtrise
du recours à l’emprunt et de
la baisse des t
aux d’intérêt.
Ainsi, en 2021, les
intérêts de la dette ne représentent plus que 0,2 % des dépenses des
collectivités locales. Leur dette, désormais contenue, ne constitue pas, prise
globalement, un risque majeur, même s’il peut demeurer, ponctuellement,
d
es situations de recours excessif à l’endettement.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
139
Cette inflexion de la dette des collectivités locales coïncide avec
l’entrée en vigueur du traité de Maastricht
102
, qui a fixé une limite à
l’endettement des administrations publiques, qui ne peut dépasse
r 60 % du
PIB, et à leur déficit, qui ne peut excéder 3 %, en prenant désormais en
compte la situation financière des collectivités locales. Ces nouvelles
règles ont rendu nécessaire la solidarité entre les trois secteurs des finances
publiques (administra
tions d’État, organismes de sécurité sociale et
administrations publiques locales) et ouvert la réflexion sur les dispositifs
d’encadrement des finances locales.
Graphique n° 8 :
contribution des collectivités locales au solde
des administrations publiques au sens de Maas
tricht (Md€)
Source : Insee. Données : capacité ou besoin de financement des APUL
L’amélioration relative de la situation financière des collectivités
locales dans la dernière période s’explique par le fait que les conséquences
des chocs de conjoncture r
écents ont été majoritairement assumés par l’État
et les administrations de sécurité sociale. Ainsi, en 2020, la hausse de
8,9
points de PIB des déficits publics a été portée pour 6,8 points par l’État,
pour 2 points par les administrations de sécurité sociale et seulement pour
0,15 point par les collectivités locales. De plus, l’État a apporté un concours
financier aux collectivités locales affectées par la crise à travers des
mesures spécifiques de soutien.
102
Article 104 C et son protocole.
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COUR DES COMPTES
140
II -
La hausse de la dépense locale appelle
un mode de financement
et un encadrement rénovés
Principalement portée par le bloc communal, la dépense locale a
augmenté au cours des 40 dernières années. Dans un contexte national et
international qui a évolué, le mode de financement des collectivités locales
doit être adapté et leur contribution au retour à une trajectoire soutenable
des finances publiques doit être affirmée.
A -
Une dynamique des dépenses locales
majoritairement portée par le bloc communal
La progression des dépenses des collectivités locales, qu’il
s’agisse
des dépenses de fonctionnement (achats de biens et services, dépenses de
personnel, dépenses sociales, etc.) ou d’investissement (financement
d’équipements, subventions destinées à de tels financements), a évolué de
manière différenciée selon la catégorie de collectivités concernée.
Graphique n° 9 :
évolution des dépenses des communes, des EPCI,
des départements et des régions entre 1984 et 2020 (Md€)
Source :
DGCL. Budgets principaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à
compter de 1993
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
141
Les effets de la loi Chevènement de 1999 sur le renforcement de
l’intercommunalité ont été sensibles dès l’année suivante et justifient que
les dépenses des établissements public de coopération intercommunale
(EPCI) soient distinguées au sein du bloc communal. Leur montée en
charge a ensuite été r
apide jusqu’en 2010. Elle traduit l’exercice de
compétences nouvelles déléguées par leurs communes membres sans, pour
autant, que l’on constate une baisse ou un ralentissement de la dépense des
communes (voir
infra
).
1 -
Des budgets de fonctionnement rendus rigides par la part
des dépenses de masse salariale et des transferts sociaux
Les dépenses de fonctionnement des collectivités locales sont
majoritairement le fait du bloc communal (54 % du total en 2021), dans
lequel la part des dépenses de personnel est prépondérante. Pour les
départements, la dynamique des charges de prestations sociales explique leur
augmentation. Enfin, les dépenses de fonctionnement des régions n’en
constituent qu’une part minoritaire et maîtrisée dans la durée (11
% en 2021).
a)
La forte progression des dépenses de fonctionnement
Sur l’ensemble de la période, les dépenses de fonctionnement des
communes ont cru à un rythme soutenu. À ceci s’est ajouté, dans les années
2000, un dynamisme très fort de celles des départements, des régions et des
groupements de communes, à la suite des transferts de compétences,
notamment dans les domaines social, ferroviaire et scolaire, et d’un
approfondissement de l’intercommunalité.
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COUR DES COMPTES
142
Graphique n° 10 :
dépenses de fonctionnement par catégorie
de collectivité (Md€)
Source :
DGCL. Budgets principaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à compter
de 1993. À partir de 2016, les dépenses sont comptabilisées en opérations réelles et non plus en
opérations budgétaires. Ce ch
angement de méthode explique l’impression de chute brutale des dépenses
par rapport à 2016. Les données relatives aux syndicats ne sont disponibles qu’à compter de 2014.
Cette hausse des dépenses de fonctionnement ne s’explique qu’en
partie par le transfert de nouvelles compétences. Cependant, très peu
d’analyses ont permis de mesurer la part des différents facteurs explicatifs
de cette hausse, qu’il s’agisse de ceux qui résultent de l’évolution de la
démographie, de choix de gestion locaux (amélioration de la qualité du
service rendu, renforcement des moyens, extension du domaine
d’intervention), du défaut de calibrage des moyens transférés au moment
de la décentralisation
103
ou d’une gestion locale peu économe.
Dans un contexte de relative aisance financière, les collectivités ont
pu faire une priorité de la qualité des services rendus (renforcement des
moyens mis en œuvre, remise aux normes, notamment techniques et
sanitaires, des équipements publics transférés), parfois au détriment de la
recherche de l’ef
ficience ou de la maîtrise de leurs dépenses.
103
Les effectifs transférés ont pu être insuffisants en raison d’une mauvaise maîtrise par
le ministère de l’éducation nationale avant le transfert. Ainsi, la ville de Paris a dû tripler
le nombre de remplaçants par rapport aux effectifs transférés, pour un coût de 1,5
M€,
afin de prendre en compte les besoins de remplacement des personnels techniciens,
ouvriers et de service (TOS). CRC Île-de-France,
La gestion prévisionnelle des
ressources humaines de la Ville de Paris
, rapport d’observations défini
tives, 2012,
disponible sur www.ccomptes.fr.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
143
Parmi les rares travaux sur le sujet, le rapport de M. Pierre Richard,
rendu en 2006,
Solidarité et performance : les enjeux de la dépense
publique locale
, évaluait à 50 % la hausse des dépenses de fonctionnement
des collectivités locales résultant de choix de gestion locale et indépendants
de l’effet mécanique des transferts de compétences.
L’information disponible sur cette question est réduite, comme la
Cour a déjà eu l’occasion de le souligner
104
. Parmi d’autr
es acteurs, les
juridictions financières, par les évaluations de politiques publiques locales
des chambres régionales des comptes et leurs contrôles sur l’efficacité des
politiques partagées entre l’État et les collectivités locales, continueront
d’apporter des éléments d’éclairage sur ce sujet
105
.
b)
La maîtrise des effectifs et de la masse salariale, un enjeu majeur
pour le bloc communal
En 40 ans, les dépenses de personnel des collectivités locales ont
progressé, en proportion, plus rapidement que celles de
l’État.
Graphique n° 11 :
évolution comparée des charges de personnel
de l’État et des collectivités locales (base 100 en 1983)
Source : Insee
104
En dernier lieu dans sa communication à la commission des finances du Sénat sur
Le financement des collectivités territoriales :
des scénarios d’évolution
, octobre 2022.
105
Voir dans ce sens l’analyse des thème
s de gestion figurant dans les rapports annuels
de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques locales.
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COUR DES COMPTES
144
Ainsi, entre 1983 et 2021, les charges de personnel des collectivités
locales ont progressé de 1,3 point de PIB quand celles d
e l’État diminuaient
de 2,2 points de PIB. Toutefois, elles se sont stabilisées sur la dernière
décennie, alors que celles de l’État continuaient de décroître.
Ces dépenses sont majoritairement portées par le bloc communal.
En 2021, les dépenses de personnel représentaient 46 % des dépenses de
fonctionnement du bloc communal, contre 22 % de celles des départements
et 19 % de celles des régions.
L’acte I de la décentralisation n’avait donné lieu qu’à peu de transferts
de personnels de l’État vers les collec
tivités territoriales
(de l’ordre de
10 000 agents)
106
. Vingt ans plus tard, l’acte II de la décentralisation, en
revanche, a provoqué le transfert de plus de 128 000 agents (en particulier
les agents techniciens, ouvriers et de service de l’éducation nation
ale).
Graphique n° 12 :
dépenses de personnel par catégories
de collectivités (Md€)
Source :
DGCL. Budgets principaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à
compter de 1993 et celles relatives aux syndicats qu’à compter de 2014
Les effectifs de la fonction publique territoriale ont progressé de
900
000 agents depuis 1980, plus que la fonction publique d’État
(+ 320 000) et la fonction publique hospitalière (+ 510 000).
106
Cour des comptes,
La conduite par l’État de la décentralisation
, rapport public
thématique, octobre 2009, disponible sur
www.ccomptes.fr.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
145
La fonction publique territoriale, créée et structurée par la loi en
1984, se carac
térise par une forte proportion d’agents d’exécution en
comparaison des autres administrations publiques (76 %
d’agents de
catégorie C, contre 22 %
au sein de la fonction publique d’État). Les cadres
y représentent 12,5 % des effectifs, contre 55,9 % au sein de la fonction
publique d’État
107
.
De manière paradoxale, les plus fortes augmentations d’effectifs ont
concerné les communes et leurs groupements, catégories de collectivités
qui n’ont pas fait l’objet de transferts significatifs de compétences de la
par
t de l’État.
Le développement des structures intercommunales est à l’origine
d’une part significative de la croissance de ces effectifs, qui correspond à
l’exercice des compétences déléguées par les communes. Pour autant
, les
effectifs des communes ont continué de croître sur un rythme soutenu, qui
ne s’est atténué qu’à partir de 2014 (graphique
n° 13).
Ainsi, sur la période de 2000 à 2019, les effectifs des groupements
locaux (EPCI à fiscalité propre et autres formes d’intercommunalités) ont
cru de 60 000 agents (21 %), alors que ceux des communes augmentaient
de 150 000 agents (15 %). De fait, les EPCI ont donc créé des emplois et
recruté en dehors des personnels communaux, alors que les communes ont
conservé leurs effectifs et les ont redéployés
108
en mêm
e temps qu’elles
continuaient de recruter.
Sur cette même période, les effectifs régionaux ont progressé de
19 %, notamment en raison des transferts de compétences - lycées et
transports - alors que ceux des départements ont diminué de 3 %, malgré
les transferts de compétences
compétences sociales, agents des collèges -
de la décennie 2000 à 2010.
107
Hors enseignants, les agents de catégorie A représentent encore près d’un agent civil
de l’État sur trois et un militaire sur huit. DGAFP,
Rapport annuel sur l’état de la
fonction publique
, octobre 2021, disponible sur www.fonction-publique.gouv.fr. Les
collectivités locales sont donc plus exposées que l’État, par exemple, aux mesures de
revalorisation de la catégorie C.
108
Les redéploiements ont porté sur d’autres fonctions dans un objectif de créat
ion ou
d’amélioration des services publics locaux.
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COUR DES COMPTES
146
Graphique n° 13 :
effectifs physiques au sein de la FPT par catégorie
de collectivités (en millions)
Source : DGAFP. La modification de méthode pour le décompte des effectifs au sein des
groupements peut justifier la baisse apparente entre 2000 et 2010
Le bloc communal se distingue tant par l’évolution de ses effectifs
depuis le début de la décentralisation que par l’importance de la masse
salariale dans ses dépenses de fonctionnement, qui génère, par une
augmentation mécanique des charges d’année en année, une rigidité
certaine des budgets locaux.
c)
La part croissante des dépenses sociales dans les budgets
des départements
Le département est identifié comme l’acteur principal
des politiques
sociales :
la création en 2001 de l’allocation personnalisée d’
autonomie
(APA) et le transfert en 2004 aux départements du financement du revenu
minimum d’insertion (RMI), devenu depuis revenu de solidarité active
(RSA), ont profondément modifié leurs budgets.
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147
Graphique n° 14 :
prestations sociales et subventions
de fonctionnement par catégories de collectivités (Md€)
Source :
DGCL. Budgets principaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à
compter de 1993 et celles relatives aux syndicats qu’à compter de 2014
Le dynamisme de ces dépenses au cours des années 2000 s’est révélé
supérieur à l’évolution des recettes transférées
109
. Les dépenses sociales,
qui représentent 56,3 % des dépenses de fonctionnement des départements
en 2021, ont ainsi entraîné les budgets de ces collectivités dans un « effet
de ciseau » qui constitue leur principale faiblesse structurelle et a pu
motiver des demandes ponctuelles de renationalisation de certaines
compétences, comme le financement du RSA.
2 -
L’investissement local a accompagné la d
écentralisation
Les dépenses d’investissement sont principalement le fait des
collectivités du bloc communal (61 % du total en 2021, contre 18 % pour
les départements et 21 % pour les régions), parfois avec le concours des
départements, des régions ou de l
’État qui leur allouent des subventions
d’équipement
110
.
109
Cour des comptes,
L’impact des dépenses sociales sur l’équilibre financier des
départements
in
Les
finances
publiques
locales
,
octobre
2017,
disponible
sur
www.ccomptes.fr.
110
L’État, les départements et
les régions y contribuant pour près de 25 % sous forme
de subventions d’équipement, modalité de soutien aux projets du bloc communal.
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148
a)
Des dépenses d’équipement portées principalement
par le bloc communal
Les dépenses locales d’équipement se sont accélérées depuis le
début des années 2000, avec des effets de cycle, liés aux mandats
électoraux, qui se sont amplifiés
111
. La durée des mandats correspond en
effet au rythme de validation politique des projets d’équipement, de leur
conception puis de leur réalisation.
Graphique n° 15 :
dépenses d’équipement par type de collectivités
(en Md€)
Source : DGCL. Budgets principaux. Les traits verticaux délimitent les cycles de mandats
municipaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à compter de 1993 et celles
relatives aux syndicats qu’à compter de 2014
Si les communes restent le principal investisseur public, la part des
EPCI
progresse,
notamment
dans
les
structures
de
plus
de
300 000 habitants, dont les métropoles, qui apparaissent souvent comme
des moteurs de l’investissement public local.
Dans une moindre mesure, départements et régions contribuent
directement à l’investissement local, notamment sur les équipements qui
leur ont été transférés par l’État, lycées et collèges, transports publics pour
l’essentiel.
111
Cour des comptes,
L’investissement du bloc communal
in
Les finances publiques
locales 2021
, fascicule 2, novembre 2021, disponible sur www.ccomptes.fr.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
149
b)
L’affirmation des régions en matière de subventions d’équipements
Au cours des années 1990 et 2000, départements et régions ont versé
d’importantes subventions d’équipement, destinées à financer les
investissements réalisés par d’autres structures publiques (en particulier les
collectivités du bloc communal) ou privées. Ce sujet alimente
périodiquement le débat sur les champs de compétence respectifs des
départements et des régions, et sur la limitation des subventions croisées
ou des interventions additionnelles de différents niveaux de collectivités
pour un même objet. Le même débat vaut
d’ailleurs s’agissant des
subventions servies par l’État au profit des mêmes projets. La faiblesse de
la coordination entre les donneurs alimente l’argumentaire en faveur de la
rationalisation de ces aides au bloc communal.
Graphique n° 16 :
subventions d’équipement versée
s
par type de collectivité (Md€)
Source :
DGCL. Budgets principaux. Les données relatives aux EPCI ne sont disponibles qu’à
compter de 1993 et celles relatives aux syndicats qu’à compter de 2014
À partir de 2010, l’érosion de leur épargne nette
112
, sous l’
effet des
dépenses sociales mais aussi des baisses de dotation de l’État, a conduit les
départements à prioriser puis réduire leurs interventions de soutien en
direction du bloc communal.
112
C’est
-à-dire le solde de leurs dépenses et recettes de fonctionnement, après paiement
des remboursements d’emprunt.
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COUR DES COMPTES
150
Le montant global des subventions d’équipement versées par les
gions a, quant à lui, continué de progresser, notamment sous l’effet du
transfert à leur bénéfice, en 2014, de la gestion des fonds structurels et
d’investissement
européens,
Fonds
européen
de
développement
régional (FEDER), Fonds social européen (FSE), Fonds européen agricole
pour le développement rural (FEADER), Fonds européen pour les affaires
maritimes et la pêche
(FEAMP), financés par l’Union européenne. Ces fonds
sont servis en effet de manière privilégiée sous la forme de subventions
d’équipement. En
tre 2016 et 2019, les régions ont versé, au titre de ces fonds,
2,1
Md€ en fonctionnement et 4,3
Md€ en investissement, de telle sorte
qu’en 2021, 59
%
des subventions d’équipement versées par l’ensemble des
collectivités locales l’ont été par les régions.
B -
Un mode de financement des collectivités locales
de plus en plus inadapté
Le mode de financement des collectivités locales, la part de leurs
ressources propres et celles des ressources qui leur sont affectées, leur
participation à l’effort national de maî
trise des dépenses publiques, les
leviers à disposition des décideurs locaux, sont autant de sujets qui ont
émaillé en permanence le débat sur la décentralisation depuis 1982.
1 -
Des produits fiscaux de moins en moins liés aux territoires
et aux compétences exercées
Alors que les recettes fiscales des collectivités locales ont augmenté
de manière continue depuis les lois de décentralisation, leur nature a
profondément évolué.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
151
Graphique n° 17 :
évolution des produits fiscaux par catégorie
de collectivités (Md€)
Source : DGCL. Budgets principaux Les données concernant les syndicats ne sont disponibles
qu’à compter de 2015
Les réformes successives de la fiscalité locale ont, en effet, modifié
considérablement les principes de financement des politiques publiques
locales. En substituant des fractions de fiscalité nationale, sur lesquelles les
collectivités territoriales ne disposent pas de pouvoir de taux, à des recettes
de fiscalité locale, elles ont retiré des marges de manœuvre financières aux
collectivités. Ce faisant, elles ont distendu le lien, pour les habitants comme
pour les entreprises, entre contribution à la charge publique locale et
service public rendu aux usagers.
Avant les lois de décentralisation, le financement de l’action des
collectivités locales reposait sur l’
affectation de quatre impôts
113
sur lesquels
elles disposaient d’un pouvoir de taux. Leurs marges de manœuvre
dépendaient ainsi de l’évolution de l’assiette fiscale
114
, mais aussi de leurs
décisions en matière de taux. Pour le bloc communal, les taux moyens de la
taxe foncière et de la taxe d’habitation sont ainsi passés de 13,01 et 10,09
%
en 1983 à 19,8 % et 16,83 % en 2020. Ceux de la taxe professionnelle sont
passés de 12,55 % en 1983 à 16,14 % en 2009 au moment de sa disparition.
113
La taxe d’habitation, les taxes sur le foncier bâti et non bâti et la taxe professionnelle.
114
En particulier, évolution démographique pour les taxes « ménages » et
développement du tissu économique local pour les taxes « entreprises ».
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COUR DES COMPTES
152
Dès la fin des années 90, la part des recettes sur lesquelles les
collectivités locales avaient un pouvoir de taux a commencé à décroître
alors que leurs étaient transférées de nouvelles compétences (transferts des
services départementaux d’incendie et de secours et de la prise
en charge
des personnes âgées dépendantes).
Dans ce contexte, la révision constitutionnelle de 2003 et la loi
organique de 2004 ont tenté de clarifier le cadre du financement des
collectivités locales, sans toutefois mettre fin au débat. En effet, si les
« ressources propres » des collectivités doivent désormais constituer une
part déterminante de leurs recettes, elles incluent, en application des
dispositions de la loi organique, les affectations d’impôts nationaux, sur
lesquelles les collectivités n’ont p
as de pouvoir de taux.
Par la suite, c’est ce mode de financement qui a été largement utilisé,
tant pour financer les compétences transférées que pour compenser les
réductions ou suppressions de fiscalités locales ou de dotations d’État.
Ainsi, dès 2004, des fractions de taxe intérieure sur les produits pétroliers
et de taxe spéciale sur les contrats d’assurance ont été attribuées aux
régions et aux départements, en substitution à une fiscalité autonome.
Si, en 2011, la taxe professionnelle a été remplacée par une contribution
économique territoriale
115
, composée d’une cotisation foncière des entreprises
(CFE) et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ainsi
que de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), la réduct
ion
de la CVAE décidée dans le cadre du plan de relance a été compensée aux
régions par l’affectation d’une nouvelle fraction de TVA, qui s’est ajoutée à
celle qui leur avait déjà été affectée en 2018 en remplacement de la DGF. Au
total, la TVA, recette non territorialisée, représente désormais plus de 50 % de
leurs produits réels de fonctionnement et le pouvoir fiscal des régions, à l’issue
de la période, se limite à présent à environ 10 % de leurs recettes (part de taxe
intérieure de consommation sur les produits énergétiques - TICPE et taxe sur
les certificats d’immatriculation).
De même, la suppression définitive de la CVAE en 2023 et 2024
sera compensée aux départements et au bloc communal par une nouvelle
fraction de TVA.
Enfin, la suppression progre
ssive de la taxe d’habitation, à partir de
2020, destinée à redonner du pouvoir d’achat aux ménages, se traduit par
un transfert de la part de taxe foncière des départements aux communes et,
en compensation, par l’affectation d’une fraction de TVA aux
départements et EPCI.
115
Les collectivités locales ont une capacité d’action sur l’assiette de ces cotisations
mais pas sur leurs taux.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
153
Ces différentes réformes ont distendu le lien qui existait entre les
collectivités, pourvoyeuses de services à leurs habitants et entreprises,
cotisants aux impositions locales. La cohérence entre les recettes locales et
les compétences exercées par chaque niveau de collectivités, qui était une
de leurs revendications traditionnelles, s’en trouve réduite.
2 -
Des dotations de l’État
complexes
dont l’effet péréquateur
entre collectivités est insuffisant
Les dotations de l’État constituent, apr
ès les produits de la fiscalité,
la deuxième source de financement des collectivités territoriales.
Elles se distinguent des produits fiscaux
impôts locaux ou
affectation d’impôts nationaux –
par leur caractère discrétionnaire pour
l’État, qui peut en mo
difier chaque année le montant global en loi de
finances. À l’origine, elles visaient à compenser l’impact de décisions de
l’État défavorables aux collectivités –
par exemple les dégrèvements en
matière fiscale - et à leur garantir une neutralité financière.
La
principale
de
ces
dotations,
la
dotation
globale
de
fonctionnement (DGF), a ainsi été créée en 1979 pour compenser la
suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires.
Les transferts de compétences et les mesures successives de
rédu
ction des impôts locaux ont ensuite nécessité de multiplier et d’ajuster
ces
dispositifs
(dotation
générale
de
décentralisation,
dotation
départementale d’équipement des collèges, etc.).
En outre, à l’initiative de l’État ou des collectivités elles
-mêmes, des
mécanismes de péréquation financière ont été mis en place, notamment au
sein de la DGF, afin de mieux répartir les ressources financières entre
collectivités, de tenir compte de leur démographie, de leur richesse relative,
du niveau de leurs ressources ou de leurs charges spécifiques. Mais leur
volume s’est révélé insuffisant et ils ont mal répondu à leur objectif dès
lors que, déterminés sur des bases qui n’ont pas été mises à jour depuis les
années 70, ils ne prenaient pas en compte l’évolution des ca
pacités
contributives des collectivités au potentiel fiscal le plus important
116
.
Nombre de dotations spécifiques ont été intégrées à la DGF par la
suite, alors que les nouveaux transferts de compétences ou les réformes
fiscales entraînaient de nouveaux motifs de compensation
117
. Les
augmentations de crédits correspondantes ont été mobilisées pour élargir,
mais pas suffisamment, les dispositifs de péréquation.
116
Cour des comptes,
Rapport sur l’exécution des lois de finances pour 2002
, juin 2003.
117
Généralement assortis de mécanismes garantissant un montant plancher de compensation.
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COUR DES COMPTES
154
Graphique n° 18 :
dotations de l’État par catégorie de collectivités
(fonctionnement
en Md€)
Source : DGCL. Budgets
principaux. Les données relatives aux syndicats ne sont disponibles qu’à
compter de 2014
Ces évolutions ont contribué à affaiblir la lisibilité des dotations
versées par l’État aux collectivités territoriales.
Dès 1988, la Cour constatait le fractionnement du système de
dotations de l’État
118
. Elle regrettait la constitution d’un
«
édifice
[…]
d’une
extrême complexité
»
et la définition de critères d’attribution procédant
«
d’une alchimie minutieuse dont les résultats sont parfois surprenants
». La
période ul
térieure n’a eu pour effet que d’accentuer cette complexité qui s’est
accompagnée d’un changement de nature et d’objectif des dotations.
Jusqu’en 1990, les dotations, en particulier la DGF, étaient indexées
sur l’évolution des recettes de TVA puis, à compt
er de 1996, sur le taux
d’évolution des prix majoré d’une partie du taux d’évolution du PIB. En
2008, le principe d’indexation annuelle des dotations a été remis en cause,
dans un contexte de stabilité des prix, au profit de la fixation par la loi de
finan
ces du volume global des concours financiers de l’État aux
collectivités. C’est ainsi que la loi de programmation des finances
publiques pour 2014 à 2017 a pu prévoir une réduction de la DGF d’un
quart (- 10,6
Md€) entre 2013 et 2017, au titre de la contri
bution des
collectivités locales au redressement des finances publiques.
118
Cour des comptes,
Les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales
,
rapport public annuel, 1988.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
155
3 -
L’autofinancement, un levier
préservé par les collectivités
Pour financer leurs investissements, les collectivités locales
disposent de trois types de recettes :
leurs produits d’inve
stissement (en
particulier les subventions d’investissement qui leur sont versées, mais
également
leurs
recettes
du
Fonds
de
compensation
pour
la
TVA
[FCTVA]), l’emprunt, et leur épargne nette
119
, c’est
-à-dire la
différence entre leurs recettes et leurs dépenses de fonctionnement.
La part de l’épargne nette dans le financement de l’investissement
local s’est renforcée au fil des années. Hors syndicats, elle est passée de
moins de 19 % en 1996 à plus de 37 % en 2021.
Graphique n° 19 :
répartition du financement
des investissements locaux
Source : DGCL. Hors syndicats. Nota :
Parmi les autres recettes d’investissement, impossibilité
de distinguer les dotations d’État, le FCTVA et les subventions des autres collectivités
Cette progression traduit la bonne santé financière des collectivités
locales, due à la fois à la hausse de leurs ressources
et à l’effort de maîtrise
de leurs dépenses de fonctionnement. Les dispositifs d’incitation et de
119
L’épargne brute désigne la différence entre les produits et les charges réels de
fonctionnement. L’épargne nette est obtenue à partir de l’épargne brute, en déduisant le
coût des remboursements d’emprunts. Elle représente l’éven
tuel excédent de
fonctionnement disponible pour financer les investissements.
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156
contrainte mis en place par l’État y ont notamment contribué. Ainsi, sur la
période 2014-2020, face à des baisses conséquentes de la DGF, les
collectivités ont tenu leurs dépenses de fonctionnement pour maintenir le
niveau d’autofinancement et garantir leurs politiques d’investissement.
La conjonction de trois éléments -
croissance de l’épargne
nette,
stabilité des transferts financiers de l’État et faible coût des emprunts
- a
permis aux collectivités territoriales de financer l’investissement local, tout
en maîtrisant leur dette.
4 -
Un système de financement qui doit être plus stable
et plus lisible
Le système de financement des collectivités locales est fortement
critiqué pour son manque de lisibilité et de prévisibilité. Des ressources
issues d’une sédimentation historique, sans révision d’ensemble, le rendent
à présent peu compréhensible tant pour les responsables locaux que pour
les contribuables. Les mécanismes de péréquation sont complexes mais
leur volume est insuffisant. Enfin, bien que consacré par la révision
constitutionnelle de 2003, le principe d’autonomie financière n’empêche
pas que les élus locaux ressentent une perte de maîtrise de leurs ressources,
tant dans son volume que dans sa dynamique.
Dans un récent rapport réalisé à la demande du Sénat, la Cour a
examiné plusieurs scénarios d’évolution du financement des collectivités
locales
120
en différenciant les niveaux de collectivités pour tenir compte de
leurs compétences respectives et en poussant à son maximum la logique de
chacun des types de ressources locales.
-
L’accroissement
des
ressources
locales
(fiscalité
locale
et
redevances), qui représentent la moitié (50,3 %) des recettes des
collectivités territoriales, améliorerait l’autonomie des collectivités et
renforcerait le lien avec leur territoire mais exigerait une péréquation
horizontale plus importante entre collectivités afin de réduire les écarts
de richesse qui en découleraient. Ce scénario est plus adapté au bloc
communal, du fait de la clause de compétence générale qu’il a
conservée, de ses missions de proximité qui justifient le lien avec les
acteurs locaux, et de l’importa
nce déjà prise par ses ressources
d’origine locale (65,8
% des recettes du bloc communal, contre
34,3 % de celles des départements et 17,2 % de celles des régions).
120
Cour des comptes,
Le financement des collectivités territoriales : des scénarios
d’évolution
, communication à la commission des finances du Sénat, septembre 2022.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
157
-
Le partage croissant du produit des impôts nationaux, qui constitue
déjà 21 % des recettes des collectivités, permettrait de les faire
davantage participer à la dynamique de ces recettes. La répartition
concertée d’un panier de recettes nationales en fonction de leurs
charges permettrait d’agir à la source sur les inégalités territoriales.
Une évolution des modalités de répartition de la fiscalité nationale
transférée apparaît nécessaire pour ne pas figer les situations en
fonction des recettes historiques et mieux tenir compte des
caractéristiques socio-économiques des territoires.
-
La part des dotations et subventions (26 % des ressources locales) peut
encore progresser, dans la limite des règles constitutionnelles et
organiques en matière d’autonomie financière. Son renforcement
permettrait de sécuriser des recettes à un niveau adapté aux dépenses,
et aussi d’améliorer la solidarité du système et la convergence des
stratégies d’investissement sous réserve de la mise en place d’une
gouvernance assurant la prévisibilité et la lisibilité des ressources
locales. Ce renforcement du financement par dotations et subventions
serait néanmoins fortement contesté par les collectivités locales, qui y
voient une atteinte à leur autonomie de gestion.
Établi à partir de l’analyse des scénarios précédents, un scénario
possible de réforme pourrait recentrer toute la fiscalité locale sur le bloc
communal pour plus d’autonomie et de responsabilité, tandis que les
départements bénéficieraient d’un financement dynamique et plus solidaire
pour faire face à leurs dépenses sociales (dotation d’action sociale et part
de fiscalité nationale) et que les régions se verraient affecter une part plus
importante de fiscalité nationale économique (TVA et impôt sur les
sociétés [IS] en phase avec leurs compétences).
La prévisibilité des ressources des collectivités et l’équilibre de
s
finances locales dans la durée devraient être renforcés en fixant une clé de
répartition des impôts nationaux stable sur plusieurs exercices et des règles
d’évolution des transferts financiers de l’État vers les collectivités.
Quel que soit le scénario retenu, la Cour appelait dans ce rapport à
une révision et une simplification des dispositifs trop anciens tels que la
compensation de la fiscalité « morte »
, l’actualisation des bases locatives
qui ne correspondent plus à leur valeur actuelle et la suppression des
rétrocessions de frais de gestion des impôts locaux acquittés par les
contribuables mais dont le rapport avec les frais réels de gestion supportés
par la direction générale des finances publiques (DGFiP) n’est pas établi.
Nombre de ces proposition
s rencontrent l’adhésion des associations d’élus
au nom de la lisibilité des concours et transferts de l’État.
La mise en œuvre de toute réforme exigera en tout état de cause de
rétablir la confiance entre les collectivités locales et l’État.
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COUR DES COMPTES
158
C -
Un encadrement des finances locales
qui doit être rénové
Les règles d’équilibre des budgets locaux constituent la garantie
essentielle de soutenabilité des finances publiques locales et contribuent au
respect des engagements européens de la France. Elles ne suffisent pas
cependant par elles-mêmes à assurer la participation des collectivités
locales au retour à une trajectoire soutenable des finances publiques,
d’autant que le cadre juridique des relations financières entre l’État et les
collectivités territoriales, refondé par la révision constitutionnelle de 2003,
n’a pas répondu à toutes les attentes des acteurs.
1 -
Un encadrement constitutionnel qui atteint ses limites
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a posé, par le nouvel article
72-2, que «
les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont
elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi
».
Cette disposition, censée clore des débats antérieurs, notamment sur les
ressources nouvelles à affecter aux collectivités locales en compensation
des transferts de compétences issus de la décentralisation, n’a pas produit
les effets escomptés.
Au regard de cette rédaction, si l’autonomie financière signifie le
droit pour les collectivités de disposer de ressources suffisantes pour
exercer leurs compétences et de les utiliser librement, elle ne consacre pas
pour autant leur autonomie fiscale, l’affectation aux collectivités locales de
recettes fiscales étant encadrée par la loi
121
.
L’article 72
-2 prévoit que «
les recettes fiscales et les autres
ressources propres
[…]
représentent, pour chaque catégorie de
collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources
».
La loi organique du 29 juillet 2004
122
a introduit un contrôle annuel de la
part des ressources propres, qui ne peut être inférieure au niveau constaté
en 2003 (60,8 % pour les communes et EPCI, 58,6 % pour les départements
et 41,7 %
pour les régions). Si ce ratio s’est continuellement amélioré
121
«
[Les collectivités territoriales]
peuvent recevoir tout ou partie du produit des
impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux
dans les limites qu’elle détermine
»
(art. 72-2).
122
Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 20
04, dont l’article 5 prévoit la remise au
Parlement d’un rapport annuel relatif à l’autonomie financière des collectivités territoriales.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
159
jusqu’à ce jour, la définition retenue
123
intègre aux ressources propres les
resso
urces fiscales, y compris celles sur lesquelles les collectivités n’ont de
prise, ni sur leur assiette, ni sur leur taux.
Les évolutions du ratio d’autofinancement apparaissent dès lors
difficiles à interpréter, ce critère n’ayant pas vocation à fonder un
e
appréciation sur le degré réel d’autonomie des collectivités locales mais
seulement sur leur solidité financière.
La révision constitutionnelle de 2003 n’a pas clos non plus le débat
sur la compensation financière des transferts de compétences de l’État
.
L’article
72
-2
distingue
deux
situations.
Les
transferts
de
compétences s’accompagnent de l’attribution de ressources équivalentes à
celles qui étaient consacrées par l’État à leur exercice, soit une compensation
de leur coût historique
124
, sans prise en c
ompte de l’évolution future de ces
charges, alors que les créations ou extensions de compétences doivent
simplement être accompagnées de ressources déterminées par la loi.
Ces modalités financières ont en particulier été contestées par les
départements au regard de la dynamique de leurs dépenses sociales (en
particulier RSA, allocation personnalisée d’autonomie
[APA], prestation de
compensation du handicap
[PCH]), les compensations financières de l’État
ne permettant pas de couvrir la progression du coût de ces prestations.
2 -
Les vertus et les limites de la règle budgétaire
du double équilibre
Les budgets des collectivités locales, documents présentant leurs
prévisions annuelles de recettes et de dépenses, sont contraints par une
double règle d’équilibre, dite
«
règle d’or
», qui constitue une garantie
essentielle de la soutenabilité des finances publiques locales.
Depuis les premières lois de décentralisation et comme contrepartie
de la suppression de la tutelle financière, les collectivités territoriales sont
contraintes par la règle de l’équilibre réel (article L.
1612-4 du code général
des collectivités territoriales), selon laquelle les budgets annuels doivent
présenter un double équilibre des sections de fonctionnement et
123
L’article 3 de la loi organique du 29 juillet 2004 énumère la liste des ressources
propres des collectivités territoriales.
124
Conseil constitutionnel, décision n°2011-14/145 QPC du 30 juin 2011.
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COUR DES COMPTES
160
d’investissement
125
. Contrairement à
l’État, elles n’ont pas la possibilité de
recourir à l’emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement, ni pour
rembourser leurs emprunts en cours
126
, la charge correspondante devant
être couverte par leur épargne brute.
Cette règle a joué un rôle pédagogique et préventif efficace en
habituant les exécutifs locaux à anticiper l’évolution de leurs dépenses et
de
leurs
ressources,
de
manière
à
programmer
leurs
projets
d’investissement dans le cadre de budgets équilibrés.
Toutefois, pour favoriser le respect de cette règle, les normes de
comptabilité locale ont parfois fait l’objet d’accommodements qui nuisent
à la fiabilité des comptes locaux, comme la Cour l’a plusieurs fois souligné.
En
particulier,
les
collectivités
comptabilisent
les
subventions
d’équipement qu’elles versent à l’actif de leur bilan, comme s’il s’agissait
d’un élément de leur patrimoine, alors que l’État comptabilise ces mêmes
flux de subventions dans ses charges. Le retard dans la mise en place des
obligations d’amortissement relève ég
alement de cette logique
127
. Tous ces
traitements comptables dérogatoires, dont l’État a souvent été à l’origine,
ont pour objectif d’éviter de peser sur les budgets de fonctionnement et de
permettre le financement des subventions d’équipement par l’emprunt.
3 -
L’insertion progressive des finances locales
dans la programmation des finances publiques
Mis en place dans les années 90, les premiers outils de pilotage
pluriannuel des finances locales visaient à inscrire celles-ci dans le cadre général
des finances publiques et du respect des engagements européens du pays.
Un « pacte de stabilité financière », de 1996 à 1998, puis un « contrat
de croissance et de solidarité » institué pour trois ans en 1999
128
et reconduit
les années suivantes, encadraient la progressio
n des dotations de l’État. Leur
objectif était d’assurer une prévisibilité de leurs ressources aux collectivités
125
Le budget des collectivités locales est divisé en deux sections, regroupant les recettes
et dépenses de fonctionnement d’une part et les recettes et dépenses d’investissement
d’autre part. Les emprunts et le remboursement
du capital sont comptabilisés dans la
section d’investissement.
126
Le respect de ces règles est garanti par le contrôle budgétaire assuré par les chambres
régionales et territoriales des comptes, sur saisine du
représentant de l’État.
127
Cour des comptes,
Les finances publiques locales 2021
, rapport sur la situation
financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements,
fascicule 2, novembre 2021, disponible sur
www.ccomptes.fr.
128
Article 57 de la loi de finances pour 1999.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
161
locales, mais aussi de les intégrer au dispositif de maîtrise des dépenses
publiques résultant du pacte de stabilité et de croissance (1997).
E
n 2008, cet encadrement a été étendu à l’ensemble des concours
financiers de l’État et associé à un mécanisme de baisse de certaines
dotations, en cas de hausse globale supérieure à la trajectoire cible.
L’année 2008 a constitué une année charnière, du fai
t de la crise
économique mondiale, justifiant d’abord d’importantes mesures de soutien
puis la nécessité d’un rétablissement des finances publiques dans le cadre des
lois de programmation pluriannuelles des finances publiques
129
(LPFP).
C’est ainsi qu’après
une stabilisation de 2011 à 2013, a été décidée
la baisse sur trois ans de près de 11
Md€ des concours financiers de l’État
(DGF), au titre de la contribution des collectivités territoriales au
redressement des finances publiques.
La loi de programmation pour 2018-2022 a ensuite substitué à la
baisse des dotations de l’État une approche fondée sur un objectif d’évolution
pluriannuelle de la dépense locale. Celui-
ci était assorti d’un nouveau
dispositif contractuel, dont l’application a été suspendue en 20
20 en raison
de la crise sanitaire. Bien que l’objectif de modération de l’évolution des
dépenses locales ait été respecté, la mise en place de ce dispositif contractuel
d’association des collectivités locales à la maîtrise des dépenses publiques a
suscité
de fortes oppositions de la part des associations d’élus, considérant
qu’il était à la fois complexe dans sa mise en œuvre et attentatoire à la liberté
d’administration des collectivités locales.
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027
comportait un dispositif d’inspiration comparable. Il a été supprimé au cours
du débat parlementaire, avant même que la commission mixte paritaire
réunie en fin d’année ne parvienne à trouver un accord sur le projet de LPFP.
Il n’en demeure pas moins qu’un compromis doit être trouvé entre
le respect de l’autonomie financière des collectivités locales et leur
participation active à un mécanisme de solidarité financière entre
administrations publiques. Il suppose une redéfinition de la gouvernance
des
relations financières entre l’État et les collectivités locales et
l’élaboration d’un véritable pacte de confiance.
129
Révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
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COUR DES COMPTES
162
4 -
Une gouvernance à redéfinir
Quarante ans après les premières lois de décentralisation, le dialogue
institutionnel entre l’État et les coll
ectivités territoriales sur les questions
de finances publiques demeure insatisfaisant. L’État et les collectivités
locales ne disposent pas encore du cadre qui leur permettrait de mieux
articuler leur action face aux grands enjeux de politique publique.
a)
Un dialogue insuffisant entre le Parlement, le Gouvernement
et les collectivités territoriales
Le dialogue entre le Gouvernement, le Parlement et les collectivités
locales sur le financement des compétences et les trajectoires de finances
publiques est demeuré limité. Les acteurs locaux ont souvent regretté la
méthode descendante de détermination du contenu des dispositifs
d’encadrement des finances locales et leur caractère contraignant et sans
contrepartie. La qualité de ce dialogue paraît nettement en deçà de sa
structuration dans d’autres grands pays européens
130
.
La création d’une instance spécifique et indépendante, consacrée à ce
dialogue, réunissant des représentants du Gouvernement, du Parlement et des
collectivités locales, donnerait le signal du changement et pourrait ouvrir la
voie d’une confiance restaurée. Elle aurait pour mission de donner un avis
sur les projets de lois relatifs aux collectivités territoriales et de veiller au
respect des principes d’équilibre des finances locales, de compensat
ion des
transferts de compétences ou des évolutions de la fiscalité et de réduction des
inégalités entre collectivités. À défaut de la création d’une instance nouvelle,
la restructuration et le renforcement des moyens du comité des finances
locales (CFL) pourraient constituer une alternative possible. Créé en 1979
pour contrôler la répartition de la DGF, il ne permet pas d’organiser une
réelle concertation avec l’État sur les textes financiers, ni un partage des
enjeux de péréquation au sein de chaque niveau de collectivités. Son mandat
et sa composition devraient donc évoluer.
La conclusion d’un pacte de confiance entre les acteurs devrait être
fondée sur des engagements réciproques garantissant sa durabilité, l’équité
du traitement des différentes collectivités et catégories de collectivités, et
le partage confiant des outils et des données dont chacun peut disposer.
130
Cour des comptes,
Le financement des collectivités territoriales : des scénarios
d’évolution
,
communication à la commission des finances du Sénat, septembre 2022.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
163
Les associations représentatives des collectivités locales sont
demandeuses de l’installation de ce lieu de dialogue et de la conclusion de
ce pacte de confiance, seul à même de leur donner la visibilité et la
prévisibilité des ressources sur lesquelles construire leurs projets et budgets.
b)
Sur les grands enjeux de politique publique, un cadre d’action
partagé doit être imaginé entre l’État et l
es collectivités locales
Pour répondre aux grands enjeux nationaux de politiques publiques
qui exigent une articulation fine de l’État et des collectivités locales
(transition écologique, investissement public etc.), il apparaît nécessaire de
renforcer entre eux la contractualisation pluriannuelle, à la fois sur des
objectifs partagés et des financements prévisibles.
À ce titre, l’État a développé en direction des collectivités des
dispositifs de contractualisation dotés de volets financiers. Les contrats de
plan État-
régions (CPER), mis en œuvre depuis près de 40 ans, se
distinguent ainsi par leur longévité
131
. Pourtant, la Cour a constaté que les
CPER demeuraient mal articulés avec les programmes nationaux sectoriels
à vocation territoriale
132
. La création des contrats de relance et de transition
écologique (CRTE) en 2020 a marqué une volonté de refonder une
politique contractuelle de l’État en direction du bloc communal avec pour
ambition, sur la durée du mandat municipal 2020-2026, de rassembler les
dispositi
fs contractuels préexistants. L’État a par ailleurs ajouté à la
diversité de ses dispositifs contractuels de nombreux appels à projets
thématiques en direction des collectivités territoriales.
Pour leur part, les collectivités locales réalisent, de manière
obligatoire ou facultative, de nombreux documents de planification
concernant les différentes politiques publiques (plan local de l’habitat, plan
de déplacements urbains, plans climat-air-énergie territoriaux, etc.). Mais
l’articulation de ces stratégies
locales avec les enjeux nationaux demeure
incertaine. Il n’existe pas, par exemple, d’indicateur permettant aux élus
comme aux citoyens de vérifier l’articulation des plans climat
-air-énergie
territoriaux (PCAET) déployés par les groupements de communes et les
objectifs nationaux chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de
131
En dépit de leur requalification en contrat de projets État-régions. Le CPER
2021-2027 constitue la septième génération de contrats.
132
Cour des comptes,
Les contrats de projets État-régions (CPER)
, communication à
la commission des finances du Sénat, juillet 2014, disponible sur www.ccomptes.fr.
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COUR DES COMPTES
164
serre, alors même que la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)
133
indique
dépendre à 75 % de la mobilisation des collectivités territoriales.
Les outils de coordination pluriannu
elle entre l’État et les
collectivités locales méritent ainsi d’être rationalisés afin de répondre aux
enjeux de politique publique. L’exemple cité au précédent chapitre de la
territorialisation de la politique du logement
134
montre l’intérêt de
construire des politiques publiques coopératives, pour définir des outils,
parfois différenciés d’un territoire à l’autre, coordonnés autour d’objectifs
définis en commun. La prévisibilité des dépenses et des recettes est un
élément essentiel de cette coordination pluriannuelle.
c)
Fixer sur ces bases l’association des collectivités locales
au redressement des finances publiques
Les règles européennes fixées par le traité de Maastricht et
complétées par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance
(TSCG) ont conduit, au-
delà des spécificités d’organisation institutionnelle
de chacun des pays de l’Union, à considérer comme un ensemble unique
les administrations publiques :
l’État, les organismes de sécurité sociale et
les collectivités territoriales. Et c’est à cet ensemble que s’appliquent les
limites de déficit et de dette fixées par les règles européennes.
En France, les liens financiers entre ces trois catégories
d’administrations publiques ont été croissants au cours des années
passées : attribution de ressources de nature fiscale à la sécurité sociale, au-
delà des seules cotisations sociales, pour compenser des allègements de
cotisations ou compléter les recettes ; attribution également de ressources
fiscales nationales aux collectivités locales, au-delà des dotations et des
subventions, pour financer des transferts de compétences ou compenser des
réductions ou suppressions d’impôts locaux décidées par l’État.
L’interdépendance financière entre l’État et les collectivités locales
est telle aujourd’hui qu’un redressement durable des finances publiques
dans leur ensemble passe par un nouveau pacte financier entre eux, fixant
des engagements réciproques, respectueux de la libre administration des
collectivités locales autant que de l’exigence d’une participa
tion de toutes
les administrations publiques à l’effort de retour à une trajectoire
soutenable dans la durée.
133
La SNBC fixe depuis la loi du 17 août 2015 une trajectoire de réduction des
émissions de gaz à effet de serre visant une neutralité carbone en 2050.
134
Cour des comptes,
La territorialisation des politiques du logement
, référé, janvier
2021, disponible sur www.ccomptes.fr.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
165
Il est indispensable à présent que le Gouvernement, le législateur et
les représentants des collectivités locales en fixent les objectifs et les
modalités :
réduire les transferts financiers de l’État comme en 2014
-2017,
encadrer la progression des dépenses comme en 2018-2020, ou tout autre
dispositif qui leur paraîtrait mieux adapté.
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COUR DES COMPTES
166
______________________ CONCLUSION ______________________
La décentralisation a été un facteur majeur d’évol
ution des finances
locales depuis 1982. Pour autant, elle ne suffit pas à expliquer l’ampleur
des changements intervenus.
La dépense publique locale est passée de 8 à 12 % du PIB. Par
habitant, elle a doublé, même si le rythme de cette augmentation a ralenti au
cours de la dernière décennie. Elle reste néanmoins inférieure en France par
rapport à la moyenne de l’Union européenne (17,9
% du PIB). Notre pays,
dont la Constitution consacre le caractère décentralisé de son organisation
depuis 2003, reste moins
décentralisé que ses voisins, l’État et les
organismes de sécurité sociale assumant en France des fonctions confiées
plus largement aux collectivités locales chez nombre de nos partenaires.
Du fait des transferts de compétences opérés, la dépense locale a
changé de nature. Elle est devenue prédominante dans le financement de
nombreux services publics de proximité en matière d’environnement –
tels
que la gestion des déchets ou les réseaux d’eau et d’assainissement –
de
politiques sociales, sportives et culturelles, de gestion des équipements
collectifs
tels que les transports publics
autant de services essentiels
pour la qualité de vie des citoyens et pour le développement économique.
Elle finance également une part majeure de l’investissement public
et
joue un rôle déterminant pour préparer l’avenir (voirie, aménagements
urbains, bâtiments scolaires, équipements culturels, etc.).
Les ressources des collectivités locales, notamment leurs recettes
d’origine fiscale, ont été profondément remaniées. Elles
ont été
progressivement déterritorialisées, des parts du produit fiscal national
étant substituées aux recettes fiscales locales. Si ces évolutions profondes
n’ont pas dégradé la situation financière des collectivités territoriales, qui
s’est, au contraire
progressivement renforcée, y compris pendant et après
les différentes crises subies par notre pays, elles ont néanmoins réduit leur
autonomie de décision dans l’évolution de leurs ressources.
La règle d’équilibre budgétaire et les réformes favorables aux
collectivités que le législateur a votées ont permis de préserver les finances
des collectivités territoriales alors que l’État, directement exposé aux
crises, porte aujourd’hui une part essentielle de la dette publique.
Dans une ambition de restauration e
t d’assainissement des comptes
publics nécessaire au redressement du pays, en même temps que
d’approfondissement de la décentralisation, il est indispensable de
redéfinir le mode de financement des collectivités locales au regard de
leurs compétences, d’en
simplifier le schéma et d’en garantir l’efficacité.
Un dialogue renouvelé entre le Gouvernement, le Parlement et les
collectivités locales s’impose avant d’aborder une nouvelle étape de
décentralisation.
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Réponses concernant le chapitre
«
La décentralisation 40 ans après
: un élan
à retrouver
»
et le chapitre
«
Les finances
locales, un mode de financement à redéfinir
»
Réponse de la Première ministre
............................................................
169
Réponse de la présidente de Régions de France
.....................................
176
Réponse du président de l’assemblée des départements de France
........
183
Réponse du président de l’association Intercommunalités de France
.....
186
Reponse de la présidente de
l’association France Urbaine
.....................
190
Réponse du président de l’association Villes de France
.........................
195
Réponse du président de l’association petites villes de France
...............
197
R
éponse du président de l’association des maires de France
..................
199
Réponse du président de la métropole de Toulouse
................................
206
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsi
eur le président de l’association des maires ruraux de France
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RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Sur le chapitre « La décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver »
Vous avez bien voulu m'adresser le chapitre introductif du rapport
public annuel 2023, intitulé « La décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver ».
La nature des deux premiers actes de décentralisation menés en
1983-1986 et en 2003-2004, qui comportaient des transferts de
compétences très substantiels aux collectivités territoriales, se distingue
des textes adoptés depuis 2010, qui ont eu pour principal objectif d'affermir
et de rationnaliser l'organisation décentralisée de la République. À une
phase de décentralisation a succédé une phase de consolidation. Le
Gouvernement et le Parlement ont eu le souci, à chaque étape, de préserver
les libertés constitutionnellement garanties aux collectivités, en s'attachant
au « triptyque compétences-ressources-moyens ».
Avec le recul de 40 années de décentralisation, les collectivités ont
besoin de visibilité et de stabilité dans leurs compétences. L'action locale
doit être orientée vers l'approfondissement des réponses à apporter aux
besoins de nos concitoyens plutôt que vers l'adaptation chronophage à des
réformes continuelles.
Le Président de la République a souligné l'importance de la
différenciation
et
de
la
proximité
pour
construire
une
vraie
décentralisation. Elle répond en effet à quatre principes indissociables :
d'abord, transférer des compétences, ensuite, accorder des ressources
dynamiques et adaptées, puis donner des capacités de différenciation, et,
enfin, assumer les responsabilités qui vont avec.
La décentralisation doit donc s'inscrire dans un projet de territoire
et dans un dialogue dense entre l'État et les collectivités. L'agenda
territorial, que je souhaite bâtir avec les élus locaux, doit permettre de
nous donner une lecture commune des défis à relever, des leviers à activer
et des moyens nécessaires. De même, des groupes de travail ont été
institués pour partager, avec les associations d'élus, une vision prospective
des finances locales.
C'est notamment dans ce cadre que je souhaite, avec les
collectivités, améliorer le service public de la petite enfance, atteindre le
plein emploi et répondre aux défis de la transition écologique.
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COUR DES COMPTES
170
I) S'agissant de la rationalisation inachevée
de l'organisation territoriale
Comme vous le soulignez, le succès des dispositifs mis en place pour
favoriser le rapprochement des communes doit être réaffirmé : les
dispositifs de bonification (exemption de contribution au redressement des
finances publiques, maintien des dotations...) et de souplesse successifs
(effectif du conseil municipal, régime indemnitaire...) prévus par plusieurs
lois depuis 12 ans en faveur des communes nouvelles ont permis de
fusionner de nombreuses communes et doivent être poursuivis.
Dans ce contexte, la montée en puissance de l'intercommunalité
constitue un levier incontournable afin de permettre aux communes
françaises, dans leur diversité et quelle que soit leur taille, de faire face à
l'exercice de leurs nombreuses compétences face à des enjeux toujours plus
complexes. Nous devons donc continuer à chercher la voie et les moyens
d'une coopération intercommunale efficace et durable, en préservant
l'action communale.
Cette voie passe nécessairement par le renforcement des
mécanismes permettant l'association effective et complète des maires et des
communes à la gouvernance et au fonctionnement de l'intercommunalité.
La conférence des maires et le pacte de gouvernance, institués par la loi
du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la
proximité de l'action publique, ont vocation à renforcer cette association
et à permettre aux EPCI de fonctionner sur la base de projets de territoire
construits et mis en œ
uvre de manière pleinement partagée.
De la même manière, la possibilité pour les communes membres
d'un établissement public de coopération intercommunale de transférer
des compétences ou des équipements à l'échelon intercommunal répond à
cette logique.
L'analyse de la Cour sur les rôles respectifs des régions et des
départements est partagée. Si les régions ont pu s'affirmer comme des
acteurs majeurs, en particulier par leurs compétences économiques, de
formation professionnelle et de transports, la redéfinition de leurs
périmètres en 2016 a redonné à l'échelon départemental un nouvel élan en
termes de proximité.
Enfin, s'agissant de l'action des services déconcentrés de l'État, le
contrôle
de
légalité,
l'activité
de
conseil
aux
collectivités
et
l'accompagnement financier par les dotations de l'État, notamment celles
destinées à soutenir l'investissement, relevées à plus de 4 Md€ en 2023, sont
des missions portées au quotidien par les préfectures. La Direction générale
des collectivités locales (DGCL) assure d'ailleurs un accompagnement
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
171
important des services déconcentrés en la matière, en particulier par
l'intermédiaire du pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et le Centre
d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et
l'aménagement (CEREMA) apportent quant à eux un appui soutenu en
ingénierie de projets, à travers le développement d'une offre d'ingénierie sur
mesure et territorialisée (Action Cœur de Ville, Petite
Ville de demain,
Avenir Montagnes).
II) S'agissant de l'imbrication des compétences
des collectivités territoriales et de leurs groupements
Le constat de la Cour d'une imbrication des compétences des
collectivités territoriales et de leurs groupements met en évidence une
réalité partagée par un grand nombre d'acteurs.
Selon la Cour, les départements abuseraient « de la capacité à
intervenir dans tout domaine présentant un intérêt local non confié par la
loi à une autre collectivité ». Le législateur est cependant intervenu dans
tous les champs majeurs des compétences décentralisées depuis 2010 afin
de déterminer un niveau de collectivité responsable à travers la
détermination de compétences exclusives, d'organiser les coopérations en
cas de compétences partagées et de limiter les interventions concurrentes
notamment en matière de cofinancement.
La Cour appelle à légiférer sur la notion d'intérêt communautaire
afin qu'elle soit déterminée selon des critères formalisés et objectifs. Or,
l'intérêt communautaire est une notion dynamique et non figée, visant à
faciliter l'exercice des compétences par les EPCI à fiscalité propre et par
là-même l'intégration intercommunale, qui permet de s'inscrire dans une
logique de différenciation territoriale. Un encadrement législatif me paraît
donc peu opportun.
Comme le souligne ta Cour, les efforts de mutualisation doivent se
poursuivre, sans créer de nouvelles structures. Le nombre de syndicats, s'il
demeure important, a connu un mouvement de réduction très significatif
depuis la mise en place des premiers schémas départementaux de
coopération intercommunale prescriptifs en 2010. Le nombre total de
syndicats de communes et de syndicats mixtes ouverts ou fermés est ainsi
passé de 15 366 en janvier 2010 à 8 628 en janvier 2022, soit une
diminution de plus de 46 %.
Enfin, concernant le constat d'un affaiblissement du contrôle de
l'État, il faut préciser que l'activité de contrôle représente une partie
importante de l'activité des préfectures. Ainsi, en 2021, 6 280 446 actes ont
été reçus (contre 5 866 736 en 2020) et 1 282 781 ont été contrôlés (contre
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COUR DES COMPTES
172
1 277 577 en 2020). Le taux de contrôle des actes prioritaires se situe, en
2021, à 83 %. S'agissant de la phase contentieuse, on observe, en 2021,
une diminution du nombre d'affaires portées devant le juge administratif,
avec 817 déférés contre 1 396 en 2020. Toutefois, le nombre de déférés
déposés a doublé entre 2015 et 2020.
La mission constitutionnelle du contrôle de légalité reste une
mission prioritaire pour les préfectures, comme l'illustre la stabilité du
taux de contrôle des actes reçus, de l'ordre de 20 % depuis 2015, et ce,
sans inflexion malgré la crise sanitaire. Un effort a, en outre, été fait pour
accélérer la télétransmission des actes (73 % en 2021 contre 53 % en
2016) grâce au système d'information @CTES.
III) S'agissant de la nécessité d'une relance progressive
et organisée de la décentralisation
Le rapport se conclut par un appel à « un réaménagement ambitieux
mais pragmatique de l'organisation territoriale qui devrait concerner
aussi bien les collectivités que l'État », écartant l'idée d'un nouveau grand
acte de décentralisation d'une part et la poursuite d'améliorations de
l'organisation décentralisée par « petits pas » d'autre part. Vous proposez
plusieurs améliorations en ce sens.
Vous recommandez de permettre au conseil communautaire de
modifier les montants des attributions de compensation des communes à la
majorité qualifiée des deux tiers du conseil communautaire. Je partage le
constat selon lequel, dans certains EPCI à fiscalité propre, le montant des
attributions de compensation versées aux communes est manifestement
déséquilibré et ne correspond plus à la réalité du partage des compétences.
Votre recommandation permettrait effectivement de traiter quelques cas
spécifiques, qui pourrait faire l'objet d'une analyse approfondie
Le versement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à
l'EPCI à fiscalité propre, qui serait chargé de la répartir entre ses
communes membres selon une méthode de droit commun, à laquelle il
pourrait déroger, est déjà possible. L'article L. 5211-28-2 du Code général
des collectivités territoriales (CGCT) permet à un EPCI à fiscalité propre
et à ses communes membres de s'entendre pour mettre en commun leur
DGF et la répartir sur la base de critères de ressources et de charges
déterminés par le conseil communautaire.
L'adoption obligatoire de conventions de partage du produit de la
taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) entre les communes et les
EPCI à fiscalité propre, notamment pour partager l'impôt acquitté par une
entreprise s'installant dans une zone d'activité économique d'intérêt
communautaire, est une proposition qui est également, en partie, satisfaite.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
173
Les communes et les EPCI à fiscalité propre peuvent déjà s'entendre pour
adopter de telles conventions de partage. En outre, les pactes financiers et
fiscaux, obligatoires dans certaines conditions, répondent à cet objectif de
partage de la ressource fiscale sur le territoire d'une intercommunalité.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Sur le chapitre « Les finances locales, 40 ans après les grandes
lois de décentralisation »
Vous avez souhaité recueillir les observations qu'appelle de ma part
l'insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes relative aux
finances locales.
Je partage la majorité des constats formulés par la Cour des
comptes dans cette insertion au rapport public annuel.
En premier lieu, la situation financière des collectivités territoriales
est maîtrisée. Leurs ressources et leur épargne atteignent aujourd'hui un
niveau supérieur à celui antérieur à la crise sanitaire. Leur encours de
dette est stable et ne représente qu'une part limitée de l'endettement
national. Elles disposent des moyens pour maintenir un niveau
d'investissement important.
Cette situation globale peut néanmoins masquer des situations
individuelles différentes, notamment au sein du bloc communal. Certaines
collectivités locales, notamment les communes rurales exerçant des
charges de centralité et les communes urbaines accueillant une population
fragile, peuvent faire face à des difficultés dont le Gouvernement a montré
qu'il sait tenir compte.
Le constat d'une bonne situation financière est particulièrement
avéré pour la plupart des départements qui, grâce au dynamisme des droits
de mutation à titre onéreux et au ralentissement des dépenses au titre du
revenu de solidarité active, disposent en 2021 et en 2022 d'un niveau
d'épargne brute et d'épargne nette jamais observé. En matière de
financement des allocations individuelles de solidarité (AIS), une
expérimentation de la recentralisation du financement du revenu de
solidarité active (RSA) a été ouverte par l'article 43 de la loi de finances
pour 2022 et l'article 132 de la loi du 21 février 2022 relative à la
différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses
mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS ». La
Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales en bénéficient depuis 2022,
le département de l'Ariège depuis 2023.
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COUR DES COMPTES
174
Cette situation financière globale maîtrisée résulte de la capacité de
l'ensemble des collectivités territoriales à faire évoluer leur modèle de
fonctionnement en fonction de la conjoncture économique. Elle témoigne
de l'engagement et de la responsabilité des élus locaux pour répondre aux
besoins de nos concitoyens tout en préservant l'équilibre budgétaire de leur
collectivité.
Cette bonne situation financière résulte également du soutien
continu apporté par l'État. Entre 2017 et 2022, les concours financiers de
l'État aux collectivités territoriales ont progressé de 2,5 %, représentant
une hausse de près de 5
Md€
; la dotation globale de fonctionnement et les
dotations de soutien à l'investissement local ont été préservées. En outre,
pour faire face à la crise sanitaire ou aux effets de l'inflation, le
Gouvernement a déployé un ensemble d'outils budgétaires inédits visant à
soutenir les collectivités territoriales, comme, par exemple, dans le cadre
du plan de relance, une hausse de 2 M
d€
des dotations de soutien à
l'investissement local.
Ce soutien budgétaire sera accentué en 2023, puisque, d'une part,
un ensemble de dispositifs ont été institués pour répondre à la hausse des
prix de l'énergie avec plus de 2,5 Md€ et, d'autre part, l'Ét
at financera pour
la première fois depuis 13 ans la hausse de la péréquation avec une
augmentation de 320
M€
de la dotation globale de fonctionnement.
En second lieu, comme le mentionne la Cour des comptes, les
collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer dans l'investissement
public. Elles seront l'un des premiers acteurs des grands défis que nous
devrons collectivement relever dans les années à venir en matière
notamment de transition écologique et de préservation de l'environnement.
Le Gouvernement sera à leurs côtés dans cette démarche et son
engagement se matérialise dès à présent par la création en 2023 d'un fonds
pour l'accélération et de la transition écologique dans les territoires doté de
2
Md€. Ce «
fonds vert » vient compléter le soutien de l'État à
l'investissement des collectivités territoriales par l'intermédiaire notamment
de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de
soutien à l'investissement local (DSIL) et du fonds de compensation de la
taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Concernant le financement des
investissements des collectivités locales, je souscris au besoin de disposer
d'une meilleure coordination des subventions accordées par les différents
acteurs. Cette coordination pourrait s'accompagner d'un meilleur fléchage
de ces crédits sur des projets d'investissement tournés vers la transition
écologique afin d'accompagner les collectivités dans cette transition.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
175
Par ailleurs, dans le cadre de la transition écologique, le
Gouvernement veille à renforcer la visibilité pluriannuelle des crédits de
l'État pour les collectivités locales, notamment via les contrats de relance
et de transition écologique (CRTE) qui ont vocation à décliner le volet
territorial des contrats de plan État-région (CPER) 2021-2027. Le
Gouvernement est également attentif à l'articulation entre les documents
de planification des collectivités et les instruments contractuels pour la
cohésion des territoires : les CPER se fondent ainsi sur les objectifs inscrits
dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et
d'égalité des territoires (SRADDET).
La Cour souligne que la suppression progressive de certains impôts
locaux aurait distendu le lien entre les collectivités locales et les
contribuables, en dépit des dégrèvements que l'État assumait au profit des
plus fragiles d'entre eux. Je relève que, systématiquement, ces suppressions
d'impôts locaux ont fait l'objet d'une compensation intégrale, dynamique et
de nature fiscale. Le transfert de fractions d'impôt national aux collectivités
locales leur a été jusqu'à présent bénéfique. La TVA a ainsi progressé de
près de 10 % en 2022, bien davantage que les impôts locaux ou que les
dotations dont elle est venue compenser la suppression.
Au demeurant, le lien entre les contributions aux financements des
services locaux et les habitants et entreprises existe toujours. Les
contribuables continuent d'acquitter les taxes foncières et la cotisation
foncière des entreprises, impôts dont les collectivités continuent à fixer le
taux. Par ailleurs, la taxe d'habitation demeure sur les résidences
secondaires ce qui en fait un outil pour lutter contre la rétention foncière.
Afin de répondre à la volonté de certaines collectivités locales de préserver
un lien entre leurs ressources et l'exercice de leurs compétences, la loi de
finances pour 2023 prévoit d'ailleurs que la dynamique de TVA attribuée au
bloc communal en contrepartie de la suppression de la CVAE sera répartie
sur la base de critères visant à inciter les communes et des EPCI à fiscalité
propre à accueillir des entreprises.
La Cour des comptes préconise par ailleurs une réforme du système
de financement des collectivités territoriales afin de le rendre plus stable
et plus lisible.
Les collectivités territoriales ont fait l'objet d'une évolution sensible
de leur schéma de financement. Depuis 2021, il a été profondément modifié
avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales
et l'octroi, afin de leur assurer une compensation intégrale, pérenne et
dynamique, d'une fraction de TVA de plus de 20
Md€. Par conséquent, il
me semble utile d'évaluer l'actuel schéma de financement des collectivités
territoriales avant de le faire évoluer, en concertation avec elles.
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COUR DES COMPTES
176
Le rapport recommande également d'accentuer le caractère
péréquateur des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Je
partage le souhait de faire progresser les mécanismes de péréquation afin
de réduire les écarts de richesse entre les collectivités locales. À ce titre,
le Gouvernement a procédé à une hausse inédite des dotations de
péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement entre 2017
et 2022, qui sera amplifié en 2023, comme indiqué plus haut : sous le
premier quinquennat d'Emmanuel Macron, la dotation de solidarité rurale
a progressé de 32 %, la dotation de solidarité urbaine de 23 % et la
dotation d'aménagement des communes d'outre-mer de 43 %. La Cour
souligne également la nécessité d'associer les collectivités territoriales à
la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes publics. Si le
ralentissement récent du taux de croissance de la dépense locale s'inscrit
dans un contexte marqué par l'absence de transferts nouveaux de
compétences, il s'explique également par les outils de gouvernance des
finances locales mis en place au cours des dernières années. La Cour
rappelle ainsi que « l'objectif de modération de l'évolution des dépenses
locales » fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP)
pour les années 2018 à 2022 « a été respecté ». Il convient aujourd'hui de
poursuivre nos objectifs collectifs en matière de maîtrise des dépenses
publiques. Cette volonté de rétablir une trajectoire de finances publiques
crédible est un objectif partagé et l'État comme les collectivités
territoriales doivent continuer à améliorer l'efficience des dépenses
publiques.
Un dialogue permanent avec les collectivités territoriales a été mis
en place, notamment avec un comité des financeurs des dépenses sociales
et des échanges réguliers avec les différentes strates de collectivités sur
leurs perspectives financières. Je souhaite poursuivre ce dialogue sur
l'ensemble de ces sujets afin de maintenir la relation de confiance entre
l'État et les collectivités locales, qui est indispensable pour répondre avec
plus d'efficacité aux besoins de nos concitoyens et de nos territoires.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE RÉGIONS DE FRANCE
Par courrier en date du 10 janvier dernier, vous m’avez transmis le
deuxième chapitre du rapport public annuel 2023 sur la décentralisation.
Les observations formulées par la Cour appellent de ma part des
réponses sur l’évolution du poids des finances locales, du mode de
financement des collectivités ainsi que sur un éventuel encadrement de la
dépense locale.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
177
La Cour relève en premier lieu que le poids des finances locales
s’est accru au sein des finances publiques au cours des quarante dernières
années, en raison des différentes lois de décentralisation et des transferts
de compétences et financiers qui s’y rattachen
t. « En 1980, les collectivités
locales représentaient 17 % des dépenses et 15 % des recettes de
l’ensemble du secteur public. Leur part s’est légèrement accrue pour
atteindre 20,2 % des dépenses publiques en 2019 avant de redescendre à
19 % en 2021 sous l
’effet de la forte augmentation des dépenses de l’État
et de la sécurité sociale pendant la crise sanitaire ».
Il convient de souligner, dès ce stade de l’analyse, que cette
augmentation du poids des dépenses locales ne s’est traduite
:
-
d’une part ni par
une augmentation de la dette locale attestant que les
collectivités territoriales ne sont pas responsables du déficit public de
la France : « Enfin, la maî
trise de la dette n’est plus l’enjeu principal
des
finances
publiques
locales »
et
« Depuis
les
lois
de
décentralisation de 1982-1983, la dette des collectivités locales a été
progressivement maîtrisée et son poids ramené de 9,4 points de PIB
en 1993 à 8,4 points en 2021 » ;
-
d’autre part ni par une hausse de leurs dépenses de personnel
: « La
masse salari
ale représente aujourd’hui 60
% des dépenses de
fonctionnement (66 % en 1982) ».
Cette augmentation des dépenses locales est également à mettre en
perspective en comparaison avec nos principaux partenaires européens :
« le poids de la dépense publique locale en France demeure en retrait par
rapport aux autres pays de l’Union européenne (17,9
%) » ou encore
«
cette situation résulte d’une décentralisation plus forte de compétences
et de ressources aux institutions locales ». Parmi les différents blocs de
collectivités, ce constat est d
autant plus marqué concernant les régions,
la Cour rappelant à juste titre que « le budget cumul
é
de l
ensemble des
régions françaises (37,7
Md€ en 2021) est significativement inferieur à
celui du Land de Bade-Wurtemberg (57,4
Md€)
».
La Cour note que « le dynamisme de ces ressources transférées
(TVA notamment) a participé
à
la sécurisation durable des équilibres
financiers locaux, au détriment de ceux de l
État qui a finalement support
é
seul les impacts des crises et aléas divers au travers d’un accroissement de
sa dette ». Cette observ
ation, pour juste qu’elle soit, résulte du fait que seul
l’État peut, en regard des règles de gestion applicables aux acteurs
publics, adopter des budgets et en voter une exécution en déséquilibre. À
cet égard, seul l’État dispose d’une faculté de mobilisa
tion du déficit public
et, dans cette ampleur, de la dette comme instruments d’intervention lors
de crise d’envergure internationale.
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COUR DES COMPTES
178
La Cour ajoute que « Pour autant, les collectivités ne sont pas
totalement exemptes de risques sur leurs ressources. La crise sanitaire a
montré la grande exposition au risque conjoncturel de certaines d’entre
elles, comme les communes touristiques, du fait de l’effondrement de la taxe
de séjour ou de la taxe sur les produits des jeux. Elle a aussi révélé la
sensibilité des recettes, autres que les prélèvements obligatoires,
à
la
situation économique et la forte exposition aux évolutions de la conjoncture
des
collectivités
dont
la
part
des
recettes
tarifaires
(piscines,
médiathèques...) et d’occupation de l’espace public (pa
rkings publics,
terrasses de bars...) est importante ». Il convient, à cet égard, de rappeler
que les régions ont pleinement subi les conséquences de la crise sanitaire et
qu’elles sont, de surcroît, l’échelon de collectivité qui a le plus augmenté son
niv
eau d’investissement pour accompagner le plan de relance de l’État.
Au cours de l’année 2020, en neutralisant la recentralisation de la
compétence apprentissage, les Régions ont enregistré une baisse de
206
M€
de leur fraction de TVA, de 100
M€
de leur fraction de TICPE et
de 208
M€
de la taxe sur les certificats d’immatriculation. A ces pertes se
sont également ajoutées des baisses de recettes dans le secteur du transport
public de voyageurs, accompagnées d
’une hausse sensible des charges
supportées par les r
égions, sans que l’État n’apporte de compensation
financière. Les régions ont ainsi vu leur épargne brute chuter de 21,6 %
en 2020 et leur capacité de désendettement se dégrader de 4,3 à 6 ans, soit
comme la Cour a pu le relever, la catégorie de collectivités qui a été la
plus impactée par la crise sanitaire. Régions de France souligne que la
fraction de TVA, qui s’est substituée à la part régionale de CVAE depuis
le 1
er
janvier 2021, n’est assortie d’auc
un plancher garanti à la différence
de la fraction de TVA, qui a remplacé la DGF des régions en 2018.
La Cour rappelle que les collectivités représentent le premier
investisseur public et que « Dans une moindre mesure, départements et
régions contribuent directement
à
l
investissement local, notamment sur
les équipements qui leur ont été transférés par l’État, lycées et collèges,
transports publics pour l’essentiel
». Alors que les régions représentaient
15
%
de la dépense locale en 2019, leur part dans l’
investissement public
local représentait 23 %
en 2021. Elles sont l’échelon de collectivités qui a
produit l’effort le plus important d’investissement aux côtés de l’État pour
la relance du pays :
entre 2019 et 2021, les dépenses d’investissement des
Régions ont ainsi connu une progression de 19,7 %, soit une hausse de
2,2
Md€
(11,2
Md€ en 2019 et 13,4
Md€ en 2021) attestant de leur plein
engagement au titre du plan de relance et renforçant leur rôle déterminant
au sein de l’investissement local, notamment dans les domaines de
l’économie, des transports et de la transition
énergétique.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
179
Enfin, simultanément à cette hausse sensible des dépenses
régionales d’investissement, «
les dépenses de fonctionnement des régions
n’en constituent qu’une part minoritaire et maîtrisée dans la durée (11
%
en 2021) », ce qui rejoint les concl
usions d’une étude réalisée par la
Direction générale des collectivités locales
135
(DGCL) publiée au mois de
février 2021 et concluant que « les dépenses de fonctionnement des régions
se trouvent en 2019 au même niveau qu’en 2015, pour les régions
fusionnées comme pour les autres régions, hors transports transférés et
gestion des fonds européens ».
S’agissant de l’évolution du mode de financement des collectivités, le
rapport publié par la Cour des comptes à la demande du Sénat, cet automne,
permet de poser
un débat crucial sur l’avenir des finances locales.
Régions de France partage ainsi l
avis de la Cour estimant que « Les
réformes successives de la fiscalité locale ont, en effet, modifi
é
considérablement les principes de financement des politiques publiques
locales. En substituant des fractions de fiscalité nationale, sur lesquelles les
collectivités ne disposent pas de pouvoir de taux,
à
des recettes de fiscalité
locale, elles ont retiré des marges de manœuvre financières aux collectivités.
Ce faisant, elles ont distendu le lien, pour les habitants comme pour les
entreprises, entre contribution
à
la charge publique locale et service public
rendu aux usagers ». Ce constat se vérifie particulièrement pour les
Régions : leur autonomie fiscale « se limite
à
présent
à
environ 10 % de leurs
recettes (part de taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques -
TICPE et taxe sur les certificats d’immatriculation)
».
Comme avait pu également le relever la Cour des comptes dans son
dernier rapport
annuel sur les finances publiques publié, à l’exception de la
TVA, « Les autres recettes des régions ont perdu de leur dynamisme ». En
effet, les recettes de la taxe sur les certificats d’immatriculation, après avoir
chuté de 266
M€
en 2020, ont atteint 2,2
Md€ en 2021 alors qu’elles
dépassaient 2,3
Md€ avant la crise. Cette situation résulte d’un niveau de
ventes de véhicules neufs toujours en net retrait par rapport à l’année
2019
mais également en raison de l’exonération de carte grise, imposée par
l’Éta
t, sur les véhicules électriques. Or, la part des véhicules neufs pour les
particuliers, bénéficiaires de l’exonération de carte grise, est passée de 2
%
en 2019 à 13,3 % en 2022 (en 2035, il est également prévu au niveau
européen la fin de la vente des vé
hicules thermiques). Cette mesure ne s’est
pas traduite par une compensation de pertes de recettes pour les régions. Le
135
Les dépenses de fonctionnement des régions se trouvent en 2019 au même niveau
qu'en 2015, pour les régions fusionnées comme pour les autres régions.
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COUR DES COMPTES
180
produit de cette taxe devrait connaître une nouvelle diminution de 13 % en
2022. En raison également de la transformation du parc automobile, les
recettes de TICPE sont amenées à diminuer au cours des prochaines années.
Ainsi, « un scénario possible de réforme pourrait recentrer toute la
fiscalité locale sur le bloc communal pour plus d’autonomie et de
responsabilité, tandis que les départements bénéficieraient d
un financement
dynamique et plus solidaire pour faire face
à
leurs dépenses sociales
(dotation d’action sociale et fiscalité nationale) et que les régions se
verraient affecter une part plus importante de fiscalité nationale économique
(TVA et impôt sur les sociétés (IS)) en phase avec leurs compétences ». Cette
proposition pourrait rejoindre en partie celle portée par le Livre Blanc des
Régions, « Vers une République de la confiance », publié en 2022, appelant
à un système de partage et de codécision pour un certain nombre d
impôts
nationaux (TVA, IR, IS, CSG, etc.). Il propose notamment de rechercher les
conditions dans lesquelles une fraction de l
assiette et/ou du taux de ces
impôts partagés pourrait être laissée
à
la décision des régions sans
augmentation globale de la pression fiscale. Comme le souligne à juste titre
la Cour, «
La mise en œuvre de toute réforme exigera en tout état de cause
de rétablir la confiance entre les collectivités locales et l’État
».
Régions de Fran
ce appelle l’attention sur la recommandation
proposant « la suppression des rétrocessions de frais de gestion des impôts
locaux ». En effet, les frais de gestion transférés aux collectivités ne
contribuent pas à la clarté du système de financement des collectivités mais
ces derniers constituent toutefois une ressource dynamique. Les régions,
dans une exigence de prévisibilité pluriannuelle des recettes et des
engagements, ne pourraient concevoir une suppression des frais de gestion
qui leur sont affectés qu
’à la condition qu’ils soient remplacés par une
ressource dynamique.
Dans ce cadre, la Cour relève que « Les transferts de compétences
s
accompagnent de l
attribution de ressources équivalentes
à
celles qui
étaient consacrées par l
État
à
leur exercice, soit une compensation de leur
coût historique, sans prise en compte de l’évolution future de ces
charges ». Cette observation de la Cour est assortie du constat que « Le
dialogue entre l’État et les collectivités locales sur le niveau de
financement des c
ompétences transférées fait l’objet de tensions
récurrentes ». Le Livre blanc des régions vise à cet égard, à garantir
constitutionnellement que les ressources attribuées dans le cadre de
transferts de compétences soient équivalentes aux charges transférées. Il
conviendrait ainsi que ces compensations fassent l'objet d'une réévaluation
régulière tenant compte de la dynamique exogène des charges transférées.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
181
Régions de France ne partage pas l’avis de la Cour estimant que
« Les mécanismes de péréquation (entre les régions) sont complexes mais
leur volume est insuffisant ». À ce titre, Régions de France rappelle que la
loi de finances initiale pour 2022 a réformé en profondeur le système de
péréquation régionale. En effet, dans le cadre de l’accord de partenari
at
et en conséquence de la suppression de la part régionale de CVAE et de
son remplacement par une fraction de TVA, les r
égions s’étaient engagées
à définir un nouveau fonds de péréquation régionale avec une traduction
législative au sein du PLF 2022. Il s
’agissait plus particulièrement
d’arrêter entre elles, à la demande du Premier ministre, la manière de
répartir leurs ressources issues de la réforme de la taxe professionnelle.
Les régions ont considéré dans un premier temps que la substitution de la
TVA à la part régionale de CVAE supprimait les différentiels territoriaux
de croissance de la ressource fiscale. Elles ont ainsi cherché à gommer les
disparités issues de la réforme antérieure et qui pouvaient générer des
différentiels artificiels. Dans ce cad
re, les Régions ont proposé d’intégrer
dans la fraction de TVA (ex-
CVAE) les montants issus de l’ancien fonds de
péréquation régionale et les prélèvements au titre du FNGIR.
Le système finalement retenu dans la loi de finances pour 2022
diffère des propositions unanimement souhaitées par les régions. Le texte
soumis au vote des parlementaires ne retient pas un retraitement spécifique
pour deux Régions qui aurait permis de tenir compte de leurs situations
spécifiques et ne conserve pas la transparence de la contribution de la
région Île-de-France au titre du FNGIR, en ne la faisant plus apparaître
comme une dépense qui aurait également été indexée sur la dynamique
annuelle de TVA. Ce nouveau système permet de gommer les écarts à la
croissance moyenne de la ressource de TVA qui représente 89 % des
ressources s’étant substituées à l’ancienne taxe professionnelle. Les
r
égions ont également proposé la création d’un dispositif supplémentaire
de solidarité au bénéfice de la Corse et des régions et collectivités
d’O
utre- Mer, compte tenu des spécificités liées à leur insularité ou à leur
situation ultra-
marine. Cette proposition prend la forme d’un fonds de
solidarité inédit auxquels contribuent seules les régions de métropole. Ce
fonds a été doté en 2022 d’un montan
t égal à 0,1 % de la fraction de TVA
ex-CVAE, soit près de 10
M€
. À compter de 2023, ce fonds montera en
charge chaque année à hauteur de +1,5 % de la dynamique cumulée, en
complément de la péréquation régionale. Il s’agit, là encore, d’un effort de
solidarité conséquent, complémentaire de celui dû en tout premier lieu par
l’État à l’endroit de ces collectivités.
Concernant les modalités de la contribution éventuelle des
collectivités au redressement des finances publiques, la Cour estime que
«
L’interdépendance financière entre l’État et les collectivités locales es
t
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COUR DES COMPTES
182
telle aujourd’hui qu’un redressement durable des finances publiques dans
leur ensemble passe par un nouveau pacte financier entre eux, fixant des
engagements réciproques, respectueux de la libre administration des
collectivités locales autant que de l
exigence d
une participation de toutes
les administrations publiques
à
l
effort de retour
à
une trajectoire
soutenable dans la durée ». Comme Régions de France a pu le rappeler à
de nombreuses reprises, les collectivités territoriales ont su démontrer leur
capacité à piloter en responsabilité leurs finances, à maîtriser leur dette et
à prendre les dispositions nécessaires au rétablissement des grands
équilibres. En effet, divers mécanismes permettent déjà de limiter le
recours à l’emprunt et d’
assurer une bonne capacité de désendettement
des collectivités locales. Comme la Cour le rappelle, ces mécanismes
d’encadrement de la gestion locale «
constituent la garantie essentielle de
la soutenabilité des finances publiques locales
» telle que la règle d’or. Les
collectivités, « contrairement à l
État, n
ont pas la possibilité de recourir
à
l
emprunt pour financer des dépenses de fonctionnement, ni pour
rembourser leurs emprunts en cours, la charge correspondante devant être
couverte par leur épargne brute ».
Enfin, Régions de France conteste l
appréciation de la Cour selon
laquelle « pour favoriser le respect de cette règle, les normes de
comptabilité locale ont parfois fait l
objet d
accommodements qui nuisent
à
la fiabilité des comptes locaux, comme la Cour l
a plusieurs fois soulign
é
.
En
particulier,
les
collectivités
comptabilisent
les
subventions
d
équipement qu
elles versent
à
l
actif de leur bilan, comme s
il s
agissait
d’un élément de leur patrimoine, alors que l’État comptabilise ces mêmes
flux de subventions dans ses charges » et que « Tous ces traitements
comptables dérogatoires, dont l
État a souvent été
à
l
origine, ont pour
objectif d’éviter de peser sur les budgets de fonctionnement et de permettre
le financement des subventions d’équipement par
l’emprunt
». Les
subventions d’équipement versées par les collectivités contribuent en effet
directement au développement de leurs territoires : leur comptabilisation
en investissement se justifie pleinement tout en assurant une bonne tenue
des finances locales comme les différentes analyses au sein du présent
projet de rapport le démontrent.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
183
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSEMBLÉE
DES DÉPARTEMENTS DE FRANCE
Chapitre 1
er
: la décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver
Départements de France (DF) considère que les multiples réformes
qui ont jalonné ces quarante dernières années sont largement responsables
de «
l’essoufflement de la décentralisation
» (nouvelles cartes territoriales,
nouveaux modes de scrutins, métropolisation et nouvelles répartitions de
compétences).
Pour Départements de France, l’élément structurant de la première
étape de la décentralisation a bien été la liberté de gestion des affaires
locales résultant de la suppression de la tutelle.
Mais, comme le souligne le rapport, la logique des blocs de
compétences se heurte au principe de réalité lié à la complexité de
l’exercice des compétences confiées aux départements
Toute nouvelle modification de la répartition des compétences
départementales devra tenir compte de la nécessité de préserver
l’efficience de l’action publique liée aux solidarités tant sociales que
territoriales.
Par ailleurs, [...]DF partage les observations de la Cour relatives à
l’échelon de proximité et de référence qu’a toujours été le département.
Cependant, DF souligne la nécessité de dépasser la question de la
répartition des compétences entre les échelons pour lui préférer le principe
de subsidiarité permettant de soutenir l’activité économique de proximité
et les mobilités.
L’inadaptation de l’organisation
déconcentrée de l’État par rapport
à la décentralisation résulte d’un pilotage stratégique, mené en
contradiction avec les objectifs même de celle-ci.
Ainsi, le retrait de l’ingénierie de l’État a été compensé par les
départements qui ont préservé leur ingénierie départementale (80 agences
environ) apportant ainsi leur soutien au bloc local.
DF partage le constat d’une insuffisante coordination et
complémentarité des politiques menées par les différents échelons de
collectivités au titre des compétences propres ou partagées.
À cet égard, les départements constituent la bonne échelle pour
favoriser cette complémentarité qui améliorerait l’efficacité et la lisibilité
des politiques publiques par le biais des chefs de filât des départements :
inclusion numérique, logement social, gestion de la ressource en eau et des
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COUR DES COMPTES
184
réseaux, accessibilité aux services de proximité ou encore lutte contre les
déserts médicaux pour ne citer que quelques exemples. Par ailleurs, il nous
apparaît
indispensable,
pour
sortir
de
cet
enchevêtrement
des
compétences, de rendre le département, pilote des politiques médico-
sociales, sociales et territoriales.
Il est urgent de clarifier les bons niveaux d’action pour agir mieux
et plus efficacement, mais aussi d’organiser les compétences
partagées
pour pallier tout risque de concurrence entre échelons et améliorer leurs
synergies. Les carences de la médecine scolaire sont criantes comme l’a
rappelé la Cour en 2020 et le département est la bonne maille pour tenir
le rôle de pilote dans ce domaine majeur de la prévention (la France
compte 900 médecins pour 12 millions d’élèves). DF soutient la
proposition de la Cour d’une relance progressive et organisée de la
décentralisation.
DF partage l’observation de la Cour concernant la responsabilité
de l’État dans l’atteinte contrariée des objectifs de la décentralisation et
sur l’inflation normative.
Mais, il existe un facteur aggravant en matière de droit des
collectivités territoriales qu’il faut souligner
:
l’insuffisante portée de la
reconnaissance de la valeur constitutionnelle des principes de libre
administration et de l’autonomie financière qui la rend possible.
Un réaménagement pragmatique de l’organisation territoriale
décentralisée passe par un renforcement du rôle des chefs de file et DF ne
peut qu’approuver la proposition de la Cour qui affirme que la théorie des
blocs de compétences ne correspond plus à la réalité. DF approuve la
proposition de la Cour de confier aux départements la plénitude de la
compétence sociale, dans un souci de
cohérence et d’efficience des
politiques publiques. Il serait souhaitable que la notion de chef de file aille
au-
delà d’un simple pouvoir d’organisation. DF approuve les nouvelles
possibilités de délégations de compétences qui en découleraient ainsi que
l’
application qui pourrait en être faite concernant les départements en
matière d’aménagement du territoire, de solidarité territoriale, de
mobilités ou de transition énergétique. En revanche, s’agissant des
possibilités de différenciation, il convient de ne pas généraliser les
expérimentations institutionnelles de fusion ou de création de collectivités
à statut particulier afin de conserver cohérence et homogénéité dans notre
organisation territoriale décentralisée.
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
185
Chapitre 2 : Les finances locales, 40 ans après les grandes lois de
décentralisation
Si D
épartements de France ne conteste pas l’état des lieux réalisé
par la Cour sur la base des données disponibles, nous regrettons que le
scénario privilégié par la Cour soit le même que celui retenu par son
précédent rapport relatif aux scénarios de financement des collectivités
territoriales, vis-à-vis duquel Départements de France a déjà fait part de
son total désaccord.
En effet, la Cour a dit avoir travaillé à une option de réforme qui
recherche « un équ
ilibre adapté entre les objectifs d’autonomie et de
solidarité pour les régions, les départements et le bloc communal » mais
qui a abouti en définitive à privilégier, en ce qui concerne les
départements, un financement exclusivement assuré par de la fiscalité
nationale partagée et des dotations.
Départements de France tient à rappeler que nous sommes
fermement opposés à la perte de l’imposition sur le foncier bâti lors de la
dernière réforme fiscale, non par principe, mais parce que la possibilité
d’actionn
er ce levier fiscal a été salvatrice pour un certain nombre de
Départements quand il a fallu faire face aux conséquences économiques et
financières issues de la crise de 2008, sans pour autant faire appel à l’État.
Qui plus est, le foncier bâti constitue une ressource stable et résiliente ou
pour reprendre les termes de la Cour dans le présent rapport « des
produits d’imposition peu volatiles et protecteurs des collectivités
». Pour
autant, le choix a été fait par le Gouvernement d’en priver les
département
s. La Cour observe par ailleurs qu’une part importante de la
fiscalité perçue par les collectivités est « sans relation avec une base
territoriale
». Départements de France rappelle qu’il était, de la même
manière, opposé à la suppression de la CVAE. Départements de France a
toujours défendu la conservation d’un panier fiscal diversifié.
Désormais, et bien que le rapport présentement commenté n’en
refasse pas mention, il pourrait être envisagé de transférer, via une
répartition nationale, les DMTO aux communes. Comme cela a déjà été dit,
le risque serait de mettre fin à un système consolidé de responsabilité et de
solidarité qui n’a aucun équivalent dans les finances locales
: dispositif
ambitieux de péréquation horizontale, mise en réserve collective du CFL et
possibilité d’épargner individuellement les surplus de DMTO constatés.
Départements de France souhaite attirer l’attention de la Cour sur
les risques de déséquilibres considérables qu’un tel bouleversement
engendrerait, particulièrement pour le monde rural. Le produit des DMTO
serait alors concentré sur les aires urbaines creusant encore davantage le
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COUR DES COMPTES
186
fossé avec la France périphérique. Lutter contre cette pente naturelle
reviendrait à dépenser une énergie sans commune mesure avec les gains
espérés, là où le mécanisme est parfaitement maîtrisé par les Départements
qui jouent un rôle péréquateur tant au niveau de leurs territoires respectifs
qu’entre eux, dans la répartition de cette ressource.
Par ailleurs, Départements de France souhaite préciser s’agi
ssant
de la situation financière présumée favorable des Départements après la
crise covid 19 relevée par la Cour, nonobstant certaines disparités
individuelles, qu’elle tient incontestablement à la dynamique constatée des
recettes, mais également aux importants efforts de gestion qui ont été
conduits par nos collectivités depuis bien avant cette crise. Nous devons
cependant faire face à une explosion des dépenses sociales qui met les
départements dans une situation difficile.
Enfin, Départements de France ne peut que partager avec la Cour
la nécessité de « rétablir la confiance entre les collectivités locales et
l’État
». L’actuel Gouvernement s’y est engagé après avoir cependant pris
un certain nombre de mesures sans concertation, voire même
d’information,
peu ou pas du tout compensées…
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSOCIATION
INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE
Je vous remercie de m’avoir adressé les chapitres «
La
décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver » et « Les finances
locales, 40 ans après les grandes lois de décentralisation » qui seront
versés au rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes.
Intercommunalités de France partage une grande partie des
constats qui y figurent et je souhaite saluer le travail approfondi des
magistrats. Je les rem
ercie en particulier d’avoir bien voulu tenir compte
de certaines des observations que j’avais formulées sur la version initiale
de ces chapitres.
Pour celui qui concerne les finances locales, je constate que
l’analyse de la situation financières des colle
ctivités proposée par la Cour
est très globale. Les enjeux financiers tant en termes de dépenses de
fonctionnement qu’en ce qui concerne le panier de ressources sont bien
sûr très différents selon les niveaux de collectivités.
Intercommunalités de France partage les conclusions de la Cour
concernant le décalage entre la volonté décentralisatrice des différents
gouvernements dans la lignée des grandes lois de 1980 et la réalité des
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
187
moyens dont disposent les collectivités pour mettre réellement en œuvre les
compétences qui leur sont confiées.
Le constat fait par les magistrats concernant le niveau relativement
faible du poids de la dépense locale au regard de l’ensemble des dépenses
publiques et du PIB comparativement à ce que font nos voisins européens
en témoigne.
Du fait de l’importance de leurs compétences et de l’amplitude de
leurs domaines d’intervention les collectivités du bloc local, communes et
intercommunalités, assurent désormais une large part de la dépense
publique.
La réponse aux enjeux liés à la transition écologique, à la
nécessaire réindustrialisation du pays, aux besoins et aspirations nouvelles
des ménages (vieillissement, évolutions des mobilités et des modes
d’habitat, transformation des modes de vie…) passera nécessairement par
les collectivités locales.
Intercommunalités de France partage à ce titre le constat d’un
système de financement des collectivités aujourd’hui « à bout de souffle »,
instable, manquant de lisibilité et de prévisibilité, peu compréhensible tant
pour les responsables locaux que pour les contribuables, avec des
inégalités qui se creusent entre les territoires.
Hérité du passé, le système de financement des collectivités semble
aujourd’hui mal armé pour faire face dans de bonnes conditions aux
besoins
d’investissement
très
conséquents
des
territoires.
Le
démembrement progressif de la fiscalité locale (perte de la TP, puis de la
TH, actuellement de la CVAE), la dépendance accrue aux dotations de
l’État, l’insuffisance des taxes affectées face à des enjeux pourtant majeu
rs
comme la transition écologique, témoignent de l’urgence à refonder de
façon ambitieuse le modèle de financement des collectivités.
Dans la réponse écrite faite aux magistrats, Intercommunalités de
France insistait sur la nécessité de disposer d’un systè
me de financement
lisible pour l’ensemble des acteurs, permettant une approche pluriannuelle
plus favorable à l’investissement, et associé à une fiscalité véritablement
locale, c’est
-à-dire en lien avec le développement des territoires. Ce
système de finan
cement rénové doit s’accompagner de dispositifs de
péréquation pérennes et efficaces.
Concernant le chapitre relatif à la décentralisation, je souhaite
souligner l’équilibre dont font montre les magistrats en traitant
conjointement des processus de décentralisation et de déconcentration, à
mon
sens,
indissociables.
Intercommunalités
de
France
partage
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COUR DES COMPTES
188
notamment l’analyse de la Cour selon laquelle le préfet se retrouve en
« porte-à-faux » vis-à-
vis des collectivités locales puisqu’il est censé
représenter chacun des ministres (malgré son rattachement au ministère
de l’Intérieur plutôt qu’au Premier ministre et malgré la réduction
substantielle des effectifs de l’administration territoriale de l’État), tandis
que des politiques publiques majeures, dans les domaines de la rénovation
urbaine, de la santé, de l’habitat ou de l’environnement, son portées par
des agences et des services situés hors de son autorité. Assurément, la
qualité et l’efficacité des relations entre l’État et les collectivités doi
vent
s’appuyer sur une unicité de la parole de l’État territorial, incarnée par le
binôme préfet de région
préfet de département.
Intercommunalités de France souscrit d’ailleurs aux constats de la
Cour lorsqu’elle remarque que la logique de clarification des blocs d
e
compétence, pour vertueuse qu’elle soit, achoppe en pratique sur la
nécessaire complémentarité des interventions des différents niveaux de
collectivités
et de l’État pour la mise en œuvre des politiques publiques.
Plutôt que de nouvelles modifications de la répartition des compétences
entre niveaux de collectivités, il paraît plus judicieux de préciser au sein
des différents domaines de politiques publiques le « qui peut faire quoi »
et le « qui doit faire quoi
» : écrire des normes, financer, être maître
d’ouvrage, chef de file…
À cet égard, la notion d’autorité organisatrice (AO) peut s’avérer
utile. Autorités qui ne sont pas nécessairement les seules à agir mais qui
sont celles sans lesquelles rien n’est possible, les AO permettent de
distinguer les rô
les de coordination (chef de file) et de maître d’ouvrage.
L’AO est dotée d’une capacité opérationnelle et est investie de
responsabilités élargies pour territorialiser les politiques publiques. Elle
dispose de moyens adaptés, financiers et réglementaires, pour mener ses
missions à bien. Elle est systématiquement informée et consultée par les
chefs de file pour les domaines qui la concernent. Intercommunalités de
France propose d’ailleurs que les conférences territoriales d’action
publique deviennent des conférences des AO, à caractère opérationnel.
L’affirmation du rôle des AO, déjà effective dans les domaines des
mobilités, des déchets et de l’habitat, paraît donc complémentaire du
renforcement des chefs-de-file que propose la Cour.
Intercommunalités de Fr
ance ne partage pas l’analyse des
magistrats au sujet de la loi Engagement et proximité, qui a contribué à
généraliser des pratiques de gouvernance intercommunale déjà largement
répandues (conférence des maires, pacte de gouvernance). La logique de
transfert de compétences « à la carte
» introduite par la loi n’a pas
prospéré dans la pratique. On est donc loin d’un mouvement de
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
189
« syndicalisation » des intercommunalités à fiscalité propre, qui ne
correspond ni à leur logique d’action, ni à la volonté manifes
te des élus du
bloc communal.
Ces mêmes raisons nous invitent à quelques réserves sur
l’appréciation que la Cour fait de l’intérêt communautaire. Il ne nous
semble pas bienvenu de rigidifier ce mécanisme qui aujourd’hui fonctionne
bien dans ses équilibres
en laissant d’importantes marges de manœuvre
pour s’accorder au niveau local sur les services et équipements à
transférer ou à créer, sur la base d’un projet communautaire partagé. Le
législateur a déjà prévu des garde-fous efficaces (impossibilité de scinder
l’investissement et le fonctionnement, ou des obligations relevant du même
service public).
De même le regard que la Cour porte sur les démarches de
mutualisation ne nous paraît pas correspondre à la réalité du bloc local. Le
projet de rapport titre «
Des efforts de mutualisation insuffisantes » et relève
la «
timidité de l’usage que les collectivités territoriales et EPCI font des
instruments de mutualisation ». Ces assertions nous apparaissent exagérées
pour le bloc communal, faute par ailleurs d’être étayées. À l’échelle de ses
moyens, Intercommunalités de France a réalisé une enquête sur les
mutualisations entre communes et intercommunalités en 2021, dont il ressort
que, sur 80 répondants, plus de 90 % des intercommunalités avaient mis en
œuvre au m
oins un projet de mutualisation ; 58 % mutualisaient une partie
de leurs services pour l’ensemble de leurs communes membres. L’usage des
instruments de mutualisation est répandu, même s’il peut être inégal d’un
territoire à l’autre.
À ce propos, la Cour av
ance l’hypothèse qu’il serait davantage fait
recours à des organismes de coopération tels que les SIVU ou SIVOM, les
syndicats mixtes, les groupements d’intérêt public (GIP), les SEM, SPL et
SPLA, plutôt qu’à des dispositifs de mutualisation portés par les
intercommunalités. Cette affirmation nous surprend dans la mesure où elle
ne repose pas sur une étude ou un recensement référencé par la Cour et où
les échanges au sein de notre association font état de réalités beaucoup
plus nuancées, qui donnent à voir une bonne part de mutualisations
organisées par les intercommunalités (instruction des demandes
d’autorisation d’urbanisme depuis le retrait quasi
-généralisé des services
de l’État, ingénierie à disposition des communes, prestations de services
ponctuelles
, appui aux marchés publics, etc.). Par ailleurs, l’économie
mixte peut se révéler un véhicule intéressant notamment pour la transition
écologique et énergétique.
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COUR DES COMPTES
190
Intercommunalités de France partage pleinement le constat dressé
par la Cour du besoin de s
implification et d’amélioration de la lisibilité
des relations financières au sein du bloc local. En particulier, les règles
aujourd’hui
applicables
à
la
modification
des
attributions
de
compensation sont source de grandes difficultés là où les montants en
vigueur ne correspondent plus à la réalité des investissements et des coûts
portés respectivement par l’intercommunalité et ses communes membres,
ce qui est fortement préjudiciable dans la pratique.
Pour autant, davantage de prudence serait requise lorsqu
’il est
proposé de revoir en profondeur les équilibres internes au bloc local. Ainsi
en va-t-il de la formule des communes-communautés qui conserve un
caractère expérimental et n’a pas donné à voir toutes ses conséquences
potentielles. De même, la promotion des communes nouvelles, si elle peut
en pratique simplifier la gouvernance intercommunale, ne saurait être
entièrement subordonnée à cette fin. La commune nouvelle doit avant tout
traduire un projet politique communal.
Enfin, le scénario proposé par la Cour consistant à transférer au
département les compétences et les ressources des intercommunalités
lorsqu’elles ne disposent que d’une ingénierie limitée paraît hautement
improbable. La Cour mentionne à juste titre l’absence de consensus sur cette
proposition qui retirerait aux communes la maîtrise des projets et des
services publics de proximité aujourd’hui portés à l’échelle intercommunale.
REPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE
L’
ASSOCIATION
FRANCE URBAINE
Par courrier en date du 10 janvier, vous nous avez adressé deux
chapitres du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes.
Ces projets de chapitres appellent de notre part les observations
exprimées dans le présent courrier.
Premier chapitre - la décentralisation 40 ans après : un élan à
retrouver
France urbaine tient en premier lieu à saluer et appuyer le constat
suivant lequel « la décentralisation [des] compétences de la vie
quotidienne a eu des conséquences positives sur la qualité du service
rendu » aux habitants.
Cette décentralisation ne peut toutefois se résumer à la répartition
des compétences entre collectivités et groupements du bloc local. En
l’espèce, une plus grande efficacité de l’action publique peut être générée
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
191
par la confiance plus que par l’uniformisation «
à la Française » des
intervention
s. Nous partageons que « dans certains domaines, [l’État] peut
se désengager et accroître ainsi l’efficacité globale de l’action publique
»,
et attendons par exemple de l’État qu’il cesse d’interférer sur le champ
transféré du logement et délègue les crédits « Ma Prime Rénov » pour le
volet habitat, et les crédits « Réussite éducative du BOP 147 » au titre de
la politique de la ville.
Mobilités et lutte contre la pollution atmosphérique, lutte contre
l’artificialisation des sols, raréfaction de la ressource
en eau, enjeux de
souveraineté alimentaire, approche territoriale de l’emploi… La transition
écologique et démographique impose de conduire une action ambitieuse à
l’échelle des bassins de vie
: les grandes intercommunalités et métropoles
sont à ce titre en première ligne. France urbaine partage donc la crainte
implicite de la Cour (qui gagnerait à être plus fermement formulée) d’une
régulière remise en cause de la construction intercommunale. Alors que
les lois RCT, MAPTAM et NOTRé
ont poursuivi l’affirma
tion du fait
intercommunal et métropolitain, de récentes évolutions législatives ont pu
faire craindre que la « différenciation » ne devienne prétexte au «
détricotage », à la demande supposée des communes.
Pour ces mêmes raisons, France urbaine souhaite nuancer
l’affirmation selon laquelle «
le développement de l’intercommunalité, la
complexité des partages de compétences entre les catégories de
collectivités territoriales, le foisonnement de techniques de gestion locale
faisant intervenir sur de nombreux dossiers un nombreux croissant
d’acteurs, [aboutiss
e
nt au] sentiment d’une dilution des responsabilités et
d’un accroissement de la distance entre le citoyen
-contribuable et le cadre
d’exercice de la démocratie locale
». En effet :
-
c’est d’abord la coordination d’interventions publiques légitimes
et attendues qui est le principal défi devant nous. À ce titre, métropoles et
grandes intercommunalités ont la responsabilité d’assumer un rôle
d’ensemblier, y compris sur des champs qui ne relèvent pas strictem
ent du
CGCT : acceptabilité sociale de la transition écologique, santé, emploi et
insertion…
;
- la distance avec le citoyen-contribuable est avant tout liée à la
suppression progressive du lien fiscal commune-habitant ;
- enfin, pointer de manière implicite le « développement de
l’intercommunalité
» comme source de distanciation démocratique est
possiblement contre-
productif à l’heure où l’accélération du réchauffement
climatique rendent indispensable l’accélération intercommunale.
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COUR DES COMPTES
192
C’est pourquoi, France u
rbaine reste particulièrement circonspecte
face à des tentations de jardin à la Française largement démenties
aujourd’hui par la réalité des interventions de chacun
:
-
en matière d’insertion et d’emploi, la Cour préconise de renforcer
l’échelon régional.
Or la proximité avec les habitants et le tissu économique
place les grandes agglomérations et métropoles dans une position de
responsabilité de fait : certaines métropoles gèrent par exemple le Fonds
social européen, avec des taux de consommation supérieurs aux moyennes
départementales ou nationales, ils animent des écosystèmes d’insertion et
d’emploi que France Travail devrait d’ailleurs prendre en compte. En
l’espèce, ce que la rationalisation théorique y perd, le citoyen y gagne
;
- en matière de développement économique, la Cour appelle à
renforcer les capacités d’action économique des régions. Or les premières
capacités restent dans les métropoles, ne serait-
ce qu’en matière d’effectifs
ou de budget ;
- en matière de mobilités, la Cour mentionne que le « rôle de chef de
file [concept d’ailleurs largement battu en brèche par l’interdiction
opportune de tutelle entre collectivités] des régions [soit] plus affirmé
notamment aux abords des métropoles ». Les grandes agglomérations et
métropoles sont AOM, elles sont concernées par les ZFE et depuis peu,
peuvent constituer des AOM interterritoriales sous formes de pôles
métropolitains.
Tous ces exemples invitent donc à placer la différenciation des
modalités d’action au cœur de l’organisation territoriale. À ce
titre, si
l’expérience lyonnaise est un exemple et pas un modèle, elle permet
toutefois d’objectiver un renforcement de la métropole solidaire ces
dernières années, du transfert de certaines compétences départementales
(loi NOTRé) à la signature de conventions métropolitaines dans le cadre
de la stratégie pauvreté, et concrétise le principe même de différenciation.
La Cour pointe par ailleurs la faiblesse supposée des coopérations.
Cette affirmation est à nuancer et à objectiver, car elle ignore un
foisonnement de coopérations territoriales qui, si elles ne sont pas toujours
formalisées par tel ou tel label national, n’en ont pas moins d’effets
structurants. France urbaine n’a eu de cesse depuis sa création de soutenir
la
création
de
nouveaux
outils
de
coopé
ration,
qu’ils
soient
organisationnels, contractuels ou financiers. Cela s’est notamment traduit
par la création en 2010 des « pôles métropolitains ». Il en existe une
trentaine aujourd’hui, pas uniquement autour de métropoles mais souvent
autour d’un maillage de villes et d’agglomérations moyennes. Ils méritent
toute l’attention des rapporteurs. Dans les suites du Pacte État
-métropole
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
193
du 6 juillet 2016, France urbaine et l’ANCT avaient identifiés pas moins
de 173 coopérations entre les 15 premières métropoles et les territoires
voisins, preuve de la réalité de cette dynamique. Elles doivent faire l’objet
d’une cartographie interactive en ligne administrée par l’ANCT.
Le destin d’une métropole est ainsi lié à son territoire, et c’est
justement cette solidari
té de fait qui appelle à renforcer l’Alliance des
territoires et à en faire le prérequis de toute réflexion réellement
décentralisatrice. L’affirmation suivant laquelle
la Cour a « aussi pu
constater les difficultés de mise en place des métropoles […] et l
a faiblesse
des effets d’entraînement attendus sur leurs territoires et leurs
hinterlands
» mériterait a minima d’être sourcée et explicitée, même si la
Cour prend l’utile précaution de préciser que ce constat dépend de
l’antériorité de l’histoire intercom
munale. Aucune métropole française ne
se développe au détriment de son territoire. Et si l’on peut trouver des
territoires se développant mieux que leur métropole, l’inverse n’est en
revanche jamais vrai.
Deuxième chapitre
les finances locales, un mode de financement
à redéfinir
Grâce à une mise en perspective sur la « durée longue », ce projet
de chapitre éclaire opportunément ce qui caractérise le profil financier des
collectivités françaises :
- un poids de la dépense publique locale qui demeure en retrait par
rapport aux autres pays européens (cf. graphique n° 4), conduisant à ce
que la France demeure un pays moins décentralisé que ses voisins ;
-
une constante maitrise de l’endettement public local, conduisant
la Cour, d’une part, à rappeler que «
[
] alors que la dette des
collectivités locales représentait environ un tiers de la dette publique en
1980 (…) elle n’en représente plus que 8,7
% en 2021 [
] », et lui
permettant, d’autre part, d’exprimer que «
[
]
la maîtrise de la dette n’est
plus l’enjeu
principal des finances publiques locales » ; ce qui est, à notre
sens, d’autant plus notable que les collectivités portent la majorité de
l’investissement public.
Il dresse également un constat qui, 40 ans après les grandes lois de
décentralisation, s’avè
re très insatisfaisant, à savoir :
-
celui d’une régression de la responsabilisation locale
: « Le
principe
d’autonomie
financière,
consacrée
par
la
révision
constitutionnelle de 2003, n’empêche pas la perception par les élus locaux
d’une perte de maîtrise
de leurs ressources » ;
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COUR DES COMPTES
194
-
celui d’une immaturité qui perdure dans les relations avec l’État
et les collectivités (cf. les développements du point C-4 a)- intitulé « Un
dialogue insuffisant entre le Parlement, le Gouvernement et les
collectivités territoriales »).
France urbaine rejoint également le diagnostic de la Cour selon
lequel les produits fiscaux sont de moins en moins liés aux territoires et
aux compétences exercées et que les « ressources des collectivités ont été
progressivement déterritorialisées, des parts du produit fiscal national
étant substitues aux recettes fiscales locales » (conclusion). La clarté du
propos fait écho à l’analyse développée au B
-1-, notamment : « En
substituant des fractions de fiscalité nationale, sur lesquelles les
colle
ctivités ne disposent d’aucun pouvoir de taux, à des recettes de
fiscalité locale, elles ont retiré des marges de manœuvre financières aux
collectivités. Ce faisant, elles ont distendu le lien, pour les habitants comme
pour les entreprises, entre contribution à la charge publique locale et
service public rendu aux usagers ».
Aussi, France urbaine partage, d’une part, la nécessité de
réinterroger l’architecture de ressources des collectivités en général et du
bloc local en particulier, et, d’autre part, l’urgence d’une reconsidération
de la gouvernance des relations financières entre l’État et les collectivités.
Dès lors, l’association confirme le propos selon lequel nombre des
propositions du récent rapport de la Cour intitulé « Le financement des
collectivités territoriales :
des scénarios d’évolution » rencontrent son
adhésion. Il y a dans ces recommandations des axes de réforme qui
rejoignent les propositions que France urbaine porte, telle que, par exemple,
la nécessité de sortir du piège des compensations de la fiscalité « morte ».
Pour autant France urbaine estime que lorsque la Cour met en
avant la nécessité d’affirmer la contribution des collectivités à une
trajectoire soutenable des finances publiques, il aurait été pertinent qu’elle
fonde son propos non pas uniquement sur le fait que « les règles
européennes sont à considérer globalement au titre des finances de l’État,
mais également de celles des organismes de sécurité sociale et de celles
des collectivités territoriales
», mais qu’elle se fasse également l’écho de
la double finalité mise en avant par la Commission Européenne elle-même.
À savoir, non seulement « assurer une réduction de la dette progressive et
crédible » mais également «
accroître l’investissement public en faveur de
la
transition
énergétique »
(pour
reprendre
les
termes
de
la
« Recommandation du Conseil concernant le programme national de
réforme de la France pour 2022 », en date du 23 mai dernier).
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
195
En effet, à notre sens, le débat sur l’association des collectivités à
la trajectoire globale des finances publiques ne peut pas être déconnecté
de la réflexion européenne sur l’indispensable accélération des
investissements publics induits par la crise climatique.
Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre
connaissance à la lecture de ces deux chapitres.
RÉPONSE
DU PRÉSIDENT DE L’AS
SOCIATION VILLES
DE FRANCE
Villes de France - qui rassemble les maires de villes de
10 000 habitants
à
100 000
habitants,
et
leurs
présidents
d’intercommunalités
-
défend
la
place
et
le
rôle
des
villes
infra-métropolitaines, charnières entre les grandes métropoles et les espaces
ruraux, qui bénéficient en particulier du programme «
Action cœur de ville
»
qui a été renouvelé pour cette mandature. Je vous remercie d’avoir invité
Villes de France à formuler ses remarques à propos du au rapport public
annuel 2023 consacré à la décentralisation.
Dans le premier chapitre consacré à l’analyse des évolutions
juridiques entourant la décentralisation, la Cour des Comptes souligne que
« la France est un pays moins décentralisé que ses voisins européens » et
que «
comparativement la France ne s’est pas dotée de l’organisation
décentralisée proclamée par la révision constitutionnelle de 2003 » (plus
faible part des dépenses locales et des compétences à l
’étendue limitée).
Cette perception «
d’un nouvel élan à retrouver
», à laquelle Villes de
France adhère, témoigne d’améliorations à la fois structurelles et
conjoncturelles, qui peuvent et doivent être apportées au fonctionnement
de nos collectivités loca
les, et cela dans l’intérêt de la démocratie locale.
En effet, l’ambition du législateur de 1982 de spécialiser la gestion
des compétences par niveau de collectivités et blocs de compétences (pour
les départements et par la suite pour les régions) a été contrecarrée par
l’exercice de la clause de compétence générale, qui a démultipliée les
échelons et les niveaux d’exercice de l’action publique (politique du
logement, de l’habitat et développement économique figurent parmi les
exemples que vous citez). La spécialisation réengagée depuis 2008, puis
les efforts de rationalisation des périmètres depuis 2014 pour les
départements et les régions, la diminution du nombre de collectivités
(EPCI, régions, et communes nouvelles), et le maintien de la clause de
compétence générale au niveau du bloc local, sont allés dans le bon sens.
Aujourd’hui, les demandes de collectivités visant à bénéficier de nouvelles
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COUR DES COMPTES
196
délégations de compétences, ou à exercer celles-ci de manière différenciée,
restent relativement minoritaires.
En ce qui concerne le rôle et de la place des services déconcentrés
de
l’État, dont la Cour reconnaît une «
gestion mal maîtrisée de la
réduction des moyens » et « peu cohérente avec les effets de la
décentralisation » sur la période passée, les élus des Villes de France
restent effectivement attachés à l’idée de garder une proximité avec les
services territoriaux de l’État. La crise sanitaire a d’ailleurs révélé
l’importance du binôme maire
- services du préfet dans la gestion de celle-
ci. Une administration territoriale trop distante contrevient non seulement
au principe de subsidiarité, mais est également source d’incompréhensions
tant pour les usagers que pour les collectivités locales. Il ne s’agit pas
forcément de garder une proximité avec les services, mais de conserver
dans la pratique, une relation de proximité avec leurs décideurs (préfets,
sous-préfets, magistrats financiers). Les élus locaux souhaitent ainsi
conserver une proximité avec cet interlocuteur privilégié, capable
d’engager l’État dans son
entier, par exemple apte à engager les
subventions d’équipement de l’État à l’échelon départemental.
En termes d’organisation des services publics locaux, l’enjeu pour les
Villes de France reste d’améliorer l’ingénierie communale dans la conduite
et la ge
stion d’investissements d’envergures comme ceux liés à la transition
énergétique, et de garder un appui et un conseil par les services de l’État
:
la question des moyens humains, financiers, techniques et opérationnels dont
disposent les villes moyennes po
ur mener leurs projets est toujours au cœur
des préoccupations des élus de notre réseau. Cette préoccupation doit être
prise en compte à plus forte raison dans des politiques locales qui concernent
l’énergie ou le climat. À la différence des Métropoles et
des plus grandes
collectivités, les villes moyennes et leurs intercommunalités ne disposent pas
toujours de l’offre d’assistance technique, avec des établissements publics
locaux, des agences d’urbanisme et des opérateurs publics et privés bien
identifiés par les services techniques.
S’agissant du principe de libre administration et des garanties
apportées par le niveau des ressources propres que vous abordez dans le
second chapitre, nous estimons que ce principe a été sérieusement malmené
ces dernières an
nées, et que nous ne disposons en réalité plus que d’une
autonomie de gestion pour exercer des compétences générales au niveau du
bloc communal. Les réformes fiscales et financières intervenues depuis une
quinzaine années, ont comme vous l’indiquez conduit
à réduire
considérablement
l’autonomie
fiscale
des
collectivités
(disparition
progressive des impôts directs locaux liés aux compétences exercées, avec
un pouvoir de taux comme la TP, la TH), et à réduire parfois même notre
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
197
autonomie financière, avec la remise en cause possible de dotations et de
compensations fiscales dans les lois de finances successives.
Villes de France estime par ailleurs, que les transferts de charges
de l’État à destination des collectivités locales, sont de moins en moins
bien compensés, et de plus en plus réguliers (passeports biométriques,
missions de police, fonctionnement des centres de vaccination…), ce qui
aboutit dans les faits à dénaturer la libre administration des collectivités
locales. Chaque transfert de compétences doit normalement être évalué et
compensé, selon le triptyque « compétences
ressources
moyens ».
Quelle que soit la tendance affectant l’évolution des ressources des
collectivités du bloc local pour cette mandature (question devenue centrale
avec la repris
e soutenue de l’inflation), il est indispensable de garder un
lien entre les ressources fiscales perçues sur un territoire, et les
compétences exercées (fiscalité environnementale et économique pour les
EPCI, fiscalité foncière, recettes domaniales pour les communes), et
d’assurer surtout une prévisibilité de nos ressources, à travers une loi de
finances spécifique, ou bien à défaut un pacte ou contrat pluriannuel que
vous appelez aussi de vos vœux.
S’agissant de la contribution des collectivités locales au
redressement
des finances publiques, les élus de Villes de France entendent la volonté des
pouvoirs publics de limiter l’évolution de la dépense et de réduire
l’importance de la dette publique dans sa globalité. À la vue du contexte
actuel particulièrement contraignant pour les budgets municipaux, le rythme
de réduction des dépenses réelles de fonctionnement qui était envisagé un
temps dans le PLF pour 2023, apparaissait non seulement exagéré mais
aussi pénalisant pour le fonctionnement de nos services publics locaux.
Enfin, s’agissant des relations financières au sein du bloc communal,
Villes de France estime prioritaire de régler les difficultés rencontrées par
les « villes-centres » au sein de leur EPCI. La correction des charges de
centralité doit être
apportée par le biais des concours financiers de l’État
(DGF) et corrigée via une politique de redistribution nationale plus
ambitieuse. Les dispositifs locaux de péréquation doivent quant à eux être
refondus pour plus de lisibilité (Fonds de concours, DSC, et FPIC).
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L
ASSOCIATION
PETITES VILLES DE FRANCE
L’APVF confirme son attachement et son intérêt aux travaux de la
Cour des comptes et se félicite du choix de la décentralisation et des
finances locales comme thèmes de travail du rapport public annuel 2023.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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COUR DES COMPTES
198
Ces deux chapitres auraient néanmoins mérité d’être traités au sein d’un
chapitre unique.
En effet, pour l’APVF, ces sujets ne peuvent être
appréhendés de manière hermétique et cloisonnée sauf à donner une vision
incomplète de la décentralisation, ou à en vider la substance.
Au même titre que le principe de libre administration, le principe
d’autonomie
financière
fait
partie
des
grands principes
de
la
décentralisation. Ils sont intimement liés dans la mesure où la libre
administration impose des compétences mais également des moyens
suffisants : des moyens humains, des moyens juridiques qui interdisent
notamment que la liberté contractuelle des collectivités territoriales
subisse « une contrainte excessive » et enfin, des moyens financiers qui
«
ne
doivent
pas
être
restreints
au
point
d’entraver
la
libre
administration » (décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991).
D’ailleurs, la Cour des comptes elle
-même constate que, depuis
2010, et contrairement à la méthode qui prévalait jusque-
là, l’approche
retenue a presque exclusivement été centrée sur la question de la
répartition des compétences, laissant parfois se créer un déséquilibre entre
les prérogatives transférées et la capacité des collectivités territoriales
concernées à les exercer. Les actes I et II avaient reposé, eux, sur un
triptyque « compétences-ressources-moyens ».
L’APVF craint que cet écart croissant entre l’exercice des
compétences et la capacité à agir des collectivités territoriales ne dénature
le sens de la décentralisation et ne distorde la démocratie locale, avec tous
les risques que cela peut comporter, et notamment le risque d’un véritable
« blackout territorial », tant du côté des élus locaux, que des agents
territoriaux et de la population.
Nous partageons le constat de la Cour selon lequel le couple
« commune-département »
a
laissé
place
au
couple
« région-
intercommunalité » alors même que les besoins de proximité avec les
citoyens supposent au contraire de renforcer la commune.
Nous regrettons, comme la Co
ur, l’éloignement de l’État des
territoires au point de nourrir un véritable sentiment d’abandon. La
contrainte budgétaire l’a conduit à restreindre ses moyens et à
rationnaliser à l’extrême sa présence dans les territoires et il peine à jouer
son rôle de garant de la cohésion territoriale.
L’APVF n’appelle pas «
au grand soir de la décentralisation », mais
invite l’ensemble des parties prenantes à réfléchir au sens que l’on
souhaite lui donner. Car, aujourd’hui, au
-
delà des correctifs qu’il est
encore et
toujours possible d’apporter au fonctionnement de notre
organisation territoriale, les élus locaux se sentent profondément
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
199
dépossédés de leurs moyens d’action et de leur capacité à réaliser l’intérêt
général et à répondre aux besoins de leur population.
Un toilettage de la décentralisation, via de nouveaux transferts de
compétences sans moyens de les exercer, n’est pas souhaitable. En
revanche, l’APVF serait très favorable à la réouverture du chantier de la
révision constitutionnelle qui avait été engagé en 2018.
Cette grande réforme devrait répondre à plusieurs enjeux :
Pour renforcer la responsabilité des m
aires, l’APVF propose une
redéfinition du principe d’autonomie financière locale et des modalités de
financement des transferts de compétence ;
Pour r
éduire les inégalités territoriales, l’APVF suggère de
refondre la fiscalité locale et de repenser les mécanismes de péréquation.
D’ailleurs, si l’APVF partage un certain nombre de constats avec
la Cour des comptes sur les finances locales (complexité des dotations
etc.), elle aurait souhaité qu’elle se penche davantage sur l’autonomie
financière, dont le terme n’apparaît que 12 fois seulement sur 42 pages. Il
n’y aura pas de décentralisation sans autonomie financière.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’
ASSOCIATION
DES MAIRES DE FRANCE
Vous avez bien voulu transmettre à l’AMF deux chapitres destinés
à figurer dans le rapport public annuel 2023 que la Cour des comptes
consacrera au bilan de quarante années de décentralisation. Nous vous en
remercions vivement.
Vous trouverez ci-
joint les observations de l’AMF dans le format
souhaité de trois pages. Nous regrettons officiellement ce format sur un
sujet qui est au cœur de l’objet de notre Association.
I) Concernant le chapitre intitulé « la décentralisation 40 ans :
un élan à retrouver », plusieurs constats relevés par la Cour rejoignent
ceux de l’AMF sur l’essoufflement du processus de décentralisation
et une réorganisation territoriale des services de l’État peu cohérente
avec les effets de la décentralisation.
Pour l
’AMF, la décentralisation n’est pas une réforme technique
mais un projet politique, une revitalisation de la démocratie, une certaine
vision de la société et de l’équilibre des pouvoirs. Au
-delà des textes, elle
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COUR DES COMPTES
200
doit véritablement rapprocher la décision publique des citoyens
(compétences réelles, moyens et ressources adaptés) pour améliorer
l’efficacité de la gestion locale.
Force est pourtant de reconnaître que les objectifs premiers se sont
effacés au profit d’une vision comptable et standardisée de l’or
ganisation
territoriale avec comme buts la rationalisation des structures locales, des
politiques publiques et des moyens, laquelle serait source d’économie
budgétaire. Il est d’ailleurs frappant que la Cour persiste à prôner cette
approche en pointant le nombre trop important de communes et une vision
dépassée de l’intercommunalité. Sur ce point, l’AMF renvoie la Cour à la
réponse qu’elle lui a adressée en septembre 2022 sur le fascicule 2 du
rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements. La tendance à inverser le processus
de décentralisation depuis 15 ans s’est traduite dans de nombreux
domaines par une forme de recentralisation (explosion des normes,
nationalisation
de
la
taxe
d’habitation,
e
tc.).
Parallèlement
et
paradoxalement, l’État continue de procéder à des transferts insidieux, ce
fut le cas de la Gemapi, de la sécurité publique et plus récemment du
traitement de l’érosion du littoral, sans réelle compensation.
L’AMF porte avec détermination le projet d’une nouvelle loi sur les
libertés locales. Cette nouvelle étape de la décentralisation doit revitaliser
le processus et lui donner plus d’ambition en s’appuyant sur le principe de
subsidiarité inscrit dans la Constitution.
1 - Dans un premier temps, cette nouvelle voie peut être empruntée
en utilisant les textes existants grâce à un changement des pratiques de
l’État. Les communes et les intercommunalités n’ont pas besoin de
complexification excessive pour gérer leurs responsabilités. Elles sont
capables d’assumer des politiques publiques, non seulement celles qui leur
sont confiées mais également celles pour lesquelles l’État n’a plus de
moyens suffisants pour les exercer de manière satisfaisante. L’AMF
propose de laisser aux communes et a
ux intercommunalités le soin d’écrire
la norme locale pour l’exercice de leurs compétences afin de les adapter
localement (exemples : urbanisme dans les territoires ruraux, déclinaison
locale des ZFE, etc.). L’expérimentation est une voie mais elle ne peut
pas
être la seule. Un objectif d’encadrement de l’évolution des normes
apparaît également nécessaire.
2 - La commune tient une place singulière dans notre histoire et nos
institutions -
espace de vie, de débats, d’échanges, de secours
-, repère
essentiel pour nos concitoyens ; elle doit être consacrée dans la
Constitution comme cellule de base de notre démocratie. L’AMF porte
l’objectif de renforcer les capacités d’action des communes et accompagne
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
201
notamment la création de communes nouvelles (issue de la libre volonté
des élus en lien avec leur population). Il s’agit ainsi de défendre la vitalité
locale et l’égalité des habitants quel que soit leur lieu de vie. Cependant
des incitations supplémentaires sont nécessaires, car le dispositif financier
est aujourd
’hui très insatisfaisant. Il est donc urgent de protéger les
communes nouvelles des pertes de dotations et de les accompagner par un
réel soutien de l’État, sans pénaliser les autres collectivités.
3 -
L’AMF ne partage pas les recommandations de la Cour su
r la
coopération intercommunale selon une approche rigide et tutélaire. La
construction intercommunale est un acquis, sa valeur ajoutée est
incontestable. Une nouvelle phase dans son évolution doit être engagée :
réduire le cadre des compétences aux grands enjeux de développement,
d’aménagement et de solidarité intercommunale (économie, mobilité,
aménagement et grands projets structurants, habitat, environnement) ;
généraliser le recours à la notion d’intérêt communautaire et introduire
plus de souplesse dans les transferts de compétences ; remettre de la
souplesse dans la délimitation des périmètres (les SDCI n’ont plus de
raison d’être).
4 - Au titre de la différenciation territoriale, la Cour propose de
supprimer un échelon en créant des métropoles-départements et de confier
aux départements ruraux, faiblement peuplés, les compétences et les
ressources des EPCI. De tels projets semblent assez peu réalistes dans le
contexte actuel et l’on peut s’interroger sur l’efficience d’une telle réforme
qui amène à l
a création de structures mastodontes à l’échelle
départementale. Permet-elle réellement une plus grande efficacité, une
meilleure réactivité de l’action publique, génère
-t-elle véritablement des
économies d’échelle et une plus grande performance ? L’AMF ne
pourra
qu’être opposée à un tel schéma s’il revient à éloigner les lieux de décision
pour les habitants et les entreprises ainsi qu’à écarter les communes et les
maires de la gouvernance de compétences intercommunales. Ces deux
hypothèses apparaissent à contre-courant des aspirations de nos
concitoyens qui veulent des solutions efficaces et faciles d’accès en
proximité.
5 -
Une clarification de la partition des responsabilités avec l’État
apparaît indispensable en matière de politique du logement ; elle doit
s’effectuer selon le principe de subsidiarité. Ainsi, l’État doit fixer la
stratégie nationale et confier aux collectivités la liberté de la décliner de
manière opérationnelle. Il n’y a pas besoin de déclarer un chef de file mais
de rationnaliser la pol
itique du logement et l’exercer au bon échelon
opérationnel sur ses multiples aspects (lutte habitat indigne, attribution de
logement sociaux, construction de logements sociaux, dispositifs de
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COUR DES COMPTES
202
défiscalisation, etc.). Il faut également laisser de la souplesse dans
l’organisation des compétences au bloc local.
Plus précisément, l’AMF estime qu’il faut laisser aux communes et
aux EPCI compétents en matière d’habitat la possibilité, lors de
l’élaboration du PLH et en lien avec le préfet de département, d’ajust
er la
cartographie des zonages administratifs concernant les fiscalités
incitatives (Denormandie, Pinel, logement locatif intermédiaire) et des
plafonds de ressource des demandeurs de logement social. Elle considère
qu’il conviendrait de transférer aux int
ercommunalités et aux communes,
l’accompagnement financier à la rénovation et à la réhabilitation des
logements et sortir de la logique de zonage pour laisser à toutes les
communes la possibilité de mettre en place des dispositifs comme
l’encadrement des l
oyers ou les opérations de revitalisation des territoires.
Les maires doivent par ailleurs rester l’autorité d’attribution des
logements locatifs sociaux. Il faut dans ce sens généraliser les avis
conformes des maires pour les décisions de bailleurs concernant la cession
de logements sociaux et intermédiaires, les conventions d’utilité sociale,
les orientations des politiques d’attribution….
Dans leurs rapports avec les autres collectivités, la souplesse que
peut offrir le dispositif de chef de file est intéressante en théorie pour mettre
en œuvre la subsidiarité. L’AMF s’interroge toutefois sur l’étendue des
attributions des chefs de file évoquées par la Cour au regard des principes
de libre administration et de non tutelle d’une collectivité sur une autre.
Les communes et les intercommunalités ne peuvent pas être placées comme
des exécutantes de schémas régionaux ou départementaux décidés sans
elles, mais doivent être des partenaires et des codécideurs. Dans ce cadre,
l’AMF ne partage pas la suggestion de r
egrouper au niveau départemental
ou régional la compétence de gestion des établissements scolaires.
6 - Enfin, la décentralisation va de pair avec la déconcentration.
L’AMF constate, comme la Cour, le besoin d’État dans les territoires. Elle
estime importa
nt de s’appuyer sur le travail maire
-préfet et a soutenu la
création d’instance de dialogue aux côtés du préfet
-collectivités et services
de l’État
-
en matière d’urbanisme et d’aménagement. Les pouvoirs et
l’autorité des préfets de département mériteraient
d’être renforcés sur les
directions régionales mais aussi sur l’intégralité des services de l’État
dans le département (santé, industrie, environnement, éducation). Enfin,
l’accès aux services publics ne peut pas être intégralement compensé par
des platef
ormes numériques. Il faut réinvestir les services de l’État
territorial : renforcer le nombre des interlocuteurs des collectivités et
accompagner leurs projets (sur le plan technique et financier).
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
203
II) Concernant le chapitre intitulé « les finances locales,
un mode de financement à redéfinir ».
L’AMF déplore la confusion entre excédents
et santé financière des
collectivités locales. La Cour indique que les «
(…) évolutions profondes
n’ont pas dégradé la situation financière des collectivités territoriale
s, qui
s’est, au contraire progressivement renforcée, y compris pendant et après
les différentes crises subies par notre pays (…)
». L’importance des
excédents n’est pas forcément révélatrice d’une «
situation très favorable »
mais plutôt d’une situation f
inancière équilibrée. En réalité, le niveau
d’épargne a été renforcé pour faire face aux crises (et non l’inverse) d’une
part, et à la réduction continue des marges de manœuvre, d’autre part.
Avec la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences p
rincipales
à hauteur de 23
Md€, le pouvoir de taux n’a été conservé que sur 15
Md€
avec le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties du
département. Ainsi, la différence, 8
Md€ environ, est pilotée par l’État sous
forme d’une compensation par
prélèvement sur les recettes de la TVA.
S’ajoute la suppression de 3,4
Md€ d’impôts économiques compensés par
un prélèvement sur recettes du budget de l’État.
En excluant du calcul la CVAE sur laquelle il n’y a pas de pouvoir
de taux, les ordonnateurs locaux ont ainsi perdu leur pouvoir de délibérer
sur 11,4
Md€ de recettes locales, soit plus de 15
% du produit des impôts
et taxes locales. La réduction du levier fiscal change le modèle économique
de construction des budgets puisque les ordonnateurs locaux ne peuvent
plus déterminer l’évolution d’une part importante des ressources locales
pour financer les besoins locaux.
Reste la possibilité d’arbitrer sur le niveau de l’épargne. La réduction
progressive du levier fiscal et des marges de manœuvre implique
une
attention renforcée du niveau d’épargne. L’épargne est devenue le principal
levier en lieu et place du levier fiscal. Le niveau d’épargne a ainsi tendance
à augmenter plus vite que l’investissement depuis 2014. Et même si
l’investissement diminue, l’épargne continue d’augmenter. Par exemple,
pendant toute la période de baisse des dotations, le bloc communal a dégagé
des excédents et le niveau d’épargne est resté élevé, à environ 15
% des
recettes de fonctionnement. Toutefois, cette période s’est aussi s
oldée par
l’effondrement inédit des investissements (
-16
Md€ pour le bloc communal).
Pour l’AMF, l’analyse de la situation financière des budgets du bloc
communal ne peut donc se résumer à la constatation d’excédents mais doit
aussi porter sur l’évolution
de l’offre de services à la population et de
l’investissement. En toute hypothèse, il ne saurait être fait grief aux
collectivités d’avoir su affronter les difficultés en préservant l’équilibre des
comptes.
L’AMF conteste l’analyse de la Cour sur le déséq
uilibre entre les
collectivités et
l’État central qui conduirait à ponctionner les unes pour
donner aux autres « [
]
La règle d’équilibre budgétaire et les réformes
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favorables aux collectivités que le législateur a votées ont permis de
préserver les financ
es des collectivités territoriales alors que l’État,
directement exposé aux crises, porte aujourd’hui une part essentielle de la
dette publique
». L’AMF rappelle que les collectivités locales ont déjà été
ponctionnées pour plus de 47
Md€ depuis 2014 au mot
if qu'elles devaient
contribuer à un « redressement des comptes publics » :
Total DGF perçue de 2008 à 2013 (a)
244,5
Md€
Total DGF perçue de 2014 à 2019 (b)
194,0
Md€
TVA pour les régions en remplacement de la DGF (c) 8,4
Md€
Perte de DGF entre les deux mandats = a-b-c
-42,1
Md€
Gel de la DGF= perte 1 Md€ par an en moyenne
à rapport par
l’inflation de 2018 à 2021
-4,0
Md€
Gel de la DGF en 2022
-1,4
Md€
Ponction totale
-47,6
Md€
Si l’on ajoute les pertes induites par l’écart à l’inflation pendant
les
quatre
années de baisse des dotations de 2014 à 2017, ainsi que l’écart à
l’inflation en 2023, la perte approche les 50
Md€. Les comptes de l’État
n’ont pas fait apparaître pour autant une réduction de son déficit, celui de
2019, juste avant la crise
sanitaire, restant au même niveau qu’en 2014
(3,5 % du PIB). Les collectivités locales ne devraient pas être ponctionnées
pour financer les dépenses d'un État qui s'endette pour son fonctionnement
et ne se réforme pas pour retrouver l'équilibre budgétaire et endiguer la
spirale de sa dette. Suivre cette approche reviendrait même à entretenir le
laxisme budgétaire de l'État en lui donnant les moyens de continuer sur sa
trajectoire de dépenses sans avoir à améliorer son fonctionnement, au
détriment des collectivités qui fournissent des services publics essentiels et
constituent le dernier lien de proximité avec les habitants. En outre, la
méthode pourrait aussi, à terme, propager le déficit à l’ensemble des
acteurs publics.
Si l’AMF souscrit aussi au constat d
e la Cour sur la nécessité de
« redéfinir le mode de financement des collectivités locales au regard de
leurs compétences », la redéfinition de la gouvernance des finances
publiques et du modèle de financement des collectivités locales est
cependant un choix de société dont il appartient aux élus, et non au pouvoir
judicaire, d’en définir les contours et le contenu. Dans ce cadre, l’AMF
porte la proposition des élus du bloc communal d’un pacte financier entre
l’État et les collectivités territoriales pour g
arantir la stabilité, la visibilité
et la prévisibilité pluriannuelles du système de financement local,
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LES FINANCES LOCALES, UN MODE DE FINANCEMENT À REDÉFINIR
205
indispensable à la mise en œuvre des politiques publiques locales. Par
ailleurs, la multiplication des normes n’est pas identifiée dans les
évolutions de la dépense publique. La gouvernance des finances publiques
pourra s’intéresser à l’impact de la multiplication des normes sur
l’augmentation des dépenses publiques et fixer des objectifs de plafonds de
coût des normes. L’AMF propose avec le CFL et le CNE
N que leurs avis
soient transmis au Parlement et que soit établi un lien direct entre le CFL,
le CNEN, l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’AMF porte aussi la proposition d’une réforme fiscale d’ensemble
reflétant
l’autonomie
de
gestion
des
collectivités
l
ocales.
La
décentralisation passe nécessairement par l’autonomie financière et
fiscale des collectivités, la responsabilité fiscale des décideurs locaux et
leur capacité à lever l’impôt. Il ne peut y avoir de réelle décentralisation
sans responsabilité politique locale. Il est indispensable de restaurer
l’autonomie fiscale et financière des collectivités, mise à mal par les
restrictions drastiques des ressources locales et par les réformes fiscales
et financières de ces dernières années. L’AMF propose qu'à
chaque strate
de collectivité corresponde un impôt, le panier fiscal devant reposer
équitablement sur les entreprises et sur les ménages.
Enfin, la " fiscalité locale " tend à devenir un terme générique qui
englobe non seulement le produit des impôts locaux mais également les
compensations. Pour plus de sincérité, l’AMF propose une redéfinition des
recettes propres en excluant les recettes pour lesquelles c’est la loi, et non
pas le conseil municipal ou intercommunal, qui détermine le taux ou la
part local
e d’assiette.
Pivot des relations financières entre l'État et les collectivités
locales, la DGF a été instituée par le législateur afin de répondre à
l'obligation constitutionnelle de compensation des ressources supprimées.
À l’inverse de la position de l
a Cour, le financement de la péréquation au
sein de la DGF doit être rééquilibrée en faveur de la péréquation verticale
et passe donc nécessairement par une augmentation de l’enveloppe.
Enfin, l’AMF regrette que la Cour n’ait pas mesuré comptablement
les bénéfices de la décentralisation.
La décentralisation est en effet un atout pour la croissance.
La démocratie de proximité libère les initiatives et participe au
développement du tissu économique local. Les communes et les
intercommunalités ont ainsi été au premier rang pour faire émerger des
dynamiques locales :
le développement du tourisme, l’accompagnement
des communes sur le développement du domaine skiable, la modernisation
des stations balnéaires, etc.
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Pour les entreprises, la décentralisation permet le développement
des infrastructures, des voies de communication par exemple, la mise à
disposition de foncier, mais aussi l’attractivité des territoires pour les
salariés, permettant aux entreprises de fidéliser une main-
d’œuvre qui
dispose de services
publics locaux leur facilitant l’accès au marché du
travail (crèches, écoles, etc.).
La décentralisation est un frein aux coûts supplémentaires générés
par les normes. La proximité des décideurs permet de raccourcir le circuit
de la décision et de paramétrer au plus près le financement des dépenses
en limitant les coûts supplémentaires générés par les normes.
Les organisations décentralisées favorisent enfin le maintien des
équilibres financiers. Les collectivités financent en effet plus de 70 % de
l’inve
stissement public hors R & D avec 9 % de la dette publique et des
prélèvements obligatoires à 6,7 % du PIB.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE DE TOULOUSE
Par votre courrier du 10 janvier 2023, vous avez bien voulu
m'adresser des extraits du rapport public annuel 2023 que la Cour des
comptes entend consacrer au bilan de la décentralisation.
Il s'avère, en effet, que Toulouse et la réalisation de la troisième
ligne de métro sont citées comme révélatrices des difficultés de
coordination des actions des collectivités territoriales et de l'incohérence
de leurs périmètres d'intervention, conduisant à des investissements qui ne
répondraient qu'imparfaitement aux besoins des habitants et des usagers.
J'ai noté que la rédaction du rapport a légèrement évolué au regard
du rapport d'observations provisoire transmis le 2 novembre dernier, au
travers de l'insertion d'une phrase selon laquelle « cette situation a cessé
et que les acteurs publics locaux portent désormais ensemble les projets de
mobilité ».
Pour autant, le constat posé par la Cour, qui m'avait fait réagir et
avait motivé ma réponse du 30 novembre 2022 n'est pas fondamentalement
remis en cause par ce simple ajout, pointant une situation passée.
Je ne peux donc que m'inscrire en faux contre une telle affirmation
et réitérer les éléments avancés afin qu'ils figurent expressément dans le
rapport public annuel 2023.
En premier lieu, la Cour revient sur un prétendu défaut de
concertation avec la région. Il n'en est rien.
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207
Le projet de troisième ligne de métro et la définition de son tracé
ont été conçus, dès l'origine, en collaboration avec la région. La
complémentarité recherchée avec le réseau TER a ainsi permis une
amplification de l'effet du métro au-delà de son corridor. Cela se
concrétise notamment par la création de cinq points de correspondance
avec le réseau ferroviaire. Le couple train / métro participe à apporter une
réponse opportune à l'échelle d'un bassin de mobilité élargi. La conception
de la troisième ligne de métro s'inscrit pleinement dans le schéma
d'organisation de l'intermodalité décrit dans le projet mobilité qui explicite
le rôle des gares dites gares amont autour desquelles s'articulent une offre
TER renforcée et une offre urbaine structurante.
À ce titre, la région contribue au financement du projet de métro
- une première par rapport aux deux lignes existantes - à hauteur de
120
M€
, au titre de l'aménagement des stations conçues en intermodalité
avec le train.
Cette participation est la preuve de la bonne coordination,
exemplaire, entre la région et nous pour ce projet. Le projet de 3
e
ligne, en
réunissant toutes les parties prenantes, de la Métropole à l'État en passant
par le département, constitue donc une avancée très positive pour le climat
très partenarial qui anime notre territoire, au même titre que le portage
commun du nouveau parc des expositions.
De plus, cette coordination avec la région existe en matière tarifaire
comme dans les réflexions prospectives.
Ainsi, d'une part, la région Occitanie et Tisséo ont mis en place, au
fil du temps et en cohérence avec les projets :
-
l'acceptation du titre urbain sur les trains du segment Toulouse
Colomiers ;
-
la tarification dite Pastel + mise en œuvre en 2015 et favorisant
l'usage combiné du train et des transports urbains ; cette
tarification permet, avec un seul abonnement, d'accéder à
l'ensemble des offres de transports ;
-
une billettique interopérable.
D'autre part, pour anticiper les réponses aux enjeux de mobilité du
territoire, l'État, la région Occitanie, le département de la Haute-Garonne,
Toulouse Métropole et Tisséo conduisent, depuis plusieurs années, une
démarche partenariale prospective, tous modes de transports confondus, en
s'appuyant sur des modélisations aux horizons 2030 et 2040.
Il s'agit d'une méthode dont l'objectif est de construire une vision
partagée des mobilités à l'échelle de l'aire urbaine toulousaine. Les cinq
partenaires travaillent conjointement pour rechercher des solutions de
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208
mobilité articulant les différents modes de déplacements (vélo, transport
en commun, train, route, covoiturage) afin d'accompagner les évolutions
des modes de vie, les développements économique et urbain, ainsi que les
nouvelles formes et pratiques de mobilité. Le cadre partenarial de cette
démarche, animée par l'État, assure un réel échange autour des études
menées, qui concourt à la cohérence d'ensemble et à la collégialité des
décisions prises.
Un courrier commun au Premier ministre affirme d'ailleurs
l'attachement des signataires à une vision partagée et co-construite de la
mobilité de l'agglomération toulousaine.
De plus, dans la continuité du travail partenarial des études
multimodales qui portait essentiellement sur la création d'infrastructures, le
comité de pilotage réuni en janvier 2022 a souhaité enrichir les réflexions
par un volet ayant trait aux services et à l'articulation des réseaux.
Un programme de travail est en cours d'élaboration pour explorer
les sujets de tarification, mobilité intégrée, coordination et articulation des
offres, cohérence urbanisme-transports. Il sera proposé à la validation
d'un prochain comité de pilotage.
Ce travail de coordination respecte les domaines de compétence et
d'intervention de chaque acteur, et, partant, de financement.
Ainsi, l'intérêt et la nécessité de cette coordination ne sauraient faire
de doute.
C'est, au demeurant, le sens de l'avis émis par Toulouse Métropole
sur le projet de SRADDET arrêté par la région en décembre 2019. Il y est
notamment rappelé « l'importance qui s'attache à ce que le schéma offre,
en articulation avec son plan de déplacement urbain métropolitain, des
perspectives stratégiques régionales ambitieuses, particulièrement pour ce
qui relève de l'offre ferroviaire. (...) » et le fait « que de la qualité des
stratégies régionales de mobilité et de leur planification opérationnelle
dépendent en majeure partie la réussite des objectifs de desserrement et de
rééquilibrage territorial, ainsi que la mise en
œu
vre efficace des processus
accompagnant la nécessaire transition écologique et énergétique ».
Dans ces conditions, la Cour continue de donner à voir, au travers
de cet extrait, une image erronée de la réalité toulousaine. Se référer au
rapport public de la Cour datant de 2019, qui avait survolé déjà le sujet de
la troisième ligne de métro, n'est pas gage de crédibilité : nous avions déjà,
à l'époque, pointé avec force les incohérences de l'analyse de la Cour.
Ainsi, il n'est pas responsable de se prononcer sur la perfection ou
l'imperfection d'un projet de transport, en une ligne, alors que ce projet a
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209
fait l'objet de milliers de pages d'études et de débats, pour parvenir à une
situation consensuelle validée par une déclaration d'utilité publique.
En second lieu, l'objectif, prôné par la Cour, de rendre plus
intelligible et plus efficiente l'action publique locale ne peut évidemment
qu'être partagé. Il interroge, en revanche, sur sa résonance s'agissant de
la rationalisation prônée de l'organisation territoriale, d'autant que
l'extrait communiqué ne fait que l'évoquer sans le détailler.
La pratique démontre qu'à chaque politique publique servant les
enjeux métropolitains peut correspondre une « bonne échelle » de mise en
cohérence et de gouvernance territoriale. C'est vrai pour la gestion de
l'eau, en liaison avec les bassins versants par exemple, c'est vrai aussi pour
l'efficacité des politiques de mobilités, c'est encore vrai pour la mise en
œuvre de stratégies aliment
aires et agricoles.
Par ailleurs, la réflexion autour des périmètres des institutions doit
intégrer la question de leur masse critique, des limites à leur extension et
de leur fonctionnement, avec un risque de politiser les débats au sein des
instances dirigeantes au détriment de la coopération. À ce titre, la réponse
à l'émiettement des communes, au-delà de l'attachement que chaque
habitant peut avoir avec sa mairie, constitue un préalable à lever avant
tout mouvement.
L'enjeu est donc moins celui de la recherche du périmètre idéal de
chaque institution que celui de la capacité des acteurs locaux à développer
librement
des
« ententes »
interterritoriales
et
des
démarches
opérationnelles communes.
Votre réflexion m'étonne d'autant plus que la Cour des comptes, en
2019, a su pointer l'inefficacité de la fusion des régions pour obtenir des
économies et un service public plus performant. L'âge des grands
remaniements territoriaux me semble être définitivement derrière nous.
Alors que nous avons entamé les travaux d'un projet extrêmement
ambitieux, pesant plusieurs milliards d'euros d'investissement, s'aventurer
dans des réflexions de gouvernance me semble tout à la fois dangereux et
peu responsable. Nos projets et nos concitoyens ont besoin de stabilité.
Cette stabilité n'obère pas nos capacités à dialoguer, bien au contraire :
elle crée les bonnes conditions pour une coopération sereine.
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