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Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de ses auteurs.
Il n’engage pas le Conseil des prélèvements obligatoires.
RAPPORT PARTICULIER N° 3
La comparaison internationale des systèmes de
taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
M
me
Oumnia Alaoui
Inspectrice des finances
M. Vincent Dedrie
Auditeur à la Cour des comptes
Avec l’appui de
M. Arturo García-González,
stagiaire
Novembre 2022
SYNTHÈSE
La comparaison internationale des systèmes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un exercice
délicat qui implique de mettre en regard des structures fiscales, des administrations et des
pratiques diverses héritées de constructions historiques. Elle permet cependant, une fois les
précautions d’usage intégrées, de replacer les débats touchant à la TVA dans des dynamiques
plus larges où la France se distingue par une architecture des taux et exonérations complexe
et perçue comme
plus régressive qu’ailleurs, mais par une meilleure qualité du recouvrement.
La TVA n’est pas aussi centrale dans les ressources publiques en France qu’elle peut
l’être dans les autres pays d’Europe et du monde
.
La TVA est devenue, en l’espace d’une soixantaine d’années, un impôt quasi
-universel, présent
dans 172 États, à l’exception notable des États
-Unis, et concernant 95 % de la population
mondiale. Elle constitue
l’
une des principales ressources publiques dans le monde et
singulièrement d
ans l’Union européenne (UE) où elle représente en moyenne entre 1/5
ème
et 1/6
ème
des prélèvements obligatoires des États membres, 38
% s’agissant des seules recettes
fiscales, et 7 % du produit intérieur brut (PIB).
Le poids de la TVA dans les prélèvements obligatoires (PO) ou dans les recettes fiscales en
France, s
’il
est important, demeure inférieur à la moyenne européenne (15 % des PO et 1/3
des recettes fiscales en 2021). Cette situation s’explique à la fois par un système de TVA
comprenant plusieurs taux réduits et exonérations et par une architecture socio-fiscale plus
large reposant davantage sur l’imposition des revenus et les cotisations sociales. En revanche,
la comparaison avec les autres pays européens démontre que la tendance croissante à
l’affectation en France d’une partie du produit de la TVA n’est pas isolée. Des États comme
l’Allemagne, la Belgique et, plus récemment, l’Espagne et l’Italie y ont également recours, dans
des proportions parfois plus importantes.
Ces divergences s’expliquent pr
incipalement par des structures fiscales de TVA
différentes qu’il est difficile de comparer
.
Les États se différencient moins par le niveau des taux standards de TVA, élevé dans les pays
au modèle « européen
», que par l’existence de nombreux taux réduits et d’exonérations
réduisant la base taxable, qui font l’objet d’une harmonisation européenne inaboutie. Dans les
pays aux systèmes plus récents, dits « modernes », mais également au Danemark par exemple,
l’existence d’un seul taux et d’une assiette large a
ssure une plus grande lisibilité du système.
À cet égard, comparer l’efficacité des systèmes de TVA, tant dans leur approche normative que
dans la performance de leur système de
recouvrement effectif, n’est pas simple. Les institutions
internationales ont développé des indicateurs utiles mais incomplets : le « ratio de recettes
TVA
» (RRT) de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) mêle
prise en compte de la structure des taux, des exonérations, de la fraude, des faillites et des
erreurs de déclaration. L’«
écart de TVA » (
VAT gap
) de la Commission européenne s’attache
,
quant à lui, à évaluer un écart entre les recettes théoriques et les recettes effectives, sans
remettre en question l’architecture du système de TVA des pays,
et avec une précision limitée
par la qualité des données nationales. Certains pays européens ont développé leurs propres
méthodes de calcul de l’écart TVA
, mais restent minoritaire
s dans l’UE (Italie, Royaume
-Uni).
La France ne publie pas
de données sur l’écart de TVA dans le pays
de manière régulière.
La France se distingue par une taxation de la consommation inférieure à celle des pays
européens comparables.
Le calcul par les rapporteurs
d’un «
taux moyen théorique »
pondéré par la consommation moyenne met en évidence que la TVA payée
effectivement par un ménage est supérieure au Danemark (22,85 %), en Allemagne
(15,49 %) et au Royaume-Uni (15,27
%) qu’en France (14,91
%)
, ce qui est cohérent avec
le « taux effectif » de TVA calculé par la Commission européenne comme le rapport entre les
recettes théoriques et effectives.
La volonté de simplifier la TVA, exprimée par les États pour améliorer le recouvrement,
présente des résultats mitigés et peut difficilement être un objectif en soi.
Les principales réformes menées ou proposées récemment pour simplifier la TVA ont achoppé
sur une dépendance au sentier des taux et des structures fiscales existantes. Il apparaît en
creux que pour créer un choc de simplification
sur l’architecture de TVA, tant le soutien des
partis politiques et de la population qu’un large temps de concertation
, voire de mise en place,
sont nécessaires. Les chances de succès dépendent également du degré de coordination avec
d’autres chantiers menés, en particulier l’intégration de la simplification de la TVA dans une
réforme plus vaste du système socio-fiscal.
La simplification
du système ne saurait toutefois constituer un objectif en soi. L’architecture de
la TVA danoise fondée sur un taux unique élevé est simple mais
n’est pas synonyme de
rendement maximal, et d’autres considérations sont à prendre en compte comme l’efficacité
des contrôles fiscaux ou plus largement de
l’administration fiscale.
En revanche, la tendan
ce générale actuelle dans l’Union européenne est de chercher les
moyens d’une plus grande efficacité de l’administration fiscale et d’une
relation de
confiance avec les entreprises.
Parmi les pays étudiés, les administrations chargées de la conception de la loi fiscale et du
recouvrement sont en général distinctes (Royaume-Uni), avec parfois une agence plus ou
moins autonome (Suède, Espagne, Danemark) qui peut également être responsable des
contrôles fiscaux. En Allemagne, le recouvrement est à la main des États fédérés et des exécutifs
locaux, tandis que l’échelon central s’acquitte de la légistique et de l’accompagnement des
assujettis. En France, il n’existe pas d’agence chargée
uniquement du recouvrement et la
direction générale des finances publiques (DGFiP)
s’occupe de la quasi
-totalité des activités
liées à la TVA.
Derrière ces différences, la même volonté se fait jour de simplifier l’action de l’administration
et de fluidifier les relations avec les entreprises. Les États européens tentent d’alléger l
es coûts
de conformité à la TVA, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, en développant
par exemple des procédures dématérialisées, ce qui implique de surmonter les difficultés liées
à la numérisation des administrations. Pendant la crise de la Covid-19, les pays européens ont
également allégé les obligations déclaratives en matière de TVA pour les entreprises. Au-delà
de la structure du système en tant que telle, les entreprises mettent surtout en avant du grand
public
l’importance de la stabilité de
la législation dans le temps et
d’une
relation de confiance
entre les entreprises et l’administration fiscale comme clé
s de succès.
En parallèle, la lutte contre la fraude a conduit récemment à développer de nouveaux
mécanismes de sécurisation du recouvrement de la TVA dont la configuration ou le
déploiement ne sont pas homogènes entre États membres
de l’UE
.
La lutte contre la fraude à la TVA est une priorité en Europe,
tant au niveau national qu’à
l’échelle communautaire. Si aucune estimation précise de la fraude
à la TVA au niveau
européen n’existe, la Commission européenne évalue l’écart
de TVA, soit le manque à gagner
de recettes TVA, à 93
Md€ en 2020 pour l’UE
-27, montant incluant notamment la fraude.
Les outils traditionnels de lutte contre la fraude sont de plus en plus ciblés grâce à de nouvelles
technologies comme l
’exploration de données
(
data mining
)
. L’échange d’informations entre
États au sein du réseau Eurofisc et la dématérialisation des moyens de paiement permettent
également de décourager la fraude.
Depuis quelques années, les États membres ont déployé de nouveaux mécanismes de
sécurisation des recettes de TVA : la facturation électronique, la transmission électronique de
données, l’
autoliquidation
et le paiement scindé. Les pays les plus touchés par la fraude (l’Italie
et la Pologne) ont été pionniers dans leur mise en place, qui suit généralement la médiatisation
d’une fraude d’ampleur importante. Néanmoins, les pays européens avancent en ordre
dispersé et en déployant des outils divergents, ce qui risque à terme de grever les capacités
d’harmonisation
au niveau européen, pourtant entamée.
En
tant qu’outil de politique publique, la TVA est finalement assez peu utilisée pour
orienter les comportements sur le long terme.
Impôt de rendement, la TVA fait également partie des outils de politique publique du fait de
son assiette, la consommation, et de son incidence sur les prix. Si elle a pu être utilisée dans
certains pays pour encourager la consommation de produits « vertueux » en matière de
transition écologique ou de santé publique, son efficacité est discutée et les États lui préfèrent
d’autres
leviers pour atteindre ces objectifs de long terme. La révision de la directive TVA
intervenue en avril 2022 a affiché une volonté de mettre en cohérence le système avec les
objectifs notamment climatiques de l’U
E, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités de taux réduits
« verts
». À ce stade, les États membres ne semblent s’en emparer qu’à la marge
. L
’Allemagne
pour sa part a instauré un taux zéro sur les panneaux photovoltaïques.
En revanche, en temps de crise, la majeure partie des États européens décide des
réductions de TVA, ce qui les distingue de la France.
Pour faire face à des situations exceptionnelles, la TVA est davantage utilisée
que d’autres
outils de politique publique. Pendant la crise sanitaire et en phase de déconfinement, une demi-
dizaine
d’États membres ont décidé de baisses ciblées et temporaires de TVA, principalement
pour soutenir des secteurs touchés, au premier rang desquels l’hôtellerie et la restauration.
Deux États membres, l’Allemagne et l’Irlande, ont préféré des baisses général
es avec l
’idée
de
créer un stimulus fiscal, mais les premiers résultats de ces expériences ne sont pas clairs à date.
Avec la crise des prix de l’énergie ouverte en 2021, une majorité d’États membres ont choisi de
baisser la TVA sur le gaz, l’électricité
, voire le bois de chauffage et le carburant. Si ces décisions
arrivaient majoritairement après
des baisses d’accise
s et des mesures de soutien direct ou
étaient concomitantes
, il n’en reste pas moins que la TVA a
été perçue par les gouvernements
comme un outil réactif, aux effets immédiats et lisibles, pour contenir à très court terme les
prix. L’incertitude subsiste quant à l’éventuelle sortie de ces taux réduits, qui ont été prolongés.
Dans ce panorama, la France se distingue par l’absence complète d’utilisation de
la TVA pour
favoriser un secteur économique, relancer la consommation ou limiter la hausse des prix.
La TVA fait l’objet de perceptions différentes dans les opinions publiques européennes
selon qu’elle est intégrée ou non à un système
socio-fiscal envisagé comme redistributif.
Si la TVA est traditionnellement vue en France comme le parangon de l’impôt «
injuste », car
pesant davantage sur les plus modestes, il n’en est pas de même dans d’
autres pays européens.
Là où elle est intégrée dans un système fiscal redistributif, comme au Danemark ou en Suède,
la TVA n’est pas perçue comme un impôt à vocation redistributive contrairement à l’imposition
des revenus et sert à financer un système de protection sociale considéré comme efficace. Au
Royaume-Uni, en revanche, le nombre important de taux zéros sur les principaux postes de
consommation des premiers déciles, comme l’alimentation, vise à limiter l’incidence de la TVA
sur les plus démunis
et témoigne d’une perception de la TVA comme régressi
ve.
Enfin, l
’exploitation du «
taux moyen théorique » pondéré par la consommation moyenne des
ménages européens des premier et dernier quintiles démontre que, par rapport à la
consommation, la TVA pèse plus en proportion sur le premier quintile de revenus dans les pays
étudiés (Allemagne, Italie, Danemark, Suède), à l’exception notable du Royaume
-Uni. La France
fait partie des pays au système régressif, mais aussi où la perception de l’injustice de la
TVA
semble la plus forte.
SUMMARY
As difficult as it is, considering deeply diverging tax structures and long-lasting practices
between the very administrations it is supposed to benchmark, an international comparison of
value added tax (VAT) systems is also of paramount importance. It pieces together a more
nuanced picture of the dynamics at play, where France stands out in the European Union (EU)
as a country with a highly complex VAT structure filled with derogations and exemptions, a
slightly more “regressive design” b
ut also a better tax collection than abroad.
As a source of government revenue, VAT is not as important in France as in other
countries in Europe or in the world.
Over the past sixty years, VAT has become a nearly
universal taxation
. Currently implemented
in 172 countries, with the exception of the United States, it concerns 95% of all inhabitants
worldwide. VAT is a major source of government revenue in the world and especially in the
EU, where it accounts for approximately 38% of total tax revenue (18% of taxes and
compulsory social contributions) and 7% of gross domestic product (GDP).
In France, VAT provides a major source of tax revenue (one third of total tax revenue and 15%
of mandatory contributions), albeit below the EU average. This is due to numerous reduced
rates and exemptions, along with a general tax design that relies more on income taxes and
social contributions. As regards to tax earmarking, however, a European comparison proves
that France is not the only country using VAT revenue to fund social security or local
governments, as Germany, Belgium, and more recently Spain and Italy resort to this practice.
Differences between countries are largely explained by heterogeneous VAT structures
that hinder the comparison.
Standard VAT rates are not the main factor explaining tax design differences -especially where
the so-
called “European” i.e. traditional model is in place
- compared to multiple VAT reduced
rates and exemptions narrowing tax base in the EU despite harmonisation. In countries with a
“modern”
VAT, but also in Denmark for instance, a high, single-VAT rate and a broadened tax
base make the system easier to understand.
In that respect, the comparison of VAT structures’ efficacy in terms of both regulatory and
practical approaches is not an easy task. International institutions have developed useful but
incomplete tools to address this issue. The OECD’s “VAT Revenue Ratio” (VRR) blends tax rates,
exemptions, fraud, insolvencies, and errors. The “VAT Gap”, a yearly measurement of the
European Commission, evaluates the gap between theoretical revenue and total tax liability,
without assessing the tax architectures and relies on the strongly varying quality of national
data. Few countries have developed their own methodology for measuring the VAT gap (Italy,
the United Kingdom). As far as France is concerned, no data on the VAT gap and/or fraud is
published regularly by the administration.
Another key differentiating feature for France is the lower consumption taxation compared to
other similar E
uropean countries. We calculated a “theoretical medium rate” weighted by
consumption and found out that the amount paid is higher for households in Denmark
(22.85%), Germany (15.49%), and the United Kingdom (15.27%) than in France (14.91%).
This is consist
ent with the European Commission’s finding on the “effective VAT rate”.
Countries want to simplify the VAT design to improve tax collection, but this is not
always efficient and should not be the main policy goal.
The tax reforms that had been undertaken or planned to simplify the VAT system have always
foundered on the issue of path dependency of rates and tax structures. This gives us indirect
inklings as to what conditions are essential to reform VAT design: political support across
parties, the public’s
backing, large periods of consultation, and progressive implementation.
Hope of successful reform is higher when VAT overhaul is well-coordinated with other
government initiatives, in particular with a wider review of the tax system.
Tax simplicity should not be the ultimate objective. The Danish VAT system relies on a high
single rate but is not the most efficient design in Europe. To better collect VAT, other aspects
are to be taken into consideration, such as effective tax audits or a more reliable tax
administration.
Many European countries are seeking ways to make tax administrations more efficient
and to build trust with businesses.
Among the countries studied, the administrations responsible for designing tax law and
regulation and collecting tax are generally separate (the United Kingdom), sometimes with a
more or less autonomous tax authority (Sweden, Spain, Denmark) which may also be in charge
of tax audits. In Germany, tax collection lies at the core of federal states’ and local governments’
responsibility, while the central government is responsible for legislation and support for
taxpayers. In France, the tax administration within the ministry of finance, the
Direction
générale des finances publiques
(DGFiP), handles almost all VAT-related activities.
Despite differences, governments share a common interest in simplifying tax processes and
strengthening relationships with businesses. European countries try to reduce VAT
compliance costs, particularly for small and medium-sized companies, for example by
developing electronic processes, which requires overcoming the challenges in digitalisation
that tax administrations face.
During the Covid-19 crisis, European countries have also reduced their VAT reporting duties
for businesses. Besides tax structure as such, companies emphasise first and foremost stable
legislation in the long run and mutual trust between businesses and the tax administration as
key aspects.
At the same time, the fight against tax avoidance has recently led to the development of
new mechanisms to improve compliance. Nonetheless, these mechanisms’ designs are
not identical within EU Member States.
The fight against VAT fraud remains a priority in Europe, both at a national and EU levels. While
no clear estimate of VAT fraud is available at a European level, the European Commission
evaluates the VAT gap, i.e., the loss of VAT revenue including fraud, at €93bn in
2020 for the
EU-27.
Anti-fraud mechanisms are better targeted with the help of new technologies and increasingly
available data.
Information exchange and administrative cooperation within the Eurofisc
network as well as digitalisation of payments play a critical role in tackling VAT fraud.
In recent years, EU Member States have increasingly implemented new mechanisms to
enhance VAT compliance and reduce fraud: electronic invoicing, electronic data reporting,
reverse charge, and split payment regimes. The countries most concerned by fraud (Italy and
Poland) have been pioneers in the implementation of these alternative measures, in most cases
as a result of the media coverage of a major fraud scandal. Nevertheless, European countries
are moving forward in a scattered manner and deploying divergent tools, which may
eventually hamper the capacity for ongoing harmonisation at a European level.
As policy tool, governments are not keen to resort to VAT in order to drive behaviours.
Even if it was put in place to yield revenues, VAT is also part of policy tools because it can affect
consumption and prices. Some governments have used it to promote sustainable, healthy
products, but according to economic reasoning, this is not the most efficient way to attain these
long-term goals. As a result of the April 2022 amendment to the VAT directive, VAT systems in
the EU must be consistent with the Climate Target Plan, thus opening new opportunities
regarding “green” reduced rates. So far, few Member States availed of this possibility: for
instance, Germany introduced a zero-rate on solar panels.
In times of crisis, however, most of EU Member States have reduced VAT rates, but not
France.
Governments turn more to VAT to tackle crises. During Covid-19 lockdowns and in the
aftermath of the crisis, five Member States decided on targeted and temporary cuts in VAT rates
in support of specific sectors such as hospitality and tourism. Two Member States, Germany
and Ireland, applied these tax reliefs to all consumption to create a fiscal stimulus. The answer
regarding the effectiveness of these policies is far from settled.
Since October 2021, the energy crisis led 20 out of 27 EU Member States to reduce VAT on gas,
electricity, firewood, or fuel, simultaneously or subsequently to excise duty cuts and other
direct transfers to households or businesses. Evidence suggests that VAT was deemed a
reactive, efficient, and understandable tool by governments to contain prices on a very short-
term basis. Still remains uncertain how long VAT cuts will be in place, since they all have been
extended.
In marked contrast, France did not resort to VAT to foster a specific sector, to support
consumption, or to stem high prices.
VAT is differently perceived in the public opinion according to the extent to which it
takes part or not in a wider tax and transfer system.
In France, VAT epitomizes the “unfair” t
ax because of its impact on low-income households. In
other EU countries such as Denmark and Sweden, however, it is often seen as a significant part
of a transfer system: unlike income taxes, VAT is not regarded as a redistributional tax, but
more as the main contributor to a social security system deemed efficient. On the other hand,
in the United Kingdom, much of the zero rates focus on basic goods and aim at easing the VAT
impact on disadvantaged citizens.
We used the aforementioned “theoretical medium rate” weighted by the average consumption
of European households, and concluded that VAT has a stronger impact on the lower-income
quintile in countries under scrutiny (Germany, Italy, Denmark, Sweden), with the notable
exception of the United Kingdom. In France, the VAT system appears to be both regressive and
intensively perceived as unfair by the population.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
...................................................................................................................................
1
1.
LA TVA, IMPÔT AUJOUR
D’HUI QUASI
-UNIVERSEL ET SOURCE MAJEURE DE
RECETTES PUBLIQUES, DIFFÈRE ENTRE LES ÉTATS NON TANT PAR LE TAUX
NORMAL QUE PLUS LARGEMENT EN FONCTION DE LA STRUCTURE FISCALE
ADOPTÉE
...............................................................................................................................................
4
1.1.
La TVA est aujourd’hui au cœur des finances publiques et parfois de
l’organisation territoriale des États
..........................................................................................
4
1.2.
Bien que semblables, voire harmonisés à l’échelle européenne, les systèmes de
TVA diffèrent par l’architecture des taux
............................................................................
16
1.3.
Les outils disponibles permettant de comparer l’efficacité relative des systèmes
de TVA souffrent de biais méthodologiques
......................................................................
27
2.
L’ENJEU ACTUEL POUR
LES ÉTATS EST DE SÉCURISER LES RESSOURCES DE TVA
EN LUTTANT EFFICACEMENT CONTRE LA FRAUDE ET EN SIMPLIFIANT LES
RELATIONS AVEC LES ENTREPRISES
........................................................................................
38
2.1.
L’efficacité du recouvrement dépend de facteurs de moyens et de relations avec
les entreprises que les États appréhendent différemment
..........................................
38
2.2.
L’enjeu le plus fort réside actuellement dans la lutte contre la fraude
...................
48
2.3.
La simplicité du système de TVA n’est pas la seule clé d’explication de l’efficacité
du recouvrement
...........................................................................................................................
61
3.
L’UTILISATION DE LA
TVA COMME OUTIL DE POLITIQUE PUBLIQUE ET SA
COMPRÉHENSION DANS LE DÉBAT PUBLIC DIFFÈ
RENT SELON QU’ELLE E
ST VUE
COMME ISOLÉE OU INTÉGRÉE À UN SYSTÈME FISCAL ET REDISTRIBUTIF PLUS
LARGE
..................................................................................................................................................
65
3.1.
En tant qu’outil conjoncturel, la TVA est souvent mobilisée en temps de crise
sans que l’efficacité économique des
mesures prises soit documentée
.................
65
3.2.
En tant qu’outil structurel, la TVA est inégalement mobilisée pour orienter les
comportements
..............................................................................................................................
73
3.3.
La TVA est vue comme plus ou moins « régressive » dans les pays européens
selon qu’elle est envisagée isolément ou comme élément d’un système
redistributif plus large
................................................................................................................
76
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
............................................................
86
ANNEXE 2 : TABLEAU RÉCAPITULATIF DE LA TVA DANS LES ÉTATS MEMBRES DE
L’UNION EUROPÉENNE
..................................................................................................................
92
LISTE DES ACRONYMES
Acronyme
Signification
BtoB
Business to business
BtoC
Business to consumer
BtoG
Business to government
CJUE
Cour de justice de l'Union européenne
CO
2
Dioxyde de carbone
DGDDI
Direction générale des douanes et droits indirects
DGFiP
Direction générale des finances publiques
DG Trésor
Direction générale du Trésor
Europol
European Police Office
FMI
Fonds monétaire international
HMRC
His Majesty’s Revenue and C
ustoms
MTD
Making Tax Digital
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
OLAF
Office de lutte anti-fraude
OSS
One-Stop-Shop
IOSS
Import One-Stop-Shop
IRPP
Impôt sur le revenu des personnes physiques
IS
Impôt sur les sociétés
PIB
Produit intérieur brut
PME
Petites et moyennes entreprises
PO
Prélèvements obligatoires
RA-GAP
Revenue administration Gap Analysis Program
RNB
Revenu national brut
RRT
Ratio de recettes TVA
SAF-T
Standard Audit File for Tax
SEK
Couronne suédoise
TPS
Taxe sur les produits et services
TVA
Taxe sur la valeur ajoutée
UE
Union européenne
VAT
Value added tax
VTTL
Value added tax Total tax Liability
Code pays
Nom pays
AT
Autriche
BE
Belgique
BG
Bulgarie
CY
Chypre
CZ
République tchèque
DE
Allemagne
DK
Danemark
EE
Estonie
EL
Grèce
ES
Espagne
FI
Finlande
FR
France
HR
Croatie
HU
Hongrie
IE
Irlande
IT
Italie
LT
Lituanie
LU
Luxembourg
LV
Lettonie
Code pays
Nom pays
MT
Malte
NL
Pays-Bas
PL
Pologne
PT
Portugal
RO
Roumanie
SE
Suède
SI
Slovénie
SK
Slovaquie
UK
Royaume-Uni
- 1 -
INTRODUCTION
Depuis sa création, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a connu une diffusion
considérable en Europe et dans le monde
. Alors même qu’aucun État n’appliquait un tel
impôt
avant la Seconde Guerre mondiale, une petite dizaine de pays l’avaient adopté à la fin
des années 1960, puis 120 au début des années 2000 et plus de 170 aujourd’hui. À l’exception
notable des États-
Unis, tous les pays de l’
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) recourent à cet impôt appelé également « TPS » (taxe sur les produits et
services). Récemment, des pays comme l’Inde (2017),
l’Arabie
saoudite (2018)
ou
le Costa Rica
(2019) ont introduit une TVA, si bien qu’elle est dorénavant présente dans
9 États
sur 10 et concerne près de 95 % de la population mondiale
1
.
À cet égard, la TVA apparaît
comme un impôt quasi-universel
.
De manière paradoxale, alors mê
me qu’une telle généralisation aurait pu conduire à
approfondir la comparaison entre systèmes fiscaux et le poids relatif qu’y occupe la TVA,
les travaux manquent
. Il existe certes de nombreux points d’accroche permettant d’ausculter
les systèmes de TVA. L
’OCDE publie ainsi tous les deux ans une analyse concernant plus
généralement les impôts sur la consommation
2
. Des indicateurs de comparaison ont été
développés par la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) ou l’OCDE,
principalement
tournés vers l’évaluation de l’efficacité des systèmes de collecte de TVA. Il est
possible également de mettre en perspective le poids de la TVA par rapport au produit
intérieur brut (PIB) ou aux prélèvements obligatoires. Mais les travaux croisant ces différentes
approches, tout en prenant en compte les disparités entre États tant dans l’architecture des
taux que dans le niveau de prestations et, plus généralement, dans le système socio-fiscal, pour
lesquels cette imposition est une source majeure de financement, semblent faire défaut. Ce
manque de comparaison est d’autant plus étonnant que la TVA, au moins à l’échelle
européenne, est souvent décrite comme étant largement harmonisée.
Un bref regard sur les systèmes étrangers présente de nombreux avantages
. Il permet
tout d’abord de relativiser, pour mieux la reconnaître, la place particulière qu’y occupe la
France. Alors qu’elle est régulièrement présentée comme une «
invention française » dont la
paternité reviendrait à Maurice Lauré, ingénieur des postes et télécommunications, inspecteur
des finances
3
, la TVA telle qu’initiée à partir de 1954 en France et généralisée en 1968 trouve
ses origines en Allemagne. Dans un ouvrage de 1919
4
, Carl von Siemens développe en effet
l’idée d’une imposition portant sur le
s différents stades de la valeur ajoutée, dont il attribue
l’inspiration première à son demi
-
frère, Wilhelm von Siemens. L’objectif est d’éviter les
désagréments d’un impôt brut pesant à chaque phase de la production, à l’instar de la taxe sur
le chiffre d
’affaires qui produit un effet «
en cascade » sur le prix final pour le consommateur.
À la même période, l’économiste américain T. S. Adams
5
proposait un droit à déduction par une
méthode fondée sur la remise d’une facture par le fournisseur
6
, méthode appl
iquée aujourd’hui
dans la plupart des pays du monde
7
.
1
C
ontre 4 milliards d’habitants, soit 70% de la population mondiale
au début du siècle,
d’après
FMI,
The Modern
VAT
, 2001.
2
Y compris droits d’accise
.
Cf
. OCDE, Tendance des impôts sur la consommation, 2020 (dernière édition).
3
Encore récemment, un
ouvrage parlait d’une «
invention française
» et d’une «
révolution mondiale » :
cf
. Denys
Brunel,
La TVA, invention française, révolution mondiale. L'aventure de Maurice Laur
, 2012.
4
Carl Friedrich von Siemens,
Veredelte Umsatzsteuer
, 1919.
5
T. S. Adams,
Fundamental Problems of Federal Income Taxation
”, 1921.
6
Il s’agit de la m
éthode dite de
credit-invoice
, ou méthode soustractive indirecte, reposant sur le droit à déduction
de la taxe acquittée sur l’intrant aux différentes phases de la production.
7
À l’exception notamment du Japon, où le mécanisme du paiement fractionné est fondé sur une méthode
soustractive directe : la taxe est calculée sur une mesure comptable de la valeur ajoutée, et non pas appliquée à
- 2 -
Si elle n’est pas à l’origine de l’invention du concept de
la TVA, la France joue toutefois
un rôle important dans sa diffusion
. D
’autres États avaient déjà engagé des réflexions
sur ce
type
d’imposition
dès le début des années 1950 : sur les bases du « rapport Shoup
8
» de 1950,
le Japon en
avait ainsi lancé le déploiement, pour l’ajourner à plusieurs reprises, l’abandonner
finalement en 1954 et revenir à des pratiques fiscales d’avant
-guerre
9
. Aux États-Unis, le
Michigan a introduit en 1953 une
Business activities tax
(BAT), qui est généralement considérée
comme une taxe pesant sur la valeur ajoutée ; elle est toutefois abandonnée en 1967
10
. En
Europe, c’est le Danemark qui introduit en premier
une taxe générale portant sur les biens et
services de type TVA, en 1967, pour remplacer la taxe sur les ventes (
omsætningsafgift
) qui
existait depuis 1962. Toutefois, le modèle suivi
s’inspire
de l’expérience française conduite
depuis 1954. En France, les dispositions de la loi du 6 janvier
1966 généralisent à l’ensemble
des entreprises, commerçants, artisans et autres prestataires de services les contours de la
TVA, qui n’existait jusque
-là que pour quelques 300 000 assujettis, avec une entrée en vigueur
au 1
er
janvier 1968, si bien que le FMI ou l’OCDE retiennent cette dernière date pour
l’instauration de la TVA dans notre pays. Au regard de ces éléments, il faut voir dans la figure
de Maurice Lauré, moins celle de l’inventeur
11
que du « promoteur »
12
de la TVA en France et
en Europe, ayant joué un rôle avant tout dans la diffusion du « droit à déduction », garant selon
lui de la neutralité économique de cette taxe, et qui a été repris dans une partie significative
des États ayant adopté la TVA.
La comparaison permet également de replacer la France, son système fiscal et les débats
récents qui y sont liés, dans un contexte plus large
. Le poids des prélèvements obligatoires
français, parmi lesquels la TVA reste une source prépondérante de revenus, gagne à être mis
en relief avec celui des autres États comparables, de même que la tendance, récente en France,
à affecter une partie du rendement de cet impôt pour financer la protection sociale ou les
collectivités territoriales. L’idée de la «
régressivité » de la TVA, selon laquelle elle pèserait
davantage sur les ménages les plus modestes, reconnue comme presque évidente en France,
mérite d’être mise en regard
non seulement des apports de la recherche économique, mais
également de
l’état de l’opinion publique dans d’autres pays. Les politiques publiques utilisant
les taux réduits de TVA comme outil économique, enfin, peuvent s’appuyer sur les exemples
étrangers pour mesurer leur éventuelle efficacité.
Ces différents éléments ont conduit le Conseil des prélèvements obligatoires à faire le
choix de consacrer l’un des rapports particuliers à la question de la comparaison
internationale des systèmes de TVA
13
. La lettre de mission précise que les rapporteurs
concernés sont chargés non seulement de replacer les principales tendances et les débats
français dans un contexte international, avant tout européen, mais également de dessiner les
perspectives d’utilisation de la TVA au regard des nouvelles possibilités offertes par la révision
de la directive européenne d’a
vril 2022
14
et des mesures récentes.
chacune des prestations ou livraisons par
l’acheteur au client. Cette méthode est censée être moins efficace pour
lutter contre la fraude.
8
Carl Sumner Shoup est parfois vu comme le « père intellectuel de la TVA » (
cf
. Wayne Thirsk,
Intellectual
Foundations of the VAT in North America and Japan“
, 1991).
9
Hiromitsu Ishi, “Historical Background of the Japanse Tax System”, 1988.
10
Marie Lamensch,
European Value Added Tax in the Digital Era
, 2015.
11
Damien Falco, « Une nouvelle légende fiscale : la TVA de Maurice Lauré », Gestion & Finances publiques, 2021.
12
Comme le fait le
catalogue
de
l’École polyte
chnique
à l’entrée «
Maurice Lauré ».
13
Un tel rapport particulier n’existait pas en 2015,
lors du dernier rapport général consacré à la TVA, mais existait
bien en 2001.
14
Directive (UE) 2022/542
du Conseil du 5 avril 2022.
- 3 -
Pour réaliser cette mission, les rapporteurs ont eu recours à trois modalités de travail
différentes
. Les données provenant des principales sources internationales
15
ont été tout
d’abord utilisées pour dessiner les grande
s tendances de la TVA dans le monde et la place
relative qu’y occupent les dynamiques françaises. Dans un deuxième temps, la mission a
souhaité creuser plusieurs aspects précis par l’envoi de questionnaires formalisés au réseau
de la direction générale du Trésor (DG Trésor) auprès de huit pays distincts
16
et par des
entretiens, aux niveaux européen ou national. Enfin, entre septembre et octobre 2022, la
mission a réalisé des déplacements à Bruxelles et dans cinq pays « focus » (Allemagne,
Danemark, Italie, Royaume-Uni, Suède), choisis pour leurs caractéristiques proches de la
France ou pour des traits particuliers liés à la TVA qui les distinguent d’autres États
. Parmi eux,
et par convention, le Royaume-Uni est principalement considéré comme appartenant à
l’U
nion européenne dans le présent rapport
17
. Ces investigations ont permis une approche
qualitative de la comparaison, par la rencontre d’act
eurs administratifs, mais aussi politiques,
économiques ou encore universitaires (
cf
. annexe n°1), à même de rendre compte de la teneur
des débats marquant chaque pays. Les rapporteurs tiennent à cet égard à remercier non
seulement leurs différents interlocuteurs français et étrangers, mais l’ensemble des services
économiques ainsi que les bureaux de la DG Trésor qui ont contribué à la bonne conduite de
leurs investigations et à la grande richesse des informations obtenues.
Il convient de noter que la mission a eu lieu dans un contexte particulier
, marqué par des
échéances électorales importantes dans quatre des cinq pays « focus » mentionnés, mais aussi
par une utilisation dispersée
des taux réduits de TVA pour contenir l’inflation et la hausse des
prix de l’énergie. De ce fait, les tendances et décisions les plus actuelles étaient largement
imprévisibles, dans leur ampleur comme dans leur durée, au moment de la rédaction de ces
pages.
Le présent rapport particulier s’attache (i) à rendre compte de la place de la France dans
les dynamiques mondiale et européenne de TVA
, au regard des autres prélèvements
obligatoires, des règles d’affectation suivies, de l’architectur
e des taux ainsi que des outils
permettant de mesurer l’efficacité des systèmes de taxation
;
(ii) à préciser ensuite les
modalités de recouvrement
et les moyens mis en place récemment pour sécuriser les sources
de revenus de TVA, en se positionnant à cet égard sur le débat de la simplification des régimes
de taux et de conditions d’assujettissement
; (iii) à restituer enfin les débats actuels
liés
d’une part aux effets éventuellement anti
-
redistributifs de la TVA, d’autre part à l’utilisation
des taux réduits comme outils de nature conjoncturelle ou structurelle.
15
Commission européenne, FMI, OCDE, mais également données en ligne des administrations fiscales nationales.
16
Belgique, Finlande, Grèce, Irlande, Lettonie, Pologne, Portugal, Roumanie.
17
De fait, pendant la période d’étude, couvrant
a minima
les années de 2015 à 2021, le Royaume-Uni fait
majoritairement partie de l’Union européenne.
- 4 -
1.
La TVA, impôt aujourd’hui quasi
-universel et source majeure de
recettes publiques, diffère entre les États non tant par le taux normal
que plus largement en fonction de la structure fiscale adoptée
La diffusion de la TVA dans le monde et sa généralisation
comme l’un des principaux
impôts (1) se sont accompagnées
d’une dynamique globale de convergence dans les pratiques,
surtout au niveau européen, même si les structures des taux et exonérations, largement
différentes (2), rendent la comparaison des systèmes ardue (3).
1.1.
La TVA
est aujourd’hui au cœur des finances publiques et parfois de
l’organisation territoriale des États
1.1.1.
Un large mouvement de diffusion de la TVA a pris place en Europe et dans le
monde, si bien qu’elle apparaît aujourd’hui comme un impôt quasi
-universel
1.1.1.1.
La TVA s’est largement diffusée dans le monde pour concerner aujourd’hui 95
% de
la population mondiale
Au niveau international, il existe depuis une soixante d’années un fort
mouvement de
diffusion des systèmes de TVA
.
Carte 1 : Diffusion de la TVA dans le monde depuis le début des années 1960
Source
: Rapporteurs d’après les données FMI.
- 5 -
Trois phases d’expansion peuvent être distinguées (
cf
. carte 1) :
la phase des « précurseurs »
, qui s’étend des années 1960 à la fin des années 1970
: un
certain nombre d’États, principalement en Europe de l’Ouest et en Amérique latine,
mettent en place une TVA visant
notamment à renforcer l’intégration économique de
leur zone régionale ;
la phase d’«
accélération »
, à partir du milieu des années 1980, culminant dans les
années 1990
: il s’agit principalement de l’adoption de la TVA par les pays régis autrefois
par un
système d’économie planifiée, comme la Russie (1991) mais aussi la Chine (1994).
Ce mouvement permet d’intégrer ces nouveaux États à l’économie mondialisée et de
garantir des sources de revenus adaptées ;
la phase de « généralisation »
, à partir du début des années 2000 : la TVA est une
source reconnue de revenus publics accompagnant l’augmentation du PIB et stabilisant
les ressources fiscales, y compris pour des États appartenant aux « pays les moins
avancés », principalement en Afrique subsaharienne, ainsi que pour des États autrefois
dits « émergents » (Inde, Arabie saoudite).
Ses rendements potentiellement élevés et sa neutralité économique expliquent cette
large diffusion de la TVA dans le monde.
La TVA présente également l’avantage d’être
relativement
simple à recouvrer pour l’administration
, puisque la collecte de cet impôt est
assurée par les entreprises. En 2022, seule une minorité de pays n’a pas de système de TVA,
s’agissant pour la plupart de petits pays ou de territoires ayant un statut spécifiqu
e ou contesté
(Gibraltar, Hong Kong ou Macao par exemple) (
cf.
carte 1). Les États-Unis font figure
d’exception au sein des pays
membres de
l’OCDE, puisqu’ils ne disposent pas d’une TVA au
niveau fédéral (
cf.
encadré 1).
Encadré 1 : La «
sales tax
» aux États-Unis
Les États-
Unis sont le seul pays de l’OCDE à ne pas disposer d’un système de TVA ou équivalent.
Il y existe néanmoins une imposition sur les ventes, appelée
sales tax
. Cette taxe sur les ventes de détail
s’applique au moment de l’achat et n’est
donc pas déductible par les entreprises de leurs intrants. Elle
n’est pas harmonisée au niveau fédéral
car dévolue aux États fédérés : les taux de chaque État varient
de 2,9 % (Colorado) à 7,25 % (Californie), auxquels il faut ajouter les taxes locales sur les ventes, dont
les taux sont compris entre 0,03
% dans l’Idaho et 5,22 % dans l’Alabama.
Cinq États fédérés
18
n’appliquent pas une telle imposition
. Des différences nettes dans la définition
des bases taxables entre chaque État s’appliquent, ce qui cond
uit à une forte hétérogénéité dans
l’efficience de cette imposition et un poids relativement faible de cette taxe dans le PIB du pays, estimé
à 2 %.
La TVA n’a jamais été mise en place aux États
-
Unis du fait d’une opposition des deux grands partis
politiques
. Les Républicains sont traditionnellement opposés à toute imposition qui fournirait des
ressources fiscales fédérales importantes, synonymes de dépenses publiques en hausse, tandis que les
Démocrates y voient une imposition injuste. Un travail de réflexion sur la réforme globale du système
fiscal américain avait conclu en 2005 qu’il était possible mais pas souhaitable d’introduire une TVA
simplifiée
aux
États-
Unis, une partie des membres du groupe considérant qu’elle agirait
vraisemblablement comme une « machine à sous » (
money machine
) pour le gouvernement fédéral
19
. Un
sondage réalisé en 2009
20
indiquait que 67
% des Américains étaient hostiles à l’idée d’une
sales tax
nationale, ce qui indique en creux qu’une imposition de type TVA/TPS n’aurait pas l’assentiment de la
population.
Source
: Rapporteurs d’après données de l’administration fiscale des États
-Unis.
18
Alaska, Delaware, Montana, New Hampshire, Oregon.
L’Alaska permet toutefois l’application d
e taxes locales sur
les ventes.
19
President's Advisory Panel on Federal Tax Reform,
Final Report
, chapitre 8, 2005.
20
Rasmussen Reports,
67% Frown On National Sales Tax
, octobre 2008.
- 6 -
La TVA concerne également les « grands émergents »
. La Chine présente un système
particulier
: bien qu’une imposition sur la consommation existe et dégage des revenus
conséquents estimés à 500
Md€ par an, elle s’inscrit dans un régime de règles complexes, sans
législation formelle. La « loi sur la TVA » prévoy
ant une réelle législation harmonisée n’a pas
encore été adoptée, bien qu’elle ait été validée par le Conseil d’État chinois en juin 2020. L’Inde
quant à elle a mis en place une telle législation harmonisée plus de dix ans après avoir été
annoncée. En 2017, le 101
ème
amendement de la Constitution indienne a ainsi permis
l’instauration d’une «
TPS
» remplaçant l’ensemble des taxes locales et fédérales existantes.
Aujourd’hui, du fait de cette diffusion aux États les plus peuplés du monde, la TVA
couvre, avec 172 États, 95 % de la population mondiale. Elle apparaît comme un impôt
quasi-universel qui peut revêtir des dénominations différentes
(
cf.
encadré 2).
Encadré 2 : Les différents termes pour désigner la TVA
Dans les autres langues que le français
, on retrouve en général l’équivalent de
« TVA » pour
désigner ce type d’imposition
. En anglais, l’expression
value-added tax
(VAT) est répandue, de même
que dans les langues latines (IVA pour
imposta sul valore aggiunto
en Italie,
impuesto sobre el valor
añadido
dans les pays hispanophones) ou les pays aux langues slaves par exemple (
налог на
добавленную стоимость
en Russie).
Toutefois, plusieurs États préfèrent l’appellation de «
taxe sur les biens et services »
(désignée
par l’acronyme TPS pour «
taxe sur les produits et services »), ou
goods and services tax
(GST) en
anglais. C’est le cas dans les pays aux TVA «
modernes », comme en Australie, au Canada ou en
Nouvelle-
Zélande. Étant donné que les deux termes désignent la même imposition, l’OCDE utilise
indifféremment ces acronymes et recourent d’ailleurs le plus souvent à la désignation «
TVA/TPS »
dans ses travaux.
Il appar
aît toutefois que, pour des raisons historiques, certains États sont attachés à d’autres
façons de désigner la TVA
. En Allemagne, on trouve plus souvent le terme
Umsatzsteuer
(litt. « taxe
sur le chiffre d’affaires
») que
Mehrwertssteuer
(litt. « taxe sur la valeur ajoutée »), qui qualifiait
l’imposition existant avant 1968 et qui a été remplacée par la TVA. Au Danemark, le terme de TVA
(
merværdiafgift
) n’est pratiquement pas utilisé
: par une facétie de langage, c’est l’expression «
encore
plus de taxe sur
le chiffre d’affaires
», ou
meromsætningsafgift
, qui l’a supplanté, et qui explique
l’acronyme
« moms
», ce dernier s’étant d’ailleurs diffusé en Suède.
Source : Rapporteurs.
1.1.1.2.
En Europe, la TVA s’est diffusée en trois vagues successives à partir du foyer
ouest-
européen
S’agissant de la mise en place de la TVA en Europe, il est possible de
distinguer trois logiques distinctes
.
Pour les pays aux systèmes « anciens » de TVA, la
logique a été de sécuriser une source de financement pérenne
, qui soit de recouvrement
simple et neutre économiquement pour pouvoir être répercutée tout au long de la chaîne de
valeur. Ces réformes instaurant la TVA, pourtant contestées au début par des tensions qui
émaillent tant la mise en place de la TVA au Danemark
21
que sa généralisation en France
(
cf
. encadré 3 ), ont finalement été rapidement acceptées par les populations et se sont
inscrites dans un contexte
plus large d’intégration économique au sein de l’Europe de l’Ouest
22
.
21
Une fronde des commerçants danois contre la mise en place de la TVA a lieu en 1967 dans les rues de Copenhague.
22
La TVA présente l’avantage d’éviter les distorsions commerciales liées aux «
effets en cascade » des taxes pesant
sur la vente.
- 7 -
Encadré 3 : La mise en place de la TVA en France
Bien qu’il n’en ait pas inventé le principe (
cf. supra
), Maurice Lauré a largement concouru à la mise au
point du système français de TVA. Le premier modèle, issu de la loi du 10 avril 1954, ressemble
davantage à une taxe pesant sur la production que sur la consommation, puisqu’elle se limite aux plus
grandes entreprises. Si les oppositions sont alors faibles
23
, elles deviennent plus fortes quand la taxe
est généralisée au 1
er
janvier 1968
: appliquée dès lors à l’ensemble des entreprises, la TVA devient
dans l’opinion publique la «
taxe de la vorace administration », à cause de laquelle « tout va
augmenter »
24
. Du fait de la complexité du système
25
, à l’origine d’erreurs voire de fraude
s, plusieurs
mesures de simplification réduisent le nombre de taux de TVA de neuf à quatre dans les années 1970.
Source :
Rapporteurs.
Pour les pays « intermédiaires
», il s’est agi
avant tout de correspondre aux critères
européens
, qui faisaient de l’instauration d’un système de taxe sur la valeur ajoutée une
conséquence (avant 1992) ou une condition
sine qua non
(après le traité de Maastricht) à
l’entrée dans les communautés
européennes,
puis dans l’U
E. À la Grèce
26
, à l’Espagne et au
Portugal, il convient également d’ajouter la Finlande, qui disposait jusqu’en 1994 d’une taxe
sur la vente, davantage semblable à la
sales tax
américaine (
cf.
encadré 1
supra
) qu’à
une taxe
sur la valeur ajoutée.
Enfin, les pays aux systèmes « récents »
(
cf
. tableau 1)
font exclusivement partie de la
zone appartenant à l’Europe
centrale et orientale
, disposant d’un système d’économie
planifiée jusqu’à la dislocation de l’URSS et du «
bloc de l’Est
»
. Si la stratégie adoptée par
les différents États
27
était vraisemblablement d’afficher une volonté à moyen ou long terme
d’intégrer l’Union européenne, la mise en place d’une TVA répondait d’abord à la volonté de
simplifier le recouvrement des impôts
: au début des années 1990, l’admin
istration fiscale
n’était pas encore assez robuste pour assumer la gestion de la taxe sur le chiffre d’affaires, qui
existait jusque-là dans des pays comme la Pologne et qui se généralisait avec les vagues de
privatisation. Ces États ont souvent dû, une fo
is le processus d’adhésion à l’Union européenne
enclenché, adapter leur propre système pour se conformer à l’acquis communautaire en
matière de TVA
28
.
Tableau 1 :
Les systèmes de TVA dans l’Union européenne (à 28) selon leur antéri
orité
Antériorité
Pays
Système ancien
(1967-1973)
Danemark, Allemagne, France, Pays-Bas, Suède, Luxembourg,
Belgique, Irlande, Autriche, Italie, Royaume-Uni
Système intermédiaire
(1986-1994)
Espagne, Portugal, Grèce, Finlande
Système récent
(1988-1999)
Estonie,
Chypre,
Pologne,
Slovaquie,
République
tchèque,
Roumanie, Bulgarie, Finlande, Lituanie, Lettonie, Croatie, Malte,
Slovénie
Source : Rapporteurs.
23
La TVA ne
touche pas alors les petits commerçants, si bien que le mouvement poujadiste n’est pas concerné par
la réforme.
24
N. Delalande, A. Spire,
Histoire sociale de l’impôt
, 2010.
25
«
Ce poulet qui change de taux selon qu’il est cru ou cuit
», Rapport de la commission de simplification de la TVA,
octobre 1969.
26
Du fait de difficultés techniques, la Grèce a demandé un délai pour l’instauration d’un système de TVA, qui n’a été
mis en
place dans le pays qu’en 1987.
27
Y compris par la Hongrie, qui a mis en place cette réforme dès 1988, avant même de quitter les systèmes à
économie planifiée
; mais le pays ne connaissait alors pas de taxe sur le chiffre d’affaires.
28
En 2004, la Pologne a ainsi dû abroger et remplacer la « loi de TVA » de 1993 pour se conformer au droit
européen.
- 8 -
Certains pays ont décidé, dès l’introduction de cette taxe ou au fil des années, d’en moduler
l’application territoriale
pour prendre en considération les situations spécifiques de certaines
régions et améliorer leur attractivité fiscale (
cf.
encadré 4).
Encadré 4
: Les dérogations dans l’application territoriale de la TVA dans l’Union européenne
Une dizaine d
États membres
de l’Union européenne
ont obtenu des dérogations spécifiques sur
l’application territor
iale de la TVA pour leurs territoires ayant un statut particulier ou soumis à des
contraintes spécifiques. Ainsi à titre d’exemple
:
en
Finlande
, les îles Åland
, province finlandaise autonome, disposent d’un statut particulier et
la
TVA n’y est pas appliq
uée ;
en
Grèce
, le domaine de la communauté monastique du Mont Athos est, selon la Constitution
grecque, une partie autonomie de l’État grec. La TVA n’y est pas appliquée et les livraisons de
marchandises effectuées depuis le reste du pays vers le domaine du Mont Athos, ainsi que
l’importation de marchandises de l’étranger dans cette zone, ne sont pas soumis à la TVA
;
en
Espagne
, les îles Canaries, Ceuta et Melilla ne ressortent pas du champ d’application de la
directive TVA ;
en
Allemagne
, l’île d’Helgoland n’appartient pas au territoire douanier et fiscal allemand (et
a fortiori
européen) par héritage de l’époque britannique, donc n’applique pas de TVA, tandis que le
territoire de Büsingen se voit appliquer le droit fiscal suisse pour la TVA : le taux normal y est donc
de 7,7 %.
La révision de la directive TVA d’avril 2022
29
a précisé certaines dérogations, notamment en
Autriche
(taux normal réduit de 19 % dans les communes de Jungholz et de Mittelberg), au
Portugal
(Açores et
Madère) et en
Grèce
où une réduction de 30 % sur les taux nationaux est possible pour les biens et
services à destination des îles de Leros, Lesvos, Kos, Samos et Chios
30
, pour tenir compte des difficultés
rencontrées par ces îles en raison de l'augmentation des flux migratoires
qu’elles accueillent.
Au
Danemark,
les îles Féroé et le Groenland ne se voient pas appliquer la TVA.
En
France
, des dispositions spécifiques relatives à la TVA sont appliquées dans les départements et
régions d’Outre
-mer dans le cadre des dérogations permises au regard du droit européen, par leur statut
de régions ultrapériphériques (RUP). Les taux réduits appliqués en Corse ne font pas partie des
dérogations TVA prévues par les textes européens (
cf.
rapport particulier n° 1).
Source : Rapporteurs à partir des retours du réseau de la DG Trésor et des données de la Commission européenne.
1.1.2.
La TVA représente aujourd’hui une ressource fiscale majeure de la plupart des
États, composant en moyenne 1/5
e
des recettes au sein de l’Union
européenne
La TVA tient une place centrale et croissante dans les recettes fiscales des pays du
monde.
La TVA est d’abord un impôt de rendement qui permet de générer des ressources
fiscales significatives dans la plupart des pays où cet impôt existe, et en particulier au sein de
l’Union européenne.
Si la TVA continue à se développer dans le monde, ses rendements sont en général moins élevés
dans les pays en développement, bien que son poids dans les recettes publiques se soit accru
au cours des dernières années (
cf.
graphique 1
). Ainsi, d’après les données du FMI, les recettes
de TVA ne représentent que 4,5 % du PIB en Afrique subsaharienne, a
lors qu’elles
représentent environ 7
% du PIB pour les pays de l’OCDE. Les recettes tirées de la TVA
apparaissent croissantes avec le niveau de développement : elles augmentent à mesure que
le
PIB par habitant augmente et que la part de l’agriculture dans
le PIB baisse
31
.
29
D
irective 2022/542 du Conseil de l'Union européenne, telle qu’adoptée le 5 avril 2022
, article 104 de la directive
TVA révisée.
30
Soit à 17%, au lieu de 24% ; à 9%, au lieu de 13% et à 4%, au lieu de 6%.
31
L. Ebrill, M. Keen, J-P Bodin, V. Summers,
The modern VAT
, Fonds monétaire international, 2001.
- 9 -
Graphique 1 : Revenus de TVA en pourcentage du PIB (moyenne non pondérée)
2000-2018
Source : Rapporteurs à partir des données du Fonds monétaire international (FMI).
Dans l’Union européenne, la TVA occupe une
place significative au sein des
prélèvements obligatoires des États
. Elle représente ainsi en moyenne 18 % des
prélèvements obligatoires des États membres
de l’Union européenne en 2021 et cette part va
de 15 % en Belgique à 37 % en Croatie. La part de la TVA dans les prélèvements obligatoires
est en augmentation dans la majorité des États membres
de l’UE par rapport à la
période 1995-
2004, à l’exception de l’Autriche, de la Belgique, de la Slovaquie, de l’Irlande et surtout de la
France (- 1,6 point de pourcentage).
Le poids de la TVA dans les prélèvements obligatoires des pays dépend d’une part de la
structure de la TVA (taux normal, importance des taux réduits et exonérations, effectivité du
recouvrement et de la lutte contre la fraude
cf. infra
) mai
s également de l’architecture plus
générale des prélèvements obligatoires.
En comparaison des autres États membres
de l’Union européenne, le poids de la TVA
dans les prélèvements obligatoires en France est un des plus faibles (15,7 %
32
).
La France
se situe ainsi au 24
e
rang de l’UE à 27 en termes de poids de la TVA dans les prélèvements
obligatoires et au 19
e
rang en termes de part dans le PIB (7,5 % du PIB en 2021). Cette faiblesse
relative s’explique notamment par un taux moyen pondéré de TVA plus faible
que dans les
autres pays européens,
lié notamment à un taux normal parmi les plus faibles de l’UE (20
%,
soit le 4
ème
taux normal le plus faible) et à une assiette taxée au taux standard plus restreinte
(65 % contre 71
% en moyenne dans l’UE
,
cf. infra
et graphique 7)
33
.
32
Données Eurostat 2021 publiées par la Commission européenne qui peuvent différer à la marge des comptabilités
nationales.
33
Note Trésor Eco,
La taxe sur la valeur ajoutée dans l’Union européenne
, 2015.
2,00
3,00
4,00
5,00
6,00
7,00
8,00
9,00
Pays à hauts revenus (hors OCDE)
Pays à hauts revenus (OCDE)
Pays à faibles revenus
Pays à revenus moyens inférieurs
Pays à revenus moyens supérieurs
Monde
- 10 -
Cette faiblesse relative de la TVA dans les prélèvements obligatoires en France peut également
s’expliquer par une part plus importante d’autres impôts et/ou cotisations sociales et se
retrouve aussi dans d’autres pays caractérisés par un niveau de prélèvements obligatoires
rapporté au PIB élevé comme le Danemark, la Suède ou la Belgique. Ainsi, en Suède et
au Danemark, qui o
nt des taux normaux de TVA parmi les plus élevés de l’UE (25
%), la part
des recettes de TVA dans les prélèvements obligatoires se situe seulement légèrement
au-dessus de
la moyenne européenne, ce qui s’explique dans ces pays par le poids important
de l’imposition des revenus
34
.
Graphique 2 : Rendement de TVA en % des prélèvements obligatoires en 2021
Source : Rapporteurs à partir des données Commission européenne.
En
proportion des
recettes
fiscales
seules,
hors contributions
sociales,
la TVA
représente 38
% en moyenne dans l’UE et environ 1/3 en France. Dans de nombreux États
européens, cette part est stable, voire en augmentation.
À titre d’
exemple, en Belgique, le
rendement de la TVA a été environ
de 33 Md€ en 2021
, soit une proportion stable de 28 % des
recettes fiscales totales (hors contributions sociales). En Finlande, les recettes de la TVA
en
2021 s’élevaient
quant à elles à 20 Md
et représentaient près de 30 % des recettes fiscales.
En Grèce, les recettes de TVA sont en constante augmentation depuis 2014, à l’exception de
l’année
2020 marquée par la crise sanitaire. La part des recettes de TVA dans les recettes nettes
du budget de l'État augmente ces dernières années et leur contribution au PIB suit également
une trajectoire ascendante. Au cours de la pandémie, en 2020 et 2021, ces pourcentages ont
légèrement reculé, restant cependant à plus de 30 % en ce qui concerne les recettes nettes du
budget de l'État.
34
65 % des prélèvements obligatoires au Danemark et 42 % en Suède contre 28 % en France et 30 % en Allemagne.
17,8
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Recettes de TVA (en % des prélèvements obligatoires)
Moyenne UE-27
- 11 -
En pourcentage du PIB, les recettes de TVA représentent en moyenne 8 % dans les États
membres
de l’
UE, allant de 4 % en Irlande à 13 % en Croatie.
Parmi les pays où cette part
est la plus forte se retrouvent les pays ayant un taux normal de TVA élevé, tels que la Croatie,
le Danemark et la Suède où les taux normaux sont de 25 %, la Finlande (24 %) et la Hongrie
(27 %) (
cf.
graphique 3). En revanche, dans les pays où la part de TVA dans le PIB est faible, la
corrélation avec le taux normal de TVA apparaît moins visible. En effet, quand bien même
certains pays disposeraie
nt de taux normaux de TVA élevés, supérieurs à la moyenne de l’UE,
la TVA peut y représenter une faible part dans la richesse nationale
: c’est le cas de l’Irlande,
par exemple, où le taux normal de TVA s’élève à 23
%, contre 21,5 % en moyen
ne dans l’Union,
mais où la part de TVA sur PIB est la plus faible de
l’UE
(3,4 %). De même, en Italie, où le taux
standard s’élève à 22
%, le ratio de TVA sur PIB est l’un des plus faibles de l’UE (6
%).
Graphique 3 : Rapport entre taux standard de TVA et rendement en % du PIB (données 2021)
Source : Rapporteurs à partir des données Eurostat.
Les États membres ayant
rejoint l’U
E après 2004 ont en moyenne des recettes publiques
plus dépendantes de la TVA que les États membres les plus anciens.
Ainsi, en Bulgarie,
Croatie, Hongrie, et Lettonie, la TVA représente le premier prélèvement obligatoire (recettes
fiscales et cotisations sociales confondues) en 2020. En Pologne, la TVA constitue le premier
poste de recettes fiscales du pays (hors cotisations sociales) et compte pour 44 % du total des
recettes
du budget général de l’État en
2021. Les autorités polonaises mettent en avant une
augmentation des recettes de TVA de 74 % entre 2015 et 2021, les recettes fiscales ayant
progressé en moyenne de 66 %, ce qui a permis de financer des programmes sociaux phares
du gouvernement
en matière de politique familiale ou d’extension des pensions
de retraite.
Les divergences entre États membres se sont accentuées alors que la part de la TVA dans les
recettes fiscales a augmenté plus vite sur la période 2015-2019 en moyenne dans les pays où
elle était déjà la plus élevée sur la période 1995-2004 (
cf.
graphique 4).
HR
DK
HU
BG
FI
SE
EE
CY
PT
PL
LV
LT
SI
EL
SK
AT
CZ
NL
FR
DE
BE
ES
MT
IT
RO
LU
IE
y = 0,36x + 0,37
R² = 0,27
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
26
28
Recettes de TVA (% du PIB)
Taux standard de TVA
- 12 -
Graphique 4
: Évolution de l’importance économique de la TVA dans les pays de l’UE
Source : Eurostat
* Pour SI (Slovénie) données 1999-2004 et pour HR (Croatie) données 1998-2004 au lieu de 1995-2004.
** Recettes fiscales totales et contributions sociales
Les rendements de TVA en valeur absolue sont en augmentation dans l’ensemble des
États membres
de l’UE depuis 2000 avec une inflexion notable en 2009 et en 2020
liée
aux crises économiques, illustrant ainsi le caractère procyclique de cet impôt
(
cf.
graphique 5).
En effet, les rendements de TVA sont par construction liés aux évolutions de la consommation.
En 2009, la baisse des recettes de TVA a été particulièrement sensible dans certains pays
fortement touchés par la crise économique. Ainsi, entre 2008 et 2009, les recettes de TVA ont
diminué de 30 % en Espagne, de 29 % en Roumanie, de 28 % en Lettonie et de 21 % en Irlande,
alors qu’elles avaient diminué de
7
% en moyenne au sein de l’UE.
À l’inve
rse, les baisses de rendement de TVA ont été plus uniformément diffuses en 2020, liées
aux confinements de la crise de Covid-19 et dans certains pays aux mesures de baisse de la TVA
(
cf. infra
). Ainsi, 19 États membres sur 27 ont connu des baisses de recettes de TVA en 2020.
Les recettes de TVA ont baissé de 7
% en moyenne dans l’UE
(- 69
Md€)
et les pays les touchés
par cette baisse ont été l’Irlande (
- 16 %), la Grèce (- 16 %) et la Croatie (- 15 %). Ces deux
baisses de recettes de TVA liées aux crises économiques de 2009 et 2020 ont eu une ampleur
plus faible en France (- 5 % en 2009 et
7 % en 2020).
% du budget de l’État
% des prélèvements
obligatoires**
- 13 -
Graphique 5 : Évolution des rendements de TVA en Md
€ entre 200
7 et 2020
Source : Eurostat.
Outre son importance dans les recettes publiques des États membres, la TVA constitue
une ressource propre de l’Union européenne représentant en moyenne 10
% du budget
de l’UE.
Celle-ci est toutefois en forte décroissance par rapport à son niveau des années 1980
et 1990. En 1986, la ressource propre TVA atteignait son niveau le plus élevé et
représentait 2/3
des
ressources
de
l’UE,
contre
7
%
seulement
en
2021.
Dans
les vingt dernières années, la TVA a perdu son rôle de première source de recettes du budget
de l’Union à mesure que d’autres ressources propres montaient en puissance, en particulier la
recette fondée sur le revenu national brut (« ressource RNB »)
35
.
1.1.3.
Depuis une vingtaine d’années, plusieurs pays européens dont la France ont
choisi d’affecter une part
de TVA à certaines dépenses de protection sociale ou à
des collectivités
Ressource principale des États, la TVA peut être vue comme une source de financement
dite « affectée » aux collectivités territoriales ou pour certaines dépenses spécifiques,
comme en
France depuis une trentaine d’années.
D
ans la majorité des États européens, la question de l’affectation ne se pose pas.
Au
Royaume-Uni, la
devolution
36
n’a pas conduit à des réflexions sur des sources de financement
partagées, pour la TVA, aux trois parlements bénéficiant de la dévolution. Le fonctionnement
des pays nordiques repose sur une grande fiscalisation des dépenses sociales et exclut toute
forme de fléchage ou d’affectation. De ce fait, la majeure partie des pays européens n’affectent
pas la TVA (
cf.
tableau 2).
35
La part de la « ressource RNB
» dans le budget de l’Union est passée de
41 % en 2000 à 72 % en 2020.
36
Organisation britannique des pouvoirs : le Parlement du Royaume-Uni a « dévolu », à différents degrés, une forme
d’autonomie aux parlements écossais, gallois et nord
-irlandais. Il ne
s’agit toutefois pas d’une forme de fédéralisme,
puisque la réalité du pouvoir réside en dernier ressort au sein du pouvoir central et de la monarchie.
932
760
500
600
700
800
900
1 000
1 100
2007 2008 2009 2010 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Union européenne
Zone euro
- 14 -
Tableau 2
: Règle d’affectation de la TVA dans les principaux pays européens
(2022)
Type
d’affectation
Pays
Pas d’affectation
Finlande, Suède, Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Grèce, Lettonie,
Pologne
Dépenses de sécurité
sociale
Italie
Belgique, France
Collectivités territoriales
Allemagne, Roumanie, Espagne
Source : Rapporteurs.
Toutefois, e
n tant qu’impôt au rendement
dynamique, la TVA fait traditionnellement
partie des sources de financement des collectivités territoriales pour les États de type
fédéral ou assimilé.
En Allemagne, la place de la TVA au sein du
Finanzausgleich
37
est établie de longue date : les
articles 106 et 107 de la Loi fondamentale (
Grundgesetz
) précisent les règles générales de
distribution de la TVA. En 2021, son rendement était ainsi réparti entre les trois échelons,
fédéral (45,1 %), régional (51,2 %) et communal (3,7 %). Ces proportions voient depuis
quelques années la part fédérale devenir inférieure à la part des
Länder
(
cf
. graphique 6).
Encadré 5 :
La TVA au cœur de la péréquation financière allemande
L’organisation administrative allemande diffère significativement de la France. Les trois niveaux
administratifs, central (
Bund
), États fédérés (
Länder
), communal (
Gemeinde
), reposent sur une
autonomie à valeur constitutionnelle, de nature notamment budgétaire et financière, des régions
vis-à-
vis de l’État central. À côté des impôts relevant exclusive
ment des différents échelons
38
existent
des impôts « communs » répartis selon les besoins relatifs de chaque niveau administratif, soit de
manière forfaitaire, comme pour l’impôt sur le revenu
39
, soit selon le « mécanisme de péréquation ».
Ce dernier repose sur une répartition à la fois verticale (entre les trois niveaux) et horizontale (entre
les seize
Länder
) et un rééquilibrage, ou péréquation, entre les Länder les mieux dotés et les moins
dotés, étant entendu que le
Bund
peut attribuer des ressources supplémentaires à ces derniers. Ce
mécanisme a été revu et simplifié en 2020, bien que la base de calcul restât la capacité financière d’un
Land
relativement à sa population. Par ailleurs, la baisse temporaire de TVA (taux normal et taux
réduit) au deuxième semestre 2020 a représenté une perte de recette pour les
Länder
et les
Gemeinde
,
qui a été compensée par l’échelon fédéral.
Seul impôt « commun
» soumis au calcul de la péréquation pour la répartition, la TVA est donc au cœur
du pacte territorial allemand. En 2021, cinq
Länder
percevaient moins de TVA que le calcul de leurs
ressources avant péréquation
40
, et onze régions faisaient partie des «
Länder
-receveurs » (
Empfänger-
Länder
)
41
.
Source : Rapporteurs à partir des données du Bundesministerium für Finanzen et du service économique régional de
Berlin.
37
Il s’agit de la péréquation financière allemande, de valeur constitutionnelle.
38
Les droits d’accise
pour le
Bund
, les droits de succession pour les
Länder
, les impôts fonciers pour les
Gemeinde
par exemple.
39
15% du rendement revient aux communes, 42,5% au
Bund
et 42,5% aux
Länder
.
40
Bavière, Bade-Wurtemberg, Hessen, Rhénanie-Palatinat, Hambourg.
41
Berlin, Saxe, Saxe-Anhalt, Basse-Saxe, Thuringe, Brandebourg, Mecklembourg-Poméranie, Brème, Sarre,
Schleswig-Holstein, Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
- 15 -
En Espagne, la TVA fait partie des « impôts partagés
», perçus par l’État central et reversés en
partie aux « communautés autonomes »
42
. La moitié du total de la TVA, contre 35% jusqu’à la
réforme de 2009, est ainsi affectée aux régions espagnoles
43
, qui n’ont, contrairement à l’impôt
sur le revenu ou aux droits d’accise pesant sur les hydrocarbures, aucune capacité normative
sur les taux. La répartition est réalisée selon la consommation effective dans la région, ce qui
conduit actuellement à des débats sur une plus grande équité dans la répartition du produit de
l’impôt.
Depuis une vingtaine d’années, on note que la TVA est de plus en plus utilisée comme
source de financement compensant la suppression de taxes affectées ou
ad hoc
,
notamment pour assurer des dépenses de protection sociale.
En Italie, la TVA répond à une règle d’affectation effective en 2001. Par «
décret législatif »
du 18 février 2000
44
, la suppression de certaines taxes locales est compensée par le transfert
d’une partie de TVA aux régions, appelé
compartecipazione regionale all’IVA
,
ou
« coparticipation régionale à la TVA ». Cette affectation est toutefois entièrement dédiée au
financement des dépenses de santé, assumées en Italie par l’échelon rég
ional
45
. La part de TVA
affectée, de 38,6 % la première année, atteint en 2021 plus de deux tiers (70,1 %
46
).
En Belgique, la quasi-intégralité des ressources de la TVA est affectée, dans une proportion
toutefois variable selon les années
47
. En 2021, 17,8 Md€
, soit 53 % du rendement de la TVA,
étaient
attribués
aux
communautés
(flamande,
francophone
et
germanophone),
contre 15
Md€ pour la sécurité sociale
48
soit 47 % du rendement.
L’analyse de l’évolution de la part de TVA affectée dans ces différents pays démontre
ainsi
que la dynamique d’affectation en France est à replacer dans un mouvement
partagé au niveau européen
. Alors même que la TVA ne faisait pas l’objet d’une affectation
en Espagne et en Italie au début du siècle, plus de la moitié du rendement sert aujourd’hui à
financer les collectivités territoriales. En Allemagne, la part revenant au
Bund
est inférieure à
la moitié du produit de la TVA depuis 2017, témoignant d’une in
version du rapport qui
prévalait jusque-
là. La tendance croissante à l’affectation de TVA en France n’est donc pas
isolée en Europe.
42
Comunidades autónomas
, ou CC.AA.
43
Dans les faits, à quinze communautés autonomes sur les dix-sept : le Pays basque et la Rioja ne sont pas concernés
car ils disposent d’une plus forte autonomie fiscale.
44
Décret législatif
n°56 du 18 février 2000.
45
En pratique, la part de TVA ainsi affectée abonde le
Fondo perequativo per il finanziamento della sanità
(Fonds de
péréquation pour le financement de la santé).
46
Décret présidentiel
du 10 décembre 2022.
47
D’après le
site
du
ministère belge des finances (consulté en novembre 2022)
.
48
Une partie très réduite de la TVA finance également des opérateurs comme l’APETRA, gérant les réserves
stratégiques de pétrole belge, et le CREG, régulateur de l’énergie.
- 16 -
Graphique 6
: Évolution de la part de TVA affectée dans quelques pays qui disposent d’une
affectation (2000-2021), en % du rendement de la TVA
Source : Rapporteurs
d’après données en ligne sur les sites des ministères des finances nationaux.
1.2.
Bien que semblables,
voire harmonisés à l’échelle européenne, les
systèmes de TVA diffèrent par l’architecture des taux
Comparer les pays selon le rendement de la TVA en chiffres absolus ou le niveau du taux normal
ne suffit pas à rendre compte des divergences nettes qui existent entre les structures fiscales.
L’étude approfondie de certains déterminants des systèmes de TVA, tels que les taux réduits et
les exonérations, permet de calculer des « taux effectifs » ainsi que des « taux moyens
théoriques » qui traduisent des différences significatives entre les pays.
1.2.1.
Une convergence dans les pratiques des systèmes de TVA a accompagné sa
généralisation, en particulier en Europe
1.2.1.1.
L’OCDE a développé des principes directeurs pour généraliser les bonnes pratiques
et
améliorer
la
coordination
des
systèmes
de
TVA
pour
les
échanges
internationaux
Au vu de la diffusion de la TVA, une volonté de convergence des pratiques s’est faite jour
.
Les Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS
49
sont à cet égard un ensemble
d'approches recommandées
par l’OCDE
en vue de résoudre les problèmes issus de l'absence
de coordination des systèmes de TVA nationaux dans le contexte du commerce international.
Adoptés en tant que Recommandation du Conseil de l'OCDE en septembre 2016
, ils
ne
proposent pas d
instructions détaillées pour élaborer des législations nationales, mais
fournissent plutôt des orientations destinées à assurer une application cohérente des régimes
nationaux de TVA/TPS aux échanges internationaux.
L’objectif principal
est de limiter les
incohérences entre les systèmes et de réduire les risques de double imposition et
d’absence volontaire d’imposition dans le commerce international
.
49
OCDE,
Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS
, 2017.
Allemagne
Espagne
Belgique
Italie
France
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
- 17 -
S’agissant de la neutralité de l’impôt
50
, les Principes visent notamment à assurer que la TVA ne
constitue pas le principal facteur influençant les décisions des entreprises, que les entreprises
étrangères ne soient ni pénalisées ni avantagées par rapport aux entreprises de la juridiction
dans laquelle cet impôt est dû ou acquitté, ou encore que les entreprises ne soient pas soumises
à une charge administrative «
disproportionnée ou injustifiée
». Pour la détermination du lieu
d’imposition des échanges internationaux de services et de biens incorporels, huit Principes
sont également définis
51
, tel que le principe de
l’application des impôts sur la consommation
pour les échanges internationaux de services et de biens incorporels, qui doivent être imposés
selon les règles en vigueur dans la juridiction de consommation.
1.2.1.2.
Au niveau européen, les systèm
es de TVA sont aujourd’hui largement harmonisés
La construction européenne est allée de pair avec une harmonisation, très avancée
quoiqu’
inaboutie, en matière de TVA
. Les premières directives dites « TVA » (1967) ont
conduit au remplacement des diverses
taxes appliquées jusqu’alors à la production et à la
consommation par cet outil, qui a vu son assiette harmonisée par la « sixième directive » TVA
de 1977. Les taux ont connu une convergence notamment à partir de la directive « taux »
de 1992, encadrant le taux normal (compris entre 15 et 25 %), le recours aux taux réduits (un
ou deux, supérieurs à 5 %, et correspondant à des secteurs et biens énumérés en annexe), tout
en accordant des « clauses de gel » aux États membres appliquant jusque-
là d’autres taux
52
.
La directive TVA du 28 novembre 2006, sous l’empire de laquelle se situent
actuellement les pays européens, encadre davantage les règles régissant la TVA
, qu’il
s’agisse de son champ d’application, de sa territorialité, de son assiette, ou encore des rè
gles
relatives à son exigibilité ou à sa déduction. Elle a été révisée à plusieurs reprises
53
.
La dernière révision, du 5 avril 2022 (
cf
. rapport particulier n° 1), accroît les marges de
manœuvre nationales
en élargissant la liste des taux réduits permis p
ar l’annexe III, tout en
limitant le nombre d’items pouvant être sélectionnés pour de telles dérogations
:
les taux
réduits pratiqués ne peuvent couvrir que 24 points pour le taux réduit et 7 points au
total pour le taux super-réduit ; les États membres doivent faire part à la Commission
européenne de leurs souhaits d’utilisation d’ici la fin de l’année 2023
. La prise en compte
notamment des considérations environnementales réduit également le champ possible de
telles dépenses fiscales
: à l’horizon 2030/20
32,
il ne sera ainsi plus possible d’appliquer des
taux réduits de TVA sur les énergies carbonées comme le bois de chauffage ou le gaz naturel.
1.2.2.
Toutefois, les structures fiscales se distinguent non pas tant par le niveau des
taux normaux, généralement élev
é, que par l’utilisation des taux réduits et des
exonérations
1.2.2.1.
Les pays européens se distinguent par des taux normaux généralement plus élevés
que les autres pays
mais une assiette plus restreinte et minée par l’existence de
taux réduits
La convergence des
principes appliqués à la TVA n’est pas allée de pair avec une
convergence dans l’architecture des taux et l’existence d’exonérations
, par lesquels les
différents États se distinguent principalement.
50
Le concept de neutralité de la TVA désigne
notamment l’absence de discrimination et l’élimination des charges
fiscales indues et des coûts administratifs excessifs pour les entreprises.
51
OCDE,
Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS
, 2017.
52
Cas du « taux super-réduit » de 2,1 % en France, des « taux zéro » au Royaume-Uni.
53
Par exemple en 2018 par la directive n° 2018/1713 du Conseil du 6 novembre 2018, en ce qui concerne les taux
de TVA appliqués aux livres, journaux et périodiques.
- 18 -
De manière schématique, deux types de pays peuvent être distingués
s’agissant de la structure
de la TVA
54
:
les pays à « TVA européenne », ayant instauré un système fondé sur le modèle français
et européen, qui se caractérise par l’existence de plusieurs taux réduits limitant ainsi la
base taxée au taux standard ;
les pays à « TVA moderne », ayant une base taxable plus large mais en général un taux
standard plus faible et peu ou pas de taux réduits, à l’instar, au sein de l’OCDE, de
l’Australie, du Canada, de la Corée et de la Nouvelle
-Zélande. Les pays en développement
semblent avoir principalement choisi ce système à taux unique, tels que 14 sur
les 21 pays africains ayant adopté la TVA entre 1990 et 1999.
L’analyse de l’évolution historique des taux normaux de TVA ne permet
toutefois pas
d’établir un lien entre
leur niveau actuel
et l’antériorité des systèmes d’imposition
. Des
taux relativement élevés (égaux ou supérieurs à 20 %) existent ainsi dans des États récents à
l’échelle de l’histoire de la TVA, comme en Russie (1991), au Pérou (1991) et en Algérie (1992
),
tandis que l’Équateur (1970), le Panama (1977) et la Corée (1977) disposent de taux normaux
inférieurs ou égaux à 12 %.
Carte 2 : Les taux standards de TVA dans le monde (2022)
55
Source : Rapporteurs à partir des données FMI.
54
Distinction reprise, actualisée et modifiée, d’après L.
Ebrill, M. Keen, J.-P. Bodin, and V. Summers,
The Modern VAT
,
FMI, 2001 ; et A. Charlet et J. Owens,
An international perspective on VAT
, 2010.
55
Pour les pays fédéraux qui appliquent des taux de TVA différents selon les États comme au Brésil, c’est le taux
généralement appliqué qui a été
retenu. Un taux standard affiché ici à zéro correspond à l’absence de TVA (comme
aux États-Unis par exemple).
- 19 -
Dans l’Union européenne, des États «
anciens » disposent de taux normaux inférieurs à la
moyenne européenne (Allemagne, France) tandis que des États aux systèmes plus « récents »
présentent des niveaux significativement plus élevés (Pologne, Hongrie, Croatie).
Carte 3
: Le niveau des taux standards dans l’Union européenne (2022)
Source : Rapporteurs à partir des données de la Commission européenne.
1.2.2.2.
Les groupes d’États se distinguent entre eux par le recours aux taux réduits et aux
exonérations
1.2.2.2.1.
Le choix des taux réduits résulte d’une sédimentation historique et de considérations
éminemment politiques
Si le niveau du taux normal n’est pas un élément significatif de différenciation, le
nombre de taux réduits ou le niveau des exonérations
56
représentent une césure plus
marquée, corrélée à l’ancienneté du système
. À l’exception du Danemark, premier pays
en Europe à avoir instauré une TVA intégrale, et qui ne possède pourtant aucun taux réduit
(
cf.
encadré 6), les États européens au système le plus ancien sont aussi les États ayant adopté
le plus de taux réduits : les quatre États européens aux taux réduits les plus nombreux (Irlande,
Italie, Luxembourg, France) ont instauré leur TVA avant 1975.
Les systèmes de TVA dans les États membres
de l’Union sont globalement stables dans
la plupart des pays à l’exception de l’Irlande, de l’Italie et de la France.
L’Irlande est le
pays euro
péen qui a opéré le plus de modifications de l’architecture de son système de TVA
avec 35
modifications du taux normal ou des taux réduits depuis 1972, suivi par l’Italie
(22
modifications depuis l’introduction de la TVA dans le pays en 1973) et la France
(20 modifications depuis 1968 avec en moyenne un changement de taux réduit ou normal tous
les deux ans et une stabilisation depuis 2014).
En Allemagne, le taux normal a
connu huit
hausses entre l’introduction de la TVA en 1968 et
2007, passant progressivement
de 10 % à 19 %.
56
L’OCDE parle généralement d’exemptions, mais le terme d’exonération est juridiquement plus précis (
cf
. rapport
particulier n° 1).
- 20 -
Dans les pays visités par les rapporteurs
, l’adoption de nouveaux taux réduits de TVA
n’
est pas soumise à une procédure législative spécifique, et les évaluations préalables
sont inégales.
Peu de pays disposent d’évaluations systématiques préalables à l’application
d’un taux réduit de TVA à une nouvelle catégorie de produit et cette décision s’avère souvent
être le reflet de demandes sectorielles.
Dans la plupart des pays étudiés, un ou plusieurs taux réduits ont été introduits au moment de
la création de la TVA, même s’ils ont parfois connu une augmentation depuis
lors
. C’est le cas
de l’Allemagne où un taux réduit de
5 % a été introduit dès 1968 au moment de la création de
la TVA.
En général, la volonté d’introduire des taux réduits s’est d’abord inscrite dans des
considérations politiques
, notamment le souci d’alléger la TVA sur les biens et services qui
représentent une part importante de la consommation des ménages les plus pauvres afin
d’éviter un éventuel caractère r
égressif de la TVA (
cf. infra
) : le taux réduit de 6 % sur
l’alimentation en Suède ou le nombre significatif de taux zéro
(TVA à 0 %) au Royaume-Uni
résultent de cette approche.
Encadré 6 : Le Danemark et les taux réduits
D’après
l’OCDE, le Danemark applique deux taux réduits
: un taux à 5 % sur la «
première vente d’œuvres
d’art estimées à plus de 300
000 couronnes danoises [40
000 € au 31 décembre 2020]
»
57
, et un taux
zéro sur les journaux et périodiques. Pour
l’administration d
anoise, cette assertion est sujette à caution.
Tout d’abord, le traitement particulier des œuvres d’art s’apparente en réalité à une réduction de base
58
:
la première vente d’une œuvre d’art est exonérée de TVA si elle ne dépasse pas un certain montant
; au-
dessus, l’œuvre est taxée au taux de 25
%, sur 20 % de la base taxable seulement. Le taux effectif est
donc bien de 5
%, sans qu’il s’agisse à proprement parler d’un taux réduit.
Pour
la livraison des journaux et périodiques, le Danemark considère qu’il
s’agit d’une «
exemption (ou
exonération) avec droit de déduction », au même titre que les livraisons intracommunautaires ou que
l’exonération sur le carburant des aéronefs
59
. S’il n’existe pas en théorie de différence entre un taux zéro
et une exonération avec droit à déduction, puisque dans les deux cas le vendeur ou le prestataire de
service peut déduire la taxe dont il s’est précédemment acquitté, le Danemark fait cette distinction
60
,
d’ailleurs utilisée également par la Commission européenne
61
.
L’adminis
tration, les fédérations professionnelles comme les responsables politiques se refusent au
Danemark à suivre l’exemple de la Suède
62
et à introduire des taux réduits. Trois arguments sont
utilisés
: d’une part
, la volonté de conserver un système simple et lisible
63
; d’autre part
,
l’incapacité à
donner une réalité aux taux réduits dès lors qu’ils fondent des distinctions reposant sur des jugements
de valeur
64
; enfin, la difficulté à supprimer les taux réduits une fois qu’ils ont été mis en place.
Source : Rapporteurs.
57
OCDE,
Tendances des impôts sur la consommation
, 2020.
58
Comme le relève d’ailleurs l’OCDE.
59
Elles font l’objet du §34 du code de la TVA (
Momsloven
) danois.
60
Dans les faits, les textes de communication de l’administration danoise évoquent de plus en plus le «
taux zéro »
(
nulmoms
) ;
cf
. les décisions du conseil des impôts danois (
Skatterådet
) concernant
certaines publications
.
61
Sur
le site internet
de la DG Taxud (consulté en novembre 2022), la distinction entre taux zéro et « exonération
avec droit à déduction » est faite : «
Ces opérations exonérées sont parfois appelées « opérations à taux zéro », car
aucune TVA résiduelle n’est comprise dans le prix final. Toutefois, il est important de distinguer ces opérations, qui
correspondent plutôt à des « exonérations avec droit à déduction », des « véritables » opérations à taux zéro. Ces
dernières sont des opérations portant sur des catégories de biens ou de services auxquelles certains pays de l'UE sont
encore autorisés à appliquer un taux réduit nul. Cela signifie que le prix final facturé au consommateur ne comprend
aucune TVA, mais aussi que la TVA payée sur les intrants nécessaires à la production des livres est déductible, de sorte
qu’il n’existe pas de TVA résiduelle (ou «
cachée ») dans le prix final
. »
62
La Suède a instauré des taux réduits de TVA en 1992.
63
Argument utilisé
par l’administration danoise en 2021
pour répondre à la proposition d’instaurer un taux réduit
sur les activités de réparation.
64
Si des propositions de taux réduits portant sur la « nourriture saine » ont par exemple déjà été portées au
Danemark, l’administration se refuse à définir ce que recoupe cette expression.
- 21 -
A contrario
, les États ayant mis plus récemment en place un système de TVA ont en
général peu recours aux taux réduits et font partie des pays du « deuxième groupe »
. Au
sein de l’OCDE, l’Australie dispose d’une TVA depuis 2000 avec un seul taux
réduit, à zéro, sur
l’alimentation et des secteurs qui ressortent, en Europe, du champ des exonérations sans droit
à déduction (santé, éducation, services postaux etc.), comme la Nouvelle-Zélande où cette
imposition apparaît en 1986, soit vingt ans après les premières directives européennes.
Le
Chili, Israël et la Corée, où la TVA existe certes depuis le milieu des années 1970, n’ont pas
de taux réduit.
L’appréciation que portait en 2001 le Conseil des impôts
65
, selon laquelle
le « nombre de taux en vigueur est en moyenne plus élevé dans les pays où la TVA est
ancienne (typiquement les États membres de l’Union européenne) que dans ceux où elle
a été adoptée récemment »
66
, est ainsi toujours valide.
Fait notable, une dynamique semble toutefois se faire jour au sein du « deuxième
groupe » avec
l’augmentation du taux normal de TVA
et
l’adoption de taux réduits
. La
Nouvelle-Zélande a ainsi fait passer le taux standard de 12,5 % à 15 % en 2011. Au Japon, le
taux normal est passé de manière inattendue
67
de 5 à 8 % en avril 2014, puis à 10 % en
octobre 2019
68
, tandis que le taux réduit, apparu en 2019, s’élève à 8
%. Cette dynamique ne
modifie pas,
pour l’heure
, la typologie entre les deux groupes identifiés.
Le recours fréquent et généralisé aux taux réduits est un élément important de
complexité des systèmes fiscaux
. Les administrations ne disposent pas toujours d’un
historique précis concernant les arguments ayant motivé l’adoption d’une dérogation. Cet
« héritage
» des taux conduit d’ailleurs à des difficultés dans l’atteinte de l’objectif de
simplification du système fiscal (
cf
.
infra
). De manière plus caricaturale, l’existence de
nombreux taux réduits mène à des situations qualifiées d’absurdes (
cf
.
encadré 7), ce qui
démontre que la rationalité économique derrière l’application de taux réduits est souvent
absente,
certains
responsables
administratifs
évoquant
ouvertement
le
poids
des
représentants d’in
térêts
69
.
65
Transformé en Conseil des prélèvements obligatoires avec des attributions élargies aux termes de la loi n° 2005-
358 du 20 avril 2005.
66
Conseil des impôts,
La taxe sur la valeur ajoutée
, XIXe rapport au président de la République, juin 2001.
67
Le premier ministre Shinzo Abe a annoncé l’augmentation en octobre 2013, soit six mois avant l’entrée en vigueur
de la réforme.
68
Cette entrée en vigueur était prévue en 2015 et a été repoussée deux fois.
69
D’après le porte
-parole du ministère des finances allemand au début des années 2000, les taux réduits ne suivent
« aucune logique, mais sont plutôt le résultat de la pression des intérêts privés » (Die Welt,
Warum Esel teurer sind
als Maulesel
, 13 novembre 2007).
- 22 -
Encadré 7 : Les incongruités de certains taux réduits de TVA
L’existence de taux réduits nombreux sur des catégories de biens ou de services parfois très précises
et
proches, conduit parfois à des difficultés, voire des absurdités,
dans l’application des systèmes de TVA
qui suscitent moqueries ou commentaires amusés de la part des consommateurs ou des experts.
Les rapporteurs ont pu recenser quelques-unes de ces applications incongrues. En
Allemagne
, l’âne
(
Esel
) est soumis au taux normal, pas le bardot (
Maulesel
), et le lait n’est pas taxé de la même manière
selon qu’il provient de plantes (
Pflanzmilch
) ou d’animaux (
Kuhmilch
). En
Suède,
comme dans d’autres
États qui appliquent un taux réduit sur la nourriture (pour les êtres humains), les produits
d’alimentation des animaux de compagnie relèvent du taux normal
lorsqu’ils sont vendus dans des
animaleries
, y compris lorsqu’il s’agit de produits propres à la consommation humaine,
mêmes produits
taxés moins chers dans les supermarchés, au taux réduit de 6%.
Au
Royaume-Uni
, les différences de traitement entre produits similaires ont pu prendre une tournure
comique. La taxation de
chips
a fait l’objet d’un contentieux puisque
, alors que
l’alimentation répond
normalement au taux zéro, les produits à partir de pommes de terre font partie des rares exceptions et
sont soumis au taux normal
: tandis qu’une
High Court
avait considéré, avec les plaignants, que le produit
d’une marque de
chips
, contenant 42 % de pommes de terre, soit moins de la moitié de la composition,
ne pouvait alors qu’être soumis au taux zéro, la
Court of Appeal
a jugé en appel qu’il y avait
« suffisamment »
de pommes de terre pour considérer de manière raisonnable qu’il de
vait relever du
taux normal
70
.
Le cas célère du «
Jaffa cake
», où la taxation conduisait à un prix différent selon que le produit était
considéré comme un gâteau (
cake
) ou un biscuit (ce dernier étant taxé au taux normal), est allé devant
la Cour de justic
e de l’Union européenne
(CJUE),
s’agissant du remboursement que demandait la marque
produisant le produit à
l’administration fiscale britannique
71
.
Des curiosités similaires existent dans la législation française. Ainsi, la vente de taureaux de combat
accompagnée de la fourniture de spectacle taurin (toreros et membre de la troupe, chevaux, transport,
etc.) constitue une prestation unique relevant du taux normal de TVA. En revanche, en application du 3°
de l'article 278 bis du CGI, la vente à la boucherie de taureaux morts au combat est soumise au taux de
10 % dès lors qu'ils sont destinés à la consommation humaine.
Source : Rapporteurs.
Au total, au sein de l’Union européenne, la France se caractérise par une assiette taxée
au taux normal relativement réduite (65
% de l’assiette totale
, contre 82 % en
Allemagne, 76 % en Suède et 71
% en moyenne dans l’Union européenne
). La France se situe
ainsi au 19
ème
rang de l’UE en 2019 (
cf.
graphique 7).
70
Court of Appeal,
HMRC v Procter & Gamble UK
, EWCA Civ 407, 2009.
71
CJUE, C-309/06 (Marks & Spencer), 2008.
- 23 -
Graphique 7 : Part de la base taxable soumise au taux standard ou à un taux réduit (2019)
Source : DIW Econ à partir des données obtenues de la DG BUDG (Commission européenne).
1.2.2.2.2.
Les structures fiscales se distinguent également par les exonérations de TVA, qui
peuvent différer d’un pays à l’autre et être à l’origine de
distorsions économiques
Le nombr
e et l’ampleur des exonérations diffèrent également entre États
. Les
exonérations courantes relevées par l’OCDE recoupent
les domaines suivants : les services
postaux ; le transport de personnes malades ou blessées ; les soins médicaux et hospitaliers ;
le sang, les tissus et organes humains ; les soins dentaires ; les
œuvres de bienfaisance ;
l’
enseignement ; les activités non commerciales des organismes agissant sans but lucratif ; les
services sportifs ; les services culturels ;
l’
assurance et la réassurance ;la
location d’immeubles
;
les services financiers ; les paris, jeux et loteries ; la vente de terrains et de bâtiments ; certaines
collectes de fonds. Elles ne concernent pas tous les pays : les services postaux peuvent être
taxés (en Australie ou au
Japon par exemple), comme les services d’assurance (au Mexique ou
en Turquie).
Au niveau européen, les exonérations sont définies dans la directive TVA
(
cf
. rapport
particulier n°
1), qu’elles soient avec perte du droit à déduction, comme les activités
im
mobilières et financières, ou qu’elles soient avec maintien du droit à déduction, le cas
classique étant celui des exportations de biens ou services.
Ces exonérations peuvent provoquer des distorsions économiques
. Elles augmentent la
complexité du système de TVA et rendent plus difficile le recouvrement par
l’administration
fiscale (
cf
.
infra
). Elles provoquent des effets indésirables dans certains secteurs :
l’exonération
des secteurs de l’éducation et de la santé peut freiner les investissements pour les
écoles et les
hôpitaux. En Suède, les exonérations
sur l’immobilier sont considérées comme un facteur
aggravant de la crise du logement qui traverse le pays
72
.
De ce fait, de nombreux projets d’élargissement de la base sont régulièrement lancés
(
cf
.
infra
).
Il est par exemple proposé d’inclure les dépenses des administrations locales dans
la base taxable de la TVA, comme en Nouvelle-Zélande, pour éviter les effets pervers
d’augmentation des taxes locales auxquels peut conduire l’exonération de TVA pour ces
activités
73
.
72
Svenskt Näringsliv, “
Reformera den svenska momsbasen
”, 2019.
73
European Policy Information Center,
How the local government VAT exemption promotes tax increases in the
EU
, 2016.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Danemark
Bulgarie
Estonie
Lituanie
Slovaquie
Lettonie
Allemagne
Roumanie
Suède
Portugal
Hongrie
Autriche
Finlande
Malte
Luxembourg
Pays-Bas
Croatie
Belgique
France
Rep. Tchèque
Slovénie
Pologne
Grèce
Irlande
Chypre
Italie
Espagne
EU-27
Taux standard
Taux réduit
- 24 -
Concernant plus spécifiquement les services financiers, des réflexions sont en cours au
niveau européen pour les assujettir à la TVA, leur permettant ainsi de pouvoir la déduire
de leurs intrants, dans un contexte de compétitivité post-Brexit.
En effet, certains services
financiers sont exonérés en vertu de l’article 135 de la directive TVA et ce, depuis 1977
(
cf.
rapport particulier n°1). Une première proposition de réforme de ce statut avait été
formulée par la Commission européenne en 2008
mais n’avait pas abouti. Dans le cadre du plan
d’action en faveur d’une fiscalité équitable et simplifiée annoncé en juillet
2020, la mise à jour
des règles en matière de TVA applicables aux services financiers fait partie des 25 propositions.
La Commissio
n européenne indique qu’elle présentera une proposition législative «
visant à
modifier ces dispositions obsolètes
(…). La proposition devrait garantir des conditions de
concurrence égales au sein de l’Union et tenir compte de la compétitivité internationa
le des
entreprises de l’Union
. ». Si une consultation publique a été lancée à ce sujet, aucune proposition
législative n’a été formulée à ce stade.
En parallèle, des réflexions ont également cours au Royaume-Uni sur la réforme des
exonérations des services financiers post-
Brexit afin d’assurer une plus grande compétitivité à
ce secteur qui fournit la première source d’exportation de services du pays
74
. Dans le cadre du
budget 2020, le Trésor britannique (
HM Treasury
) a annoncé une révision du régime des fonds
britanniques (y compris la TVA) ainsi qu'une réflexion plus large sur l'avenir de la TVA
75
.
1.2.3.
Pour comparer les architectures fiscales, il est possible de recourir à une
approximation théorique fondée sur l’application différenciée des taux réduits
et exonérations, pondérée par la consommation
S’il est dès lors difficile de comparer en théorie les différentes architectures de TVA des
États, il est toutefois possible d
’estimer le taux qui,
après
l’application différenciée
d’exonération et de taux réduits, p
èse réellement sur la consommation.
La Commission
européenne calcule pour cela un « taux effectif » de TVA, qui équivaut au rapport entre le
montant théorique de TVA collecté (
VTTL
) et l’ensemble de la base taxable.
Ce « taux effectif »
peut différer significativement du taux standard de TVA
, la différence pouvant aller jusqu’à
plus de 10 points de pourcentage en Hongrie, en Espagne, en Italie ou en Finlande
(
cf
. graphique 8).
74
Office for National Statistics
International Trade in Services Survey.
75
Cette annonce figure dans la section 1.6 du budget intitulée «
A competitive tax environment
»
.
- 25 -
Graphique 8 : Écart entre taux standard de TVA et taux effectif
dans l’UE
(2020
76
, par ordre
croissant d’écart entre taux standard et taux effectif
, en %)
Source : Rapporteurs à partir des données Commission européenne.
L’écart entre le taux normal et le taux effectif illustre le poids des taux réduits et des
exonérations
qui réduisent l’assiette de la TVA. Bien qu’il soit un outil utile pour comparer les
structures fiscales, le taux effectif de TVA mêle plusieurs types de dépenses finales (des
ménages, mais aussi des entreprises et de l’administration) et
constitue donc une approche
estimative.
Pour s’attacher à comparer les structures fiscales sur une échelle
plus réduite, les
rapporteurs se sont reposés sur le calcul d’un
« taux moyen théorique » de TVA appliqué
à une consommation moyenne
. Les données Eurostat de « dépenses de consommation des
ménages par fonction de consommation », dites COICOP
77
, permettent de différencier les
postes de consommation dans l’Union européenne. À partir de ces données, on peut établir le
« panier
moyen
»
de
consommation
d’un
ménage
européen
(
cf.
graphique
9) pour
l’année
2019 : pour 100
€ dépensés, un ménage consacre en moyenne 22
€ pour le
logement, 12
€ pour les transports et 11
€ pour la culture et les loisirs.
76
Les dernières données disponibles de taux effectifs calculés par la Commission européenne datent de 2020
(source
:
VAT gap in the EU,
2022)
.
77
La classification des fonctions de consommation des ménages (
Classification of Individual Consumption by
Purpose
- COICOP) est une nomenclature internationale permettant de décomposer la consommation des ménages
par unité de besoin. Elle est une des nomenclatures « fonctionnelles » du système de comptabilité nationale (SCN).
Elle est utilisée tant pour la diffusion des indices de prix à la consommation (IPC) que pour l'enquête « Budget des
familles » et pour les comptes nationaux.
5
10
15
20
25
30
Taux standard de TVA 2020
Taux effectif de TVA 2020
Moyenne non pondérée TVA normal
Moyenne non pondérée taux effectif
- 26 -
Graphique 9 : Décompositi
on de la consommation moyenne d’un ménage européen (2019)
Source : Rapporteurs à partir de données Eurostat (COICOP).
Les données COICOP disposent d’une granularité suffisante pour distinguer, par exemple, les
dépenses de boissons et celles d’aliments so
lides (regroupées au sein du poste de
consommation « nourriture »), ou les équipements audiovisuels, les biens de loisirs, les
journaux et livres ou les dépenses de vacances en voyages organisés (au sein du poste « culture
et loisirs »).
En appliquant à ces sous-catégories de consommation les choix de taux
réduits ou
d’
exonérations
suivis par les États européens, il est donc possible d’estimer à
grands traits une TVA théorique pesant sur la consommation moyenne d’un ménage. Le
graphique suivant recense ces taux pour les principaux pays étudiés par les
rapporteurs.
Graphique 10 : « Taux moyens théoriques »
78
de TVA dans plusieurs États européens (2019)
(en %)
Source : Rapporteurs.
La comparaison entre ce « taux moyen théorique » calculé par les rapporteurs et le taux
effectif de TVA calculé par la Commission européenne
(
cf
. graphique 8)
démontre une
certaine cohérence
. Parmi les pays « focus », le Danemark dispose là encore du taux le plus
élevé (15,1 %), suivi par la
Suède. En revanche, le taux effectif de l’Italie est plus faible que
le
taux
allemand, ce qui n’est pas le cas pour le «
taux moyen théorique ».
78
Tels que calculés par les rapporteurs.
Logement
22%
Transport
12%
Culture et loisirs
11%
Nourriture
11%
Restaurants et
hôtels
8%
Fournitures
6%
Habits
6%
Santé
4%
Communications
4%
Alcool et cigarettes
3%
Éducation
1%
Autres services
12%
15
15
16
15
23
20
0
5
10
15
20
25
- 27 -
La méthode
d’estimation
permettant de calculer le « taux moyen théorique » souffre
toutefois de plusieurs biais
. Les données COICOP ne permettent pas d’obtenir de manière
assez fine les différentes catégories de consommation auxquelles s’appliqu
ent les taux réduits
de TVA
79
, obligeant ainsi, pour certains États, à appliquer théoriquement un seul taux à
plusieurs dépenses relativement semblables mais aux taux en réalité différents. Prendre la
consommation des ménages, qui n’est pas la seule assiett
e de la TVA (bien que la principale)
relève également du postulat. De plus, le choix de la consommation moyenne européenne est
contestable : il a tendance à gommer des disparités entre États dans les allocations des
dépenses, parfois significativement différentes.
S’il apparaît donc que ce
« taux moyen théorique » de TVA est nécessairement une
approximation, il n’en reste pas moins qu’il permet de comparer les systèmes fiscaux
de TVA
tels qu’appliqués théoriquement à la consommation des ménages. De manière
prédictible, le Danemark dispose du « taux moyen théorique » le plus élevé, à deux points de
moins que le taux nominal de 25 %,
ce qui s’explique
principalement par
l’absence de taux
réduits. De manière plus étonnante, on constate que ce taux en France (14,9 %) est le moins
élevé des pays étudiés, en-
dessous par exemple de l’Allemagne (15,4 %) dont le taux normal
est pourtant plus faible :
il illustre ainsi l’impact du nombre de dérogations et d’
exonérations
plus élevé en France qu’en
Allemagne.
1.3.
Les outils
disponibles permettant de comparer l’efficacité relative des
systèmes de TVA souffrent de biais méthodologiques
1.3.1.
Trois outils internationaux de comparaison de systèmes TVA existent mais
présentent tous des limites
Pour mesurer la performance du recouvrement de la TVA, les organisations
internationales ont établi trois « outils » principaux
: le ratio de recettes TVA (RRT)
développé par l’OCDE
; l’écart de TVA (
VAT gap
), par la Commission européenne ; et le
programme d’analyse de l’écart (RA
-GAP) appliqué à la TVA, développé par le FMI.
1.3.1.1.
OCDE : le ratio de recettes de TVA (RRT)
Compris entre 0 et 1, cet indicateur compare les recettes effectives d’un pays aux
recettes potentielles dans le cas où le système de TVA serait « complet »
, c’est
-à-dire où
tous les biens et services seraient taxés au taux normal et où le recouvrement serait de 100 %.
Ainsi, les estimations de RRT sont calculées de la façon suivante
80
:
𝑅𝑅𝑇 =
𝑅𝑇
(??𝐹 − 𝑅𝑇) ∗ 𝑡
où : RT = recettes de TVA réelles ; DCF = dépenses de consommation finale ; t = taux de TVA normal.
Ce chiffre donne alors une estimation globale des recettes de TVA non-perçues par un État,
découlant de choix de politique fiscale (taux réduits, exonérations
…) mais également d’erreurs,
d’évasion, d’évitement,
de fraude et
d’infractions de nature fiscale.
79
Elles ne permettent pas de savoir par exemple combien d’argent consacre un ménage «
moyen
» à l’achat de fleurs
coupées ou à l’entrée dans un zoo, qui font l’objet de taux réduits en Allemagne.
80
OCDE,
Tendances des impôts sur la consommation 2020 : TVA/TPS et droits d'accises
taux, tendances et questions
stratégiques
, 2021.
- 28 -
Graphique 11 : Ratio de recettes TVA (RRT) dans les pays membres
de l’OCDE, 201
8
Source : OCDE.
À l’échelle des pays
membres
de l’OCDE, le
RRT moyen non pondéré est estimé à 0,56
en 2018, ce qui signifie
, d’après cette méthode,
que 44 % des recettes théoriques
potentielles de TVA ne sont pas collectées
. Il existerait ainsi une marge significative
d’amélioration d’efficacité des systèmes fiscaux, tant dans l’architecture des taux que d
ans le
recouvrement des ressources.
Les estimations des RRT présentent des différences notables
entre pays de l’OCDE
.
En
2018, les RRT s’échelonnaient de 0,34 au Mexique et 0,38 en Colombie et en Italie à 0,89
au Luxembourg et 0,99 en Nouvelle-Zélande. La France se situe au-dessous de la moyenne de
l’OCDE, avec un RRT estimé à 0,51 en 2018.
0,51
0,56
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
1,2
Mexique
Colombie
Italie
Turquie
Grèce
Royaume-Uni
Espagne
Belgique
Australie
Canada
Irlande
France
Pologne
Portugal
Slovaquie
Pays-Bas
Lituanie
Islande
Finlande
Allemagne
Lettonie
Norvège
Suède
Hongrie
Autriche
Slovénie
Rép, tchèque
Danemark
Israël
Chili
Corée
Suisse
Japon
Estonie
Luxembourg
Nouvelle-Zélande
RRT
Moyenne non pondérée
- 29 -
Graphique 12 : Évolution du RRT des pays « focus »
, de l’Espagne
et de la France depuis 2005
Source : OCDE, Tendances des impôts sur la consommation 2020 : TVA/TPS et droits d'accises
taux, tendances et
questions stratégiques, 2021.
S’agissant des cinq pays «
focus »
81
et de la France, le RRT est resté stable entre 2010
et 2018
, voire depuis 2005 pour la France ou le Royaume-Uni, avec une légère hausse
entre
2017 et 2018. Il est intéressant de noter que l’ordre de «
classement
» de ces six pays n’a
pas changé depuis le début de la période étudiée, le Danemark restant
en tête, l’Italie
se
maintenant au rang le plus faible et la France se situant entre les deux.
Pour d’autres États
européens relativement comparables à la France, cet indicateur n’est pas resté stable sur la
même période.
L’Espagne connaît une dégradation significative du ratio de 2006 à 200
9, avant
une stabilisation autour de 0,45 à partir de 2015.
L’OCDE souligne qu’il n’apparaît pas de corrélation directe entre le RRT et le niveau du
taux normal de TVA puisque des pays ayant des taux normaux de TVA éloignés peuvent
avoir un RRT similaire
.
À titre d’exemple, l’Australie et l’Irlande ont un RRT quasi
-similaire
(0,47 et 0,49 respectivement) alors
qu’ils
ont des taux normaux de TVA très différents (10 %
et 23 % respectivement).
Il convient également de noter que le poids des facteurs influant sur le RRT peut varier
considérablement entre les pays, comme dans le cas du Luxembourg (0,89) et de la
Nouvelle-Zélande (0,99), qui se situent très au-
dessus de la moyenne de l’OCDE (0,56) mais
pour des raisons explicatives différentes (
cf.
encadré 8).
81
Pour mémoire : Allemagne, Danemark, Italie, Royaume-Uni et Suède.
0,57
0,62
0,51
0,45
0,38
0,45
0,59
0,25
0,30
0,35
0,40
0,45
0,50
0,55
0,60
0,65
0,70
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Allemagne
Danemark
France
Espagne
Italie
Royaume-Uni
Suède
- 30 -
Encadré 8 : Les particularités du RRT à travers les cas du Luxembourg, du Mexique et de
la Nouvelle Zélande
Les RRT
peuvent varier significativement d’un pays à un autre. Les cas «
anormaux » de RRT ont
dans certains cas des explications logiques liées aux caractéristiques propres des pays
.
En
Nouvelle-Zélande
, le fort RRT (0,99 en 2017 et 2018) s’explique selon l’OCDE
par une base taxable
très large du fait d’exonérations au champ strictement limité. Les services publics ne sont ainsi pas
exonérés de TVA (ou « TPS », taxe sur les produits et services)
; cette caractéristique n’apporte certes
pas de ressources supplément
aires pour l’État qui compense la taxe par des transferts du budget
général, mais augmente la part de la TVA/TPS dans les ressources fiscales du pays et, parce que la
comptabilité nationale exclut la valeur ajoutée de l’État, accroît mathématiquement le RR
T.
Au
Luxembourg
, le RRT est élevé, situé en 2018 à 0,89, ce qui le place en 2
ème
position du classement.
Cette particularité s’explique avant tout par la libéralisation des services financiers, pour lesquels le
Luxembourg est un centre majeur : étant donné que ce secteur est exonéré sans droit à déduction, la
TVA non-déductible qui les concerne apporte des ressources importantes
à l’État
tandis que la
consommation finale des produits financiers a souvent lieu dans d’autres États européens
; l
e RRT s’en
tro
uve augmenté d’autant. Il est également à noter que le RRT du pays dépassait 1 au début des années
2010 (1,25 en 2014), du fait des recettes supplémentaires de TVA apportées par les entreprises de
commerce électronique qui s’y étaient installées
; après la modification de la législation européenne en
2015 (les ventes sont en effet dorénavant
assujetties dans l’État de résidence du client final), le RRT a
baissé.
Malgré un seul taux réduit (à zéro), des exonérations
courantes et l’absence de seuil minimal
d’
enregistrement, le
Mexique
connaît le RRT le
plus bas des pays de l’OCDE (0,34 en 2018) du fait d’une
part d’un taux de TVA plus faible que la moyenne de l’OCDE (16
%), d’autre part surtout d’une fraude
importante et du poids prépondérant de l’économie
souterraine,
l’emploi informel représentant 56 %
de l’emploi total en 2021
82
.
Source : OCDE, 2020.
Si l
e ratio de recettes de TVA a l’avantage d’être un outil simple à comprendre et à
comparer
a priori
, il
n’en
présente pas moins de nombreuses limites.
Il traite de manière
uniforme des États aux architectures fiscales très différentes et ne permet pas de distinguer
entre les mécanismes qui concourent à sa hausse ou à sa baisse.
Ces facteurs sont complexes, parfois indépendants les uns des autres. Si
l’appli
cation de taux
de TVA réduits se traduit par une diminution de recettes et a une incidence négative sur le RRT,
les exonérations, les seuils de franchise de TVA, les erreurs de déclaration, la fraude à la TVA
ou encore
l’évolution des modes de consommation
peuvent également expliquer les variations
du RRT
83
. Ces facteurs peuvent également être liés : un taux normal élevé peut inciter
davantage à la fraude
qu’
un taux inférieur, tandis que
l’application de nombreux
taux réduits
peut provoquer des erreurs déclaratives entraînant des pertes de recettes.
Le grand nombre de facteurs pouvant influer sur le RRT rendent difficile une
comparaison « simple » de ces ratios : un RRT supérieur à un autre ne désigne pas
ipso
facto
un « meilleur » système de TVA
. En comparant plusieurs RRT entre eux, il est essentiel
de prendre en considération les spécificités de chaque État.
82
OCDE,
Étude économique du Mexique
, février 2022.
83
OCDE,
Tendances des impôts sur la consommation 2020 : TVA/TPS et droits d'accises
taux, tendances et questions
stratégiques
, 2021.
- 31 -
De ce fait, le ratio de recettes de TVA doit être davantage interprété comme un « signal
d’alerte
» que comme un indicateur permettant de différencier plusieurs systèmes de
TVA sur une seule année.
Il semble alors préférable de s’intéresser à la dynamique du RRT
dans le temps, pour rendre compte d’une évolution du système de TVA dans un pays en
particulier, que pour faire des comparaisons entre pays. La baisse
continue du RRT d’un pays
ou d’une région
peut constituer une alerte
sur la pérennité d’un système de TVA
qui, à
architecture constante, collecterait de moins en moins de recettes au fil du temps
(
cf
. graphique 12
supra
, cas de l’Espagne)
.
Il est intéressant de noter que le ratio de recettes de TVA semble toutefois être un indicateur
peu connu ou utilisé par les administrations et acteurs de la sphère fiscale des pays européens
étudiés.
1.3.1.2.
Commission européenne
: l’écart de TVA
La Commission européenne calcule l’écart de TVA comme
étant la différence entre le
montant de la TVA collectée
par l’État
et le montant total de TVA dû selon la législation
fiscale en vigueur (VTTL
84
).
Cet écart de TVA peut être exprimé en termes absolus ou relatifs,
généralement en tant que ratio de la TVA ou du PIB.
L’écart de TVA calculé par la Commission européenne correspond au déficit de conformité
fiscale
85
: à la différence du RRT, il ne comprend pas les choix de politique fiscale tels que les
taux réduits, les exonérations ou les seuils de franchise de TVA.
L’écart de TVA des
É
tats membres de l’Union européenne a été estimé par la Commission
européenne à 93
Md€ au total en
2020
, soit l’équivalent de
9,1 % des recettes
potentielles de TVA
86
.
Cet écart de TVA est en baisse notable par rapport à 2019 où il se situait
à 139
Md€ en raison d’abord de la
perte de recettes de TVA liée à la crise sanitaire et à la baisse
de la consommation, et à la sortie du Royaume-Uni du périmètre de calcul de la Commission
87
.
En 2020, la Roumanie
a enregistré l’écart
de TVA le plus élevé (35,7 % des recettes de TVA
manquantes), suivie de Malte (24,1
%) et de l’
Italie (20,8 %). À
l’opposé, l
es écarts les plus
faibles ont été observés en Finlande (1,3 %), en Estonie (1,8 %) et en Suède (2 %). En termes
absolus, les écarts de TVA les plus élevés ont été enregistrés en Italie (26,2
Md€
), en
France (14
Md€)
et en Allemagne (11,1
Md€
).
En France
l’écart de TVA est stable
entre 2019 et 2020 en valeur absolue (14
Md€) et
en légère baisse en pourcentage
(8,6 % en 2019 et 8 % en 2020), au-dessus de la médiane européenne (6,9 % en 2020).
84
Pour
VAT Total Tax Liability
: montant total dû de TVA.
85
La conformité fiscale
est comprise comme englobant les activités délibérées d’évasion, de fraude fiscale et de
contournement de la TVA, ainsi que recettes de TVA non recouvrées dues à l’optimisation f
iscale légale, aux erreurs
administratives et déclaratives, faillites et insolvabilités.
86
Commission européenne, DG Taxud, Poniatowski, G., Bonch-
Osmolovskiy, M., Śmietanka, A., et al.,
VAT gap in the
EU
: report 2022
, Publications Office of the European Union.
87
À périmètre constant UE-
27, la Commission européenne estime que l’écart de TVA s’élevait à 124
Md€ en 2019.
- 32 -
Graphique 13 : Évolution d
e l’écart de TVA (
VAT gap
) des pays « focus
», de l’Espagne et de la
France entre 2015 et 2020
88
Source : Rapporteurs
d’après les données de la Commission européenne.
Les écarts de TVA, entre 2015 et 2020, des principaux pays étudiés témoignent
d’
une
tendance générale à la baisse, à l’exception de l’Espagne.
Tandis que l’écart de TVA en
Allemagne a relativement peu varié sur cette période
, en dehors de l’année 2020 marquée par
la crise sanitaire
, l’Italie enregistr
e une diminution constante de cet éca
rt. Dans d’autres pays
tels que le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède, on observe une baisse générale entre 2015
et
2019 malgré de ponctuelles remontées de l’écart de TVA, notamment en 2017.
L’année
2020
marque une baisse générale, plus ou moins marquée,
de l’écart TVA dans les pays étudiés.
Deux
méthodes existent pour apprécier l’écart TVA
:
l’approche dite
top-down
qui estime l’écart entre les recettes potentielles de TVA et les
recettes effectivement collectées à partir de la valeur de référence théorique d’un total
de TVA à payer (VTTL) ;
l’approche dite
bottom-up
qui estime l’écart de TVA en extrapolant des donné
es
individuelles par catégorie de contribuables.
L’écart de TVA tel que calculé par la Commission européenne ne rend pas parfaitement
compte de l’efficience du recouvrement de cet impôt dans les États membres
. Comme
pour le RRT, cet indicateur mêle des fac
teurs de différentes natures qu’il est difficile à
différencier. Il repose également sur la qualité des données utilisées, très hétérogène entre
pays.
Surtout, les chiffrages sont revus parfois plusieurs années après la parution des
rapports
, ce qui limite
significativement l’utilisation de l’indicateur, y compris en dynamique
pour un seul État membre. Pour l’année 2015, ce n’est ainsi que dans le rapport 2021,
soit six
ans après, que les résultats de l’écart TVA ont été stabilisés pour la plupart des États
européens, à l’exception de l’Italie (l’écart étant revu à la baisse) et de la Suède (à la hausse)
(
cf
. tableau 3). Cette révision est due
à l’approche «
top-down
» utilisée par la Commission, qui
repose sur les données de comptabilité nationale des différents pays, mais également sur les
paramètres explicatifs du VTTL
; parmi d’autres facteurs, les actualisations des rendements de
TVA dans un État membre ou les modifications des taux effectifs peuvent modifier plusieurs
années après les chiffres indiqués.
88
Les données pour le Royaume-
Uni s’arrêtent en
2019 du fait de la sortie du pays du périmètre d’étude de la
Commission européenne après le Brexit.
8,9%
20,8%
8,0%
5,0%
4,8%
4,7%
2,0%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
2015
2016
2017
2018
2019
2020
- 33 -
Tableau 3 :
Différences d’estimation de l’écart TVA entre les rapports 2021 et 2020
(pour les
années 2015-2018)
2015
2016
2017
2018
Allemagne
0,0%
0,4%
0,5%
0,8%
Danemark
0,0%
0,0%
0,1%
0,7%
France
0,0%
0,4%
1,8%
0,8%
Espagne
0,0%
0,0%
0,4%
0,3%
Italie
-1,3%
-0,8%
-1,4%
-1,6%
Royaume-Uni
0,0%
0,1%
-0,6%
-1,7%
Suède
1,2%
1,3%
1,8%
2,6%
Note de lecture : en vert, les estimations révisées à la baisse, indiquant un écart de TVA inférieur à celui estimé en 2020 ;
en rouge, les estimations révisées à la hausse, indiquant un écart de TVA supérieur à celui estimé en 2020.
Source :
Rapporteurs d’après les données de
la Commission européenne
89
.
La Commission souligne toutefois que, même si les estimations de l'écart de TVA présentées au
fil du temps dans ses différents rapports ont été mises à jour de manière récursive
90
lorsque
de nouvelles informations étaient disponibles,
les révisions ont un impact mineur sur la
dynamique de l'écart pour les périodes où des informations complètes sont
disponibles
91
.
1.3.1.3.
Fonds monétaire international (FMI) : le RA-GAP appliqué à la TVA
Parmi les d
ifférents outils développés par le FMI pour apprécier l’efficacité et
l’efficience des systèmes fiscaux des États
92
, une méthode appelée « RA-GAP
93
» a été
introduite
, qui
s’appliqu
e
à la TVA ainsi qu’à l’imposition sur les sociétés. Cet indicateur est
promu
par l’
institution internationale
pour harmoniser les méthodes de calcul de l’écart de
TVA entre les pays membres
; il revient ainsi aux administrations nationales de s’en saisir et
de l’utiliser
94
.
Tel que défini par cette méthode, l’écart de TVA peut être
décomposé en deux
composantes principales :
l'impact de l’incivisme/de la non
-conformité (« écart-incivisme » ou
compliance gap
), et
l'impact des choix de politique fiscale (« écart-politique » ou
policy gap
).
89
Commission européenne,
Study and Reports on the VAT Gap in the EU-28 Member States,
2020
; Commission
européenne, VAT GAP in the EU,
2021
.
90
La récursivité est une propriété que possède une règle ou un élément constituant de pouvoir se répéter de
manière théoriquement indéfinie.
91
Commission européenne,
Study and Reports on the VAT Gap in the EU-28 Member States
, 2020.
92
FMI/OCDE,
Progress Report on Tax Certainty
, 2019.
93
Revenue Administration Gap Analysis Program
, pour « Initiative Administration des recettes - Programme
d’analyse de l’écart
».
94
Le département des affaires fiscales du FMI organise ainsi des
cours
à destination des représentants des
administrations nationales, et en fait la promotion par
vidéo
. Des pays comme le Portugal ou la Finlande utilisent
cette méthode de calcul.
- 34 -
La particularité de la méthodologie RA-GAP
par rapport au RRT de l’OCDE ou à l’écart
de
TVA calculé par la Commission européenne est qu’elle permet d’estimer la taille de
ces deux écarts et de les distinguer
(
cf
. figure 1). La définition de la « structure politique
fiscale de référence »
95
s’appuie sur l’application du taux normal de TVA à la consommation
finale telle qu’indiquée en comptabilité nationale
; l’«
écart-incivisme » résulte de la
comparaison entre les recettes potentielles et les recettes réelles, résultant de l’architecture
législative en vigueur. Dans un dernier temps, l’«
écart-politique » est déterminé en comparant
l’estimation des recettes potentielles selon une structure de référence et selon l’architecture
législative en vigueur.
Figure 1 :
Illustration des composantes de l’écart fiscal, méthode RA
-GAP du FMI
Source : FMI
96
.
Cette méthodologie présente plusieurs avantages
. Elle permet tout d’abord de différencier
au sein de l’«
écart-incivisme
» ce qui ressort de l’«
écart-recouvrement » (la différence entre
le montant exigible de TVA tel que déclaré par les contribuables et le montant réellement
recouvré) et l’«
écart d’évaluation
» (la différence entre le montant total exigible de TVA et le
montant total des recettes potentielles incluant celles qui auraient dû être déclarées). En
conséquence, un État est théoriquement en mesure de déterminer à l’aide du RA
-GAP s
’il doit
plutôt renforcer les moyens de recouvrement classiques ou les moyens mis dans le contrôle et
l’évaluation. Le RA
-
GAP permet également de distinguer, au sein de l’«
écart-politique », ce qui
résulte de choix pragmatiques de structure fiscale du fai
t d’obligations internationales, telles
que le cadre européen, et de mesures pragmatiques
97
écart d’efficience
»), et ce qui dépend
de choix pour atteindre des objectifs politiques spécifiques
98
(« écart de dépenses »).
95
Cf
.
méthodologie complète
du calcul du RA-GAP sur le site du FMI.
96
Eric Hutton,
Administration des recettes. Programme d’analyse de l’écart : modèle et méthodologie d’estimation en
matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
, Fonds monétaire international, mars 2017.
97
Telles que les exonérations pour les services financiers basées sur les marges, justifiées en raison de la complexité
de leur calcul.
98
Tels que des baisses de taux de TVA sur l’énergie, dont l’efficacité économique n’est pas
prouvée (
cf
. partie 3).
- 35 -
Enfin, cette méthodologie est considérée par le FMI comme précise quant à
l’estimation
de
l’ampleur de l’écart fiscal
. Elle permet de le ventiler par secteur économique et par
fonction administrative et, reposant sur une comptabilité d’exercice, rapproche les mesures
économiques prises par
une administration des effets sur l’impôt recouvré. Elle est ainsi censée
fournir des pistes fiables pour un État qui souhaiterait améliorer le recouvrement de la TVA.
Le RA-GAP connaît toutefois des limites réelles
.
Comme pour l’écart de TVA, i
l dépend des
statistiques nationales
et de leur fiabilité. Il ne permet pas d’estimer précisément la marge
d’erreur dans les calculs.
Enfin, il
indique davantage une tendance pour un État qu’une position
relative sur une échelle d’efficience.
1.3.1.4.
L’utilisation des indica
teurs doit se centrer davantage sur les tendances que sur les
niveaux à un instant donné
S’il apparaît que les trois principales méthodes de calcul de l’écart de TVA, développées par des
institutions différentes, présentent des avantages et inconvénients propres,
il est surtout
notable que l’utilisation des indicateurs
doit se centrer davantage sur les tendances
que
sur des niveaux à un instant donné ou sur les valeurs nominales de ces écarts.
En comparant l’écart de TVA et le RRT estimés pour les pays «
focus »,
l’Espagne et
la France entre 2015 et 2018, on observe que le « classement
» entre ces pays n’est pas
le même pour ces deux indicateurs.
En effet, tandis que le RRT place le Danemark en tête,
puisqu’il prend en compte l’architecture du système de TVA
, la Suède possède le plus petit écart
de TVA. De son côté, l’Espagne, qui présente le deuxième écart de TVA le plus réduit, se place
en cinquième position quant au niveau du RRT en 2018.
La comparaison de ces deux indicateurs permet également de rendre co
mpte d’une plus
grande stabilité du RRT
. Alors que ce dernier est resté constant entre 2015 et 2018 pour
le Royaume-
Uni, l’écart de TVA a évolué chaque année (
cf.
graphique 13). Pour certains pays
(France, Danemark, Italie), une corrélation positive existe entre réduction de l’écart TVA et
hausse du RRT, sans que cela implique un lien de causalité.
Au regard des avantages et inconvénients relatifs de chaque indicateur, et pour comparer
différents États membres de l’UE, le présent rapport privilégie les derniers écarts de TVA
publiés par la Commission européenne (année 2020)
99
.
99
Commission européenne
, VAT GAP in the EU
, 2022.
- 36 -
1.3.2.
Au niveau national, certains États ont développé leurs propres indicateurs et
méthodologies en particulier pour mesurer l’écart de TVA
Pour compenser une méthodologie
qu’ils contestent parfois, certains États ont
développé leurs propres indicateurs ou leurs propres calculs de l’écart
de TVA
.
L’a
dministration britannique mesure chaque année le niveau de la fraude fiscale (
tax gap
), en
identifiant la part qui revient à la TVA. Pour l’année fiscale 2020
-2021
100
, la fraude à la TVA est
évaluée à 9 Md£ (environ 10,3
Md€), soit environ 7
% du rendement théorique de la TVA
101
.
His Majesty’s Revenue & Customs
(HMRC), en charge de cette estimation,
indique, d’une part les
actualisations du chiffre, souvent à la hausse
102
, d’autre part le degré de certitude
qui
caractérise le chiffrage
103
.
L’Italie réalise également ce calcul depuis 2009
; le rapport de 2021
indique ainsi que la fraude à la TVA est estimée, pour 2019, à
27 Md€, soit 24,2 % du
rendement budgétaire de l’impôt
104
.
En Suède, l’agence des impôts (
Skatteverket
) est en charge de ce calcul, élaboré depuis
le début des années 2000
. L’écart d’impôt est appelé «
erreur d’impôt
» (
skattefel
), désignant
la «
différence entre l’impôt résultant d’une application correcte des activités et transactions
et l’impôt tel que recouvré après les cont
rôles du
Skatteverket
»
105
. Dans un pays où la
confiance envers l’administration fiscale est forte (
cf
.
infra
), l’écart TVA apparaît très faible, et
en baisse sur plusieurs années (3,8 % en 2017, 2,0 % en 2019
106
).
Ces différents chiffres ne correspondent pas nécessairement aux analyses effectuées par
la Commission européenne
. Pour le Royaume-
Uni et l’Italie, le chiffrage national
effectué
pour l’année
2019 est inférieur de plus de 10
points à l’estimation européenne
la même année
(
cf
. tableau 4).
Tableau 4 :
Différence entre l’écart TVA estimé par la Commission européenne et par certains
États membres (2019)
Pays
Estimation pays
(en monnaie nationale)
Estimation Commission
(en monnaie nationale)
Différence
pays/Commission
Italie
27 Md€
30,1 Md€
-10,3 %
Royaume-Uni
12,5 Md£
15,1 Md£
-17,3 %
Suède
12,4 Md SEK
6,4 Md SEK
+93 %
Source : Rapporteurs à partir de données nationales.
100
Au Royaume-
Uni, l’année fiscale s’étend du 6 avril d’une année N au 5 avril de l’année N+1, ce qui complique la
comparaison des écarts de TVA avec les pays utilisant une année fiscale traditionnelle (1
er
janvier au 31 décembre
de
l’année N).
101
Site internet de HM Revenue & Customs,
Tax gaps; VAT
, 23 juin 2022.
102
Pour 2020-2021, la première estimation de mars 2022 a été actualisée en juin 2022
: l’écart TVA est passé de
6,7 % à 7 % du rendement théorique de la TVA.
103
Pour 2020-2021, cette incertitude est considérée comme « basse » (
low
).
104
De 111,5 Md€ en 2019.
105
«
Skattefelet definieras som skillnaden mellan den skatt som skulle ha blivit fastställd om alla redovisade sina
verksamheter och transaktioner korrekt och den skatt som fastställs efter Skatteverkets kontroller
»,
Communiqué de
presse du
Skatteverket
, 19 février 2021.
106
Skatteverket,
Skattefelsrapport 2021
, février 2022.
- 37 -
Relativement à ces
différents États, l’
Allemagne et le Danemark se distinguent par une
absence d’estimation de la fraude nationale à la TVA et de sa communication à la
représentation nationale
de la part de l’administration
107
. En France, la fraude à la TVA a
fait l’objet d’es
timations ponctuelles par le Conseil des prélèvements obligatoires (2015)
108
, la
Cour des comptes (2019)
109
ou encore
l’Insee
(2022)
110
, sans que des études systématiques
spécifiques à la TVA soient publiées
par l’administration
. Cet état de fait ne saurait être lié à
l’éventualité d’une fraude plus réduite dans ces pays ou à une efficience plus marquée du
système de TVA, mais résulte bien de choix nationaux : un État comme la Suède, où la fraude
est peu élevée et l’administration fiscale jugée
efficace, a développé de telles méthodes
d’estimation.
107
Des études ponctuelles peuvent exister mais ne revêtent pas de caractère obligatoire ou régulier.
108
Conseil des prélèvements obligatoires,
La taxe sur la valeur ajoutée
, décembre 2015.
109
Cour des comptes,
La fraude aux prélèvements obligatoires
, décembre 2019.
110
Insee,
Estimation des montants manquants de versements de TVA : exploitation des données du contrôle
fiscal
, 25 juillet 2022.
- 38 -
2.
L’enjeu actuel pour les États est de sécuriser les ressources de TVA en
luttant efficacement contre la fraude et en simplifiant les relations
avec les entreprises
Parce qu’elle est au cœur des finances publiques, la
TVA est aussi au centre du
fonctionnement de l’État, qui cherche à sécuriser son rendement
. À cette fin, différents
facteurs sont à prendre en compte, notamment l’organisation du recouvrement et les relations
avec les entreprises, qui sont les assujettis (1), mais aussi le volontarisme dans la lutte contre
la fraude (2). En revanche, la recherche de simplicité du système n’est pas, en soi, la garantie
d’un rendement optimal (3).
2.1.
L’efficacité du recouvrement dépend de facteurs de moyens et de relations
avec les entreprises que les États appréhendent différemment
2.1.1.
La gouvernance et la gestion de la TVA font intervenir à des degrés divers le
Parlement, le ministère des finances et, souvent, une agence chargée du
recouvrement
L’organisation administrative autour
de la TVA diffère d’un pays à l’autre
, bien que le
Parlement, le ministère des finances et dans la plupart des cas une agence chargée du
recouvrement y jouent un rôle central.
La détermination de l’impôt relève en général du
domaine de la loi et est de la compétence des parlements nationaux, selon des modalités qui
diffèrent en fonction des équilibres institutionnels propres à chaque pays. Au sein
de l’Union
européenne, la TVA est ainsi introduite par des lois nationales appliquant les directives
européennes.
2.1.1.1.
Les différents États européens
disposent en général d’une agence indépendante
chargé
e du recouvrement de l’impôt, notamment
la TVA
Des organisations différentes existent au sein des pays européens
. Au Royaume-Uni, la
« gouvernance » de la TVA comme des autres impôts est partagée entre
His Majesty’s Treasury
(
HM Treasury
), équivalent du Trésor et de la direction de la législation fiscale, chargé des
aspects macroéconomiques et stratégiques, et le
HMRC, équivalent de la direction générale des
Finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI),
chargé du recouvrement de l’impôt et des contrôles.
- 39 -
D’autres pays ont opté pour un modèle organisé autour d’une agence chargée de la
gestion de l’impôt
, et d’un ministère
aux compétences limitées à la conception et à
l’interprétation de la loi fiscale, voire éventuellement à l’information du Parlement. C’est le cas
des pays nordiques comme la Suède où 90
% de l’action publique est engagée par des agences
et opérateurs
; s’a
gissant de la fiscalité, il existe une agence des impôts (
Skatteverket
), placée
sous l’autorité du gouvernement mais dotée d’une large autonomie
111
. De même, au Danemark,
l’un des rares pays du monde à disposer d’un ministère des impôts de plein exercice
(
Skatteministeriet
), une agence fiscale (
Skattestyrelsen
) est chargée du recouvrement de
l’impôt, qui était jusqu’en 2005 une compétence des exécutifs locaux, et de la rédaction des
rapports informant les citoyens. En Grèce, une autorité indépendante des recettes publiques
(AADE
112
) est compétente pour la détermination, l’attestation et le recouvrement des recettes
fiscales, douanières et autres recettes publiques, y compris la TVA.
L’Espagne suit le même
modèle
113
.
Cette organisation suit la logique de la structure administrative du pays
. En Allemagne,
si le
Bundesministerium für Finanzen
(BMF) s’occupe de la conception de la loi fiscale et des
circulaires, le
Bundeszentralamt für Steuern
(BZSt.) est chargé, depuis sa création en 2006 par
une scission du ministère, de la lutte contre la fraude en matière de TVA. Le recouvrement est
du
ressort quant à lui principalement de l’administration des
Länder
(les
Finanzämter
),
chargée de cette mission par le
Bund
comme fixé dans la Loi fondamentale
114
.
S'agissant des contrô
les, c’est en général l’administration en charge du recouvrement
qui, dans un service distinct, en assume la responsabilité
, comme pour le
Skatteverket
et
le
Skattestyrelsen
, ou encore la
Agencia Tributaria
en Espagne. En Allemagne, ce sont les
Finanzämter
des
Länder
qui réalisent les contrôles relatifs à la TVA.
Dans certains pays,
l’organisation de l’administration fiscale est davantage tournée vers
la lutte contre la fraude
. En Italie, par exemple, une
Guardia di Finanza
(garde des finances),
distincte du ministère (
Ministero dell’Economia e delle Finanze
) et de l’agence de recouvrement
(
Agenzia delle entrate
), correspond à une police douanière et financière et exerce des fonctions
policières de lutte contre la fraude. En Pologne, une réorganisation majeure des services est
intervenue en
2017 par la fusion de l’administration douanière, de l’administration fiscale et
de l’administration de contrôle en une structure unique KAS (
Krajowa Administracja
Skarbowa
), dans le but de renforcer les moyens de lutte contre la fraude
115
. Ce service n’est
toutefois pas indépendant du ministère des finances, qui conçoit la législation fiscale.
Parmi les pays étudiés, la France se distingue, y compris pour la TVA, par une
concentration de la chaîne fiscale
, de la conception de la loi fiscale au recouvrement et
contrôles fiscaux, au sein de la direction générale des Finances publiques (DGFiP) au ministère
chargé
de l’économie et des finances (
cf
. carte 4). Toutefois la TVA à l
importation reste
recouvrée par la DGDDI lorsque le redevable est un particulier ou un organisme public non-
identifié à la TVA en France
116
.
111
Le gouvernement suédois ne peut pas par exemple influencer le traitement des affaires de particuliers ou des
sociétés par le
Skatteverket
.
112
« Autorité indépendante pour les revenus publics » (
της
Ανεξάρτητης
Αρχής
Δημοσίων
Εσόδων
).
113
L’agence des impôts espagnole (
Agencia Tributaria
ou AEAT), chargée de la gestion et du recouvrement des
impôts nationaux ou partagés, dispose d’une autonomie juridique par rapport au ministère chargé des finances au
sein de l’
Administración General del Estado
.
114
Art. 108 § 3 de la
Grundgesetz
ainsi rédigé : « 3) Lorsque les autorités fiscales des Länder gèrent des impôts qui
reviennent en tout ou en partie à la Fédération, elles agissent par délégation de la Fédération. L'article 85,
paragraphes 3 et 4, s'applique, étant entendu que le ministre fédéral des Finances se substitue au gouvernement
fédéral ».
115
D’après le service économique régional de Varsovie.
116
Depuis le 1
er
janvier
2022, la gestion et le recouvrement de la TVA à l’importation
ont été transférés de la DGDDI
vers la DGFiP pour tout redevable identifié à la TVA en France, sauf quelques compétences résiduelles liés au calcul
de la TVA à l’importation qui demeurent aux Douanes.
- 40 -
Carte 4
: Degré d’autonomie
de l’autorité en charge du recouvrement par rapport au
gouvernement dans quelques pays européens (2022)
Source : Rapporteurs.
2.1.1.2.
Les États se distinguent également par une information du Parlement et un
contrôle de l’action de l’administration fiscale
inégaux
En matière de TVA, l’information du Parlement est inégale selon les pays
, bien que de
nombreux États aient systématisé au moins
la production d’un rapport annuel sur la
fraude fiscale
.
En Italie, l’obligation
qui pèse sur
l’administration est forte
: depuis une loi de
décembre 2009
117
est transmis au Parlement un rapport (
relazione
) comportant notamment
des indications sur l’évasion fiscale
. Ce rapport est joint à la note qui actualise le programme
de stabilité transmis à la Commission européenne. Dans les pays nordiques, le Parlement est
informé, mais de manière non-
spécifique, de l’écart de TVA (en Suède) ou des contrôles réalisés
par l’administration fiscale (au Danemark).
À l’inverse, en Allemagne, aucune communication récurrente n’est réalisée par le
gouvernement au Parlement au sujet de la fraude fiscale. Le
Bundesrechnungshof
(la cour des
comptes allemande) recommande à cet égard
qu’
au minimum un état des lieux de la lutte
contre la fraude fiscale soit communiqué au
Bundestag
tous les deux ans
118
.
En France, un des documents de politique transversale annexés aux projets de loi de
finances (PLF) est consacré à la «
Lutte contre l’évasion fiscale
et la fraude en matière
d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales
»
119
. Celui annexé au PLF 2023
mentionne certains chiffrages précités de fraude à la TVA (Cour des comptes, Insee) et reprend
la recommandation
d’effectuer une évaluation annuelle de la fraude par la DGFiP, proposée par
la Cour des comptes en 2019
120
.
117
Loi
du 31 décembre 2009 n. 196.
118
Bundesrechnungshof,
Bericht
nach § 99 der Bundeshaushaltsordnung über Maßnahmen zur Verbesserung der
Umsatzsteuerbetrugsbekämpfung
Chancen der Digitalisierung nutzen
, octobre 2020.
119
Document de politique transversale
, annexe au projet de loi de finances prévue par l’article
128 de la loi
n° 2005-1720 du 30 décembre 2005.
120
Cour des comptes,
La fraude aux prélèvements obligatoires
, 2019.
- 41 -
On note enfin un rôle différencié des institutions qui ont la charge du contrôle externe
de l’administration
. Dans les pays étudiés, la place qu’occupent les
institutions supérieures
de contrôle,
sous la forme d’une Cour des comptes ou d’un Auditeur général indépendant
, varie
significativement. La
Corte dei Conti
italienne ne réalise pas de contrôle de la gestion de
l’administration fiscale, contrairement à la Cour des comptes française. Au Royaume
-Uni et au
Danemark, si respectivement le
National Audit Office
et le
Rigsrevisionen
procèdent à des audits
ciblés de l’action du gouvernement, pour le compte du
P
arlement, il n’est pas procédé à une
évaluation de l’efficacité ou de l’efficience du système fiscal et de la gestion de l’impôt dans le
pays. En Allemagne, le
Bundesrechnungshof
se rapproche davantage du modèle français.
2.1.2.
Le recouvrement de la TVA s’appuie de plus en plus sur des outils numériques
nécessitant
des
investissements
continus
et
peut
générer
des
coûts
administratifs disparates entre les pays qui sont difficiles à évaluer
Les coûts de gestion liés à la collecte de la TVA varient en fonction de la complexité du
système et de la maturité des administrations fiscales, mais demeurent difficiles à
comparer.
Les données comparatives sur les coûts de collecte de la TVA pour l’adminis
tration fiscale sont
éparses et peu accessibles. En effet, si l’OCDE publie tous les deux ans un rapport comparatif
des performances des administrations fiscales, celui-ci ne décline pas les coûts administratifs
par type de taxe. L’organisation de plus en
plus diffusée dans les administrations fiscales par
type de contribuables ou par fonction plutôt que par type de taxe rend ces comparaisons plus
délicates encore
121
. Par ailleurs, l’analyse et la comparaison des coûts de collecte, définis
comme le ratio entre les dépenses de gestion et les collectes, présentés comme un indicateur
de l’efficacité des administrations fiscales
, sont sujettes à caution. En effet, une multitude de
facteurs peuvent influencer ce ratio sans être directement liés à l’efficacité de l’administration
fiscale
.
C’est
le
cas
des
modifications
de
politique
fiscale
ou
des
changements
macroéconomiques. Certai
ns pays s’efforcent tout de même de mesurer les coûts complets liés
au recouvrement de la TVA. Au Royaume-Uni par exemple, les coûts administratifs sont
estimés à 0,6 % des recettes de TVA
122
.
Un système
avec une multitude de taux réduits et d’exonérations
peut générer des coûts
administratifs de la TVA et des coûts de conformité plus élevés pour les entreprises.
Des études ont montré que l’architecture du système de TVA, le nombre de taux réduits ou
encore l’existence d’exonérations
peuvent avoir un effet n
égatif sur l’administration de l’impôt
,
car plus difficile à gérer
123
. De surcroît, la coexistence de taux multiples est un facteur
d’insécurité
juridique dans la mesure où il existe un risque que des produits similaires soient
soumis à des taux différents (
cf.
encadré 7), ce qui peut conduire à des contentieux coûteux
entre les entreprises et l’administration fiscale.
121
Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen,
Huitième rapport sur la perception et le contrôle
de la TVA, établi en application de l’article 12 du règlement (CEE, Euratom) n° 1553/89
, décembre 2017
.
122
HMRC,
Annual Report and Accounts 2019 to 2020.
123
Bain K., Walpole E., Hansford A., Evans C., ‘
The internal costs of VAT compliance: Evidence from Australia and the
United Kingdom and suggestions for mitigation’
,
eJournal of Tax Research
, Vol.13, No.1, 2015.
- 42 -
Outre la complexité du
système, d’autres facteurs peuvent jouer à la hausse sur les coûts
administratifs de la TVA comme par exemple les obligations de déclaration et les documents
demandés par l’administration fiscale ou la structure économique et notamment l’importance
dans l’
économie de la part des opérations BtoB
124
(interentreprises) et BtoC
125
(entreprise à
particulier).
La numérisation de la procédure permet un recouvrement de la TVA plus efficace.
La
numérisation du système
de TVA s’est développée dans tous les pays européens
et va de pair
avec la numérisation plus générale des administrations fiscales
. D’après la Commission
européenne, la TVA est une des premières taxes à être entièrement numérisées, du fait
notamment de la mise en place de services électroniques, de l’inform
atisation des comptes des
assujettis ou encore de
l’utilisation de déclarations
dématérialisées
126
. Cette numérisation
permet de réduire les erreurs et améliore les capacités de contrôle de l’administration fiscale
contre la fraude (
cf. infra
).
Cette tendance croissante à la numérisation des procédures TVA est perceptible dans
l’ensemble des
États membres
de l’UE, bien que le niveau de mise en œuvre varie
substantiellement d’un
État membre
à l’autre. Le recours à l’analyse de données
, par exemple,
est croissant et plusieurs États membres ont pris ou prennent des initiatives innovantes
reposant sur l’intelligence artificielle. L’Espagne par exemple a lancé en 2017 un projet
d’«
assistant virtuel
» en intelligence artificielle pour apporter des réponses personnalisées aux
questions des entreprises.
La numérisation a permis d’améliorer sensiblement l’efficacité des administrations
fiscales dans certaines procédures TVA
. Les délais d’immatriculation à la TVA par
exemple
oscillent entre quelques jours et plusieurs
mois au sein de l’UE
127
.
Les administrations les plus
rapides délivrent un numéro de TVA en quelques jours, mais la norme au sein de l’UE semble
se
situer autour de 4 à 6 semaines. Dans un rapport de 2019, l’Inspection générale des
finances (IGF)
128
indique que les délais de traitement les plus rapides pour les demandes
d’immatriculation à la TVA résultent d’une dématérialisation de la procédure comme
au Royaume-Uni par exemple. Ce rapport souligne que la dématérialisation de la procédure
permet de simplifier e
t d’accélérer les délais de traitement de l’immatriculation
. Il donne
l’exemple des Pays
-Bas qui ont mis en place un système dématérialisé pour les petites et
moyennes entreprises (PME)
129
avec des formulaires de TVA préremplis pour faciliter la
procédure. Cette
tendance à la dématérialisation des procédures d’immatriculation à la TVA au
sein de l’UE
se fait parallèlement à la mise en place par les administrations fiscales de systèmes
d’information
ad hoc
permettant de recueillir et de traiter un grand nombre de données
simultanément.
124
BtoB pour
business to business
.
125
BtoC pour
business to consumer
.
126
Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen,
Huitième rapport sur la perception et le contrôle
de la TVA, établi en application de l’article 12 du règlement (CEE,
Euratom) n° 1553/89
, décembre 2017
.
127
Inspection générale des finances,
Sécurisation du recouvrement de la TVA
, n° 2019-M-045-03, novembre 2019.
128
Ibid
.
129
Programme appelé “
Bookkeeping, Tax Declaration and Payment in One”
permettant aux petites entreprises de
réaliser leurs déclarations et paiement via une seule plateforme dédiée.
- 43 -
La numérisation a permis de réduire également les coûts de conformité pour les entreprises
(
cf. infra
)
130
. À titre d’exemple, e
n Europe, le temps nécessaire pour se conformer aux règles
fiscales liées à la TVA serait passé de 473 heures en 2006 à 225 heures en 2020, principalement
grâce à la numérisation des déclarations et paiements
131
(
cf.
carte 5
infra
). La numérisation des
procédures de TVA a donc des effets positifs, même si, à court terme, elle peut nécessiter des
dépenses supplémentaires de mise à niveau pour les entreprises les moins numérisées
132
.
Carte 5
: Nombre d’heures/an nécessaires po
ur une entreprise de taille moyenne pour se
conformer aux obligations de TVA, 2018
Source : Rapporteurs
d’après do
nnées PwC et la Banque mondiale, Paying Taxes 2020 The changing landscape of tax
policy and administration across 190 economies.
Il convient toutefois de noter que la numérisation des procédures de déclaration et de
recouvrement de la TVA ne s’accompagne pas toujours d’une simplification de ces dernières,
ce qui en limite les bénéfices en termes de coûts de recouvrement et de charge administrative
pour les entreprises.
130
Voir par exemple : Barbone L., Bird R., et
Vázquez J., ‘
The Costs of VAT: A Review of the Literature’
, CASE Network
Reports, No. 106, DG TAXUD, European Commission, 2012 ;
Institute of Chartered Accountants in England and Wales,
Digitalisation of tax: international perspectives
, 2019 ; Gupta S., Keen M., Shah A. et Verdier G.,
Digital Revolutions in
Public Finance
, International Monetary Fund, 2017 et PWC et Banque mondiale,
Paying Taxes 2020 The changing
landscape of tax policy and administration across 190 economies
, 2020.
131
PwC et la Banque mondiale,
op. cit.
, p.27.
132
Service de recherche du Parlement européen,
VAT gap, reduced VAT rates and their impact on compliance costs
for businesses and on consumers
, 2021
- 44 -
De plus, certaines administrations fiscales rencontrées par les rapporteurs mettent en avant le
problème d’obsolescence de leurs systèmes d’information, en particulier dans le cas de la
collecte de TVA, qui obère leur capacité à
mettre en œuvre des réformes d’ampleur.
Ce sujet a
notamment été soulevé par les administrations fiscales britannique et danoise qui ont souligné
le caractère obsolète de leurs logiciels de déclaration et de collecte de la TVA. Cette situation
engendre une « dette technique »
133
pour les administrations fiscales les obligeant à investir
massivement pour maintenir leurs systèmes d’information à l’état de l’art.
2.1.3.
La TVA génère des coûts de conformité pour les entreprises qui peuvent être
minimisés, tout en amé
liorant l’efficacité de la collecte, par des dispositifs
spécifiques
et
par
le
développement
de
relations
de
confiance
entre
l’administration fiscale et les entreprises
Les modalités de déclaration de la TVA sont, dans la plupart des pays européens, fonction de la
taille des entreprises. C
ertains pays ont tenté d’alléger la charge administrative liée aux
obligations de déclaration. Ainsi, à titre d’exemple en Belgique, les déclarations de TVA peuvent
être mensuelles ou trimestrielles
134
en fonction de la tail
le de l’entreprise
,
du secteur d’activité
et de son caractère fraudogène
135
.
Malgré sa neutralité économique, la TVA engendre des coûts de conformité
136
pour les
entreprises,
variables selon l’architecture du système mais également selon l’efficacité
de l’admi
nistration fiscale.
La TVA est régulièrement mise en avant par les entreprises comme
l’
un des impôts qui
engendre le plus de charges administratives
137
. L’harmonisation incomplète et en particulier
la diversité des taux et des exonérations
au sein de l’Union
génèrent des coûts de conformité
supplémentaires pour les entreprises
138
.
Les données empiriques soutiennent la thèse selon laquelle il y aurait une corrélation positive
entre le nombre de taux réduits et les coûts de conformité pour les entreprises
139
. Les coûts de
conformité tendent donc à être plus élevés dans les pays qui ont le plus de taux réduits. À titre
d’exemple,
dans
les
pays
comme
la
France,
l’Italie,
l’Espagne,
la
Pologne
ou
la République tchèque, qui ont un nombre élevé
d’
exonérations et de taux réduits, les coûts de
conformité pour les entreprises indépendantes sont en moyenne de 1
500 € contre
en moyenne 600
€ en Estonie et en Slovénie.
133
Pour la France, la Cour des comptes a mis en avant la « dette technique » de la DGFiP dans son rapport
d’avril
2019,
Les systèmes d’information de la DGFiP et de la DGDDI. Investir davantage, gérer autrement
.
134
A
rticle 18 de l’arrêté royal n° 1, du 29 décembre 1992, relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la
taxe sur la valeur ajoutée
pris en exécution de l’article 53 du Code de la TVA
belge.
135
Une déclaration trimestrielle de TVA peut être déposée par les assujettis dont le chiffre d'affaires annuel en
Belgique n'excède pas 2,5
M€
, ou 250 000
pour les entreprises qui font le commerce des huiles minérales, des
téléphones mobiles et des ordinateurs et de leurs périphériques, accessoires et composants, ainsi que des véhicules
terrestres.
136
Ces coûts de conformité désignent l’ensemble des coûts supportés par les entreprises pour répondre
aux
obligations réglementaires en matière de TVA. Ils peuvent être regroupés généralement en trois catégories : le coût
du travail et du temps nécessaire pour renseigner les remboursements de TVA
; les coûts liés aux besoins d’expertise
externe sur la TVA ; et les dépenses incidentes liées au fait de se conformer aux obligations TVA.
137
KPMG,
Study on tax compliance costs for SMEs
Final Report
, DG GROW, European Commission, 2018.
138
Copenhagen Economics, S
tudy on reduced VAT applied to goods and services in the Member States of the European
Union
, Taxation Papers No. 13, DG TAXUD, Commission européenne, 2008.
Cf
. également Hansford A., Hasseldine J.,
and Howorth C., ‘Factors affecting the costs of UK VAT compliance for small and medium
-
sized enterprises’
,
Environment and Planning C: Government and Policy
, Vol.21(4), 2003.
139
Service de recherche du Parlement européen,
VAT gap, reduced VAT rates and their impact on compliance costs
for businesses and on consumers
, 2021.
- 45 -
En particulier pour les PME, ces coûts administratifs peuvent être élevés
140
(
cf.
graphique 14).
Une étude conduite en 2018 par le cabinet KPMG pour la direction générale
du marché intérieur (DG GROW) de la Commission européenne
montre que les coûts de
conformité des PME aux obligations TVA s’élèvent en moyenne à près de 1
800 € mais peuvent
varier significativement d’un État membre à l’autre. D’après cette étude, l’Allemagne affiche le
coût de conformité le plus élevé de l’Union (3
806
€) et la France
se situe légèrement en-
dessous de la moyenne européenne (1 379 contre 1 343
€ respectivement).
Graphique 14
: Coûts de conformité moyen des PME aux obligations de TVA au sein de l’Union
européenne (2018)
Source : DIW Econ, à partir des données KPMG 2018.
Afin de limiter les coûts de conformité de la TVA pour les PME, de nombreux pays ont
mis en place des régimes simplifiés à leur destination, que l’OCDE regroupe
en trois catégories
141
:
des seuils d’enregistremen
t permettant de ne pas assujettir à la TVA les entreprises en
dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires
;
des calculs simplifiés du montant de TVA due ;
des allègements des obligations de déclaration et de comptabilité.
140
KPMG,
Study on tax compliance costs for SMEs
Final Report
, DG GROW, European Commission, 2018
141
OCDE,
Tendances des impôts sur la consommation 2020
: TVA/TPS et droits d'accises
taux, tendances et questions
stratégiques
, Éditions OCDE, Paris, 2021.
604 €
637 €
751 €
831 €
831 €
851 €
861 €
900 €
1 379 €
1 503 €
1 508 €
1 645 €
1 664 €
1 674 €
1 742 €
2 114 €
2 401 €
2 687 €
3 806 €
-
500 €
1 000 € 1 500 € 2 000 € 2 500 € 3 000 € 3 500 € 4 000 €
Estonie
Slovénie
Roumanie
Finlande
Pays-Bas
Grèce
Luxembourg
Irlande
France
Suède
Rep. tchèque
Royaume-Uni
Italie
Espagne
Pologne
Slovaquie
Belgique
Autriche
Allemagne
- 46 -
En particulier, les seuils
d’enregistrement à la TVA, en
-dessous desquels les entreprises
ne sont pas tenues de la facturer et de la collecter et ne peuvent pas non plus la déduire,
sont très variables dans l’Union européenne et peuvent engendrer des distorsions
économiques.
Au 1
er
janvier 2021, au sein de l’U
E, seule
s l’Espagne et l’Irlande ne disposent pas de seuil
de
franchise de TVA pour les PME
142
. Dans les autres pays de l’Union, ce seuil s’élève en moyenne
à 35
000 € de chiffre d’affaires mais avec des fortes disparités entre
pays (
cf.
figure 2). Les pays
nordiques se caractérisent par des seuils d’enregistrement très faibles
: celui-
ci s’élève à
l’équivalent d’en
viron 3 000
€ en Suède
143
et à 6 700
€ au Danemark. En
Finlande, le seuil
d’enregistrement
est
sensiblement
plus
élevé
(10 000
€)
mais
est
associé
à
un
assujettissement progressif pour les entreprises dont le
chiffres d’affaires
est compris
entre 10 000
€ et
30 000
€ afin de lisser l’effet de seuil. La majorité des pays de l’UE ont un
seuil d’enregistrement à la TVA compris entre
20 000
€ et 50
000
€. La France dispose du seuil
d’enregistrement le plus élevé de l’Union européenne
puisque certaines entreprises dont le
chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas
85 000
€ ne sont pas assujetties à la TVA
144
.
En Europe, seul le Royaume-
Uni a un seuil d’enregistrement à la TVA aussi élevé (85
000 £, soit
environ 97 000
€), pour préserver les entreprises, en particulier petites et moyennes, d’une
charge administrative trop élevée.
En dessous de ce seuil d’enregistrement, les entreprises ne sont donc pas assujetties à
la TVA mais peuvent, dans la plupart des États membres
de l’Union, bénéficier d’un droit
d’option
à la taxation leur permettant ainsi de facturer la TVA et surtout de pouvoir la déduire
de leurs intrants. Cette immatriculation volontaire accroît les coûts de collecte de
l’administration et, d’après l’OCDE, augmente les risques de fraude à la TVA
145
.
Si la plu
part des pays européens partagent l’objectif de minimi
ser la charge administrative
de
TVA pour les petites entreprises, il n’existe pas de recommandations de la Commission
européenne ou de l’OCDE quant aux niveaux des seuils d’enregistrement
146
et l’hétérogé
néité
de ces derniers reflète également la définition variable de PME entre les États.
Le niveau du seuil d’enregistrement à la TVA peut emporter des effets contradictoires
sur l’économie
. Ainsi, un seuil relativement élevé peut être un avantage compétitif pour les
petites entreprises qui se voient exclues des obligations de déclaration de TVA, mais ce qui
entraîne un renchérissement de leurs intrants puisqu’elles ne peuvent pas déduire la TVA. Un
seuil relativement bas peut s’avérer être un frein
au développement des entreprises
147
et peut
encourager à la sous-déclaration ou à la segmentation artificielle de leurs activités.
142
D’après les dernières données de la Commission européenne disponibles au 1
er
janvier 2021.
143
Le 1
er
juillet 2022, ce taux est passé de 30 000 couronnes suédoises à 80
000 couronnes, soit l’équivalent
d’environ
7 400
€.
144
Les entreprises
dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours de l’année civile n’excède pas le s
euil
de 85 500
€ pour les
livraisons de biens, aux ventes à consommer sur place et aux prestations d’hébergement
(ou 94 300
l'année civile précédente, lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année (N-2) n'a pas
excédé 85
800 €) ne sont pas assujetties à la TVA. Pour les prestations de services ce seuil est plus faible et s’élève
à 34 400
€ (ou
36 500
€ l’année civile précédente, lorsque la pénultième année (n
-
2) le chiffre d’affaire n’a pas
excédé 34 400
€).
145
Des entreprises « douteuses
» peuvent ainsi s’enregistrer à la TVA et demander des remboursements sur des
fausses ventes, avant de disparaître, comme dans le cas des fraudes dites « carrousel ». Les pays imposent donc
souvent une durée minimale d’enregistrement aux assujettis qui ont opté pour une immatriculation volontaire.
146
Les principes directeurs internationaux de l’OCDE pour la TVA recommandent que les seuils d’enregistrement
appliqués ne créent pas
de distorsions entre fournisseurs nationaux et étrangers et qu’ils n’engendrent pas des
charges administratives disproportionnées par rapport aux collectes de TVA en jeu.
147
Li Liu, B. (2019),
VAT Notches, Voluntary Registration, and Bunching: Theory and UK Evidence
, Fonds monétaire
international (FMI).
- 47 -
Au Royaume-Uni, le seuil élevé présente plusieurs inconvénients majeurs
, comme le note
l’Office britannique pour la simplifica
tion des impositions
148
. Outre les moindres recettes
de
TVA, il est facteur de fraude fiscale puisqu’il incite les entreprises à déclarer un chiffre
d’affaires en
-deçà, même lorsque le niveau réel est supérieur. Surtout, il est considéré comme
constituant une forme de frein à la croissance des entreprises : de nombreuses entreprises
choisissent de se maintenir juste en-
dessous du seuil pour éviter d’être assujetties à la TVA.
Gelé depuis 2017 au niveau de 85 000
£ alors qu’il était auparavant indexé sur l’inf
lation, ce
seuil pourrait, pour des raisons externes, ne plus constituer un tel obstacle
: l’augmentation
récente des prix, donc du chiffre d’affaires, conduit
ipso facto
à une hausse du nombre
d’entreprises soumises à l’obligation d’enregistrement.
Dans s
on analyse des seuils d’enregistrement, l’OCDE conclut que le niveau de ces
derniers est souvent le résultat d’un compromis
entre d’une part, l’objectif de limiter les
coûts de collecte pour l’administration et les coûts de conformité pour les entreprises et d’autre
part, la nécessité de minimiser les distorsions de la concurrence
149
.
Figure 2
: Seuils d’enregistrement à la TVA pour les entreprises dans les pays européens
(au 1
er
janvier 2021)
150
Source : Rapporteurs à partir des données de la Commission européenne.
Au sein de l’UE
, le guichet unique électronique a permis de simplifier le régime des ventes à
distance BtoC dans un souci d’allègement des charges administratives et d’amélioration du
respect des obligations TVA (
cf.
rapport particulier n°1).
La plupart des pays de l’Union et de l’OCDE ont également mis en place des régimes forfaitaires
simplifiés pour faciliter le calcul de la TVA due par les PME.
De plus, pendant la crise sanitaire, certains pays ont allégé les modalités de déclaration de
la TVA,
notamment en allongeant les délais de collecte afin d’assurer des marges de liquidités
pour les entreprises.
148
Office for Tax Simplification,
Review of Value Added Tax
, février 2017.
149
OCDE,
Tendances des impôts sur la consommation 2020 : TVA/TPS et droits d'accises
taux, tendances et
questions stratégiques
, 2021.
150
Les seuils d’enregistrement par pays de l’Uni
on européenne sont présentés en annexe n°2.
Pas de seuil
d’enregistrement
Seuil
d’enregistrement très
faible
Seuil d’enregistrement
faible
10 000
25 000
50 000
90 000
0
Seuil d’enregistrement moyen
Seuil d’enregistrement élevé
ES
IE
FI
SE
DK
PT
MT
CY
NL
DE
BE
BG
HU
LU
AT
CZ
HR
LV
EE
PL
LT
RO
SK
SI
FR
IT
UK
- 48 -
Les entreprises mettent en avant l’importance de relations fluides avec l’administration
fiscale et la nécessité d
’avoir une interprétation des règles de TVA claire et stable afin
de limiter les coûts de conformité.
Comme évoqué par de nombreuses confédérations
d’entreprises rencontrées par
les rapporteurs, les entreprises peuvent relativement facilement
s’accommoder d’une architecture de taux «
complexe » dès lors que celle-ci est stable dans le
temps, de même que l’interprétation que l’administration fait de la législation fiscale. Dans ce
contexte, la possibilité pour l’administration fiscale de délivrer des rescrit
s clairs et rapides
pour répondre aux questions des entreprises est considérée par ces dernières comme une des
clés pour minimiser les coûts de conformité et les risques d’erreurs. Dans certains pays
toutefois, comme l’Allemagne, les rescrits (
verbindliche Auskünfte
) ne sont pas gratuits, ce qui
limite leur utilisation.
La nature de la relation entre les entreprises et l’administration fiscale, si elle est plus
difficile à appréhender dans son ensemble, apparaît également comme une condition
d’efficacité d
u système de TVA
, indépendamment de l’architecture des taux et
des
exonérations. À cet égard, deux cas archétypaux peuvent être identifiés dans les pays visités
par les rapporteurs. Dans le modèle des pays nordiques comme la Suède, la confiance est un
élément central de la relation entre entreprises et administration fiscale, facilitant leurs
relations et donc le recouvrement
: d’après le
Swedish Quality Index
,
qui mesure l’accessibilité,
la compétence, le traitement et les services techniques des administrations publiques
suédoises, le
Skatteverket
est traditionnellement l’agence suédoise dont les usagers et clients
sont les plus satisfaits
151
; elle est surtout, dans le classement de confiance des entreprises pour
les nombreuses agences suédoises, à la deuxième position
152
. À l’inverse, en
Italie, la relation
entre les entreprises et l’administration est plutôt caractérisée par une méfiance réciproque
dans un contexte de niveau très élevé de fraude fiscale (
cf. infra
).
2.2.
L’enjeu le plus fort réside actuellem
ent dans la lutte contre la fraude
2.2.1.
Pour lutter contre la fraude à la TVA, telle que la fraude carrousel qui s’élève
à 50
Md€ dans l’UE
, les États
ont investi dans l’amélioration du contrôle des
entreprises et dans de nouveaux mécanismes de sécurisation du recouvrement
2.2.1.1.
L’évasion et la fraude à la TVA, qui consistent en des mécanismes sophistiqués,
représentent des montants conséquents au regard du rendement de cet impôt
En 2020
153
,
l
écart de TVA à l'échelle de l'UE
, qui couvre toutes les sources de non-conformité
à la TVA
154
,
s'est élevé à 93
Md€, soit
9,1 % de l'assujettissement total à la TVA
. Ce chiffre
prend en considération des recettes de TVA non-recouvrées en raison non seulement de la
fraude et de l'évasion en matière de TVA et des pratiques d'évitement et d'optimisation, mais
également des faillites et des insolvabilités financières, ainsi que des erreurs administratives,
de calcul et de déclaration (
cf
.
infra
). Bien que certaines de ces pertes soient impossibles à
éviter, les États ont un rôle décisif, le cas échéant par des réponses politiques ciblées, pour
contrer certaines actions intentionnelles telles que l’évasion et la fraude à la TVA
155
.
151
Kvalitetsmagasinet, « Tre av åtta myndigheter får godkänt i kundnöjdhet », septembre 2017.
152
Étude de la Fédération professionnelle Företagarna, «
Myndighetsranking 2021
», 2022.
153
Dernière année de données publiées par la Commission européenne sur l’écart de TVA.
154
La non-conformité comprend tant les actions non-intentionnelles (erreurs de calcul et de déclaration
notamment), que les actions intentionnelles telles que l’évasion et la fraude à la TVA (
cf
. sous-partie 1.3).
155
Commission européenne,
The Concept of Tax Gaps: Report on VAT Gap Estimations, FISCALIS Tax Gap Project
Group (FPG/041)
, 2016.
- 49 -
Par évasion à la TVA, il faut entendre à la fois la sous-déclaration et la non-déclaration de
transactions imposables liées à des activités économiques légales ou illégales dissimulées
l’économie souterraine
»). Par fraude à la TVA, on désigne traditionnellement les actions
criminelles impliquant une déduction/demande frauduleuse de la TVA en amont et le
non-paiement de la TVA en aval, ou encore visant à générer frauduleusement des
remboursements de TVA.
La fraude à la TVA prospère notamment sur certaines failles de la législation
européenne,
qui permet par exemple aux échanges transfrontaliers de ne pas être assujettis
à la TVA, cette dernière n'étant appliquée qu'aux ventes réalisées à l'intérieur d'un État
membre. Dans la plupart des cas, les fraudeurs vendent des marchandises et facturent la TVA
sur ces dernières aux acheteurs, sans la reverser aux autorités fiscales.
Différents types de fraude à la TVA existent
. Le plus répandu est la fraude
intracommunautaire à l'opérateur défaillant, ou
Missing Trader Intra-Community fraud
(
MTIC
fraud
), également appelée « fraude carrousel » (
cf.
encadré 9 et rapport particulier n° 2).
Encadré 9 : La fraude
intracommunautaire à l’opérateur défaillant, dite «
carrousel »
La fraude intracommunautaire à l'opérateur défaillant (
Missing Trader Intra-Community fraud
ou
MTIC) est une forme de fraude à la TVA commise par des entreprises ou groupes criminels organisés.
Elle représente
environ 50
Md€
par an en pertes fiscales aux autorités fiscales européennes
156
.
Cette fraude implique deux éléments :
un opérateur défaillant, qui ne s'acquitte pas de ses obligations en matière de TVA et disparaît
sans payer la taxe due ;
des marchandises échangées, qui, dans une large mesure, ne sont présentes que pour que la
fraude puisse être perpétrée. La fraude peut également avoir lieu sans que des marchandises
ne soient impliquées, avec des marchés dématérialisés comme celui des quotas d'émission
de CO
2
.
Dans le cadre de ces fraudes, les marchandises sont importées et vendues par l'intermédiaire d'une
série d'entreprises avant d'être à nouveau exportées. La première entreprise de la chaîne nationale
facture la TVA à un client, mais ne la verse pas au gouvernement, devenant ainsi ce que l'on appelle
un « opérateur défaillant ». Les exportateurs de ces marchandises demandent et reçoivent le
remboursement de la TVA qui n'a jamais été payée.
Les liens entre les participants sont déguisés pour rendre la détection précoce par l’administra
tion
fiscale plus difficile. Les entités initiales responsables du préjudice fiscal, les opérateurs défaillants
(
missing traders
), n'opèrent parfois que quelques mois avant de disparaître, ce qui complexifie leur
poursuite. La question des garanties exigées des nouveaux assujettis se pose.
Source : Commission européenne, The Concept of Tax Gaps: Report on VAT Gap Estimations, FISCALIS Tax Gap Project
Group (FPG/041), 2016 et Europol, MTIC (Missing Trader Intra Community) fraud.
Les États
membres de l’UE sont inégalement touchés par la fraude
fiscale
et très peu
d’administrations semblent avoir la capacité de mesurer la part exacte de TVA dans le total de
cette fraude
157
.
Toutefois, on peut noter que l’effet des contrôles
de l’administration
fiscale sur
l’augmentation des recettes recouvrées par les
É
tats est très variable au sein de l’U
nion
(
cf
. graphique 15). Tandis que certains É
tats membres ne recouvrent qu’un reliquat
supplémentaire de recettes, tels que la Suède (0,2 %), d’autres recouvrent une part
significative des recettes totales grâce à ces audits, tels que l’Espagne (9,1 %) et Chypre
(15,5 %). La France (1,9 %) se situe au-dessous de la moyenne non-pondérée de
l’UE
-28 (3,6 %)
158
.
156
Europol, “
MTIC (Missing Trader Intra Community) Fraud
.
157
Cour des comptes,
La fraude aux prélèvements obligatoires
, 2019.
158
OCDE,
Tax Administration 2022
, 2022.
- 50 -
Graphique 15 : Recettes supplémentaires recouvrées par le biais de l'audit en pourcentage du
total des recettes fiscales dans les États de
l’UE
-28, hors Finlande (2020, tous impôts confondus)
Source
: Rapporteurs d’après données OCDE, 2022.
Note de lecture
: Ces montants sont calculés tous impôts confondus. *La Finlande est le seul État membre de l’UE
-28
non inclus faute de données disponibles.
D’après les données OCDE, les redressements de TVA établis à la suite de contrôles
représentent 17 % de la TVA collectée en Italie, soit le niveau le plus élevé des pays européens
OCDE. Ce niveau est relativement faible en France puisqu’il rep
résente seulement 2 % de
la TVA collectée.
En comparaison des autres impôts, les collectes supplémentaires permises par des
contrôles sont plus faibles pour la TVA, en pourcentage du total collecté, que pour
l’imposition des sociétés
pour laquelle les redr
essements peuvent représenter jusqu’à 30
%
de la collecte, comme en Italie (
cf.
graphique 16). En moyenne, les redressements
supplémentaires
de l’
impôt sur les sociétés (IS)
en pourcentage de l’IS recouvré s’élèvent
à 11,3 %, soit un pourcentage presque trois fois supérieur à celui correspondant à la
TVA (3,7 %).
Graphique 16 : Redressements établis à la suite de vé
rifications, par type d’impôts (2019)
Source : Rapporteurs
d’après données OCDE, 2022.
Note de lecture : IS pour impôt sur les sociétés ; IRPP pour impôt sur le revenu des personnes physiques ; TVA pour taxe
sur la valeur ajoutée.
0,0
2,0
4,0
6,0
8,0
10,0
12,0
14,0
16,0
18,0
Chypre
Espagne
Belgique
Royaume-Uni
Italie
Bulgarie
Pologne
Slovaquie
Grèce
Pays-Bas
UE-28*
Portugal
Slovénie
Roumanie
Hongrie
Allemagne
France
Croatie
Danemark
Malte
Autriche
Luxembourg
Lettonie
Rép. tchèque
Estonie
Irlande
Lituanie
Suède
0,00
5,00
10,00
15,00
20,00
25,00
30,00
35,00
40,00
Italie
Royaume-Uni
Pologne
Bulgarie
Slovaquie
Hongrie
Roumanie
Belgique
Chypre
Portugal
Grèce
Luxembourg
Lettonie
France
Malte
Rép. tchèque
Pays-Bas
Allemagne
Autriche
Danemark
Croatie
Lituanie
Irlande
Redressements d’IS en pourcentage de l’IS collecté en 2019
Redressements d’IRPP en pourcentage de l’IRPP collecté en 2019
Redressements de TVA en pourcentage de la TVA collectée en 2019
- 51 -
2.2.1.2.
Les moyens de lutte contre la fraude recoupent traditionnellement le contrôle
fiscal ainsi que la coopération entre États
Aujourd’hui, tous les États membres de l’UE s’appuient
, dans la lutte contre la fraude à
la TVA, sur divers outils
tels que les mécanismes nationaux de contrôle fiscal, les obligations
de transmission de données, les programmes de coopération entre administrations fiscales et,
plus récemment, le guichet unique de TVA (
OSS-IOSS, One-Stop-Shop - Import One-Stop-Shop
)
mis en place au niveau de l’U
E
159
(
cf.
rapport particulier n° 1)
. L’objectif de ces différents
dispositifs est à la fois de renforcer l
’acceptabilité de
l’impôt, de dissuader les comportements
pénalement sanctionnables et de sanctionner ceux qui les commettent
160
.
Le contrôle fiscal fait partie intégrante des outils permettant de remplir cet objectif
. Les
États utilisent les contrôles pour identifier les entreprises fraudeuses. À cet égard, la distinction
entre les erreurs et les comportements délibérés de fraude est difficile à identifier. Le
Skattestyrelsen
danois a par exemple développé des outils d’audit aléatoire pour essayer de
repérer les problèmes de conformité
et d’apprécier chez les redevables ce qui relève d’une
erreur de bonne foi et ce qui est intentionnel
161
.
L’OCDE
note
que
les
outils
dont
disposent
les
administrations
permettent
progressivement une conformité plus ciblée et mieux gérée
162
. Ce changement semble être
facilité par une disponibilité accrue de données transmises à l’administration, au travers de la
numérisation des déclarations et paiements, des caisses enregistreuses électroniques ou
d’autres nouvelles obligations diverses
163
. Ainsi, la plupart des administrations fiscales
appliquent désormais des techniques de science des données afin d’exploiter ces données et
d’
améliorer les processus de recouvrement et de contrôle.
Cette disponibilité croissante de données et l'introduction de modèles analytiques
sophistiqués permettent aux administrations de mieux identifier les déclarations, demandes
ou transactions qui nécessiteraient un examen plus approfondi en raison de leur caractère
erroné ou frauduleux.
159
Les entreprises optant pour ces dispositifs de « guichet unique » (OSS et/ou IOSS) ne sont plus tenues de
s’immatriculer auprès des administrations fiscales de chaque État membre de consommation afin de déclarer et
payer la TVA due. La TVA est ainsi
déclarée et payée auprès d’un seul État membre
via
le guichet unique.
L’OSS (One
-
Stop-Shop) est conçu pour les entreprises qui vendent des marchandises d'un État membre de l'UE à des clients
situés dans d'autres pays de l'UE, tandis que l’IOSS (Import
-One-Stop-Shop) est conçu pour les entreprises qui
vendent des biens à des clients dans l'UE à
partir d'un territoire tiers, d'une valeur de 150 € ou moins. Pour les
marchandises d'une valeur supérieure, les règles d'importation standard de la TVA s'appliquent. Les entreprises
peuvent s'inscrire aux deux régimes.
160
«
La lutte contre la fraude remplit en effet un triple objectif : assurer le civisme fiscal en appliquant à tous, les
mêmes règles pour participer à la contribution commune, dissuader les contribuables tentés par des comportements
frauduleux et réprimer ceux qui auraient contourné notre régime fiscal pour leur propre bénéfice.
» in Sénat,
Mission
d’information relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales
, octobre 2022.
161
Commission européenne,
The Concept of Tax Gaps: Report on VAT Gap Estimations, FISCALIS Tax Gap Project
Group (FPG/041)
, 2016.
162
OCDE,
Tax Administration 2022
, 2022.
163
Les sources de données pour l’administration fiscale sont diverses
: appareils (par exemple, caisses
enregistreuses en ligne), banques, fournisseurs, consommateurs, administrations fiscales étrangères et acteurs
internationaux.
- 52 -
Le taux d'ajustement des contrôles
164
varie considérablement entre les administrations
fiscales, allant de 10 % en Slovénie à 91,7 % et 98,9 % en Italie et en Bulgarie,
respectivement.
Ce taux d’ajustement, calculé par l’OCDE tou
s impôts confondus, est influencé
par de nombreux paramètres, tels que la récurrence des erreurs intentionnelles ou
non-intentionnelles de déclaration, les tentatives de fraude et le ciblage des contrôles. En effet,
un taux
d’ajustement
élevé peut être le résultat de contrôles très ciblés plutôt que d’un fort
taux de fraude. Malgré ces déterminants multiples, ce taux permet de rendre compte de
l’hétérogénéité des résultats obtenus par les administrations fiscales
dans leurs actions de
contrôle.
En
Autriche
, l’administration fiscale a déployé en 2020 un outil d’évaluation des risques en
temps réel pour les déclarations d'impôt sur le revenu. Sur la base d’une note attribuée en
fonction du risque, des individus sont sélectionnés pour des contrôles sur pièces. Une
évaluation de la même année a révélé l’efficacité de cet outil, qui a permis un doublement des
cas identifiés de mauvaise déclaration. En raison de son succès, l'administration fiscale
autrichienne a décidé
en 2021 d’étendre progressivement cette méthode d'évaluation des
risques en temps réel à aux déclarations de nombreux impôts, parmi lesquels figure la TVA
165
.
En complément des mécanismes et procédures internes de lutte contre la fraude, la
coopération entre
différents États et le renforcement de l’échange d’informations
s’avèrent essentiels pour combattre la fraude internationale à la TVA.
Les États membres
de l’UE
s'engagent, conformément aux textes européens
166
, à lutter contre
la fraude à la TVA et à se prêter mutuellement assistance pour le recouvrement des créances
dans le domaine de la TVA. Ces échanges d’informations sont coordonnés par le réseau
Eurofisc, lancé en 2010 pour lutter contre la fraude transfrontalière à la TVA, et composé de
fonctionnaires des 27 États membres et de la Norvège (
cf
. rapport particulier n° 2).
Les gains de cette assistance sont réels : l'accord UE-Norvège sur la coopération administrative,
la lutte contre la fraude et l'assistance en matière de recouvrement des créances dans le
domaine de la TVA, entré en vigueur en 2018, aurait déjà alerté les États membres sur des
pertes potentielles liées à la fraude à la TVA d'environ 5
Md€ depuis 2020
167
.
Un paquet législatif (un règlement et deux directives
168
) adopté en février 2020 a introduit de
nouveaux outils de coopération administrative, parmi lesquels
169
:
l'amélioration du réseau Eurofisc par une gouvernance renforcée, des actions dites de
suivi (traitement et analyse conjoints des données) et des enquêtes administratives
menées conjointement (audits conjoints) ;
la collaboration avec d'autres organes répressifs de l'UE (Europol, OLAF
170
) ;
le partage d'informations clés sur les importations et sur les véhicules.
164
Nombre de contrôles pour lesquels un redressement fiscal a été effectué, en pourcentage du nombre total de
contrôles réalisés.
Le redressement permet de corriger la base d’imposition d’un
contribuable à la suite d
erreurs
ou omissions.
165
Ibid
.
166
Règlement (UE) n° 904/2010 et directive (UE) 2006/112/CE.
167
Commission européenne,
International fight against VAT fraud: Commission puts forward Recommendation to
strengthen the EU’s VAT cooperation with Norway
”, 26 avril 20
22.
168
Règlement (UE) 2020/283, directive (UE) 2020/284 et directive (UE) 2020/285 du Conseil du 18 février 2020.
169
Commission européenne,
Recommendation for a Council decision to authorise the Commission to open
negotiations for the amendment of the Agreement between the European Union and the Kingdom of Norway on
administrative cooperation, fight against fraud and recovery of claims in the area of value added tax
, 26 avril 2022.
170
Europol :
European Police Office
; OLAF :
European Anti-Fraud Office
.
- 53 -
Depuis mai 2019, un nouveau système appelé
Transaction Network Analysis
(TNA) permet aux
États membres d'échanger rapidement et de traiter conjointement les données relatives à
la TVA, conduisant à une détection plus précoce des réseaux suspects de fraude
171
.
Enfin, le paquet législatif de février 2020 exige, pour les assujettis, la transmission de nouvelles
données de paiement aux États membres à partir de 2024. Ces dernières seront centralisées
dans une banque de données européenne, dénommée «
système électronique central
concernant les informations sur les paiements
» (CESOP
172
), où elles seront agrégées, stockées
et recoupées avec d’autres banques de données. Selon la Commission
européenne, les
informations contenues dans le CESOP seront mises à disposition des experts de la lutte anti-
fraude des États membres grâce au réseau Eurofisc
173
.
Plus généralement, le développement des moyens de paiement dématérialisés est un
facteur important dans la réduction de la fraude fiscale, et en particulier de la fraude à
la TVA.
En Suède, la numérisation de l’économie et des paiements est avan
cée par
l’administration fiscale comme l’une des explications du faible écart TVA, dans un pays qui tend
progressivement vers une « société sans liquidités » (
cashless society
)
174
.
De son côté, le Royaume-Uni a mis en place, en avril 2019, le programme de numérisation
Making Tax Digital
(MTD), obligeant les entreprises assujetties à la TVA à tenir des registres
numériques et à utiliser un logiciel pour soumettre leurs déclarations de TVA.
L’objectif affiché
par le HMRC est de mieux contrôler l'évasion et la fraude fiscales et de réduire les erreurs
commises dans les documents traités manuellement. En 2021, selon un rapport de l’agence de
recherche IFF Research pour le HMRC, 67 % des entreprises considèrent que le programme
MTD a réduit le risque d'erreurs dans au moins un aspect du processus de tenue des registres,
de préparation et de déclaration de TVA
175
. Le HMRC a plus récemment indiqué que le
programme MTD devrait permettre de recouvrer 230 M£ de recettes supplémentaires de TVA
pour l’année 2021
-2022
176
.
S’agi
ssant des « bonnes pratiques » dans la lutte contre la fraude, la Commission
européenne a publié un rapport en avril 2022 sur les processus, les normes
d’enregistrement, de recouvrement et d’audit de la TVA dans l’UE et au Royaume
-Uni,
en proposant des pis
tes d’amélioration pour les administrations fiscales
177
.
En comparant les initiatives menées par les États membres les plus performants en termes de
réduction de l’écart de TVA et ceux où ces écarts sont historiquement bas, la Commission
propose un aperçu extensif des pratiques et émet 39 recommandations visant à aider les
administrations fiscales à améliorer leurs processus internes relatifs à la TVA.
Il est notamment recommandé que les administrations fiscales intensifient leurs efforts dans
les domaines de l'analyse des risques, de l'automatisation des processus et de l'échange
d'informations. Pour cela, ces dernières doivent moderniser leurs systèmes informatiques,
augmenter le nombre d'informaticiens et investir dans une analyse approfondie des données
à leur disposition (
cf. supra
)
178
.
171
Commission européenne, « Fraude à la TVA: nouvel outil pour aider les pays de l'UE à sévir contre les criminels
et à récupérer des milliards d'euros », 15 mai 2019.
172
Central Electronic System of Payment information
.
173
Commission européenne, “
Transmission and exchange of payment data to fight VAT fraud
”, 18 mars 2020.
174
A cashless society. In Sweden, technology is close to making cash a thing of the past. All aboard with the cashless
society?”, sweden.se, 14 octobre 2021.
175
IFF Research,
Impact of Making Tax Digital for VAT
, juillet 2021.
176
Rapport annuel du HMRC, 2021
177
Commission européenne,
Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil. Neuvième rapport de la
Commission sur les procédures d'immatriculation, de perception et de contrôle en matière de TVA, établi en application
de l’article 12 du règlement (CEE, Euratom) nº 1553/89
, avril 2021.
178
Ibid
.