Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de ses auteurs.
Il n
’
engage pas le Conseil des prélèvements obligatoires.
RAPPORT PARTICULIER N° 2
La place de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
dans les finances publiques
M. Cédric Dutruel
Inspecteur des finances
M
me
Valentine Verzat
Inspectrice des finances
Décembre 2022
SYNTHÈSE
Depuis les précédents travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) en 2015,
la place de la TVA dans les prélèvements obligatoires est
restée stable
(17
%), ce qui en fait l’un des principaux impôts du systè
me fiscal français. Le
produit de la TVA budgétaire nette des remboursements et dégrèvements a augmenté de 22 %
entre 2015 et 2021, passant de 153 à 187
Md€. En corrigeant de l’inflation sur la période, la
hausse est de 15 %.
À l’exception de la crise sani
taire en 2020,
la TVA reste un impôt
dynamique
dont la prévisibilité est satisfaisante.
Depuis le 1
er
janvier 2014, le taux normal de TVA est de 20 %, et
le taux effectif moyen est
de 9,7
%, traduisant principalement l’impact des taux réduits
. Selon les travaux de la
Commission européenne, la TVA présente un potentiel de rendement théorique de 118
Md€
supplémentaires en limitant la majorité des exemptions et en supprimant les taux réduits. Le
rendement de la TVA est en effet affecté par des baisses sectorielles ciblées et par
les 43 dépenses fiscales recensées dans le tome 2 de
l’
Évaluation des voies et moyens
annexé au
projet de loi de finances, pour un montant estimé à 16,5
Md€
. Néanmoins
ce recensement est
très partiel : on peut évaluer à 133 le nombre de mesures dérogatoires relatives à la TVA
représentant au minimum une perte de recettes de 43,5
Md€
.
Comme demandé par le rapport du CPO de 2015, il y a plus de 7 ans, une évaluation
systématique de l’ensemble des mesures fiscales dérogatoires devrait êtr
e réalisée dans le
cadre d’une mise à jour du rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches
sociales de 2011.
La suppression des principales dépenses fiscales jugées inefficaces ou
inefficientes par les évaluations permettrait déjà
d’é
conomiser 14
Md€.
Malgré un rendement dynamique, la recette nette de TVA perçue de l’État a baissé de
33 %
entre 2015 et 2021, passant de 142 à 96
Md€. Cette baisse s’explique par la hausse conjointe
de l’affectation de TVA à d’autres administrations
publiques, principalement la protection
sociale (30 % de la TVA nette) et les collectivités territoriales (20 % de la TVA nette). Ces
affectations poursuivent des buts distincts :
l’affectation à la protection sociale permet de compenser des
exonérations de
cotisations sociales
, principalement le
crédit d’impôt po
ur la compétitivité et
l’emploi
(CICE)
, sans passer par un mécanisme complexe de compensation à l’euro près
;
l’affectation aux collectivités compense principalement la baisse de la
cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la suppression de la taxe
d’habitation
et permet d’éviter de dégrader leur ratio d’autonomie financière.
Ces affectations se font doublement aux dépens
du budget de l’État
: la dynamique des fractions
de TVA affectées bénéficie aux affectataires et des mesures planchers obligent l’État à garantir
les affectataires contre une éventuelle baisse du rendement de la TVA. Du point de vue du
pilotage, ces affectations présentent les inconvénients rappelés par le CPO dans son rapport
de 2015 : amoindrissement du contrôle parlementaire, moins bonne lisibilité des moyens
publics
alloués
aux
politiques
publiques,
affaiblissement
du
pouvoir
de
tutelle
et
complexification du pilotage des politiques publiques. Dans le cas des collectivités, elles
réduisent par ailleurs leur autonomie fiscale.
Une réflexion devrait donc être engagée pour
limiter l’affectation de TVA en dehors du budget de l’État.
La fraude à la TVA a également
un effet significatif sur le rendement de l’impôt.
Pour
autant, et si elle minore le niveau des recettes pour l’État, elle est par nature subie et ne saurait
être mise sur le même plan que d’autres facteurs qui, s’ils conduisent au même résultat,
pr
ocèdent avant tout de décisions politiques et/ou économiques (affectations à d’autres
administrations publiques, existence de taux réduits, choix d’assiette, etc.).
Le chiffrage de la fraude à la TVA est un exercice difficile par nature. À cet égard, les
t
ravaux
récents
de
l’Institut
national
de
la
statistique
et
des
études
économiques (INSEE), qui évaluent son montant entre 20 et 25
Md€
, constituent une
contribution essentielle.
Ces mêmes travaux conduisent néanmoins
à s’interroger sur la
méthodologie et l
’articulation entre les différents chiffrages disponibles, à l’image de l’écart de
TVA calculé par la Commission européenne. Estimé à environ 14
Md€ en
2019 pour la France,
ce montant renvoie à l’écart entre les recettes théoriques et les recettes effectiv
ement perçues.
À ce titre, il intègre le préjudice causé par la fraude sans se limiter à cette dernière. En effet,
l’écart de TVA porte sur la totalité du manque à gagner pour l’État
,
quelle qu’en soit la cause.
Dans ce contexte, il apparaît utile de définir une méthodologie de calcul stable et partagée en
vue d’approcher objectivement le montant du préjudice pour les finances publiques. Les
résultats pourraient être présentés chaque année à l’occasion des débats sur le projet de loi de
finances initiale.
Depuis les travaux du CPO en 2015,
les prérogatives des pouvoirs publics en matière de
lutte contre la fraude à la TVA se sont accrues et leur organisation a évolué
avec la
création du Parquet national financier, de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la
criminalité organisée et du service d’enquêtes judicaires des finances
(SEJF). La loi
du 23 octobre 2018 constitue une avancée notable dont il conviendra de mesurer les effets à
terme. En tout état de cause, le développement des coopérations
entre l’autorité judiciaire et
l’administration fiscale doit permettre d’apporter une réponse aux cas de fraude les plus
graves, de même que le recours à de nouveaux instruments (échanges de données,
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité,
convention judiciaire d’intérêt
public, etc.).
Certains ajustements pourraient d’ores et déjà être réalisés, à l’image de la
proposition formulée par les rapporteurs consistant à uniformiser les attributions des
enquêteurs du SEJF afin que les officiers fiscaux judiciaires soient également
compétents en matière de fraude à la TVA.
En ce qui concerne spécifiquement l’administration fiscale, le développement de nouveaux
outils (
datamining
, aviseurs fiscaux, etc.) doit également permettre de renforcer l’effic
acité des
contrôles dont les résultats s’érodent dans le champ de la TVA (1,3
Md€ d’encaissements
en 2015 contre 904
M€ en
2021).
La mise en œuvre de la facturation électronique
(
e-invoicing
), adossée à l’obligation de transmission automatique de données (
e-
reporting
),
pourrait également être à l’origine d’une amélioration du rendement de la
TVA sous l’effet d’une réduction de la fraude.
À la faveur du développement continu du commerce en ligne, de nouvelles pistes pourraient
être explorée
s à l’image de la
lutte contre les représentants fiscaux de complaisance ou de
l’encadrement des activités de
dropshipping
.
Ces deux exemples traduisent,
s’il en est le
besoin,
de continuer à œuvrer à l’échelle européenne.
Dans le prolongement de ce que
notait déjà le CPO en 2015, celle-ci a vocation à constituer le niveau pertinent pour lutter contre
les fraudes d’ampleur en matière de TVA. Au cours des dernières années, les coopérations
entre administrations fiscales ont connu une amélioration significative qui doit être poursuivie.
L’apport du réseau Eurofisc a été unanimement reconnu par les acteurs rencontrés en ce qu’il
constitue une précieuse source d’information et de coopération.
Enfin, la création du Parquet
européen en 2017, opérationnel depuis le 1
er
juin 2021, doit également permettre de lutter
plus efficacement contre les fraudes d’ampleur mises en œuvre sur le territoire de plusieurs
États membres (carrousel, régime 42, etc.).
RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS
Proposition n° 1 : Rationnaliser la classification des dépenses fiscales, conformément
aux recommandations précédentes du CPO, et systématiser leur chiffrage dans les
documents annexés aux lois de finances.
Proposition n° 2 : Améliorer les documents annexés aux lois de finances en précisant
systématiquement la méthode d’évaluation du montant des dépenses fiscales liées à
la TVA.
Proposition n° 3
: Évaluer systématiquement l’ensemble des mesures fiscales
dérogatoires relatives à la TVA.
Proposition n° 4 : Supprimer les dépenses fiscales TVA inefficaces ou inefficientes.
Proposition n° 5 : Diviser par deux le plafond de franchise de base.
Proposition n° 6 : Intégrer la TVA affectée à la présentation des flux financiers entre
l’État et les collectivités, au sein des documents
annexes aux lois de finances.
Proposition n° 7 : Respecter la doctrine prévue par la loi de modernisation de la
gestion des finances publiques en réservant la fiscalité affectée à des cas particuliers.
Proposition n° 8
: Engager une réflexion sur le remplacement de l’affectation de TVA
aux organismes de Sécurité sociale par une dotation budgétaire.
Proposition n° 9 : Engager une réflexion sur la réforme du financement des
collectivités territoriales, afin de limiter l’usage de la TVA.
Proposition n° 10 : Initier une réflexion, de préférence au niveau européen, destinée à
mieux réguler le développement du
dropshipping
et ses implications en matière de
taxe sur la valeur ajoutée.
Proposition n° 11 : Définir une méthodologie destinée à évaluer le montant de la
fraude à la TVA dont les résultats seraient communiqués et débattus au Parlement lors
de l’examen du projet de loi de finances initiale pour l’année à venir.
Proposition n° 12 : Élargir les attributions des officiers fiscaux judiciaires du service
d’enquêtes judiciaires des finances aux cas de fraude à la TVA, à l’image de ce qui
existe déjà pour les officiers de douane judiciaire.
Proposition n° 13 : Initier une réflexion en vue de lutter contre les représentants
fiscaux de complaisance, en conditionnant par exemple leur accréditation à la
démonstration de leur solvabilité au regard du nombre de sociétés représentées.
SOMMAIRE
RECAPITULATIF DES PROPOSITIONS
..........................................................................................
5
INTRODUCTION
...................................................................................................................................
1
1.
LA TVA EST UN IMPÔT DYNAMIQUE DONT LE RENDEMENT EST GREVÉ PAR UNE
STRUCTURE DE TAXATION INEFFICACE
............................................................................
3
1.1.
La TVA est l’un des principaux impôts dans le système fiscal f
rançais
.....................
3
1.2.
En dehors de la période de la crise sanitaire, la prévisibilité du rendement de la
TVA est bonne
....................................................................................................................................
7
1.3.
La TVA est un impôt dont le rendement est dynamique mais minoré par les
exemptions, les taux réduits ainsi que la fraude
..............................................................
10
1.4.
La simplification des taux réduits et exemptions permettrait d’améliorer le
rendement de la TVA
...................................................................................................................
16
2.
LA HAUSSE D’AFFECTAT
ION DE LA TVA EN DEH
ORS DU BUDGET DE L’É
TAT
DOIT CONDUIRE À ARRÊTER UNE DOCTRINE CLAIRE SUR CES AFFECTATIONS
.......................................................................................................................................................
29
2.1.
La part de TVA nette allouée au budget de l’État est en baisse de
33 %
entre 2015 et 2021 en raison des affectations de TVA
..................................................
29
2.2.
Les affectations de TVA en dehors du budget de l’État poursuivent des objectifs
différents selon les objets financés
........................................................................................
30
2.3.
L’État doit se doter d’une doctrine englobant la TVA affectée à la protection
sociale et aux collectivités territoriales
...............................................................................
49
3.
LA FRAUDE À LA TVA, DONT LE PRÉJUDICE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
SERAIT COMPRIS ENTRE 20 ET 25
MD€, EST U
NE NOTION PROTÉIFORME DONT
LA DÉFINITION ET L’E
STIMATION APPARAISSENT MALAISÉES
............................
55
3.1.
La notion de « fraude à la TVA
» ne fait pas l’objet d’une définition unique, ce qui
la rend difficile à appréhender
................................................................................................
55
3.2.
Si certains schémas de fraude à la TVA sont désormais bien identifiés par les
pouvoirs publics, de nouveaux mécanismes destinés à éluder l’impôt
apparaissent
....................................................................................................................................
59
3.3.
Dans ce contexte, l’estimation du coût de la fraude à la TVA pour les finances
publiques apparaît complexe
...................................................................................................
64
4.
SI LES PRÉROGATIVES DES POUVOIRS PUBLICS ONT ÉTÉ RENFORCÉES AU
COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, LEURS ATTRIBUTIONS DOIVENT DÉSORMAIS
ÊTRE CONFORTÉES ET LEUR COOPÉRATION RENFORCÉE EN VUE DE LUTTER
EFFICACEMENT CONTRE LA FRAUDE À LA TVA
...........................................................
67
4.1.
La loi du 23 octobre 2018 de lutte contre la fraude a renforcé la coopération
entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire
......................................................
67
4.2.
Depuis
2015, l’organisation de l’autorité judiciaire et des services d’enquête a
connu de profonds changements en vue de lutter davantage contre la fraude à la
TVA
......................................................................................................................................................
73
4.3.
Les services de la direction générale des finances publiques ont fait évoluer
leurs méthodes et leur organisation afin de renforcer la lutte contre la fraude
fiscale
..................................................................................................................................................
78
4.4.
À l’échelle européenne et internationale, la coopération doit être renforcée
entre l’ensemble des acteurs
....................................................................................................
80
5.
LE RECOURS À LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE DOIT PERMETTRE DE
RÉDUIRE L’ÉCART DE TVA ET D’AMÉLIORER LA
LUTTE CONTRE LA FRAUDE . 85
5.1.
La mise en œuvre de la facturation électronique s’inscrit dans un contexte de
stabilisation de l’écart de TVA
et des montants recouvrés dans le cadre du
contrôle fiscal
..................................................................................................................................
85
5.2.
En France, la généralisation de la facturation électronique (
e-invoicing
) est
adossée à l’obligation de transmission des principaux éléments de l’opération
économique sous-jacente (
e-reporting
)
...............................................................................
86
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
....................................................................................
89
1.
ADMINISTRATIONS CENTRALES
........................................................................................
89
1.1.
Ministère de l’économie, des finances e de la souveraineté industrielle et
numérique
........................................................................................................................................
89
1.2.
Ministère de l’Intérieur et des Outre
-mer
...........................................................................
91
1.3.
Ministères sociaux
........................................................................................................................
91
2.
AUTRES ADMINISTRATIONS
...............................................................................................
91
2.1.
Institut national de la statistique et des études économiques
...................................
91
2.2.
Mission interministérielle de coordination anti-fraude
...............................................
91
3.
AUTORITÉ JUDICIAIRE
..........................................................................................................
92
3.1.
Parquet européen
.........................................................................................................................
92
3.2.
Tribunal de Paris, juridiction interrégionale spécialisée-juridiction nationale
chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JIRS-JUNALCO)
.......................
92
4.
SECTEUR ÉCONOMIQUE
........................................................................................................
92
4.1.
Association française des entreprises privées
..................................................................
92
4.2.
Représentants des entreprises
................................................................................................
92
4.3.
Entreprises
.......................................................................................................................................
92
5.
PERSONNALITÉS QUALIFIÉES
.............................................................................................
93
- 1 -
INTRODUCTION
En 2021, les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
–
nettes des remboursements et
dégrèvements
–
s’é
levaient à 187
Md€
, soit 17 % des prélèvements
obligatoires. À l’exception
de l’impôt sur le revenu
(288
Md€) et
des cotisations sociales (375
Md€), aucun autre
prélèvement obligatoire ne présente un tel rendement. 70 ans après sa création, la TVA occupe
une place centrale dans le système fiscal français et, plus largement, dans les finances
publiques de notre pays.
Analyser la place de la
TVA dans les finances publiques suppose au premier chef de s’interroger
sur l’objectif qui lui a été assigné lors de sa création, à savoir celui d’être un impôt de
rendement. Tel est l’objet du présent rapport particulier. Celui
-
ci s’inscrit dans le
prolongement des travaux menés par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) en 2001,
puis en 2015. Par conséquent, les développements qui suivent ne constituent ni une analyse
historique de la place de la TVA dans les finances publiques, ni un bilan sur longue période de
son rendement. Le présent rapport se focalise sur les principaux événements, décisions et
facteurs qui, entre 2015 et 2021, ont eu une incidence sur les recettes de TVA
, c’est
-à-dire
depuis les derniers travaux en la matière publiés par le CPO.
Dans une première partie, le rapport analyse l’évolution du rendement budgétaire de la TVA
au cours de la période de référence et notamment :
la place de la TVA dans le système de prélèvements obligatoires en France ;
les effets des dispositifs déroga
toires susceptibles d’en affecter le rendement
;
la prévisibilité des recettes de TVA.
La
deuxième partie porte sur les mécanismes d’affectation des recettes de TVA à d’autres
administrations publiques que l’État (sécurité sociale, collectivités territoria
les), qui
constituent désormais une tendance lourde par rapport à la situation qui prévalait en 2015 :
le régime juridique applicable à ces affectations ainsi que les montants qui en résultent ;
la pertinence et la viabilité de l’affectation croissante des
recettes de TVA au bénéfice des
administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale.
Les troisième et quatrième parties sont consacrées à la fraude à la TVA. Les développements
qui s’y rapportent visent notamment à
:
appréhender la notion de « fraude à la TVA » ;
chiffrer le montant du préjudice pour les finances publiques ;
décrire les nouveaux outils à la disposition des pouvoirs publics et les évolutions à
l’œuvre depuis
2015, notamment dans le champ pénal et à l’échelle europé
enne.
Bien que la fraude ait pour effet de minorer le rendement budgétaire, elle est par nature subie
et ne saurait être mise sur le même plan que d’autres facteurs qui, s’ils conduisent également
à diminuer les recettes de TVA, résultent avant tout de choix politiques et/ou économiques
(ex :
affectations à d’autres administrations publiques, existence de taux réduits, etc.).
La cinquième partie se veut une présentation synthétique de la facturation électronique, à
l’heure du déploiement prochain des dispositifs d’ «
e-invoicing
» et d’«
e-reporting
».
- 2 -
Les analyses produites pour chacun de ces grands thèmes s’accompagnent de propositions
lorsqu’il apparaît que cela s’avère nécessaire pour améliorer le rendement de la TVA et
conforter sa place dans les finances publiques. Enfin lors de leurs travaux, les rapporteurs ont
eu l’occasion de rencontrer et d’échanger avec l’ensemble des parties prenantes, qu’elles soient
issues de l’administration, du monde académique ou du secteur privé
et dont la liste figure en
annexe.
- 3 -
1.
La TVA est un impôt dynamique dont le rendement est grevé par une
structure de taxation inefficace
1.1.
La TVA est l’un des principaux impôts dans le système fiscal
français
1.1.1.
La TVA représente 17 % des prélèvements obligatoires en 2021 selon les
comptes nationaux
Selon les comptes nationaux, les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette des
remboursements et dégrèvements représentaient, en 2021, un montant de 186
Md€
1
soit 17 % des prélèvements obligatoires (cf. graphique 1 et encadré 1). Cette proportion est
relativement stable depuis 1995 (15 à 18 % sur la période). De même, en pourcentage du
produit intérieur brut (PIB), la TVA est restée stable : 7 à 8 % sur la même période.
Graphique 1 : Poids des principaux impôts par catégorie en France sur la période 2010-2021
Source
: Mission, d’après les comptes nationaux (base
2014).
Légende : PIB = produit intérieur brut ; PO = prélèvements obligatoires.
1
Taxes de type TVA au sens de l’institut national de la statistique et des études économiques
(INSEE) et TVA sur les
subventions au titre de la sous-compensation agriculture (cf. Encadré 1).
39
40
41
42
43
44
45
46
0
200
400
600
800
1 000
1 200
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
% du PIB
Md€
TVA
Impôts sur les produits
Impôts sur la production
Impôts sur le revenu
Autres impôts
Cotisations sociales
PO en % du PIB
- 4 -
Encadré 1 : Nomenclature des prélèvements obligatoires dans la comptabilité nationale
▪
Impôts sur les produits (D21) :
o
Taxes de type TVA (D211) ;
o
Impôts et droits sur les importations, à l’exclusion de la TVA (D212)
;
o
Impôts
sur les produits, à l’exclusion de la TVA et des impôts sur les importations (D214)
;
▪
Autres impôts sur la production :
o
Impôts sur les salaires et la main d’œuvre (D291)
;
o
Impôts divers sur la production (D292) ;
▪
Impôts sur le revenu (D51) ;
▪
Autres impôts courants (D59) ;
▪
Impôts en capital (D91r) ;
▪
Cotisations sociales effectives ;
▪
Admissions en non-valeur nettes.
La TVA sur les subventions, au titre de la sous-compensation agriculture, est reclassée par l'Insee en
autres impôts sur la production (D29).
Source
: Mission, d’après les comptes nationaux (base
2014).
La place de la TVA dans les prélèvements obligatoires en France a déjà fait l’objet d’un rapport
particulier dans le cadre des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2015
2
.
Le
présent rapport s’attache donc à décrire son évolution sur la période
2015-2021. Sur cette
période, la recette de TVA a ainsi augmenté de 22 %, mais de 7 % corrigée de la hausse du PIB.
Le poids de la TVA dans les prélèvements obligatoires a augmenté de 7 % sur la même période
(cf. tableau 1
). Cette hausse est relativement continue à l’exception de l’année
2020, la baisse
étant due à l’impact
de la crise sanitaire.
Tableau 1 : Poids de la TVA dans les prélèvements obligatoires de 2015 à 2021
TVA
1
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Recette
(Md€)
152,6
155,4
162,9
168,6
174,9
162,6
185,9
Évolution de la recette
2 %
2 %
5 %
4 %
4 %
- 7 %
14 %
Poids dans les prélèvements obligatoires
15,6 %
15,6 %
15,7 %
15,9 %
16,4 %
15,8 %
16,8 %
Poids de la TVA en % du produit intérieur
brut
6,9 %
7,0 %
7,1 %
7,1 %
7,2 %
7,0 %
7,4 %
Source
: Mission, d’après les comptes nationaux (base
2014).
1.1.2.
La TVA est le premier impôt indirect
En matière de fiscalité indirecte
3
, la TVA est le premier impôt avec un poids de 60 % en 2021,
stable depuis 2015 (cf. tableau 2). Outre la TVA, la fiscalité indirecte regroupe les autres impôts
et droits sur les importations, notamment au profit de l’Union européenne, et les autres impôts
sur les produits, comme les taxes sur les tabacs ou sur les mutuelles.
2
Rapport particulier n° 6 « La taxe sur la valeur ajoutée et les finances publiques », CPO 2015.
3
Impôts de classe D21 et TVA sur les subventions au titre de la sous-compensation agriculture (cf. Encadré 1).
- 5 -
Tableau 2 : Poids de la TVA dans la fiscalité indirecte de 2015 à 2021
Impôt
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Fiscalité indirecte (Md€)
250,9
257,9
272,0
283,9
292,8
275,6
309,0
TVA (Md€)
152,6
155,4
162,9
168,6
174,9
162,6
185,9
Poids de la TVA
61 %
60 %
60 %
59 %
60 %
59 %
60 %
Source
: Mission, d’après les comptes nationaux (base
2014).
1.1.3.
La TVA représente 60 % de la fiscalité de la consommation en 2018
La fiscalité de la consommation
4
atteint en
2018, selon les travaux de l’Organisation
de
coopération et de développement économiques (OCDE), 11,9 % du PIB, proche de la moyenne
de l’OCDE (10,3
%). La TVA représente 60 % de la taxation sur la consommation en 2018, cette
proportion étant stable depuis 2015 (cf. tableau 3
). Par rapport à la moyenne de l’OCDE, le
poids de la TVA dans les impôts sur la consommation est plus faible en France de six points.
Les taxes sur la consommation comprennent, outre la TVA, principalement les accises, perçues
sur des biens spécifiques (23 % des impôts sur la consommation en France en 2018).
Tableau 3 : Poids de la TVA dans les impôts sur la consommation de 2005 à 2018
Poids de la TVA dans les impôts consommation
2005
2010
2015
2018
Impôts sur la consommation en France (en % du PIB)
10,7
10,8
11,4
11,9
Impôts sur la consommation
dans l’
OCDE (en % du PIB)
10,2
10,0
10,2
10,3
TVA en France (en % du PIB)
7,2
6,8
6,9
7,1
TVA
dans l’OCDE (en
% du PIB)
6,5
6,4
6,7
6,8
Poids de la TVA dans les impôts sur la consommation en France
67 %
63 %
61 %
60 %
Poids de la TVA dans les impôts sur la consommation
dans l’
OCDE
64 %
64 %
66 %
66 %
Source
: Mission, d’après OCDE (2021),
Tendance des impôts sur la consommation 2020.
1.1.4.
En recettes budgétaires, le produit de la TVA nette a augmenté de 22 %
entre 2015 et 2021 pour atteindre 187
Md€
Il est à noter que l’ensemble des chiffres présentés jusqu’ici correspondent à la comptabilité
nationale et non budgétaire :
la TVA est nette des remboursements ;
la recette est en droits constatés.
Outre les remboursements, un écart entre les deux comptabilités peut donc exister, la
comptabilité nationale enregistrant la TVA au moment de la transaction et la comptabilité
budgétaire au moment du paiement.
Le produit de la TVA budgétaire nette des remboursements et dégrèvements a augmenté
de 22 % entre 2015 et 2021, passant de 153 à 187
Md€ (cf.
graphique 2). En corrigeant de
l’inflation sur la période, la hausse est de
15
%. Cette augmentation a été continue, à l’exception
d’une chute de
7 %, soit 12
Md€ en
2020, l’activité économique aya
nt été ralentie par la crise
sanitaire.
4
Selon la nomenclature de l’OCDE, les impôts sur la consommation (5100)
comprennent deux sous-catégories : les
impôts généraux sur les biens et les services (5110), parmi lesquels figurent les taxes sur la valeur ajoutée (5111),
les impôts sur les ventes (5112) et d’autres impôts généraux sur les biens et services (5113), et l
es impôts sur des
biens et des services déterminés (5120) qui recouvrent essentiellement les accises (5121), les droits de douane et
droits à l’importation (5123) et les impôts sur des services spécifiques (5126).
- 6 -
Graphique 2 : Exécution de la TVA en comptabilité budgétaire de 2015 à 2021
Source
: Mission, d’après les documents annexes aux lois de finances et les données fournies par la direction
du budget.
Les remboursements et dégrèvements exécutés ne sont plus détaillés dans les lois de
règlement depuis 2016. P
ar conséquent il n’est pas possible de reconstituer la TVA brute
5
à
partir de ce seul document.
Les données analysées proviennent du rapport annuel de performances du programme n° 200
«
Remboursements
et
dégrèvements
d’impôts
d’État
(crédits
évaluatifs)
».
Sur
la
période 2015-2021, les remboursements et dégrèvements ont augmenté de 22 %, passant
de 52 à 63M
d€
, mais leur poids par rapport à la TVA brute est resté stable sur la même période
(cf. tableau 4).
Ces remboursements et dégrèvements ont deux composantes :
les crédits de TVA liés à la déductibilité, pour les entreprises assujetties, de la TVA payée
sur les consommations intermédiaires ;
les remboursements de sommes indûment perçues.
Tableau 4 : Remboursements et dégrèvements TVA de 2015 à 2021 (en
Md€)
Remboursements et dégrèvements
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Remboursements et dégrèvements liés à la
mécanique de l'impôt
49,5
50,1
50,9
52,5
57,1
60,0
60,7
Dégrèvements et restitution de sommes
indûment perçues
2,2
2,1
2,4
2,4
2,5
2,8
2,4
Total
51,7
52,3
53,3
54,9
59,6
62,8
63,0
Poids dans la TVA brute
25 %
25 %
24 %
24 %
25 %
27 %
25 %
Source
: Mission, d’après les rapports annuels de performances du programme
200.
La loi de règlement retrace depuis 2018 les évolutions
dans l’exécution de la TVA
dues aux
mesures mises en place (évolution de taux, transferts, etc.) et les autres évolutions dites
spontanées (cf. tableau 5 et graphique 3).
En dehors des mesures de transfert, analysées en partie 2, et des mesures nouvelles, dont
l’impact annuel est inférieur à
1,3
Md€ sur la période, l’évolution de la recette de TVA nette
s’explique par l’évolution spontanée
:
5
La TVA brute comprend en plus les remboursements et dégrèvements.
150
175
200
225
250
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Md€
TVA nette
TVA nette base 2015
TVA brute
TVA brute base 2015
- 7 -
en 2018 (+ 5,5
Md€) et
2019 (+ 3,2
Md€) la TVA a
été tirée par une consommation
soutenue et un investissement dynamique ;
en 2020 (- 8,4
Md€) la TVA a été affectée par la baisse de la consommation dans le
contexte de la crise sanitaire ;
en 2021 (+ 16,4
Md€) la TVA a bénéficié d’une reprise de l’activité
économique suite à la
crise sanitaire.
Tableau 5
: Décomposition de la recette de TVA budgétaire nette de l’État de
2018 à 2021
TVA nette (Md€)
2018
2019
2020
2021
Exécution
156,7
129,0
113,8
95,5
Évolution spontanée
5,5
3,2
- 8,4
16,4
Mesures nouvelles
1,3
0,2
- 0,2
- 0,1
Mesures de périmètre et de transfert
- 2,4
- 31,2
- 6,6
- 34,6
Source
: Mission, d’après les lois de règlement.
Graphique 3
: Décomposition de l’évolution de la recette de TVA budgétaire nette de l’État
de 2018 à 2021
Source
: Mission, d’après les lois de règlement.
1.2.
En dehors de la période de la crise sanitaire, la prévisibilité du rendement
de la TVA est bonne
La loi de règlement et les rapports annuels de performances pour les remboursements et
dégrèvements retracent chaque année le différentiel entre la recette de TVA attendue au
moment de la loi de finances initiale, et éventuellement de la loi de finances rectificatives, et la
recette effectivement constatée en exécution (cf. tableau 6).
Sur la période 2015-2019, la prévision en loi de finances initiale et rectificative est de bonne
qualité pour la TVA nette
: l’exécution ne varie pas de plus de
2
% par rapport à l’estimation
initiale. En 2020, la loi de finances initiale a surévalué la recette de 11 % en raison de la
survenance de la crise sanitaire.
A contrario
, la recette a été sous-évaluée de 10 % en loi de
finances initiale 2021, la reprise économique ayant été plus importante que prévue.
Néanmoins, les années 2020 et 2021 ont un caractère particulier.
4,3
- 27,7
- 15,2
- 18,3
-40
-30
-20
-10
0
10
20
2018
2019
2020
2021
Md€
Évolution spontanée
Mesures nouvelles et antérieures
Mesures de périmètre et de transfert
Évolution
- 8 -
La prévision des remboursements et dégrèvements est de moins bonne qualité : sur la
période 2015-
2019, l’exécution varie entre
2 et 7 % par rapport à la prévision initiale. En 2020
et
2021, l’exécution a été supérieure de respectivement
3 et 5 % par rapport à ce qui était
attendu.
La prévision de la TVA brute, qui cumule les deux prévisions, synthétise les constats :
l’exécution ne varie pas de plus de
2
% par rapport à la prévision initiale, à l’exception des
années 2020 et 2021 (- 6 et + 9 %).
- 9 -
Tableau 6 : Recettes de TVA budgétaire État prévues et exécutées
TVA
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
TVA nette
Loi de finances initiale (LFI) (en
Md€)
143,0
144,6
149,3
154,6
129,2
126,0
85,5
Loi de finances rectificative (LFR) (en
Md€)
143,3
144,4
151,4
157,0
129,2
112,0
92,0
Exécution
141,8
144,4
152,4
156,7
129,0
113,8
95,5
Écart LFI-Exécution
- 0,9 %
- 0,1 %
2,1 %
1,4 %
- 0,2 %
- 9,7 %
11,7 %
Écart LFR-Exécution
- 1,1 %
0,0 %
0,7 %
- 0,2 %
- 0,2 %
1,6 %
3,8 %
Remboursements et dégrèvements
LFI (en
Md€)
50,7
51,2
54,6
53,6
55,9
61,1
60,0
Exécution (en
Md€)
51,7
52,3
53,3
54,9
59,6
62,8
63,0
Écart LFI-Exécution
2,1 %
2,1 %
- 2,4 %
2,4 %
6,5 %
2,8 %
5,1 %
TVA brute
LFI (en
Md€)
193,7
195,8
203,9
208,2
185,1
187,1
145,5
Exécution (en
Md€)
193,5
196,7
205,7
211,6
188,6
176,6
158,5
Écart LFI-Exécution
- 0,1 %
0,4 %
0,9 %
1,6 %
1,9 %
- 5,6 %
9,0 %
Source
: Mission, d’après les lois de règlement et les rapports annuels de performance du
programme 200.
- 10 -
La prévision de la recette de TVA est principalement assurée par la direction générale du
Trésor (DGT), qui réalise les prévisions macroéconomiques, en collaboration avec la direction
générale des finances publiques, la direction du budget et la direction de la législation fiscale.
Le modèle utilisé est détaillé dans le tome I des voies et moyens.
La prévision initiale est effectuée sur le champ de la comptabilité nationale. L’évolution
spontanée est celle de l’assiette macroéconomique simulé
e, appelée « emplois taxables »,
reconstituée à partir des prévisions de consommation hors taxe et d’investissement hors taxe.
L’évolution des emplois taxables peut être
affecté par :
une déformation de la structure de consommation des ménages entre les produits taxés
au taux normal ou aux taux réduits (effet de structure) ;
les recouvrements.
Le passage à la TVA budgétaire prend en compte :
la part de TVA transférée (cf. partie 2) ;
le décalage entre comptabilité nationale et budgétaire, les recettes de TVA étant
enregistrées à la date de la transaction en comptabilité nationale, alors que les recettes
budgétaires ne sont perçues qu’un mois plus tard.
1.3.
La TVA est un impôt dont le rendement est dynamique mais minoré par les
exemptions, les taux réduits ainsi que la fraude
Le rendement de la TVA est suivi par une diversité d’indicateurs
(cf. rapport particulier n° 3) :
l’écart de TVA ou
value-added tax
(
VAT) gap
développé par la Commission européenne
,
qui mesure l’écart entre les recettes théoriques à législation constante et les recettes
effectives ;
le ratio de recettes de TVA (RRT)
développé par l’OCDE
, qui mesure le potentiel total de
rendement théorique de la TVA e
n supposant la suppression de l’ensemble des taux
réduits.
1.3.1.
L’écart entre la TVA théorique et la TVA perçue est de
14
Md€ en
2019, en baisse
de 14 % depuis 2015
L’écart entre les recettes théoriques de TVA à cadre législatif constant et les recettes
effectivement collectées est dû à quatre composantes :
la fraude ;
les pratiques d’évitement et l’optimisation fiscale
;
les non-recouvrements liés à la disparition des entreprises assujetties ;
les erreurs administratives.
Cet écart de TVA ne recoupe donc que partiellement le montant de la fraude, analysé en partie 3
du présent rapport, en raison des autres composantes.
L’écart de TVA est mesuré par plusieurs organismes, notamment la Commission européenne
via le
Center for social and economic research
(CASE). La recette théorique est obtenue sur la
base de la consommation des emplois taxables dans les comptes nationaux à partir de la
World
Input-Output Database
(WIOD). La recette réelle est obtenue à partir de la comptabilité
nationale. Cette méthodologie présente des limites, en raison des différences :
entre les comptabilités nationale et budgétaire ;
entre les législations sur le remboursement des crédits de TVA et la déductibilité.
- 11 -
Le rapport du CPO en
2015 constatait par ailleurs que les données de la WIOD n’é
taient pas
adaptées à la structure de taux complexe de la France, ce qui oblige à retenir des taux moyens
de taxation qui peuvent être discutables. Par exemple, le taux retenu pour les produits
pharmaceutiques est de 7 % alors que 91 % des dépenses des ménages portent sur des
produits pharmaceutiques taxés au taux super réduit de 2,1 %.
Le rapport CASE 2021
6
présente les résultats pour la France sur la période 2015-2019
(cf. tableau 7
). L’écart de TVA a diminué de
14 % sur la période, passant de 15,8 à 13,9
Md€.
En pourcentage de la recette théorique, l’écart de TVA est ainsi passé de
9,5 à 7,4 %. Par
rapport à la moyenne de l’Union européenne l’écart de TVA en France en pourcentage est
inférieur de 3,5 points en 2019.
Tableau 7 : Écart de TVA en France de 2015 à 2019 (en
Md€)
TVA
2015
2016
2017
2018
2019
Recette réelle
151,7
154,5
162,0
167,7
174,0
Recette théorique
167,5
169,3
177,3
182,1
187,8
VAT gap
15,8
14,9
15,3
14,4
13,9
VAT gap (%)
9,5 %
8,8 %
8,6 %
7,9 %
7,4 %
VAT gap (%) moyen de l’Union européenne
N.C.
N.C.
N.C.
11,1 %
10,3 %
Source : CASE, VAT gap in the EU, report 2021.
Le rapport n’apporte néanmoins pas d’explication spécifique à la France sur cette réduction.
Au niveau global, les analyses économétriques des auteurs sur la période 2013-2019
constatent que l’écart de TVA est expliqué majoritairement par la croissance du produit
intérieur brut (PIB), le solde des administrations publiques et la part des dépenses
informatiques dans les dépenses de l’administration en charge de la TVA (cf.
tableau 8).
Néanmoins, le coefficient de corrélation du modèle est de 0,3 dans le modèle de base.
Tableau 8 :
Variation nécessaire de plusieurs composantes pour baisser l’écar
t de TVA
d
’
un point
Composante
Variation nécessaire
Produit intérieur brut
+ 2,8 %
Solde des administrations publiques
+ 4,7 %
Part des dépenses informatiques
+ 5,8 %
Source
: Rapporteurs d’après
CASE, VAT gap in the EU, report 2021.
Il est à noter que
d’autres évaluations de l’écart de TVA existent. À titre d’exemple, l’étude
de Nerudova et Dobranschi parue en 2019
7
utilise un modèle stochastique ou
stochastic
frontier model
(SFM) pour évaluer l’écart de TVA
: la recette théorique est obtenue en
appliquant un coefficient d’inefficacité de la taxation à partir de plusieurs variables (indice de
corruption, part de l’économie souterraine, etc.). Sur la période
2000-
2015, l’écart de TVA pour
la France est alors, selon le modèle utilisé, de 5,4 % à 9,0 % de la recette théorique contre 9,5 %
en 2015 selon les estimations de la Commission européenne.
6
European Commission, Directorate-General for Taxation and Customs Union, Poniatowski, G., Bonch-Osmolovskiy,
M., Śmietanka, A.,
VAT gap in the European Union : report 2021
, Publications Office, 2021.
7
Nerudova D., Dobranschi M. (2019) Alternative method to measure the VAT gap in the EU : stochastic tax frontier
model approach.
PLoS ONE
14(1)
- 12 -
L’intérêt de ce type de modèle est de pouvoir décomposer les sous
-
jacents de l’écart de TVA
(cf. tableau 9). Pour la France, «
l’indice de
perception de la corruption »
8
est une des variables
d’explication les plus importantes
: baisser l’écart de TVA d’un
point nécessite de diminuer cet
indice de 4,4 %.
A contrario
, le coût de l’importation et l’économie souterraine sont des
variables qui ont moins d’impact sur l’écart de TVA.
Tableau 9 :
Variation nécessaire de plusieurs composantes pour baisser l’écart de TVA
d
’
un point
Composante
Variation nécessaire pour
la France
Variation nécessaire pour la moyenne de
l’Union européenne
Indice de perception de
la corruption
- 4,4 %
- 3,5 %
Poids de l’économie
souterraine
- 12,7 %
+ 8,2 %
Coût de l’importation
- 21,1 %
- 9, 5 %
Source
: Mission d’après Nerudova et Dobranschi, 2019.
1.3.2.
La
TVA
présente
un
potentiel
de
rendement
théorique
de 118
Md€
supplémentaires en limitant la majorité des exemptions et en supprimant les
taux réduits
Le ratio de recettes de TVA
(RRT) mesure égalemen
t l’écart de TVA en pourcentage de la TVA
théorique,
mais le scénario théorique correspond au rendement potentiel de la TVA, c’est
-à-
dire si l’ensemble des assiettes possibles de consommation sont taxées au taux normal. La TVA
potentielle correspond ainsi
à la suppression des exonérations, des exclusions d’assiette et des
taux réduits.
𝑅𝑅𝑇 =
𝑅𝑇
(??? − 𝑅𝑇) ∗ 𝑟
où : RT = recettes de TVA effectives ; DCF = dépenses de consommation finale ; t = taux de TVA
normal.
Le taux normal désigne le taux applicable
par défaut à la base d’imposition en l’absence de
disposition contraire à la législation.
L’écart de TVA mesuré par le
RRT est ainsi influencé par :
l’importance des taux réduits et la structure de la consommation
;
les seuils de franchise de base pour les petites entreprises ;
les exemptions et exonérations ;
les principes de taxation des services transfrontaliers ;
la fraude et les défaillances d’entreprises
;
les erreurs de l’administration.
Le calcul du RRT
présente des limites. En effet, il n’existe pas de définition standard de la base
d’imposition potentielle. L’OCDE utilise les dépenses de consommation finale mesurées par les
comptes nationaux, mais cela ne prend pas en compte les consommations des entités
exonérées de TVA ou les consommations des entités se livrant à des activités non
commerciales.
8
Depuis 1995, l'ONG Transparency International publie chaque année un indice de perception de la
corruption (IPC) classant les pays selon le degré de corruption perçu. L'indice est élaboré à l'aide d'enquêtes
réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans ces pays ou à
l'étranger.
- 13 -
Le rapport 2021 du CASE, précédemment cité, évalue le RRT de la France, en 2019, à 52,5 %
dont 13,0 % dus aux taux réduits et 39,5 % aux exemptions (cf. tableau 10).
Tableau 10 :
Composantes de l’écart de TVA potentielle
en France en 2019
Paramètre
Ratio
Montant
(Md€)
Écart entre la TVA potentielle et la TVA réelle (A = B + C)
52,5 %
331
dont écart dû aux taux réduits (B)
13,0 %
82
dont écart dû aux exemptions (C)
39,5 %
249
dont écart dû aux exemptions des loyers imputés (D)
9,3 %
59
dont écart dû aux exemptions des services publics (E)
21,5 %
136
dont écart dû aux exemptions des services financiers (F)
3,0 %
19
Écart dû aux exemptions exploitable (G = C
–
D
–
E - F)
5,7 %
36
Écart exploitable (H = B + G)
18,7 %
118
Source :
Mission d’après CASE, VAT gap in the EU, 2021.
Ainsi, théoriquement, la recette de TVA de la France pourrait être augmentée de 90 % (passage
de 174 à 331
Md€), toutes choses égales par ailleurs. Néanmoins, une partie des exemptions
correspond à des service
s difficilement taxables comme les services financiers. L’écart
exploitable, qui correspond à l’écart sur lequel la puissance publique peut agir et qui retranche
les exemptions des services non taxables, est ainsi de 18,7 %. Ainsi, la recette de la TVA
pourrait être augmentée de 68 %, en prenant en compte le RRT exploitable (passage de 174
à 292
Md€). Ces estimations sont néanmoins des ordres de grandeur dans la mesure où une
hausse de la TVA a des effets indirects sur le niveau de la consommation et donc sur le
rendement.
Les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE)
9
donnent le RRT de la France sur plus longue période (cf. graphique 4). On constate que le RRT
(ou Value Revenue Ratio en anglais) est resté quasi constant depuis 2015, passant de 54 à 51 %
en 2018
. En revanche l’écart avec la moyenne de l’Union européenne s’est creusé
: le RRT de la
France est inférieur de cinq
points à la moyenne de l’Union européenne en
2018.
Graphique 4 : Ratio de recettes de TVA (RRT) de la France sur la période 1992-2018
Source
: Mission, d’après OCDE (2021), Tendance des impôts sur la
consommation 2020.
9
OCDE (2021)
Tendances des impôts sur la consommation 2020. TVA/TPS et droits d'accises
–
taux, tendances et
questions stratégiques
. Éditions OCDE, Paris.
46%
48%
50%
52%
54%
56%
58%
60%
France
Moyenne UE
- 14 -
1.3.3.
Le taux effectif moyen de TVA est évalué à 9,7 %, en raison des taux réduits
Depuis le 1er janvier 2014, le taux normal de TVA est de 20 % (cf. article 278 du code général
des impôts).
Les taux réduits applicables au 1
er
janvier 2020 sont donnés par le tableau 11. Par ailleurs des
taux réduits régionaux s’appliquent en Corse
10
et dans les départements d’Outre
-Mer à
l’exceptio
n de la Guyane et de Mayotte
11
.
En Outre-
Mer, il est à noter que l’octroi de mer
remplace partiellement la TVA (cf. encadré 1).
Tableau 11 : Taux réduits applicables au 1er janvier 2020
Taux
Description
2,1 %
Journaux et périodiques ; produits pharmaceutiques
5,5 %
La plupart des produits alimentaires et boissons (à l'exception des boissons alcoolisées) ;
distribution d'eau ; équipements pour personnes handicapées ; livres et livres numériques ;
droits d'entrée aux manifestations culturelles ; travaux réalisés sur des logements de plus
de deux ans, sous certaines conditions ; soins à domicile ; abonnements au gaz naturel et à
l'électricité ; chauffage urbain
; livraisons d'œuvres
d'art par leur créateur ; produits d'hygiène
féminine ; certains logements sociaux
10,0 %
Transport de voyageurs ; logements sociaux ; droits d'entrée aux expositions, sites et
installations de nature culturelle, récréative, éducative ou professionnelle ; abonnements à la
télévision payante ; services des soins à domicile ; restaurants et restauration collective (à
l'exception des boissons alcoolisées) ; hébergement hôtelier ; produits d'origine agricole ;
jardins, plantes et fleurs ; traitement des déchets ; assainissement ; transport de voyageurs ;
droits d'auteur
Source
: Mission, d’après OCDE (2021), Tendance des impôts sur la consommation
2020.
Encadré 2 : Octroi de mer
L’octroi de mer est une taxe locale spécifique aux cinq départements et régions d’outre
-mer (DROM) où
il se substitute pour partie à la TVA. Contrairement à celle-
ci, l’octroi de mer est prélevé sur les
importations de produits en provenance de l’étranger et de métropole ainsi que sur certaines
productions locales. En particulier, les services et certaines productions locales ne sont pas assujettis ou
exonérés. L’octroi de mer peut s’apparenter à une taxation sur la consommation des produits,
principalement importés, et pèse directement sur les ménages
via
un renchérissement des prix des
biens.
Deux objectifs sont assignés à l’octroi de mer
:
▪
le financement des collectivités territoriales, le produit de l’octroi de mer abondant les budgets
communaux, régionaux ou des collectivités territoriales uniques. Les recettes de l’octroi de mer
s’élèvent à
1,2
Md€ e
n 2018 et sont collectées par les douanes ;
▪
le soutien aux producteurs locaux. Du fait du différentiel de taxation, les importations de biens sont
imposées à un taux supérieur à ceux issus de la production locale. L’octroi de mer constitue ainsi
une barrière douanière qui protège les producteurs locaux.
Les taux applicables d’octroi de mer ainsi que les exonérations sont fixés par les régions et collectivités
territoriales uniques qui peuvent arbitrer librement entre le financement des collectivités territoriales,
le soutien à la production locale et les impôts sur la consommation supportés par les ménages.
Si l’octroi de mer n’est pas conforme aux droits européens
12
dans la mesure où il accorde un différentiel
de taxation entre des biens importés e
t produits localement, il bénéficie d’une dérogation
jusqu’en
2027
13
pour les régions ultrapériphériques françaises.
10
0,9 %, 2,1 %, 10,0 % et 13,0 %.
11
1,1 %, 1,8 %, 2,1 % et 8,5 %.
12
Notamment en vertu des articles 28, 30 et 110 du traité sur le fonction
nement de l’Union européenne.
13
Décision
(UE) 2021/991 du Conseil de l’Union européenne, en date du
7 juin 2021.
- 15 -
La médiane des taux d’octroi de mer sur les importations
14
s’élève à
6,5 % à la Réunion, 9,5 %
en Guadeloupe et Martinique, 17,5 % en Guyane et 20
% à Mayotte. Les trois DROM avec les taux d’octroi
de mer les plus faibles sont également les trois seuls où s’applique la TVA. Par ailleurs, le produit de
l’octr
oi de mer par habitant varie de 712
€ en Guadeloupe à 335
€ pour Mayotte
15
. Ainsi toute analyse
des taux réduits de TVA dans les DROM doit prendre en compte l’octroi de mer afin de mesurer le taux
effectif de l’ensemble de la fiscalité sur la consommation.
Enfin, selon la dernière évaluation publique portant sur l’octroi de mer, celui
-ci serait un outil «
dévoyé,
inefficace et instable »
16
en raison notamment de modifications de taux fréquentes et aléatoires. Ce
rapport recommande de remplacer définitivement l’octroi de mer par la TVA, une telle réforme ayant
un effet positif sur les prix et l’
emploi local.
Source : Mission.
En outre, des taux réduits ont été mis en place lors de la crise sanitaire sur la
période 2020-2021 :
du 1
er
janvier au 31 juillet 2020, des taux réduits de 0 % et 5,5
% s’appliquent aux
importations de biens nécessaires à la lutte contre la pandémie de Covid-19 ;
du 1
er
mars 2020 au 31 décembre 2021, un taux de 5,5
% s’applique aux fournitures de
certains biens nécessaires à la lutte contre la pandémie de Covid-19.
À la même date, des exonérations s’appliquent
:
communément avec les autres pays membres
de l’OCDE
pour les services postaux ;
le transport de personnes malades ou blessées sous conditions ; les soins médicaux et
hospitaliers ; le sang, les tissus et organes humains ; les soins dentaires
; les œuvres de
bienfaisance
; l’enseignement
; les activités non commerciales des organismes agissant
sans but lucratif ; certains services culturels
; les services d’assurance et de réassurance
;
les services financiers ; les paris, jeux et loteries ; la vente de terrains et de bâtiments ;
certaines collectes de fonds ;
spécifiquement
pour les travaux de construction, d'aménagement, de réparation et
d'entretien des monuments, cimetières et sépultures, commémoratifs des victimes des
guerres, sous conditions ; les opérations à terme sur marchandises réalisées sur un
marché réglementé ; les services rendus à leurs adhérents par les groupements
constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la
TVA ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti ;
pour les importations
d’une valeur inférieure à
22
€.
En outre, le droit à déduction est limité pour certains intrants comme les véhicules
professionnels.
Enfin, une franchise de TVA s’applique pour les entreprises dont le chiffre d’affair
es annuel est
inférieur à 85 500
€
17
.
14
Les taux varient selon les produits importés.
15
Au-
delà du taux, les différences de produit peuvent s’expliquer par les écarts de revenu entr
e territoires et par la
part de l’économie informel. Par exemple, d’après l’Insee, le niveau de vie s’élève à 261 € à Mayotte contre 1310 €
en Guadeloupe.
16
Anne-Marie Geourjon et Bertand Laporte, «
Impact économique de l’octroi de mer dans les départements d’Outre
-
mer français
», rapport d’étude du Ferdi, mars 2020.
17
Ou dont le chiffre d’affaires ne dépassait pas
94 300
€ l’année civile précédente (lorsque le chiffre d’affaires
n’avait pas excédé
85 800
€ la pénultième année). Pour les prestations de services (à l’exception des prestations
d'hébergement et des ventes de produits alimentaires et de boissons à consommer sur place), le chiffre d’affaires
annuel ne doit pas dépasser 34 400
€ ou
36 500
€ l’année civile précédente (à condition qu’il n’excède pas
34 400
€
la pénultième année). Pour les activités réglementées d'avocats, les écrivains et les artistes, le chiffre d’affaires doit
être inférieur à 44 500
€ (le seuil est de
18 300
€ pour les opérations des avocats réalisées en dehors du cadre de
leurs activités réglementées). À titre expérimental, un seuil spécifique de 100 000
€ a été adopté en Guadeloupe,
Martinique et à La Réunion pendant une durée de cinq ans.
- 16 -
Les travaux du CASE
6
évaluent le taux effectif de TVA en 2019 à 9,7 %. Ce ratio correspond à la
TVA effectivement perçue rapportée à la base taxable. Ce taux effectif correspond ainsi au taux
moyen de TVA appliqué en France. La base taxable est estimée à partir des consommations
finales et intermédiaires indiquées dans les comptes nationaux (Eurostat).
1.4.
La simplifi
cation des taux réduits et exemptions permettrait d’améliorer le
rendement de la TVA
1.4.1.
Les modèles d’estimation de la TVA permettent d’évaluer l’impact financier des
évolutions de taux ou d’assiette
1.4.1.1.
La direction générale du Trésor développe un modèle d’estim
ation de la TVA
théorique qui permet de modéliser les projets de réforme
Les données fiscales permettent de déterminer la recette de TVA nette, c’est
-à-dire en
retranchant les remboursements et dégrèvements, mais ne permettent pas de distinguer les
recettes en fonction des produits, donc en fonction des taux. En effet, les entreprises ne
distinguent pas dans les déclarations de TVA déductible les taux applicables (cf. figure 1).
Figure 1 : Principes régissant la déductibilité de la TVA
Source : «
Le modèle d’estimation d
e la TVA théorique », Les cahiers de la direction générale du Trésor, n° 2016-02.
La direction générale du Trésor (DGTrésor
) a développé un modèle d’estimation de la TVA
théorique
18
, plus complexe que le modèle utilisé pour la prévision (cf. 1.2), qui permet de
modéliser la structure de la recette de TVA nette. Le modèle permet ainsi de connaître la
répartition de la TVA nette, dite rémanente, par agent et par taux.
18
Jean-Alain Andrivon, Charlotte Geay et Éric Janbon «
Le modèle d’estimation de la TVA thé
orique »,
Les cahiers de
la direction générale du Trésor
, n° 2016-02.
- 17 -
Tout d’abord, l’application de la législation aux données de consommation des comptes
nationaux établis
par l’INSEE permet de déterminer une TVA «
super-brute
» c’est
-à-dire avant
les déductions. Le taux de TVA sur un produit donné ne dépend pas uniquement de sa nature
ou de son acheteur mais peut aussi dépendre de sa finalité. Par exemple, un moteu
r d’avion
est
exonéré s’il est vendu à une compagnie dont plus de
80 % du trafic est international
(article 262 du code général des impôts). Le calcul de la TVA super-brute nécessite donc de
faire des hypothèses sur la structure de consommation.
Ensuite, les limitations du droit à déduction sont prises en compte :
exclusion des secteurs non assujettis (ménages, administrations publiques, institutions
sans but lucratif) ;
exclusion des biens non déductibles (par exemple les achats de véhicules particuliers par
les entreprises) ;
application d’un prorata de non
-
déductibilité par branche d’activité, qui correspond à la
part de production de la branche exonérée de TVA.
Enfin, le bouclage du modèle permet d’estimer la TVA théorique
:
pour les agents économiques n
on assujettis, il s’agit simplement de la TVA brute qui est
identique à la TVA nette ;
pour les agents économiques assujettis, le calcul est le suivant :
𝑇𝑉𝐴 = ∑ 𝑡[𝑉?
?,?,𝑡
+ (𝐴
?,?,𝑡
− 𝑉?
?,?,𝑡
) × 𝑃𝑁?
?
]
?,?,𝑡
où : i est un produit, j la branche qui consomme ce produit, t le taux de TVA, PND le prorata de
non déductibilité, A l’assiette soumise à la TVA et VE la partie de la consommation non déductible.
Cette approche par taux permet d’estimer un «
point TVA
», c’est
-à-dire le rendement attendu
de
l’augmentation d’un point d’un taux donné de TVA, dans l’hypothèse d’une absence d’impact
sur le comportement du consommateur (cf. tableau 12).
Tableau 12 :
Rendement du point TVA à chaque taux pour l’année
2015 (en
Md€)
2,1 %
5,5 %
10,0 %
20,0 %
Total
0,50
1,75
1,25
6,50
9,75
Source : « Le modèle d
’estimation de la TVA théorique
», Les cahiers de la direction générale du Trésor, n° 2016-02.
Le modèle TVA présente néanmoins plusieurs limites :
la structure de consommation n’est pas réestimée chaque année
;
la part de production de chaque branche exonérée de TVA est calculée à partir du produit
principal de la branche ;
certains régimes et dispositifs spécifiques ne sont pas pris en compte (Corse, Outre-Mer,
régime de la franchise de base).
1.4.1.2.
L’INSEE développe également un modèle de simulation qui prend en compte
l’impact des variations de taux sur l’inflation
L’Ins
titut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction de
la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) ont développé un
modèle de micro-simulation Ines
, qui simule les effets de la législation sociale et fiscale
française. Le modèle est basé sur les enquêtes « revenus fiscaux et sociaux »
(ERFS) de l’INSEE,
soit un échantillon de 50 000 ménages représentatifs de la population française. Il simule :
les prélèvements sociaux et fiscaux directs ;
- 18 -
les prestations sociales.
Ce modèle a été utilisé récemment pour étudier les effets d’une hausse du taux de la TVA sur le
niveau de vie et les inégalités en 2016
19
. Théoriquement, une hausse de taux de TVA se
répercute à court terme sur les prix à la consommation, impliquant une hausse des montants
de TVA acquittés et une augmentation de l’inflation. L’effet de transmission d’une hausse de la
TVA sur les prix est évalué entre 70 et 80 % par les travaux économiques. Dans un second
temps, cette hausse des prix s’accompagne d’un ajustement des revenus d’activité, en
particulier pour les bas salaires, et des barèmes des prestations sociales et des impôts du fait
de leur indexation.
L
es travaux d’André et Biotteau utilisent les données de l’enquête
Budget des familles, ajustées
avec les données de la comptabilité nationale. La structure de consommation des ménages est
calculée par strates (71 strates). Les montants de TVA acquittés sont calculés pour 247 postes
de consommation (cf. tableau 13).
Tableau 13 : Montants de TVA acquittés simulés par Ines par type de taux en 2016
Taux
TVA acquittée (en
Md€)
TVA acquittée (en %)
Normal (20 %)
78,9
81
Intermédiaire (10 %)
10,9
11
Réduit (5,5 %)
7,3
8
Particuliers (2,1%)
0,1
0
Total
97,3
100
Source : And
ré, M. & Biotteau, A.‑L. (2021)
.
Le modèle permet d’étudier les effets d’une hausse du taux normal de TVA de
20 à 23 % avec
un taux de transmission aux prix de 0,8,
soit une hausse de l’inflation de
1,07 point
(cf. tableau 14).
La TVA acquittée par les ménages augmente de 11,7
Md€
, mais les effets
de moyen terme sur l’ensemble du système fiscal et social
,
via l’inflation
, minorent le
gain pour les administrations à 9,9
Md€.
Tableau 14 :
Effet de moyen terme d’une hausse du taux normal de la TVA
de trois points
(en
Md€)
Unité comptable
Ménages
Entreprises
Administrations
Cotisation assurantielles
- 0,7
- 1,2
1,9
Salaires nets
3,5
- 2,7
- 0,8
Revenus de remplacement
2,5
0,0
- 2,5
Taxe sur la valeur ajoutée
- 11,7
0,0
11,7
Impôts directs, cotisations redistributives et
contributions
- 0,5
- 0,1
0,7
Prestations et minima sociaux
1,1
0,0
- 1,1
Total
- 5,8
- 4,0
9,9
Source : And
ré, M. & Biotteau, A.‑L. (2021)
.
Le modèle est intéressant,
car il permet de prendre en compte les effets de bords d’une
variation du taux de TVA, au-
delà de l’effet sur la seule dépense fiscale.
19
André, M. & Biotteau,
A.‑L. (2021).
Medium-Term Effects of a Rise in VAT on Standard of Living and Inequality : a
Microsimulation Approach.
Economics and Statistics
, 522‑523, 5–
21.
- 19 -
1.4.1.3.
Les travaux de Lafféter et Pak étudient l’impact du cycle économique sur la
recette de TVA
L’étude de
2015 de Lafféter et Pak
20
documente, sur la période 1979-2013, la réaction au cycle
économique des principaux impôts d’État en France dont la TVA. Les auteurs étudient
l’élasticité de la recette à l’activité, c’est
-à-
dire de combien varient les recettes lorsque l’activité
évolue de 1 %, via un modèle économétrique. Dans le cas de la TVA, les élasticités sont
calculées par rapport à la valeur ajoutée, car le produit intérieur brut (PIB) contient les impôts
sur les produits, donc la TVA.
L’élasticité de la TVA à l’activité est
positive mais a augmenté depuis les années 80, de 1,13
pour les années 1979-1996 à 1,48 pour les années 1997-2013. Cette hausse pourrait être liée
à une modification du panier de consommation des ménages : la croissance aurait permis aux
ménages de consommer davantage de biens supérieurs, soit une catégorie plus volatile aux
fluctuations de l’activité.
L’élasticité de long
-terme est de
1,06, légèrement inférieure à l’élasticité de court
-terme (1,10).
Cela peut s’expliquer par le fait que l’assiette de TVA
est plus volatile que la valeur ajoutée :
à court-terme,
la structure de consommation des ménages ou d’investissement des
entreprises se déforme ;
à long-terme, cette structure revient à son état initial.
1.4.2.
Les principales dépenses fiscales TVA considérées comme inefficaces ou
inefficientes représentent 14
Md€
,
mais le travail d’évaluation mériterait d’être
actualisé et systématisé
1.4.2.1.
Les voies et moyens 2022 recensent 43 dépenses fiscales liées à la TVA pour un
montant cumulé de 16,5
Md€
L’impact des mesures TVA sur le rendement budgétaire net pour l’État en exécuté est donné
par les lois de règlement depuis 2018 (cf. graphique 5). On constate que les mesures de
périmètre et de transfert ont un poids important, qui va de 2 à 22
% de l’exécution annuelle
sur la période 2018-2021. Les transferts de TVA sont analysés en partie 2 du présent rapport.
A contrario
, les mesures nouvelles ou antérieures ont un poids minime qui va de 0,1 à 0,9 % de
l’exécution.
Graphique 5 : Impact des mesures TVA sur le rendement (exécution)
Source : Miss
ion, d’après les lois de règlement.
20
Quentin Lafféter et Mathilde Pak, « Élasticité des recettes fiscales au cycle économique : étude de trois impôts sur
la période 1979-2013 en France », INSEE, G 2015/08.
1,3
0,2
- 0,2
- 0,1
- 2,4
- 31,2
- 6,6
- 34,6
-35
-25
-15
-5
5
2018
2019
2020
2021
Md€
Mesures nouvelles et antérieures
Mesures de périmètre et de transfert
- 20 -
L’analyse des
Voies et Moyens, qui est annexée en deux tomes aux projets de loi de finances,
permet d’avoir le détail des mesures depuis
2015, même si les montants sont prévisionnels et
non exécutés. Le suivi des mesures
antérieures souffre néanmoins d’incohérence d’une année
sur l’autre, ce qui ne permet pas d’analyser les résultats (cf.
graphique 6). Les mesures
nouvelles ont un poids mineur par rapport au rendement total de la TVA : moins de 0,3 % de
la recette nette prévue en loi de finances de l’année étudiée.
Graphique 6 : Impact des mesures TVA hors transfert sur le rendement (prévision)
Source
: Mission, d’après les voies et moyens annexés aux projets de loi de finances.
Les mesures nouvelles les plus marquantes, en impact financier (plus de 10
M€
), depuis 2015
sont les suivantes :
en 2015 :
l’application
du taux réduit de 5,5
% aux opérations d’accession sociale à la
propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la ville (- 10
M€ en
2015,
- 37
M€ en année pleine)
;
le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le carburant gazole
(+ 100
M€)
;
les change
ments relatifs au versement de la TVA au titre de la mise en œuvre du
décret dit « gares » (- 12,5
M€)
;
en 2018 :
la hausse de la composante carbone de la taxe intérieure de consommation sur les
produits énergétiques
(TICPE) et l’alignement de la fiscalité du gazole sur l’essence
(+ 373
M€)
;
l’extension de l’exonération de TVA applicable aux psychothérapeutes et aux
psychologues (- 14
M€)
;
en 2019 :
la mise en conformité du régime de TVA des services à la personne (+ 62
M€)
;
la suppression de la TVA non récupérable (+ 100
M€)
;
le relèvement à 10 % du taux de TVA applicable aux opérations d'acquisition de
terrains à bâtir, de construction ou vente des logements locatifs neufs (+ 150
M€)
;
en
2020, l’aménagement du champ du taux réduit de TVA de
5,5 % sur le logement locatif
(- 12
M€).
71
5
4
359
312
- 12
2
1 154
74
144
- 12
497
- 239
- 61
-400
-200
0
200
400
600
800
1 000
1 200
1 400
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
M€
Mesures nouvelles
Mesures antérieures
- 21 -
Par ailleurs, les Voies et Moyens donnent la liste des dépenses fiscales avec les montants
évalués par la direction de la législation fiscale. Pour l’exécution
2020
, les Voies et
Moyens 2022 recensent
43 dépenses pour un montant cumulé de 16,5
Md€
. Ce montant
est en baisse de 7,6 % par rapport à 2015
2
.
En 2020, les dépenses fiscales de TVA sont liées à 75 % à des mesures de taux et à 20 % au
régime ultramarin (cf. graphique 7
). La répartition par mission, au sens du budget de l’État,
indique que
83 % de la dépense fiscale est rattaché aux missions cohésion des territoires,
économie ou Outre-Mer
(cf. graphique 8).
Graphique 7 : Dépenses fiscales 2020 liées à la TVA par type de dépense (en
M€)
Source
: Mission, d’après l’évaluation des voies et moyens
2022.
Graphique 8 : Dépenses fiscales
2020 liées à la TVA par mission (en M€)
Source
: Mission, d’après l’évaluation des voies et moyens
2022.
L’analyse des
cinq dépenses fiscales
d’un montant
supérieur à 1
Md€ traduit le même constat
(cf. tableau 15). Ces cinq dépenses représentent 11,5
Md€ en
2020, soit 70
% de l’ensemble
des dépenses fiscales liées à la TVA.
3 295
; 20%
705
; 4%
12 291
; 75%
183
; 1%
Régimes ultramarins
Exonérations
Taux réduits et particuliers
Régimes particuliers
158; 1%
6888; 42%
471; 3%
3648; 22%
479; 3%
3215; 20%
215; 1%
1202;
7%
198; 1%
Agriculture
Cohésion des territoires
Culture
Économie
Médias
Outre-Mer
Sport
Travail et emploi
Autres
- 22 -
Tableau 15 : Dépenses fiscales 2020 liées à la TVA supérieures à 1
Md€
N°
Mission
Référence
Nom
Montant (M€)
710103
Outre-Mer
Taux
métropolitains
Niveau
des
taux
en
Guadeloupe,
en
Martinique et à La Réunion
2 840
730213
Cohésion des
territoires
Taux normal
Taux
de 10 %
pour
les
travaux
d’amélioration,
de
transformation,
d’aménagement
et d’entretien, autres que
les travaux de rénovation énergétiques
3 330
730216
Cohésion des
territoires
N.C.
Taux de 5,5
% dans le secteur de l’accession
sociale à la propriété et dans le secteur du
logement locatif social
1 035
730221
Économie
Taux normal
Taux
de 10 %
pour
la
restauration
commerciale
2 942
730223
Cohésion des
territoires
Taux normal
Taux
de 5,5 %
pour
les
travaux
d'amélioration de la qualité énergétique des
locaux à usage d'habitation
1 310
Source
: Mission, d’après l’évaluation
des voies et moyens 2022.
1.4.2.2.
62 % des dépenses fiscales liées à la TVA ne sont pas chiffrées dans les voies et
moyens
Le tome
II de l’
Evaluation des Voies et Moyens annexé au projet de loi de finances rappelle que
les dépenses fiscales s’analysent comme «
des dispositions législatives ou réglementaires dont la
mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un
allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme,
c’est
-à-dire des principes généraux du droit fiscal français
. » Toute mesure impliquant une perte
de recettes pour le budget de l’État n’est donc pas une
dépense fiscale.
Pour la TVA, c’est le caractère incitatif de la mesure, par exemple
sous la forme
d’un taux réd
uit,
qui détermine si la mesure est classée en dépense fiscale, selon les principes définis par le
Conseil des impôts en 2003
21
. Par ailleurs, les dispositions «
qui, pour l’ensemble des
contribuables visés, contribuent à rendre supportable cet impôt ou qui ont pour effet de préserver
l’accès à certains produits et services
» ne sont pas des dépenses fiscales. Les taux réduits sur
l’alimentation ou les médicaments relèvent ainsi d’une logique générale et redistributive. On
dénombre ainsi
23 mesures de taux r
éduit de TVA dans l’
Evaluation des Voies et Moyens,
qui ne relèvent pas des dépenses fiscales, mais qui ne sont pas chiffrées
(cf. encadré 3).
Encadré 3 : Mesures TVA non considérées comme des dépenses fiscales en 2022
▪
Taux de 2,1 % applicable aux médicaments remboursables ou soumis à autorisation temporaire
d'utilisation et aux produits sanguins
▪
Taux de 2,1
% applicable à la contribution à l’audiovisuel public
▪
Taux de 5,5 % sur l'eau, les boissons non alcooliques, les produits destinés à l'alimentation humaine
▪
Taux de 5,5 % pour la fourniture de logement et de nourriture dans les établissements
d’accueil des personnes âgées et handicapées, les logements
-foyers
mentionnés
à
l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation et les établissements
mentionnés au b du 5° et aux 8° et 10° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et
des familles, les résidences hôtelières à vocation très sociale
▪
Taux de 10 % pour les prestations de déneigement des voies publiques rattachées à un
service public de voirie communale ou départementale
21
« La fiscalité dérogatoire. Pour un réexamen des dépenses fiscales », XXI
ème
rapport au Président de la
République, Conseil des impôts, septembre 2003.
- 23 -
▪
Taux de 10 % pour les travaux sylvicoles et d'exploitation forestière réalisés au profit
d'exploitants agricoles
▪
Taux de 10 % sur les produits d'origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l'aviculture
n'ayant subi aucune transformation
▪
Taux de 10 % sur les préparations magistrales, produits officinaux et médicaments ou produits
pharmaceutiques non visés par l'article 281
octies
du code général des impôts (CGI) (taux à 2,1 %)
▪
Taux de 5,5 % pour les ventes portant sur certains appareillages, ascenseurs et équipements
spéciaux pour les handicapés
▪
Taux de 10 % sur les remboursements et les rémunérations versés par les communes ou leurs
groupements aux exploitants des services de distribution d'eau et d'assainissement
▪
Taux de 10 % sur les taxes, surtaxes et redevances perçues sur les usagers des réseaux
d'assainissement
▪
Taux de 10 % sur les transports de voyageurs
▪
Taux réduit à 10 % sur les cessions de droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des
œuvres de l'esprit et aux artistes
-interprètes
ainsi que de tous droits portant sur les œuvres
cinématographies et sur les livres
▪
Taux réduit à 10 % sur les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets
▪
Taux réduit de 10 % sur les rémunérations versées par les communes ou leurs groupements pour la
mise en œuvre d'un contrat d'objectifs et de moyen correspondant à l'édition d'
un service de
télévision locale
▪
Taux réduit de 10 % sur les remboursements et les rémunérations versés par les communes ou leurs
groupements aux exploitants assurant les prestations de balayage des caniveaux et voies publiques
lorsqu'elles se rattachent au service public de voirie communale
▪
Taux réduit dans les
départements d’Outre
-Mer (DOM) (2,1 %) sur les travaux de construction de
logements évolutifs sociaux, financés dans les conditions prévues par arrêté interministériel en
application des articles L. 301-1 et L. 301-2 du code de la construction et de l'habitation et facturés
aux personnes physiques accédant directement à la propriété à titre de résidence principale et qui
concourent à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du I de l'article 257 du CGI
▪
Taux réduit dans les DOM (2,1 %) sur les ventes de logements évolutifs sociaux mentionnés au a
du 296
ter
et qui entrent dans le champ d'application du I de l'article 257 du CGI, lorsque l'acquéreur
bénéficie pour cette acquisition des aides de l’État dans les conditions
prévues par arrêté
▪
Taux réduit à 5,5 % sur les livres
▪
Taux réduit de 5,5 % pour la fourniture de repas par des prestataires dans les établissements
publics ou privés d'enseignement du premier et du second degré ainsi que pour les repas
livrés par des fournisseurs extérieurs aux cantines, scolaires et universitaires notamment,
qui restent exonérées de TVA
▪
Taux réduit de 5,5 % pour les prestations de services exclusivement liées aux gestes
essentiels de la vie quotidienne des personnes handicapées et des personnes âgées
dépendantes qui sont dans l'incapacité de les accomplir, fournies par des associations, des
entreprises ou des organismes déclarés en application de l'article L. 7232-1-1 du code du
travail, dont la liste est fixée par décret, à titre exclusif, ou à titre non exclusif pour celles qui
bénéficient d'une dérogation à la condition d’activité exclusive selon l'article
L. 7232-1-2 du
même code
▪
Taux réduit de 5,5 % pour les masques et tenues de protection adaptés à la lutte contre la
propagation du Covid-19
▪
Taux réduit de 5,5 % pour les produits destinés à l'hygiène corporelle et adaptés à la lutte contre la
propagation du Covid-19
Source : Évaluation des Voies et Moyens 2022 (les mesures en gras étaient classées comme dépenses fiscales en 2014).
- 24 -
Certaines recommandations du CPO formulées en 2015 ont été prises en compte :
le taux réduit sur les spectacles a été intégré aux dépenses fiscales (évalué à 160
M€
en 2015
2
) ;
le taux réduit sur les rémunérations de prestations de déneigement des collectivités
territoriales a été
exclu des dépenses fiscales, en cohérence avec la règle qui s’appliquait
pour les prestations d’assainissement (évalué à
8
M€ en
2014
22
).
Des incohérences demeurent néanmoins dans la classification en dépenses fiscales :
les taux réduits sur le logement social en Outre-Mer sont toujours exclus des dépenses
fiscales, alors que ceux applicables en métropole sont intégrés ;
le taux réduit sur les livres (460
M€ en
2015
2
) est toujours exclu des dépenses fiscales,
alors que celui sur les publications de presse est intégré.
Par ailleurs, depuis
l’
Evaluation des Voies et Moyens 2014,
sept mesures ont été déclassées
de la liste des dépenses fiscales
. Ces mesures étaient évaluées alors à 2 188
M€ (une
mesure
n’était pas chiffrée), les mesures principales (>
500
M€) étant
:
le taux de 5,5 % pour la fourniture de logement et de nourriture dans les établissements
d’accueil des personnes âgées et handicapées, les lo
gements foyers et les résidences
hôtelières à vocation très sociale (520
M€)
;
le taux de 5,5 % pour les ventes portant que certains équipements pour les handicapés
(750
M€)
;
le taux de 5,5 % pour la fourniture de repas dans les établissements
d’enseignement
(550
M€).
Outre les mesures TVA indiquées comme non classées dans l’
Evaluation des voies et moyens
(cf. encadré 3), 67 mesures ne sont pas intégrées à la liste des dépenses fiscales de TVA,
notamment
2
:
la franchise en base pour les assujettis sous condition de plafond du
chiffres d’affaires
(370
M€)
;
la non-application de la TVA en Guyane (180
M€).
Proposition n° 1 : Rationnaliser la classification des dépenses fiscales, conformément
aux recommandations précédentes du CPO, et systématiser leur chiffrage dans les
documents annexés aux lois de finances.
1.4.2.3.
En synthèse, l’ensemble des dépenses fiscales TVA peut être évalué au moins
à 43,5
Md€
En synthèse, on peut dénombrer 133 mesures dérogatoires relatives à la TVA dont 57 font
l’objet d’une é
valuation (cf.
Erreur ! Source du renvoi introuvable.
).
Les mesures évaluées r
eprésentent un montant de 43,5
Md€ dont
16,5
Md€ sont classées
en dépenses fiscales,
soit 38 %.
22
Évaluation des voies et moyens 2014.
- 25 -
Tableau 16 : Synthèse des mesures dérogatoires relative à la TVA
Nature de la mesure
Effectif
dont effectif évalué
Montant évalué (M€)
Régimes ultramarins
8
8
3 295
Exonérations à caractère social
3
3
692
Autres exonérations
4
4
13
Taux réduits
21
19
11 905
Taux particuliers
4
4
386
Régimes particuliers
3
3
183
Mesures classées en dépenses fiscales
43
41
16 474
Mesures listées mais non classées
23
14
26 488
Mesures non listées
67
2
550
Autres mesures
90
16
27 038
Total
133
57
43 512
Source
: Mission, d’après les évaluations des voies et moyens, le rapport particulier n°
6 du CPO (2015) et le rapport du
Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches fiscales (2011).
1.4.2.4.
L’estimation du montant des dépenses fiscales est majoritairement
fiable, selon
l’administration fiscale
L’estimation du montant de la dépense fiscale ne se fait pas systématiquement par rapport au
taux de 20 % (20 dépenses fiscales représentant 29 % des montants en 2020 ne sont pas
calculées par rapport au taux normal). Par exemple, la dépense fiscale liée aux taux ultramarins
est calculée par rapport aux taux métropolitains, y compris les taux réduits. Néanmoins,
le
choix du taux de référence devrait être justifié,
comme l’avait déjà recommandé le CPO
en 2015
2
.
La méthode et la qualité de l’estimation sont indiquées pour chaque dépense fiscale. En
synthèse pour 2020, la base taxable est reconstituée à partir de données fiscales pour 44 % des
dépenses (cf.
Erreur ! Source du renvoi introuvable.
).
Tableau 17
: Méthode d’estimat
ion des dépenses fiscales TVA en 2020
Méthode d’estimation
Montant
(M€)
Nombre de dépenses
fiscales
Reconstitution de base taxable à partir de données autres
que fiscales
6 004
19
Reconstitution de base taxable à partir de données
déclaratives fiscales
10 470
21
Non indiqué
0
3
Total
16 474
43
Source
: Mission, d’après l’évaluation des voies et moyens
2022.
Pour trois
dépenses, la méthode de calcul n’
est pas indiquée.
La qualité de
l’estimation
est
jugée « bonne » ou « très bonne » pour 40 % des dépenses fiscales en effectif et 75 % en
montant (cf.
Erreur ! Source du renvoi introuvable.
). Au contraire,
la qualité de l
’estimation de la dépense fiscale
est mauvaise ou non précisée pour 60 % des dépenses
fiscales en effectif et 25 % en montant.
- 26 -
Tableau 18
: Qualité d’évaluation des dépenses fiscales TVA en
2020
Qualité de l’estimation
Montant (M€)
Nombre de dépenses fiscales
Très bonne
28
3
Bonne
12 349
14
Ordre de grandeur
4 097
22
Non indiqué
0
4
Total
16 474
43
Source
: Mission, d’après l’évaluation des voies et moyens
2022.
Proposition n° 2 : Améliorer les documents annexés aux lois de finances en précisant
systématiquement la méthode d’évaluation du montant d
es dépenses fiscales liées à
la TVA.
1.4.2.5.
La suppression des principales dépenses fiscales inefficaces ou inefficientes liées
à la TVA permettrait
d’économiser
14
Md€ par
an
Le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales de
2011
23
a évalué 39 dépenses
fiscales de TVA (cf. encadré 4
) pour un montant, actualisé selon les données de l’
Evaluation des
Voies et Moyens la plus récente pour chaque dépense fiscale
24
, de 13,7
Md€ (cf.
tableau 19).
21 dépenses sont jugées inefficaces à peu efficientes pour un montant cumulé de 8,9
Md€
,
soit 65 % du total.
Tableau 19
: Évaluation de l’efficacité des dépenses fiscales de TVA
Score
Effectif
Montant (en
M€)
Inefficace
5
296
Non efficiente
9
8 127
Peu efficiente
7
476
Efficiente
7
4 042
Non évalué
11
776
Total
39
13 717
Source
: Mission, d’après le Comité d’évaluation des dépenses fiscales (2011) et les évaluations des voies et moyens.
Encadré 4
: Méthode d’évaluation du comité d’évaluation des dépenses fiscales et niches
sociales
La trame d’évaluation
comprend les axes de recherche suivant :
▪
taux de recours au dispositif ;
▪
atteinte des objectifs, notamment
: ciblage du dispositif, capacité du dispositif à exercer l’effet
incitatif recherché, capacité du dispositif à produire l’effet économique indirect
escompté, capacité
du dispositif à exercer l’effet redistributif recherché
;
▪
nécessité et proportionnalité du dispositif ;
▪
impacts
: existence de distorsions de concurrence, créations d’inégalités
;
▪
coûts de gestion du dispositif au regard de son coût ;
▪
niveau de contentieux généré, niveau de surveillance exercé ;
▪
éléments de comparaison internationale disponibles.
Source :
Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.
Les principales mesures non efficaces ou non efficientes en montant (> 500
M€) sont
:
23
Rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin
2011.
24
Une dépense fiscale déclassée n’est plus chiffrée, ce qui explique qu’il est parfois nécessaire de se reporter à
l’évaluation des voies et moyens d’une année antérieure.
- 27 -
le régime de taux en Outre-Mer (2 840
M€)
25
;
l’e
xonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées
(580
M€)
;
le taux de 10
% pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’am
énagement et
d’entretien
pour
les
logements,
autres
que
les
travaux
de
rénovation
énergétiques (3 330
M€)
;
le taux de 5,5 % pour la fourniture de logement et de nourriture dans les établissements
d’accueil des personnes âgées et handicapées, les logements
-foyers et les résidences
hôtelières à vocation très sociale (520
M€).
Il est à noter que ce travail d’évaluation n’a pas été actualisé depuis
lors. Le rapport du CPO
de 2015
2
recommandait déjà de mettre à jour le rapport du Comité d’évaluation des dépenses
fiscales et des niches sociales de 2011.
Proposition n° 3
:
Évaluer
systématiquement
l’ensemble
des
mesures
fiscales
dérogatoires relatives à la TVA.
Par ailleurs, les travaux du CPO ont ajouté deux mesures plus récentes à la liste des dépenses
fiscales inefficaces ou inefficientes :
le taux réduit sur les travaux de rénovation énergétique (1 310
M€), dont l’effet
d’aubaine a également été sou
ligné par un rapport de la Cour des comptes en 2016
26
;
le taux intermédiaire sur la restauration (2 942
M€) qui n’a pas eu les objectifs de baisse
des prix et de création d’emplois escomptés
27
.
Enfin la Cour des comptes a appelé, dans un référé de 2017
28
, à simplifier le taux réduit de TVA
du logement social (1 920 M
€) et
, dans un rapport de 2016
29
,
à améliorer l’évaluation du taux
réduit concernant l’accession à la propriété en zone d’aménagement et de rénovation
urbaine (ANRU). Sur ce dernier point, il est à noter que la mesure a depuis été étendue aux
quartiers prioritaires de la ville (QPV).
Proposition n° 4 : Supprimer les dépenses fiscales TVA inefficaces ou inefficientes.
Le rapport CPO de 2015 recommandait enfin de diviser par deux le plafond de la franchise en
base. La franchise de base allège les charges administratives des microentreprises, mais ne leur
permet pas de bénéficier du droit à la déduction sur la TVA payée sur leurs achats.
25
Cette suppression nécessite d’être articulée avec une suppression de l’octroi de mer ou son aménagement
(cf. Encadré 2).
26
Rapport de la Cour des comptes relatif à l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable,
septembre 2016.
27
Rapport particulier n° 4, « La TVA comme instrument de politique économique », CPO 2015.
28
Référé S2017-1737
de
la
Cour
des
comptes
relatif
aux
dépenses
fiscales
en
faveur
du
logement
social, 1
er
juin 2017.
29
Rapport de la Cour des comptes relatif aux aides de l’État à l’accession à la propriété, nove
mbre 2016.
- 28 -
Tableau 20 : Évaluation des dispositifs de franchise en base en TVA
N°
Mesure
Montant (M€)
740102
Franchise en base pour les avocats et les avocats au Conseil d’État et à la
Cour de cassation dont le chiffre d'affaires n'excède pas la limite fixée
au III de l'article 293 B du code général des impôts (CGI)
14
740103
Franchise en base pour les auteurs et les interprètes des œuvres de
l'esprit dont le chiffre d'affaires n'excède pas la limite fixée au III de
l'article 293 B du CGI
9
740105
Franchise en base pour les activités lucratives accessoires des
associations sans but lucratif lorsque les recettes correspondantes
n'excèdent pas un seuil de chiffre d'affaires, indexé, chaque année, sur la
prévision de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, retenue
dans le projet de loi de finances de l'année (72 000
€ pour 2020)
160
Non classée
Franchise en base pour les assujettis dont le chiffre d’affaires n’excède
pas 85 800
€ s’ils réalisent des livraisons de bien, des ventes à
consommer sur place ou des prestation
s d’hébergement,
34 400
€ sinon
370
Non classée
Franchise en base lorsque les assujettis n’ont pas réalisé
:
▪
un chiffre d’affaire supérieur à
85 800
€ l’année précédente
ou 94 300
€ si le chiffre d’affaires de l’année d’avant n’a pas
excédé 85
800€
▪
un chiffre d’affaires afférent à des prestations de services, hors
ventes à consommer sur place et presta
tions d’hébergement supérieur
à 34 400
€ l’année précédente ou
36 600
€ si l’année d’avant n’a pas
excédé 34 400
€
N.C.
Source :
Mission, d’après les évaluations des voies et moyens, le rapport particulier n° 6 du CPO (2015)
.
Le niveau du plafond de franchise en base est parmi les plus élevés
d’Europe, ce qui pourrait
justifier une réduction. Une division par deux de ce plafond représenterait un gain pour les
finances publiques évalué entre 2,2 et 2,4
Md€ selon le rapport CPO de
2015.
Proposition n° 5 : Diviser par deux le plafond de franchise de base.
- 29 -
2.
La hausse d’affectation de la TVA en dehors du budget de l’État doit
conduire à arrêter une doctrine claire sur ces affectations
2.1.
La part de TVA nette allouée au budget de l’État est en baisse de
33 %
entre 2015 et 2021 en raison des affectations de TVA
2.1.1.
En 2021, la TVA représente 32 % des recettes fisca
les de l’État, soit une baisse
de neuf points par rapport à 2015
Malgré un rendement dynamique (cf. partie 1.1.4), la part de la TVA dans les recettes fiscales
nettes de l’État est passée depuis
2015 de 51 à 32 % (cf. graphique 9). La recette brute de TVA
a en effet diminué de 18 % sur la période et la recette nette de 33 % (cf. graphique 10). Le poids
des remboursements et dégrèvements dans la TVA brute étant resté stable (cf. tableau 4),
ce
différentiel entre le dynamisme de la recette et la baisse de TVA nette perçue par l’État
s’explique par les transferts à d’autres entités
ou affectations.
Graphique 9
: Répartition des recettes fiscales nettes de l’État de
2015 à 2021
Source
: Mission, d’après les lois de règlement.
Légende : TICPE = taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
Graphique 10 : Exécution de la TVA en comptabilité budgétaire
Source
: Mission, d’après les données de la direction du budget.
25 %
25 %
25 %
25 %
25 %
29 %
27 %
12 %
11 %
12 %
9 %
12 %
14 %
16 %
5 %
6 %
4 %
5 %
5 %
3 %
6 %
51 %
51 %
52 %
53 %
46 %
44 %
32 %
8 %
8 %
8 %
8 %
12 %
10 %
19 %
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Part dans les recettes fiscales
nettes
Impôt sur le revenu
Impôt sur les sociétés
TICPE
TVA
Autres recettes fiscales
80
100
120
140
160
180
200
220
240
260
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Md€
TVA brute
TVA nette
TVA brute État
TVA nette État
- 30 -
2.1.2.
La majorité de cette affectation est à destination des organismes de Sécurité
sociale
Le montant total de TVA nette transféré en dehors du budget
de l’État est passé de
11,3
à 91,2
Md€ entre
2015 et 2021, soit une multiplication par un facteur huit (cf. graphique 11).
Le budget de l’État ne bénéficie plus que de
51 % de la TVA en 2021. Ces transferts sont
affectés :
au financement de la protection sociale, pour un montant en hausse : 11 à 54
Md€ sur la
p
ériode d’étude
;
aux régions depuis 2018 pour un montant qui atteint 14
Md€ en
2021 ;
aux
départements
et
établissements
de
coopération
intercommunale (EPCI)
depuis 2021 pour un montant de 23
Md€.
Par ailleurs, l’une des contributions au financement de l’U
nion européenne est calculée sur la
base de la TVA, sans constituer une véritable affectation, pour un montant autour de 4
Md€
(cf. 2.2.4).
L’ensemble de ces affec
tations et assimilés est détaillé en partie 2 du rapport.
Graphique 11
: Exécution de la TVA nette en comptabilité budgétaire par poste d’affectation
de 2015 à 2021 (en
Md€)
Source
: Mission, d’après les documents annexes aux
lois de finances et les données fournies par la direction du budget.
Légende : EPCI = établissement public de coopération intercommunale.
2.2.
Les affectations de TVA en dehors du budget de l’État poursuivent des
objectifs différents selon les objets financés
2.2.1.
La TVA est un véhicule financier de plus en plus majeur des relatio
ns entre l’État
et la protection sociale
2.2.1.1.
En 2021, près de 30 % de la TVA est affectée à la protection sociale
Le financement de la protection
sociale par l’État, hors garanties financières,
prend plusieurs
composantes :
les versements de l’État en tant qu’employeur
;
142
144
152
157
129
114
96
11
12
11
10
42
45
54
4
4
4
14
23
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Md€
État
Sécurité sociale
Régions
Départements/EPCI
- 31 -
les concours financiers versés au titre des politiques sociales (dispositifs financés
directement par l’État ou subventions aux régimes de protection sociale)
;
les recettes fiscales affectées à la protection sociale, dont la TVA.
Ce financement a augmenté de 39 % sur la période 2015-2021, passant de 261 à 362
Md€
(cf. graphique 12). La part des recettes fiscales dans ce financement est restée relativement
stable durant la période 2015-2021 (66 à 70 %), mais le poids de la TVA dans ces recettes
fiscales est passé de 7 à 21 % sur la même période (cf. tableau 21).
Graphique 12
: Flux financiers de l’État vers la protection sociale de
2015 à 2021 (en
Md€)
Source
: Mission, d’a
près les documents annexés aux projets de loi de finances.
Tableau 21 : Recettes fiscales affectées à la protection sociale de 2015 à 2021 (en
Md€)
Type de prélèvement
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Contribution sociale généralisée (CSG)
95,1
97,5
99,4
125,0
126,7
121,7
131,4
Taxe sur les salaires
13,2
13,5
13,5
13,2
14,0
14,5
15,3
Droit de consommation sur les tabacs
11,4
11,2
11,4
12,3
12,6
14,4
14,3
TVA nette
11,3
11,7
10,3
10,2
41,5
45,4
54,2
Contributions pour le remboursement de la
dette sociale (CRDS)
6,8
7,9
7,5
7,4
7,6
7,4
7,9
Prélèvement social sur les revenus du
patrimoine et les produits de placements
5,6
5,6
8,6
20,9
13,7
0,0
0,0
Forfait social
5,0
5,2
5,5
5,7
5,3
5,4
5,1
Taxe de solidarité additionnelle (TSA)
0,0
4,7
4,8
5,0
5,1
5,4
5,4
Autres recettes fiscales
24,7
18,6
20,2
17,9
17,5
12,8
18,8
Total
173,1
176,0
181,1
217,6
244,1
227,1
252,5
Source
: Mission, d’après les documents annexés aux lois de finances.
Cette affectation de TVA est prévue par le
IV de l’article
L. 241-2 du code de la sécurité sociale :
«
les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées
des impositions et remboursements suivants attribués à la branche maladie, maternité, invalidité
et décès du régime général
: […] une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée
. »
L’article
L. 131-8 du même code définit les caisses et régimes de Sécurité sociale bénéficiaires
et prévoit que l’Agence centrale des
organismes de sécurité sociale (ACOSS) est chargée de
centraliser le produit de la taxe et d’effectuer sa répartition entre les bénéficiaires.
162
164
171
207
203
182
198
11
12
10
10
42
45
54
36
42
47
48
51
57
52
51
52
54
54
55
56
58
0
50
100
150
200
250
300
350
400
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Md€
Autre recettes fiscales affectées
TVA affectée
Concours au titres des politiques sociales
Versements de l'État en tant qu'employeur
- 32 -
La TVA affectée est versée à la branche maladie, maternité invalidité, décès de la caisse
nationale d’assurance m
aladie des travailleurs salariés (CNAMTS) devenue, à partir de 2018,
la caisse nationale de l’assurance maladie
(CNAM). Depuis 2018, la TVA affectée est également
versée à
l’ACOSS
, devenue Urssaf Caisse nationale en janvier 2021, au titre de la compensation
de l’exonération de contribution d’assurance chômage (article
L. 225-1-1 du code de la sécurité
sociale).
En synthèse, la TVA est allouée principalement aux branches maladie et Unédic
(cf. graphique 13).
Graphique 13 : Structure du financement des branches de la protection sociale en 2021
Source
: Mission, d’après la note du haut conseil du financement de la protection sociale relative à l’évolution de la
structure des recettes finançant la protection sociale, novembre 2021.
Légende : AT-MP = accident du travail et maladie professionnelle ; FSV = fonds de solidarité vieillesse.
2.2.1.2.
De 2015 à 2018, la TVA affectée est
de l’ordre de
10
Md€
et s’inscrit dans un
schéma plus large de compensation et de transferts entre l’État et la
protection
sociale
De 2006 à 2015
, le financement des réductions générales de cotisations employeurs et des
exonérations ciblées de cotisations sociales a été compensé par des recettes affectées à la
protection sociale, principalement la TVA. En 2015, subsiste uniquement un versement
de 0,19 % de TVA à la CNAMTS au titre de la compensation de la déduction forfaitaire pour les
particuliers employeurs
30
. Fin 2015, cette compensation par affectation est remplacée par une
compensation sur crédits budgétaires.
Par ailleurs, les mesures adoptées dans le Pacte de responsabilité et de solidarité
31
devaient
représenter un impact de 6,3
Md€ pour les organismes
de Sécurité sociale. Ces pertes ont été
compensées par la réaffectation du fonds de prélèvement de solidarité qui finançait plusieurs
fonds de l’État (fonds national des solidarités actives, fonds national des aides au logement,
fonds de solidarité). En contrepartie, la fraction de TVA affectée à la CNAM a été réduite.
30
Article L. 241-10 du code de la sécurité sociale.
31
Pacte annoncé par le président de la République François Hollande le 14 janvier 2014.
20%
10%
24%
25%
37%
100%
90%
33%
31%
90%
57%
51%
21%
6%
23%
5%
6%
17%
25%
5%
12%
2%
10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Maladie
Vieillesse
AT-MP
Famille
Unédic
FSV
Autonomie
Poids dans le financement de la branche
TVA
CSG
Cotisations employeurs
Cotisations salariales
Autres cotisations
Autres
- 33 -
En synthèse, l’ensemble de ces mesures représente une baisse de TVA nette affectée à la
protection sociale de 1,7
Md€ par rapport à
2014. La fraction affectée en 2015 est de 7,29 %
(cf. tableau 23).
En 2016
, la rebudgétisation du financement de la déduction forfaitaire pour les particuliers
employeurs (224
M€ évalué en PLF
2015) se traduit par une baisse de la fraction de TVA nette
affecté de 7,29 % à 7,19 % (cf. tableau 23).
En 2017
, la fraction de TVA affectée à la protection
sociale est diminuée d’un montant évalué
à 134
M€ dans le cadre d’un ensemble de transfert
s
entre l’État et les organismes de
Sécurité
sociale, ce qui se traduit par une baisse du ratio affecté de 7,19 à 7,03 % (cf. tableau 23).
En 2018
, la fraction de TVA affectée est diminuée d’un montant évalué à
1,7
Md€ soit une
baisse du ratio d’affectation de
7,03 à 5,93 %. Cette diminution se place dans un cadre plus
large de changement d
e périmètre entre l’État et la
protection sociale. En effet :
la fraction affectée à la CNAMTS est ramenée à 0,34 %, celle-ci bénéficiant par ailleurs de
la hausse de la CSG ;
une fraction de 5,59 % est affe
ctée à l’ACOSS, afin de lui permettre de prendre en charge
l’exonération de contribution d’assurance chômage prévue à l’article
8 de la loi de
financement de la Sécurité sociale pour 2018
32
.
En cas de divergence entre le coût réel de l’exonération et la taxe reversée à l’ACOSS, cet écart
est réparti entre les différentes branches de la protection
sociale, afin que le résultat de l’ACOSS
demeure nul. Ainsi, les régimes de protection
sociale portent le risque financier d’un éventuel
écart, en fin d’exercice, entre les recettes de TVA perçues par l’ACOSS et le montant de la
compensation versée à l’Unédic pour
les cotisations non encaissées. Cette disposition
applicable à 2018 est néanmoins transitoire.
2.2.1.3.
À partir de 2019, le quadruplement de la TVA affectée à la protection sociale vient
principalement compenser la bascule du CICE vers les allègements généraux de
cotisations sociales
En 2019
, la hausse de TVA affectée à la protection sociale (+ 32
Md€, multiplication du
montant affecté par
quatre) s’explique
principalement par la transformation du
crédit d’impôt
po
ur la compétitivité et l’emploi
(CICE) en une réduction de six points de cotisations
d’assurance maladie combinée à une extension des allègements généraux aux cotisations
d’assurance vieillesse complémentaire et d’assurance chômage
(cf. tableau 22).
Tableau 22 : Décomposition de la fraction de TVA affectée supplémentaire prévue dans le
projet de loi de finances pour 2019
Mesure
Montant prévisionnel
(M€)
Bascule crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
(CICE)
23 406
Refonte des dispositifs d’exonérations ciblées
1 215
Effet année pleine de la bascule contribution sociale
généralisée/cotisations sociales
4 145
Transferts de recettes
14
Mesures de périmètre en dépenses
- 16
Compensation de la réaffectation des prélèvements sociaux sur le capital
7 359
Frais d’assiette et de recouvrement
182
Total
36 305
Source : Annexe 6 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019.
32
Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
- 34 -
Cette hausse se traduit par un ratio de TVA affectée qui atteint 26 % (cf. tableau 23). Une partie
(2,87
points) est désormais affectée à l’ACOSS pour la prise en charge des pertes de recettes
liées au renforcement des allègements généraux pour les régimes vieillesses complémentaires.
Le montant de TVA est fixé au niveau prévisionnel du coût du dispositif
: le solde d’exécution
est à la charge de la branche vieillesse du régime général.
En outre, l’article
96 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019,
complétée par l’arrêté du
4 juin 2019 relatif aux modalités de répartition de ce financement
affecte un montant forfaitaire de 545
millions d’euros de TVA supplémentaire
:
94
millions d’euros à l’ACOSS au titre des sommes dues pour
2018 :
77 millions d'euros pour le financement du dispositif contrat
d’apprentissage
;
9
millions d'euros pour le financement de l’exonération des apprentis
;
7
millions d'euros pour le financement de l’exonération des ateliers chantiers
d
’
insertion ;
1
million d'euros sont affectés pour le financement de l’exonération
des contrats à
durée déterminée et des actions de professionnalisation ;
405
millions d’euros à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole au titre de
l’exonération des travailleurs occasionnels agricoles
et demandeurs d’emploi (TO
-DE),
pour l'exercice 2019 ;
46
millions d'euros à l’Unédic, au titre des exonérations des travailleurs occasionnels
agricoles
, pour l’exercice
2019.
Il est à noter que dès 2018, la fiscalité affectée à la protection sociale a augmenté de 20 %
(+ 37
Md€), dont
70 % due à la hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG).
Par ailleurs, la suppression de la cotisation chômage en loi de financement de la Sécurité
sociale
2019 a donné lieu à l’affectation péren
ne de 1,45
point de CSG à l’Uné
dic.
Néanmoins, en 2019, le retour de la Sécurité sociale à un équilibre durable permettait
d’envisager un mécanisme de minoration de la fraction de TVA affectée à la branche maladie,
maternité, invalidité et décès de :
1,5
Md€ en
2020 ;
3,5
Md€ en
2021 ;
5
Md€ en
2022.
Ces
montants devaient être transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale
(CADES)
afin d‘amortir une partie de la dette sociale pesant encore sur le déficit de trésorerie de
l’ACOSS. Cette minoration, inscrite à l’article
L. 131-8 du code de la sécurité sociale
au 1
er
février 2020,
est néanmoins supprimée par l’article
94 de la loi n° 2019-1479
du 28 décembre 2019
de
finances
pour 2020
avec
la
dégradation
du
contexte
macroéconomique.
En 2020
, la fraction de TVA affectée augmente de 26,00 à 27,74 % (cf. tableau 23). En montant
prévisionnel, l’essentiel de la majoration (2,7 sur
3,2
Md€) est lié au renforcement des
allègements généraux su
r les cotisations patronales d’assurance chômage en année pleine.
Par ailleurs l’article
94 de la loi de finances pour
2020 prévoit l’affectation en
2020 d’un
montant de TVA de :
356
millions d’euros pour la caisse centrale de la mutualité sociale agricole
(dispositif
TO-DE) ;
91
millions d’euros pour la CNAM.
- 35 -
Tableau 23 : Fraction de TVA affectée à la protection sociale de 2015 à 2022 hors versements ponctuels
Période
Fraction
dont CNAMTS/CNAM
33
dont
ACOSS
Source juridique
Du 1
er
janvier 2015
au 31 décembre 2015
7,29 %
7,10 points
+ 0,19 points au titre de la compensation de la déduction
forfaitaire pour les particuliers employeurs
-
L.241-2 du code de la sécurité sociale et
article 53 de la loi n° 2012-1509
34
Du 1
er
janvier 2016
au 31 décembre 2016
7,19 % 7,19 points
-
L. 241-2 du code de la sécurité sociale
Du 1
er
janvier 2017
au 31 décembre 2017
7,03 % 7,03 points
-
Du 1
er
janvier 2018
au 31 décembre 2018
5,93 % 0,34 points
5,59 points
L. 241-2 du code de la sécurité sociale et
article 55 de la loi n° 2017-1837
35
Du 1
er
janvier 2019
au 31 janvier 2019
0,34 % 0,34 points
-
L. 241-2 du code de la sécurité sociale
Du 1
er
février 2019
au 31 décembre 2019
26,00 % 23,13 points
2,87 points
L.131-8 du code de la sécurité sociale
Du 1
er
janvier 2020 au 31
janvier 2020
26,00 % 23,13 points
2,87 points
Du 1
er
février 2020
au 31 décembre 2020
27,74 % 22,56 points
5,18 points
Du 1
er
janvier 2021
au 2 décembre 2021
27,89 % 22,71 points
5,18 points
Du 3 décembre 2021
au 31 janvier 2022
28,66 % 23,48 points
5,18 points
Depuis le 1
er
février 2022
28,00 % 22,82 points
5,18 points
Source : Code de la sécurité sociale.
Légende : CNAMTS
= caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés
; CNAM
= caisse nationale d’assurance maladie
; ACOSS = agence centrale des organismes de sécurité
sociale.
33
Branche maladie, maternité, invalidité et décès.
34
Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.
35
Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
- 36 -
En 2021,
la fraction de TVA affectée passe de 27,74 à 27,89 % soit une majoration évaluée
initialement à 271
M€ (cf.
tableau 23). Cette hausse est principalement due à la compensation
du transfert à la protection sociale du financement de la prestation « allocation supplémentaire
d’invalidité
» (297
M€).
L’article
91 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 prévoit par
ailleurs
l’affectation en
2021 d’un montant de TVA de
:
389
M€ pour la caisse centrale de la mutualisation sociale agricole, au titre de la
compensation
de l’e
xonération spécifique de charges patronales pour les employeurs de
saisonniers agricoles TO-DE ;
10
M€ à
la CNAM.
En 2022
, la fraction de TVA nette affectée passe de 27,89 à 28,00 % pour un montant
prévisionnel de 228
M€ (cf.
tableau 23). Il correspond principalement à la compensation du
bandeau maladie des exonérations « aide à domicile employée par une association ou une
entreprise auprès d’une personne fragile
», « zones de revitalisation rurales », bassins
d’emplois à redynamiser
» et « zones de restructuration de la défense » (192
M€).
L’article
52 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 prévoit
l’affectation d’un montant de TVA de
398
millions d’euros à la caisse centrale de la mutualité
sociale agricole pour la compe
nsation de l’exonération TO
-DE.
2.2.1.4.
L’affectation de TVA à la
protection sociale
permet d’éviter la compensation des
exonérations à l’euro près
L’article
L. 131-7 du code de la sécurité sociale introduit par la loi Veil de 1994
36
, pose le
principe d’une compensation intégrale par le budget de l’État des pertes de recettes liées aux
mesures de réduction ou d’exonération de cotisations et de contributions sociales
:
«
Toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale, instituée à
compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité
sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'État
pendant toute la durée de son application.
»
Cette obligation juridique se traduit par une compensation dite «
à l’euro
» des pertes de
recettes par des crédits budgétaires ou, plus rarement par des recettes fiscales. Ceci implique
que la mesure d’exonération fasse l’objet d’un suivi statistique et comptable distinct afin q
ue
les crédits et les recettes fiscales compensent exactement les pertes de recettes subies par les
régimes de protection sociale
. La compensation doit ainsi s’ajuster à l’évolution au fil du temps
des pertes de recettes.
Selon l’annexe
6 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, ces modalités
de compensation sont parfois complexes à mettre en œuvre,
ce qui conduit à privilégier une
affectation de recettes fiscales « pour solde de tout compte
». C’est le
cas pour la compensation
des allégements généraux depuis 2011, des exonérations du Pacte de responsabilité et de
solidarité en 2015 et 2016, puis pour les baisses de cotisations prévues par la mesure en faveur
d
u pouvoir d’achat des actifs en
2018 et les exonérations actées pour 2019.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 acte par ailleurs la non-compensation
des mesures issues de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales
37
(cf. encadré 5)
et de la réduction du forfait social sur l’intéresse
ment et la participation
depuis 2019.
36
Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
37
Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.
- 37 -
La suppression de la taxe sur les huiles donne, en revanche, lieu à une majoration de la fraction
de TVA affectée à la protection sociale à due concurrence.
A contrario
, la loi de finances rectificative n° 2020-935 du 30 juillet 2020, qui a créé un
dispositif d’exonération et d’aide au paiement des cotisations sociales pour aider les
entreprises les plus fortement touchées par la crise sanitaire, a créé le programme 360
« Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les
plus touchées par la crise sanitaire » afin de compenser ces pertes de recettes pour la
protection sociale au moyen de crédits budgétaires
. Cette différence s’explique par le caractère
temporaire de ces exonérations.
Le rapport remis au Parlement
38
en application de l’article
27 de la loi de programmation des
finances publiques 2018-2022
39
souligne les coûts de coordination importants entre
administrations générés par les mesures de compensation. En conséquence, il recommande,
pour l’avenir, dans un contexte de retour à l’équilibre de la
Sécurité sociale :
de maintenir le principe de compensation intégrale des exonérations ciblées par crédits
budgétaires, afin de responsabiliser les ministères porteurs ;
d’instaurer
un partage entre l’État et la
protection sociale du coût des baisses de
prélèvements obligatoires en fonction de l’affectation de ces derniers, sans qu’il soit
nécessaire ensuite de procéder à des transferts de compensation dans un sens ou dans
l’autre.
Encadré 5
: Loi portant mesures d’urgence économiques et sociales
La loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant
mesures d’urgence économiques et sociales
comprend les mesures suivantes :
▪
prime exceptionnelle défiscalisée, jusqu’à
1 000
€, pour les salariés qui gagnent moins de
trois fois
le salaire minimum de croissance (smic) ;
▪
défiscalisation des heures supplémentaires
, en plus d’une suppression de cotisations
;
▪
70 % des retraités seront exonérés de la hausse de cotisation sociale généralisée (CSG) de 1,7 point
s’appliquant depuis le
1
er
janvier 2018, à partir du 1
er
janvier 2019.
Source : Mi
ssion, d’après le site du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
2.2.2.
L’affectation de TVA aux collectivités territoriales joue un rôle majeur dans la
réforme de la fiscalité locale en cours et représente un bouleversement de leur
mode de financement
2.2.2.1.
En 2021, 20 % de la TVA est affectée aux collectivités territoriales
Le financement des collectivités territoriales par l’État, tel que présenté dans les documents
annexés aux lois de finances, comprend les composantes suivantes :
les prélèvements sur recettes de l’État, qui sont directement rétrocédées sans figurer
dans la partie dépenses du budget, principalement le prélèvement au titre de la dotation
globale de fonctionnement des collectivités ;
la fiscalité transférée ;
les dégrèvements d’impôts locaux et les compensations d’exonérations
;
38
Christian Charpy et Julien Dubertret, «
Les relations financières entre l’État et la sécurité sociale
», octobre 2018
39
Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
- 38 -
les dotations budgétaires (mission « relations avec les collectivités territoriales ») et les
subventions versées par les autres ministères ;
à partir de 2018, la TVA affectée aux régions au titre de la compensation de la dotation
globale de fonctionnement ;
d’autres financements dont la réserve parlementaire, le produit de certaines amendes de
police et les reversements aux rég
ions du compte d’affectation spéciale sur
l’apprentissage.
Le financement total inscrit en loi de finances est resté stable sur la période 2015-2021 avec
un pic en 2020 de 10 % par rapport à la moyenne (cf. graphique 14). La part de la fiscalité
transférée et de la TVA affectée dans ce financement est passée de 32 à 40 % sur la période.
Les documents disponibles ne permettent pas d’avoir les mo
ntants exécutés.
Néanmoins, la TVA affectée pour 2021 ne comprend pas :
l’affect
at
ion supplémentaire d’une fraction de TVA aux régions pour compenser la perte
de recette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (10
Md€)
l’affectation d’une
fraction de TVA aux départements et établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre dans le cadre de la réforme de la taxe
d’habitation (23
Md€).
En effet, venant remplacer de la fiscalité locale, ces affectations sont considérées comme des
recettes de fiscalité locale et non comme un financement de l’État. En intégrant ces deux
mesures, la TVA affectée représente en 2021 environ un
tiers du financement de l’État aux
collectivités territoriales.
Proposition n° 6 : Intégrer la TVA affectée à la présentation des flux financiers entre
l’État et les collectivités, au sein des documents annexes aux lois de finances.
Graphique 14
: Flux financiers prévisionnels de l’État vers les
collectivités territoriales
Source :
Mission, d’après les documents annexés aux projets de loi de finances.
La fiscalité transférée aux collectivités territoriales a par ailleurs augmenté de 17 % sur la
période 2015-2021, principalement via la hausse de transfert des droits départementaux
d’enregistrement et taxes de publicité foncière (cf.
tableau 24).
51
47
44
40
41
41
43
33
33
33
35
36
37
37
11
11
11
15
20
23
9
5
6
7
7
8
8
9
4
4
4
4
2
2
4
4
4
2
2
0
20
40
60
80
100
120
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Md€
Prélèvement sur les recettes de l'État
Fiscalité transférée
Dégrèvements
Dotations budgétaires et subventions
TVA affectée aux régions
Autres
- 39 -
Tableau 24 : Fiscalité transférée aux collectivités territoriales de 2015 à 2021 (en
Md€)
Fiscalité transférée
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Droit départemental d'enregistrement et
taxe de publicité foncière (DMTO)
8,3
8,4
9,7
10,9
11,3
13,0
13,1
Cartes grises
2,1
2,1
2,2
2,2
2,3
2,5
2,2
Taxe intérieure de consommation sur les
produits énergétiques (TICPE)
10,4
10,7
10,9
10,8
11,0
10,7
9,5
Taxe sur les conventions
d'assurance (TSCA)
7,1
7,0
7,1
7,3
7,4
7,8
8,2
Taxe sur les surfaces
commerciales (TASCOM)
0,8
0,8
0,8
0,8
0,8
0,8
0,8
Frais de gestion
3,9
4,0
4,2
4,2
4,3
4,5
4,3
Total
32,6
33,0
34,9
36,2
37,1
39,2
38,2
Source :
Mission, d’après les documents annexés aux projets de loi de finances.
Les
collectivités territoriales bénéficient enfin d’une fiscalité directe locale affectée, qui
représentait 99,1
Md€ en
2016 (cf. graphique 15). La recette principale correspond aux taxes
foncières (41 %). Ces données ne sont plus actualisées dans les documents annexés aux lois de
finances depuis 2016.
Graphique 15 : Recette fiscale affectée des collectivités territoriales en 2016 (en
M€)
Source :
Mission, d’après les documents annexés aux projets de loi de finances.
2.2.2.2.
De 2018 à 2020, une fraction de TVA a été affectée aux régions en remplacement
de dotations (~4
Md€)
Conformément à l’article
149 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2017
40
, à compter
de
2018
, une fraction du produit de la TVA nette est affectée aux régions, au département de
Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane
. Selon l’exposé
des motifs de l’amendement gouve
rnemental
41
ayant créé cet article : «
cette fraction de TVA
transférée garantit par ailleurs le financement des compétences transférées
. »
40
Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.
41
Amendement N°II-712 du 10 novembre 2016.
22 220
40 312
5 875
17 197
8 981
1 592
1 126
1 835
Taxe d'habitation
Taxe foncières sur les propriétés bâties (TFPB) et
non bâties (TFPNB)
Taxe intérieure sur la consommation de produits
énergétique (TICPE)
Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises
(CVAE) et taxe additionnelle
Contribution foncière sur les entreprises (CFE) et
taxe additionnelle
Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux
(IFER)
Autres
Frais de gestion
- 40 -
En effet, la compétence de développement économique a été transférée des départements aux
régions par la loi dite NOTRe
42
, mais sans reversement de ressources pérennes (cf. encadré 6).
Cette
nouvelle
recette
est
versée
en
substitution
de
la
dotation
globale
de
fonctionnement (DGF) perçue par les collectivités du bloc régional et de la dotation générale
de décentralisation (DGD) perçue par la collectivité territoriale de Corse. La transformation de
dotations en fraction de TVA est présentée comme un renforceme
nt de l’autonomie financière
des régions, dans le cadre de la décentralisation, car elle permet l’assurance d’une ressource
dynamique
43
.
Les DGF représentaient 3 935
M€ en
2017 et la DGD 90
M€. La fraction est donc définie dans
la loi comme le ratio des dotations notifiées en 2017 sur les recettes nettes de TVA constatée
en 2017. Par ailleurs, un plancher est institué pour garantir un versement minimal
correspondant aux dotations versées en 2017.
Encadré 6
: La création d’un fonds e
xceptionnel de soutien des régions en matière de
développement économique
La loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi dite
« NOTRe ») a entendu clarifier les compétences des collectivités territoriales
en matière d’interventions
économiques. Ce faisant, elle a renforcé le rôle des régions, dorénavant seules habilitées à attribuer la
plupart des aides et dotées de la responsabilité exclusive de la définition des orientations en matière de
développement économique et de concours aux entreprises.
Si la montée en charge des régions ne s’est pas accompagnée du transfert concomitant de ressources
pérennes à court terme,
l’article
149 de la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017
a toutefois i
nstitué un fonds destiné à accompagner l’exercice de leurs
nouvelles compétences
économiques.
Introduit par voie d’amendement, c
e fonds de soutien exceptionnel
a fait l’objet d’une
répartition entre les régions, le département de Mayotte et les collectivités territoriales de Corse,
Martinique et Guyane
en application d’un indice synthétique composé
pour :
▪
70 % des dépenses de développement économique réalisées par les départements compris dans le
ressort territorial de la région bénéficiaire entre 2013 et 2015 ;
▪
15 % des montants cumulés des bases pour 2015 de la cotisation foncière des entreprises et de la
taxe foncière sur les propriétés bâties ;
▪
15 % de la population recensée au 1er janvier 2015 dans le ressort territorial de chaque région
bénéficiaire.
Au total, ce fonds a été doté de 450
M€ au bénéfice des régions.
Source : Rapporteurs.
En
2019
, le projet de loi de finances prévoyait à son article 26 de neutraliser le montant du
fonds de compensation de la TVA (FCTVA) versée sur la part de TVA affectée aux régions, en
retranchant au montant affecté le montant de FCTVA versé sur la part de TVA affectée aux
régions. L’article a néanmoins été supprimé par l’Assemblée nationale
44
«
pour ne pas
contrevenir à l’engagement initialement pris par l’État d
e faire bénéficier les régions de la
dynamique de la TVA
».
Sur la période
2018-2020
, la transformation des dotations en TVA affectée a représenté un
gain pour les collectivités de 442
M€, dû à la dynamique de la recette de TVA par rapport
à 2017 (cf. tableau 25). Il est à noter que la clause de garantie a été mobilisée en 2020, les
recettes de TVA ayant chuté avec la crise sanitaire (cf. 1.1.4).
42
Loi nᵒ
2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.
43
Discours de M. Manuel Valls, Premier ministre, au 12e Congrès des Régions de France (29 septembre 2016).
44
Amendement n° 314.
- 41 -
Tableau 25 : TVA affectée aux régions de 2018 à 2020
Montant (M€)
2018
2019
2020
Dotations 2017
4 025
4 025
4 025
TVA affectée
4 200
4 292
4 025
Différentiel
175
267
0
Source
: Mission, d’après les documents annexés aux lois de finances.
2.2.2.3.
À partir de 2021, la TVA affectée aux régions compense aussi la baisse de la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (~10
Md€)
Dans le cadre de la baisse des impôts de production à compter du 1
er
janvier 2021
(cf. encadré 7), le taux de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été abaissé
à 50 %, à hauteur de la part affectée
à l’échelon régional, par l’article
8 de la loi de finances
pour 2021
45
. Les régions percevaient en effet 50 % du produit de la CVAE afférent à leur
territoire (article 1599
bis
du code général des impôts).
En contrepartie, une fraction de TVA est affectée aux régions, au département de Mayotte, à la
collectivité de Corse et aux collectivités de Martinique et de Guyane à hauteur de la CVAE
perçue en 2020 (~ 10
Md€)
. Cette fraction est dé
finie à l’article
8 de la loi de finances comme :
pour 2021, le ratio entre la CVAE perçue en
2020 et la TVA nette 2021 ;
à partir de
2022, comme le ratio entre la CVAE perçue en 2020 et la TVA nette de l’année
en cours.
Selon l’exposé des motifs de l’arti
cle 3 de la loi de finances pour 2021, la crise économique
devrait se traduire par une baisse des recettes de CVAE. L’affectation de TVA aux régions
permet donc de bénéficier d’une ressource dynamique sur le long terme.
Par ailleurs, la TVA affectée au tit
re des dotations s’est poursuivie
, représentant un gain
de 269
M€ en
2021 par rapport aux dotations de 2017. Le gain attendu en 2022 est de 654
M€.
En synthèse, les régions ont perçu 14,4
Md€ de TVA affectée en 2021 (cf.
tableau 26).
Tableau 26 : TVA affectée aux régions de 2021 à 2022
Montant (M€)
2021
2022 (p)
Dotations 2017
4 025
4 025
TVA affectée au titre des dotations
4 294
4 679
Différentiel
269
654
TVA affectée au titre de la CVAE
9 856
N.C
Total de TVA affectée
14 400
N.A
Source
: Mission, d’après les documents annexés aux lois de finances.
Encadré 7 : Mesures de baisses des impôts de production des entreprises à compter
du 1
er
janvier 2021
Les impôts de production sont définis comme les impôts supportés par les entreprises du fait de leurs
activités de production et correspondant, pour elles à des coûts fixes entrant dans le prix de revient de
la production.
Ces impôts ont eu tendance à croître ces dernières années, pesant sur la compétitivité et la capacité
d’investissement des entreprises françaises. Dans le contexte de la crise sanitaire, qui a affecté la
trésorerie et la résilience des entreprises françaises, ces impôts sont pénalisants et peuvent
compromettre le rebond de la production.
En conséquence, la loi de finances pour 2021 acte :
▪
la réduction de moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ;
45
Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
- 42 -
▪
la réduction de moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les
propriétés bâties (TFPB) pour leurs établissements industriels évalués selon la méthode
comptable ;
▪
l
’abaissement de
3 % à 2 % du taux de plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET)
en fonction de la valeur ajoutée, ce qui permettra d’éviter qu’une partie du gain de la baisse de la
CVAE et des impôts fonciers ne soit neutralisée par le plafonnement.
Source : Exposé des mo
tifs de l’article
3 du projet de loi de finances pour 2021 et site du ministère chargé de l’économie
impots-de-production).
2.2.2.4.
À partir de 2021, la TVA affectée aux collectivités compense également la réforme
de la taxe d’habitation et le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties
aux communes (23
Md€)
L’article
16 de la loi de finances pour 2020
46
prévoit la suppression de la taxe d’habitati
on sur
les résidences principales. Cette réforme, qui devrait être mise en œuvre progressivement
entre 2020 et 2023, comporte plusieurs volets dont :
la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales
entre 2020 et 2023 ;
le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)
aux communes pour compenser la perte de taxe d’habitation
;
la mise en œuvre de mesures de compensation pour les établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, les départements et les régions.
Le
V de l’article
16 de la loi de finances pour 2020 instaure ainsi,
à compter de 2021
, une
affectation de TVA aux EPCI à fiscalité propre, aux départements, à la ville de Paris, au
département de Mayotte, à la métropole de Lyon, à la collectivité territoriale de Guyane et de
Martinique et à la collectivité de Corse.
Cette affectation se compose :
d’un montant forfaitaire de
250
M€ affecté aux départements et assimilés visant à
«
soutenir les territoires les plus fragiles
» et réparti en fonction de critères de ressources
et de charges ;
d’une fraction affectée aux départements et assimilés calculée comme le ratio entre la
taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), compensations comprises, perçue
en 2020 sur les recettes nettes de TVA de 2020 ;
d’une fraction affectée aux EPCI à fiscalité propre calculée comme le ratio entre la taxe
d’habitation, compensations comprises, perçue en
2020 sur les recettes nettes de TVA
de 2020.
Par ailleurs, la recette nette de TVA est actualisée chaque année et un plancher est institué : la
TVA transférée ne peut être en baisse d’une année sur l’autre.
Ainsi, l’affectation de TVA compense la TFPB transférée des départements aux communes
(~15
Md€), dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation, et la suppression de la taxe
d’habitation pour les EPCI à fiscalité propre (~8
Md€).
Le montant total affecté en 2021 aux
départements et EPCI est ainsi de 23
Md€ selon les données fournies par la direction du
budget.
46
Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
- 43 -
Concernant le montant forfaitaire de 250
M€, les départements
, dont le montant par habitant
de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus
l’année précédente est inférieur au
montant moyen perçu par les départements et dont le taux de pauvreté est supérieur ou égal
à 12 %, bénéficient en 2021 de la fraction complémentaire de TVA.
À compter de 2022
, cette fraction bénéficie de la dynamique nationale de la TVA : en
complément du montant forfaitaire de 250
M€ le surplus (~
14M€) est affecté à un fonds
de
sauvegarde des départements au titre de la péréquation fiscale (article L. 4332-9 du code
général des collectivités territoriales).
2.2.2.5.
L’affectation de TVA aux collectivités permet de leur assurer une ressource
dynamique sans dégrader leur ratio d’autonomi
e financière
La fiscalité transférée aux collectivités territoriales vient compenser des transferts de
compétences actés lors des différents actes de décentralisation, conformément à l’article
72-2
de la Constitution
47
: « t
out transfert de compétences entr
e l’État et les collectivités territoriales
s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur
exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les
dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi
. »
La TVA affectée n’est néanmoins pas considérée comme une fiscalité transférée mais comme
des recettes de fiscalité locale, car elle se substitue à des ressources fiscales.
Par ailleur
s, aux termes de l’article
72-2 de la Constitution les «
ressources propres
» des
collectivités territoriales doivent représenter une «
part déterminante
» de leurs ressources.
L’article
LO 1114-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) définit les ressources
propres comme le «
produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer
l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale
d'assiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations
d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs
. »
Aux termes de l’article
LO 1114-3 du CGCT la part des ressources propres ne peut être
inférieure au niveau constaté en 2003, soit :
60,8 % pour les communes et EPCI ;
58,6 % pour les départements ;
41,7 % des régions.
Ces
ratios
d’autonomie
financière
sont
en
augmentation
quasi
constante
depuis 2003 (cf. tableau 27). Il est à noter que ces ratios intègrent la fraction de TVA affectée
aux collectivités territoriales.
47
Constitution du 4 octobre 1958.
- 44 -
Saisi à l’occasion
de la suppression de la part départementale de taxe foncière sur les
propriétés bâties (TFPB) et de sa compensation par l'affectation aux départements d'une
fraction du produit de la TVA,
le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’apporter des
clarifications en ce sens
48
. Dans la mesure où cette fraction est établie en appliquant une
formule de calcul prenant en compte le produit de la base d’imposition en
2020 de la TFPB
appliqué en 2019 et où
cette ressource constitue le produit d’une imposition de toutes nature
dont la
loi détermine, par département, une part locale d’assiette, alors l’octroi d’une fraction
de TVA constitue bien une ressource propre devant être intégrée au calcul des ratios
d’autonomie financière.
La circonstance tirée de ce que les collectivités territoriales ne
puissent en déterminer le taux est sans incidence sur le fait que la fraction de TVA ainsi
octroyée demeure considérée comme une ressource propre au sens du troisième alinéa de
l’article
72-
2 de la Constitution. L’argument consistant à arguer du
caractère fluctuant des
recettes de TVA en fonction du contexte économique n’a pas non plus
été jugé opérant par le
Conseil constitutionnel.
Tableau 27 :
Ratio d’autonomie financière des collectivités territoriales
49
Ratio
Communes et EPCI
Départements
Régions
2003 (plancher)
60,8 %
58,6 %
41,7 %
2020
69,1 %
74,7 %
72,0 %
2020 hors TVA
69,1 %
74,7 %
59,5 %
2021 (p)
68,4 %
75,7 %
71,3 %
2021 hors TVA (p)
62,4 %
55,3 %
27,8 %
Source
: Mission, d’après les documents annexés aux lois de finances et les données
DGCL - DGFIP, comptes de gestion ;
budgets principaux.
En synthèse, le poids de la TVA dans le financement des collectivités territoriales est donné par
le graphique 16.
Graphique 16 : Poids de la TVA dans les recettes hors emprunt
Source : DGCL - données DGFIP, comptes de gestion ; budgets principaux.
En outre, l’affectation de TVA permet aux collectivités de bénéficier d’une ressource
dynamique sur le long terme. En effet, la croissance annuelle moyenne de la TVA nette en
comptabilité nationale sur la période 2013-2017 a atteint 2,9% contre 2,7 % pour la cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et 2,5
% pour la taxe d’habitation.
48
Conseil constitutionnel, décision n°2019-796 DC du 27 décembre 2019.
49
Le ratio est calculé comme le rapport des impôts et taxes, des ventes de biens et de services, des autres recettes
de fonctionnement et d’investissement sur les recettes
totales hors emprunt du budget principal.
0%
15%
30%
45%
2018
2019
2020
2021 (p)
Communes et EPCI
Départements
Régions
- 45 -
Néanmoins, les documents annexes à la loi de finances
2021 notent que l’affectation de TVA a
également pour conséquence d’exposer plus rap
idement les collectivités aux retournements
de la conjoncture économique. Il est à noter que l’affectation de TVA aux collectivités dans le
cadre de la réforme de la taxe d’habitation bénéficie également d’un plancher
: l’affectation ne
peut diminuer d’une
année sur l’autre.
L’Accord de partenariat État
-Régions du 28 septembre
2020 contient l’engagement pour l’État
de «
travailler à la mise en place d’un mécanisme renforçant la résilience des budgets régionaux
face aux chocs de la conjoncture
» via la mise
en place d’un fonds de péréquation des ressources
des régions. Ce fonds fait suite aux recommandations du rapport du député Jean-René
Cazeneuve
50
visant à encadrer la variation de recettes fiscales des régions.
2.2.3.
L’affectation de TVA devrait également compens
er la suppression de la
contribution à l’audiovisuel public et de la
CVAE
À la date du rapport, deux nouvelles affectations de TVA sont prévues de manière pas
nécessairement pérenne.
D’une part, l’article
6 de la loi de finances rectificative pour 2022
51
supprime la contribution à
l’audiovisuel public (article
1605 et suivants du code général des impôts) et la remplace par
une fraction de TVA nette versée au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel
public »
52
:
fixée à un montant de 3,59 Md
€ po
ur 2022 ;
et déterminée chaque année par la loi de finances initiale à partir de 2023.
Selon l’exposé des motifs, cette suppression se justifie par
:
le coût pour les ménages, notamment modestes ;
le coût pour les professionnels et l’inadéquation entre le
montant de la contribution et
l’activité réelle
;
l’inadéquation du fait générateur à l’évolution des usages, les programmes de
l’audiovisuel public étant accessible
s sur une part croissante des usages sur ordinateurs,
tablettes et téléphones.
L’affectation d’une fraction de TVA a été instaurée par l’amendement n°
974. L’exposé des
motifs précise : «
en affectant une fraction d'une taxe existante (TVA), les députés Renaissance
maintiennent le concours financier qui protège l'audiovisuel public des mesures de régulation
budgétaire éventuelles
».
D’autre part, l’article
55 de la loi de finances pour 2023
53
prévoit une suppression progressive
de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : 50 % en 2023 et 100 % en 2024.
Cette suppression est présentée comme une «
poursuite de la baisse des impôts de production.
»
50
Jean-René Cazeneuve, député du Gers, « Impact de la crise du COVID-19 sur les finances locales et
recommandations », 29 juillet 2020.
51
Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.
52
Ce compte finance
les sociétés du secteur public de l’audiovisuel (France Télévisions, ARTE France, Radio France,
France Médias Monde, TV5 Monde) et l’établissement public de l’Institut national de l’audiovisuel.
53
Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
- 46 -
En compensation, le même article prévoit :
une compensation dynamique aux collectivités territoriales
54
dès le 1
er
janvier 2023 des
pertes de recettes induites
par cette suppression par l’affectation d’une fraction de
TVA,
égale à la moyenne de la CVAE perçue au titre des années 2020, 2021 et 2022
(~ 10
Md€)
;
l’affectation de
la dynamique annuelle de cette fraction de TVA à un fonds national
d’attractivité économique des territoires dont les modalités de répartition, tenant
compte du dynamisme économique de leurs territoires respectifs, seront arrêtées à
l’issue d’une concertation avec les collectivités locales.
Selon l’exposé des motifs, ce fonds permettra «
de maintenir l’incitation, pour les collectivités
territoriales, à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire
».
En synthèse, la TVA affectée aux collectivités territoriales devrait atteindre 53
Md€ en
2023 au
plus tôt (cf. tableau 28), soit 25 % du montant de TVA nette évaluée dans le projet de loi de
finances pour 2023.
Tableau 28 : Montants des fractions de TVA revenant aux collectivités sur la période 2021-2023
(en
Md€)
Collectivités
Compensation
2021
2022 (p)
2023 (p)
EPCI
Taxe d’habitation
7,2
7,9
8,3
Ville de Paris
Taxe d’habitation
0,7
0,7
0,8
Départements
TFPB
14,9
16,3
17,2
Fonds de sauvegarde
0,3
0,3
0,3
Bloc communal et départements
CVAE
0,0
0,0
10,1
Régions
CVAE
9,8
10,7
11,3
Dotation globale de fonctionnement
4,6
5,0
5,3
Total
37,4
41,0
53,2
Source : Documents annexées au projet de loi de finances pour 2023. Légende : EPCI = établissement public à fiscalité
propre ; TFPB = taxe foncière sur les propriétés bâties ; CVAE = cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
2.2.4.
L’Union européenne bénéficie d’une contribution calculée à partir de la TVA sans
constituer une affectation
stricto sensu
2.2.4.1.
La contribution « TVA
» à l’Union européenne représente
0,3
% de l’assiette
de TVA
L’article
311 du tr
aité sur le fonctionnement de l’Union européenne
(TFUE) prévoit que le
budget de l’Union européenne est «
sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par
des ressources propres
».
Ce système de ressources propres a été introduit par le Conseil européen de Luxembourg
d’avril
1970
afin d’assurer l’autonomie financière de la Communauté européenne vis
-à-vis des
États membres. Il était composé initialement des droits de douane, des prélèvements agricoles
et d‘une ressource fondée sur une assiette d
e TVA harmonisée.
Il est défini dans une décision relative au système des ressources propres (DRP) adoptée à
l’unanimité par le Conseil après consultation du
Parlement européen, puis approuvé par les
États membres. Cette décision est complétée par trois règlements, formant ainsi le paquet
« ressources propres ».
54
C
ommunes qui ne sont pas membres d’un établissement publi
c de coopération intercommunale (EPCI), EPCI,
départements, Ville de Paris, Département de Mayotte, métropole de Lyon, collectivité territoriale de Guyane,
collectivité territoriale de Martinique et collectivité de Corse.
- 47 -
Le paquet ressources propres de 2014
55
a été actualisé en 2021
56
. Le financement du budget
de l’Union repose ainsi actuellement sur
cinq types de ressources :
les ressources propres traditionnelles, notamment les droits de douane ;
la ressource fondée sur la TVA, calculée par l’application d’un taux uniforme
de 0,30
% à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres
;
depuis 2021, une ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés ;
une ressource fondée sur le revenu national brut ;
des recettes diverses.
Il est à noter qu’en vertu de l’article
2 de la décision 2014/335/UE, sur la période 2014-2020,
le taux d’appel de la ressource TVA a été fixé à
0,15
% pour l’Allemagne, l
es Pays-Bas et la
Suède. Ces minorations n’ont pas été prolongées par la décision
2020/2053/UE. Par ailleurs,
l’article
4 de la même décision définit un mécanisme de correction en faveur du
Royaume-Uni
57
, qui s’est appliqué jusqu’en
2020. Cette correction est répartie entre tous les
autres États membres en proportion de leur ressource fondée sur le revenu national brut.
Enfin, l’assiette TVA d’un État est plafonnée à
50 % de son revenu national brut.
La ressource TVA est restée stable sur la période 2015 à 2021 à 8
Md€
, mais sa part dans les
recettes de l’Union européenne est passé de
12 à 10 % (cf. graphique 17).
Graphique 17
: Recettes du budget de l’Union européenne de
2015 à 2021 (en
Md€)
Source
: Mission, d’après les documents annexés au projet de loi de finances
2022.
Légende : RNB = revenu national brut.
La ressource TVA versée par la France a baissé de 20 % entre 2015-2021 malgré une hausse
de 35
% de la contribution totale à l’Union européenne (cf.
graphique 18). Néanmoins, en
retranchant la correction britannique, cette contribution a augmenté de 19 % (cf. tableau 29).
Cette hausse est concordante avec la hausse de la TVA nette sur la même période (cf. 1.1.4).
55
Décision 2014/335/UE du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union
européenne.
56
Décision 2020/2053/UE du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propre
s de l’Union
européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE.
57
Cette correction budgétaire correspond à la différence entre le poids du Royaume-Uni dans la somme des
assiettes TVA et dans le total des dépenses réparties.
19
20
21
20
21
20
17
101
96
79
106
109
125
122
18
16
17
18
18
18
18
6
8
13
23
15
16
11
11
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021 (p)
Md€
Ressources propres traditionnelles
Ressources RNB
Ressource TVA
Ressource plastique
Autres ressources
- 48 -
Graphique 18
: Contribution de la France au budget de l’Union européenne de
2015 à 2021
(en
Md€)
Source
: Mission, d’après les documents annexés au projet de loi de finances
2022.
Légende : RNB = revenu national brut.
Tableau 29
: Décomposition de la ressources TVA versée à l’Union européenne de
2015 à 2021
(en
Md€)
Ressources
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021 (p)
Ressources TVA
4,57
4,72
4,42
4,52
4,65
4,68
3,60
dont correction britannique
1,49
1,81
1,32
1,30
1,29
1,55
0,00
Poids de la correction britannique
33 %
38 %
30 %
29 %
28 %
33 %
0 %
Source
: Mission, d’après les documents annexés au projet de loi de finances
2022.
2.2.4.2.
Le mode de calcul de cette contribution est fondé sur l’assiette de TVA mais ne
constitue pas une affectation
L’assiette harmonisée, qui sert de base à la contribution TVA
, est calculée ainsi :
un taux moyen pondéré de TVA est calculé pour l’exercice de référence, soit l’exercice en
cours jusqu’en
2020
58
et l’exercice
2016 de 2021 à 2027
59
;
le total des recettes annuelles encaissées par l’État membre est divisé par le taux moyen
pon
déré afin d’obtenir l’assiette intermédiaire
;
l’assiette intermédiaire est adaptée via des compensations négatives ou positives, afin de
prendre en compte les biens et services effectivement imposables par pays, afin
d’obtenir une assiette harmonisée.
58
Règlement 1553/89 du Conseil du 29 mai 1989 concernant le régime uniforme définitif de perception des
ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée.
59
Règlement 2021/769 du Conseil du 30 avril 2021 modifiant le règlement 1553/89 concernant le régime
uniforme définitif de perception des ressources propres provenant de la taxe sur la valeur ajoutée.
2
2
2
2
2
2
2
15
15
12
16
16
19
22
5
5
4
5
5
5
4
1,2
0,0
0,1
0,1
0,1
0,0
0,0
0
5
10
15
20
25
30
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021 (p)
Md€
Ressources propres traditionnelles
Ressources RNB
Ressource TVA
Ressources plastique
Autres ressources
- 49 -
Pour la France, cette assiette est calculée par la DG
Trésor, à partir du modèle d’estimation de
la TVA théorique
18
qui transmet un relevé TVA à la Commission européenne. La Commission
européenne effectue également une prévision d’assiette harmonisée sur la base de la dernière
exécution transmise (N-2) et de ses prévisions macroéconomiques établies par la Direction
générale des affaires économiques et financières (DG ECFIN). Un compromis est adopté entre
les deux
prévisions au mois de mai dans le cadre d’un comité consultatif des ressources
propres (CCRP) p
our l’exercice en cours et le suivant. Selon les documents annexés aux lois de
finances, la moyenne entre les deux estimations est généralement retenue.
L’assiette peut par ailleurs être révisée
: les montants dus au titre des années N-1 à N-3 sont
ajustés
sur la base de l’assiette définitive. Ces ajustements se traduisent par un versement
supplémentaire ou par une restitution du budget de l’Union européenne. Jusqu’en
2020, la
participation de la France au financement de la correction britannique était également
susceptible d’être réévaluée
a posteriori
.
Cette contribution n’est pas présentée dans les documents annexes aux lois de finances (voies
et moyens) comme une fiscalité affectée mais comme un prélèvement sur les recettes.
2.3.
L’État
doit se doter d’une doctrine englobant
la TVA affectée à la protection
sociale et aux collectivités territoriales
2.3.1.
La fiscalité affectée entraîne des effets indésirables qui devraient limiter son
usage, comme l’a déjà rappelé le CPO en
2013
Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2013
60
définissait la fiscalité
affectée comme toute ressource vérifiant les quatre critères suivants :
elle est soit une imposition de toutes nature
s, c’est
-à-dire un prélèvement obligatoire qui
n’ouvre droit n
i à une contrepartie équivalente, ni à des prestations sociales, soit, de
manière plus marginale, une contribution rendue obligatoire par un acte législatif ou
réglementaire ;
elle est affectée à une entité et non au budget de l’État
;
elle finance une mis
sion d’intérêt général
;
sa suppression ou son remplacement par une dotation budgétaire est envisageable d’un
point de vue constitutionnel.
Ce dernier point exclut notamment :
les impositions entrant dans le ratio de ressources propres des collectivités ;
la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la
dette social (CRDS) considérées comme des quasi ressource propres de la protection
sociale, car affectées dès leur création.
Cette définition restreinte de la fiscalité affectée exclut
ainsi de l’analyse les taxes
affectées aux collectivités locales et aux organismes de Sécurité sociale.
Pour les autres cas de figure, le CPO rappelle que la fiscalité affectée entraîne des effets
indésirables :
amoindrissement du contrôle parlementaire ;
moins bonne lisibilité des moyens publics alloués aux politiques publiques ;
60
Conseil des prélèvements obligatoires, « La fiscalité affectée. Constats, enjeux et réformes », juillet 2013.
- 50 -
affaiblissement du pouvoir de tutelle et complexification du pilotage des politiques
publiques.
Le rapport recommandait de rationnaliser la fiscalité affectée en arrêtant une doctrine. Le
recours à une taxe affectée devrait ainsi être limité à trois cas :
contrepartie d’un service rendu par l’affectataire
;
financement d’actions de mutualisation ou de solidarités
;
financement de fonds d’assurance ou d’inde
mnisation, nécessitant des réserves
financières régulières par des cotisants.
En conséquence, la loi de programmation des finances publiques 2014-2019
61
a introduit à son
article
16 une doctrine limitant l’affectation d’une imposition à l’un des critères su
ivants :
la ressource est en relation avec le service rendu par l'affectataire à un usager et son
montant doit pouvoir s'apprécier sur des bases objectives ;
la ressource finance, au sein d'un secteur d'activité ou d'une profession, des actions
d'intérêt commun ;
la ressource alimente des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves
financières.
Cette
disposition
a
néanmoins
été
supprimée
par
l’article
36
de
la
loi
de
programmation 2018-2022
62
.
L’article
3 de la loi de modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021
prévoit qu’à partir de
2025 que :
les impositions de toutes natures peuvent être directement affectées aux collectivités
territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de Sécurité sociale ;
les impositions de toutes natures ne peuvent, sous les mêmes réserves, être affectées à
un tiers autre et leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la
personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public
qui lui sont confiées.
Il est à noter que ce cadre exclut
le financement de l’audiovisuel public par une fraction
de TVA affectée, conformément à la doctrine édictée par le CPO.
Proposition n° 7 : Respecter la doctrine prévue par la loi de modernisation de la gestion
des finances publiques en réservant la fiscalité affectée à des cas particuliers.
61
Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
62
Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
- 51 -
2.3.2.
L’affectation de TVA à la
protection sociale
permet d’éviter une hausse des
dépenses des administrations publiques mais présente les mêmes inconvénients
que la fiscalité affectée
2.3.2.1.
L’affectation de TVA permet de simplifier le circuit de la fiscalité affectée à la
protection sociale
La proposition d’un financement de la protection sociale par des impôts sur la consommation
est ancienne. Dès 2004, un rapport du Sénat
63
étudiait
l’hypothèse d’une hausse du taux de TVA
à 25 % pour assurer ce financement, ou « TVA sociale », en remplacement des cotisations. Le
rapport écartait
cette réforme mais propose d’utiliser la TVA en substitut d’une hausse de
cotisation sociale généralisée (CSG), tout en soulignant :
un accroissement de la complexité des relations financières entre l’État et la
protection
sociale ;
un risque de déresponsabilisation des partenaires sociaux et des assurés.
Reprenant la logique de la TVA sociale, la loi de finances rectificative pour 2012
64
prévoyait
d’augmenter le taux normal de TVA d’1,6
point et de l’affecter à la branche famille. La mesure
a été supprimée
par la loi de finances rectificative d’août
2012
65
.
Néanmoins,
la TVA est devenue un véhicule budgétaire des relations entre l’État et la
protection sociale en étant le moyen privilégié de compenser les exonérations et
allègements de cotisations (cf. 0).
L’
Evaluation des Voies et moyens 2014 considère ainsi
comme «
inenvisageable
» de transférer une fraction d’impôt sur le revenu à la
protection
sociale
dès lors qu’il s’agit d’une recette fiscale exclusive de l’État. Cela s’explique aussi par le
caractère peu volatile de l’assiette de la TVA, son rendement par rapport aux autres
prélèvements obligatoires (cf. graphique 9) et la régularité de son recouvrement.
La compensation des allègements et exonérations par des crédits budgétaires présente, en
outre,
l’inconvénient d’augmenter le montant des dépenses
des administrations publiques, ce
qui a conduit à privilégier une compensation par des ressources fiscales.
Enfin, la fiscalité affectée est perçue comme une garantie de maintien des recettes de la
protection sociale par rapport à une dotation budgétaire jugée plus volatile. Sur ce point, on
peut néanmoins noter que, depuis
1958, l’article
34 de la Constitution
47
dispose que la loi ne
détermine que «
les principes fondamentaux
» de la Sécurité sociale, alors que la Parlement a
des prérogatives plus larges en matière fiscale, car la loi fixe «
l'assiette, le taux et les modalités
de recouvrement des impositions de toutes natures
».
Le rapport sur les r
elations financières entre l’État et la
Sécurité sociale
66
, remis au Parlement
en 2018, va plus loin en recommandant de transférer les taxes sans lien avec la protection
sociale au budget de l’État en échange d’une fraction de TVA afin de renforcer la trans
parence
et la visibilité du financement de la protection sociale :
taxe sur les véhicules de société, prélèvements sur les jeux, taxe sur les farines, taxe sur
les contrats d’assurance, etc.
(1,9
Md€ en
2017);
taxer sur les salaires (13,9
Md€ en
2017).
63
Rapport d’information n°
50 fait au nom de la commission des Affaires sociales sut les prélèvements obligatoires
et leur évolution, par M. Alain Vasselle, Sénateur, 3 novembre 2004.
64
Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.
65
Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
66
Christian Charpy
et Julien Dubertret,
«
Les relations financières entre l’État et la Sécurité sociale
»,
septembre 2018.
- 52 -
Le choix de la TVA présente en effet des atouts :
il permet de maintenir une seule recette partagée entre l’État et la
protection sociale et
d’améliorer la prévisibilité et la transparence du financement
;
le dynamisme de la TVA est proche aussi bien de la croissance du produit intérieur
brut (PIB) en valeur
20
, comme la taxe sur les salaires et la contribution sociale de
solidarité des sociétés (C3S), que
de la masse salariale qui constitue l’assiette essentielle
des cotisations sociales et de la CSG ;
il permet d’élargir l’assiette du financement de la
protection sociale, le rendant moins
dépendant des politiques d’allègement du coût du travail
;
l’affectation pour solde de tout compte évite les exercices annuels d’estimation de
compensations.
Le rapport souligne cependant deux inconvénients, tenant à la dynamique de la TVA :
les petites recettes affectées sont probablement moins sensibles à la conjoncture
économique que la TVA ;
le transfert pourrait conduire à une surcompensation des allègements au profit de la
protection sociale : le salaire minimum de croissance (SMIC) évolue en effet moins vite
que le salaire moyen par tête et que la TVA dont la dynamique est proche de celle de la
masse salariale.
2.3.2.2.
Néanmoins, ce financement présente les mêmes inconvénients que la fiscalité
affectée
La fiscalisation du financement de la protection sociale a conduit à des circuits
financiers complexes avec des réaffectations de fractions de taux pour équilibrer les
comptes et, plus largement, présente l’ensemble des inconvénients déjà rappelés par le
CPO (cf. 2.3.1).
La budgétisation des financements État à destination de la protection sociale permettrait ainsi
de simplifier drastiquement le circuit de financement.
L’État
devrait néanmoins financer exclusivement les prestations redistributives, c’est
-à-dire
non proportionnelles au revenu (maladie, famille, autonomie), tandis que les cotisations
seraient réservées exclusivement aux substituts de revenus professionnels (retraites,
chômage, indemnités journalières) afin de conserver leur caractère assurantiel.
L’affectation de ressources, ici fiscales, à chaque branche n’a pas non plus de sens. En effet, la
protection sociale repose sur un principe assurantiel : chaque risque doit être financé par une
cotisation. Or le principe d’affectation d’une recette à une dépense ne se justifie plus lorsqu’il
n’y a plus de rapport de nature entre elles, cela signifie que l’on est plus dans un système
assurantiel. Il serait ainsi plus simple de budgétiser les cotisations et impôts affectés aux
branches non assurantielles (maladie, famille, autonomie), tout en maintenant le principe de
l’affectation pour l’assurance vieillesse et
le chômage.
Proposition n° 8 : Engager une réflexion sur le remplacement de
l’affectation de TVA aux
organismes de Sécurité sociale par une dotation budgétaire.
- 53 -
2.3.3.
L’affectation de TVA aux collectivités se justifie juridiquement par le ratio
d’autonomie financière
, mais conduit en réalité à limiter leur autonomie fiscale
Comme exposé au 0
, l’affectation de TVA aux collectivités permet de préserver le ratio
d’autonomie financière prévu par la loi, dans un contexte de suppression de la fiscalité locale
(taxe d’habitation
(TH), cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)). Cette
affectation est jugée plus protectrice de leur autonomie financière qu’une dotation budgétaire,
dont les règles sont généralement fortement encadrées par les lois de finances
67
.
Néanmoins, ce
tte affectation ne leur permet pas d’ajuster les paramètres et donc le produit de
ces impôts aux besoins, comme pour la fiscalité locale (cf. encadré 8). En tout état de cause, il
ne
serait
pas
possible
de
donner
un
pouvoir
de
taux
aux
collectivités :
la
directive 2006/112/CE
68
prévoit que les États appliquent un taux de TVA national
. Il n’est donc
pas possible de moduler territorialement les taux de TVA.
Par ailleurs
, la répartition territoriale de la TVA et des impôts qu’elle remplace n’est pas la
même :
la fraction de TVA affectée aux collectivités est calculée sur la base du produit des impôts
qu’elle remplace à une date donnée
;
son évolutio
n temporelle par territoire est donc différente de celle qu’on aurait pu
observer à partir de la taxe d’habitation, lié à la dynamique des nouveaux logements, et
de la CVAE, liée à l’activité des entreprises.
Tableau 30 :
Évolution de la CVAE et de la taxe d’habitation perçues par les départements par
région entre 2015 et 2020
Région
Taxe d’habitation
CVAE
Île-de-France
10 %
4 %
Centre-Val-de-Loire