ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
UNIVERSITÉS
ET TERRITOIRES
Rapport public thématique
Synthèse
Janvier 2023
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Des enjeux territoriaux dans les missions
d’enseignement supérieur et de vie étudiante
7
2
La nécessité de prendre en compte l’hétérogénéité
des universités pour assurer leur pilotage
9
3
Des relations institutionnelles à portée variable
selon les territoires
11
4
Une reconnaissance du monde de l’entreprise
qui reste à construire
13
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Si la France se caractérise par un bon taux de diplômés du supérieur chez les
25-34 ans (49,4 % contre 45,6 % en moyenne pour l’ensemble des pays de
l’Organisation de coopération et de développement économiques - OCDE),
sa répartition géographique montre qu’il subsiste encore des inégalités
territoriales d’accès à l’enseignement supérieur .
La carte ci-après permet en
effet de constater que le taux de diplômés diminue à mesure que l’on s’éloigne
des grandes villes .
Le maillage territorial des sites de formations supérieures
constitue donc un enjeu majeur de la politique d’aménagement du territoire .
Taux de diplômés du supérieur par commune chez les plus de 25 – 34 ans en 2018
au regard des principaux sites universitaires de formation
Source : Cour des comptes, d’après les données de l’Insee
Siège de l’université
Site universitaire
0 %
20 %
40 %
60 %
80 %
100 %
0
100
km
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Cependant, l’origine sociale des étudiants reste la cause principale des
inégalités d’accès à l’enseignement supérieur . En effet, parmi les jeunes âgés
de 20 à 24 ans, 77 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires
ou d’indépendants étudient ou ont étudié dans le supérieur, contre 52 % des
enfants d’ouvriers ou d’employés, soit 1,5 fois plus . Les origines sociale et
géographique influencent aussi le choix de l’établissement et du cursus suivi
après le baccalauréat . En effet, les étudiants d’origine sociale défavorisée
privilégient les études courtes alors que les étudiants d’origine sociale
plus favorisée se retrouvent davantage dans les grandes écoles . Avec leur
positionnement intermédiaire, les universités et les instituts universitaires
technologiques favorisent un accès plus équitable aux études supérieures .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Des enjeux territoriaux dans
les missions d’enseignement
supérieur et de vie étudiante
1
Pour
remédier
à
ces
inégalités
persistantes, des antennes universitaires
ont été ouvertes afin de rapprocher la
formation des territoires . Au nombre
de 150 environ, et accueillant à elles
seules près de 91 000 étudiants (dont
près d’un tiers en institut universitaire
de technologie - IUT), elles assurent une
mission de service public, principalement
autour d’enseignements de premier
cycle . Malgré les difficultés du ministère
chargé de l’enseignement supérieur
et des établissements eux-mêmes à
chiffrer leur coût, faute de comptabilité
analytique, l’enquête a permis d’estimer
que
celui-ci
est
comparable,
voire
inférieur, à celui des formations installées
au sein des sites principaux . Le taux de
réussite observé dans les antennes ne
présente pas de différence majeure avec
les universités mères ; en revanche, le
taux de poursuite d’études en deuxième
cycle est faible .
Les campus connectés constituent
une
autre
réponse
aux
difficultés
géographiques et sociales d’accès à
l’enseignement supérieur . Leur succès
paraît toutefois mitigé . Lancés en
2019, huit d’entre eux sur la centaine
créée accueillent à ce jour plus de vingt
étudiants, ce qui relativise l’intérêt de
ce nouveau modèle et conduit parfois
à un coût par étudiant exorbitant .
La lutte contre les inégalités se joue
également dans l’accueil et l’assistance
offerte
aux
étudiants,
et
certaines
universités
déploient
des
efforts
importants pour mener une politique
ambitieuse en la matière . La Cour a
toutefois constaté de fortes disparités
entre les établissements, faute d’une
définition précise du concept de vie
étudiante, qui se traduit entre autres
par la difficulté d’établir des schémas
directeurs afin de la développer . Les
interventions
demeurent
dispersées,
et mettent en scène de nombreux
acteurs avec lesquels les établissements
universitaires
doivent
travailler,
en
particulier les centres régionaux des
œuvres
universitaires
et
scolaires
(Crous) . La coordination des Crous
et des universités, notamment dans
les domaines du logement et de la
restauration,
n’est
pas
satisfaisante
sur l’ensemble des sites . Renforcer
la responsabilité des universités en
matière de vie étudiante offrirait des
leviers plus nombreux pour améliorer
cette situation, mais l’hypothèse d’un
rapprochement administratif entre les
Crous et les universités est rejetée par
une majorité d’universités .
1 Consciente des particularités de ces territoires, la Cour a décidé d’exclure l’enseignement
supérieur de Paris et des territoires d’outre-mer de ce rapport . Ceux-ci pourront faire l’objet de
publications spécifiques dans des travaux futurs .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La carte actuelle des universités
françaises est le fruit de quatre
générations
de
créations
ou
de
réorganisations
qui
ont
chacune
conduit à des établissements aux
caractéristiques propres . Aujourd’hui,
des fractures évidentes apparaissent
entre des établissements partageant
la dénomination « d’université », mais
qui n’ont plus rien de comparable
les uns avec les autres . Certaines
universités conduisent une recherche
de premier ordre au niveau mondial
et orientent leurs formations dans
cette optique, alors que d’autres
assurent une part plus importante
de premier cycle et concentrent leurs
forces de recherche sur quelques
disciplines, faute de pouvoir bénéficier
des financements par appels à projets .
Ces
vingt
dernières
années,
les
différences entre les établissements
se sont également accentuées sous
l’effet de transformations juridiques
(autonomisation
des
universités
puis
apparition
d’établissements
expérimentaux
actant
une
disparition du caractère unique du
statut
d’université)
et
sous
l’effet
d’importants financements sélectifs
contribuant
à
une
différenciation
des
établissements
d’enseignement
supérieur
(investissements
d’avenir
et plan campus) . Les universités ont
d’ailleurs entrepris de se classer elles-
mêmes en se regroupant au sein
d’associations dont les noms affichent
l’ambition : « universités de recherche
françaises », « universités de recherche
et de formation » ou « petites et
moyennes universités » . Par ailleurs,
l’essor
des
établissements
privés
s’octroyant, en dépit du droit, le titre
d’université ou délivrant des diplômes
en théorie réservés aux établissements
publics participe à la confusion .
La Cour a envisagé trois options
afin d’assurer un meilleur pilotage
d’établissements
qui
n’accueillent
plus les mêmes profils d’étudiants,
n’assurent plus les mêmes missions
et ne bénéficient plus des mêmes
financements :
1 .
L’option du
statut quo
n’est pas
satisfaisante car elle fait courir le
risque de voir s’accentuer la fracture
territoriale sans possibilité pour le
ministère d’ajuster les moyens .
2 .
Le ministère pourrait s’appuyer
sur
une
catégorisation
des
établissements
fondée
sur
des
critères objectifs, comme la part
des étudiants en licence ou le
montant des financements dédiés
à la recherche, ce qui permettrait
de corriger les écarts et d’effectuer
un pilotage par grandes missions .
La nécessité de prendre
en compte l’hétérogénéité
des universités pour assurer
leur pilotage
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10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3 .
Le
ministère
pourrait
enfin
mettre
en
place
un
dialogue
individualisé
sur
la
base
de
contrats d’objectifs et de moyens
négociés selon un cadre national
au
niveau
des
rectorats
plus
proches géographiquement des
établissements .
Cette
solution
présente l’avantage de pouvoir
s’adapter
aux
spécificités
de
chaque établissement et d’être
plus conforme à la réalité complexe
du paysage universitaire .
La nécessité de prendre en compte
l’hétérogénéité des universités pour assurer
leur pilotage
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les collectivités territoriales sont des
alliées précieuses pour les universités,
en raison des financements qu’elles leur
accordent et d’une politique souvent
volontariste . Les moyens versés chaque
année, qui avoisinent 1,5 Md€, sont
conséquents .
Les
régions,
pourtant
cheffes de file territoriales en matière
d’enseignement supérieur depuis la loi
NOTRe, mènent leurs propres politiques,
sans
pleinement
assurer
la
bonne
coordination avec les autres collectivités
financeuses au sein du même territoire .
Il existe trop peu d’instances permettant
des échanges d’informations et la mise
en œuvre d’actions communes à toutes
les collectivités, ce qui entrave la mise
en œuvre d’une stratégie cohérente et
maitrisée . Cette absence de coordination
conduit à une répartition perfectible
ainsi que, dans certaines situations, une
dispersion des financements .
Le ministère chargé de l’enseignement
supérieur peine, quant à lui, à associer
les collectivités territoriales à l’exercice
de contractualisation qu’il mène tous
les cinq ans avec les universités, malgré
les récentes dispositions de la loi de
programmation de la recherche (LPR)
qui l’invite à le faire . Acteur de premier
plan dans le contrôle, les normes
et l’affectation des moyens, il doit
aujourd’hui réformer son organisation
pour exercer pleinement son rôle de
stratège, afin de mieux prendre en
compte les spécificités territoriales de
chaque université . Pour l’heure, il oscille
entre une déconcentration – récente –
de la gestion des établissements au
niveau académique, et un pilotage
qui demeure très concentré . Sur le
terrain, la fonction de recteur délégué
à
l’enseignement
supérieur,
créée
dans certaines académies de région
depuis 2020 pour faciliter le dialogue
avec les universités, s’installe pas à
pas, mais sans missions clairement
établies ni pleine délégation de la part
des recteurs de région académique . Il
paraît nécessaire de conforter cette
fonction afin qu’elle puisse se déployer
pleinement .
Des relations institutionnelles
à portée variable selon
les territoires
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une reconnaissance du monde
de l’entreprise qui reste
à construire
4
Les acteurs du monde économique
s’affirment comme des interlocuteurs
essentiels
pour
les
universités .
Elles les associent à leurs instances
stratégiques ou les font participer
à leurs conseils pédagogiques, en
particulier en licence professionnelle
et
en
master .
La
contribution
des
universités
à
l’emploi
et
au
développement
économique
fait
l’objet
de
premières
évaluations
dans
le
cadre
d’études
d’impact .
Ces
initiatives
restent
toutefois
dispersées . Le ministère chargé de
l’enseignement
supérieur
n’a
pas
développé
une
approche
et
une
méthodologie
plus
systématiques,
à l’instar du Royaume-Uni . Celles-ci
permettraient de calculer le retour
sur investissement des dépenses en
faveur de l’enseignement supérieur
et pourraient constituer un élément
décisif dans le cadre des négociations
budgétaires menées avec le ministère
chargé du budget .
On constate toutefois le maintien
d’une perception mitigée de la part des
chefs d’entreprise . Comme l’a montré
un sondage auprès d’un échantillon
représentatif
d’un
grand
nombre
d’entre eux, une majorité souhaiterait
être davantage associée à la définition
des enseignements et être mieux
informée sur l’offre de formation
universitaire,
encore
estimée
trop
complexe et peu lisible . La plupart
déplore également un manque de
réactivité dans la construction et
l’agrément des diplômes d’État . Cette
dernière
compétence
relevant
du
ministère en charge de l’enseignement
supérieur, des mesures pragmatiques
pourraient être prises afin de gagner
en
rapidité
dans
les
réponses
apportées
aux
besoins
évolutifs
de l’économie en permettant aux
échelons
académiques
d’intervenir
dans des cas particuliers pour faciliter
les ajustements de formation en cours
d’agrément .
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1.
Veiller au respect de l’usage du
terme « université » conformément
au code de l’éducation en définissant
précisément
les
contours
de
l’appellation dans l’intérêt premier
des étudiants
(MESR)
;
2. I
nstituer
un
nouveau
modèle
d’allocation des moyens simplifié,
reposant sur des critères mesurant
l’activité
de
l’établissement,
notamment la valeur ajoutée des
formations dispensées, et prenant
en
compte
son
environnement
territorial
(MESR)
;
3.
Reconnaître
les
antennes
universitaires
en
proposant
une
définition
officielle
et
instituer
des
dispositifs
d’évaluation,
notamment de connaissance des
coûts et ressources, afin de mieux
appréhender la dimension territoriale
dans le calcul de la subvention pour
charges de service public
(MESR)
;
4.
Établir sans délai un bilan de
l’expérimentation
des
«
campus
connectés » prenant en compte le
devenir des étudiants, les aspects
financiers et en tirer les conclusions
sur les perspectives d’évolution de
l’ensemble des sites
(MESR)
;
5.
Réduire le périmètre géographique
du schéma directeur de la vie étudiante
au niveau de l’établissement, de
l’agglomération ou du département
(MESR)
;
6.
Clarifier la place et le rôle des
recteurs délégués à l’ESRI
(MESR)
;
7.
Définir,
à
l’instar
des
bonnes
pratiques européennes, un cadre
méthodologique
commun
afin
d’apprécier les impacts économiques,
sociaux et environnementaux des
universités et de calculer le retour
sur investissement de leur présence
sur les territoires
(MESR)
;
8.
Lancer
une
expérimentation
visant à permettre aux échelons
académiques
d’intervenir,
entre
les vagues
de
contractualisation,
dans les procédures d’accréditation
de diplômes afin de faciliter les
ajustements des formations en cours
d’agrément
(MESR)
Ces
recommandations
pourraient
être mises en œuvre au plus tard
à la rentrée 2025 .
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