3, rue Robert d’Arbrissel - CS 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
1
ère
section
Jugement n° 2022-0012
Audience publique du 8 novembre 2022
Prononcé du 23 décembre 2022
Guingamp-Paimpol-Agglomération
Département des Côtes-d’Armor
Poste comptable
: Trésorerie de Guingamp
Exercice
:
2019
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n°
2022-23 du 10 février 2022, par lequel le procureur financier a saisi la
Chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, comptable
de Guingamp-Paimpol-Agglomération, au titre d’opérations relatives à l’exercice 2019, notifié le
14 février 2022 au comptable ainsi qu’au président de Guingamp-Paimpol-Agglomération
;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de Guingamp-Paimpol-Agglomération
par
M. X du 1
er
janvier 2019 au 31 décembre 2019,
ensemble les comptes annexes ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement
;
Vu l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963
;
Vu le code des juridictions financières
;
Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT)
;
Vu le décret n°
2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique
;
Vu le décret n°
2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la
loi n°
2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011
;
Vu le rapport n° 2022-0140 du 13 octobre 2022 de Mme Brigitte Talpain, première
conseillère, magistrate chargée de l’instruction
;
Vu les observations écrites présentées par M. X, comptable, enregistrées au greffe de la
chambre le 12 juillet 2022
;
Vu les conclusions du procureur financier
;
Vu les pièces du dossier
;
3, rue Robert d’Arbrissel - CS 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
2
Entendu lors de l’audience publique du 8 novembre 2022, Mme Brigitte Talpain, première
conseillère, en son rapport et M. Yann Simon, procureur financier, en ses conclusions
;
En l’absence du comptable mis en cause et de l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de
l’audience
;
Ayant délibéré hors la présence du public, du rapporteur et du procureur financier ;
Présomption de charge unique soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2019
–
paiement irrégulier des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS)
Sur l’absence de force majeure
Attendu qu’aux termes du paragraphe V de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée :
«
Lorsque (…) le juge des comptes constate l’existence de circonstances constitutives de la force
majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public (…)
»
;
Attendu que M. X ne se prévaut d’aucune circonstance constitutive de force majeure au sens
des dispositions précitées
; que par suite, sa responsabilité personnelle et pécuniaire est susceptible
d’être mise en jeu
;
Sur le cadre juridique de la responsabilité encourue par le comptable
Attendu que
:
-
en vertu du I de l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963, les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses, de la
conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité, ainsi que des
contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de dépenses dans les conditions prévues par le
règlement général sur la comptabilité publique
; cette responsabilité est engagée dès lors qu’une
dépense a été irrégulièrement payée
;
-
en vertu des articles 19 et 20 du décret n°
2012-1246 du 7
novembre 2012, le comptable est
tenu d’exercer le contrôle de la validité de la dette,
portant notamment sur l’exactitude de la
liquidation et la production des pièces justificatives
;
-
en vertu de l’article 38 du décret n°
2012-1246, lorsqu’à l’occasion de l’exercice de ses
contrôles le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications
de l’ordonnateur, il suspend le paiement et en informe ce dernier
;
-
l’annexe I à l’article D. 1617-19 du CGCT fixe la liste des pièces justificatives des dépenses,
que les ordonnateurs des collectivités et établissements publics locaux doivent fournir à l’appui des
mandats de paiement transmis aux comptables
;
-
s’agissant des indemnités horaires pour travaux supplémentaires, ce texte prévoit dans sa
rubrique 210224 la production au comptable, comme pièces justificatives, d’une délibération fixant
la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d’heures supplémentaires, et
d’un état liquidatif précisant pour chaque agent, par mois et par taux d’indemnisation le nombre
d’heures supplémentaires
;
3, rue Robert d’Arbrissel - CS 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
3
-
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, lorsque
le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme concerné, le juge des
comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des
circonstances de l’espèce
; le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 fixe le montant maximal de
cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable
;
-
en application des VI, VIII et IX du même article, lorsque le manquement du comptable à ses
obligations a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, il a l’obligation de verser
immédiatement de se deniers personnels la somme correspondante, portant intérêts au taux légal à
compter du premier acte de la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire
; la remise
gracieuse des sommes mises à sa charge que le comptable est susceptible d’obtenir du ministre chargé
du budget ne peut être totale, sauf à ce qu’il ait respecté les règles du contrôle sélectif des dépenses
qui étaient applicables, ce qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier
; lorsque ces règles n’ont
pas été respectées, le ministre est dans l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au
moins égale à trois millièmes du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable
;
-
selon l’arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l’article 42 du décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et encadrant
le contrôle sélectif de la dépense, le comptable public établit un plan de contrôle hiérarchisé des ordres
de payer qui distingue les catégories de dépenses soumises, à priori, à l’ensemble des contrôles définis
par les articles 19 et 20 du décret du 10 décembre 2012, et celles soumises, à priori ou à postériori, à
tout ou partie des contrôles définis par ces articles
;
Sur le réquisitoire
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre régionale des
comptes Bretagne de la responsabilité encourue par M. X en sa qualité de comptable de Guingamp-
Paimpol-Agglomération, pour avoir méconnu son obligation de contrôle de la validité de la dette
imposée par l’article 20 du décret n° 20212-1246 du 7 novembre 2012, en procédant au versement à
des agents titulaires et non titulaires de Guingamp-Paimpol-Agglomération d’indemnités horaires
pour travaux supplémentaires (IHTS) pour un montant total de 11
012,37 € sans disposer d’une
délibération fixant la liste des emplois éligibles, pièce justificative exigée par l’annexe I de l’article
D.
1617-19 du CGCT
;
Sur le manquement du comptable
Attendu qu’en réponse au réquisitoire, le comptable a admis que les indemnités en cause ont
été effectivement versées sur la base de délibérations des anciennes communautés de communes
réunies au sein de Guingamp-Paimpol-Agglomération, et qu’il ne peut être fourni une délibération de
cette dernière pour le versement à ses agents de l’IHTS pour l’année 2019
;
Attendu que l’ordonnateur n’a pas formulé d’observations
;
Attendu que le procureur financier conclut, pour les mêmes motifs que dans son réquisitoire,
que le comptable, en prenant en charge les paiements en cause sans disposer de la délibération requise
par la nomenclature, a commis un manquement
;
3, rue Robert d’Arbrissel - CS 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
4
Attendu qu’il ressort du dossier que le comptable a procédé au versement d’IHTS à des agents
titulaires et non titulaires de Guingamp-Paimpol-Agglomération pour un montant de 11
012,37
€
en
2019
sans disposer de la délibération listant les emplois éligibles requise par la nomenclature des
pièces justificatives ; que si la délibération du conseil communautaire de Guingamp Paimpol-
Agglomération du 22 septembre 2021 est venue par la suite instaurer des heures supplémentaires au
profit des agents titulaires et contractuels de catégorie B et C, elle n’a aucune portée rétroactive et ne
peut donner un fondement juridique aux IHTS versées en 2019
;
Attendu qu’en versant des IHTS à des agents de Guingamp-Paimpol-Agglomération sans
disposer d’une des pièces justificatives prévues par l’annexe I de l’article D.
1617-19 du CGCT, le
comptable a manqué à son obligation de contrôle de la production des justifications imposée par
l’article 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé et a engagé sa responsabilité
;
Sur le préjudice financier pour Guingamp-Paimpol Agglomération
Attendu que le comptable et l’ordonnateur n’apportent pas d’élément quant à l’appréciation
du préjudice financier
;
Attendu que le procureur financier relève que le conseil communautaire n’a pas manifesté sa
volonté de verser les IHTS aux agents de la collectivité en 2019 et que la délibération du 6 juillet
2021 n’a pas de portée rétroactive
; il considère qu’en conséquence, les paiements litigieux intervenus
en 2019 ne reposent pas sur le fondement juridique réglementaire requis dont il appartenait au
comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature et doivent être regardés comme ayant
causé un préjudice financier à Guingamp-Paimpol-Agglomération à hauteur des sommes indument
versées, soit 11 012,37 €
;
Attendu que la volonté du conseil communautaire de verser des IHTS ne peut se présumer,
en
l’absence de délibération en vigueur au moment des paiements ; que le conseil n’a pas manifesté sa
volonté de verser les IHTS aux agents de la collectivité en 2019
; que s’il a institué cette indemnité
par délibération du 6 juillet 2021, c’est toutefois sans donner de portée rétroactive à cette décision
;
qu’ainsi, les paiements litigieux intervenus en 2019 étaient dépourvus du fondement juridique dont il
appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature
; qu’ils ont en
conséquence causé un préjudice financier à Guingamp-Paimpol-Agglomération correspondant au
total des sommes versées, soit 11
012,37
€
;
Attendu qu’il y a lieu de constituer, M. X débiteur de Guingamp-Paimpol-Agglomération pour
la somme de 11
012,37 € au titre de l’exercice 2019, portant intérêts à compter du 15 février 2022,
date de réception du réquisitoire
;
Sur le respect du contrôle sélectif de la dépense
Attendu que le comptable a produit un plan de contrôle de la paye portant sur l’exercice 2019
validé le 5 juillet 2019 par la direction départementale des finances publiques des Côtes d’Armor
;
que la date de validation vaut date d’entrée en vigueur
; qu’en conséquence, les paiements intervenus
avant le 5 juillet 2019 ne sont pas couverts par le plan de contrôle
et devaient faire l’objet d’un
contrôle exhaustif ; qu’ainsi, ces paiements ne sont pas intervenus dans le respect du plan de contrôle
sélectif
;
Attendu que le plan de contrôle en vigueur à compter du 5 juillet 2019 n’envisageait pas un
contrôle sélectif des IHTS et comportait une mention selon laquelle les éléments relatifs à la paie non
mentionnés ne donnent lieu à aucun contrôle pour l’année 2019
; le comptable étant ainsi dispensé de
contrôler la validité des paiements des IHTS intervenus au-delà de la date de validation du plan de
contrôle ;
3, rue Robert d’Arbrissel - CS 64231 - 35042 Rennes Cedex - www.ccomptes.fr
5
Par ces motifs,
DÉCIDE
:
Article 1
– Présomption de charge unique - Exercice 2019 – M. X
M. X est constitué débiteur de Guingamp-Paimpol-Agglomération pour la somme de 11
012,37 €,
augmentée des intérêts de droit à compter du 15 février 2022, date de notification du réquisitoire.
Les paiements antérieurs à l’entrée en vigueur du plan de contrôle sélectif de la dépense le 5 juillet
2019 n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif et
devaient être contrôlés.
Les paiements postérieurs à l’entrée en vigueur du plan de contrôle sélectif de la dépense le 5 juillet
2019 sont intervenus dans le respect des règles de contrôle sélectif de la dépense.
Article 2
M. X ne pourra être déchargé de sa gestion comptable de Guingamp-Paimpol-Agglomération, au titre
de l’exercice 2019, qu’après avoir justifié de l’apurement, en principal et intérêts, du débet prononcé
à son encontre.
Fait et jugé par Mme Francine Dosseh, présidente de séance, M. Thomas Roche et Mme Emmanuelle
Borel premiers conseillers.
En présence de Mme Anne-Françoise Denier-Quémener, greffière de séance.
La greffière
La présidente de séance
Signé
Signé
Anne-Françoise Denier-Quémener
Francine Dosseh
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis,
de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République
près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force
publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
La secrétaire générale,
Catherine Pèlerin
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon les modalités prévues
aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les
personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après expiration
des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à l’article R. 242-29 du même code.