13, rue Cambon – 75100 Paris cedex 01 - T +33.1.42.98.95.00 - www.ccomptes.fr
SEPTIÈME CHAMBRE
-------
Troisième section
-------
Arrêt n° S-2022-1974
Audience publique du 8 novembre 2022
Prononcé du 6 décembre 2022
COMMUNE DE TOURRETTES-SUR-LOUP
(ALPES-MARITIMES)
EXERCICE 2018
Appel d’un jugement de la chambre régionale
des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur
Rapport n° R-2022-0845-1
République française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête du 20 février 2022, enregistrée le 24 février suivant au greffe de la chambre
régionale
des
comptes
Provence-Alpes-Côte
d’Azur,
par
laquelle
par
Mme
X,
agent comptable de la commune de Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes), a élevé appel
du jugement n° 2021-0013 du 23 décembre 2021, par lequel la chambre régionale
des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur l’a constituée débitrice de la somme de 21 928,09 €
au titre de l’exercice 2018 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et, notamment, le réquisitoire
du procureur financier près la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur
n° 2021-0024 du 28 juin 2021 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives
à la fonction publique territoriale, notamment ses articles 61 à 63 ;
Vu le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable
aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Patrick SITBON, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;
S-2022-1974
2 / 4
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Vu les conclusions du Procureur général n° 506 du 13 octobre 2022 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 8 novembre 2022, M. SITBON, en son rapport,
M. Nicolas GROPER, avocat général, en les conclusions du ministère public, les autres
parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes ni représentées ;
Entendu
en
délibéré
M.
Denis
BERTHOMIER,
conseiller
maître,
réviseur,
en ses observations ;
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte
d’Azur
a
constitué
Mme
X,
agent
comptable
de
la
commune
de Tourrettes-sur-Loup, débitrice d’une somme de 21 928,09 € au titre d’un paiement effectué
sur sa gestion 2018, par lequel le centre communal d’action sociale (CCAS) remboursait
à
la
commune
de
Tourrettes-sur-Loup
les
rémunérations
d’un
agent
communal
mis à disposition du CCAS ; que le manquement retenu tient au fait que le paiement
a été effectué sans que le comptable dispose des pièces justificatives requises par l’article
D. 1617-19
du
code
général
des
collectivités
territoriales,
en
son
annexe
I,
soit une convention de mise à disposition et une délibération en autorisant la conclusion ;
que selon le jugement entrepris il est résulté de ce manquement un préjudice financier
pour la collectivité ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant la chambre régionale des comptes
2. Attendu que, selon la requérante, la décision des premiers juges omet de discuter certains
arguments formulés par les parties, lesquels tendent à établir l’absence de préjudice financier ;
que, par suite, le jugement contesté n’aurait pas respecté les prescriptions du deuxième alinéa
de l’article R. 242-13 du code des juridictions financières selon lequel «
Le jugement, motivé,
statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations des parties auxquelles il a
été notifié
» ;
3. Attendu à cet égard qu’ont été produits en première instance les bulletins de paye de l’agent
de la commune mis à disposition du CCAS au cours de l’exercice 2018 ; que les budgets
du CCAS pour les exercices 2018 et 2021 ont été transmis à la chambre régionale
des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur ; que par ailleurs le maire de la commune
de Tourrettes-sur-Loup a transmis à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-
Côte d’Azur le 19 juillet 2021 une lettre par laquelle il expose, d’une part, que deux
délibérations ont été prises en janvier et en mars 2021 fixant le principe et le cadre de la mise
à
disposition
d’un agent auprès
du
CCAS,
et
d’autre part que, précédemment
à ces délibérations, la mise à disposition
de facto
de cet agent n’a pas causé de préjudice
financier à la collectivité ;
4. Attendu
que
le
jugement
entrepris
ne
discute
pas
les
éléments
précités,
même succinctement ; qu’il méconnaît ainsi les dispositions du code des juridictions
financières rappelées au point 0 ci-dessus ; que ces éléments concernent la question
du préjudice financier et non l’existence d’un manquement ; qu’il y a donc lieu d’annuler
le jugement en ce qu’il a décidé que le manquement commis par X a causé
un préjudice financier à la commune de Tourrettes-sur-Loup ;
5. Attendu que ce point est en état d’être jugé ; qu’il y a lieu de l’évoquer afin de statuer
au fond ;
S-2022-1974
3 / 4
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sur le fond
6. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge
des comptes de vérifier si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant
aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ;
que les manquements du comptable à ses obligations de contrôle des pièces justificatives
requises ou de la certification du service fait, doivent être regardés comme n’ayant, en principe,
pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces
du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense
repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence,
que l’ordonnateur a voulu l’exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait ;
7. Attendu en premier lieu que, comme le soutient l’appelante, il résulte des dispositions
des articles 61 à 63 de la loi du 26 janvier 1984 et du II de l’article 2 du décret du 18 juin 2008
susvisés, que l’organisme d’accueil est tenu de rembourser à la collectivité territoriale d’origine
la rémunération du fonctionnaire qu’elle a mis à disposition, ainsi que les cotisations
et contributions y afférentes et les charges liées ; qu’ainsi, le paiement litigieux disposait
d’un fondement légal et réglementaire ;
8. Attendu en deuxième lieu que le maire de la commune a précisé, par une lettre
du 19 juillet 2021 versée au dossier, qu’il avait connaissance de la mise à disposition de l’agent
communal auprès du CCAS, dans les conditions mises en œuvre au moment des faits ;
qu’ainsi il est établi que l’ordonnateur a voulu exposer la dépense ;
9. Attendu, en troisième et dernier lieu, que Mme X a produit les bulletins de paie
pour 2018 de l’agent mise à disposition auprès du CCAS ; qu’ainsi le service fait n’est pas
en cause ;
10. Attendu qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
éléments avancés à décharge, qu’il y a lieu de dire que le manquement de la comptable
n’a pas causé de préjudice financier à la commune ;
11. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable […] n’a pas
causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger
à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal
de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable ;
12. Attendu que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable pour l’exercice
2018 s’établissait à 155 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être
mise
à
la
charge
de
Mme X
pour
l’exercice
2018
s’élève
à
232,50 € ;
qu’aucune circonstance particulière n’étant susceptible d’être retenue, il sera fait une juste
appréciation de l’espèce en fixant la somme dont devra s’acquitter Mme X à 232 € ;
S-2022-1974
4 / 4
13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1
er
. – Le jugement n° 2021-0013 du 23 décembre 2021 de la chambre régionale
des
comptes
Provence-Alpes-Côte d’Azur
est
annulé
en
ce
qu’il
a
constitué
Mme X
débitrice
de
la
commune
de
Tourrettes-sur-Loup
pour
une
somme
de 21 928,09 € augmentée des intérêts de droit.
Article 2. – L’affaire est évoquée devant la Cour des comptes.
Article 3. – Mme X
devra
s’acquitter,
au
titre
de
l’exercice
2018,
d’une
somme
de 232 €, en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156
du 23 février 1963 ; cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX
de l’article 60 précité ;
Article 4. – La
décharge
de
Mme X
au
titre
de
l’exercice
2018
ne
pourra
être
accordée qu’après apurement de la somme à acquitter, fixée ci-dessus.
Fait et jugé par M. Philippe GEOFFROY, président de section, président de la formation ;
M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère
maître, MM. Guy DUGUÉPÉROUX et Claude LION, conseillers maîtres.
En présence de Mme Carole H’SOILI, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Carole H’SOILI
Philippe GEOFFROY
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code
.