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SEPTIÈME CHAMBRE
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2022-2019
Audience publique du 10 novembre 2022
Prononcé du 2 décembre 2022
INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ
ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE
(INSERM)
Exercices 2019 et 2020
Rapport n° R-2022-0904-1
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu
le
réquisitoire
n° 2022-25
du
5 mai 2022,
par
lequel
la
Procureure générale
près la Cour des comptes a saisi la Cour d’une charge unique soulevée à l’encontre
de M. X, agent comptable de l’Institut national de la santé et de la recherche
médicale (INSERM), au titre des exercices 2019 et 2020, notifié le 17 mai 2022 à l’intéressé ;
Vu
les
comptes
rendus
en
qualité
de
comptable
de
l’INSERM,
par
M. X,
du 1
er
janvier 2019 au 30 septembre 2020 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code de l’éducation, notamment son article L. 954-2 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de la recherche, notamment les articles L. 311-1 à L. 311-5 et L. 321-1 à L. 321-4 ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à l’INSERM, qui a le statut d’établissement public
à
caractère
scientifique
et
technologique,
notamment
le
décret
n° 83-975
du 10 novembre 1983 relatif à son organisation et son fonctionnement ;
Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié fixant les dispositions statutaires communes
applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs
des universités et du corps des maîtres de conférences ;
Vu le décret n° 2009-851 du 8 juillet 2009 modifié relatif à la prime d’encadrement doctoral et
de recherche attribuée à certains personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
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Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificatives pour 2011 ;
Vu le rapport n° R-2022-0904-1 à fin d’arrêt de Mme Marie ROGER-VASSELIN, auditrice,
magistrate chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 558 du Procureur général du 8 novembre 2022 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 10 novembre 2022, Mme ROGER-VASSELIN,
auditrice, en son rapport, M. Benoît GUÉRIN, avocat général, en les conclusions
du
ministère
public,
M. X,
comptable
présent
ayant
eu
la
parole
en
dernier,
les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, réviseur,
en ses observations ;
Sur la charge unique soulevée à l’encontre de M. X, au titre des exercices 2019
à 2020
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue, au titre des exercices 2019 et 2020, à déterminer
par l’instruction, par M. X à raison d’un défaut de contrôle de la validité de la dette
lors
du
paiement
à
l’université
de
Lille
d’une
contribution
au
coût
salarial
de trois enseignants-chercheurs placés en position de délégation ; que cette contribution
aurait inclus les deux tiers de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR)
en contradiction avec les conventions d’accueil en délégation conclues et qu’il en aurait résulté
un trop-versé de 15 266,65 € ;
Sur le droit applicable en matière de responsabilité des comptables publics
2. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
[...]
du paiement des dépenses
» ; que leur responsabilité «
se trouve engagée dès lors
[...]
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
3. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 17
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes
et contrôles qui leur incombent en application des dispositions des articles 18, 19 et 20,
dans les conditions fixées par l’article 60 de la loi du 23 février 1963
» ;
4. Attendu
qu’aux
termes
de
l’article 18
du
décret
du
7 novembre 2012
susvisé,
«
Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]
4° De la prise en charge des ordres [...]
de payer qui lui sont remis par les ordonnateurs ; [...]
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° Du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres
présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative
» ; qu’aux termes de l’article 19
du
même
texte,
«
Le
comptable
public
est
tenu
d’exercer
le
contrôle :
[...]
2° S’agissant des ordres de payer :
[...]
d) De la validité de la dette dans les conditions prévues
à l’article 20
» ; qu’aux termes de cet article, «
Le contrôle des comptables publics
sur la validité de la dette porte sur : [...] 2° L’exactitude de la liquidation ; 3° La production
des pièces justificatives
», notamment ;
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5. Attendu qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à l’occasion de l’exercice
des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté des irrégularités
ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement
et en informe l’ordonnateur
» ;
Sur le droit applicable en matière de délégation des enseignants-chercheurs
6. Attendu que la délégation est une position d’activité spécifique aux enseignants-chercheurs
et soumise à une procédure particulière ; qu’aux termes des articles 11 et suivants du décret
du 6 juin 1984 modifié susvisée, elle est prononcée par arrêté du président ou du directeur
de l’établissement après avis du conseil d’administration ou de l’organe en tenant lieu,
siégeant en formation restreinte aux seuls enseignants-chercheurs et subordonnée
à la conclusion d’une convention entre l’établissement d’origine et celui d’accueil ;
que cette convention fixe l’objet de la délégation et ses modalités avec, le cas échéant,
le remplacement de l’enseignant-chercheur délégué ou le versement d’une contribution
destinée à couvrir le coût de son remplacement ;
Sur le droit applicable en matière de PEDR
7. Attendu qu’aux termes de l’article 1 du décret du 8 juillet 2009 modifié susvisé, la PEDR
prévue par l’article L. 954-2 du code de l’éducation est attribuée dans les établissements
publics d’enseignement supérieur et de recherche «
aux personnels dont l’activité scientifique
est jugée d’un niveau élevé au regard notamment de la production scientifique,
de l’encadrement doctoral et scientifique, de la diffusion de leurs travaux et des responsabilités
scientifiques exercées
», à ceux «
apportant une contribution exceptionnelle à la recherche
»,
et aussi «
aux personnels lauréats d’une distinction scientifique de niveau international
ou national conférée par un organisme de recherche dont la liste est fixée par arrêté
du ministre chargé de la recherche
» ;
8. Attendu
que
selon
l’article 2
du
même
décret,
la
PEDR
peut
être
attribuée
«
aux professeurs des universités et aux maîtres de conférence titulaires et stagiaires régis
par le décret du 6 juin 1984 susvisé ainsi qu’aux personnels qui leur sont assimilés
» ;
qu’aux termes de l’article 3, la PEDR «
est attribuée pour une période de quatre ans
renouvelable
» ; que l’article renvoie à un arrêté interministériel pour fixer les taux annuels
minimum et maximum applicables ; que ceux-ci ont été fixés respectivement à 3 500 €
et 15 000 € par un arrêté du 30 novembre 2009 ;
9. Attendu qu’aux termes de l’article 5 du même texte, «
le conseil d’administration arrête,
après
avis
du
conseil
scientifique
dans
les
établissements
publics
scientifiques
et technologiques, ou après avis de la commission de la recherche du conseil académique
ou de l’organe en tenant lieu dans les établissements d’enseignement supérieur, les critères
de choix des bénéficiaires de la prime d’encadrement doctoral et de recherche
ainsi que le barème afférent au sein duquel s’inscrivent les attributions individuelles.
/ Ces critères de choix et le barème sont rendus publics et transmis au ministre chargé
de l’enseignement supérieur et au ministre chargé de la recherche ainsi qu’à l’ensemble
des enseignants-chercheurs et chercheurs de l’établissement avec l’appel à candidature
au moins quinze jours avant la date de dépôt des dossiers
» ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable et l’ordonnateur
10. Attendu que le comptable ne conteste pas que «
les factures présentées par l’université
de Lille dans le cadre de trois conventions d’accueil en délégation, prévoyaient le versement
de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) alors que les termes
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des conventions l’excluaient du montant de la contribution versée annuellement par l’INSERM
à l’université
» et reconnaît que «
c’est donc à tort que ces factures ont été prises en charges
et payées à l’université, causant de ce fait un trop-payé évalué à 15 266,65 €
» ; qu’il confirme
que cette dépense n’entrait pas dans le cadre du plan de contrôle hiérarchisé et relevait
d’un contrôle
a priori
, «
lequel a échoué à identifier l’anomalie relevée
» ;
11. Attendu que le comptable fait cependant valoir que la prise en charge des factures
incriminées, le 18 décembre 2019, puis leur paiement le lendemain est à replacer
dans le contexte de la fin de l’exercice, qui «
voit toujours affluer des opérations
en grand nombre in fine concentrées sur l’agence comptable, contrainte de les traiter
en urgence
» et que «
cette circonstance peut expliquer que ces factures n’ont pas été traitées
avec la rigueur habituelle, tant par les services ordonnateurs que comptables
» ;
12. Attendu que le comptable et l’ordonnateur font tous deux valoir qu’un ordre a été émis
à l’encontre de l’université de Lille pour le recouvrement du trop-perçu ; que le comptable
a produit les pièces attestant de son recouvrement effectif ;
Sur les faits
13. Attendu que trois enseignants-chercheurs de l’université de Lille ont été placés en position
de délégation auprès de l’INSERM ; qu’aux termes des conventions d’accueil en délégation
conclues les 23 octobre 2014, 7 juillet 2016 et 21 novembre 2016, l’INSERM devait reverser
à l’université une contribution annuelle équivalente aux deux tiers du coût salarial
des personnes concernées, hors PEDR ;
14. Attendu que contrairement aux stipulations de ces conventions, les trois factures émises
les 2, 3 et 6 décembre 2019 par l’université incluaient les deux tiers de la PEDR octroyée
aux trois enseignants-chercheurs ; que ces factures ont été payées le 19 décembre 2019,
pour un montant total de 157 211,13 €, dont 15 266,65 € au titre de la PEDR ;
15. Attendu qu’une facture a été émise le 15 juin 2022 par l’INSERM à l’encontre de l’université
de Lille pour un montant total de 15 266,65 €, dont 6 666,66 € déjà versés ; que le solde,
soit 8 599,99 €, a été payé par l’université de Lille, comme en attestent deux virements,
l’un de 1 933,33 €, l’autre de 6 666,66 €, reçus sur le compte au Trésor de l’INSERM
le 25 juillet 2022 ;
Sur l’existence d’un manquement
16. Attendu qu’il n’est pas contesté que le paiement des trois factures mentionnées
au point 14 a entraîné un trop-versé de 15 266,65 € à l’université de Lille, correspondant
à la prise en charge indue de la PEDR octroyée aux trois enseignants-chercheurs concernés ;
que le manquement pour défaut de contrôle de la validité de la dette, qui porte notamment
sur la production des justifications et l’exactitude des calculs de liquidation, est bien constitué ;
17. Attendu qu’il y a donc lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X, au titre
de l’exercice 2019, à hauteur du trop-versé ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
18. Attendu qu’il appartient au juge des comptes d’apprécier l’existence et le montant
du préjudice financier à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant,
des faits postérieurs au manquement ;
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19. Attendu qu’au cas d’espèce, le trop-versé de 15 266,65 € a fait l’objet d’une facture émise
par l’INSERM à l’encontre de l’université de Lille, et intégralement payée par celle-ci ;
qu’ainsi le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’INSERM ;
20. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 modifié
de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
Lorsque le manquement du comptable […]
n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes
peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte
des circonstances de l’espèce
» ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant
maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu
pour le poste comptable ;
21. Attendu que pour la période en jugement, le cautionnement du poste comptable
était de 235 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise
à la charge de M. X s’élève à 352,50 € ;
22. Attendu que, eu regard aux circonstances, et notamment la récupération intégrale
des sommes indûment payées, il n’y a pas lieu d’obliger le comptable à s’acquitter
d’une somme pour le manquement précité ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2019 (charge unique)
Article 1
er
. – Il n’y a pas lieu d’obliger le comptable à s’acquitter d’une somme
à
raison
du manquement constaté.
Décharge
Article 2. – M. X est déchargé de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2019
au 30 septembre 2020. Il est déclaré quitte et libéré de sa gestion terminée à cette date.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions
mises ou prises sur ses biens meubles ou immeubles ou sur ceux de ses ayants cause
pour sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions
dégagées.
Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation ;
M. Paul de PUYLAROQUE, conseiller maître, Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT,
conseillère maître, et M. Patrick SITBON, conseiller maître.
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En présence de Mme Nadine BESSON, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Nadine BESSON
Michèle COUDURIER
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.