L’Imprimerie nationale :
le coût d’une réforme mal pilotée
_____________________
PRESENTATION
____________________
L’Imprimerie nationale, qui était un service central du ministère
des finances jusqu’en 1993 et employait 2 000 personnes, est devenue à
partir du 1
er
janvier 1994 une société anonyme appartenant à l’Etat. Le
monopole dont elle bénéficiait pour réaliser les commandes des
administrations a été simultanément limité aux seuls travaux concernant
des documents déclarés secrets ou dont l'exécution doit s'accompagner de
mesures particulières de sécurité, tels que les titres d'identité, passeports
et visas.
A l’instar d’autres pays étrangers comme les Etats-Unis,
l’Espagne ou l’Italie, la France a donc choisi de garder le contrôle direct
de la fabrication des documents sensibles. Dans le même temps, le
Gouvernement n’a pas souhaité regrouper l’ensemble des entités
réalisant des travaux d’édition pour le compte des administrations : la
Documentation française et les Journaux Officiels sont restés des services
de l’Etat.
En 2000, la Cour a contrôlé les exercices 1994 à 1999, premiers à
suivre la mise en place du nouveau statut de l’Imprimerie nationale. Elle
a souligné
158
alors les principales difficultés de l’entreprise : tassement
du chiffre d’affaires, capacité d’autofinancement insuffisante, charges
d’exploitation trop élevées, délais de règlement par les administrations
très largement supérieurs à la normale. Elle a relevé que la stratégie était
atypique : l’Imprimerie nationale ne privilégiait aucun axe de
développement et conservait ses activités traditionnelles tout en
s’engageant dans des diversifications, alors que ses concurrents se
158) Rapport particulier transmis au ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie et au Parlement le 21 février 2002.
418
COUR DES COMPTES
recentraient sur leurs métiers de base ou les abandonnaient pour
développer de nouveaux produits. De plus, l’entreprise misait sur le
développement
d’un
chiffre
d’affaires
essentiellement
constitué
d’activités dont les prix de vente ne couvraient pas les charges. La
stratégie de croissance externe se soldait dans le même temps par un
échec, toutes les filiales acquises contribuant à la dégradation du résultat
net. Sur le plan de la gestion, le contrôle mettait en lumière des
faiblesses, en particulier dans le domaine du contrôle, des cessions
internes et des délais de facturation aux clients.
Un nouveau contrôle a porté sur les années 2000 à 2006 et a
confirmé
159
les analyses antérieures. En même temps, la commission des
finances de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour un rapport sur
l’Imprimerie nationale, en application de l’article 58-2 de la loi
organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances. Ce rapport lui a
été transmis le 10 octobre 2007.
Les développements qui suivent visent à mettre particulièrement en
lumière les retards intervenus dans la mise en oeuvre de mesures de
redressement : l’Imprimerie nationale s’est adaptée trop lentement aux
réalités du marché ; sa gouvernance a mal fonctionné ; le plan de
redressement en définitive adopté en juillet 2004 a été globalement bien
mené mais les perspectives, si elle sont désormais plus favorables
demeurent fragiles ; si la réforme décidée en 1993 était indispensable, la
manière dont elle a été conduite a eu un coût trop élevé pour l’Etat.
La Cour examine par ailleurs les conditions dans lesquelles l’entreprise a
vendu son immeuble de la rue de la Convention à Paris, immeuble qui a
été ensuite racheté par l’Etat.
I
-
Une adaptation trop lente aux réalités du
marché
Le changement de statut, et la réduction du champ de son
monopole, ont eu pour effet de placer l’Imprimerie nationale dans un
environnement concurrentiel difficile. L’entreprise aurait donc dû
analyser dès sa création les forces et les faiblesses de ses différents
métiers pour
définir les mesures propres à lui
permettre de s’adapter à la
concurrence. Cette réflexion stratégique n’a pas été entreprise à temps.
159) Rapport particulier transmis au ministre de l’économie, des finances et de
l’emploi et au Parlement le 30 juillet 2007.
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
419
Elle aurait été d’autant plus nécessaire que le premier exercice
social de la nouvelle entité a montré que sa situation était très fragile : le
chiffre d’affaires n’était en effet qu’à peine supérieur au point mort, alors
même que l’Imprimerie nationale n’avait encore réalisé que des marchés
passés sous le régime du monopole.
La fin progressive des marchés passés sous le régime du monopole,
et tout particulièrement à partir de 1996 la perte du marché de l’annuaire qui
représentait 40% de son chiffre d'affaires, a conduit l’Imprimerie nationale à
tenter de développer ses activités sur le marché concurrentiel. Pour autant,
la dégradation des résultats n’a pu être évitée et les premières pertes sont
apparues en 1997 : c’est seulement à ce moment que, devant la dégradation
des comptes, la direction a lancé un plan d’économies, dont les effets ont
été limités malgré une première baisse des effectifs. Même à ce moment,
elle n’a toujours pas entrepris d’étude stratégique. Les pertes ont ensuite
fortement augmenté. Le tableau suivant montre l’évolution très défavorable
des comptes consolidés, notamment à partir de 2000.
Principaux chiffres des comptes consolidés
en M€
1994
1996
1998
2000
2002
2003
2004
2005
2006
Total actif
302,4
319,0
317,2
322,2
274,7
195,3
177,5
194,1
146,2
Capitaux propres
234,8
237,5
216,6
173,7
74,9
-30,8
-159,8
-9,5
20,5
Chiffre d'affaires
243,5
260,5
276,2
272,2
208,8
176,5
162,4
136,6
129,3
Résultat courant
0,6
0,6
-11,2
-35,1
-39,4
-57,2
-44,5
-42,0
-10,3
Résultat net
0,9
0,3
-11,9
-29,6
-46,8
-105
-129
-46,5
30,0
Effectifs au 31/12
1938
1990
1829
1642
1609
1417
1145
604
592
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
421
Devant cette dégradation, l’Etat actionnaire a pris l’initiative de
faire réaliser un audit stratégique en 1999. Les constatations de cet audit
rejoignaient celles de la Cour, et ses conclusions étaient pessimistes :
l’Imprimerie nationale n’était compétitive sur aucun de ses métiers et une
projection de son positionnement compétitif conduisait à prévoir sa
disparition dans un proche avenir. Sur la base de cet audit, l’entreprise a
approuvé en 2000 un « plan stratégique » portant sur les exercices 2000 à
2003.
Cependant, malgré les conclusions de l’audit, ce plan ne prévoyait
aucune inflexion significative de la stratégie. La dégradation s’est donc
poursuivie, ce qui a conduit le comité central d’entreprise à voter une
résolution d’ouverture de la procédure du droit d’alerte le 16 juin 2001.
C’est seulement un an plus tard, le 10 juillet 2002, qu’un nouveau plan
pour la période 2002-2005 a été soumis au conseil d'administration. Les
résultats continuant à se dégrader, il a été actualisé le 6 juin 2003. Le
dossier soumis alors au conseil d'administration précise explicitement :
«
La volonté affichée et maintenue de l’Imprimerie nationale depuis le
premier plan d’affaires élaboré en 1999 est de maintenir sa présence sur
les trois filières de production (rotatives, feuilles et continu) en
accentuant le développement des produits fiduciaires et sécurisés à
travers un rôle d’intégrateur de services.
» Ainsi, et malgré son échec
patent, la stratégie n’était toujours pas modifiée dans ses fondements
mêmes.
Si, pour la première fois néanmoins, ce plan stratégique intégrait la
nécessaire diminution de l’emploi, c’était sans prévoir de licenciements
malgré l’urgence de l’adaptation nécessaire. En fait, après une légère
hausse en 1994 et 1995, la baisse tendancielle des effectifs depuis 1997
est due au non remplacement de tous les départs. L’actualisation du plan
stratégique, suivie six jours plus tard de la nomination d’un nouveau
président, n’a pu infléchir le résultat net de 2003 qui s’est révélé
désastreux avec une perte d’exploitation dépassant 57 M€, soit près du
tiers du chiffre d'affaires.
Les commissaires aux comptes ont déclenché à leur tour une
procédure d’alerte, qui a conduit l’Etat à solliciter de la Commission
européenne
l’autorisation d’accorder une aide au titre du sauvetage d’une
entreprise en difficulté. Cet accord a été obtenu le 18 février 2004 sous
réserve d’un plan de redressement qui a été approuvé par le conseil
d'administration le 8 juillet 2004, puis par la Commission le 20 juillet
2005. Il a profondément transformé l’entreprise et il était en cours
d’achèvement en 2007.
422
COUR DES COMPTES
L’entreprise a donc attendu dix ans pour s’adapter à son
environnement concurrentiel et prendre les mesures nécessaires pour
assurer sa pérennité. Ce délai peut en partie s’expliquer par le contexte du
changement de statut : l’Etat avait en effet consenti des investissements
importants - environ 120 M€ entre 1987 et 1992 – pour moderniser la
future entreprise. En outre, les débats au Parlement avaient fait ressortir
une vision optimiste de l’avenir de l’Imprimerie nationale, présentée
comme moderne et compétitive. Il était donc peu imaginable que la
direction s’engage immédiatement dans des plans de restructuration
comprenant des baisses d’effectifs, d’autant plus que l’impossibilité de
licencier ceux des agents qui ne bénéficiaient pas de la garantie de
l’emploi était à l’époque une contrainte non écrite imposée à la direction.
Si on doit garder à l’esprit la pression que cette règle tacite, aujourd’hui
disparue, exerçait sur les responsables, il n’en reste pas moins qu’un
véritable plan de redressement n’a été décidé qu’en 2004, lorsque
l’Imprimerie nationale était au bord du dépôt de bilan.
II
-
Une faiblesse de la gouvernance
L’Imprimerie nationale, société anonyme régie par la loi sur les
sociétés commerciales, est administrée par un conseil d'administration
dont la composition résulte de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative
à la démocratisation du secteur public. Le nombre des membres est de
dix-huit, répartis à parts égales entre trois catégories :
−
les représentants de l'Etat nommés par décret ;
−
des
personnalités
qualifiées
nommées
dans
les
mêmes
conditions ;
−
les représentants élus par les salariés.
Depuis son changement de statut, l’Imprimerie nationale a connu
trois présidents, dont le dernier a été nommé en 2003. Si les deux
premiers étaient issus de la fonction publique, leur successeur vient du
secteur privé.
Alors que l’Imprimerie nationale se trouvait confrontée à une
mutation extrêmement délicate, qui la faisait passer brutalement d’un
statut public et d’un marché protégé à un statut privé et un marché
hautement concurrentiel, son conseil d'administration ne comportait
aucun membre à même d’intégrer rapidement les exigences de rentabilité
et de concurrence propres à une entreprise privée. Les salariés exerçaient
une très forte influence, sans qu’aucun véritable professionnel du secteur
n’y fasse contrepoids. Cette situation, qui n’était pas à l’évidence propice
aux ruptures stratégiques, peut expliquer partiellement que les mesures de
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
423
redressement aient été prises très tardivement. Ce n’est qu’à partir de
2004 que la composition du conseil a commencé à évoluer.
La lecture des comptes rendus des séances fait apparaître un
conseil d'administration peu
réactif,
dont
les débats
concernent
principalement les représentants des salariés, le président et le
représentant de la direction du trésor chargée de gérer les participations
de l’Etat. Les autres représentants de l’Etat se manifestent peu, et les
personnalités qualifiées limitent leurs interventions à des demandes de
précisions, mais ne suggèrent aucune orientation de fond.
Les comptes rendus des trois conseils des 21 avril 2000, 10 juillet
2002 et 6 juin 2003 sont particulièrement éclairants : ces trois conseils ont
approuvé sans en discuter les hypothèses de base des plans stratégiques
successifs qui se sont révélés très rapidement irréalistes. Le conseil
d'administration du 10 juillet 2002 est d’autant plus remarquable qu’il
avait examiné auparavant le rapport de l’expert nommé après le
lancement d’une procédure d’alerte par le comité central d’entreprise. Ce
rapport était accablant sur les handicaps de l’entreprise : alors qu’il y
avait 1596 salariés au début de 2002, le handicap de productivité était
chiffré à 700 personnes. Après l’exposé du président sur son plan, dont
les limites étaient cependant manifestes au regard des évolutions des
premiers mois de 2002, la seule intervention du représentant de la
direction du trésor est résumée comme suit dans le compte rendu : «
M. …
souscrit à ce qui vient d’être dit sur le projet de réforme profond qui est
nécessaire et souhaite insister sur un point : des gages de réussite doivent
être donnés et pour cela, l’adhésion de tous est nécessaire
. »
La
critique
ne
peut
toutefois
s’arrêter
au
seul
conseil
d'administration. Le ministère de l’économie a insuffisamment exercé ses
responsabilités d’actionnaire alors même qu’il détenait l’intégralité du
capital. Il est demeuré trop en recul en matière stratégique et
insuffisamment réactif devant les pertes, faute notamment de disposer
d’une capacité d’analyse suffisante sur un secteur économiquement
difficile.
Il est difficilement compréhensible que le ministère de l’économie
ait pu approuver un plan stratégique en contradiction avec l’audit qu’il
avait diligenté et que la dégradation des résultats ne l’ait pas conduit à
remettre en cause les hypothèses des plans successifs. Comme le
souhaitent aujourd’hui ses responsables, l’Agence des participations de
l’Etat doit à l’avenir renforcer cette capacité, afin de pouvoir orienter et si
nécessaire infléchir les réflexions du management interne.
424
COUR DES COMPTES
III
-
Un plan de redressement tardif, mais
globalement bien mené
Le plan de redressement de juillet 2004 comprenait quatre volets :
−
une recapitalisation, d’autant plus indispensable que les fonds
propres de l’entreprise étaient devenus négatifs ;
−
un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoyait une forte
baisse des effectifs ;
−
la cession de nombreuses activités ;
−
enfin, la filialisation des activités conservées en dehors du
monopole, afin de séparer les comptes et de garantir l’absence
de subventions croisées entre secteurs sous monopole et secteur
concurrentiel.
Le coût du plan était estimé à 233 M€, financé par un apport de
197 M€ de l’Etat et la vente du siège social qui a apporté 33,4 M€ en
valeur nette (le montant de l’intéressement prévu par le contrat sur la
revente par l’acquéreur est venu s’y ajouter mais n’a été connu qu’en
2007
160
), complétée par un emprunt bancaire d’un montant maximum de
12,5 M€.
Le recentrage sur un petit nombre d’activités, principalement le
fiduciaire, c’est à dire la réalisation de documents comportant des signes
de sécurité tels que les passeports, les futures cartes d’identités
électroniques, les cartes grises ou éventuellement les cartes Vitale, et les
cartes électroniques telles que celles qui servent à contrôler les temps de
conduite des poids lourds, constituait le coeur de la nouvelle stratégie
d’entreprise. Les autres activités devaient être cédées ou fermées. Dans
les activités classiques d’imprimerie, seule l’impression en continu devait
être gardée, à condition de devenir rentable, car son implantation dans
l’usine sécurisée de Douai aurait rendu très délicate la séparation des
activités fiduciaires. En revanche, il était prévu de céder l’activité des
rotatives, avec la filiale ISTRA IN, les activités d’impression par feuille,
le prépresse, la logistique, la vente par correspondance, les éditions
générales et les éditions techniques et les beaux livres. Toutes ces
activités étaient déficitaires.
160) cf. pages 635 et suivantes.
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
425
La vente des activités d’édition s’est accompagnée de la vente des
stocks et de la marque « Imprimerie nationale éditions ». On peut donc
encore trouver en vente les séries éditées par l’Imprimerie nationale
161
, et
des nouveaux ouvrages sont de plus commercialisés sous cette marque,
sans que l’Imprimerie nationale ait conservé un droit de regard sur cette
utilisation de son nom.
Le financement du plan intégrait la vente du siège social, décidée
antérieurement pour rationaliser la production
162
. Grâce à l’intéressement
versé en 2007 lors de la revente de l’immeuble, la plus-value dégagée a
été de 51,4 M€.
Le plan de redressement a naturellement entraîné une forte baisse
des effectifs, ce qui devait permettre le retour à la rentabilité dans les
activités conservées. Pour les activités cédées,
l’Imprimerie nationale
devait reclasser ou licencier ceux des agents qui n’étaient pas repris par
les
acquéreurs.
A
l’inverse,
l’évolution
des
métiers
a
obligé
l’Imprimerie nationale à se doter de nouvelles qualifications, en
particulier pour la réalisation du passeport électronique à puce.
L’entreprise a ainsi connu un bouleversement profond de son
personnel : du 1
er
janvier 2003, date à laquelle l’effectif atteignait 1609
personnes, jusqu’au 1
er
mai 2007,
470 agents sont partis en retraite ou en
préretraite, 428 ont quitté l’entreprise avec les filiales cédées ou par
démission,
167
ont
été
licenciés
et
61
sont
retournés
dans
l’administration. Pendant cette même période, 169 ont été embauchés,
principalement
pour
les
métiers
nouveaux
liés
aux
passeports
électroniques.
A sa création, l’entreprise comprenait 2000 agents environ pour un
chiffre d'affaires voisin de 250 M€ ; à l’achèvement complet du plan de
redressement, elle aura environ 540 agents pour un chiffre d'affaires de
130 M€. Le chiffre d'affaires par agent aura ainsi pratiquement doublé.
Le plan était en cours d’achèvement fin 2007. Il s’est globalement
déroulé conformément aux prévisions. Toutefois, la cession de l’activité
feuille s’est révélée plus difficile qu’espérée ; l’entreprise prévoit qu’elle
soit réalisée fin 2007, l’option de la liquidation n’étant toutefois pas
exclue. De même, le plan social n’est pas totalement réalisé, environ
50 agents n’ayant pu être reclassés dans les délais prévus. Le plan devant
être clos fin 2007, des licenciements pourraient être inéluctables.
161) L’Imprimerie nationale ne participe plus à la vente de ces collections, son seul
point de vente situé rue de la Convention ayant été fermé en 2007.
162) Cf. également pages 635 et suivantes.
426
COUR DES COMPTES
IV
-
Une amélioration acquise à un coût trop élevé
L’entreprise a aujourd’hui accompli un chemin considérable dans
la voie du redressement. Il lui en reste cependant encore beaucoup à
accomplir, car la productivité demeure encore insuffisante.
Les perspectives pour 2007 sont encourageantes. Si l’on retraite le
budget de 2007 en supposant réalisés les derniers effets du plan de
redressement, on aboutit à un résultat net légèrement positif, hors
évènements exceptionnels. L’amélioration est donc réelle ; mais, comme
elle résulte principalement de l’activité encore en monopole, elle ne
traduit pas une véritable normalisation. L’entreprise doit donc poursuivre
ses efforts pour qu’un résultat net positif résulte de sa compétitivité et non
du seul maintien d’un marché protégé. Il est toutefois certain que la
brusque disparition d’un monopole qui représente près de la moitié de son
activité, serait encore incompatible avec la pérennité de l’entreprise.
Pour mettre l’Imprimerie nationale dans les meilleures conditions,
il conviendra également que l’Etat veille à améliorer la gouvernance et
mette le conseil d'administration en mesure de jouer pleinement son rôle,
en choisissant notamment des personnalités qualifiées pour leur
connaissance du métier d’imprimeur et de la gestion privée. Il serait
également souhaitable que le conseil se dote, en sus du comité d’audit
récemment
créé,
d’un
comité
stratégique
et
d’un
comité
des
rémunérations.
On peut par ailleurs regretter le retard pris par l’Etat pour régler la
situation de l’Atelier historique, probablement seul au monde à garder
vivantes les techniques anciennes et à conserver une collection de
poinçons typographiques remontant aux origines de l’imprimerie. Cette
situation présente un intérêt historique considérable, mais entraîne une
charge estimée à 0,9 M€ par an, qu’il est anormal de laisser à
l’Imprimerie nationale. L’Etat doit donc organiser au plus tôt la sortie de
cet atelier de l’entreprise, comme il s’y est engagé dans le plan de
redressement.
Même si le redressement est mené à bien dans la période à venir, il
restera que les conditions dans lesquelles a été mené le changement de
statut ont été très coûteuses pour l’Etat. Sans même compter les
investissements réalisés avant cette date, l’Etat a investi 150 M€ en 1994
et 197 M€ en 2004 pour une entreprise qui a désormais cédé ses
principaux actifs et qui n’avait plus que 20,5 M€ de fonds propres fin
2006.
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
427
Le changement de statut était certes indispensable, le statut
d’administration centrale étant mal adapté à une activité de production
industrielle. L’Imprimerie nationale avait des coûts de production très
supérieurs aux prix du marché. Les surcoûts ainsi pris en charge par des
clients majoritairement publics peuvent être estimés à environ 68 M€ par
an. Le maintien de cette situation n’était pas acceptable pour la
collectivité. L’économie récurrente permise par l’ouverture du marché
justifie la réforme entreprise. Celle-ci a cependant été menée à un coût
trop élevé.
La mise en place de la nouvelle société a en effet été accompagnée
d’une dotation financière initiale très large de l’Etat : les capitaux propres
de l’Imprimerie nationale représentaient au 1
er
janvier 1994 près de 80 %
de son bilan. Cette aisance financière lui a permis d’absorber longtemps
des déficits avant de devoir prendre des mesures drastiques : une dotation
initiale moins généreuse aurait vraisemblablement conduit à prendre plus
rapidement des mesures de redressement, et permis de diminuer les
contributions totales de l’Etat.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La transformation du statut de l’Imprimerie nationale opérée en
1994 a ouvert une période très délicate. Le changement culturel imposé
aux personnels et aux dirigeants nécessitait à l’évidence une étape
d’adaptation, qui a conduit
l’Etat à doter généreusement la nouvelle
entité en fonds propres.
L’entreprise et l’Etat n’ont pas utilisé le répit que leur donnait
cette aisance financière pour définir une stratégie réaliste et la mettre en
oeuvre. Le contexte du changement de statut ne peut justifier à lui seul la
persistance pendant près de dix ans des pratiques anciennes. Il est
regrettable qu’il ait fallu attendre l’approche du dépôt de bilan pour que
des mesures de redressement coûteuses pour l’Etat soient enfin mises en
oeuvre.
Aujourd’hui toutefois, l’entreprise a été profondément transformée
et recentrée sur un coeur de métier où elle bénéficie d’un monopole pour
les commandes de l’Etat. L’amélioration des comptes est réelle : si on
enlève les dernières charges du plan de redressement, l’exercice 2007
devrait présenter un résultat d'exploitation bénéficiaire. Cette situation
permet d’écarter le risque d’une disparition de l’entreprise à brève
échéance.
428
COUR DES COMPTES
Néanmoins, la situation n’est pas encore normalisée. La
productivité a été fortement améliorée, mais demeure insuffisante,
particulièrement dans le secteur du continu. Le résultat tient actuellement
principalement au secteur fiduciaire, et en particulier à sa partie sous
monopole, qui apparaît actuellement indispensable pour assurer la
pérennité de l’entreprise.
Il convient donc que l’Imprimerie nationale poursuive ses efforts
pour arriver dès que possible à des productivités comparables à celles de
ses concurrents. C’est à cette condition qu’elle pourra être considérée
comme réellement sauvée.
Au-delà de ce constat global et de la nécessité de poursuivre les
efforts de productivité, la Cour formule les recommandations suivantes :
- l’Imprimerie nationale devrait formaliser un plan d’affaires
pluriannuel, identifiant notamment les perspectives liées à ses nouvelles
activités, que ce soit en termes d’investissements ou de produits
d’exploitation ;
- il
serait
souhaitable
que
le
conseil
d'administration
de
l’Imprimerie nationale se dote d’un comité stratégique et d’un comité des
rémunérations ;
- l’Agence des participations de l’Etat doit mieux affirmer son rôle
d’actionnaire et participer au renforcement de la gouvernance de la
société, à la fois par une participation plus active aux réflexions
stratégiques et par une plus grande vigilance sur les résultats obtenus.
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
429
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’EMPLOI
Le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi (MINEFE)
partage dans les grandes lignes les observations formulées par la Cour dans
cette insertion au rapport public concernant l’Imprimerie Nationale,
notamment le diagnostic qu’elle porte sur les causes des difficultés passées et
son analyse de la situation actuelle et des perspectives à moyen terme de
l’entreprise. Ce document appelle toutefois un certain nombre d’observations
complémentaires.
La Cour estime en effet que l’entreprise n’a entrepris que trop
tardivement les efforts nécessaires pour s’adapter aux réalités du marché et
améliorer sa compétitivité, ainsi que pour définir un positionnement
stratégique adéquat, s’appuyant sur ses forces et sur son savoir-faire. Elle
considère que ce retard est pour partie imputable à une implication
insuffisante du conseil d’administration de l’entreprise, et à un manque de
réactivité de l’Etat, qui aurait selon la Cour insuffisamment exercé ses
responsabilités d’actionnaire. Ces conclusions me semblent devoir être
fortement nuancées.
1) Sur l’adaptation de l’entreprise aux réalités du marché
Un audit stratégique – confié à un cabinet de conseil en stratégie – a
été lancé dès 1999 à la demande du conseil d’administration et de la
direction du Trésor, en réaction à la dégradation de la situation de
l’entreprise. Cet audit, mentionné d’ailleurs par la Cour, tout en identifiant
clairement les problèmes de compétitivité de l’entreprise et en soulignant le
caractère atypique du positionnement de l’IN sur l’ensemble des filières du
secteur (rotative, feuille, continu et fiduciaire), ne recommandait pas pour
autant un changement radical de stratégie passant par un recentrage sur
certaines activités. Il avait en revanche souligné que ce positionnement
nécessitait une excellence opérationnelle et un contrôle rigoureux des coûts,
ainsi qu’une force commerciale étoffée et spécialisée.
Il convient par ailleurs de souligner que la très forte dégradation de
la situation enregistrée à partir de 2000 a été due pour partie à des facteurs
externes, qui sont venus contrarier les efforts d’adaptation engagés par la
direction de l’entreprise : forte baisse du volume d’imprimés produit par les
industries graphiques en 2001-2002, en lien avec le retournement de la
conjoncture économique, se traduisant par des surcapacités de production et
une forte pression sur les prix , baisse progressive du marché des formulaires
en continu, du fait de la tendance à la dématérialisation, et enfin et surtout
perte du contrat
de l’annuaire de France Télécom, pour lequel près de
300 personnes étaient mobilisées et qui avait conduit l’entreprise à réaliser
des investissements très lourds en vue de satisfaire les exigences d’un client
qui représentait en 2000 près de 40 % du chiffre d’affaires de l’IN.
430
COUR DES COMPTES
Il est possible de soutenir, avec le recul, que les coûts économiques et
sociaux de la restructuration engagée depuis 2004 auraient peut-être pu être
moins élevés si elle avait été lancée plus tôt. Force est toutefois de constater
qu’il na pas été possible de dégager un consensus entre l’ensemble des
parties prenantes (Etat, direction et personnels de l’entreprise) sur la
nécessité d’une restructuration aussi profonde avant 2004.
2) Sur la gouvernance de l’entreprise et le rôle de l’Etat actionnaire
La Cour estime que le conseil d’administration de l’entreprise n’était,
du fait de sa composition, pas « à même d’intégrer rapidement les exigences
de rentabilité dans le contexte concurrentiel dans lequel l’entreprise était
amenée à évoluer ». Le MINEFE ne partage pas cette opinion : s’il est
incontestable que les contraintes imposées par la loi de démocratisation du
secteur public conduisaient nécessairement à ce que les deux tiers du conseil
soient composés d’administrateurs représentant l’Etat et de représentants
des salariés, un tiers de ses membres étaient en revanche des personnalités
qualifiées, émanant de grandes entreprises publiques ou privées soumises à
la concurrence et aux impératifs de productivité et de rentabilité, et dont
certaines ont joué un rôle important dans l’animation des débats du conseil.
La Cour semble en outre négliger dans son rapport les efforts
importants menés depuis 2003 pour améliorer la gouvernance de
l’entreprise. L’Etat actionnaire a joué à cet égard un rôle moteur en
procédant à la mi-2003 à un renouvellement du management, avec la
nomination d’un nouveau PDG, fort d’une longue expérience dans le secteur
de l’imprimerie, qui a reçu pour mandat de redresser la situation de
l’entreprise. Il a par ailleurs été procédé à un renouvellement important des
membres du conseil d’administration en juin 2004, veillant à introduire dans
le collège des personnalités qualifiées plusieurs personnes disposant d’une
expérience significative du monde de l’entreprise, aptes à impulser et
soutenir les inflexions stratégiques majeures nécessaires pour redresser la
situation ; la recherche de deux nouvelles personnalités qualifiées destinées à
entrer au sein du conseil d’administration est en cours, en liaison avec
l’entreprise, pour pourvoir à la vacance de deux sièges. C’est à l’initiative de
l’Agence des participations de l’Etat que le conseil d’administration de
l’Imprimerie Nationale s’est doté d’un règlement intérieur, et d’un comité
d’audit, qui a impulsé un certain nombre de chantiers importants (remise à
plat des fonctions financières et comptables de l’entreprise, amélioration des
procédures et du dispositif de contrôle interne).
La Cour émet de nombreuses observations sur le rôle joué par l’Etat e
tant qu’actionnaire. Elle estime en particulier que l’Etat aurait été trop en
retrait en matière stratégique ou encore insuffisamment réactif vis-à-vis des
difficultés de l’entreprise. Elle illustre notamment cette observation par la
retranscription des propos de l’administrateur représentant la direction du
Trésor lors du conseil d’administration de juillet 2002.
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
431
Ce propos isolés ne reflètent pas la réalité des relations entre
l’entreprise et l’Etat actionnaire, ni ne témoignent d’un défaut de vigilance
de la part des services de l’Etat, qui entretenaient un dialogue permanent
avec l’entreprise sur sa stratégie et sa situation financière. Le conseil
d’administration de juillet 2002 n’avait pas par ailleurs pour objet
d’approuver formellement un plan stratégique, mais plutôt de discuter, sur la
base de premier éléments de réflexion présentés par la direction, des voies et
moyens d’un redressement de la situation économique de l’entreprise et de
réunir un consensus sur la nécessité d’évaluation profondes dans le
fonctionnement de celle-ci, ce que la direction du Trésor avait recommandé
dès le début de l’année 2002, au vu de l’évolution préoccupante de la
situation. L’Etat actionnaire avait en outre alerté le Président-directeur
général de l’entreprise en septembre 2002 sur les inflexions stratégiques qui
s’avéraient nécessaires pour assurer la survie de l’Imprimerie Nationale, et
s’était interrogé lors de cet entretien sur la pertinence des conclusions de
l’audit stratégique mené en 1999, en particulier sur la présence de
l’entreprise sur l’ensemble des métiers précités.
Il convient par ailleurs de rappeler que c’est sous l’impulsion et avec
le soutien très actif de l’Etat actionnaire que l’entreprise a engagé en 2004
un virage stratégique majeur, passant par un recentrage sur son coeur de
métier, la cession des activités concurrentielles déficitaires, et une réduction
très forte de ses effectifs, qui ont été réduits de près des deux tiers en
quelques années. Après avoir nommé un nouveau PDG, l’Etat a élaboré
conjointement avec la nouvelle équipe dirigeante le plan de restructuration et
le plan de sauvegarde de l’emploi, mis en place des dispositifs de
reclassement des personnels, négocié avec la Commission européenne les
termes du soutien financier apporté à l’entreprise en accompagnement de ces
efforts, et enfin veillé très étroitement à la mise en oeuvre de l’ensemble des
engagements pris dans ce cadre par l’entreprise dans les délais fixés. Il
paraît donc contestable de laisser entendre que l’Etat serait resté inerte face
aux difficultés de l’entreprise.
C’est enfin à la demande de l’Agence des Participations de l’Etat et
du conseil d’administration de l’entreprise que celle-ci s’est engagée dans
l’élaboration d’un nouveau plan stratégique. Cet exercice, mené avec l’appui
d’un conseil externe, permettra à l’entreprise d’approfondir sa réflexion sur
son positionnement stratégique sur le marché de l’imprimerie, et sur la
pertinence et le modèle économique des nouveaux axes de développement
qu’elle entend privilégier (personnalisation des documents, lutte contre la
contrefaçon /
techniques d’authentification, administration électronique)
pour trouver de nouveaux relais de croissance et consolider son
redressement, qui reste encore fragile. Ces orientations seront traduites dans
un nouveau plan d’affaires pluriannuel, qui permettra de doter l’entreprise
d’un nouvel outil de pilotage stratégique et financier, lui donnant une
visibilité sur le moyen terme. L’élaboration de ce plan doit constituer un
temps fort dans la vie de l’entreprise, et permettre de fédérer l’équipe
432
COUR DES COMPTES
dirigeante et les personnels autour d’un projet mobilisateur, garant de
l’avenir de l’Imprimerie Nationale.
3) Sur le plan de restructuration de 2004
Comme le rappelle la Cour, un plan de restructuration de grande
ampleur a été lancé en juillet 2004. Les termes et les objectifs de ce plan ont
été élaborés et discutés avec le management au premier semestre 2004, puis
négociés avec la Commission européenne. L’Etat en tant qu’actionnaire a
accompagné ces efforts par une recapitalisation de l’entreprise à hauteur de
197 M€, intervenue à l’automne 2005 après l’accord de la Commission
européenne. Conformément à la réglementation européenne, cet apport en
capital a été dimensionné pour financer les nécessaires restructurations
(plan de sauvegarde de l’emploi, réorganisation industrielle, coût de sortie
des activités déficitaires), et rétablir les fonds propres et la trésorerie à un
niveau suffisant pour restaurer durablement la viabilité financière de
l’entreprise.
Les mesures mises en oeuvre depuis 2004 s’articulent autour de
différents volets :
-
le volet social
, avec un deuxième plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE), intervenant après celui mis en place en 2003 mais qui
s’était avéré insuffisant pour rétablir la compétitivité de
l’entreprise. Ce PSE, sur lequel les négociations ont abouti en
mars 2005, prévoyait 491 suppressions de postes sur un total de
1 130 personnes employées en février 2005, soit plus de 40 % des
effectifs. L’Etat a accompagné ce plan par de nombreux
dispositifs visant à faciliter le reclassement des personnels
concernés. Il restait à la fin novembre 2007 environ 50 personnes
à reclasser, pour lesquelles l’Etat et l’entreprise d’éploient
d’importants efforts en vue d’aboutir à un reclassement dans les
meilleures conditions ;
-
le volet industriel,
avec : (i) un recentrage de l’entreprise sur son
coeur de métier, à savoir l’impression des documents fiduciaires et
le continu et le regroupement sur le site de Douai de ces activités,
auparavant dispersées sur plusieurs sites ; (ii) la cession du siège
historique de l’entreprise, situé rue de la Convention à Paris,
décidée en 2002 et finalisée début 2006 ; (iii) la cession en 2005
et 2006 de filiales déficitaires dans le domaine de la rotative
(Istra et Evry Rotatives), des activités d’édition (Editions
générales et Editions techniques), de Logistique, de PVC, et de
prépresse. La dernière cession prévue dans le plan notifié à la
Commission européenne, celle de l’activité Feuille est entrée dans
sa phase finale, l’IN ayant engagé des négociations exclusives
avec le repreneur pressenti ;
L’IMPRIMERIE NATIONALE : LE COUT D’UNE RÉFORME
MAL PILOTÉE
433
-
le volet juridique
, avec une séparation juridique et comptable des
activités concurrentielles des activités sous monopoles, qui a été
finalisée au 1
er
octobre 2007 avec la création de la société IN
Continu et Services, conformément aux conditions posées par la
Commission européenne. Le périmètre du monopole légal de l’IN
sur l’impression de documents fiduciaires, a par ailleurs été
précisé par un décret, en date du 24 novembre 2006, et il a été
procédé à la nomination d’une personnalité indépendante. M.
Emmanuel Constans, qui aux termes de ce décret sera chargée
d’expertiser la liste des produits que chacun des ministères
concernés estimera devoir figurer dans le champ du monopole de
l’entreprise.
La mise en oeuvre de l’ensemble des engagements pris par l’entreprise
est ainsi quasiment achevée, pour la majeure partie dans les délais et
conditions exigés par la Commission européenne, ce qui a nécessité une forte
mobilisation des équipes de l’entreprise et de ses organes de gouvernance et
des services de l’Etat. En particulier, l’Etat actionnaire a accompagné
l’entreprise dans l’élaboration du plan de restructuration, et dans toutes les
phases de mise en oeuvre.
Comme le souligne la Cour, les efforts consentis ont permis de
réformer profondément l’entreprise. Les premiers signes d’amélioration de
sa santé financière sont apparus en 2006, avec le retour à une situation nette
positive. La situation n’en reste pas moins encore très fragile. L’amélioration
de sa compétitivité doit être poursuivie pour lui permettre de redresser sa
rentabilité d’exploitation – qui est encore insuffisante pour permettre à
l’activité de générer des flux de trésorerie positifs – et d’améliorer son
positionnement concurrentiel. Ceci suppose de poursuivre les efforts de
réduction des coûts de production engagés ces dernières années, mais aussi
de maintenir l’entreprise à niveau sur le plan technologique, dans un
contexte marqué par de profondes évolutions de la demande exprimée par les
Etats en matière de documents fiduciaires.
Le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi partage, à cet
égard, l’analyse de la Cour sur l’importance pour l’entreprise du maintien à
moyen terme de son monopole dans le domaine de la réalisation de
documents sécurisés qui doit s’accompagner d’efforts pour en garantir la
compétitivité, mais aussi sur la nécessité de réduire progressivement sa
dépendance à l’égard des activités relevant du champ du monopole, en
développant de nouveaux axes de croissance rentable, s’appuyant sur son
savoir-faire technologique et sur ses points forts, et compatibles avec ses
contraintes financières. C’est l’objet du plan stratégique en cours
d’élaboration.
434
COUR DES COMPTES
4) Sur l’Atelier du Livre d’Art et de l’Estampe
Le MINEFE rejoint également la Cour sur la nécessité de trouver
rapidement une solution permettant d’organiser la sortie de l’Atelier du
Livre d’Art et de l’Estampe (ALAE) du périmètre de l’Imprimerie Nationale,
comme l’Etat s’y est engagé en 2004. Comme le sait la Cour, une mission
conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de
l’administration des affaires culturelles a été diligentée en 2005, avec pour
objectif de recenser et d’expertiser l’ensemble des solutions d’adossement
envisageables, permettant de préserver durablement et de mieux valoriser
cette activité à caractère patrimonial et culturel. La mission a rendu ses
conclusions en novembre 2006, et recommande de privilégier l’option d’une
installation de l’ALAE au niveau 0 du Palais de Tokyo. L’absence de
consensus sur ce schéma n’a toutefois pas permis à ce stade de réaliser
l’adossement de l’ALAE, faute de solution alternative satisfaisante. Il est
donc nécessaire d’intensifier les travaux interministériels sur ce sujet dans
les prochains mois, afin de parvenir à une solution consensuelle et réalisable
dans des délais acceptables.