La redevance audiovisuelle :
réforme et
perspectives
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PRESENTATION
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Créée en 1933, la redevance audiovisuelle est aujourd’hui
acquittée par environ 20 millions de foyers - à raison de 116 € par an en
métropole et de 74 € dans les départements d’outre mer -, tandis que
5 autres millions en sont dégrevés, principalement sur des critères
d’âge
et de ressources.
Son produit s’est élevé à 2,3 Md€ en 2006. S’y ajoutent 500 M€ en
provenance du budget général de l’Etat, au titre de la prise en charge par
l’Etat des dégrèvements dont bénéficient certaines catégories sociales.
Ces sommes sont reversées aux organismes de l’audiovisuel public
(France Télévisions, Radio France, Radio France Internationale, Arte,
Institut national de l’audiovisuel) dont elles représentent 75 % du total
des ressources. La redevance ne fait pas partie des prélèvements
obligatoires, car elle est considérée par l’Institut national de la
statistique et des études économiques (INSEE) comme la contrepartie
d’un service rendu.
Une réforme de la gestion de la redevance audiovisuelle est
intervenue le 1
er
janvier 2005, en application de la loi de finances initiale
pour 2005. Elle visait à en simplifier la gestion
et à en augmenter le
produit.
A la demande du président de la commission des finances de
l’Assemblée nationale, la Cour s’est attachée à dresser le bilan de cette
réforme, notamment sur les aspects relatifs à sa gestion. Il montre qu’il
en est bien résulté une simplification pour l’usager et une diminution de
la fraude ainsi que des économies significatives, mais qu’un plein parti
n’a pas été tiré des gains de productivité réalisés.
396
COUR DES COMPTES
Les ressources procurées par la redevance, quant à elles, ont
continué à augmenter moins vite que les prévisions de ressources
publiques allouées aux sociétés de programme de l’audiovisuel
publictelles qu’elles sont appréciées dans les contrats d’objectifs et d
emoyens. Ainsi, la réforme n’a pas apporté, comme la perspective en
avait pourtant été annoncée, de réponse substantielle au problème du
financement de l’audiovisuel public et cette question demeure posée.
I
-
Les simplifications et les économies de gestion
A - Une redevance plus simple
Par les diverses simplifications introduites, le service rendu aux
redevables de la redevance audiovisuelle a été notablement amélioré.
Tout d’abord, pour les particuliers, la redevance est désormais
recouvrée conjointement avec la taxe d’habitation, sur la base d’une
déclaration incluse dans celle des revenus.Les contribuables qui ne
détiennent pas de téléviseur doivent cocher une case spécifique dans leur
déclaration de revenus ; tout déclarant ne l’ayant pas cochée est, par
principe, assujetti à la redevance audiovisuelle. L’avis du versement à
effectuer est le même que celui de l’imposition annuelle au titre de la taxe
d’habitation et le redevable s’acquitte des deux contributions par un seul
règlement, annuel (le plus souvent en novembre) ou mensuel.Après avoir
souvent hésité sur la signification de la case insérée dans la déclaration de
revenus (à cocher uniquement si l’on ne détient pas de téléviseur la
première année), les redevables se sont peu à peu accoutumés à cette
nouveauté.
Deuxième simplification, la suppression de la distinction entre
résidence principale et résidence secondaire a doublement bénéficié aux
particuliers concernés : en éliminant une disposition complexe, dont le
contrôle était d’ailleurs difficile à opérer
148
; en ramenant à une seule
taxation la charge supportée en cas de résidence(s) secondaire(s).
Autrement dit, la taxation des récepteurs situés dans les résidences
secondaires a été supprimée pour les personnes qui ont leur résidence
principale en France.
148) La France compte 3 millions de résidences secondaires. Dans l’ancien système,
une résidence secondaire équipée par intermittence d’un téléviseur portatif ne donnait
pas lieu à taxation.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
397
En troisième lieu, en cas de difficulté, le redevable peut dorénavant
s’adresser à un guichet de proximité
(soit la trésorerie, soit le centre des
impôts de son domicile)
alors que seuls le service central de la redevance
et les 5 centres régionaux étaient auparavant compétents.
Enfin, le régime de dégrèvement a été rendu plus lisible, puisqu’il
est désormais le même que pour la taxe d’habitation.
Les 5 millions de foyers dégrevés de redevance audiovisuelle et de
taxe d’habitation le sont :
−
soit sans autres conditions spécifiques de ressources :
. les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion,
. les titulaires de l’allocation supplémentaire du Fonds de
solidarité vieillesse ou du Fonds spécial d’invalidité ;
−
soit sous conditions spécifiques de ressources :
. les contribuables âgés de plus de 60 ans,
. les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés,
. les veufs ou veuves,
. les contribuables infirmes ou invalides.
La loi avait prévu une période transitoire jusqu’au 31 décembre
2007, pendant laquelle les personnes exonérées de redevance avant la
réforme,
mais
assujetties
à
la
taxe
d’habitation,
continuaient
temporairement à bénéficier d’un dégrèvement de redevance. Ce
dispositif, dit des « droits acquis », concernant actuellement environ
780 000 bénéficiaires – des personnes âgées ou handicapées -, vient
d’être
prorogé pour l’année 2008 s’agissant des personnes âgées (de
65 ans et plus au 1
er
janvier 2004, sous conditions de ressources) et rendu
définitif pour les personnes handicapées (environ 28 000)
149
.
Les dégrèvements pour motifs sociaux (500 M€) sont pris en
charge par le budget de l’Etat, via un versement, pour le montant
correspondant, aux
organismes de l’audiovisuel public.
149) Pour les personnes âgées concernées, la loi de finances rectificative pour 2007,
du 25 décembre 2007, a prorogé l’exonération pour 2008 à hauteur de 50 %
seulement, mais un amendement gouvernemental au projet de loi pour le pouvoir
d’achat, actuellement (janvier 2008) examiné en première lecture au Sénat, prévoit de
porter cette exonération à 100 %.
398
COUR DES COMPTES
B - Des contrôles mieux ciblés
L’introduction de la « case à cocher » dans la déclaration annuelle
de revenus a, par ailleurs, permis de mieux identifier les fraudeurs
potentiels.
En effet, le champ d’investigation des services de contrôle est ainsi
d’emblée circonscrit aux personnes qui déclarent ne pas détenir de
téléviseur (10,1 % en 2005 et 8,8 % en 2006). Leurs déclarations sont
répertoriées sur plusieurs années et croisées avec les données relatives à
la taxe d’habitation, avec celles fournies par les revendeurs de téléviseur
et, dans certaines limites, avec celles provenant des câblo-opérateurs et
des fournisseurs de services télévisés payants.
L’ensemble de ce dispositif a porté ses fruits, puisque, selon les
évaluations de la Cour, le taux de fraude à la redevance ne dépasse pas
aujourd’hui 1,25 %, alors qu’en 2004, donc avant la réforme, il était
estimé par la direction générale de la comptabilité publique à plus de 6 %.
Pour les seules résidences secondaires, il avait été évalué à plus de 65 %
en 1999.
Il est vrai, néanmoins, que cette diminution de la fraude résulte
certainement pour une large part de la réduction du nombre des
redevables et qu’elle aura donc eu pour prix une renonciation à des
ressources potentielles
150
:
−
du fait de l’abandon de toute taxation des récepteurs dans les
résidences secondaires, qui a mécaniquement restreint la
principale source de fraude ;
−
en raison aussi de l’extension des dégrèvements et du maintien
temporaire d’exonérations au titre des « droits acquis » qui ont
de facto réduit également le nombre de redevables et ainsi le
nombre maximal théorique des fraudeurs potentiels.
Enfin, la simplification de la collecte et du régime de
dégrèvements, ainsi que la diminution de la fraude, sont de nature à
rendre la redevance mieux acceptée.
150) Le manque de statistiques comparatives entre l’ancien et le nouveau système ne
permet pas de donner une évaluation chiffrée.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
399
C - Le coût de la réforme et les économies réalisées
En termes d’organisation et de moyens, la réforme était d’une
ampleur non négligeable : entraînant la suppression du service de la
redevance qui existait jusqu’alors au sein de la direction générale de la
comptabilité publique et le redéploiement d’un millier d’agents, elle a
effectivement permis des économies appréciables dans les coûts de
gestion de la redevance.
En revanche, une partie de ces économies ne s’est pas traduite par
des gains de productivité immédiats pour l’Etat.
1 -
La suppression du service de la redevance
Le service de la redevance, qui a cessé ses activités à compter du
31 décembre 2004 et dont la suppression est intervenue par décret le
30 septembre 2005, assurait auparavant la détermination de l’assiette, le
recouvrement et le contrôle de la redevance audiovisuelle.
Sur les quelque 1400 agents concernés,
−
environ 400 agents chargés du contrôle de la redevance répartis
sur le territoire n’ont changé ni de poste ni de site ; désormais
rattachés aux trésoreries générales, ils ont continué à assurer la
même fonction ;
−
environ 500 personnes ont été affectées à des activités
nouvelles (par exemple, les centres « prélèvement services » de
Lille et de Rennes, spécialisés dans la gestion à distance du
prélèvement automatique des impôts des particuliers, ou la
trésorerie du contrôle automatisé de Rennes qui gère les
amendes routières issues des radars automatiques) ;
−
un peu moins de 500 personnes ont été reclassées dans les
services traditionnels du Trésor public.
Les réaffectations d’agents dans ces services traditionnels sont
intervenues au cours de l’année 2005 où le total des effectifs de la
direction générale de la comptabilité publique a seulement diminué de
480 agents (57 275 à fin 2004, 56 795 à fin 2005), alors que la
suppression d’un millier de postes au service de la redevance aurait dû
permettre une diminution plus importante
151
.
151) La direction générale de la comptabilité publique a recruté 1100 personnes en
2005.
400
COUR DES COMPTES
Le plan d’accompagnement social a fait l’objet d’un accord, signé
par les ministres et les organisations syndicales le 25 novembre 2004,
intitulé « Relevé de conclusions relatif au plan d’accompagnement
social ».
Les reclassements de personnel ont été assortis d’engagements
variés, sous forme de garanties géographiques, de rémunérations, de
qualification ou de formation. Des indemnités exceptionnelles ont été
accordées sans base réglementaire, alors même que les agents restaient,
pour la plupart, non seulement dans la même direction, mais sur le même
site ou dans la même ville.
En termes d’économies de gestion, alors qu’elles en constituaient
un volet important, la réforme n'est ainsi qu'un demi-succès.
2 -
Le coût et les économies induits par la réforme
Les mesures exceptionnelles qui ont accompagné la suppression du
service de la redevance ont coûté un peu moins de 8 M€.
Ce
coût se décompose comme suit, étant précisé qu’il ne prend
pas en compte le plan de promotions exceptionnelles, la direction
générale de la comptabilité publique ne s’estimant pas en mesure de le
chiffrer
152
:
Tableau n°1 : coût des indemnités exceptionnelles versées et de
la formation
Nature
Montant (€)
Indemnité exceptionnelle de mutation
2 063 840
Indemnité exceptionnelle de reconversion
197 226
Prime exceptionnelle de 500 € par agent
700 000
Formation
4 768 500
TOTAL
7 729 566
Source : direction générale de la comptabilité publique
Bien que partiel, ce coût n’est pas disproportionné par rapport aux
enjeux, dès lors que la réforme de la redevance a permis des économies
de gestion pérennes d’un montant bien supérieur.
152) Cette direction n’a pas non plus été en mesure d’indiquer le nombre de ces
promotions. Celui-ci n’était pas indiqué dans le « Relevé de conclusions relatif au
plan d’accompagnement social ».
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
401
En effet, si l’organisation antérieure avait été maintenue, le coût
complet de gestion de la redevance audiovisuelle aurait été de l’ordre de
155 M€ en 2006, sur la base actualisée d’une estimation élaborée par
l’inspection générale des finances en 1999.
Par comparaison, le coût effectif de la gestion de la redevance en
2006 ressort à 54,5 M€, à partir des éléments suivants :
−
le coût actuel des services de contrôle de la redevance qui
fonctionnent désormais au sein des trésoreries générales, est
évalué à environ 16 M€ par an ;
−
un seul avis est émis pour la taxe d’habitation et la redevance
audiovisuelle et leur recouvrement est conjoint, donc sans
surcoût de traitement administratif, à la réserve près du surcroît
de contentieux évoqué ci-après ;
−
de fait, le regroupement des paiements de la taxe d’habitation
et de la redevance audiovisuelle à une échéance unique a
engendré des contentieux, dont le coût de gestion est évalué à
23,5 M€ en 2005 : en particulier, le paiement simultané de
116 € de redevance par foyer et de 300 € en moyenne de taxe
d’habitation a occasionné un alourdissement sensible de charge
de trésorerie pour nombre de redevables aux revenus modestes ;
ce coût devrait cependant diminuer avec la progression de la
mensualisation du paiement de ces deux impositions, qui ne
concerne aujourd’hui que 32,39 % des redevables ;
−
enfin, la réforme de la redevance a fait supporter à l’Etat des
coûts de trésorerie pérennes de 15 M€ par an
153
qui ne pourront
également être allégés que par une augmentation du taux de
mensualisation du paiement conjoint de la taxe d’habitation et
de la redevance : ils tiennent à ce que les redevables paient
désormais leur redevance en même temps que la taxe
d’habitation, c’est-à-dire à la fin de l’année civile, alors
qu’auparavant le produit de la redevance était encaissé et
reversé aux sociétés de l’audiovisuel public de manière plus
étalée au cours de l’année ; l’Etat le leur verse désormais
chaque mois, par douzième, dès le début de l’année.
153) Le taux d’intérêt retenu par l’Etat est le taux d’adjudication des bons du trésor à
taux fixe (BTF) et à intérêts précomptés émis pour une durée de 13 semaines, taux
moyen pondéré du mois courant, majoré de 5 points de base.
402
COUR DES COMPTES
Comparé au coût du système précédent (155 M€)
et ainsi ramené à
54,5 M€
154
, l’ensemble des coûts de gestion de la redevance diminue
d’environ 100 M€ par an, soit près des deux tiers du coût complet de
l’ancien service de la redevance. L’économie est substantielle.
Dans la mesure où l’Etat a prélevé en 2005 et 2006 sur le produit
de la redevance des frais forfaitaires de gestion et de trésorerie de
24 M€
155
par an, alors que ce prélèvement était de 74 M€ en 2004 - soit
un gain pour l’audiovisuel public de 50 M€ -, on pourrait en conclure que
l’audiovisuel public et l’Etat se partagent les 100 M€ d’économies
réalisées dans une proportion sensiblement égale.
Ce n’est, toutefois, pas le cas. En effet, ces économies ne se sont
pas entièrement matérialisées pour ce qui concerne l’Etat, puisqu’un tiers
des agents du service de la redevance ont été reclassés dans le réseau du
Trésor public, sans réduction globale corrélative des effectifs du réseau.
Le gain pour l’Etat reste donc, pour l’instant, en grande partie théorique.
II
-
L’impact de la réforme sur le financement de
l’audiovisuel public
Les données du financement de l’audiovisuel public et la place
qu’y tient la redevance n’ont pas été substantiellement modifiées par la
réforme intervenue en 2005. Les problèmes soulignés par la Cour en
2004, alors que cette réforme venait d’être approuvée par le
Parlement,
restent ainsi entiers.
A - Les constats de la Cour en 2004
Dans son rapport public pour l’année 2004, la Cour avait pris
position sur la question du financement de l’audiovisuel public à
l’occasion de développements consacrés au groupe France Télévisions.
Elle relevait que, depuis la constitution du groupe en 2000, un écart
structurel s’était maintenu entre l’évolution des dépenses du groupe et
celle des ressources publiques
permettant d’y faire face. Cet « effet de
ciseaux » résultait d’une croissance de la ressource publique d’environ
2,6 % par an de 2000 à 2003, alors que, sous l’effet notamment des
dépenses de personnel et des achats de programmes, la croissance
tendancielle des charges de France Télévisions se situait entre 4 et 5 %
par an. Cet écart structurel, d’au moins un point et demi, avait été atténué
154) 16 M€ +23,5 M€ +15M€ = 54,5 M€
155) Ce prélèvement passe à 40 M€ en LFI 2008.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
403
par une progression dynamique des ressources publicitaires, dont la Cour
soulignait néanmoins le caractère précaire, compte tenu des incertitudes
pesant sur un marché publicitaire aléatoire et fortement concurrentiel.
La Cour était ainsi amenée à conclure que «
si l'Etat veut placer la
télévision publique en situation de financer les ambitions qui lui sont
assignées pour le contenu de ses programmes, il ne dispose que de deux
variables d'ajustement : l'assouplissement de l'encadrement actuel de la
diffusion d'écrans publicitaires ou l'accroissement du taux de la
redevance. De l'avis de la direction du développement des médias, la
première solution remettrait en cause un équilibre politique difficilement
trouvé avec la presse écrite et le secteur privé et comporterait en outre le
risque d'inciter à une course à l'audience qui compromettrait les lignes
éditoriales. Quant à la redevance, les administrations de tutelle n'ont pas
été en mesure d'évaluer l'effet que la modification des modalités de
recouvrement par adossement à la taxe d'habitation pourrait avoir sur
son rendement. Tout laisse penser cependant que l'amélioration attendue
de la collecte sera loin d'être à la hauteur des besoins de financement qui
ont été évoqués. Si cette hypothèse devait être confirmée, l'Etat et France
Télévisions se trouveraient placés devant le choix difficile d'avoir à
accepter et justifier une augmentation du montant de la redevance ou, à
défaut, de revoir le périmètre de la télévision publique, celle-ci n'étant
plus en mesure de couvrir la diversité des programmes de ses chaînes. »
B - Une augmentation peu significative des ressources
tirées de la redevance à la suite de la réforme
Les travaux parlementaires préalables à la réforme de 2005
faisaient état de l’attente d’un « gain substantiel de produit » de la
redevance.
Cette attente était excessive, dans la mesure où la réforme a eu
pour effet immédiat de réduire la base taxable, en exemptant les foyers
qui disposent d’une résidence secondaire du paiement d’une redevance
additionnelle, et en dégrevant de redevance environ un million de
personnes qui y étaient jusque là assujetties tout en ne payant pas la taxe
d’habitation.
Avec une base ainsi réduite dans des proportions difficiles à
estimer compte tenu de la fraude massive sur les résidences secondaires,
mais dont l’ordre
de grandeur peut être situé à 10 %, le fait que le produit
de la redevance ait néanmoins crû de 1 % par an en 2005 et en 2006 par
rapport à la dernière année de mise en oeuvre de l’ancien système est un
incontestable succès en termes de rendement. Cette évolution s’est
poursuivie en 2007.
404
COUR DES COMPTES
Cependant, une trajectoire de croissance annuelle de 1 % par an
pour la redevance depuis l’entrée en vigueur de la réforme, si elle ne
diminue pas le bien-fondé de celle-ci, implique que la croissance de son
produit restera tendanciellement inférieure à celle des dépenses de
l’audiovisuel public.
Deux dispositions prévues par la loi étaient certes susceptibles
de
compenser la réduction de la base taxable intervenue en 2005.
La première était la définition des postes de télévision, étendue par
la loi de finances pour 2004 aux « dispositifs assimilés », ce qui visait les
ordinateurs équipés d’une carte de télévision et d’autres appareils comme
les
téléphones portables. Cependant, la redevance n’étant due qu’une fois
par foyer, quel que soit le nombre de récepteurs possédés, et 91 % des
foyers déclarant spontanément en posséder un, l’administration a préféré,
non sans raison, faire l’hypothèse que le nombre de foyers qui
disposeraient de dispositifs assimilés mais non d’un téléviseur était limité,
et que leur taxation effective entraînerait des difficultés hors de
proportion avec le produit supplémentaire à en attendre.
La seconde était l’assujettissement, prévu pour 2008, des
personnes jusque là assujetties à la
taxe d’habitation, mais exemptées de
redevance. Estimée à un million de personnes lors du vote de la loi en
2004, la population, qui bénéficiait ainsi de « droits acquis » au titre de
l’ancien régime d’exonération de la redevance, ne serait plus aujourd’hui
que d’environ 780 000 personnes, selon la direction générale des impôts.
Toutefois, cette exonération transitoire vient, pour les principaux
bénéficiaires (personnes âgées), d’être reconduite pour l’année 2008, et,
pour les bénéficiaires handicapées, d’être rendue définitive, l’ensemble
pour un coût total évalué à 81 M€, soit 3,5 % du produit de la redevance
en 2006.
La marge de progression à attendre d’un élargissement de l’assiette
de la redevance n’est ainsi pas de nature à régler le problème du produit
de cette taxe, face aux besoins de financement de l’audiovisuel public.
L’assujettissement intégral des « droits acquis » en 2009 produirait un
surcroît de recettes équivalent à la progression annuelle des budgets des
sociétés concernées. Il ne ferait donc que différer d’un an les choix à
opérer pour le budget de l’audiovisuel.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
405
C - Un montant bas et inchangé depuis 2002
Dans la progression limitée du rendement de la redevance, ce n’est
pas l’assiette, mais le montant et le choix fait depuis cinq ans de ne pas le
réévaluer qui sont en cause.
Le montant de la redevance avait augmenté de 36 % entre 1990 et
2002, soit une moyenne annuelle de 2,9 %. Il n’a pas été relevé depuis
2002. L’adossement à la taxe d’habitation a même conduit à un
ajustement technique, à la baisse, de cinquante centimes, les logiciels de
la direction générale des impôts n’acceptant pas les centimes.
Avec un montant resté fixé, en 2007, à 116 € en France
métropolitaine et 74 € dans les départements d’outre-mer, la redevance
est ainsi maintenue à un niveau à peine supérieur à la moitié de celui de
plusieurs pays européens, dont l'Allemagne et la Grande-Bretagne, soit
environ 200 € dans ces deux pays.
Tableau n°2 : comparaisons européennes
Pays
Montant
annuel de la
redevance
(en €, en
2006)
Ressources
publiques
totales affectées
au secteur
audiovisuel
public
(en M€, en
2006)
Ressources
publiques affectées
au secteur
audiovisuel public
par habitant (en €)
Part
d'audience
du secteur
audiovisuel
public
(en 2005)
France
116,00
2 736
44,93
39 %
Allemagne
204,36
7 120
(1)
86,35
44 %
Royaume Uni
196,25
4 773
79,08
42 %
(1)
Chiffre 2005
Source : direction du développement des médias
L’absence de revalorisation régulière du montant érode les
ressources de l’audiovisuel public et pourrait faire peser un aléa à terme
sur le système de financement par la redevance. En effet, le blocage
maintenu depuis 2002 correspond à une réduction de 10 % du
financement par la redevance du simple fait de l’inflation. Si l’option
politique est maintenue de différer le choix en faveur d’une hausse de la
redevance, à tout le moins un réajustement visant à compenser cette
érosion devrait être envisagé.
406
COUR DES COMPTES
Il s’agirait ainsi de maintenir une cohérence minimale entre les
engagements pris par l’Etat dans le cadre des contrats d’objectifs et de
moyens des sociétés de l’audiovisuel public et l’évolution de la ressource
publique qui leur est affectée par la loi. La Cour ne préconise
naturellement pas un alignement mécanique de celle-ci sur ceux-là, qui
dispenserait
l’audiovisuel
public
de
l’effort
d’économie
et
de
développement de ses ressources propres qui lui incombe comme au reste
du secteur public concurrentiel. Mais la non-réévaluation du taux de la
redevance ne lui paraît pas, à terme, compatible avec sa nature de
ressource affectée à un objet déterminé, les dépenses de l’audiovisuel
public, alors que celles-ci connaissent un rythme de croissance soutenu
dont le gouvernement ne prévoit pas la diminution dans les années à
venir.
D - Des budgets de l’audiovisuel public en hausse, des
ressources propres en baisse depuis 2007
Les contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus, entre 2005
et 2007, par l’Etat et chacune des quatre principales entreprises qui
bénéficient de la redevance, l’Institut national de l’audiovisuel, Radio
France, France Télévisions et ARTE (ces deux derniers en mars 2007),
d’une durée de 5 ans, prévoient tous des augmentations importantes des
dotations publiques des sociétés : pour 2008, les augmentations prévues
sont respectivement de 3,5 % pour France Télévisions, de 3,6 % pour
l’INA, de 4 % pour Radio France (dont une dotation d’investissement de
14,3 M€ pour la réhabilitation de la Maison de Radio France) et de 4,2 %
pour ARTE.
Seule Radio France Internationale, qui relève de la problématique
générale de l’audiovisuel extérieur, n’est pas encore dotée d’un COM,
mais les tutelles de cette société se sont fixé pour objectif d’en conclure
un dans les mois à venir.
Ces augmentations, qui échappent à la norme de croissance des
dépenses du budget de l’Etat
156
, excèdent de deux points et demi le taux
de croissance constaté en 2005 et 2006 du produit de la redevance.
156) Les ressources publiques de l’audiovisuel public proviennent d’un compte
spécial qui n’entre pas dans le budget général de l’Etat. Ce compte est alimenté d’une
part par la redevance et d’autre part par la mission « remboursements et
dégrèvements » du budget général, dont les crédits sont évaluatifs et n’entrent pas
dans le périmètre de la norme de dépenses (cf. le rapport de la Cour sur la situation et
les perspectives des finances publiques, juin 2007).
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
407
Dans le même temps, les ressources propres du secteur audiovisuel
public qui correspondent pour l’essentiel (plus des deux tiers) aux recettes
publicitaires de France Télévisions, accusent un infléchissement sensible,
après avoir connu une progression dynamique depuis le début des années
2000.
Cette progression est reflétée dans le tableau ci-après, qui retrace
les prévisions en lois de finances initiales pour 2001 et 2007.
Tableau n°3 : les ressources du service public de l’audiovisuel
(en millions d’euros)
2001
2007
2007-2001
2007/2001
Produit de la
redevance
1 925
2 281
+ 356
+18%
Remboursement des
exonérations
413
509
+ 96
+23%
Subvention MAE
69
74
+ 5
+7%
Total ressources
publiques
2408
2 864
+ 456
+19%
Ressources propres
630
904
+ 274
+43%
Total
3 038
3 768
+ 830
+27%
Source : lois de finances initiales 2001 et 2007
Or, les prévisions budgétaires pour 2007 ont été démenties. Après
plusieurs années où les recettes publicitaires de France Télévisions ont
progressé plus vite (de 6,8 % en 2006) que le marché publicitaire
télévision dans son ensemble (5,5 %), la tendance s’est inversée en 2007 :
alors que la croissance du marché publicitaire du premier semestre de
l’année s’est établie à 6,8 %,
les recettes publicitaires du groupe France
Télévisions ont globalement baissé d’environ 5 %. Cela tient pour partie à
une évolution structurelle : la hausse de la publicité télévisuelle se
concentre désormais sur les chaînes de la télévision numérique terrestre
(TNT), du câble et du satellite, où France Télévisions est relativement peu
présente, le marché des chaînes hertziennes stagnant (+0,9 %). Cette
évolution, si elle devait se poursuivre, remettrait en cause le contexte de
croissance de ses ressources publicitaires qui avait permis à France
Télévisions de maintenir une situation financière équilibrée au cours des
années récentes.
408
COUR DES COMPTES
E -
Des perspectives préoccupantes pour le budget
général de l’Etat
Dans l’état actuel des choses, si la perspective d’une revalorisation
de la redevance continue d’être écartée, les incertitudes et les limites d’un
financement additionnel tiré du marché publicitaire risquent de désigner
par défaut le budget général de l’Etat comme la principale source de
financement destinée à faire face aux besoins supplémentaires de
l’audiovisuel public.
D’ores et déjà, le budget général est mis à contribution au titre du
remboursement des dégrèvements de redevance pour motifs sociaux, que
l’Etat doit compenser intégralement en vertu de la loi du 1
er
août 2000.
Cette charge a cru au cours des années récentes, sans qu’elle atteigne le
niveau réel des dégrèvements de redevance pour motif social constatés.
Elle s’en rapproche néanmoins, et la perspective existe désormais d’un
financement structurel de l’audiovisuel public par le budget général au-
delà de cette obligation.
L’article 55 de la loi de finances pour 2005 avait fixé à 440 M€ les
crédits ouverts à ce titre, tout en instaurant, sur amendement
parlementaire, un mécanisme qui garantit la ressource publique des
organismes du service public de l’audiovisuel : si les encaissements de
redevance sont inférieurs au montant inscrit en loi de finances initiale, le
budget général compensera à due concurrence ce manque à gagner. Ce
mécanisme, présenté en 2005 comme provisoire et destiné à protéger les
ressources des aléas de la transition de l’ancien au nouveau régime, a été
reconduit en 2006 et 2007. Il conduit à une majoration du plafond des
dégrèvements pris en charge par le budget général en cas d’encaissements
de redevance inférieurs aux prévisions. C’est ce qui s’est produit en 2005,
2006 et 2007, années au cours desquelles le mécanisme de garantie a été
appelé à jouer et a provoqué les réévaluations du plafond.
Tableau n°4 : remboursement des dégrèvements par le budget général
Remboursement
dégrèvements sociaux
2005
2006
2007
2008
Plafond prévu en loi de
finances initiale
440
440
509
493
157
Montant réévalué
469
505
*
-
Source : lois de finances initiales 2005 à 2007 et projet de loi de finances
pour 2008
157) Montant inscrit au PLF 2008.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
409
La
contribution
du
budget
général
au
financement
de
l’audiovisuel public a ainsi progressé de 38% de 2005 à 2007. Elle a
représenté en 2007 près du quart du produit de la redevance.
En pratique, le budget général a été mis à contribution pour un
montant resté inférieur à celui des dégrèvements effectivement intervenus
pour motifs sociaux (571 M€ en 2006). Cependant, le jeu combiné du
mécanisme de garantie de ressources et de l’écart entre la croissance de la
redevance et celle des budgets de l’audiovisuel public risque d’entraîner
l’apparition d’un financement complémentaire pour le budget général de
l’Etat, ce qui ôterait toute signification à la fixation d’un plafond.
Cette perspective appelle une plus grande clarté des coûts
budgétaires de l’audiovisuel public.
Une première clarification pourrait consister à compenser le
décalage entre la connaissance des ressources et l’autorisation des
dépenses qui, dans le cas de l’audiovisuel public, aboutit à conduire le
débat parlementaire sur les dépenses de l’année n+1 dans l’ignorance des
recettes de l’année n, le produit de la taxe d’habitation et de la redevance
ne pouvant être estimé qu’en décembre. Ce décalage serait atténué si, en
cas de moins-value des recettes de la redevance constatée en fin
d’année n, le Parlement était conduit à se prononcer à nouveau sur le
financement des organismes de l’audiovisuel public à l’occasion de
l’examen de la première loi de finances rectificative de l’année n+1.
Une autre clarification pourrait consister à intégrer dans un
nouveau programme
ad hoc
rattaché à la mission « Médias » le montant
des dégrèvements de redevance, qui sont actuellement imputés au
programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’Etat ».
410
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La réforme de la redevance a été un relatif succès en termes de
simplification
de la collecte et d’amélioration du service rendu au
public. En revanche, toutes les économies de gestion à en attendre n’ont
pas été réalisées.
Surtout, la réforme n’apporte pas de solution au problème du
financement de l’audiovisuel public, dans un contexte rendu difficile par
les charges accrues prévues par les contrats d’objectifs et de moyens et
l’évolution défavorable des recettes publicitaires des chaînes publiques.
Ces
circonstances
amènent
la
Cour
à
formuler
deux
recommandations :
- la première est d’améliorer la transparence des coûts
budgétaires de l’audiovisuel public, grâce aux deux mesures mentionnées
ci-dessus : l’organisation d’un débat parlementaire sur le financement de
l’audiovisuel public en cas de moins-values des recettes de la redevance
par
rapport
aux
prévisions
budgétaires
et
l’imputation
des
remboursements de dégrèvements de la redevance à
la mission
Médias.
- la seconde est que la ressource prévue par la loi pour être
affectée au financement de l’audiovisuel public soit mise à contribution
en priorité pour faire face aux difficultés financières et aux besoins
croissants de ce secteur, sans naturellement le dispenser des mesures
d’économie et de rationalisation qui lui incombent. Le blocage nominal
depuis 2002 du montant de la redevance correspond à une baisse en
termes réels de l’ordre de 10 %. Le principe du financement par une
ressource affectée semble difficilement compatible avec une érosion de
fait de cette ressource.
En 2004, la Cour avait souligné que
le choix restait posé d’une
augmentation de la redevance allant au-delà de cette revalorisation ou
d’une réduction du périmètre et des objectifs de l’audiovisuel public. Le
Président de la République a ouvert, le 8 janvier 2008, la perspective
d'une suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision,
et donc d'une refonte d'ensemble du financement de l'audiovisuel public.
Entre la redevance, le remplacement des ressources publicitaires par le
produit de nouvelles taxations et les ressources budgétaires, l’équilibre
sera difficile à trouver, a fortiori de manière pérenne. En tout état de
cause, le financement par la redevance devrait demeurer un élément
majeur de l’ensemble, rendant d'autant plus sensibles ses limites, que la
Cour tient à rappeler.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
411
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE
ET DE LA COMMUNICATION
Le ministère de la culture et de la communication prend acte de
l’appréciation portée par la Cour sur le bilan de la réforme de la redevance
audiovisuelle et les perspectives du financement de l’audiovisuel public.
Le ministère de la culture et de la communication partage le constat
que fait Cour sur le risque de déstabilisation à terme du financement de
l’audiovisuel public, dont les besoins augmentent plus vite que la ressource
qui lui est affectée.
Le ministère de la culture et de la communication tient à rappeler que
France Télévisions, ARTE France, Radio France et l’Institut national de
l’audiovisuel ont chacune signé avec l’Etat un contrat d’objectif et de
moyens (COM), pluriannuel, qui définit la stratégie et les objectifs de
développement de chaque société et, en contrepartie, la participation
financière de l’Etat pour la durée du COM. Ainsi, il serait contraire aux
intérêts de la politique publique en matière d’audiovisuel de ne pas remplir
les engagements de l’Etat. Deux propositions formulées dans ce rapport, à
savoir la renégociation avec le Parlement en loi de finances rectificative des
dotations des sociétés de l’audiovisuel public et l’intégration des crédits de
remboursement des dégrèvements au sein du budget général de l’Etat,
pourraient mettre en péril l’équilibre des stratégies pluriannuelles de ces
sociétés et la notion même de contrat d’objectifs et de moyens, prévue par la
loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
***
Remarques complémentaires
La redevance audiovisuelle : réforme et perspectives
Certains points de l’insertion suscitent quelques remarques de la part
du ministère de la culture et de la communication.
Sur la proposition de revoir en loi de finances rectificative le montant des
subventions des sociétés de l’audiovisuel public.
* L’insertion propose « une disposition prévoyant qu’en cas de moins-value
des recettes de la redevance constatée en fin d’année n, le Parlement serait
amené à se prononcer à nouveau sur le financement des organismes de
l’audiovisuel public à l’occasion de l’examen de la première loi de finances
rectificative de l’année n+1 ». La mise en place de cette proposition n’est pas
recommandée pour deux raisons :
la redevance étant désormais payée par les contribuables en même
temps que la taxe d’habitation, les résultats de l’année n ne peuvent être
connus qu’en milieu d’année n+1. Il serait donc difficile pour les sociétés de
revoir à la baisse leur budget en cours d’année ;
412
COUR DES COMPTES
France Télévisions, ARTE France, Radio France et l’Institut national
de l’audiovisuel ont chacune signé avec l’Etat un contrat d’objectif et de
moyens (COM), pluriannuel, qui définit la stratégie et les objectifs de
développement de chaque société et, en contrepartie, la participation
financière de l’Etat pour la durée du COM. Ainsi, il serait contraire aux
intérêts de la politique publique en matière d’audiovisuel de ne pas remplir
les engagements de l’Etat.
Sur la proposition d’intégrer les crédits de remboursement et dégrèvements
à la mission du budget général de l’Etat « Médias ».
L’insertion indique qu’une solution à envisager pour clarifier le
financement de l’audiovisuel public serait l’intégration des crédits de
remboursements et dégrèvements en créant un programme dans la mission «
Médias ». Ces crédits sont actuellement des crédits évaluatifs, inscrits dans
le programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’Etat », hors
budget général de l’Etat. Ils viennent compléter les encaissements de
redevance, sur le compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel
public ». Ils représentaient 18% du total du compte dans la loi de finances
2007 et ils représentent 17% dans la loi de finances pour 2008.
Or, intégrer une partie du financement de l’audiovisuel public dans le
budget général de l’Etat n’apparaît pas recommandé. En effet, comme le
rapport le rappelle, l’objectif de la redevance est de garantir l’indépendance
des sociétés de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique et d’éviter
les difficultés de pilotage d’une entreprise soumise aux mesures budgétaires
de régulation. D’autre part c’est incompatible avec la logique de
contractualisation pluriannuelle prévue par la loi du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication, dans le cadre des contrats d’objectifs
et de moyens.
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
413
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Dans son insertion intitulée « La redevance audiovisuelle : réforme et
perspective », la Cour rappelle les objectifs de la réforme : l’amélioration du
recouvrement de la redevance, le souci d’équité conduisant notamment à
rechercher une réduction de la fraude et la réduction des coûts de la collecte
de façon à ne pas alourdir la charge de la collectivité.
Ces différents objectifs ont été remplis. La réforme de la redevance a
de plus permis de dégager des ressources nouvelles pour le financement des
organismes de l’audiovisuel public (entre 2004 et 2006, les encaissements
bruts de redevance ont progressé de 45 M€ pour s’établir à 2257 M€) tout en
permettant :
•
de limiter la taxe à une seule redevance par foyer,
•
de diminuer le taux de la redevance (116 € en 2005 contre 116,5 €
en 2004),
•
d’exonérer un plus grand nombre de contribuables grâce à
l’alignement sur la taxe d’habitation.
Analysant l’impact de la réforme sur le financement de l’audiovisuel
public, vous rappelez la difficulté de prévision pour les années 2005 et 2006,
liée au changement de régime du dispositif et aux dates tardives de
recouvrement de la redevance adossé à celui de la taxe d’habitation, elle-
même recouvrée en novembre et décembre chaque année.
L’exécution 2007 devrait permettre de donner un plus grand recul
pour mieux appréhender la dynamique des effets liés à la réforme et affiner
les hypothèses destinées à établir les projections pour les futures lois de
finances.
La Cour examine également le dispositif de garantie de ressources
aux organismes de l’audiovisuel public établi en 2005, qui conduit à majorer
le plafond des dégrèvements pris en charge par le budget général sur le
programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État » si les
encaissements de redevance sont moins élevés que prévus.
Il convient de rappeler que le mécanisme de garantie a bien été
reconduit, mais l’exécution 2007 n’étant pas encore connue, il n’est pas
encore possible de savoir s’il aura à être mis en oeuvre.
Je suis conscient que le système actuel de recouvrement de la
redevance implique de conduire le débat parlementaire sur les dépenses de
l’année n+1 dans l’ignorance des recettes de l’année
n.
414
COUR DES COMPTES
Je tiens toutefois à rappeler que, sans qu’il ne soit nécessaire de
prendre une disposition ad-hoc, la loi de finances rectificative constitue
d’ores et déjà un véhicule législatif adéquat pour permettre au législateur
d’examiner à nouveau l’équilibre du compte de concours financier « Avances
à l’audiovisuel public » qui retrace le financement des organismes de
l’audiovisuel public.
Afin de renforcer la clarté des coûts budgétaires de l’audiovisuel
public, vous proposez d’intégrer dans un nouveau programme, rattaché à la
mission « Medias », le montant des dégrèvements de redevance.
A l’occasion de l’examen au Sénat du projet de loi de finances pour
2008
et
de
la
mission
« Remboursements
et
Dégrèvements »,
le
Gouvernement
s’est engagé à conduire une réflexion d’ensemble sur la
refonte de cette mission, associant la représentation nationale
.
La Cour insiste en conclusion sur le risque que fait peser l’exécution
des contrats d’objectifs et de moyens (COM) signés entre l’État et les
organismes de l’audiovisuel sur le financement de l’audiovisuel public par le
budget général en raison d’une croissance prévisionnelle de la dotation
budgétaire allouée aux organismes plus forte que la croissance des
encaissements de redevance.
La Cour estime qu’il conviendrait donc de procéder à un examen
approfondi des modalités de financement de l’audiovisuel public.
L’engagement pris par l’Etat en faveur des organismes audiovisuels
ne dispense pas d’une réflexion de fond et prospective sur l’avenir de
l’audiovisuel public et de son financement, sans écarter aucune piste a
priori.
Observations techniques
Les données présentées dans le rapport sont exprimées tantôt en brut,
tantôt en net, rendant plus difficile leur interprétation et ne permettant pas de
les comparer. Ainsi, en page 395 le montant de 2,3 Md€ est brut, il comprend
les frais de gestion et de trésorerie alors qu’en page 407 le produit de la
redevance annoncé en LFI 2007 de 2.281 millions d’euros est donné en net
(hors frais de gestion et de trésorerie).
* Il est proposé de remplacer les deux premiers paragraphes débutant par :
«
Les 5 millions de foyers dégrevés ….. »
par les paragraphes suivants :
« Le nombre de redevables exonérés ou dégrevés d’office de la taxe
d’habitation s’établissait à prés de 4,4 millions en 2006. Du fait de la
réforme, ils bénéficient automatiquement d’un dégrèvement de la redevance
audiovisuelle. Il s’agit :
LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE : RÉFORME ET PERSPECTIVES
415
- sous réserve de respecter les conditions de cohabitation visées à
l’article 1390 du CGI, des bénéficiaires du RMI et des titulaires de
l’allocation supplémentaire prévue aux articles L. 815-2 ou L. 815-3 du code
de la sécurité sociale ;
- et, sous réserve de respecter les conditions de cohabitation susvisées
et des conditions de ressources prévue au I de l’article 1417 du code général
des impôts, des titulaires de l’allocation aux adultes handicapés, des
personnes âgées de plus de 60 ans ainsi que les veufs ou veuves quel que soit
leur âge et des infirmes ou invalides ne pouvant subvenir par leur travail aux
nécessités de leur existence ».
« Toutefois, dès lors que les champs d’exonération de la redevance et
de la taxe d’habitation ne se recouvraient pas totalement, un dispositif
transitoire applicable en 2005 et sous certaines conditions pour 2006 et
2007, a été institué afin de maintenir le bénéfice de l’exonération pour les
personnes qui ont été exonérées de redevance audiovisuelle en 2004 et qui,
compte tenu des dispositifs d'exonération applicables en taxe d'habitation ne
l'auraient plus été du fait de la réforme.
Il s’agit principalement :
-
des personnes âgées de plus de 65 ans non imposables à l’impôt sur
le revenu et à l’impôt de solidarité sur la fortune mais ayant un
revenu fiscal de référence supérieur à la limite prévue au I de
l’article 1417 ;
- des foyers dont l’un des membres est handicapé (cas le plus
fréquent, un enfant), ce dernier n’étant pas redevable de la taxe
d’habitation.
Plus de 700.000 personnes en 2007 (870.000 en
2006) sont dégrevées
de la redevance
audiovisuelle au titre du dispositif des droits acquis. »
* Il est proposé de remplacer dans le 1
er
paragraphe du C-1 :
« Supprimé le 31 décembre 2004, le service de la redevance assurait »
par la mention :
« Le service de la redevance, qui
a cessé ses activités à compter du
31 décembre 2004 et dont la suppression est intervenue le 30 septembre 2005
par le décret n° 2005-1232 du 30 septembre 2005 portant cessation de
l'activité du service de la redevance audiovisuelle et de l'agence comptable
du service de la redevance audiovisuelle, assurait »
* La dernière phrase devrait par ailleurs être complétée après le mot
« fonction » par les mots « à l’exception de l’assiette ».
Le rapport mentionne les frais de gestion et de trésorerie en précisant
que ceux-ci sont passés de 74 M€ en 2004 à 24 M€ prévus en 2007. Ce
montant de 24 M€ ne concerne que les seuls frais de gestion (tels qu’ils
apparaissent en LFI).
416
COUR DES COMPTES
Par conséquent il convient de nuancer la conclusion du gain de 50 M€
d’économies réalisées. En effet, il convient d’y ajouter les frais de trésorerie,
estimés en 2007 à 16 M€.
Au total, les frais de gestion et de trésorerie seront équivalents à ceux
de 2006, soit environ 40 M€. Le gain n’est donc pas de 50 M€ mais de 24 à
25 M€.
* Le rapport indique dans le dernier paragraphe de la partie I « qu’un tiers
des agents du service de la redevance ont été reclassés dans le réseau, sans
réduction globale corrélative du réseau. Le gain pour l’État resterait donc,
pour l’instant en grande partie théorique ».
Ce point n'est pas tout à fait exact. En effet, la DGCP a pu renforcer
la qualité du service rendu aux usagers et améliorer la qualité des
prestations du Trésor public en procédant aux transferts d’emplois
correspondants (au nombre de 500). Dans la durée, de nouvelles
suppressions d’emplois sont réalisées grâce aux gains de productivité eux
même générés par ces nouvelles activités (centres prélèvements services par
exemple).
* Le sixième paragraphe pourrait être remplacé par un paragraphe ainsi
rédigé :
« La première porte sur l’assiette de la redevance. La loi de finances
pour 2005 a maintenu le fait générateur de la redevance audiovisuelle à
savoir la détention d’un appareil récepteur de télévision ou d’un dispositif
assimilé permettant la réception de la télévision. Toutefois, le gouvernement
a maintenu le principe de la non-imposition des détenteurs de micro-
ordinateurs équipés pour la réception de la télévision. Plusieurs éléments
viennent justifier cette décision :
- cette taxation aurait été contraire à la volonté de développer la
société de l’information et les nouvelles technologies ;
- cette nouvelle taxation aurait été mal ressentie par les particuliers
ainsi que par les professionnels dotés d’un parc informatique équipé de
cartes tuner ;
- enfin, cette taxation aurait nécessité la mise en place de nouvelles
obligations déclaratives à la charge des professionnels et des modalités de
contrôle complexes. »
* Le début de la deuxième phrase du deuxième paragraphe ne paraît pas
d’actualité compte tenu du dernier état des débats au Parlement sur le
régime des « droits acquis ».
* Le rapport mentionne que le montant de la redevance est bas et inchangé
depuis 2002, ce qui n’est pas tout à fait exact. En effet, le montant de la
redevance est passé de 116,5 € en 2004 à 116 € en 2005. Sur 20 millions de
comptes payants, la moindre recette est donc d’environ 10 M€.