Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Jugement n° 2022-0018
Audience publique du 6 octobre 2022
Prononcé du jugement le 24 octobre 2022
Syndicat mixte pour la valorisation des déchets
de Corse (SYVADEC)
(Haute-Corse)
Trésorerie de Corte-Omessa
Exercices : 2016 à 2019
JUGEMENT
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Chambre régionale des comptes Corse
Vu
le réquisitoire n° 2022-0004 du 7 février 2022 du procureur financier près la chambre
régionale des comptes Corse, enregistré au greffe le même jour et notifié le 7 février 2022 à
M. Z…, président du syndicat mixte pour la valorisation des déchets de Corse (SYVADEC)
ainsi qu’à Mme Y…, comptable du SYVADEC. M. Z…, en a accusé réception le
9 février 2022. Mme Y…, en a accusé réception le 12 février 2022 ;
Vu
les justifications produites au soutien du compte en jugement ou recueillies au cours de
l’instruction ;
Vu
l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 ;
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
le rapport n° 2021-0018 de M. Frédéric Leglastin, président de section, magistrat chargé
de l’instruction ;
Vu
les conclusions n° 2022-0018 du procureur financier du 20 mai 2022 ;
Vu
les lettres du 11 juillet 2022, adressées au comptable et à l’ordonnateur, les informant de
l’inscription de l’affaire à l’audience publique, dont ils ont accusé réception les
18 et 22 juillet 2022 ;
Vu
les autres pièces au dossier ;
2
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Entendu
lors de l’audience publique du 6 octobre 2022, M. Leglastin en son rapport,
M. Jacques Barrière, procureur financier, en les conclusions du ministère public ; le comptable
et l’ordonnateur, dûment informés de la tenue de l’audience, n’étant ni présents ni
représentés ;
Entendu
en délibéré M. Gérald Arbeltier, premier conseiller, en ses observations ;
ORDONNE CE QUI SUIT
Sur la présomption de charge unique, soulevée à l’encontre de la comptable, au titre de
l’exercice 2019 :
Attendu
que, par le réquisitoire susvisé, le ministère public fait grief à Mme Y…, comptable
du SYVADEC, de ne pas avoir établi la preuve des diligences accomplies en vue du
recouvrement de deux titres de recettes émis à l’encontre de l’association « Amorce » et du
centre hospitalier de Bastia pour un montant total de 6 125 euros (
€
) :
- titre de recette n° T-873, émis à l’encontre de l’association « Amorce » et pris en charge
le 9 décembre 2015 pour un montant de 5 000,00
€
;
- titre de recette n° T-925, émis à l’encontre du centre hospitalier de Bastia et pris en
charge le 16 décembre 2015 pour un montant de 1 125,00
€
;
Sur le manquement présumé du comptable
Attendu
qu’aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée,
« les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils
sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses, et de patrimoine, dans les
conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors (...) qu’une recette n’a
pas été recouvrée (…) » ;
Attendu
que l’article L. 1617-5, 3° du code général des collectivités territoriales dispose que
«
L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances (…) des établissements
publics locaux (…) se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de
recettes. Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes
comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la
prescription
» ; qu’ainsi, à défaut d’avoir valablement interrompu le délai précité avec une
demande de paiement, régulièrement notifiée au débiteur, qui aurait préservé les droits du
SYVADEC, l’action en recouvrement des deux titres de recettes en cause pourrait avoir été
atteinte par la prescription au cours de l’exercice 2019 ;
Attendu
que Mme Y…, comptable mise en cause, n’a pas apporté de réponse au réquisitoire
susvisé ;
Attendu
que le président du SYVADEC a adressé deux courriers de réponse au réquisitoire
susvisé, les 26 février et 17 mars 2022 ;
3
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Sur le titre n° T-873 d’un montant de 5 000,00
€
Attendu
qu’au cours de la procédure contradictoire, l’ordonnateur a précisé que des lettres de
mise en demeure ont été adressées par la comptable à l’association Amorce les 6 janvier 2016
et 10 décembre 2018, sans toutefois produire la preuve de ces envois ni de leur réception par
l’association débitrice. L’ordonnateur précise par ailleurs que l’association Amorce aurait
constitué une provision et se serait engagée à payer la somme susvisée avant la fin du mois
de mai 2022, sans que la preuve de ce paiement ait été apportée ;
Attendu
que le second alinéa du 5° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités
territoriales dispose que
« la mise en demeure de payer interrompt la prescription de l’action
en recouvrement »
; que cependant, l’effet interruptif de la prescription n’est certain qu’à la
condition que le comptable puisse apporter la preuve que cet acte a été notifié au débiteur ;
Attendu
que seule la réception par le destinataire emporte notification ; qu’à défaut de
production de la preuve de la réception desdits courriers, la prescription de l’action en
recouvrement n’est pas interrompue ;
Attendu
que Mme Y…, qui n’a pas apporté la preuve de l’existence de diligences adéquates,
complètes et rapides pour recouvrer le titre n° T-873 objet du réquisitoire susvisé, a commis
un manquement ayant engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur le titre n° T-925 d’un montant de 1 125,00
€
Attendu
que, dans sa réponse, l’ordonnateur précise que le titre n° T-925 d’un montant de
1 125,00
€
aurait été recouvré par erreur sous l’intitulé du titre n° T-936 émis et encaissé au
cours de l’exercice 2016 ; qu’il joint un certificat administratif daté du 22 février 2022 justifiant
de l’annulation du titre n° T-925 ainsi que la copie du mandat d’annulation n° T-547 en date
du 24 février 2022 pour un montant de 1 125,00
€
, intitulé « annulation du titre 925 de 2015 » ;
Attendu
que ni la comptable ni l’ordonnateur n’ont pu produire la copie du titre n°T-936 ; que
l’instruction n’a pas permis d‘établir avec certitude sa date d’émission, de prise en charge et
d’encaissement et d’attester qu’il s’agissait d’un titre émis en doublon du titre n°925 ; qu’en
revanche, l’ordonnateur a rapporté la preuve de la prise en charge par la comptable d’un
mandat n° T-547 du 24 février 2022 d’un montant de 1 125,00
€
intitulé « annulation du
titre 925 de 2015 » ; qu’en conséquence la caisse publique a été rétablie ;
Attendu
que le rétablissement de la caisse exonère le comptable de sa responsabilité
personnelle et pécuniaire dès lors que celui-ci est intervenu avant le prononcé du jugement ;
qu’il n’y a donc pas lieu de retenir de charges à l’encontre du comptable ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée
« lorsque le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à
l’organisme public concerné […], le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses
deniers personnels la somme correspondante »
;
Attendu
que le constat de l'existence ou non d'un préjudice financier relève de l'appréciation
du juge des comptes ; que, si au regard du caractère contradictoire de la procédure, ledit juge
doit tenir compte pour cette appréciation des dires et actes éventuels de l'organisme public qui
figurent au dossier, il n'est pas lié par une déclaration de l'ordonnateur indiquant que ledit
organisme n'aurait subi aucun préjudice financier ;
4
/
4
Quartier de l'Annonciade - CS 60305 - 20297 Bastia Cedex - www.ccomptes.fr
Attendu
que la comptable ne s’est pas prononcée sur l’existence d’un éventuel préjudice
financier ;
Attendu
que le défaut de recouvrement d'une créance cause, en principe, un préjudice
financier à la collectivité concernée ;
Attendu
qu’en l’espèce, le défaut de recouvrement du titre précité n° T-873, à l’origine d’un
manquant en caisse, est constitutif d’un préjudice financier pour le SYVADEC ; qu’il convient
dès lors de constituer Mme Y…, débitrice envers le SYVADEC pour la somme de 5 000,00
€
au titre de sa gestion de l’exercice 2019, laquelle portera intérêt au taux légal à compter de la
date de réception du réquisitoire au comptable, soit le 12 février 2022 ;
PAR CES MOTIFS,
Article 1
er
: Mme Y…, est constituée débitrice du SYVADEC de la somme de cinq mille euros
(5 000,00
€
) au titre de l’exercice 2019, augmentée des intérêts de droit à compter du
12 février 2022 ;
Article 2 :
Mme Y…, ne pourra être déchargée de sa gestion sur l’exercice 2019 qu’après
apurement du débet fixé ci-dessus ;
Article 3 :
Mme Z…, est déchargée de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2016 au
31 décembre 2018 ;
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Corse par Mme Nathalie Gervais, présidente,
M. Gérald Arbeltier, premier conseiller et réviseur et Mme Céline Episse, première conseillère.
La greffière
Maddy Azzopardi
La présidente
Nathalie Gervais
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre
ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de
la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
CONDITIONS D'APPEL :
Code des juridictions financières – article R. 242-19 et suivants : «
Les jugements rendus par
les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives
par la voie de l'appel devant la Cour des comptes
» (…) – article R. 242-23
« L’appel doit être
formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
»