La réforme de la gestion des pensions
des fonctionnaires de l’Etat
_____________________
PRESENTATION
____________________
La gestion des pensions de retraite des fonctionnaires de l’Etat est
un cas typique des difficultés chroniques que l’Etat continue d’éprouver
pour moderniser son administration.
Ce constat, déjà effectué par la Cour dans son rapport public
particulier de 2003 sur les pensions des fonctionnaires, est, pour
l’essentiel, ressorti inchangé, quatre ans plus tard, d’un ensemble de
contrôles menés par la Cour en 2007 sur la chaîne de traitement des
pensions de retraite, notamment de l’enquête, demandée par le président
de la commission des finances du Sénat
139
, sur le service chargé d’allouer
les retraites.
Toujours, en place, l’organisation ancienne, propre à l’Etat, pour
l’attribution et le paiement des retraites justifie de longue date une
rénovation en profondeur. Si, de façon générale, les pensions sont bien
versées dans les règles et à temps, le système de gestion utilisé se
caractérise par une sous-productivité particulièrement coûteuse, puisque
les économies possibles sont évaluées à 1 200 emplois, soit 40 % des
effectifs actuels, et par une médiocre qualité de service.
139) Cette enquête a été réalisée en application des dispositions de l’article 58-2° de
la (LOLF). Elle a donné lieu, en octobre 2007, à deux auditions par la commission des
finances du Sénat, l’une des responsables concernés de l’administration, l’autre du
secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique auprès du ministre du budget, des
comptes publics et de la fonction publique. Ces débats et les travaux de la commission
ont été publiés sous la forme d’un rapport d’information n° 27 (2007-2008).
382
COUR DES COMPTES
Au cours des dernières années, aussi bien la réforme des retraites
de 2003 (la loi Fillon) que celle des finances publiques de 2001 (la
LOLF) ont accru la nécessité d’agir. Mais l’inertie a largement continué
de l’emporter, avant tout en raison d'une défaillance de direction au sein
de l’État : sous-estimation de l'enjeu de gestion, impulsion politique
fugace, manque de vision, de détermination et parfois de savoir-faire
managérial
de
la
part
de
l'administration,
difficulté
à
gérer
l’interministérialité.
Les travaux de la commission des finances du Sénat, à la suite de
l’enquête de la Cour et auxquels elle a été associée, ont confirmé ces
carences. En soulignant toute l’importance des conséquences, tant pour
le contribuable que pour l’usager – fonctionnaire retraité ou en activité -,
la commission a conclu en appelant à un engagement rapide de la
réforme. En réponse, le Gouvernement a annoncé qu’elle sera lancée en
2008, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques.
Le régime de retraite des quelque 2,5 millions de fonctionnaires
civils et militaires de l’Etat est géré par l’Etat lui-même.
Il en va autrement pour les autres fonctionnaires ou contractuels
publics : les fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers relèvent, pour leurs
retraites, de la Caisse nationale de retraite des collectivités locales
(CNRACL), tandis que les agents contractuels sont affiliés au régime
général de la sécurité sociale et à une caisse complémentaire spécifique,
l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat
et des collectivités publiques (l’IRCANTEC).
La gestion du régime propre aux fonctionnaires de l’État mobilise
actuellement environ 2 800 agents. Le service des pensions du ministère
chargé du budget – 460 emplois localisés principalement à Nantes -, qui
attribue les pensions, est le pivot d’une organisation séculaire impliquant
de nombreux autres intervenants : en amont, les ministères employeurs,
qui
préparent les décomptes des droits à pension des futurs retraités – au
total, environ 1.800 emplois - ; en aval, les 27 centres régionaux des
pensions - 450 emplois -, qui, dans le réseau du Trésor public, payent les
retraites.
Chaque année, cette chaîne accorde environ 86.000 nouvelles
pensions et verse 2 millions de pensions aux fonctionnaires retraités,
représentant pour le budget de l’Etat une dépense annuelle de l’ordre de
40 Md€. Elle traite également les pensions de réversion versées aux
veuves et veufs de fonctionnaires décédés, les allocations temporaires
d’invalidité,
les
retraites
du
combattant,
les
pensions
militaires
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
383
d’invalidité et les traitements – modiques - versés au titre de la Légion
d’honneur
140
et de la médaille militaire
141
.
I
-
Une organisation administrative surannée
Le code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR)
définit, pour les fonctionnaires de l’Etat, non seulement des règles mais
aussi une organisation spécifiques. Géré par l’employeur dans ses propres
comptes, le régime ne comporte pas de caisse et, a fortiori, pas
d’affiliation à plusieurs caisses, comme c’est le cas pour la plupart des
salariés, qui relèvent, pour leurs retraites de base, du régime général de
sécurité sociale et, pour leurs retraites complémentaires, d’au moins une
autre caisse.
Or, paradoxalement, ce facteur de simplicité de gestion ne se
retrouve pas dans la pratique. Bien au contraire, fragmentée et mal
articulée, l’organisation administrative traditionnelle qui continue de
prévaloir entretient une sous-productivité structurelle que les efforts de
rationalisation engagés ces dernières années n’ont guère atténuée.
A - Une gestion peu performante
1 -
Une chaîne de traitement éclatée
Le service des pensions valide les retraites, au nom du ministre
chargé du budget, à l’issue d’une procédure lourde, qui présente deux
particularités :
−
elle est déclenchée quelques mois seulement avant le départ en
retraite, sous la forme d’une reconstitution de la carrière du
futur retraité permettant de calculer ses droits à pension ;
−
elle implique d’autres ministères et, au sein de ceux-ci,
plusieurs services.
La démultiplication des intervenants qui s’ensuit n’est pas
seulement liée à la diversité des parcours professionnels des futurs
retraités. Elle résulte tout autant de l’organisation interne des ministères
employeurs, particulièrement pour ceux à effectifs nombreux.
140) Les traitements, réservés aux décorés à titre militaire, sont compris entre 6,10€
par an pour un chevalier et 36,59 € par an pour un grand’croix.
141) 4,57 € par an.
384
COUR DES COMPTES
Au ministère de l’éducation nationale, pas moins de 240 bureaux
ou cellules, relevant des inspections académiques départementales, des
rectorats ou des universités et autres établissements d’enseignement
supérieur, constituent les dossiers de base, transmis ensuite au service des
pensions du ministère, situé à La Baule qui les contrôle et communique
les propositions de pension au service des pensions de Nantes.
Au ministère de la défense, les propositions adressées au service de
Nantes font intervenir successivement trois niveaux :
-
le premier, comprenant environ 600 entités administratives
localisées dans les corps de troupe ou les bases aériennes et
navales, où les dossiers sont établis ;
-
le deuxième, formé de six « organismes gestionnaires » - un
pour chacune des trois armées, pour la gendarmerie nationale,
pour la délégation générale pour l’armement et pour le service
des essences -, où les dossiers sont rassemblés et subissent une
première vérification ;
-
le troisième, à l’administration centrale du ministère, où la
sous-direction des pensions, située à la Rochelle, procède à un
nouveau contrôle avant l’envoi à Nantes.
Une fois la retraite allouée par le service des pensions de Nantes, le
dossier est envoyé au centre régional des pensions dont relève le retraité,
qui assure ensuite la gestion et le paiement de la pension.
2 -
Un cloisonnement tenace
Les nombreux acteurs de cette chaîne agissent de façon cloisonnée,
sans réelle coordination.
Le système d’information en est le reflet. Chaque ministère, voire
chaque service, dispose de sa propre application, ce qui ajoute encore aux
cloisonnements :
-
VISA 3 pour le service des pensions de Nantes ;
-
PEZ pour les centres régionaux des pensions ;
-
pour les ministères employeurs :
o
soit des applications propres à chaque ministère (PENSIONS
pour le ministère de l’éducation nationale, PIPER pour celui de
la défense et PENSOME pour celui de l’écologie, du
développement et de l’aménagement durables) ;
o
soit une application, CONDOR, proposée par le ministère
chargé du budget.
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
385
Cette mosaïque entraîne des redondances, notamment en matière
de contrôle, et de multiples transferts de données électroniques et de
documents papier.
La valeur ajoutée par chaque maillon de la chaîne n’est pas
analysée et aucune autorité, ministérielle ou interministérielle – pas plus
le service des pensions que la direction générale de l’administration et de
la fonction publique (DGAFP) -, ne s’estime investie de la responsabilité
de veiller à l’optimisation du processus d’ensemble. L’interprétation de la
réglementation peut même différer d’un service à l’autre.
B - Des progrès limités
De réelles améliorations sont intervenues au cours des dernières
années, mais le plus souvent ponctuelles et, en tout cas, sans transformer
fondamentalement l’organisation existante. L’absence persistante d’un
véritable réseau des gestionnaires de pensions en témoigne. Globalement,
le défaut d’efficience subsiste.
1 -
Des applications informatiques désormais interfacées
Si l’émiettement du système d’information n’a pas régressé, les
applications sont désormais interfacées. Les avantages sont substantiels :
suppression des doubles saisies, gains de productivité et sécurisation des
traitements de données.
Pour autant, les inconvénients de l’éclatement demeurent, sous
forme de redondances et corrélativement de surcoûts. En outre, la
connexion, dans les ministères, entre leurs systèmes d’information de
gestion de ressources humaines et ceux des pensions reste quasi-
inexistante, le ministère de l’éducation nationale étant l’exception.
2 -
L’amorce d’une sélectivité des contrôles
Longtemps, à chaque étape, les contrôles ont porté sur la totalité
des dossiers et sur l’ensemble du contenu de chacun.
En 2006, le service des pensions de Nantes a commencé à
appliquer, en son sein, un contrôle sélectif, fondé sur une analyse des
risques, qui a abouti à un traitement allégé pour environ 10 % des
dossiers. De leur côté, deux ministères, ceux de la défense et de
l’éducation nationale, se sont aussi engagés dans cette voie, en 2007.
386
COUR DES COMPTES
Toutefois, ces indéniables avancées dans la rationalisation des
contrôles demeurent partielles et n’ont aucunement été concertées, alors
que, pour être pleinement efficace et intéressante pour la réduction des
coûts, une stratégie englobant l’ensemble de la chaîne s’impose.
3 -
Une amélioration de la qualité du service
Depuis 2004, le service des pensions propose, sur son site Internet,
une documentation et des informations synthétiques et pratiques sur les
retraites des fonctionnaires, avec un simulateur de calcul de pension. Il a
également mis en place un centre d’appels téléphoniques pour renseigner
les retraités et futurs retraités.
La plupart des ministères ont pris des initiatives similaires et les
centres régionaux des pensions consacrent eux-mêmes une part non
négligeable de leur activité à renseigner les retraités.
Là encore, la coordination fait défaut et l’intérêt d’un « guichet
unique », facilitant l’accès aux informations pour l’usager et permettant
de lui apporter un meilleur service, qui plus est à un moindre coût, n’a
toujours pas été étudié.
4 -
Des gains de productivité
A effectif constant, le service des pensions de Nantes a absorbé,
entre 2001 et 2006, une augmentation de l’ordre de 20% du nombre des
nouvelles pensions attribuées chaque année. Les effectifs des centres
régionaux des pensions sont également restés stables. Ce constat est
assurément positif.
Cependant, même si le caractère approximatif des données pour les
ministères employeurs empêche de porter une appréciation précise sur le
coût global de la chaîne, il reste patent que des gains de productivité
particulièrement
substantiels
sont
possibles.
L’administration
142
a
récemment estimé qu’à moyen terme, une reconfiguration de la chaîne
devrait permettre d’économiser 1.200 des quelque 2.800 emplois actuels,
dont 900 dans les ministères employeurs.
Dans certains cas, l’actuelle dispersion géographique des emplois
pourrait, certes, compliquer les redéploiements. En revanche, la moyenne
d’âge relativement élevée des personnels aujourd’hui en fonction est de
nature à faciliter les évolutions à moyen terme.
142) Lors des auditions organisées par la commission des finances du Sénat.
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
387
5 -
Un statu quo dans l’organisation
Jusqu’à présent, aucune réorganisation notable n’a été engagée.
En amont de la chaîne, des rationalisations reconnues nécessaires
de longue date tardent :
- au ministère de la défense, la suppression des divers organismes
gestionnaires (deuxième niveau), qui avait motivé la création, en 1965, du
service des pensions des armées, devenu depuis la sous-direction des
pensions, n’est toujours pas effective et, quarante ans plus tard, se
superposent trois niveaux de traitement des dossiers là où il n’en existait
précédemment que deux ;
- au ministère de l’éducation nationale, le nombre de cellules
déconcentrées n’a diminué que de quelques unités depuis 2003.
En aval, coexistent toujours, au sein du réseau de la direction
générale de la comptabilité publique, 27 centres régionaux des pensions.
Ce n’est qu’en mars 2007 qu’une première étude, demandée, par le
ministre chargé du budget, conjointement au directeur général de la
comptabilité publique et au chef du service des pensions, a été lancée en
vue d’un « rapprochement », là où la rationalisation des fonctions de
calcul et de paiement des pensions appelle à tout le moins un
regroupement. Les conclusions étaient attendues pour la fin de l’année
2007. Dans le régime général des salariés, seuls trois centres
informatiques suffisent à assurer ces tâches pour plus de dix millions de
retraités.
II
-
Une refonte toujours en gestation
La réforme des retraites de 2003 a significativement modifié le
régime de retraite des fonctionnaires de l’Etat
143
en le rapprochant du
droit commun. Par voie de conséquence, elle a transformé, plus
profondément encore, les besoins auxquels doit désormais répondre le
système de gestion du régime.
Ce bouleversement a heureusement coïncidé avec la mise en place
de la nouvelle organisation financière voulue par la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF), mais la refonte de la gestion des retraites qui
aurait dû en découler est restée en suspens.
143) Ces modifications valent pour les trois fonctions publiques.
388
COUR DES COMPTES
A - L’évolution du régime
L’évolution vers un régime de retraite mieux individualisé et plus
proche
des autres régimes s’est accompagnée d’une réelle modernisation
du cadre budgétaire et comptable.
1 -
Des règles rapprochées du droit commun
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a étendu
progressivement aux fonctionnaires les grandes règles communes que la
réforme visait à généraliser.
Ainsi, la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite
pleine (75 % du dernier traitement d’activité
144
) a été portée de 37 années
et demie à 40 années à compter du 1er janvier 2008 et à 41 années à partir
du 1er janvier 2012. Les surcotes et décotes, majorant ou minorant la
pension en fonction de la durée de cotisation, ainsi que la possibilité de
dépasser les limites d’âge
145
- de deux années et demie au maximum -
pour bénéficier d’une retraite à taux plein sont également applicables aux
fonctionnaires.
La création, par la loi de 2003, d’un régime de retraite
complémentaire obligatoire
146
pour la fonction publique, géré par un
organisme autonome, l’établissement de retraite additionnelle de la
fonction publique (ERAFP), adossé à la Caisse des dépôts et
consignations, a participé de cette même évolution.
2 -
Un compte d’affectation dédié
Innovation de la LOLF (article 21), un compte d’affectation
spéciale (CAS) permet désormais d’identifier, dans le budget et dans les
comptes de l’Etat, l’ensemble des flux financiers du régime.
Les dépenses de pension versées aux fonctionnaires retraités
(40 Md€ en 2006) y sont équilibrées par les cotisations prélevées sur les
traitements des fonctionnaires en activité et par une contribution de l’Etat
employeur. Appliqué à la masse salariale acquittée par chaque ministère,
144) 75 % du seul traitement indiciaire, et non pas de l’ensemble de la rémunération,
puisque, les autres éléments, notamment les primes, ne sont pas pris en compte.
145) Les fonctionnaires ne peuvent rester en activité au-delà d’un âge limite,
généralement de 65 ans.
146) Ce régime complémentaire, par points, couvre les rémunérations autres que le
traitement, notamment une partie des primes.
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
389
le taux de cette contribution est calculé de telle sorte que le compte
d’affectation spéciale soit en permanence équilibré.
Au progrès en termes de transparence financière s’ajoute la
disponibilité d’une information sur les charges de personnel indispensable
à la fois à
la comptabilité d’analyse des coûts et à la gestion de la masse
salariale.
Par ailleurs, grâce à la nouvelle comptabilité patrimoniale,
l’annexe aux comptes annuels de l’Etat renseigne sur les engagements
hors-bilan de l’Etat en matière de retraites : au 31 décembre 2006, la
valeur actualisée des pensions à verser aux retraités et aux actifs présents
à cette date y ressort, à législation constante et sur la base d’un taux
d’actualisation de 2,5 %, à un montant de 941 Md€
3 -
Un pilote budgétaire
La
création
du
compte
d’affectation
spéciale a
eu
pour
conséquence d’adjoindre au système traditionnel de gestion, centré sur
une chaîne de production administrative de masse (décomptes et
paiements), un nouveau volet, d’une tout autre nature, axé sur le pilotage
et le contrôle budgétaire et comptable du régime.
Le rôle de pilote a été confié au chef du service des pensions, qui
est
responsable
des
deux
programmes
budgétaires
du
compte
d’affectation spéciale concernant les fonctionnaires civils et militaires de
l’État : le programme 741 « pensions civiles et militaires de retraite et
allocations temporaires d’invalidité » (42 Md€
147
en 2007) et le
programme 743 « pensions militaires d’invalidité et des victimes de
guerre et autres pensions » (3 Md€ en 2007). A ces deux programmes
sont associés des objectifs et des indicateurs suivis dans les projets et les
rapports annuels de performances soumis au Parlement.
Ainsi, depuis 2006, première année de mise en oeuvre, une
véritable gestion financière du régime est amorcée. Ce progrès est majeur.
Dans le même temps, le chef du service des pensions, en devenant
responsable des deux programmes, s’est vu reconnaître un rôle qui va au-
delà de ses fonctions traditionnelles. Le service a commencé à recruter en
2007 des agents ayant des compétences adaptées aux nouvelles missions.
147) Dont environ 3 Md€ au titre de la compensation démographique inter-régimes.
390
COUR DES COMPTES
B - La création du « compte individuel retraite » (CIR)
La loi du 21 août 2003 sur les retraites a instauré un droit, pour
chaque affilié d’un régime obligatoire, à être informé sur sa situation
individuelle en matière de retraite. Un groupement d’intérêt public, le
GIP Information Retraite, a été chargé d’organiser la collecte des données
nécessaires en provenance de tous les régimes et la transmission
périodique, à chaque affilié, des relevés de sa situation individuelle et des
estimations du montant de sa ou de ses retraites futures.
L’Etat s’est mis en mesure de remplir cette nouvelle obligation vis-
à-vis de ses fonctionnaires, mais sans y voir d’emblée un levier de
modernisation, pourtant exceptionnel.
1 -
Un bouleversement inéluctable
Pour le régime de retraite des fonctionnaires de l’Etat, il en
résultait inéluctablement un bouleversement : les reconstitutions de
carrière étant effectuées seulement à l’approche du départ à la retraite, les
informations requises ne pouvaient être tenues à disposition du GIP
Information Retraite tout au long de la carrière.
L’organisation existante a donc été doublée, avec la création d’un
compte individuel retraite (CIR) tenu par le service des pensions de
Nantes. Ce compte va être alimenté au fil de la carrière par les ministères
employeurs, dans l’immédiat selon un protocole rudimentaire. L’essentiel
des travaux actuels porte sur l’intégration progressive de l’historique de
toutes les carrières, tâche particulièrement lourde qui devrait être achevée
fin 2012.
La montée en charge s’effectue sous l’égide d’un comité de
pilotage co-présidé par le directeur général de l’administration et de la
fonction publique et le secrétaire général commun au ministère de
l’économie, des finances et de l’emploi
et au ministère du budget, des
comptes publics et de la fonction publique.
L’envoi des premiers relevés individuels de situation (RIS), pour
les personnes nées en 1957, et des premières estimations « indicatives
globales » (EIG) du montant de retraite, pour les personnes nées en 1949,
est prévu pour le deuxième semestre 2007.
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
391
2 -
L’attente d’une décision
Tolérable durant une période transitoire, le doublon des chaînes de
traitement,
l’une
pour
l’attribution
des
pensions
à
partir
des
reconstitutions de carrière, l’autre pour l’alimentation des comptes
individuels retraite, ne saurait perdurer.
Le compte individuel a logiquement vocation à servir aussi de base
pour le calcul des pensions, les ministères employeurs l’alimentant
annuellement, par exemple au moyen de la déclaration annuelle de
données sociales (DADS). C’est d’ailleurs la préconisation faite, en
février 2007, par le rapport d’audit de modernisation sur « la préparation
des dossiers de pension des fonctionnaires de l’Etat ».
La mise en place de la chaîne de traitement du compte individuel
retraite
condamne
l’organisation
traditionnelle
fondée
sur
la
reconstitution des carrières. La substitution doit être anticipée sans tarder
et faire l’objet d’un plan d’action concerté entre toutes les parties
prenantes actuelles.
3 -
Des enjeux essentiels
La réorganisation attendue doit être l’occasion de dégager
progressivement les économies de personnel restées jusqu’à présent
latentes.
Le conseil aux usagers devrait aussi en être facilité. Chaque
fonctionnaire, en activité ou retraité, aura la possibilité d’accéder en ligne
à son compte individuel, voire d’y actualiser directement certaines
données personnelles.
Un autre avantage, tout aussi appréciable, sera la constitution
d’une base de données fiable sur laquelle pourra s’appuyer le pilotage du
régime. Pour les retraites des fonctionnaires, les services de l’Etat
rencontrent actuellement de sérieuses difficultés pour effectuer des
simulations
et
des
projections,
aussi
bien
démographiques
que
financières.
392
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Il est urgent de passer à une réforme d’ensemble, jusqu’à présent
restée orpheline, portant sur la totalité de la chaîne de traitement des
pensions et fondée sur une vision prospective du régime de retraite et de
son système de gestion.
Pour venir à bout de l’inertie qui a prévalu jusqu’à présent, la
détermination
des
responsables
administratifs
est
une
condition
essentielle, mais, à elle seule, insuffisante. Elle doit aller de pair avec une
forte impulsion politique.
Autre impératif, la modernisation du système de gestion des
pensions doit être placée sous la responsabilité d’un pilote administratif
unique, clairement identifié et investi d’une autorité véritablement
interministérielle. Il s’agit de fédérer les énergies à la fois dans les
ministères employeurs et les services du ministre chargé du budget, mais
aussi d’établir et de faire respecter des règles et une organisation
communes Que le même ministre ait aujourd’hui compétence pour le
budget,
les pensions et la fonction publique est un atout.
Il faut également un plan d’action construit et une véritable
conduite du changement. Les restructurations d’emplois, en particulier,
requièrent une planification de moyen terme et un accompagnement de
gestion
des
ressources
humaines
appuyées
sur
le
meilleur
professionnalisme.
Enfin, les synergies avec d’autres projets en cours doivent
également être prises en compte, notamment avec la mise en place de
l’opérateur national de paye (ONP), créé en 2007 pour assurer à terme
la paye de l’ensemble des agents de l’État, et la refonte des systèmes
d’information en matière de ressources humaines des ministères
employeurs.
LA RÉFORME DE LA GESTION DES PENSIONS DES
FONCTIONNAIRES DE L’ETAT
393
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
Le traitement des pensions des fonctionnaires de l’Etat doit
effectivement être rationalisé. Mais, c’est l’ensemble de ce traitement qui doit
être pris en compte et cette rationalisation ne peut donc être envisagée que
dans un cadre interministériel.
Comme le souligne la Cour, le ministère de la défense s’est engagé,
depuis 2007, dans cette voie, notamment en ce qui concerne la sélectivité des
contrôles, et d’autres mesures seront prises. Ainsi, il est indispensable de
disposer de systèmes d’information des ressources humaines (SIRH) pour
l’ensemble des catégories de personnel afin d’accroître l’allégement des
contrôles opérés par les gestionnaires.
Les travaux actuellement menés dans le cadre de la révision générale
des politiques publiques (RGPP) et les premières décisions prises,
s’inscrivent totalement dans le sens des préconisations de la Cour afin
d’améliorer la gestion des pensions, au niveau interministériel comme au
niveau ministériel. Il s’agira, en particulier, grâce à une meilleure
organisation, de réduire fortement les effectifs et les chaînes d’intervenants,
ce qui entraînera des gains de productivité importants tout en maintenant la
qualité du service à l’égard des usagers.