RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Je tiens à souligner en premier lieu que le Gouvernement partage le
constat de la Cour des comptes selon lequel la politique de gestion des
déchets ménagers et assimilés (DMA), même si elle ne concerne qu'une
partie limitée des déchets produits en France (10 % environ), présente des
enjeux importants. Cela est dû notamment au coût que représente leur
gestion (65 % des dépenses), lié à la complexité des flux traités et à la
multitude d'acteurs, tant publics que privés, impliqués. En outre, il s'agit
de la gestion des déchets la plus visible pour nos concitoyens au sein de
leur collectivité, ce qui lui confère des enjeux politiques particuliers pour
les différentes catégories d'établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.
En dépit de ces spécificités, le Gouvernement considère, et en cela il
rejoint l'appréciation de la Cour des comptes, que l'objectif de transition d'une
économie linéaire (produire, utiliser, jeter) vers une économie circulaire, dans
une logique de coûts maîtrisés, doit aussi concerner ces déchets.
C'est la raison pour laquelle la réforme de la fiscalité en 2018 sur
la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et la loi relative à la
lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020 (dite
« loi AGEC ») ont institué des changements de fond en matière de
prévention et de gestion des déchets, dont les effets se feront sentir
progressivement dans les mois et années à venir.
Les effets de certaines de ces mesures seront particulièrement forts
pour les DMA
•
Ainsi, la généralisation du tri à la source des biodéchets, applicable au
31 décembre 2023, au moyen de la gestion de proximité (compostage à
domicile par exemple) ou de la collecte séparée, a pour objectif de diminuer
fortement les quantités de DMA produits (les biodéchets en représentant
environ un tiers). Cette mesure aura en outre des implications positives très
fortes en termes de traitement (optimisation de l'incinération, baisse
d'émission des gaz à effet de serre en décharge, retour au sol de ces matières
plus respectueux des conditions agronomiques des sols).
•
La réforme fiscale de 2018, qui va augmenter graduellement le niveau
de la taxe générale sur les activités polluantes jusqu'en 2025, permettra
de garantir que le coût de la mise en décharge ou de l'incinération sans
valorisation énergétique des déchets est plus important que celui du
recyclage, et d'aligner notre niveau de taxation pour l'élimination avec
celui de nos voisins européens. Cette mesure, qui constitue une incitation
très forte à l'économie circulaire, nécessite néanmoins un travail
d'accompagnement et de pédagogie.
6
COUR DES COMPTES
•
Enfin, l'ambition accrue et l'extension du périmètre des filières à
responsabilité élargie du producteur (REP) permettront d'améliorer la
prévention en matière des déchets ménagers et leur recyclage
(notamment dans le cas des plastiques). A titre d'exemple, la filière des
emballages ménagers, qui représente plus de 10 % des tonnages de
DMA, dont un flux important de plastiques, vient d'instaurer des
incitations à l'incorporation de matière recyclées et d'étendre les
consignes de tri à tous les plastiques. Cette dernière mesure contribuera
à massifier les flux d'emballages plastiques, dans le souci de diminuer
les coûts de traitement et de faciliter les investissements, y compris dans
les solutions innovantes telles que le recyclage chimique.
Dans ce contexte, l'orientation et les recommandations afférentes de
la Cour des comptes, mentionnant des mesures additionnelles dans le sens
d'une économie circulaire (orientation 2 et recommandations 6 à 9),
s'inscrivent dans la continuité des évolutions qui viennent d'être
présentées, et je me félicite de cette convergence d'appréciation.
Ces recommandations de la Cour des comptes confirment en
particulier l'intérêt du levier fiscal, par l'adaptation de certains dispositifs
ciblés de la fiscalité locale :
•
S'agissant de la recommandation 6 visant à favoriser la mise en place de
la tarification incitative en allégeant son coût pour l'intercommunalité
grâce à un financement complémentaire porté à 80 % des coûts
correspondants sur les premiers exercices : le Gouvernement étudiera les
modalités d'une majoration du soutien à la mise en place de cette
tarification par une aide directe ou indirecte. La soutenabilité d'une aide
directe par le fonds économie circulaire de l'ADEME sera vérifiée, celui-
ci devant également financer d'autres actions (mise en place du tri à la
source des biodéchets, extension des consignes de tri, extension des
dispositifs de collecte séparée des déchets recyclables aux poubelles de
rue...). Un soutien indirect (abaissement des frais de gestion) pourra
également être examiné. Le Gouvernement veillera à cette occasion à
prendre en considération la situation particulière des collectivités situées
en zones urbaines, qui doivent faire face à une complexité supérieure dans
la mise en oeuvre des actions incitatives du fait de l'existence d'immeubles
à usage collectif peu propices à l'évaluation individualisée des quantités
de déchets produits. Pour celles-ci, la réglementation actuelle permet
d'instaurer la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative
(TEOMi) mais l'imposition est répartie selon la valeur locative foncière
sans réel lien avec la production de déchets par les habitants. Ainsi, ces
collectivités rencontrent des difficultés pratiques dans le déploiement de
la TEOMi qui ne permet pas toujours une réduction certaine des volumes
des ordures ménagères résiduelles.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
7
•
S'agissant de la recommandation 7 visant à instaurer une surtaxe à la
taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la
prévention et à la gestion des déchets : je ne suis pas favorable à cette
recommandation. En effet, en l'état actuel des textes, le produit de la taxe
de séjour est notamment affecté aux dépenses destinées à favoriser la
fréquentation touristique de la commune (article L. 2333-27 du code
général des collectivités territoriales (CGCT)). Ainsi, rien ne s'oppose à
ce que le produit perçu soit affecté aux dépenses destinées à couvrir la
prévention et la gestion des déchets s'il est démontré que ce financement
favorise la fréquentation touristique de la commune.
Les deux autres recommandations pour favoriser l'économie
circulaire sont des mesures facilitatrices pour encourager la prévention et
le recyclage :
•
S'agissant de la recommandation 8 qui propose de fixer dans la
réglementation la liste des actions des collectivités et éco-orqanismes
qui peuvent être considérées comme des dépenses de prévention : des
travaux importants ont été entrepris dans le cadre de la réforme des
filières REP portée par la loi AGEC. Les actions de prévention pour les
éco-organismes de ces filières seront définies principalement au travers
de la mise en oeuvre de fonds dédiés au financement de la réparation et
du réemploi (articles L. 541-10-4 et L. 541-10-5 du code de
l'environnement et leurs décrets d'application). Le Gouvernement
entend concentrer ses efforts sur le déploiement de ces fonds avec
l'ensemble des acteurs concernés.
•
S'agissant de la recommandation 9 qui propose d'autoriser les
collectivités volontaires à confier aux éco-orqanismes chargés des
emballages la vente des produits issus du tri : des travaux sont en cours
pour définir le périmètre des réformes à mener dans le cadre de la
révision du cahier des charges de la filière emballage. Il est à noter que
ces collectivités peuvent déjà céder directement ces matières à des
opérateurs de recyclage selon un barème fixé à l'avance ou aux éco-
organismes. Dès lors, je considère que cette nouvelle option, qui peut
soulever des questions contractuelles dans sa mise en oeuvre
(facturation par l'éco-organisme d'une prestation de négoce, qui ne
relève pas de son objet social, mise en concurrence de l'éco-organisme
avec d'autres acteurs du négoce au regard du droit de la commande
publique, notamment), n'apporte pas un bénéfice fort par rapport aux
autres options déjà à disposition des collectivités.
8
COUR DES COMPTES
En second lieu, au-delà de ces réformes de fond dans le sens d'une
économie circulaire pour la politique de gestion des DMA, la Cour des
comptes propose un certain nombre de recommandations pour renforcer
la gouvernance de la politique (pilotage et suivi) et la lisibilité des résultats
(orientation 1 et recommandations 1 à 5) :
•
S'agissant de la recommandation 1 qui propose d'unifier, au plus tard
en 2024, les documents de la programmation nationale de prévention et
gestion des déchets : tout en partageant l'objectif de clarification, je
considère que le plan national de prévention des déchets (PNPD) n'a
pas vocation à intégrer le contenu du plan national de gestion des
déchets (PNGD) car ce dernier n'a pas de valeur opposable et n'avait
pour objectif premier que d'offrir une vision globale de la politique
nationale en matière de déchets et de sa déclinaison au niveau régional.
La planification en matière de gestion des déchets et de développement
économique doit rester de la responsabilité de l'exécutif régional.
•
En ce qui concerne la recommandation 2 visant à rendre obligatoire, au
plus tard en 2024, lorsque le programme local de prévention des déchets
ménagers est élaboré par le syndicat de traitement, l'adoption d'un
programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI : je partage l'intérêt
d'un tel programme par EPCI, mais l'acceptabilité par les collectivités
d'une obligation nouvelle en la matière pourrait s'avérer difficile. Celle-
ci créerait en effet une charge supplémentaire pour les EPCI à fiscalité
propre et amènerait l'État à réglementer en détail un domaine relevant
des compétences locales. Corrélée au transfert de la compétence
« traitement des déchets ménagers et assimilés » à un syndicat de
traitement, elle pourrait également avoir des effets de bord en incitant à
des restitutions de compétence. En conséquence, je privilégie la voie de
recommandations auprès des élus locaux, pour éclairer leurs choix.
•
S'agissant des recommandations 3 et 4 portant sur la mise en place de
tableaux de bord annuels pour le service public de gestion des déchets
(SPGD) et les filières de REP sur le fondement de six indicateurs clés
identifiés dans le rapport : le Gouvernement les soumettra au comité
national d'observation de l'économie circulaire qui a été lancé le 5 juillet
2022 (et qui rassemble notamment des représentants des collectivités,
des filières, I'ADEME, les organisations professionnelles s'intéressant
aux déchets). Si la formulation mêMe de la loi, en particulier l'article
L. 2224-17-1 du CGCT relatif au rapport annuel sur le prix et la qualité
du service public de prévention et de gestion des déchets, répond déjà
de façon assez précise à une approche qualitative du service public, il
subsiste sans doute de réelles disparités dans le contenu du rapport et
dans ses attendus selon les territoires. Un ensemble d'indicateurs définis
au plan national serait donc utile pour conforter cette approche.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS
9
•
Concernant la recommandation 5 qui propose d'harmoniser, au plus tard
en 2024, dans un seul compte-rendu, le bilan annuel par intercommunalité
des actions de prévention et gestion des déchets ménagers autour des six
indicateurs clés et du coût du service par habitant : le Gouvernement
soumettra également cette proposition au Comité national d'observation
de l'économie circulaire. L'objectif de rationalisation poursuivi paraît de
bonne administration en termes d'allègement des charges des collectivités
territoriales et de leurs groupements ainsi que d'efficience au regard des
objectifs de la politique publique.