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SEPTIÈME CHAMBRE
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Troisième section
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Arrêt n° S-2022-0859
Audience publique du 5 avril 2022
Prononcé du 10 mai 2022
SYNDICAT INTERCOMMUNAL
POUR LA GESTION DE LA FOURRIERE
ANIMALE (SIGFA)
(POLYNÉSIE FRANÇAISE)
EXERCICE 2018
Appel d’un jugement de la chambre territoriale
des comptes de la Polynésie française
Rapport n° R-2022-0039-1
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 28 octobre 2021 au greffe de la chambre territoriale des comptes
de la Polynésie française, par laquelle M. X, comptable du syndicat intercommunal pour la
gestion de la fourrière animale (SIGFA), a élevé appel du jugement n° 2021-0002 du 31 août
2021 de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française qui l’a constitué débiteur
envers cet établissement de la somme de 8 602 119 F CFP, augmentée des intérêts de droit,
à compter du 7 avril 2021, au titre de sa gestion pour 2018 ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance et notamment le réquisitoire
du procureur financier près la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
n° 2021-0003-PF du 6 avril 2021 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963, dans sa rédaction
antérieure à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 2001-1001 du 31 octobre 2001 portant établissement de la liste des pièces
justificatives des paiements des communes et des établissements publics locaux de Polynésie
française ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;
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Vu les conclusions de la Procureure générale n° 138 du 1
er
avril 2022 ;
Entendu lors de l’audience publique du 5 avril 2022, M. BONNAUD, conseiller maître,
en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du ministère
public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu
en
délibéré
M.
Philippe
GEOFFROY,
conseiller
maître,
réviseur,
en ses observations ;
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre territoriale des comptes de la Polynésie
française a constitué M. X débiteur envers le syndicat intercommunal pour la gestion de la
fourrière animale (SIGFA) de la somme de 8 602 119 F CFP, augmentée des intérêts
de droit à compter du 7 avril 2021, au titre de sa gestion pour 2018, pour avoir réglé
les mandats n° 85, n° 155, n° 156 et n° 157, sans disposer au moment du paiement des pièces
justificatives prévues par la règlementation ; qu’elle a, pour ce faire, écarté les pièces
justificatives produites par le comptable en réponse au réquisitoire, au motif que M. X n’avait
pas établi qu’il en disposait au moment du paiement ;
Sur la forme
2. Attendu que l’appelant estime que la chambre n’a ni pris en considération ni même examiné
des éléments nouveaux qu’il avait apportés à décharge après la clôture de l’instruction,
par courriel du 16 août 2021 ; que cet argument relève d’un moyen d’annulation ; qu’il y a lieu
de l’examiner en tant que tel, même si la requête ne comporte pas de conclusions explicites
en ce sens ;
3. Attendu qu’aux termes de l’article R. 272-68 du code des juridictions financières,
«
le jugement, motivé, statue sur chacun des griefs du réquisitoire et sur les observations
des parties auxquelles il a été notifié
» ;
4. Attendu
que
M.
X
faisait
valoir
dans
le
courriel
précité,
en
substance,
que le raisonnement à charge du rapporteur et du procureur financier reposait, s’agissant
du mandat n° 85, sur une hypothèse non démontrée, celle de l’absence des pièces au moment
du paiement ; que, s’agissant des mandats n° 155, n° 156 et n° 157, il était prouvé que
le comptable disposait des pièces, puisqu’un cachet « arrivée » sur le bordereau
de mandats portait une date antérieure au paiement ; qu’il sollicitait ainsi l’application
de jurisprudences à décharge de la Cour des comptes en matière de pièces justificatives
absentes du compte mais produites en cours d’instruction ;
5. Attendu que le jugement entrepris, s’il ne fait pas droit à l’argumentation de M. X, discute,
pour
les
écarter,
l’ensemble
des
éléments
qu’il
a
apportés
à
décharge
lors
de l’instruction ; que cette discussion, pour être parfois succincte, n’en est pas moins effective ;
qu’en particulier, le premier juge oppose à M. X l’argument selon lequel il revient
au comptable d’apporter la preuve qu’au moment des paiements il détenait les pièces
qu’il a transmises par la suite ; qu’en outre, la production datée du 16 août 2021
est expressément visée par le jugement entrepris ; que celui-ci n’encourt donc pas l’annulation
à ce motif ;
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Sur le fond
6. Attendu que l’appelant demande à la Cour d’infirmer le débet prononcé et de dire qu’il n’y a
pas lieu à charge ; qu’il fait valoir, à l’appui de sa requête, en premier lieu, que la chambre
n’apporte pas la preuve de l’absence de ces pièces au moment du paiement ;
que leur absence au compte ne prouve que la difficulté du poste comptable à confectionner
le compte de gestion, difficulté dont le comptable, alors sorti de fonction ne saurait être
responsable ; que le cachet justifiant la date d’arrivée des différents documents dans le poste
n’est apposé que sur les bordereaux de titres et de mandats et non sur les titres et les mandats
eux-mêmes, ni sur les pièces justificatives jointes à ces derniers ; qu’au demeurant,
le rapporteur de première instance conclut en ce sens pour ce qui concerne les mandats
n° 155 à 157 ; en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la chambre,
et conformément à la jurisprudence du juge des comptes, tant en première instance
qu’en appel, il est loisible au comptable de produire à sa décharge toutes pièces préexistant
au paiement, quand bien même elles n’auraient pas été jointes au compte ;
7. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée,
«
Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables [...]
du paiement des dépenses
» ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables
publics
« se trouve engagée dès lors [...] qu’une dépense a été irrégulièrement payée
» ;
8. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
Dans le poste comptable qu’il dirige, le comptable public est seul chargé : [...]
7° Du paiement des dépenses, soit sur ordre émanant des ordonnateurs, soit au vu des titres
présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative
» ; qu’aux termes de l’article 19
du même texte, «
Le comptable public est tenu d’exercer le contrôle : [...] 2° S’agissant
des ordres de payer : [...] d) De la validité de la dette dans les conditions prévues à l’article 20
[...]
» ; qu’aux termes de l’article 20 précité, «
Le contrôle des comptables publics sur la validité
de la dette porte sur : […] 3° La production des pièces justificatives […]
» ;
9. Attendu qu’aux termes de l’article 38 de ce même décret, lorsque «
le comptable public
a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur,
il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur
» ;
10. Attendu que la responsabilité des comptables en dépenses s’apprécie au moment
des paiements ;
11. Attendu à cet égard que, pour les quatre mandats concernés, le comptable a produit
en cours d’instruction les pièces prescrites par la nomenclature annexée au décret
du 31 octobre 2001 susvisé qui n’avaient pas été jointes au compte 2018 ; que ces pièces sont
antérieures aux paiements litigieux ; qu’il n’est pas établi que le comptable ne pouvait pas
en disposer au moment des paiements ; qu’ainsi, comme le soutient l’appelant, les dépenses
en cause se trouvaient justifiées au sens des dispositions du décret du 7 novembre 2012
susvisé rappelées au point 8 ci-dessus ;
12. Attendu ainsi qu’en fondant la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire
de M. X sur l’absence des pièces justificatives dans le compte déposé, et en écartant les
pièces qui avaient été produites par le comptable lors de l’instruction, la chambre territoriale
des comptes de la Polynésie française a commis une erreur de droit ; qu’il y a donc lieu,
sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de l’appelant, d’infirmer le jugement
entrepris en ce qu’il a constaté un manquement du comptable à ses obligations, et de dire
qu’il n’y a pas lieu d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X
aux motifs poursuivis par le réquisitoire susvisé ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
. – Le jugement n° 2021-0002 du 31 août 2021 est infirmé.
Article 2. – Il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de M. X au titre des présomptions de charge
du
réquisitoire
n° 2021-0003-PF
du
6
avril
2021
du
procureur
financier
près la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
.
Fait et jugé par M. Jean-Yves BERTUCCI, président de chambre, président de la formation ;
Mme
Sophie
MOATI,
présidente
de
chambre
maintenue
en
activité,
MM. Philippe GEOFFROY, Denis BERTHOMIER, Patrick SITBON et Guy DUGUÉPÉROUX,
conseillers maîtres.
En présence de Mme Vanessa VERNIZEAU, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Vanessa VERNIZEAU
Jean-Yves BERTUCCI
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État
dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut
être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.