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Le 14 janvier 2022
Le Premier président
à
Monsieur Jean Castex
Premier Ministre
Réf. : S2021-2491
Objet
:
L’organisation et les miss
ions du secrétariat général du Gouvernement (SGG)
En application d
es dispositions de l’article L.
111-3 du code des juridictions financières,
la Cour a contrôlé le secrétariat général du Gouvernement et son action de coordination du
travail gouvernemental pour les exercices 2015 à 2020.
À
l’issue de ce
co
ntrôle, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de
l’article R.
143-11 du CJF, d'appeler votre attention sur les observations et recommandations
suivantes.
1. UNE ENTITÉ ADMINISTRATIVE DONT LE FONDEMENT JURIDIQUE DEVRAIT
ÊTRE CONSOLIDÉ
Depuis les débuts de la V
e
République, aucun texte n’a fixé les prérogatives du
Secrétariat général du gouvernement (SGG), qui se déduisent uniquement de deux sources :
la coutume d’une part
,
et de la maquette de la loi de finances d’autre part.
Selon le site internet
du Gouvernement
1
, une centaine de services et entités relèvent de l’administration du Premier
ministre. Leurs crédits sont gérés au sein d’une mission budgétaire «
Direction de l’action du
gouvernemen
t » comprenant deux programmes, le programme 129 «
Coordination du travail
gouvernemental
» et le programme 308 «
Protection des droits et libertés
»
2
. Ce dernier
regroupe les crédits d’autorités administratives indépendantes, dans les champs de la
protection des droits
de l’homme
et des libertés individu
elles. C’est donc le programme 129
qui rassemble les actions de soutien du Premier ministre dans l’exercice de sa responsabilité
de direction de l
’action du Gouvernement.
1
2
La loi de finances pour 2022 comprend un programme 359 « Présidence française du conseil de l’Union
européenne. »
Cour des comptes
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Référé n°S2021-2491
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Or, l’importance du rôle joué par le SGG dans le travail interministériel, dans la
confection de la norme juridique, en relation avec les Assemblées parlementaires et le Conseil
d’État, ainsi que dans la conduite des services du Premier ministre, justif
ierait que soit pris un
texte définissant ses missions et les principes de son organis
ation. L’architecture
administrative et budgétaire des services et entités rattachés au SGG, doit pouvoir être
précisée,
non seulement pour améliorer l’information du citoyen mais également pour assurer
une plus grande permanence de cette organisation, qui fluctue au gré des attributions
ministérielles, y compris pour de
s missions qui semblent au cœur de la coordination
du travail
gouvernemental dans ce qu’il a de plus permanent.
2. DES MISSIONS CRUCIALES, BIEN EXERCÉES MAIS DONT LEUR MISE EN
ŒUVRE RENCONTRE
DES DIFFICULTÉS
La mission centrale de coordination du travail interministériel rencontre deux difficultés
pratiques, de nature à nuire à l’efficacité de l’action publique.
En dépit d’instructions réitéré
e
s par circulaires du Premier ministre afin qu’une
coordination effective entre les services des ministères précède toute réunion interministérielle
(RIM) arbitrée par son cabinet, le nombre de ces réunions demeure très élevé. Depuis une
circulaire cosignée en 2014 par la directrice du cabinet du Premier ministre et par le secrétaire
général du Gouvernement, le contenu du compte rendu de réunion, communément appelé
« bleu de Matignon », a été fortement réduit. La compréhension de la décision comme la
conservation de la mémoire du travail gouvernemental s’en
trouvent amoindries.
La Cour recommande de réaffirmer, de façon plus formelle et plus impérative, le
principe de subsidiarité des réunions présidées par un membre du cabinet du Premier ministre,
par rapport aux échanges directs entre les administrations. Afin d’assurer la conservation de
la mémoire de la délibération, elle suggère d’intégrer
, dans le compte rendu
, outre l’arbitrage
du cabinet du Premier ministre, les grandes lignes des échanges entre les ministères et des
positions de chacun.
3. UNE RÉFLEXION A RELANCER SUR LA MISE EN PLACE
D’UN CENTRE DE
GOUVERNEMENT
En 2009, les travaux préparatoires au regroupement de services du Premier ministre
sur le site immobilier de Ségur-Fontenoy avaient envisagé
l’installation des trois secrétariats
généraux
–
outre le SGG, le secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE) et le
secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), pour former ainsi un
véritable « centre de Gouvernement » sur le modèle du
cabinet office
britannique. Cette
hypothèse a ensuite été abandonnée dans les années 2010 et l’espace laissé vacant du site
Ségur-Fontenoy affecté à divers services du Premier ministre et autorités administratives
indépendantes,
sans cohérence d’ensemble.
Au-
delà des missions traditionnelles attribuées dès son origine au SGG, d’autres ont
connu des rattachements ministériels fluctuants, alors qu’elles participent incontestablement
à la coordination interministérielle. La mise en
place d’un centre de G
ouvernement pourrait
permettre d’en assurer la permanence et d’en formaliser l’appartenance aux services de
Matignon, ce qui serait de nature à renforcer l’autorité du Premier ministre.
L’analyse des organes comparables au SGG, dans
plusieurs États européens ou à
l’échelle de l’OCDE, montre que la France fait figure d’exception à cet égard et que les services
du chef du G
ouvernement y sont organisés de façon plus formalisée et plus cohérente qu’en
France, où ils restent marqués par leur manque de visibilité, ainsi que par le caractère
coutumier de leurs missions et de leur organisation.
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La convergence des systèmes nationaux dans le sens d’une plus grande formalisation
et d’un rôle élargi a conduit l’OCDE à conclure qu’ils évoluaient
pour constituer un « centre de
Gouvernement », notion dont elle a précisé les contours et jugé positivement le rôle. Bien que
variables selon les États analysés par l’Organisation, les missions des centres qu’elle a étudiés
sont constituées d’un noyau dur
de missions inhérentes à l’exercice du pouvoir
gouvernemental, auquel se rattachent des éléments plus conjoncturels. Ces travaux
pourraient servir de base pour engager une réflexion sur la mise en place d’un tel modèle dont
le SGG constituerait le centre.
Au cœur des missions historiques du SGG, figurent la coordination interministérielle,
le suivi de l’activité normative, réglementaire et législative, et la qualité du droit
; dans un
second cercle, figurent des missions qui se sont éloignées de son c
œur d’activité actuel mais
dont l’exercice semble naturellement devoir être rattaché au
Premier ministre, comme la
réforme de l’État, la fonction publique ou la gestion des cadres dirigeants de l’Etat. Ces
activités sont complémentaires des autres missions du SGG, et pourraient lui être rattachées,
en raison de leur nature interministérielle, encore accentuée par la récente réforme de la haute
fonction publique.
À court terme, et sans attendre le lancement d’une telle réflexion, il serait
souhaitab
le d’assurer au SGG une plus grande visibilité et une présentation plus lisible de
son rôle à l’usage des citoyens, ne serait
-
ce qu’en refondant son site
Internet, et en rendant
public un compte-rendu annuel de son activ
ité qui fait aujourd’
hui défaut.
En conséquence, la Cour formule les quatre recommandations suivantes :
Recommandation n° 1
: adopter un décret définissant les missions et les principes
d’organisation du SGG, s’agissant notamment de son rôle dans la conduite des s
ervices du
Premier ministre ;
Recommandation n° 2
:
renforcer l’information et l’accès au droit du citoyen par une mise
à jour du site du G
ouvernement et la mise en ligne d’un compte rendu annuel d’activité du
SGG ;
Recommandation n° 3
: adopter une « directive interministérielle » affirmant la subsidiarité
de la RIM par rapport à la coordination directe entre les services et intégrer, dans son
compte rendu (le « bleu »), les principaux points de la délibération en vue de conforter la
mémoire gouvernementale ;
Recommandation n° 4
:
rouvrir
une
réflexion
sur
la
formation
d’un
centre
de
Gouvernement exerçant concomitamment les missions de la coordination du travail
gouvernemental, de la surveillance de la qualité du droit, de la réforme de l’Etat
et de la
politique des cadres dirigeants, avec les moyens numériques correspondants.
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication
3
.
3
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
(
à l’adresse électronique suivante
:
greffepresidence@ccomptes.fr
(cf. arrêté du 8 septembre 2015 modifié portant application du décret n° 2015-146 du 10 février 2015 relatif à la
dématérialisation des échanges avec les juridictions financières).
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Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code
:
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
l’article L.
143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez
à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et
votre administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici