Sort by *
13, rue Cambon
75100 PARIS CEDEX 01
T +33 1 42 98 95 00
www.ccomptes.fr
5
ème
CHAMBRE
S2021-2176
1
ère
SECTION
OBSERVATIONS DÉFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
COPROPRIETES
DEGRADEES : MIEUX
REPONDRE A
L’URGENCE
Exercices 2019-2021
Le présent document
, qui a fait l’objet d’une contradiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 12 janvier 2022.
En application de l’article L. 143
-1 du code des juridictions financières, la communication de
ces observations est une prérogative de la Cour des comptes, qui a seule compétence pour
arrêter la liste des destinataires.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
2
AVANT-PROPOS
En application des dispositions des articles L. 143-1 et L. 143-0-2 du code des
juridictions financières, la Cour rend publiques ses observations et ses recommandations, au
terme d’une procédure contradictoire qui permet aux représentants des organismes et des
administrations contrôlées, aux autorités directement concernées, notamment si elles exercent
une tutelle, ainsi qu’aux personnes éventuellement mises en cause de faire connaître leur
analyse.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
3
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
PROJET DE RECOMMANDATIONS
......................................................................
8
INTRODUCTION
.....................................................................................................
9
1
LA LUTTE CONTRE LES COPROPRIETES EN DIFFICULTE OU
DEGRADEES : UNE ACTION PUBLIQUE « SUR MESURE » DANS LE
PARC PRIVE
.......................................................................................................
10
1.1
Un phénomène pris en compte avec retard
....................................................
10
1.1.1 La copropriété immobilière : des règles fondées sur le droit de propriété
......
11
1.1.1.1
Un régime qui reste ancré dans le droit privé
.......................................................
11
1.1.1.2
Des moyens légaux de prévention et d’action renforcés au fil du temps
..............
11
1.1.2 Des interventions qui dépassent la lutte contre
l’habitat indigne ou insalubre
15
1.1.2.1
L’habitat indigne
et insalubre : un cadre strict
.....................................................
15
1.1.2.2
Les copropriétés en difficulté ou dégradées
: un faisceau d’indices détectable par
les professionnels
.................................................................................................
17
1.1.3 Le repérage des copropriétés fragiles : une nécessité pour la prévention et
l’action
.............................................................................................................
21
1.1.3.1
Une réponse qui s’est organisée à partir de 2012
.................................................
21
1.1.3.2
Un registre national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires encore
incomplet et peu connu
.........................................................................................
22
1.2
Des moyens d’intervention «
sur mesure » que le Plan initiative copropriétés
vient renforcer
................................................................................................
26
1.2.1
L’Anah et les collectivités locales
: acteurs principaux de la lutte contre les
copropriétés en difficulté ou dégradées
...........................................................
27
1.2.2
Un arsenal d’aides publiques adaptées mis en place par l’Anah
.....................
28
1.2.2.1
Le recyclage
.........................................................................................................
28
1.2.2.2
La sauvegarde et le redressement
.........................................................................
31
1.2.3 Un Plan initiative copropriétés visant à fédérer les parties prenantes
.............
33
1.2.3.1
Un partenariat Anah-Anru renforcé mais manquant de clarté
..............................
35
1.2.3.2
Une volonté d’agréger les acteurs, les solutions et les moyens
............................
36
2
LE PLAN INITIATIVE COPROPRIETES : UNE UTILITE ENCORE
INCERTAINE, DE SERIEUX OBSTACLES A LEVER
...................................
38
2.1
Un « effet accélérateur
» peu visible en dépit d’une meilleure mobilisation
.38
2.1.1 Des montants engagés très faibles au regard des logements rénovés
..............
38
2.1.2 Une ch
aîne d’intervention et de financement difficile à faire fonctionner
......
41
2.1.2.1
Un rôle décisif des collectivités pour enclencher
l’action publique
.....................
41
2.1.2.2
Des projets au long cours et très coûteux
.............................................................
43
2.1.2.3
Un portage financier encore non assuré
...............................................................
44
2.1.2.4
Le relogement : un enjeu majeur à mieux prendre en compte
..............................
47
2.2
Des freins et des incertitudes à lever pour une meilleure réponse à l’enjeu
..50
2.2.1
Une procédure d’alerte insuffisante pour prévenir les dérives
........................
50
2.2.2 Une articulation du droit public et du droit privé à améliorer
.........................
52
2.2.3 Le « portage » des logements, un cadre juridique inégal qui reste à évaluer .. 53
CONCLUSION
.......................................................................................................
55
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’UR
GENCE
4
ANNEXES
....................................................................................................................
56
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
5
SYNTHÈSE
Le dysfonctionnement des copropriétés : un phénomène ancien, une réponse publique
récente
La France compterait plus de 564 000 ensembles immobiliers privés régis par la loi du
10 juillet 1965 sur les copropriétés
1
, représentant près de 11 millions de logements
2
.
Une copropriété immobilière se compose
, d’une part
de lots qui appartiennent
pleinement aux copropriétaires
, d’autre part
, de parties communes
relevant d’un droit de
propriété démembré et dont la gestion repose sur des personnes morales de droit privé, les
syndicats de copropriétaires. Ces derniers doivent veiller à la bonne répartition des charges
communes ainsi qu’à leur paiement effectif
et sont responsables
de l’entretien et de la
conservation des espaces communs.
Les dysfonctionnements internes des copropriétés relèvent du droit civil, en particulier
du droit de propriété, mais non du droit des procédures collectives applicable aux entreprises
en difficulté.
La loi de 1965 n’a pas
défini de cadre légal permettant de faire face à des difficultés
persistantes mettant durablement
en péril les finances de la copropriété ou l’intégrité d
e son
bâti. Ce phénomène, qui concernerait aujourd’hui 684 co
propriétés recensées par les préfets
3
, a
été pris en compte tardivement par le législateur : alors que la loi
n’
a adopté la notion de
« copropriété en difficulté » que dans les années 1990, créant, avec les plans de sauvegarde, les
prémices d’un cadre d’in
tervention adapté
, les premiers dispositifs juridiques d’ensemble n’
ont
été établis
qu’à partir du
début des années 2010.
En 2014, la loi Alur, face au grand nombre d’ensembles immobiliers
qui appelaient une
action préventive ou un traitement lourd, est intervenue de deux façons
: d’une part en
réformant
les procédures civiles existantes
, d’autre part en ajoutant aux plans de sauvegarde
créés en 1996
un cadre renforcé d’action publique reposant sur
des opérations de redressement des
copropriétés (Orcod).
Le dispositif actuel associe droit privé et droit public ; il rappelle
l’attachement du
législateur au droit de propriété tout en élargissant les missions de la puissance publique au-
delà du cadre strict du logement insalubre ou indigne.
1
Données Filocom, 2017.
2
Registre national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires, 2021.
3
Soit une estimation de 80 000 logements, dont 56 000 dans des copropriétés fragiles et 24 000 dans des
copropriétés dégradées.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
6
Copropriétés en difficulté ou dégradées : une notion mal définie, une action
publique au champ large
Sur plus de 75
000 logements en copropriété suivis par l’agence nationale de l’habitat
(Anah)
4
, le traitement de l’habitat indigne
stricto sensu
ne représentait que 19 % des cas, soit
un peu plus de 14 500 logements. Or, si l
’intervention de la puissance publique
dans le parc
immobilier privé est définie avec précision
en cas d’indignité et d’insalubrité
, elle relève
d’
un
faisceau d’indices
plus diffus
5
en dehors de telles situations.
La loi définit comme
en difficulté
les copropriétés dans lesquelles le
taux d’impayé des
charges communes dépasse un certain seuil, fixé à 15 % pour les ensembles de plus de 200 lots
et à 25 % en deçà de ce seuil, mais ce critère
n’est pas suffisant
. Ainsi la paupérisation et la
forte rotation des copropriétaires, la non soutenabilité des charges, la dégradation des abords
ou la déqualification de l’environnement urbain
peuvent aussi être des signes de difficultés,
naissantes ou avancées, repérées ou non. Il est dès lors compréhensible que le cadre
d’intervention demeure
assez large pour permettre une action allant du repérage des
copropriétés fragiles au traitement de celles qui sont le plus en difficulté.
À la suite du rapport
Prévenir et guérir les copropriétés en difficulté
publié en 2012 par
son président, l’Anah a
mis en place
des dispositifs d’observation, de prévention et
d’intervention que la loi Alur a ensuite précisés et renforcés.
Parce que le repérage des difficultés est la condition de toute prévention efficace, la loi
a créé en 2016 un registre national des copropriétés géré par cette agence,
dont l’objet est
de
connaître la situation financière et énergétique des syndicats de copropriété et que les syndics
sont tenus de renseigner. L
e niveau d’enregistrement dans ce fichier s’améliore régulièrement,
sans permettre toutefois une vision fiable de la réalité car le nombre de copropriétés enregistrées
à
la fin de l’année est
encore inférieur de 100 000 unités au chiffre antérieur tiré du fichier
Filocom. Par ailleurs, la qualité des données enregistrées reste très inégale en raison
d’informations souvent manquantes ou incomplètes.
Le plan « initiative copropriétés » : un renforcement des financements nationaux et une
coopération facilitée entre les parties prenantes mais des effets non immédiats
Le Gouvernement a annoncé en octobre 2018 un plan « initiative copropriétés » (PIC)
piloté par l’Anah, qui
poursuit un triple objectif de prévention, de redressement ou, en cas de
nécessité, de « recyclage
», c’est
-à-dire de démolition ou de transformation des copropriétés les
plus en difficulté ou dégradées. Ce plan est doté de 2,5 Md€ sur dix ans, soit 2 Md€ de crédits
de droit commun de l’Anah et 500
M€ de l’
agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
4
Entre 2018 et 2020.
5
La Cour, dans son référé s
ur la lutte contre l’habitat indigne de juin 2021 rappelle néanmoins les
difficultés liées au repérage et au traitement de ce type d’habitat.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
7
Cette enveloppe, qui est une simple réorientation
de crédits existants de l’Anah et de
l’Anru
, a été complétée
ensuite pour l’année 2021 p
ar le Plan de relance économique de la
France de 2020-2022. Elle a vocation à renforcer et à garantir financièrement les dispositifs
antérieurs, y compris ceux relevant de
l’
Anru mais aussi à « agréger » les acteurs.
Ainsi, CDC Habitat, certains bailleurs sociaux, la Banque des territoires et le réseau
Procivis se sont engagés à permettre un traitement des copropriétés visées, de la prévention
jusqu’au redressement ou au recyclage.
Pour être efficace, le PIC a été conçu comme un outil « à la main » des collectivités
locales, notamment au regard des pouvoirs de police spéciale des maires et des compétences
des intercommunalités ou des métropoles
en matière d’habitat
.
Dans les faits, bien que le plan semble considéré par les acteurs concernés comme un
«
accélérateur de l’action publique
», seuls 14 % des crédits de
l’enveloppe initiale ont été
engagés depuis 2018 et les premiers résultats demeurent difficiles à identifier. Si l’Anah
indique
« accompagner » plus de 75 000 logements sur les 80 000 visés, aucun bilan consolidé de ses
interventions sur les communs ou de son aide au
redressement n’e
xiste alors que la moitié des
684 copropriétés en difficulté intégrées au PIC
6
sont aujourd’hui inscrites dans un dispositif
d’accompagnement. Ces copropriétés
sont de taille variable : si 39
% d’entre elles comptent
plus de cinquante logements, 32 % en comptent moins de dix.
Ce lent démarrage s’explique en partie par la durée des
interventions en copropriété, qui
s’inscrit dans le temps long
: elle a été modélisée à 24 mois avant travaux et les exemples des
copropriétés de Grigny 2, Clichy-sous-Bois ou Bondy laissent entrevoir la fin des opérations à
dix ou vingt ans.
Si auc
un bilan du PIC n’est en conséquence envisageable à court terme, il apparaît
dès
à présent
que l’impulsion donnée entraîne une mobilisation des opérateurs
. Mais, des
incertitudes demeurent quant à la capacité des bailleurs sociaux à s’impliquer dans le
redressement ou dans la transformation de copropriétés.
Au-delà des dispositifs
d’aide
publique, le traitement des copropriétés en difficulté ou
dégradées pourrait être rendu plus efficient par une implication massive des professionnels de
la gestion immobilière privée et par une attention plus soutenue de la part des collectivités
territoriales.
6
Tableau de bord PIC septembre 2021.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
8
PROJET DE RECOMMANDATIONS
Recommandation n°
1
(DHUP) : Développer en 2022 un outil de suivi de la situation sociale
des copropriétés en lien avec le registre national d’immatriculation
.
Recommandation n°
2
(Anah) : Permettre en 2022
aux copropriétaires d’accéder au contrôle
du contenu des informations du registre national liées à leur copropriété.
Recommandation n°
3
(DHUP) : Actualiser en 2022 la convention Anah-Anru pour intégrer
le cadre d’intervention
respectif de chaque agence dans les copropriétés.
Recommandation n°
4
(Anah) : Établir en 2022 des indicateurs de suivi par axe de mise en
œuvre du
P
lan initiative copropriétés à l’éc
helle du logement et de la copropriété.
Recommandation n°
5
(DHUP) : Publier en 2022 le décret fixant les conditions de
compétence professionnelle des collaborateurs habilités des titulaires de carte professionnelle.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE A
L’URGENCE
9
INTRODUCTION
Bien que la part des résidences principales relevant de la copropriété soit stable depuis
20 ans en métropole, à hauteur de 28 %, la dégradation rapide et parfois irréversible de certains
bâtiments s’est accrue. Ainsi, lors de l’élaboration du programme initiative copropriétés
(PIC)
en 2018, 684 copropriétés en dysfonctionnement comptant 80 000 logements - soit 56 000 dans
des copropriétés en difficulté et 24 000 dans des copropriétés dégradées - ont été identifiées,
parmi lesquelles les plus dégradées, au nombre de 128, sont concentrées sur 14 sites constituant
une priorité nationale.
La dégradation du bâti et des parties communes peut
s’inscri
re dans un cercle vicieux
qui comprend la déqualification
7
du quartier, provoquant le départ de ses habitants les plus aisés
et la paupérisation de sa population, évolution qui entraîne
l’augmentation du taux d’impayés
puis le sous-finan
cement de l’entretien
et peut favoriser le développement de pratiques
illégales
8
génératrices d
’insécurité
.
L’ordre public,
la salubrité et la sécurité exigent que les pouvoirs publics compétents,
au premier rang desquels ceux du bloc communal, interviennent dans le parc immobilier privé.
Le pilotage du PIC a cependant été confié
à l’agence nationale de l’habitat (
Anah), qui, depuis
2012, interv
ient dans les copropriétés, avant même l’élaboration d’un cadre spécifique par la
loi Alur en 2014. Dans ce cadre,
l’agence coopère avec l’agence nationale
pour la rénovation
urbaine (Anru) et anime de nombreux partenariats, avec notamment CDC Habitat et certains
bailleurs sociaux. Ses interventions en copropriété, que le PIC vient renforcer, comportent des
mesures d
’observation et
de prévention ainsi que des aides à la sauvegarde ou au redressement
qui peuvent aboutir à une démolition ou une transformation des ensembles immobiliers. Ces
aides en ingénierie ou en travaux s’adressent au
x syndicats de copropriétaires mais aussi aux
propriétaires occupants ou aux bailleurs.
L
es copropriétés relèvent avant tout d’une gestion et d’une responsabilité privée.
Leur
fragilisation, aux causes multiples, a imposé aux pouvoirs publics,
à l’issue d’
une lente prise de
conscience débouchant sur
l’élaboration
tardive de procédures privées et publiques, de créer
des outils spécifiques.
La mobilisation suscitée par
l’annonce du
PIC en 2018,
présentée par l’Anah comme
une accélération, ne se traduit encore ni budgétairement ni par
d’
autres indicateurs, certains
maillons manquant encore au dispositif de requalification des ensembles immobiliers
concernés.
7
Dégradation des aspects physiques d’un quartier. Cette terminologie relève
de la politique de rénovation
urbaine qui vise la « requalification » des quartiers.
8
marchands de sommeil, prostitution, trafics.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
10
1
LA LUTTE CONTRE LES COPROPRIETES EN DIFFICULTE
OU DEGRADEES : UNE ACTION PUBLIQUE « SUR MESURE »
DANS LE PARC PRIVE
La lutte contre les copropriétés en difficulté ou dégradées est devenue une priorité
publique depuis le début des années 2010 en passant par une lente évolution du droit associée
à une meilleure compréhension et à un meilleur repérage de ce phénomène complexe.
Face aux difficultés grandissantes des copropriétés, désormais mieux perçues, un
arsenal d’interventions publiques «
sur mesure » a été développé et a principalement confié à
l’agence nationale de l’habitat (Anah)
en raison
des missions historiques d’intervention
de
celle-ci dans le parc privé. Le Plan initiative copropriétés (PIC) lancé en 2018 et doté de
2,5
Md€ a permis
de remobiliser les financements existants, de renforcer la coopération de
l’Anah et de l’
agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de favoriser la
diversification des acteurs.
1.1
Un phénomène pris en compte avec retard
Le droit des copropriétés élaboré en 1965 visait à encadrer la gestion courante et
n’avait
pas anticipé les difficultés auxquelles les immeubles et les collectivités humaines concernés
seraient confrontées. Il faut remonter au début des années 1990 pour observer les premiers
signes
d’une prise de
conscience de ces difficultés et au début des années 2010 pour voir
apparaître des outils techniques et juridiques adaptés. Les réponses législatives successives, qui
tentent de concilier la protection de la propriété privée et l
’efficacité
de l’interventi
on publique,
dessinent un cadre juridique excédant, à juste titre,
le champ de la lutte contre l’habitat indigne
.
Ce cadre repose cependant sur une définition encore floue de problèmes qui souvent se
cumulent dans le temps. L
’importance cruciale du
repérage et de la connaissance, mieux perçue,
a motivé la création d’
un registre national des copropriétés, devenu obligatoire à compter
du 31 décembre 2018 et destiné à prévenir les dégradations de manière à permettre une
intervention en temps opportun.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
11
1.1.1
La copropriété immobilière : des règles fondées sur le droit de propriété
1.1.1.1
Un régime qui reste ancré dans le droit privé
La loi du 10 juillet 1965
9
définit comme copropriété «
tout immeuble bâti ou groupe
d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre
plusieurs personnes, par lots
comprenant chacun une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont
indissociables
». Le droit de propriété
s’applique
car la division en lots garantit pour les parties
privatives la « jouissance pleine et entière du bien possédé » au sens du code civil
10
; ce régime
entérine cependant, en ce qui concerne les « parties communes », une certaine restriction car il
ne laisse qu’un
«
droit d’usage apaisé
» au copropriétaire, restreignant son droit de jouissance
et de disposition.
Si chaque copropriétaire est seul propriétaire d’une part
11
des communs, son droit
s’exerce au sein d’une personne morale spécifique, le syndicat de copropriété, chargé
d
administrer le fonctionnement et la conservation
de l’ensemb
le. L
e syndicat dispose d’un
règlement voté en assemblée générale de copropriétaires, que le syndic
12
doit
mettre en œuvre
en veillant au bon fonctionnement de la copropriété.
L’entretien et la conservation des parties communes f
on
t l’objet d’un budget spécifique
comprenant les dépenses courantes de fonctionnement mais aussi la prévision annuelle de
travaux de maintenance visant à préserver le bien commun. Ces charges sont supportées par
chaque copropriétaire
13
au prorata de sa possession.
Ainsi la gestion des copropriétés repose d’abord et avant tout sur la responsabilité des
copropriétaires, les dysfonctionnements, principalement financiers, étant du ressort des
juridictions civiles
14
.
1.1.1.2
Des moyens légaux de prévention
et d’action
renforcés au fil du temps
La loi de 1965 n’a
yant pas prévu de difficultés durables de gestion et de conservation
des copropriétés, la prévention et le traitement légal des dysfonctionnements ont été développés
progressivement.
9
Loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis
et décret d’application
n°67-223 du 14 mars 1967.
10
Articles 544 et suivants du code civil.
11
Fraction de propriété non physiquement définie et distribuée en tantièmes ou millièmes au prorata de
la superficie d’habitation possédée.
12
Le syndic de copropriété est une personnes physique ou morale choisie par les copropriétaires après
une mise en concurrence obligatoire rendue obligatoire depuis la loi Alur. Il peut être placé, dans l’exercice de ses
missions, sous la surveillance d’un conseil syndical composé de copropriétaires élus par l’asse
mblée générale.
13
Article 10 de la loi du 10 juillet 1965.
14
Le tribunal de grande instance est principalement compétent, le tribunal d’instance pouvant être saisi
notamment des impayés inférieurs à 10
000 €.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
12
La
loi de 1994 sur l’habitat
15
a défini un premier cadre légal et des moyens
d’
action en
consacrant l’expression
« copropriété en difficulté »
16
. Face à des situations difficiles qui se
multipliaient sans solution elle a modifié
l’article 29 de la loi de 1965 pour préciser que les
syndicats de copropriété échappent au droit des faillites. Cette précision vise manifestement à
éviter la vente forcée de logements dans le cadre d’un éventuel
redressement judiciaire du
syndicat de copropriété. En contrepartie, la loi de 1994 ouvre au président du tribunal de grande
instance (TGI) la possibilité de nommer un administrateur provisoire, dont les moyens
d’action
restent peu définis mais dont la mission est de « prendre les mesures nécessaires au
rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété »
17
. Dans ce cadre, le TGI peut,
notamment, suspendre temporairement les créances.
La loi de 1994 donne par ailleurs au syndicat des moyens
d’action nouveau
en lui
ouvrant un privilège immobilier spécial et un
droit d’opposition au versement du prix de la
vente entre les mains du notaire. Cette disposition a pour objet de procurer des liquidité au
budget syndical en permettant au syndic de récupérer sur le prix de vente
du lot d’un
copropriétaire défaillant les charges impayées de
l’année en cours et
des deux dernières années
échues par priorité sur les autres créanciers privilégiés.
Ces mesures qui créent une amorce de droit des copropriétés en difficulté se limitent à
tenter de répondre à l’urgence de situation
s déjà substantiellement dégradées.
En écho à ce constat, la loi de 1996 relative au pacte de relance pour la ville (PRV)
18
crée le premier dispositif
d’intervention
publique dans des copropriétés dégradées sous la forme
d
’un
« plan de sauvegarde » qui ouvr
e un droit d’
action aux préfets
lorsqu’ils ont connaissance
de situations difficiles
19
. Cet outil, encore largement d’usage aujourd’hui
, donne aux pouvoirs
publics la possibilité de
s’ingérer dans la gestion privée
pour résorber les difficultés constatées.
15
Loi n° 94-624 du 21 juillet 1994.
16
Ajout dan
s la loi de 1965 d’une s
ection 2 : Dispositions particulières aux copropriétés en difficulté.
17
Aujourd’hui encore, le Préfet ne peut pas demander de comptes à l’administrateur, seul le juge le peut.
18
Loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise
en œuvre du pacte de relance pour la ville
.
19
Article L615-1 du CCH : en cas de «
graves difficultés sociales, techniques et financières résultant
notamment de complexités juridiques ou techniques et risquant à terme de compromettre la conservation
[de la
copropriété],
le préfet peut
à
son initiative ou sur proposition du maire du président de l'établissement public de
coopération intercommunale compétent en matière d'habitat (EPCI)
,
d'associations d'habitants, d'associations de
propriétaires ou de copropriétaires ou de l'administrateur provisoire
« confier à une commission qu'il constitue le
soin d'élaborer un diagnostic de la situation et de proposer un plan de sauvegarde destiné à résoudre les difficultés
[…]
de l'ensemble immobilier concerné.
[…]
Le projet de plan de sauvegarde est soumis à l'approbation du préfet
et à l'avis du maire, du président de l’EPCI et
, le cas échéant, du président du conseil départemental ».
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
13
Bien que les lois ultérieures relatives au logement aient traité régulièrement des
copropriété en difficulté
20
, la loi Alur de 2014
21
a
renforcé de manière significative la réponse
à ce phénomène en créant
une procédure qui s’apparente désormais
aux procédures collectives
applicables aux entreprises en difficulté.
La loi Alur comprend en effet un ensemble de mesures centrées sur la responsabilité
privée allant
de la prévention à l’action
et reposant sur le triptyque : « alerte, substitution,
sanction ».
Elle renforce à divers titres l
a procédure d’alerte
, créée, sans grand succès, en 2009.
D’abord, les frais de procédure ne sont plus
nécessairement mis à la charge au syndic.
Ensuite, le droit d’alerte est
élargi et désormais ouvert à 15 % des copropriétaires, à la puissance
publique (préfet, maire), au procureur de la République et aux créanciers. Enfin, un seuil de
déclenchement est fixé à la constatation, lors de la clôture des comptes, d’un niveau d’impayés
supérieur à 15 % dans les copropriétés de plus de 200 lots et à 25 % en deçà. Cette procédure
d’alerte peut donner lieu à la nomination par la juge d’un mandataire
ad hoc
qui dispose de trois
mois pour rendre son rapport au magistrat. Ce rapport doit faire état de la situation financière
et technique de la copropriété, de préconisations et de la possible médiation avec les
copropriétaires défaillants et/ou les créanciers.
La loi Alur prévoit, par ailleurs, une procédure spécifique pour les copropriétés en
difficulté, que celles-ci aient fait ou no
n l’objet d’une procédure d’alerte. Celle
-ci est ouverte
sur demande du syndic ou à défaut de 15 % des copropriétaires, du procureur de la République
et de la puissance publique
22
. Le président du tribunal judiciaire
23
peut alors nommer un
mandataire provisoire qui se substitue au syndic et dispose de cinq ans au plus pour redresser
la copropriété. Cette procédure est ouverte dès lors que l’équilibre financier du syndicat de
copropriétaires est gravement compromis
24
ou que
le syndicat est dans l’impossibilité de
pourvoir à la conservation de l’immeuble. Le juge peut
décider un placement sous
administration provisoire renforcée pour permettre à l’administrateur de passer toutes les
conventions nécessaires avec les organismes
publics afin de procéder à des travaux d’urgence
que la copropriété ne peut financer. Ces conventions sont régulièrement passées dans le cadre
de plans de sauvegarde.
Enfin il est prévu, dans le cas des copropriétés les plus dégradées, une procédure dite de
carence qui
peut conduire le juge, saisi par la puissance publique, à prononcer l’expropriation
des habitants. Un arrêté du Préfet fixe alors l’utilité publique d’office, désigne la collectivité au
profit de laquelle l’expropriation est poursuivie ainsi que l’indemnité provisionnelle allouée
aux propriétaires.
20
Notamment la loi «
lutte contre l’exclusion
» du 10 juillet 2009 qui crée une procédur
e d’alerte dont
l’usage a été limité.
21
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
22
Depuis l’ordonnance n° 2019
-738 du 17 juillet 2019 faisant suite à la loi Elan.
23
Anciennement tribunal de grande instance.
24
La référence aux 15
% d’impayés dans les copropriétés de plus de 200 lots et 25
% d’impayés en deçà
n’est pas explicite.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REP
ONDRE A L’URGENCE
14
Parallèlement, la loi Alur a créé, pour accompagner ces procédures, un nouveau cadre
d’intervention publique au travers des opérations de requalification des copropriétés
dégradées
25
(Orcod) qui offrent aux collectivités des moyens de gestion étendus. Ces Orcod
peuvent prendre la dimension d’intérêt national.
La direction du budget émet des réserves sur
ce dispositif exorbitant du droit commun, au motif qu
’il
conduit dans certains cas l’
État à
prendre en charge 100 % des couts, ce qui représente une répartition et un dimensionnement
discutables
de l’effort
financier.
La loi Élan
26
n’a pas remis en cause cette architecture
mais a complété les dispositions
relatives à la prévention de la dégradation des copropriétés. Ainsi elle a notamment assoupli les
conditions formelles de participation des copropriétaires aux assemblées générales, ouvert
l’information sur la situation du syndicat et ses projets aux ascendants et descendants des
copropriétaires, afin de faciliter la connaissance familiale des situations des plus jeunes comme
des plus âgés, accru les procédures de recouvrement, abaissé le seuil de majorité pour
enclencher des travaux de rénovation thermique.
Alors que la loi Alur oblige à allouer chaque année 5 % du budget prévisionnel de la
copropriété au fonds de travaux
27
, la loi « climat et résilience » du 22 août 2021
28
réintroduit
l’obligation de définir un plan pluriannuel de travaux. Ces fonds abondent le livret A, sans qu’il
existe en contrepartie
de prêt attractif pour les copropriétés qui ont à réaliser d’importants
travaux.
Si la situation des copropriétés en difficulté ou dégradées a été progressivement prise en
considération, l’arsenal juridique s’est concentré sur le
s situations les plus alarmantes tout en
conservant des lacunes, notamment
l’absence de sanction pour défaut d’alerte, contrairement
au droit des procédures collectives des entreprises. Dans le même temps, bien que les principes
attachés au droit de la propriété privée aient été pré
servés, la loi n’a cessé de développer, pour
les cas les plus lourds, des cadres d’intervention reposant sur la puissance publique et
notamment sur les collectivités locales.
De fait, la loi invite l
’administration à s’emparer de questions
relatives au parc privé, en
dehors du cadre strict
de l’insalubrité et de l’indignité, sans
en définir clairement ni le concept
de copropriété en difficulté ou dégradée, ni l
es critères permettant d’en juger.
En effet, la
définition explicite fondée sur le
niveau d’impayé ne résume pas le large champ de
l’intervention publique. Cette
situation est à analyser au regard de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel
29
et des dispositions de l’article 17 de la déclaration
universelle des droits de
l’Homme et du
citoyen qui autorise les atteintes à la propriété privée
« lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment ».
25
Article L. 741-
1 du code de la construction et de l’habitat.
26
Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du
numérique.
27
Le montant de participation de chaque copropriétaire est établi grâce aux tantièmes définis au sein du
règlement de copropriété.
28
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la
résilience face à ses effets, article 171.
29
Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
15
Schéma n° 1 :
Synthèse des procédures propres aux aspects civils et publics de l’intervention dans
les copropriétés fragiles
Source : Cour des comptes
1.1.2
Des interventions qui dépassent
la lutte contre l’
habitat indigne ou insalubre
En dehors des cas d’expropriation pour déclaration d’utilité publique, l’intervention de
la puissance publique dans des propriétés privées est par principe limitée. Elle se cantonne à
des mesures liées à l’ordre public, qui
dans le
cas du logement et de l’habitat,
sont prises
principalement dans les situations d’indignité ou d’insalubrité mettant en péril la santé ou la
sécurité des habitants ou des riverains. En ce qui concerne les copropriétés en difficulté ou
dégradées, les contours de l’intervention publique sont définis de manière
à favoriser une
réponse au cas par cas.
1.1.2.1
L
’habitat
indigne et insalubre : un cadre strict
La notion de copropriété en difficulté
ou dégradée n’a pas été prise en compte dans la
réforme des polices de l’habitat indigne ou insalubre initiée par la loi Élan et traduite dans une
ordonnance et un décret promulgués fin 2020
30
. Elle n’a donc pas d’effet juridique dans ce
cadre précis, pas plus que dans le cadre du logement indécent, applicable aux seuls logements
mis en location. En conséquence, si une copropriété en difficulté ou dégradée peut relever de
30
Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 et décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020.
Procédure civile (TJ)
Alerte
si 25 % d'impayés dans les
copropriétés de moins de 200 logements
ou 15 % d'impayés dans celles plus
grandes (mandataire ad hoc, diagnostic, 4
mois)
Procédure de copropriété en difficulté
(mandataire provisoire en remplacement
du syndic, prise de décisions pour
améliorer la situation)
Procédure renforcée et possible
jugement de carence
(qui peut permettre
l'expropriation des habitants et le
recyclage de la copropriété)
Cadre de l'action
publique
Aides de l'Anah sur demande du
syndicat de copropriété ou dans le cadre
d'un zonage contractualisé avec les
colelctivités
(opah, PIG, ORU, etc..)
Plan de sauvegarde
décidé par le Préfet
(mise en place d'une commission avec les
collectivités et l'Anah notamment)
Opération de requalification des
copropriétés dégradées
décidée par le
Préfet par autosaisine ou sur demande des
collectivités. (portage par un établissement
public foncier si décret d'ORCOD d'intérêt
national. Action de recyclage possible en
adéquation avec un jugement de carence
au civil )
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
16
l’habitat indigne ou insalubre, les définitions de l’habitat indigne et insalubre ne s
auraient
résumer à elles seules les copropriétés en difficulté ou dégradées.
Schéma n° 2 :
Répartition des champs d’intervention dans l’habitat indigne
Source : Anah
Relèvent de l’habitat indigne «
tous les locaux ou installations aux fins d’habitation et
impropres
par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans
lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes, pouvant porter atteinte à
leur sécurité physique ou leur santé »
31
. La lutte contre l’habitat indig
ne repose sur plusieurs
mesures de police régies par les articles L. 511-1 et suivants du CCH pouvant donner lieu à
l’expulsion des habitants et à des travaux d’office coercitifs.
Si les copropriétés les plus dégradées peuvent entrer dans ce cadre, celui-ci ne peut
répondre à tous les dysfonctionnement, souvent moins extrêmes, que rencontrent les
copropriétés
32
. En 2020, sur plus de 75
000 logements en copropriété accompagnés par l’Anah,
les cas d’indignité concernent ainsi un peu plus de 14
500 logements, soit 19 %
33
.
Par ailleurs, alors que la situation des copropriétés en difficulté ou dégradées est parfois
liée, en tout ou partie, aux difficultés financières des copropriétaires, les mesures de police
prises dans le cadre de la lutte contre l’indignité peu
vent conduire les collectivités (communes
ou EPCI en cas de transfert de la compétence de police à ces derniers) à se substituer aux
31
Article 84 loi Molle du 25 mars 2009.
32
La Cour dans son rapport du 28 avril 2021 sur la lutte contre l’habitat indigne observe que les
ordonnances de 2019 fondées sur la loi Elan visent la convergence des mesures et outils de lutte contre l’habitat
indigne et recommande qu’une stratégie nationale en la matière soit formalisée à l’instar du PIC.
33
L’habitat indigne concerne 5
% du total des logements accompagnés par l’Anah entre 2018 et 2020 soit
un peu plus de 17 000 logements. 85 % de ces logements se situent dans des copropriétés.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
17
copropriétaires défaillants pour opérer les travaux. La dépense afférente est alors à la charge de
la collectivité et celle-
ci n’est pas assurée de la recouvrer.
En conséquence, si la notion technique de copropriété en difficulté ou dégradée permet
l’intervention publique, celle
-
ci n’engage pas,
ipso facto,
la responsabilité de la puissance
publique et permet une approche souple, au cas par cas.
1.1.2.2
Les copropriétés en difficulté ou dégradées
: un faisceau d’indices détectable par les
professionnels
La notion de « copropriété en difficulté » est expressément visée dans le cadre juridique
des interventions publiques.
Elle n’est en
revanche pas définie.
Ainsi le plan de sauvegarde des copropriétés régi par
l’article
L. 615-1 du code de la
construction et de l’habitation (CCH)
vise des immeubles en copropriétés confrontés à «
(
…)
de graves difficultés sociales, techniques et financières résultant notamment de complexités
juridiques ou technique et risquant à terme de compromettre leur conservation (…)
». Le
constat de carence de l’article L. 615
-6 du même code mentionne quant à lui les
«
(…) graves
difficultés financières ou de gestion et l’importance des travaux à mettre en œuvre (qui rendent
la copropriété) dans l’incapacité d’assurer la conservation de l’immeuble ou la santé et la
sécurité de ses habitants (…)
».
Bien que le CCH prévoie des «
opérations de requalification des copropriétés
dégradées
» (articles L741-1 à L741-2), la notion de copropriété dégradée relève
principalement d’un jargon technique.
La difficulté d
’obtenir une
définition juridique et technique claire était déjà soulevée
dans le rapport de 2012 intitulé
Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés
34
. Elle
n’a
pas
été véritablement résolue depuis lors, même si des efforts de certification
35
au sein de la
profession des syndics ont permis de dégager des pis
tes d’alerte.
Selon l’Anah,
la notion fait
référence à un processus de « déqualification » qui affecte un ensemble immobilier placé sous
le régime de la copropriété. Les symptômes de ces difficultés, qui peuvent se manifester de
manière isolée, simultanée
ou successive, constituent un faisceau de présomptions quant à l’état
de la copropriété. Ils sont de différentes natures :
-
dégradation de l’état du bâti, des espaces extérieurs et des équipements ;
-
difficultés de gestion ou d’administration de la coproprié
té ;
-
difficultés financières et juridiques ;
-
paupérisation et spécialisation de l’occupation ;
-
dépréciation des logements et de la copropriété sur le marché du logement.
34
Rapport de janvier 2012 rendu par Dominique BRAYE, président de l’Anah, sur demande du ministre
du logement.
35
Certification de services « Syndic Prévention Redressement » délivrée depuis 2017 par un organisme
certificateur agréé COFRAC sur la base d’un référentiel de 200 critères d’audit. À date, 11 syndics sont certifiés
(dont deux organismes HLM) et 30 sont en voie de l’être.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
18
Dans ce cadre, l’association QualiSR, rejointe depuis 2017 par l’U
nis (premier syndicat
professionnel de syndics) et par
l’Anah, a élaboré une grille de diagnostic permettant
d’identifier les copropriétés fragiles et de faciliter ainsi la prévention comme le repérage. Selon
cette association, qui cite les travaux de l’USH,
il est possible de classer les copropriétés en
différentes catégories :
-
les copropriétés en voie de fragilisation
se caractérisent par des impayés naissants, des
travaux d’entretien non effectués et un faible investissement des copropriétaires en même
temp
s qu’une forte rotation de ces derniers
;
-
les copropriétés en difficulté
se caractérisent par des difficultés avérées de gestion et
d’administration, des problèmes techniques non traités et une population solvable qui
« fuit » la copropriété ; les dispositifs publics de traitement de ces copropriétés sont les
Opah c
opropriétés dégradées (opération programmée d’amélioration de l’habitat) et les
plans de sauvegarde ainsi que les POPAC (programme opérationnel préventif
d’accompagnement des copropriétés)
;
-
les copropriétés dégradées
sont le stade ultime du processus où les dispositifs incitatifs
ne sont plus suffisants et où l’intervention publique s’avère nécessaire ; les dispositifs
publics de traitement de ces copropriétés sont aussi les Opah copropriétés dégradées et les
plans de sauvegarde mais également, pour les cas les plus graves, les Orcod (opération de
requalification des copropriétés dégradées) les Orcod-
IN (Orcod d’intérêt national).
Dans le cahier
Repères n°43
, l’Union sociale pour l’Habitat (USH) r
appelle que la
notion de copropriété en difficulté peut recouvrir les cas suivants :
-
« présence de copropriétaires ne pouvant pas se maintenir en place, en raison de
l’inadéquation entre leurs ressources et les charges de gestion courante ou de rénovation
;
-
présence de copropriétaires présentant une dette de charges importante qu’ils n’ont pas la
capacité de rembourser ;
-
développement du rachat de logements par des copropriétaires bailleurs indélicats
engendrant
des situations d’habitat indigne
;
-
mobilisation insuffisante des copropriétaires dans le fonctionnement de la copropriété».
L’association QualiSR a modélisé les cycles de valorisation et de dégradation des
copropriétés dans des schémas qui montrent la complexité d’un phénomène à variables
multiples e
t dont la définition stricte semble illusoire. Elle met néanmoins en exergue l’enjeu
essentiel de la gestion dans ces phénomènes.
COPROPRIETES DEGRADEES :
MIEUX REPONDRE A L’U
RGENCE
19
Schéma n° 3 :
Modélisation des cycles de dégradation ou de valorisation des copropriétés
Source : Association QualiSR, site internet
www.associationqualisr.org
Cette association propose des « pistes de détection » pour accompagner les syndics, dont
le rôle et la mission sont en l’espèce essentiel
:
-
u
n taux d’impayés à la clôture des compt
es du dernier exercice par rapport au budget
prévisionnel et des provisions appelées pour travaux supérieurs à la moitié des seuils de
déclenchement de la procédure de désignation d’un mandataire
ad hoc
: 13 % pour les
copropriétés de moins de 200 lots ou 8 % pour celles de plus de 200 lots (tous types de
lots), ou 25 % des copropriétaires en impayé même partiel en fin de trimestre ;
-
a
u moins trois refus de vote de travaux urgents proposés lors de l’assemblée générale dans
les trois dernières années ;
-
au moins trois occurrences dans les douze
derniers mois de l’impossibilité par manque de
trésorerie de régler à échéance une facture d’eau, d’énergie, de chauffage, d’ascenseur ou
d’assurance
;
-
a
u moins un arrêté de péril ou d’insalubrité dans les cinq
dernières années ;
-
un taux de présence ou de représentation des copropriétaires en assemblée inférieur à 40 %
au cours des trois dernières années ;
-
une absence de conseil syndical.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
20
Dans son évaluation des dispositifs « plan de sauvegarde et Opah
36
copropriétés
dégradées
» de mars 2019, l’Anah confirme, sur douze opérations, que les copropriétés en
difficulté ou dégradées relèvent de dysfonctionnement multi factoriels.
Schéma n° 4 :
Analyse de la situation de 12 opérations sur copropriétés en difficulté
Légende
:
bâti très dégradé
moyennement
-
peu dégradé
(les formes indiquent des modes
d’intervention publique différents)
Source : Évaluation Anah des « dispositifs de plan de sauvegarde et Opah copropriétés dégradées »,
mars 2019
L’Anah relève néanmoins que trois
types de difficultés sont similaires : le niveau socio-
économique des habitants ou leur statut (de 60 à 80 % de propriétaires occupants très modestes),
l’environnement urbain
37
et le niveau des charges trop élevées (entre 3
000 € et 4
000
€ par an
avec comme principal point commun un chauffage collectif ancien).
La détection des risques ou des signes de fragilisation et la compréhension des cycles
de dégradation sont essentielles mais reposent principalement sur les copropriétaires et leurs
syndics. La puiss
ance publique, faute d’une connaissance suffisante de la situation des
copropriétés, est quant à elle est condamnée à des interventions souvent tardives. C’est tout
l’enjeu de la connaissance et du repérage des copropriétés, objet d’une attention renforcée
depuis 2018.
Enfin, les indicateurs de l’Anah permettent d’établir que les copropriétés fragiles ne se
concentrent pas dans les grands ensembles mais se répartissent dans l’ensemble des strates.
36
Opération programmée d’amélioration de l’habitat définie par l’article L. 303
-1 du CCH et formant le
cadre du partenariat noué
à l’initiative des collectivités locales avec l’Anah pour l’accompagnement financier des
mesures d’amélioration de l’habitat privé.
37
Dans le quartier de la Commanderie à Nogent-sur-Oise, les logements de la copropriété les Roches ont
été rachetés et réhab
ilités. Le site, trop stigmatisé, nécessite aujourd’hui la destruction des immeubles.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
21
Tableau n° 1 :
Répartition des copropriétés fragiles par taille des copropriétés
Nombre de
logements
Toutes copropriétés en
métropole
PIC (copropriétés en difficulté et/ou
dégradées)
<10
69%
32%
11 à 50
25%
28%
>50
6%
39%
Source : Cour des comptes selon données Filocom 2017 et tableau de bord du PIC 2021.
Le repérage des
copropriétés fragiles est d’autant plus complexe
qu’il n’en existe pas de
modèle type mais il demeure le préalable à toute tentative de sauvegarde ou de redressement.
L’enjeu du repérage est primordial dans la lutte contre l’habitat indigne.
1.1.3
Le repérage des copropriétés fragiles : une nécessité pour la prévention et
l
’action
1.1.3.1
Une réponse qui s’est
organisée à partir de 2012
Depuis 1995, et pour toutes les années impaires ultérieures, le fichier des logements par
commune
38
(Filocom) renseigne les services de l’État sur les copropriétés
en ce qui concerne
le logement (type, nombre de pièces, année de construction, …), son occupation (résidence
principale, secondaire, logement vacant), les occupants des résidences principales et les
propriétaires (type, âge, lieu de résidence…). Cette base de données est en cours de traitement
pour 2019. Cette base ne sera plus ensuite exploitée, pour permettre une fusion des données
Filocom et Filosofi au sein de la base unique Fideli. La perte des données de la taxe
d’habitations sera dans ce cadre très préjudiciable.
L’enjeu de la connaissance de l’état des copropriétés a été jugé prioritaire par le rapport
BRAYE de 2012.
De fait l’Anah s’est engagée
de longue date dans des initiatives territoriales visant à
améliorer le repérage des copropriétés. Ainsi, dès 1991, l’agglomération grenobloise avait
réalisé, sous maî
trise d’ouvrage d’une agence d’urbanisme, une étude spécifique de la situation
des copropriétés de son territoire. Cette étude a été réactualisée en 1999, avant que
l’agglomération ne développe un observatoire de l’habitat. Dès 2012, l’Anah a proposé de
cofinancer un dispositif similaire appelé « veille observation des copropriétés » (VOC), qui
38
Fichier produit par le SDS (m
inistère de l’environnement)
,
qui résulte de l’appariement de quatre
fichiers gérés par la direction générale des finances publiques, tenu par la direction générale des impôts et le
CGDD
: fichier de la taxe d’habitation, le fichier des propriétés bâties, le fichier des propriétaires et le fichier de
l’impôt sur les revenus. Les variables portent sur le logement, l’occupation du logement, le
s occupants et les
propriétaires des logements. Le fichier est arrêté au 1
er
janvier de chaque année impaire. L’accès au fichier est
cadré par un protocole d’accord et payant.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
22
perdure. Autre exemple, le « programme
opérationnel de prévention et d’accompagnement des
copropriétés
» (POPAC) créé par l’Anah en 2012 vise à offrir une solution de diagnostic avancé
des copropriétés.
Ces outils relèvent toutefois de périmètres restreints, à l’initiative des collectivités
locales. La création d’un registre national marque un tournant majeur
car elle répond au besoin
de connaissance partagée de la situation géographique, sociale et structurelle des copropriétés.
1.1.3.2
Un
registre national d’immatriculation des syndicats de coprop
riétaires encore
incomplet et peu connu
1.1.3.2.1
Un registre ouvert à tous et gratuit, mais qui n’intègre pas de données sociales
Le registre national des copropriétés
39
, créé par la loi Alur en 2014 constitue désormais
la base de référence pour la connaissance des copropriétés «
et la mise en œuvre des actions
destinées à prévenir la survenance des dysfonctionnements
»
40
.
Y sont immatriculés les syndicats de copropriétaires définis à l’article 14 de la loi
du 10 juillet 1965
41
, qui administrent des immeubles à destination partielle ou totale
d'habitation,
comprenant au moins un lot principal à usage d’habitation.
Le registre comprend
des informations permettant d’analyser la fragilité
éventuelle
d
’une
copropriété : données relatives au syndic, budget annuel de la copropriété et volume des
impayés et dettes fournisseurs, données judicaires (arrêté de péril, ordonnance de carence, etc.),
données techniques pouvant expliquer la situation financière (gardiennage, étiquette
énergétique des b
âtiments, type de chauffage, nombre d’ascenseurs).
Les données du registre, totalement dématérialisé, sont accessibles gratuitement :
-
aux télé déclarants
: d’une part, les notaires, qui procèdent à l’immatriculation des
copropriétés et la vérifient à l’oc
casion de chaque transaction immobilière
; d’autre part,
les représentants légaux de la copropriété (syndic ou administrateur provisoire) qui
actualisent les données chaque année ;
-
aux acteurs institutionnels : les collectivités locales, dans leur ressort, pour alimenter les
programmes locaux de l’habitat (PLH) et les observatoires locaux de l’habitat
, services de
l’Etat et organismes publics
pour alimenter les dispositifs locaux subventionnés par
l’Anah
;
39
Le registre des copropriétés (registre-coproprietes.gouv.fr).
40
Article L. 711-1 du CCH.
41
« La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Le
syndicat peut revêtir la forme d'un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi. Il établit, s'il y a
lieu, et modifie le règlement de copropriété. Il a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi
que l'administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires
ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. ».
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
23
-
au grand public, qui a accès, sans compte spécifique,
à l’annuaire ainsi qu’aux rapports
statistiques trimestriels disponibles depuis le dernier trimestre 2017
l’
échelle régionale,
départementale et intercommunale.
L’Anah n’a pas encore réalisé de rapport d’analyse du contenu du registre national des
copropriétés.
Graphique n° 1 :
Exemples de données territorialisées issues du registre national des copropriétés
sur le périmètre d’une intercommunalité anonymisée
France
Intercommunalité
Par commune
France
Intercommunalité
Par commune
Source : registre national des copropriétés, 30 juin 2021.
Seules les actions judici
aires mises en œuvre par les collectivités avec l’appui de l’Anah
sont enregistrées dans l’outil, qui ne donne pas de visibilité sur les interventions en cours, les
budgets dédiés ou les financeurs.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPON
DRE A L’URGENCE
24
Tableau n° 2 :
Extraits de données du registre national des copropriétés en 2018 et 2021
Juin 2018
Septembre 2021
Nombre de copropriétés immatriculées
197 874
486 828
Nombre de lots d’habitation
6 961 602
10 916 265
Nombre moyen
de lots d’habitation par copropriété
35,18
22,42
Part des copropriétés de plus 50 lots
21 %
10 %
Part des syndicats professionnels
87 %
89 %
Nombre d’arrêtés relevant du code de la santé publique en cours
45
172
Nombre d’arrêté de péril sur les parties
communes en cours
147
556
Ordonnance de carence
5
20
Source
: Cour des comptes, d’après le registre national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires
L’Anah
poursuit la consolidation du contenu de la base avec des données relatives au
revenu des habitants et avec des données à caractère social, mais sans pouvoir intégrer les
données du fichier Filocom. La
direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (
DHUP)
indique que l’Anah a accès aux données fiscal
es, au travers de la base FIDELI. Un décret en
Conseil d’
État est en cours
d’élaboration
afin de permettre
d’élargir (données des CAF et de la
MSA, par exemple) et préciser les données accessibles, en vue de constituer un observatoire
plus large, établi par convention et
avec l’accompagnement
du Cerema. Ce texte pourrait ne
pas aboutir, la complétude du registre étant limitée par le cadre législatif qui dispose : «
les
données de la base doivent être renseignées par les seuls représentants légaux de chaque
copropriété
» (article L.711-1 et suivants
du code de la construction et de l’habilitation
).
Pourtant, l’enjeu de repérage des copropriétés fragiles sous
-tend une capacité à
connaitre et évaluer les risques sociaux des occupants autant que ceux du bâti. L’
Anah devra
conforter ses capacités dans ce double objectif.
Recommandation n° 1.
(DHUP) : Développer, en 2022, un outil de suivi de la situation
sociale des copropriétés en lien avec le registre national d’immatriculation
.
1.1.3.2.2
Une immatriculation des copropriétés quasiment achevée pour les plus grandes
d’entre elles
La base RNC connaît une très forte croissance depuis sa création
et depuis qu’a été
instaurée en 2016 une obligation progressive d’immatriculation
.
Toutefois, le registre n’intègre
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
25
pas encore toutes les copropriétés dotées de syndics bénévoles
42
et les ensembles dont les
occupants ignorent qu’ils constituent des copropriétés
.
Ainsi au 5 septembre 2021, 486 828 copropriétés sont immatriculées dans le registre
national sur un total recensé de 564 687 dans le fichier Filocom 2007
43
.
L’écart en nombre de
logements s’élève à 1,2
million (9,7 millions en 2017 dans Filocom et 10,9 en 2021 dans le
RNC)
, ce qui obère la possibilité d’une vision d’ensemble fiable. Cet écart reflète le manque de
sérieux de nombreux syndicats de
copropriétaires ainsi que l’absence de responsabilisation des
syndics, professionnels ou bénévoles, qui ne risquent aucune sanction en manquant à leur
obligation.
Jusqu’à la fin de l’année 2020, la
communication auprès des utilisateurs a porté sur
l’immatr
iculation dans le registre des copropriétés. La refonte ergonomique
de l’outil,
mise en
production en janvier 2021, doit permettre de faciliter le parcours des utilisateurs et
d’
améliorer
la procédure de mise à jour annuelle des données afin, à moyen terme, de fiabiliser les données
déclaratives du registre. Une démarche de communication ciblée et de terrain auprès des
copropriétés non recensées reste à réaliser : un guide destiné aux syndics bénévoles est en cours
de finalisation et sera publié au premier trimestre 2022.
Du fait que le registre n’a été renseigné que progressivement, son
utilisation locale a été
limitée, le taux de couverture des territoires étant insuffisant.
1.1.3.2.3
Les observatoires et outils issus du registre national d’immatriculation des syndi
cs
de copropriété
Le registre national des copropriétés constitue d’ores et déjà la base de référence de
plusieurs outils :
-
les VOC, pour lesquels les données du RNC sont complétées par des visites de terrain
réalisées par les collectivités et financées pa
r l’Anah. Ces informations complémentaires
portent notamment sur le peuplement et la situation économique des occupants, à l’échelle
de la copropriété ;
-
l’observatoire des impayés
de charges en copropriété
44
créé début 2021, à la demande de
la ministre du logement, afin de mesurer les impacts de la crise sanitaire sur la situation
financière des syndicats de copropriétés. Il permet de mettre en lumière le caractère
42
Il existe actuellement 83 % de syndics bénévoles (53 970) parmi 64 910 télé déclarants, représentant
néanmoins une faible
part de lots d’habitation (261
275, soit 2,3
% des lots d’habitation dans les copropriétés
immatriculées). Par ailleurs, en 2021, on constate une part importante des nouvelles immatriculations réalisées par
des syndics bénévoles pour des copropriétés de petite taille.
43
Au 19 décembre 2021, 501 646 copropriétés sont immatriculées, soit 11
135 653 lots d’habitation, ce
qui représente 89 % des 564 687 copropriétés recensées dans le fichier Filocom 2017
.
44
Le socle minimal d’indicateurs retenu dans le cadre de
l’observatoire est le suivant
: montant total des
impayés de charges en copropriété, part et nombre de copropriétés concernées par les impayés de charges, nombre
de copropriétaires débiteurs de plus de 300 €, montant total des impayés et évolution pour le
s copropriétés ayant
un taux d’impayés de charges supérieur à 25
% de leur budget, le nombre de logements concernés et la dette
moyenne par copropriétaire, montant total des impayés et évolution pour les copropriétés ayant un taux d’impayés
de charges supérieur à 50 % de leur budget, le nombre de logements concernés, la dette moyenne par copropriétaire
et la localisation des copropriétés.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
26
structurel de ces impayés, avec 64 % des syndicats immatriculés au 14 mars 2021 qui
déclarent
une situation d’impayés à l’arrêt des comptes (retard dans les appels de fonds,
retard de paiement d’un copropriétaire par exemple)
. Il permet également de concentrer
l’attention
sur les syndicats déclarant un taux supérieur à 50 % de leurs charges courantes
et exceptionnelles (26 143 syndicats de copropriétés dénombrant 544
975 lots
d
habitation au 14 mars 2021) ;
-
l’indice
de risque potentiel concernant les copropriétés,
en cours d’élaboration
, afin de
faciliter le repérage et la priorisation des copropriétés en difficulté ;
-
alors que la communication relative au RNC a été jusqu’à présent ciblée sur les
télé
déclarants et les opérateurs institutionnels, elle devrait
s’
adresser à la population générale.
Bien qu’en progression, les enregistrements, demeuren
t insuffisants et le traitement des
données reste peu étendu (AG de copropriété, recherche, …). Pour renforcer l’enregistrement,
il serait utile d’ouvrir aux copropriétaires, qui ne peuvent à ce stade consulter que des données
agrégées, l’accès aux données
détaillées du registre : ils pourraient ainsi veiller au bon
renseignement de la base par les syndics et être mieux associés à la gestion de leur copropriété.
La mise à disposition des données du registre au plus grand nombre a débuté en
décembre 2021, av
ec la mise en production de l’ouverture élargie des données de l’annuaire du
registre, ne nécessitant pas de compte spécifique.
Selon l’Anah, c
elle-ci se poursuivra avec la
mise à disposition de ces données sur data.gouv.fr au cours du premier semestre 2022.
Recommandation n° 2.
(Anah) : Permettre en 2022
aux copropriétaires d’accéder au
contrôle du contenu des informations du registre national liées à leur copropriété.
1.2
Des moyens d’intervention
« sur mesure » que le Plan initiative
copropriétés vient renforcer
L’intervention
publique repose historiquement et juridiquement sur les politiques
menées, au nom de l’État, par l’Anah en partenariat avec les collectivités locales. Elle a donné
lieu, au fil du temps, à la construction d’un arsenal d’aides adaptées aux réalités locales
et aux
évolutions législatives. Le Plan initiative copropriétés annoncé par le Gouvernement en 2018
est venu principalement abonder ces dispositifs ainsi qu’ouvrir ou renforcer le champ des
acteurs partenaires.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
27
1.2.1
L’
Anah et les collectivités locales : acteurs principaux de la lutte contre les
copropriétés en difficulté ou dégradées
Créée en 1971, l’Anah, dont les missions ont été élargies au fil du temps pour intégrer
notamment les enjeux liés à la rénovation énergétique, est devenue l’agence référente pour
l’accompagnement des mutations du parc privé de logement. Elle a pour but selon l’article
L. 321-1 du CCH de «
promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements
privés, en particulier en ce qui concerne les performances thermiques et l'adaptation à la perte
d'autonomie ».
Elle participe
« à la lutte contre l'habitat indigne et dégradé, aux actions de
prévention et de traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté, à la lutte contre la
précarité énergétique et à l'amélioration des structures d'hébergement.
»
L’agence s’est consacrée de manière croissante aux dispositifs de subvention liés à la
transition énergétique des logements au gré des politiques publiques initiées depuis 2014
45
; il
n’en demeure pas moins qu’elle s’est histo
riquement imposée dans le cadre de programmes
d’aide contractualisés avec les collectivités territoriales et dans la lutte contre l’habitat indigne.
Si l’Anah s’est engagée dans les subventions incitatives aux propriétaires occupants
modestes et très modestes
46
pour leur travaux tant de salubrité que d’adaptation à la perte
d’autonomie, elle a veillé à moduler ses aides au regards de l’engagement des collectivités.
Ainsi les outils de l’agence incitent de longue date à la mobilisation locale, à l’apport
d’expertise et au ciblage de périmètres d’action. Les Opah ou programmes d’intérêt généraux
(PIG) ont été développés à la condition d’être contractualisés
47
avec les communes ou les EPCI
compétents en matière d’habitat et de logement. Cette même logique a été r
econduite en matière
de lutte contre les copropriétés en difficulté ou dégradées depuis 2012.
La relation privilégiée Anah - collectivités locales, et principalement avec les maires,
vient aussi de l’action de l’agence pour la résorption de l’habitat indig
ne. Depuis 2009
48
,
l’agence s’est vu confier, en lieu et place des services de l’
État, le financement des aides à la
résorption de l’habitat indigne irrémédiable et dangereux (RHI) ainsi que la résorption de
l’habitat indigne remédiable ou dangereux, ou sou
s opération de restauration immobilière
(THIRORI). Ces missions ont conduit l’agence à s’engager très tôt dans le traitement des
copropriétés indignes.
Ce champ d’intervention adosse les aides l’Anah au pouvoir de police spéciale des
maires contre l’indignité et l’insalubrité
49
étendus depuis 2014 aux copropriétés en difficultés
ou dégradées
50
.
45
Cour des comptes, rapport sur le programme « Habiter mieux », avril 2018, et audit flash sur le
lancement du dispositif «
MaPrimeRénov’
», septembre 2021.
46
Ainsi que les propriétaires bailleurs, notamment dans le cadre de conventionnements de loyers.
47
Article L 303-1et L 102-
1 du code l’urbanisme.
48
Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et l
a lutte contre l’exclusion, suivie
des trois décrets du 24 décembre 2009.
49
Articles L 511-1 et suivants du CCH.
50
Articles L 129-1 et suivants du CCH.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
28
Il en résulte qu’aujourd’hui l’Anah anime et porte, principalement
51
pour le compte de
l’
É
tat, les aides destinées tant aux collectivités qu’aux copropriétaires et copropriétés, sur
initiative quasi systématique des mairies ou EPCI compétents en matière d’habitat. L’agence a,
dans ce cadre, établi un catalogue étoffé d’aides «
sur mesure ».
1.2.2
Un
arsenal d’aides publiques
adaptées
mis en place par l’Anah
Le traitement des copropriétés en difficulté ou dégradées repose d’abord sur leur
connaissance précise. En complément des mesures déclaratives et d’observation évoquées ci
-
avant, l’intervention publique, pour être efficiente, doit être à même d’intervenir à chaque stade
de difficulté d’un ensemble immobilier et en tenant compte des spécificités de celui
-ci.
C’est dans ce contexte que l’Anah a développé, en direction des syndicats de
copropriétés
et des copropriétaires, une offre de service qui s’adapte aux procédures civiles ou
administratives engagées, à diligenter ou à prévenir. Dans le cas des copropriétés en difficulté
ou dégradées, l’intervention de l’agence est renforcée et mieux encadrée lorsqu’elle s’inscrit
dans des zonages ou des dispositifs publics dédiés. Néanmoins, en dépit de la diversité des
situations, l’objectif de cette intervention varie peu : dans les cas les plus grave, un «
recyclage »
- terme qui désigne la démolition ou la transformation -
de l’ensemble immobilier est
inéluctable
; dans les cas moins extrêmes, l’action publique tend au «
redressement » ou à la
« sauvegarde » de la copropriété.
Dans tous les cas, l’intervention s’inscrit dans le temps long. Elle impose une act
ion
coordonnée des services de l’État et des collectivités territoriales et une participation active,
notamment financière, de ces dernières. Elle induit des procédures civiles et administratives
croisées et interdépendantes et nécessite un dialogue permanent avec les copropriétaires au
regard tant de leurs droits que de leurs situations individuelles et collectives souvent
inextricables.
1.2.2.1
Le recyclage
La démolition et la transformation sont les actes les plus lourds du dispositif de lutte
contre les copropriétés dégradées : elles peuvent être fondées sur les dispositifs de résorption
de l’habitat indigne ou répondre à des procédures spécifiques aux copr
opriétés dégradées. Elles
sont par nature longues et engendrent des problématiques qui vont, de l’aménagement urbain
au relogement des copropriétaires.
51
L’Anru peut intervenir aux côtés ou en lieux et place de l’Anah dans le cadre du NPNRU et des plans
de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD).
COPROPRIETES DEGRADEES : MI
EUX REPONDRE A L’URG
ENCE
29
Schéma n° 5 :
Processus de recyclage
Source : Anah
Hors les cas de RHI-THIRORI, deux cadres principaux autorisent l
’intervention
publique : les opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) et les
procédures de carence.
Les Orcod, engagées à l’initiative des collectivités locales compétentes ou du
représentant de l’
État, ont vocation à fédérer les di
fférents intervenants d’un projet urbain et
social. Elles permettent d’affiner le diagnostic, de déterminer si les opérations donneront lieu à
une démolition ou à une transformation (autre activité que le logement, prise en possession
totale ou partielle p
ar un bailleur social) et si leur déficit fera l’objet d’un portage (indemnités
d’expropriation, travaux d’urgence en attendant la démolition, etc.). Elles peuvent être pilotées
par l’Anru dans les périmètres NPNRU et pour les cas les plus dégradés. Lorsqu
e la situation
urbaine et celle de la copropriété sont particulièrement complexes, notamment dans le cas
d’ensembles immobiliers multiples, les Orcod peuvent être déclarées d’intérêt national (Orcod
- IN)
52
. Elles permettent alors un apport massif de moyens complémentaires et un transfert du
déficit de l’opération sur un établissement public foncier (EPF).
52
Il ressort du comité de pilotage du PIC de 2020 que les Orcod de droit commun sont considérées comme
peu attractives.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
30
Les couts sont pris en charge par le EPF, les agences de l’Etat (Anah et Anru) et les
collectivités.
Sur les quatorze opérations de requalification de c
opropriétés dégradées d’intérêt
national qui ont été identifiées quatre sont engagées. Elles se situent toutes en Ile-de-France et
sont en conséquence portées par l’établissement public foncier d’Ile
-de-France (EPFIF). Il
s’agit de
Clichy sous-Bois, Grigny, Villepinte et Mantes-la-Jolie. Une cinquième opération,
annoncée par la ministre du logement pour 2021, concernera Nîmes
. D’intérêt national ou non,
les Orcod bénéficient de dispositions particulières telles que l’instauration d’un droit de
préemption
urbain (DPUR), l’obligation de joindre un rapport de salubrité et de sécurité à toute
déclaration d’intention d’aliéner.
Schéma n° 6 :
É
tapes de l’Orcod
-IN de Clichy sous Bois
Source : Anah
La seconde
procédure, dite de carence, intervient généralement à la suite d’u
n plan de
sauvegarde ou de la nomination d’un administrateur provisoire par le juge civil et vise un
ensemble immobilier particulier non inclus dans un projet urbain et social. Elle associe des
décisions relevant des polices spéciales et de l’ordre public d’une part, des procédures civiles
et de relogement d’autre part. Elle s’applique à des cas extrêmes et, quoiqu’elle comprenne une
recherche de redressement, débouche le plus souvent sur un recyclage de la copropriété. Sa
modélisation laisse néanmoins apparaitre un délai minimal de deux ans avant toute démolition,
ce qui peut conduire à des travaux d’urgence et d’office dont l’Anah peut prendre en charge la
totalité.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
31
Schéma n° 7 :
Modélisation d’une procédure de carence
Source : Anah
1.2.2.2
La sauvegarde et le redressement
La sauvegarde ou le redressement des copropropriétés visent à maintenir les
propriétaires dans leurs droits, à améliorer les conditions de vie des habitants et bien souvent à
revitaliser l’environnement urbain. Dans ce cadre, l’Anah a défini un dispositif d’intervention
et des outils qu’elle finance ou co
-finance afin de répondre à des situations très variées. Ces
processus sont longs et peuvent conduire à un recyclage.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
32
Schéma n° 8 :
Processus de redressement des copropriétés
Source : Anah
Les interventions proposés
par l’Anah peuvent s’inscrire dans une Opah ou un PIG
comportant un volet dédié aux copropriétés fragiles, faire l’objet d’une Opah spécifique,
s’inscrire dans des cadres plus coercitifs tels que les opérations de restauration immobilière
53
(ORI) ou encore dans un plan de sauvegarde initié par le Préfet ou les collectivités compétentes.
Une fois le cadre d’intervention établi, l’Anah propose des outils nombreux et souvent
complémentaires qui couvrent les opérations de l’amont à l’aval et qui concernent
pri
ncipalement l’ingénierie. Au
-
delà de l’observation et du diagnostic, déjà évoqués, ces aides
sont orientées tant vers le redressement de la gestion que vers la définition des besoins en
travaux.
Les aides concernent aussi bien les travaux d’urgence (avec o
u sans recyclage de la
copropriété
in fine
) que les travaux d’office (décidés par mesure de police spéciale), les travaux
d’amélioration des parties communes ou de
résidentialisation
(amélioration de l’environnement
direct de la copropriété telles que espaces verts, sécurisation,
etc.
).
53
Articles L 313-
4 du code l’urbanisme. Il s’agit d’opérations d’aménagement dans le cadre d’une
déclaration d’utilité publique, généralement liée à une opération de renouvellement urbain.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
33
La plupart de ces aides sont destinées aux syndicats de copropriétaires, dès lors qu’ils
ne sont pas défaillants. Elles peuvent aussi s’adresser à des organismes
54
qui décident d’acquérir
des logements afin de soutenir le re
dressement de la copropriété dans le cadre d’un «
portage
ciblé » des lots.
Au-
delà l’Anah propose également aux copropriétaires, dans le cadre de ses aides
classiques, des subventions permettant aussi bien de mener des travaux lourds de rénovation de
leur logement que de lutter contre la dégradation de la copropriété en engageant une rénovation
énergétique.
Dans ce cadre, les aides du programme « Habiter mieux » ouvertes aux propriétaires
occupants comme aux syndicats de copropriétés fragiles ou situés en périmètre Anru sont,
depuis 2021, regroupées dans le nouveau dispositif « MaPrime
Rénov’
». Ces aides sont
cruciales car les charges de copropriété sont en grande partie liées à des dépenses énergétiques
communes dans lesquelles le mode de chauffage
collectif et l’isolation de l’immeuble ont un
poids déterminant. Dans ce cadre, la loi Élan a abaissé le seuil de majorité pour l’adoption de
travaux de rénovation énergétique et rendu opposable les diagnostics de performance
énergétique
55
(DPE) des copropriétés.
1.2.3
Un Plan initiative copropriétés visant à fédérer les parties prenantes
Le 10 octobre 2018, le Gouvernement a annoncé à Marseille le lancement d’un plan
national de lutte contre les copropriétés fragiles ou dégradées intitulé « Plan initiative
copropriétés
» (PIC). Tout en affirmant la volonté d’une politique
«
à la main des collectivités
locales
56
»
, ce plan confirme l’Anah
dans son rôle de
pilote national et s’appuie sur le triptyque
« prévenir, redresser, recycler » qui préside au traitement des copropriétés développé par
l’agence depuis 2012.
Le PIC se veut « accélérateur
» de l’action publique mais aussi «
agrégateur » de
partenariats renforcés entre acteurs publics. Toutefois, l’agrégation recherchée ne repose pas
sur conventionnement
ad hoc
, à l
’exception d’un avenant au plan d’investissement volontaire
conclu en 2019 entre le groupe Action Logement et l’État.
Son financement, annoncé pour dix ans, repose sur l’engagement pluriannuel de crédits
de droit commun de l’Anah à hauteur de 2
Md€ et de 500 M€ de crédits de l’Anru. Il comporte
le portage financier du « reste à charge » par Procivis ainsi que le portage ciblé de lots par des
acteurs tels que CDC Habitat ou Action Logement
57
.
54
Les organismes éligibles dans ce cadre sont les organismes HLM, les SEM dédiées au logement social,
les sociétés publiques locales, les sociétés publiques locales d’aménagement, les établissements publics fonciers
nationaux ou locaux, les concessionnaires d’aménagement, les établissements publics Grand Paris et Paris
-Saclay,
les concessionnaires de service.
55
Ces DPE sont obligatoires dans les copropriétés à chauffage collectif.
56
Dossier de presse du ministère de la cohésion des territoires.
57
1/ 60 M€ de subventions
: 15 à 20
000 € par logement, permettant de compléter
le plan de financement
respectivement des propriétaires bailleurs et des propriétaires occupant. Compte tenu de la forte demande, le
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
34
Une liste de copropriétés labellisées PIC a été établie en 2018 pa
r l’Anah, à partir d’une
identification locale effectuée
par les préfets. La liste des sites d’intérêt national est partagée
par l’Anah avec les acteurs nationaux, alors que les listes régionales sont gérées par les préfets,
qui en transmettent une version
actualisée à l’Anah tous les six mois. Ces listes ont été
stabilisées au terme d’un processus itératif entre les parties prenantes et ne seront modifiées
qu’à la marge, après des études pré
-opérationnelles conduites dans le cadre du nouveau
programme de renouvellement urbain (NPNRU
), comme l’illustre l’
exemple récent de Dijon
métropole.
Carte n° 1 :
Localisation des copropriétés du Plan initiative copropriétés
Source : Anah, Comité de pilotage de janvier 2021
Alors que le
PIC est entré, selon l’Anah,
en phase opérationnelle en 2020, la ministre
du logement a annoncé le 12 janvier 2021 son renforcement par le plan France relance grâce à
un doublement des crédits initialement inscrits pour l’année.
programme a été clôturé au dernier trimestre 2020 et l’enveloppe réévaluée (avenant au Plan d’initiative volontaire
(PIV) en février 2021) pour honorer la centaine de dossiers, concentrés sur quelques opérations.
2/ 145 M€ de fonds propres (pour les opérations d’acquisition ou d’amélioration très déficitaires –
environ 39 000
€ par logement) et subventions aux filiales pour f
inancer le relogement, laisser les logements vacants, couvrir les
frais d’ingénierie, financer l’assistance à maîtrise d’œuvre auprès du syndic.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
35
1.2.3.1
Un partenariat Anah-Anru renforcé mais manquant de clarté
La dernière convention passée entre l’Anah et l’Anru,
en
mai 2015, n’a pas été modifiée
à raison du PIC, bien que celui-ci se concentre à 90 % sur les périmètres NPNRU. Au
demeurant, les préfectures ont adressé en même temps les informations relatives aux
copropriétés dégradées et celles relatives aux priorités du NPNRU.
La répartition des actions des deux agences est dès lors à rechercher dans leur règlement
général. Ainsi, l’Anru est compétente pour les opérations de démolition, les projets de portage
ma
ssif (à l’inverse des portages ciblés soutenus par l’Anah) et pour la restructuration
-
résidentialisation des espaces extérieurs et équipements des grandes copropriétés.
Les premiers bilans (
Cf.
partie 2) semblent montrer que les opérations relevant de
l’Anah ont été plus couramment sollicitées que les mesures massives relevant de l’Anru. De
façon plus critiquable, des opérations de démolition relevant de l’Anru se retrouvent financées
par l’Anah, notamment
à Epinay-sur-Seine et à Saint-Etienne-du Rouvray. Sur le territoire de
Plaine commune, l’Anru semble hésiter à prendre en charge le recyclage d’une copropriété,
alors que l’Anah investit d’ores et déjà dans la copropriété en état de carence. Ce manque de
coordination pénalise l’avancée globale du projet.
La DHUP partage le constat que l’intervention au cas par cas des deux agences ne
permet pas une gestion budgétaire pluriannuelle optimale et pénalise la planification des
programmes pour les collectivités territoriales.
Dans la pratique, aucune instance o
fficielle de dialogue et de décision commune n’e
xiste
entre les deux agences. La discussion semble renvoyée aux revues de projets annuelles animées
par les préfets de département et qui incluent les représentants de chaque entité. L
’Anah, en tant
que membr
e du comité d’engagement de l’Anru, y communique sa position sur les sujets
relevant de l’habitat privé.
Par ailleurs, des points mensuels entre les deux agences, la DHUP
et le cabinet de la ministre du logement contribuent au partage d’information.
Ces modalités ne
sont toutefois pas à la hauteur des enjeux.
La Cour, dans son rapport de 2020 sur l’Anru et ses programmes,
58
a
souligné qu’en
dépit de l’intervention significative de l’Anru dans le traitement des copropriété dégradées, le
cadre de cohérence des
interventions de l’Anah et de l’Anru n’avait pas été actualisé et
qu’aucun mécanisme de concertation n’avait été établi entre les deux agences
. Cette
actualisation serait en cours selon l’Anru mais n’a pu être formalisée à ce stade. Cette lacune
devra être corrigée, comme
l’a demandé la Cour, afin d’assurer la lisibilité des dispositifs par
les collectivités territoriales ainsi que dans un souci
d’efficience de la dépense publique. À
défaut, la concentration de la gestion du PIC
par l’Anah pourrait s’imposer.
Recommandation n° 3.
(DHUP) : Actualiser en 2022 la convention Anah-Anru pour
intégrer
le cadre d’intervention
respectif de chaque agence dans les copropriétés.
58
Cour des comptes
, L’agence nationale de rénovation urbaine (Anru) et la mise en œuvre des
programmes de renouvellement urbain (PNRU et NPNRU)
, communication à la commission des finances du Sénat,
avril 2020.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
36
1.2.3.2
Une volonté d’agréger les acteurs, les solutions et les moyens
Le PIC
est fondé sur l’annonce d’un engagement financier massif de l’État et sur la
complémentarité des acteurs tout au long du processus d’intervention dans les copropriétés.
Si l’Anah peut
financer jusqu’à 100
% certains travaux d’urgence ou d’office dans les
cas les plus inextricables, la règle d’intervention de l’agence demeure le cofinancement qui
induit, pour les bénéficiaires, un reste à charge.
Afin d
’éviter que les projets de sauveg
arde, de redressement ou de travaux urgents ne
soient ralentis ou remis en cause, le réseau Procivis
59
propose dans le cadre du PIC une
enveloppe de 240 M€ alimentant deux prêts
réservés aux copropriétés fragiles ou sous dispositif
Anah et destinés, l’un aux syndicats de copropriété, l’autre aux copropriétaires. Alors que la
convention entre l’État et Procivis vise l’aide à la rénovation de 45
000 logements de 2018 à
2022 , 45 M
€ ont été engagés à ce titre en 2019 et 20 M€ 2020
60
.
Au-delà du reste à charge, le portage de lots, ciblé ou massif, est essentiel pour permettre
aux syndicats de copropriété de se redresser. En acquérant des logements, les opérateurs publics
d’économie mixte ou de logement social remplacent des copropriétaires défaillants, occupent
des lots vides et apportent leur solvabilité en garantie à la copropriété.
Dans ce cadre CDC Habitat a créé une filiale « copropriété
» dotée d’un capital de
100
M€ et d’une capacité d’investissement de 500 M€. Cette société s’est fixé l’objectif
d’acquéri
r 5 000 logements mais aussi de proposer, sur demande des collectivités, des projets
de portage massif ou de recyclage des copropriétés. Ce modèle économique repose sur la plus-
value escomptée à la revente des logements à terme ou sur la valorisation foncière après
démolition.
Le groupe Action Logement, pour sa part, vise l’acquisition de 2
500 logements par ses
filiales de logement social, avec une stratégie d’équilibre des opérations.
De nombreux bailleurs sociaux se sont engagés de manière comparable sans toutefois
afficher d’objectifs chiffrés.
Enfin, le PIC
permet de mettre en cohérence les différents dispositifs d’État intervenant
dans le champ du logement, au travers de périmètres ciblés tels que ceux du programme Action
cœur de ville ou les quartiers anciens dégradés
61
.
59
Réseau immobilier de l’économie sociale et solidaire fondé sur des sociétés anonymes coopératives
d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) dont le chiffre d’affaires s’élevait à plus de 1,13 Md€
en 2018.
60
Source : Anah et Procivis.
61
L’Anah n’a pas transmis à la Cour
la répartition des copropriétés couvertes par le PIC entre les différents
programmes d’intervention publique.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
37
Schéma n° 9 :
Le Plan initiative copropriétés, agrégateur de programmes relatifs aux copropriétés
Source
: Anah, point d’avancement septembre 2021
____CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ___
La prise de conscience tardive du phénomène des copropriétés en difficulté ou
dégradées a retardé la construction d’outils juridiques spécifiques alliant respect de la
propriété privée et devoir d’intervention publique. Hors
du cadre juridique strict de la lutte
contre
l’insalubrité et l’indignité s’est construit un champ d’action propre aux copropriété
s en
difficulté ou dégradées. En l’absence de définition stricte de ce phénomène au origines
multiples, la connaissance et le repérage des difficultés sont essentiels. Cette exigence devra se
traduire par
l’élaboration d’une base de données fiable
et exhaustive, intégrant des
informations sur le bâti et sur les occupants et accessible aux copropriétaires ainsi que par une
responsabilisation marquée des profess
ionnels de l’immobilier
. Le « Plan initiative
copropriétés » annoncé en 2018 vise à garantir financièrement sur dix ans les dispositifs
existants et à agréger les acteurs pour une mobilisation exceptionnelle. Celle-ci, pour réussir,
doit veiller à la lisibilité des rôles de chacun, notamment en ce qui concerne les périmètres de
la rénovation urbaine où se situent 90 % des copropriétés en difficulté jugées prioritaires.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE A
L’URGENCE
38
2
LE PLAN INITIATIVE COPROPRIETES : UNE UTILITE
ENCORE INCERTAINE, DE SERIEUX OBSTACLES A LEVER
Alors que le PIC a été engagé en 2018, selon l
’Anah, qui en assure le pilotage, sa mise
en œuvre n’a été effective qu’à compter de 2020, ce qui ne permet pas d’en
dresser un bilan.
Néanmoins, les informations disponibles à ce stade laissent entrevoir plutôt une réussite de la
mobilisation des acteurs qu’une accélération
réelle
de l’action publique.
En effet, ce plan qui
vise à renforcer
une action publique existante n’est pas en mesure de lever les freins qui
l’affectent, tels que le rôle insuffisan
t des professionnels de la gestion immobilière privée ou la
capacité d’implication limitée des bailleurs sociaux.
2.1
Un « effet accélérateur » peu
visible en dépit d’une meilleure
mobilisation
Bien que les parties prenantes du PIC louent son effet accélérateur, son démarrage est
lent. L’Anah
a engagé certes davantage de crédits chaque année, mais dans des volumes limités
tandis que
l’Anru n’a pas encore commencé à concrétiser ses engagements de 2018.
L’indicateur principal d’activité qu’est le nombre de logements rénovés n’est pas cohérent avec
les montants engagés et les indicateurs de suivi sont inexistants.
Le temps long nécessaire pour redresser une copropriété, dix à vingt ans selon la taille,
mais aussi l’ampleur des enjeux sociaux, financiers, d’ordre
public, de salubrité et de sécurité
seraient, malgré l’existence d’un réseau d’experts professionnels, d’opérateurs et de
financements, des freins à l’engagement des élus locaux.
À
l’exception de CDC Habitat et des
filiales d’Action Logement,
l
’absence d’e
ngagement des bailleurs sociaux aux côtés des
établissements publics fonciers (EPF) limite le déploiement du programme.
2.1.1
Des montants engagés très faibles au regard des logements rénovés
Au 30 juin 2021, l’Anah avait engagé 275,75 M€ dans le cadre du PIC, s
oit, en un peu
moins de trois ans, seulement 14 % d
’une
enveloppe prévue pour dix ans.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
39
Tableau n° 3 :
Aides Anah aux syndicats de copropriété en redressement au 20 décembre 2021
Syndicats de copropriété
Total PIC
(depuis
2018)
MPR
copropriétés
Copropriétés
fragiles
Copropriétés
en difficulté
Accessibilité
2017
Logements
rénovés
15 259
-
2 238
13 021
-
Subventions
engagées
48
269
584
-
4
895
760 €
43
374
094 €
-
2018
Logements
rénovés
21 074
-
6 387
14 687
-
Subventions
engagées
66
088 124 €
-
22
503 306 €
43
584 818 €
-
2019
Logements
rénovés
22 837
-
2 686
19 467
684
Subventions
engagées
84
775 687 €
-
11
903
659 €
72
724
792 €
147
236 €
2020
Logements
rénovés
24 230
-
6 205
17 897
128
Subventions
engagées
124
892 681€
-
27
459 930 €
97
405 025 €
27
726
2021 (21
décembre)
Logements
rénovés
28 094
2069
5 002
9 893
564
Subventions
engagées
138 562 929
7 106 580
32 946 645
98 394 339
45 228 833
Source : Anah ;
NB : MPR, hors copropriétés fragiles et en difficulté
Tableau n° 4 :
Aides Anah par axe
d’intervention du PIC sur la période 2018
-2020
Axe prévention
Axe redressement
Axe transformation
2018
Logements subventionnés et primés
8 339
27 985
-
Subventions engagées
15,48 M€
49,33 M€
-
2019
Logements subventionnés et primés
4 671
55 406
-
Subventions engagées
9,93 M€
82,00M€
-
2020
Logements subventionnés et primés
8 393
22 196
32
Subventions engagées
18,72 M€
109,26 M€
1,43 M€
21/12
2021
Logements subventionnés et primés
2 174
27 336
166
Subventions engagées
5,73 M€
143,87 M€
14,97
M€
Source
: Cour des comptes, d’après Anah, tableaux de suivi LHI et copropriétés dégradées. Axe prévention
: VOC,
POPAC, AMO copro fragiles, copro fragiles Habiter Mieux ; Axe redressement : OPAH-D, PLS, aides gestion,
portage, Syn. copro en difficulté; Axe transformation : ingénierie financière déficit
L’Anah n’a pas été en mesure de
communiquer les montants décaissés chaque année.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
40
Graphique n° 2 :
Engagement cumulé en nombre de logements de copropriétés en difficulté
Source : Anah, p
oint d’avancement du Plan initiativ
e copropriétés au 3 septembre 2021
Si les projets se sont accélérés, non seulement aux dires des élus et de leurs partenaires
mais aussi au vu de la très forte croissance en trois ans
des montants engagés par l’Anah, leur
concrétisation se fait attendre. Le programme semble démarrer seulement en 2021 pour les
autres acteurs :
-
l’Anru
prévoit d’engager
en 2021
166,29 M€
, soit un tiers
des 500 M€ annoncés en 2018
,
pour les copropriétés suivies dans le cadre du PIC, hors résidentialisation, soit
118 M€
sur
les sites en suivi national
62
et
48,29 M€ sur les autres sites
,
-
en septembre 2021, sur les 2
500 logements qu’Action Logement s’est engagé à acquérir
dans son programme d
’investissement volontaire au titre du PIC,
270 logements répartis
dans quatorze copropriétés ont donné lieu à un acte formel et 900 autres, répartis dans
59 copropriétés,
font l’objet d’un
« pré-positionnement ».
L’Anah est parvenue à maintenir un niveau
élevé d’activité durant la crise sanitaire
63
en
adaptant sa gestion.
Pour accélérer les réalisations, l’Anah s’emploie à une exécution budgétaire active
reposant sur des prévisions à trois ans, qui devrait être améliorée par les financements apportés
par France Relance à hauteur de
50 M€ supplémentaires sur deux ans. Le doublement des
crédits du budget 2021 du PIC devrait ainsi permettre
d’accompagner sa montée en charge.
L’Anah s’est
donné
l’
objectif de financer en 2021, recyclage compris, 35 500 logements situés
dans des copropriétés en difficulté
et d’engager 202,5 M€, dont 24,7
M€ dans le cadre du plan
de relance économique.
62
Evry, EPT Terres d’Envol, Grenoble, Marseille, Vaux en Velin
.
63
Audit des comptes 2020, Mazars.
0
5000
10000
15000
20000
25000
jan
fev mars avril mai juin
jui
aout sept
oct
nov dec
2018
2019
2020
2021
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
41
Selon l’Anah (tableau n°3), 74
967 logements ont été rénovés en trois ans dans le cadre
du PIC. Or, celui-ci a pour objectif de traiter sur dix ans 56
000 logements et d’en transformer
24 000 autres. Près de 94
% de l’objectif serait ainsi atteint en terme de logements alors que
seulement 14 % des crédits ont été engagés.
En réalité, la terminologie utilisée
par l’
agence est une source de surévaluation. Les
logements couverts par le PIC peuvent en effet
bénéficier d’aides à chacune des trois étapes du
plan : prévention, redressement, recyclage
et risquent ainsi d’être comptés plusieurs fois
.
L’Anah reconnaît que son système d’info
rmation ne permet pas de suivre un logement
particulier mais seulement des catégories d’intervention.
Dans ces conditions, les indicateurs « logement rénové » ou « logement subventionné »
(tableaux n° 3 et 4) sont
insuffisants pour rendre compte de l’avanc
ement des opérations et de
l’intensité de l’intervention dans les logements.
Dès lors que l’unité
de mesure « logement » doit être conservée car elle est commune à
tous les programmes de l’Anah, les interventions dans un même logement doi
vent être
regroupées de manière à éviter les doubles comptes ; les aides doivent pouvoir être identifiées
par axe, ou étape de redressement, du PIC, par logement et par copropriété.
L’Anah
a indiqué à la Cour que l
’utilisation
d
’indicateurs à l’échelle du logement
nécessiterait la mise en place
dans ses systèmes d’information d’un identifiant unique du
logement.
Recommandation n° 4.
(Anah) : Établir en 2022 des indicateurs de suivi de la mise en
œuvre par axe du Plan initiative copropriétés à l’échelle du logement et de la
copropriété
2.1.2
Une chaî
ne d’intervention et de financement
difficile à faire fonctionner
2.1.2.1
Un rôle décisif
des collectivités pour enclencher l’action publique
Les communes exercent des responsabilités en matière d’urbanisme, de droit du sol, de
rénovation urbaine et de politique de la ville. Les groupements de communes, pour leur part,
exercent soit à titre facultatif, soit à titre obligatoire,
des compétences en matière d’habitat et
de logement, dont le contenu peut varier en fonction de leur statut juridique.
64
Le traitement de
l
’urgence est partagé entre le maire et le préfet, le pouvoir de police n’
étant pas encore transféré
aux intercommunalités, sauf à Grenoble, à Saint-Étienne et à
Toulouse, Si l’État conserve un
rôle important dans le domaine de l’habitat, les collectivités
disposent de responsabilités
décisionnelles et opérationnelles.
64
Communauté de communes, communauté d'agglomération, communauté urbaine, métropoles.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
42
C’est pourquoi le traitement des copropriétés dégradées et en particulier la mise en
œuvre du PIC n’est possible que si la commune ou l’intercommunalité engage les démarches.
Ainsi, selon l’A
nah, de nombreuses collectivités de la région Provence-Alpes-Côte-
d’Azur ne
sont pas encore engagées dans le traitement des copropriétés dégradées. Le travail de terrain de
l’Anah a permis, par exemple, à la ville de Nîmes de s’engager
alors que des agglomérations
comme Toulon ou Nice restent à convaincre. Selon les termes de la direction générale de
l’Anru
:
« le PIC aide à créer une dynamique collective, mais ne peut pas tout
».
En dépit de la création
récente d’un réseau d’experts spécialisés dans le tr
aitement des
copropriétés dégradées
65
et de la mise à disposition de financements
ad hoc
, des freins de
plusieurs ordres à la mobilisation des collectivités demeurent :
-
la nécessité même d
’une
intervention puis la définition de la stratégie de requalification
dépendent de l’approche qu’a
la collectivité de
l’intervention publique dans le secteur
privé ;
-
les élus du bloc communal sont peu sollicités par le ministère du logement, aux dires de
l’
Assemblée des communautés de France (AdCF) ;
-
les enjeux locaux de la dégradation sont
d’un poids très variable, le phénomène pouvant
concerner
jusqu’à la moitié de la population de la commune
, comme à Grigny, ce qui
implique un traitement au cas par cas et des opérations longues à mener ;
-
les montants financiers à engager sont importants : même après redressement et
subventions de l’Anah, le déficit à financer par logement est de l’ordre de 20
000
€ selon
CDC Habitat ;
-
les relations contractuelles entre la collectivité et les opérateurs relèvent de trois modèles
complexes
: l’urgence
, qui appelle une coopération « public-public », les concessions
d’aménagement
, les concession de service
66
;
-
un forme de concurrence existe entre les projets
de l’
Anru et le traitement de copropriétés
dégradées qui, comme à Toulouse, sont situées dans des quartiers de la politique de la ville
sans être intégrées dans le périmètre du NPNRU ;
-
l
es financements et les moyens d’ingénierie des collectivités
sont limités.
65
Des spécialistes du traitement des copropriétés dégradées sont notamment reconnus à l’Anah, à la CDC,
chez Action Logement, à l’EPFIF, dans certaines collectivités.
66
Le projet de loi 3DS, présenté en commission mixte paritaire fin janvier 2022, introduit des évolutions
de ce régime.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX RE
PONDRE A L’URGENCE
43
2.1.2.2
Des projets au long cours et très coûteux
Les exemples de Grigny et de Bondy
La copropriété de Grigny 2, qui a intégré le dispositif national du PIC dès 2018, est
composée d’un syndicat principal
et de 28 syndicats secondaires dont 27 syndicats
d’habitation
; elle regroupe près de 17 000 habitants occupant 5 000 logements répartis entre
104 bâtiments. Parmi ces immeubles, quinze doivent être démolis et cinq transformés pour
accueillir du logement social, ce qui nécessite de procéder à 1 300 expropriations, les autres
logements redressés étant « acquis en diffus »
. Le quartier bénéficie d’un
troisième plan de
sauvegarde et d’une Orcod
-
IN et est inscrit depuis 2018 sur la liste des sites d’intérêt natio
nal
du PIC.
Les travaux d’urgence ont commencé en 2021,
soit vingt ans après le démarrage du
premier plan de sauvegarde et trois ans après l’inscription du site sur la liste d’intérêt national
du PIC. Il aura notamment fallu cinq ans pour convaincre les sy
ndics d’accepter l’audit de leurs
comptes, en contrepartie des aides publiques.
Le coû
t total des travaux est estimé à 45 M€ TTC
, auxquels
s’ajoutent 75 M€ déjà
dépensés par l’
établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF).
Plus de 9 M€ de dettes
fou
rnisseurs ont été effacées. L'Anah a financé depuis 2018 1,4 M€ au titre du plan de
sauvegarde
67
, 6,2 M€ au titre de l'aide à la gestion
68
pour les syndics et administrateurs, 3,94
M€
au titre de la gestion urbaine et sociale de proximité (GUSP) et
18,4 M€ a
u titre des travaux. La
commune de Grigny
69
a mobilisé 1 M€ de fonds propres. L’é
tablissement public territorial
Grand Paris Sud Est Avenir, gestionnaire des espaces publics, investit 2,5
M€ par an pour la
remise à niveau des espaces de proximité, subventionnée à hauteur de 50 %.
Selon l’EPFIF, au total, le budget prévisionnel de dépenses est estimé à 380
M€,
couvrant les acquisitions, le portage de logements, la transformation de la copropriété et sa
rénovation ainsi que
l’aménagement du quartier.
CDC Habitat,
assistant à maitrise d’ouvrage
, a défini le programme de travaux, choisi
les entreprises et établi les devis avec les syndics. Enfin, pour assurer la transparence des
comptes en
contrepartie de l’a
ccompagnement des propriétaires, l
’audit comptable des
28
syndics de gestion a été réalisé par l’EPFIF
de 2018 à 2020.
L’établissement public foncier
réalise depuis 2021 une expérimentation de veille technique et sociale (cf. encadré).
67
Maîtrise d’ouvrage exercée à 50
% par l’EPFIF.
68
Soit 750 000
€ par an permettant une prise en charge des surcoûts liés au redressement et la gestion
d’un site dégradé
auxquels
s’ajoute
nt 750 000
d’aide
au syndicat principal, permettant de réduire de 2/3 les
charges en 2020 et de ne plus appeler de charge en 2021.
69
La commune n’a pas pris de mesure de police par manque de moyen financier. La substitu
tion aurait
en effet couté environ 45
M€ à la ville.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
44
La veille technique et sociale expérimentale à Grigny 2
Cette expérimentation est menée sur 570 logements situés dans le secteur en recyclage, composé
de 1 320 logements voués pour 920 à la démolition et pour 400 à la transformation en logement social.
Ces immeubles, les plus dégradés, nécessitent un suivi quotidien et des actions correctives
immédiates pour faire face aux dysfonctionnements techniques (fuites, coupure d’électricité, pannes
d’ascenseurs…). Ils font en effet l’objet d’une intervention tous les deux ou trois jours.
Comme les syndics ou administrateurs judiciaires ne sont pas dotés des équipes nécessaires ou
n’ont pas de
capacité de réactivité suffisantes, les pouvoirs publics se substituent à eux pour garantir une
prise en compte, un suivi des interventions et une communication directe avec les habitants.
Cette action expérimentale devait faire
l’objet d’un audit et
être ajustée fin 2021 avant son
déploiement aux logements recyclés.
Photo n° 1 :
Consultation des habitants dans le cadre de la gestion urbaine et sociale de proximité
(GUSP) - réaménagement des voies du quartier des Tuileries
Crédit photo : ville de Grigny
Dans un quartier de Bondy, non classé en politique de la ville, CDC Habitat a acquis
22 logements d’une copropriété dégradée
qui en compte 170. Les démarches de redressement
ont été entamées en 2013 et sept ans ont été nécessaires pour acquérir les logements, négocier
avec les fournisseurs, assainir les comptes, et assurer un fonctionnement minimal de la
copropriété. Les travaux de rénovation du bâti ont démarré en 2020 et dureront 18 mois. Les
transactions de vente dureront ensuite un à deux ans. Les reventes auront donc lieu en 2024-
2025. Au total, dix ans seront nécessaires au redressement de cette copropriété, sans compter le
temps requis pour faire évoluer l’environne
ment urbain, pour effacer la stigmatisation du
quartier et lui permettre de retrouver une certaine attractivité.
2.1.2.3
Un portage financier encore non assuré
Pour redresser une copropriété, le syndicat des copropriétaires doit pouvoir rechercher
un financement bancaire ; or aucun prêt bancaire permettant de financer de gros travaux ne lui
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
45
est dédié.
70
Au surplus, pour obtenir un prêt bancaire classique, le syndicat doit justifier d’un
taux d’impayés inférieur à 15
% car, au-delà, aucun des organismes privés se portant caution
ne s’engage
: u
ne seule entreprise, australienne, occupe aujourd’hui ce marché. Lutte contre les
impayés et expropriations sont alors indispensables pour passer sous le seuil de 15 % et
rechercher un prêt bancaire. La DHUP prépare avec la Banque des territoires une
expérimentation visant à faire bénéficier les copropriétés en redressement de prêts aidés.
Un autre préalable fréquent à la réalisation de travaux
est l’assainissement de
la gestion
de la copropriété, qui nécessite de faire appel comme partie prenante au syndic à un opérateur
solide et exemplaire, qui doit pour cela acquérir une partie de la copropriété selon un plan dit
d’
acquisition ciblée.
Les établissements publics fonciers, qui ont vocation à assurer un portage foncier
immobilier, sont mobilisés dans les Orcod-IN depuis la loi Alur. Le PIC, sans modifier leurs
ressources, exige
leur mobilisation sur les sites nationaux. L’intervention sur les copropriétés
dégradées leur impose le pilotage des opérations les concernant, ce qui correspond pour eux à
de nouveaux métiers.
71
Ils sont financés par la taxe spéciale d’équipement (TSE), prélevée sur
les communes, l
e financement des dépenses d’opération
étant plafonné à 5
€ par an et par
habitant.
En Île-de-
France, le conseil d’administration de l’EPFIF a décidé
en 2014
d’un
doublement de cette somme,
afin d’assurer un
portage « puissant » : prélevé sur toutes les
communes de la région, cette ressource est investie dans quatre sites prioritaires
72
, Clichy-sous-
Bois, Grigny, Mantes-la-Jolie, Villepinte, sur les quatorze
que compte l’
Île-de-France. Les
ressources, qui représentent
60 M€ par an
, sont suffisantes pour les quatre sites mais
insuffisantes pour répondre
à l’ensemble des
besoins.
L’EPFIF s’associe à CDC Habitat
, pour permettre à la pui
ssance publique d’être
copropriétaire à hauteur de 10 à 15
% en dehors des sites d’intérêt national et à Action
Logement,
par l’intermédiaire de
sa filiale la Société Immobilière
et
Foncière (SIFAE) pour
acquérir et améliorer le tissu pavillonnaire dégradé. Le modèle économique de ces montages
semble encore difficile à trouver.
Selon CDC Habitat, en dehors du périmètre des Orcod-IN, aucun bailleur social,
« même convaincu »
, ne s’engage spontanément, du fait des co
ûts financiers, du risque
d’image, du risque pénal, de l’insécurité. Sollicités par les élus, les bailleurs ancrés dans les
territoires concernés, dans le cadre de leur
mission d’intérêt général,
peuvent
s’engage
r au
portage de lots, voire
à l’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès d’administrateurs,
et ce sous
certaines conditions financières et
après définition d’une
organisation
ad hoc
.
La Banque des territoires intervient en mobilisant des prêts sur livret permettant les
opérations de portage foncier et immobilier dans les copropriétés en extrême difficulté. Un
« Prêt copros dégradées » a ainsi été créé pour répondre aux attentes du PIC : d
’une durée
de 5 à 35 ans, il offre des caractéristiques élargies telles que le
différé d’amortissement,
la durée
70
Le rapport SICHEL de 2021, dans son volet financements, n’évoque pas les copropriétés, alors qu’elles
constituent 20 % du parc de logement.
71
Chef de projet habitat privé, chef de projet aménagement, relogement et accompagnement social... Le
pôle Orcod de l’EPFIF comprend 36 ETP.
72
Arbitrage en réunion interministérielle du 25 novembre 2020.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
46
de préfinancement,
ou l’
exonération des indemnités de remboursement anticipé. Une société
d’aménagement immobilier a été créée
en 2018 pour mener les opérations de recyclage des
copropriétés les plus dégradées et les opérations de portage temporaire nécessaires au
redressement de copropriétés en difficulté : CDC Habitat Action Copropriétés
, dotée d’
un
capital de 100
M€
, a vocation à acquérir, à la demande des acteurs locaux dans un cadre
contractuel adapté, 5
000 logements dans des résidences situées sur l’en
semble du territoire
national. CDC Habitat social et CDC Habitat Action Copropriétés ont reçu de la Banque des
t
erritoires un apport en fonds propres de 100 M€. Bénéficiant d’une
expérience de bailleur
social et d
une expertise en matière de copropriétés dégradées, elles interviennent sur 22 sites
et étudient des interventions dans 40 autres.
Action Logement n’a pas créé de structure
destinée aux copropriétés dégradées, malgré
la sollicitation du Gouvernement. Le groupe s’appuie sur
s
es filiales, qu’il a g
uidées pendant
deux ans (2018-2020) en raison de leur faible expérience dans le secteur des copropriétés, pour
identifier, parmi les seules copropriétés couvertes par le PIC, celles dans lesquelles elles
pourraient investir. La stratégie du groupe vise à é
quilibrer les opérations par l’investissement
de 145 M€
, dont
95 M€ de fonds propres d’Action Logement Immobilier
et 50 M€ de
subventions d’Action Logement Services
, en complément des fonds propres des filiales et des
prêts classiques pour l’acquisition
-amélioration de 2 500 logements, soit 10 à 50 % des
logements des copropriétés identifiées, et ce en écartant tout risque de démolition
in fine.
Des
subventions d’Action Logement Services permettent d’assurer le relogement, de financer la
vacance, de couvrir
les frais d’ingénierie. Pour les copropriétés
à redresser, Action Logement
assure
d’abord
le portage temporaire des logements au profit de ses filiales, en copropriété
mixte puis, après redressement, la vente à terme en accession sociale au profit des salariés.
Ces deux bailleurs sociaux sont complémentaires et leurs stratégies différentes. En cas
de déclaration d’utilité publique (DUP), la collectivité conduit les opérations, puis Action
Logement se positionne comme acquéreur des logements. En cas de concession à CDC Habitat,
celui-ci conduit
la déclaration d’utilité publique pour son compte
et, dans le cas d’un recyclage,
la déclaration d’utilité publique nécessaire au projet.
Il existe en sus une possibilité juridique d’intervention d’un organisme fonci
er solidaire
(OFS) sur le parc des copropriétés fragiles ou dégradées. L’étude
de septembre 2019 de la
direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (
DREAL) de la
région PACA met en évidence les nombreux bénéfices pour les pouvoirs publics comme pour
les copropriétaires de
ce type d’intervention
, qui permet de financer tout ou partie des travaux,
d’
assainir la situation financière, de remettre en fonctionnement certaines copropriétés.
L
es opérateurs d’État interviennent également
comme porteurs, l
’Anah
pour des
portages ciblés et l’Anru pour des portages massifs
et ce, en dehors des périmètres des Orcod-
IN financés par la TSE.
Au total, en septembre 2021
73
, 91 des 207 copropriétés d’intérêt national
suivies par le
tableau de bord du PIC, sont prises en charge par les établissements publics fonciers (36
73
Base de données de suivi du PIC de l’Anah, septembre 2021
.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
47
copropriétés), CDC Habitat Social
74
(24), la filiale EPF
CDC
75
(11), d’autres bailleurs sociaux
(10), des sociétés d’économie mixte et sociétés publiques locales (9) et la Banque des t
erritoires
dans le cadre d’une convention d’urgence pour une copropriété. Pour les 715 copropriétés de la
liste régionale, le volume des portages est très faible : les EPF et la CDC interviennent de façon
marginale, respectivement dans trois et un cas, les organismes de logement social et opérateurs
d’aménagement étant plus représentés (17
cas).
Dans le cadre de l’évaluation des dispositifs
« Plan de sauvegarde » et « Opah
copropriété » en 2019, l
’opérateur de portage Copro
-Coop a identifié certaines raisons de la
faiblesse du portage immobilier : « à-coups » des capacités
d’endettement de la structure
de
portage, nombre limité des ménages qui sont dans une situation telle que la vente est difficile à
refuser
76
.
Au-delà du sous-dimensionnement des capacités de portage, la disponibilité très limitée
des logements sociaux est un frein à la mise en œuvre du portage, en particulier en Île de
-
France. En effet, différents besoins de relogement doivent se concilier entre eux : droit au
logement opposable (Dalo), relogements
assurés par l’
Anru, relogements dans le cadre des
Orcod ou logement des publics prioritaires.
Plus généralement, le traitement des situations individuelles nécessite davantage
d’engagement
: plan de liquidation personnel des ménages surendettés avec la Banque de
France, accompagnement social distinguant les propriétaires de bonne foi, accélération des
procédures judiciaires de recouvrement. Il reste à trouver un modèle permettant de
solvabiliser des ménages en cas de rachat à bas prix avec un fort reliquat de dettes.
L’Unis,
syndicat immobilier, propose la révision des modalités de paiement de leur quote-part de
charges par les copropriétaires, en autorisant le prélèvement automatique mensuel des appels
de fonds, en augmentant les avances et e
nfin en obligeant les copropriétaires d’un immeuble en
France mais résidant à l’étranger à indiquer une adresse en métropole.
2.1.2.4
Le relogement : un enjeu majeur à mieux prendre en compte
Le relogement des copropriétaires peut intervenir dans plusieurs situations. En cas de
recyclage de la copropriété pour insalubrité, pour carence ou encore dans le cadre d’un portage
massif en vue d’une transformation, les copropriétaires doivent être expulsés ou expropriés.
En cas de recyclage, et donc d’expulsion, les droi
ts des occupants sont encadrés par la
loi : les propriétaires sont indemnisés et les propriétaires et locataires de bonne foi se voient
proposés deux logements correspondant à leur situation.
74
En septembre 2021, CDC Habitat Social était engagé dans le portage de 1094 logements dans 20 villes,
a validé le portage de 326 logements dans cinq autres communes devant délibérer sur des projets de convention et
est engagé dans la transformation de 311
logements en cours d’acquisition par l’EPFIF à Grigny 2.
75
L’entreprise est engagée dans deux concessions d’aménagement prévoyant
l’acquisition
de 492 logements à recycler ou à transformer en logement social.
76
Explication du portage de seulement 13 lots sur 24 prévus pour les copropriétés Quétigny à Plaine
Commune.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
48
Dans d’autre cas, le redressement comme la sauvegarde de la copropriété rendent
impossible le maintien de certains propriétaires, notamment ceux qui se trouvent dans
l’incapacité financière de faire face aux charges du redressement. C’est dans ce cadre que
le
portage ciblé peut avoir un effet majeur.
Schéma n° 10 :
Les différents contextes du relogement
Source : Anru
repères mars 2021
le relogement des ménages issus des copropriétés dégradées.
Le relogement impose de tenir compte à la fois du droit de propriété et de la situation
sociale de foyers souvent dans l’incapacité de se reloger. Au regard des droit
s du propriétaire,
les règles d’indemnisation en cas d’expulsion varient en fonction du cadre juridique applicable
:
mesure de police ou de redressement.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
49
Tableau n° 5 :
Les cadres indemnitaires de l’éviction du logement
Source : Anru
repères mars 2021
le relogement des ménages issus des copropriétés dégradées
L’
obligation de relogement, qui pèse fortement dans le coût des opérations de
redressement, de sauvegarde ou de recyclage, revêt un caractère social important, notamment
dans le cas où la copropriété dégradée est composée en majorité de ménages aux revenus très
modestes voire inexistants. Hors acquisition amiable, le cadre d
’indemnisation
, notamment en
cas d’usage des polices spéciales du maire ou de l’État
, date de la loi Vivien modifiée en 2005
77
et se limite à la « récupération foncière
» c’est
-à-dire la valeur du terrain nu. Cette procédure
demeure exceptionnelle et ne concerne que les proprié
taires bailleurs faisant l’objet d’une
interdiction permanente d’habiter (arrêté de péril).
Le cadre légal du relogement ayant évolué au fil des lois Alur, Égalité-Citoyenneté
78
et
Élan, les ménages issus des copropriétés dégradées peuvent bénéficier du logement social. Dès
lors que l’éviction est prévue dans le cadre du NPNRU ou des Orcod,
ils peuvent même
bénéficier du droit au logement prioritaire. Les EPCI en charge de l’attribution de logements
doivent prévoir leur relogement dans le cadre des conventions
intercommunales d’attribution
(CIA) et les bailleurs doivent informer chaque année les réservataires (État, mairies, Action
Logement, etc.) du nombre de logements disponibles à cet effet.
Le suivi du relogement est assuré au niveau local par les représentants des agences,
Anah et Anru selon le cas, par les services de l’État et par les EPCI.
L
État garde un rôle majeur
pour coordonner et mobiliser les bailleurs et réservataires, gage de réussite des relogements et
in fine
du traitement des copropriétés dégradées.
77
Loi du 10 juillet 1970 modifiée par ordonnance du 15 décembre 2005.
78
Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
50
Aucun bilan national consolidé du relogement
n’est établi, même si des bilans par
opération sont réalisés.
Ce suivi sera plus complexe à anticiper avec la disparition de la base de données Filocom
qui permettait de dénombrer le nombre
d’occupants par lot et leurs références fiscales. Dans ce
contexte, la question du relogement devra, sauf amélioration des données du registre national,
être gérée
in situ
lors du diagnostic des difficultés de la copropriété.
2.2
Des freins et des incertitudes à lever pour une meilleure réponse à
l’enjeu
Le PIC, en renforçant l’existant, ne lève pas les freins antérieurs.
Dès lors que les
copropriétés relèvent du droit civil et de ses procédures, la détection et la prévention de leurs
dysfonctionnements devraient
d’abord
incomber aux professionnels de la gestion immobilière.
Pour leur part, l
es collectivités territoriales s’intéressent diversement à la gestion des ensembles
immobiliers. Or la coopération entre acteurs privés et publics ne semble aller de soi, ni au
moment de la procédure d’alerte ni dans le cadre des procédures civiles spécifiques. Par ailleurs,
alors que le PIC entend associer les bailleurs sociaux au portage de lots en vue du redressement
ou de la transformation des copropriétés, il laisse subsister des incertitudes sur leur capacité à
agir et sur les modèles économiques qui seraient appliqués dans ce cadre.
2.2.1
Une
procédure d’alerte
insuffisante pour prévenir les dérives
Chaque copropriété est administrée par un syndic professionnel ou bénévole - choisi
dans ce cas parmi les copropriétaires
79
- qui doivent alerter le syndicat de copropriété et le
tribunal judiciaire
si le niveau d’impayé atteint 15
% dans les copropriétés de plus de 200 lots
et 25 % en deçà.
Cette procédure essentielle pour préven
ir d’irrémédiables dégradations conna
ît deux
écueils.
D’une part, hors les cas où l’absence d’alerte ou d’
alerte tardive, entraînerait des
préjudices graves pour les personnes ou les biens, aucune sanction n’est prévue pour défaut
d’alerte
, contrairement aux procédures applicables aux entreprises en difficulté. Cette lacune
est d’autant plus
notable que, si l
’accès à la profession de syndic
est encadré
80
, ses conditions
d’exercice restent souples. Non seulement cette profession n’est régie pa
r aucun ordre
79
Cela concernerait 90 000 copropriétés selon
l’association des responsables de copropriété et 60
000
selon l’Anil. Ce type de gestion serait principalement choisi par des copropriétés de moins de 19 lots.
80
Loi Hoguet du 2 janvier 1970 et décret du 20 juillet 1972.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
51
professionnel, mais elle peut être exercée par des collaborateurs habilités alors que la détention
d’une carte professionnelle
81
n’est requise que pour le responsable de l’entreprise.
Bien que la loi Alur ait déterminé les conditions de formation continue de ces
collaborateurs, le décret fixant les conditions de compétence professionnelle initiale n’est pas
paru depuis sept ans, en dépit des demandes des organisations professionnelles, qui ont
manifesté leur regret à ce sujet auprès de la Cour.
Cette carence est majeure, car le repérage des copropriétés fragiles
et l’
alerte précoce
des tribunaux compétents, tout aussi importants, reposent
d’abord
sur les syndics dont la
compétence initiale ne peut en conséquence demeurer indéfinie.
En outre, le décret de nomination des membres de la commission de contrôle des
activités de transaction et de gestion immobilières prévu à l’article 13
-1 de la loi n° 70-9
du 2 janvier 1970 modifié par la loi Elan n’a pas été pris.
Ce défaut de contrôle et le faible
risque professionnel encouru ne sont pas de nature à favoriser la dénonciation de situations de
fragilité, qui plus est dans un champ d’activité concurrentiel.
Recommandation n° 5.
(DHUP) : Publier en 2022 le décret fixant les conditions de
compétence professionnelle des collaborateurs habilités des titulaires de carte
professionnelle.
D’autre part, les difficultés
justifiant une alerte sont limitées aux impayés, alors que ce
seul critère est insuffisant. Ainsi, le traitement statistique des données du registre national des
copropriétés au 30 juin 2021 révèle une grande hétérogénéité des copropriétés dégradées. À
titre d’
exemple, les 1 130 copropriétés sous administration provisoire comprennent en moyenne
36 lots mais ne font apparaître aucun critère saillant qui serait lié au type de syndic, au nombre
de lots, à la période de construction ou au montant des charges courantes annuelles.
Dans ces conditions, même si les copropriétés sous administration provisoire affichent
un taux moyen
d’impayé
de 18,4 %, les statistiques nationales montrent que
le taux n’est pas
un facteur majeur d’identification
. Alors que l
e taux moyen d’impayé de l’ensemble des
copropriétés est de 4,6 %
82
, 88 %
d’entre elles
affichent un taux inférieur à 8 %, 5 % un taux
compris entre 8 et 15 %, 6 % un taux compris entre 15 et 50 % et 1 %, soit 7 027 copropriétés,
un taux supérieur à 50 %, dont 50 cas dans lesquels la dette correspond à plus de 50 % du budget
annuel.
Parmi les 20 988 copropriétés
qui présentent un taux d’impayé
supérieur à 20 %, plus
d’un quart (28
%) sont des copropriétés de petite taille, qui réunissent dix lots au plus et 54%
comptent de 11 à 49 lots. Elles sont quasiment toutes (96 %) gérées par des syndics
professionnels. Seu
lement 79 d’entre elles sont sous le coup d’au moins un arrêté judiciaire.
81
La loi Alur de 2014 a ajouté les fonctions de syndic à la liste des activités réglementées par la loi Hoguet
de 1970 et donc l’exercice de cette activité par un professionnel titulaire d’une carte professionnelle qui sanctionne
une aptitude professionnelle, la détention d’une garantie fi
nancière et la souscription à une assurance.
82
Le comité de pilotage du PIC de janvier 2021 a néanmoins décidé de mettre en place un observatoire
des impayés et de mesurer les effets de la crise sanitaire.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’
URGENCE
52
Parallèlement, si une très grande majorité de copropriétés ne connaît pas de situation
d’impayés, elles sont presque aussi nombreuses (76
%) à ne disposer d’aucune épargn
e.
La loi « Climat et résilience »
83
d’aout 2021 a institué un
plan pluriannuel de travaux et
prévu
l’augmentation du fonds de travaux
84
: très récents, ces outils doivent encore produire
leurs effets.
Il ressort de ces constats que les dispositions actuelles ne garantissent pas une
implication des syndics dans le repérage des copropriétés fragiles et dans le déclenchement de
l’alerte, le cadre de saisine de la justice civile restant lui aussi incomplet.
2.2.2
Une articulation du droit public et du droit privé à améliorer
Hormis les cas de « porter à la connaissance »
de la puissance publique de l’indignité
ou de l’insalubrité d’une copropriété, le repérage et le traitement urgent du dysfonctionnement
des copropriétés relève en priorité de la justice civile.
En ce qui concerne le recouvrement, seules deux «
chambres d’urgence
» existent à
Paris et à Lyon, alors que la majorité des copropriétés en difficulté sont situées en région
parisienne et en Provence-Alpes-Côte-d
Azur. Le délai de traitement judiciaire a un impact
réel
: ainsi, un copropriétaire débiteur d’une année de charges impayées verra sa dette au moins
doubler au terme de la procédure,
entre un et deux ans. Depuis l’ordonnance du 17 juillet 2019,
le juge a perdu sa capacité d’appréciation
85
et doit sanctionner le copropriétaire défaillant.
Le tribunal judiciaire
, saisi d’une alerte ou d’une procédure pour copropriété en
difficulté peut nommer un administrateur
ad hoc
dans le premier cas, un administrateur
provisoire dans le second.
En cas d’alerte, l’administrateur
ad hoc
dispose de trois mois pour rendre son rapport
au juge, sans obligation d’informer la puissance publique de constats qui pourraient justifier un
accompagnement social, technique et financier urgent.
En cas de procédure pour copropriété en difficulté, le juge peut nommer un
administrateur provisoire si
l’équilibre financier du syndicat de copropriétaires est gravement
compromis
86
ou si le syndicat est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de
l’immeuble. Il
faut néanmoins attendre que le juge, sur demande de l’administrateur provisoire,
décide
d’un placement sous administration provisoire renforcée pour permettre à
l’administrateur de passer les conventions nécessaires avec les organismes publics afin de
pro
céder à des travaux d’urgence que la copropriété ne peut financer.
83
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la
résilience face à ses effets.
84
Au moins égal à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan de travaux et à 5 % du budget
prévisionnel. Sans plan de travaux adopté, il est au moins égal à 5 % du bu
dget prévisionnel. L’assemblée générale
peut décider, à la majorité, d’un montant supérieur (art. 25).
85
Le texte est passé de « peut condamner » à « condamne ».
86
La référence aux 15
% d’impayés dans les copropriétés de plus de 200 lots et 25
% d’impayés
en deçà
n’est pas explicite.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
53
Ce constat soulève plusieurs difficultés.
D’une part, les administrateurs peuvent relever de la profession des liquidateurs
d’entreprise qui ne rendent de compte qu’au juge qui les désign
e. Aucun lien avec les préfets
ou collectivités n’est prévu ou facilité.
D’autre part, les copropriétés sous administration judiciaire n’ont pas vocation à être
liquidées mais redressées. Les questions sociales à traiter restent souvent éloignées des
consi
dérations professionnelles de l’administration de biens.
Les syndics font valoir que des professionnels spécialistes, les syndics certifiés,
pourraient être désignés comme
administrateur provisoire ou assistant d’un administrateur
judiciaire, possibilité ouverte par la loi Alur
87
.
Alors qu’aucune liste d’administrateurs spécialisés dans le traitement des copropriétés
fragiles n’existe, le comité de pilotage du PIC de janvier 2021 s’est prononcé en faveur de
l’élaboration d’une feuille de route interministéri
elle pour faciliter une professionnalisation
spécifique et favoriser les liens avec la puissance publique
88
. Cet objectif est à encourager.
2.2.3
Le « portage » des logements, un cadre juridique inégal qui reste à évaluer
Les procédures de portage de logements par des bailleurs sociaux ou des structures
publiques et parapubliques dans le cadre des redressements ou transformations de copropriétés
sont encouragées par le PIC. Pourtant, ces mesures qui apparaissent efficaces relèvent de
logiques économiques différentes qui ne favorisent pas une intervention égale sur le territoire.
Ainsi, la filiale de CDC Habitat dédiée aux copropriétés
, à partir d’une stratégie définie par les
collectivités locales, intervient de deux façon en fonction de la gravité des difficultés
rencontrées par les copropriétés : le portage ciblé de moyen terme pour les copropriétés qui
peuvent être redressées et le recyclage pour les copropriétés non viables. Or, le modèle
économique de cette filiale repose sur un retour de 4 % sur les fonds propres mobilisés.
Pour sa part, Action Logement dit rechercher, pour le seul portage de 2 500 logements,
un équilibre financier
sans recourir à des financements d’équilibre
de la part des collectivités
territoriales.
D’autres bailleurs sociaux interviennent
régulièrement. À
titre d’
exemple COPROcoop
Île-de-France
89
intervient, selon l’Anah, de manière unique et originale dans le traitement des
copropriétés en voie de fragilisation, en difficulté ou dégradées par l’acquisition de lots auprès
de copropriétaires indélicats et contribue ainsi à résorber leur dette auprès de la copropriété et
87
« Le président du tribunal judiciaire peut également désigner comme administrateur provisoire une
personne physique ou morale justifiant d’une expérience ou d’une qualification particulière au regard de la nature
de l’affair
e et remplissant des conditions définies par décret ».
88
L’article L 811
-3 du code commerce prévoit que liste nationale des administrateurs judiciaires
comporte, pour chacune des personnes inscrites, la mention de la nature civile ou commerciale de sa spécialité et
justifiant de compétences spécifiques reconnues. La spécialité civile pourra permettre de répondre plus
spécifiquement aux enjeux des copropriétés.
89
SCIC Hlm créée en 2005 à l’initiative de la Fédération nationale des sociétés coopératives d’Hl
m.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
54
à faciliter la mise en œuvre des décisions permettant leur redressement. Après une période de
trois à cinq ans, les logements portés ont vocation à être revendus en accession sociale.
D’autres bailleurs s’engagent dans une transformation de la copropriété en logement
social ou dans un portage ciblé de longue durée.
Ces modes d’intervention, qui reposent sur le volontarisme de
leurs auteurs et sur les
réalités locales, présentent différentes difficultés.
En premier lieu, si une plus-value financière est recherchée, le portage massif pour
recyclage avec contrepartie foncière peut induire le
risque d’
un intérêt limité aux seules zones
en tension immobilière et foncière.
Ensuite, le portage ciblé de moyen terme avant revente justifie que soit mesuré
l’équilibre financier des opérations ainsi que leur capacité à permettre un redressement définitif
des copropriétés. Au plan financier, cette évaluation serait d’autant plus nécessaire que la
pu
issance publique intervient, notamment en ingénierie et en travaux d’urgence, comme en
accompagnement des rénovations en faveur des propriétaires bailleurs.
Enfin, le statut de copropriétaire que les bailleurs sociaux endossent dans ces
interventions devient habituel lorsque se multiplient les ventes de logement. Le développement
des immeubles à gestion hybride, alliant copropriétaires privés et bailleurs sociaux, devra être
évalué afin de vérifier s’il limite la fragilisation des immeubles concernés sans
aggraver la
situation des organisme de HLM.
En conclusion, si le portage, ciblé comme massif, semble essentiel dans le redressement
ou la transformation des copropriétés en difficulté ou dégradées, le cadre disparate dans lequel
il s’inscrit
méritera une évaluation et un suivi régulier.
____CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ___
Avec 14 % de dépenses engagées sur une
enveloppe de 2,5 Md€ et l’annonce
de 80 000 logements rénovés conformément aux objectifs, le bilan du Plan initiative
copropriétés pourrait apparaître contradictoire. Dans les faits, près de 75 000 logements ont
été traités dans le cadre de copropriétés en difficulté et la moitié des 684 copropriétés recensées
comme étant
en difficulté fait l’objet d‘un suivi. Au regard de sa mise en œuvre
récente, il
sem
ble difficile de tirer un bilan de ce plan, d’autant que les opérations sur les copropriétés
s’inscrivent dans un temps long
allant de deux à vingt ans. Néanmoins, il est déjà loisible de
constater que le PIC semble assurer la mobilisation des acteurs publics, mais se limite au
renforcement de dispositifs d’aide existants en vue d’une accélération des actions
qui reste à
venir. De fait, ce plan ne renforce pas comme il serait souhaitable le rôle des professionnels de
la gestion immobilière sur qui devraient reposer la détection et la prévention des difficultés,
pas plus qu’il n’assure une capacité d’intervention suffisante des bailleurs sociaux dans le
redressement ou la transformation des copropriétés en difficulté.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
55
CONCLUSION
La réponse au
phénomène de fragilisation et de dégradation des copropriétés a pâti d’une
prise de conscience tardive et de procédures insuffisantes. Contraint par la nécessité de concilier
protection du droit de propriété et devoir d’intervention publique, un cadre d’i
ntervention
sui
generis
s’est
peu à peu
constitué pour l’État et les collectivités locales.
Le pilotage confié à
l’Anah
est justifié par ses compétences et ses pratiques en matière
de
rénovation de l’habitat privé et de lutte contre l’habitat indigne.
Toutefois, si les
interventions, les subventions et les
incitations de l’A
gence correspondent aux besoins des
copropriétés en difficulté ou fragiles, elles ne peuvent être exhaustives.
Des volets entiers de la lutte contre la fragilisation des copropriétés restent à améliorer
ou à construire.
Ainsi le renforcement des compétences et des devoirs des professionnels de la gestion
immobilière, comme leur meilleure coopération avec les acteurs publics, devra trouver une
traduction légale à court terme. Ce sera le moyen de détecter et de traiter de façon anticipée les
difficultés permettant de ne pas reproduire les erreurs du passé.
Par ailleurs, la réponse à la dégradation des copropriétés comporte, par nature, un volet
social et, parfois, un volet pénal. Au plan
social, la gestion des copropriétés ne relève d’aucune
compétence spécifique. Le dernier rapport sur la situation sociale des copropriétaires a été rendu
public en 2014 par l’association Emmaüs.
La paupérisation des copropriétaires devra être mieux
prise en compte afin
d’éviter
que le rôle de logement refuge des copropriétés pour les personnes
n’
ayant pu accéder au logement social ne vienne accroître encore le phénomène.
Au plan pénal, la loi Elan ayant érigé en délit l
’activité de
s marchands de sommeil
90
,
l’État devra veiller à
la bonne application de ce texte, en sus des mesures visant à lutter contre
d’
autres trafics qui peuvent se développer dans les copropriétés dégradées.
Même si
les outils mis en œuvre et les financements dédiés
sont opérants, il conviendra
de s’assurer que l’Anah
dispose des moyens nécessaires pour porter avec efficacité le Plan
initiative copropriété tout en assurant la massification de la rénovation énergétique des
logements dans le cadre de « MaPrimeRénov ».
À cet égard
, l’ouver
ture de « MaPrimeRénov » aux copropriétés depuis 2021 est le signe
d’une cohérence d’action.
90
Article 225-14 du
Code pénal.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
56
ANNEXES
Annexe n° 1. Données du registre national des copropriétés
................................................
57
Annexe n° 2. Libellé des données du fichier Filocom
..........................................................
59
Annexe n° 3. Glossaire des copropriétés
...............................................................................
62
Annexe n° 4. Liste des sigles
................................................................................................
64
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPO
NDRE A L’URGENCE
57
Annexe n° 1.
Données du registre national des copropriétés
Données de rattachement :
-
Si la copropriété est sous administration provisoire (oui / non)
-
Le type de syndic de la copropriété : bénévole / professionnel
-
Si le syndic est provisoire : oui / non
-
Une identification du représentant légal (la raison sociale et le numéro SIRET du syndic professionnel ou le
prénom et le nom du syndic bénévole ou coopératif)
-
Le code APE du syndic (s’il existe)
-
La commune du représentant légal professionnel
-
S’il existe un mandat de syndic en cours (oui / non / expiré sans successeur déclaré / expiré avec successeur
déclaré). Si un mandat existe cela signifie que la
copropriété fait l’objet d’un rattachement à un représentant
légal (syndic ou administrateur provisoire). La mention « expirée sans successeur » signifie que le mandat
est arrivé à son terme et que l’ancien représentant légal n’a pas déclaré de successeur ou n’a pas encore
renouvelé son mandat.
A contrario
, la mention « expirée avec successeur déclaré » signifie que l’ancien
représentant légal a désigné un successeur dont le mandat n’a pas encore débuté.
-
La date de fin du dernier manda
Données d’identification liées à l’adresse
:
-
Nom d’usage de la copropriété
-
Adresse de référence : première adresse figurant sur le règlement de copropriété
-
Adresses complémentaires : les trois premières adresses complémentaires sont affichées et dans l’ordre de
déclaration
par le télédéclarant (syndic, administrateur ou notaire). Il s’agit des autres adresses figurant sur
le règlement de copropriété
-
Le nombre d’adresses complémentaires est indiqué
-
Les identifiants des parcelles cadastrales de la copropriété : une parcelle
se compose d’un préfixe, d’une
section et d’un numéro de parcelle (ces données ne sont pas obligatoirement renseignées lors de
l’immatriculation). Comme pour les adresses complémentaires, seules les données des trois premières
parcelles cadastrales sont af
fichées (si elles sont renseignées) et dans l’ordre de déclaration.
-
Le nombre de parcelles cadastrales renseignées lors de l’immatriculation
-
Les coordonnées de géolocalisation : coordonnées IGN permettant de géolocaliser la copropriété
Données liées à la composition de la copropriété :
-
La date du règlement de la copropriété
-
S’il s’agit d’un syndicat coopératif
-
S’il s’agit d’un syndicat principal ou secondaire
-
Le numéro d’immatriculation du secondaire le cas échéant
-
Nombre d’ASL auxquelles est rattaché le syndicat de copropriétaires
-
Nombre d’AFUL auxquelles est rattaché le syndicat de copropriétaires
-
Nombre d’Unions de syndicats auxquelles est rattaché le syndicat de copropriétaires
-
Nombre total de lots : nombre de lots, toute destination confondue, tel qu'inscrit dans le règlement de
copropriété
-
Nombre total de lots à usage d’habitation, de bureaux ou de commerces
-
Nombre de lots à usage d’habitation
-
Nombre de lots de stationnement
Données administratives et judiciaires :
-
le nombre d'arrêtés relevant du code de la santé publique en cours
-
le nombre d'arrêtés de péril sur les parties communes en cours
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
58
-
le nombre d'arrêtés sur les équipements communs en cours
-
la présence d’un mandat ad hoc en cours (oui / non)
-
la
date de l’ordonnance de carence
Données financières :
-
La date de début de l’exercice comptable
-
La date de fin de l’exercice comptable
-
La date de l’assemblée générale approuvant les comptes
-
Les charges pour opérations courantes de l’exercice clos
-
Les ch
arges pour travaux et opérations exceptionnelles de l’exercice clos
-
Le montant des dettes fournisseurs, rémunérations et autres
-
Le montant des sommes restant dues par les copropriétaires
-
Le nombre de copropriétaires en situation d’impayé (sommes restant
dues)
-
Le montant du fonds de travaux
-
La présence de personnel(s) employé(s) par le syndicat de copropriétaires
Données techniques :
-
La période de construction
-
L’année d’achèvement de la construction (champ non obligatoire, parfois vide)
-
Le nombre de b
âtiments par valeur d’étiquette énergétique (DPE)
-
Le type de chauffage
-
S’agit
-
il d’un chauffage urbain
-
L’énergie utilisée s’il s’agit d’un chauffage collectif ou mixte non urbain
-
Le nombre d’ascenseurs
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
59
Annexe n° 2.
Libellé des données du fichier Filocom
Identifiant national unique du logement
Année de dernière mutation
Ancienneté d'occupation ou de vacance
Année de construction
Parcelle cadastrale
Section cadastrale
Zone de définition des plafonds de ressources PLUS
Jeune ménage (au sens de l'arrêté du 29 juillet 1987 portant sur les plafonds de ressources ouvrant droit
au logement social)
Zone de définition des seuils ouvrant droit aux aides de l'Anah
Catégorie du ménage au regard du droit aux aides de l'Anah
Lieu de résidence du propriétaire relativement au logement
Type de logement (maison ou appartement)
Code de commune absorbée
Situation de sur-occupation légère
Situation de sur-occupation lourde
Statut d'occupation détaillé
Code de direction fiscale
Identifiant local du logement
Étage
Identifiant de copropriété
Nombre de pièces
Surface habitable
Logement soumis à loi de 1948
Coefficient d'entretien du local
Présence d'un ascenseur
Valeur locative cadastrale
Nature juridique du propriétaire
Pays de résidence du propriétaire
Statut d'occupation synthétique
Mode d'occupation
Existence de dégrèvements TH
Modalité d'acquittement de la Taxe d'habitation
Code de dégrèvement TG
Code propriété publique du propriétaire
Nombre de logements dans la copropriété
Nombre d'appartements dans la copropriété
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
60
Revenu global imposable du ménage
Revenu fiscal de référence total du ménage
Nombre d'enfants âgés de moins de six ans dans le logement
Nombre d'enfants âgés de moins de six ans dans le logement déclaré
Nombre d'enfants âgés de moins quatorze ans dans le logement
Nombre d'enfants âgés de moins quatorze ans dans le logement déclaré
Nombre d'enfants mineurs dans le logement
Nombre d'enfants mineurs dans le logement déclaré
Nombre de familles monoparentales occupant le logement
Nombre de personnes occupant le logement
Nombre de personnes occupant le logement déclaré
Nombre total de personnes fiscalement à charge dans le logement
Nombre total de personnes fiscalement à charge dans le logement déclaré
Revenu fiscal de référence du foyer principal
Statut d'imposition du foyer principal
Statut matrimonial de la personne de référence du foyer principal
Âge de la personne de référence du foyer principal
Âge de l'époux(se) de la personne de référence du foyer principal
Nombre d'enfants mineurs du foyer principal
Nombre d'enfants mineurs du foyer principal déclaré
Nombre de personnes à charge du foyer principal
Nombre de personnes à charge du foyer principal déclaré
Monoparentalité éventuelle du foyer principal
Nombre de foyers rattachés
Revenu fiscal de référence de l'éventuel conjoint
Statut d'imposition du conjoint de la personne de référence
Statut matrimonial de l'éventuel conjoint de la personne de référence
Âge du conjoint de la personne de référence du foyer principal
Nombre d'enfants mineurs de l'éventuel conjoint
Nombre d'enfants mineurs de l'éventuel conjoint déclaré
Nombre de personnes à charge de l'éventuel conjoint
Monoparentalité éventuelle du conjoint de la personne de référence
Année d'apparition dans fichiers fiscaux
Écart entre années de construction et d'apparition fiscale
Âge du propriétaire
Nombre d'unités de consommation selon l'échelle d'Oxford
Nombre d'unités de consommation selon l'échelle de l'OCDE
Niveau de vie du ménage, échelle d'Oxford
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
61
Niveau de vie, échelle OCDE
Revenu par personne
Fraction du revenu du ménage apportée par le foyer principal
Nombre de personnes par pièce
Surface par personne
Valeur locative cadastrale par mètre carré
Classement cadastral
Code région selon découpage en vigueur début 2017
Code région selon découpage antérieur à réforme de 2015
Département
Code commune
Zone de tension du marché immobilier (Pinel 2014)
Région de résidence du propriétaire (découpage antérieur à 2015)
Commune de résidence du propriétaire
Catégorie du ménage au regard des plafonds HLM (arr 29 juil 1987)
Revenu du ménage rapporté aux plafonds PLUS
Parc privé potentiellement indigne (PPPI)
Code commune et section cadastrale
Niveau de confort
COPROPRIETES DEGRADEES : M
IEUX REPONDRE A L’UR
GENCE
62
Annexe n° 3.
Glossaire des copropriétés
Administrateur provisoire :
chargé de gérer, administrer un syndicat en difficulté
(article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965), désigné par décision de justice (article 18 de la loi du
10 juillet 1965), en rais
on d’un déséquilibre financier, lorsqu’un syndicat de copropriété
rencontre des difficultés dans le maintien du fonctionnement normal de la copropriété du fait
d’une impossibilité à pourvoir à conservation de l’immeuble ou encore
pour liquider les dettes
en cas d’expropriation ou de dissolution du syndicat
.
Administration provisoire renforcée
(procédure de) :
prévu à l’article 29
-11
de la loi
du 16 juillet 1965, c
ette procédure permet à l’administrateur provisoire renforcé de faire appel
à un opérateur public (ou HLM) pour faire procéder aux travaux lourds lorsque la situation
financière ne permet pas de réaliser les travaux nécessaires pour préserver la sécurité ou la santé
des occupants de l’immeuble.
Carence (état de) :
la copropriété peut être déclarée en état de carence lorsque le
syndicat de copropriétaires rencontre de graves difficultés financières (par exemple, incapacité
à réaliser des travaux importants) ou de gestion. Cet état est déclaré par le tribunal après
l'intervention d'un expert. En cas de carence avérée, l'immeuble est exproprié, c'est-à-dire saisi.
Copropriété fragile
: fonctionnement sain de la gouvernance de la copropriété,
accompagné de
signes de premières fragilités sur le plan technique (travaux non réalisés),
financier, social (forte rotation des copropriétaires)
ou juridique et risquant d’entrer dans une
spirale de déqualification à la fois technique, de gestion et de fonctionnement.
Le taux
d’impayés de charges de
copropriété est compris entre 8 et 15 % du budget prévisionnel annuel
voté pour les copropriétés de plus de 200 lots ou compris entre 8 et 25 % pour les autres.
Copropriété en difficulté
: copropriété qui connait des problèmes fonctionnels et
financiers,
de gestion et d’administration, des problèmes techniques non traités et une
population solvable qui fuit la copropriété ; les dispositifs publics de traitement pour ces
copropriétés sont les Opah
Copropriétés dégradées (opération programmée d’amélioration de
l’habitat) et les Plans de sauvegarde ; les dispositifs publics de traitement pour ces copropriétés
sont les POPAC (programme opérationnel préventif d’accompagnement des copropriétés)
.
Concernant les impayés de charges, le seuil est de 25 % du montant du budget prévisionnel,
seuil abaissé à hauteur de 15 % pour celles de plus de 200 lots. La loi Alur prévoit que la
procédure d’alerte peut être alors déclenchée auprès du TGI, en vue d’étudier no
tamment la
mise sous administration provisoire du syndicat notamment.
Copropriété dégradée
: les copropriétés dégradées sont le stade ultime du processus
où les dispositifs incitatifs ne sont plus suffisants, et où l’intervention publique s’avère
nécessaire ; les dispositifs publics de traitement pour ces copropriétés sont aussi les Opah
Copropriétés dégradées (opération programmée d’amélioration de l’habitat) et les Plans de
sauvegarde, mais également pour les cas les plus graves les Orcod (opération de requalification
des copropriétés dégradées) les Orcod-IN (Orcod
d’intérêt national)
Recyclage
: opération qui consiste à démolir tout ou partie des immeubles et à
reconstruire une offre nouvelle de logements. Elle nécessite de réaliser des travaux d’urgence
en attendant le relogement des ménages.
Réhabilitation
: réaménagement d’un bâtiment en gardant l’aspect extérieur et en
améliorant le confort intérieur.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
63
Redressement
: opération conjuguant l’acquisition des logements des propriétaires
défaillants, la
réalisation de travaux de rénovation y compris énergétique, l’assainissement de
la gestion et du fonctionnement de la copropriété.
Syndic
: Mandataire du syndicat de copropriétaires d'un immeuble chargé d'exécuter
ses décisions, de le représenter dans tous les actes de la vie civile et d'administrer l'immeuble
Syndicat de copropriétaires
: Dans un immeuble en copropriété, tous les
copropriétaires
forment
automatiquement
et
sans
aucune
formalité le
syndicat
de
copropriétaires. Ce syndicat a pour mission principale de veiller à la conservation et à
l'administration de l'immeuble (maintien en bon état d'usage des parties communes: parties de
bâtiments (couloirs, chaudière, canalisation, garde-corps...) et des terrains (jardins, parcs...)
affectés à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires. Le syndicat peut agir en justice à
l'encontre notamment d'un copropriétaire. La responsabilité du syndicat peut également être
mise en cause.
COPROPRIETES DEGRADEES : MIEUX REPONDRE
A L’URGENCE
64
Annexe n° 4.
Liste des sigles
Alur (loi)
loi relative à l’accès au logement et urbani
sme rénové
AMO
Assistant/Assistance à maitrise d’ouvrage
Anah
Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat
Anru
Agence nationale pour la rénovation urbaine
CCH
Code de la construction et de l’habitat
CDC
Caisse des dépôts et consignations
DUP
claration d’utilité publique
EPF
Établissement public foncier
EPFIF
É
tablissement public foncier d’
Île-de-France
GUSP
Gestion urbaine et sociale de proximité
HLM
Habitation à loyer modéré
MOA
Maître/Maî
trise d’ouvrage
NPNRU Nouveau programme de rénovation urbaine
Opah
Opération programmée d’amélioration de l’habitat
Orcod-IN
Opération de requalification des copropriétés dégradées
ORI
Opération de restauration immobilière
PIG
Projet d’intérêt général
POPAC
Programme opérationnel de prévention et d’a
ccompagnement des copropriétés
RHI
Résorption de l’habitat insalubre
RNC
Règlement national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires
SCIC
Société civile immobilière de copropriété
SPL
Société publique locale
TSE
Taxe spéciale d’équipement