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Première section
Jugement n° 2021-0049 J
Audience publique du 17 décembre 2021
Prononcé du 30 décembre 2021
Commune de Jouy-Le-Moutier (95)
Exercices contrôlés : 2012 à 2016
Exercices jugés : 2013 à 2016
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2019-0283 du 8 novembre 2019 par lequel le procureur financier a saisi
la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X...
comptable de la commune de Jouy-Le-Moutier, du 1
er
janvier 2012 au 25 juillet 2013 et de M.
Y..., comptable de la commune de Jouy-Le-Moutier du 26 juillet 2013 au 31 janvier 2018,
notifié le 13 novembre 2019 aux comptables, MM X... et Y... et à l’ordonnateur, lesquels en
ont accusé réception respectivement les 25, 13 et 14 novembre 2019 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptables de la commune de Jouy-Le-Moutier par
MM X... et Y..., pour les exercices 2013 à 2016 ;
Vu les pièces justificatives produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique applicable à compter de l’exercice 2013 ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du
VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le rapport de M. Paul Prigent, premier conseiller, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions de la procureure financière ;
Vu les pièces du dossier ;
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Entendu lors de l’audience publique du 17 décembre 2021, M. Paul Prigent en son rapport,
Mme Anne-Claude Hans, procureure financière, en ses conclusions ;
Entendu en délibéré M. Patrick Prioleaud, réviseur, en ses observations, hors la présence du
rapporteur et de la procureure financière ;
Sur la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de
recettes
Attendu qu'aux termes du I de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les
comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement
des recettes (…) ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
« se trouve engagée dès lors (…) qu'une recette n'a pas été recouvrée (…) » ; que la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de recouvrement
des recettes s’apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être adéquates,
complètes et rapides ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « dans le poste
comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé : (…) ; 5° Du recouvrement des
ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout
autre titre exécutoire ; 6° De l'encaissement des droits au comptant et des recettes liées à
l'exécution des ordres de recouvrer (…) » ;
Attendu qu’en application de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales,
« L’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des
départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le délai de quatre ans mentionné à
l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription » ;
Sur la force majeure
Attendu qu’il résulte de l’instruction que le moyen tiré d’une éventuelle force majeure, prévue
par les dispositions de l’article 60-V de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, n’est pas soulevé
par les comptables pour aucune des charges en cause ; que cette force majeure ne ressort
pas davantage des pièces du dossier ;
Sur la première présomption de charge, relative à l’absence de recouvrement
de titres de recettes émis à l’encontre de M. GILLES WADAA
Attendu qu’il est fait grief aux comptables de ne pas avoir recouvré les titres n°2012-108 d'un
montant de 584
€
et n°2012-109 du même montant, pris en charge le 29 mars 2012, émis à
l'encontre de M. Gilles Wadaa, pour des impayés de loyers de 2011, ces titres restant à
recouvrer au 31 décembre 2016 pour la même somme ;
Attendu qu’en réponse au réquisitoire M. Y... apporte des éléments démontrant que les deux
créances ont finalement été recouvrées par des paiements effectués le 21 juin 2017 et le 4
avril 2018 ; que dès lors il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de MM X... et Y... ;
Sur la deuxième présomption de charge, relative à l’absence de recouvrement d’un
titre de recette émis à l’encontre de M. Mary Antony
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Attendu qu’il est fait grief aux comptables de ne pas avoir recouvré le titre n° 2010-953 d'un
montant de 2 094,20
€
, pris en charge le 16 septembre 2010, émis à l'encontre de M. Mary
Antony, pour des frais de dommages et intérêts, créance restant à recouvrer pour 2 094,20
€
au 31 décembre 2016 ;
Attendu que les comptables mis en cause allèguent que la créance précitée était
irrécouvrable ; qu’à l’appui de leurs écrits, ils soutiennent qu’elle fut admise en non-valeur au
cours de l’exercice 2018, à la suite de l’ordonnance du 26 mai 2017 homologuant la
procédure de rétablissement personnel du débiteur ;
Attendu que ni l’ordonnance susvisée ni la délibération admettant en non-valeur la créance
litigieuse ne furent transmises par les comptables au soutien de leurs écrits ;
Attendu que, en tout état de cause, une demande d’admission en non-valeur d’un titre de
recettes, n’empêche pas le juge des comptes de sanctionner l’absence des diligences
auxquelles le comptable était tenu pour le recouvrer ; qu’en l’espèce, aucune pièce ne fut
fournie au cours de l’instruction permettant de prouver que des diligences rapides, complètes
et adéquates furent accomplies par les comptables avant la date de la prescription du
recouvrement du titre.
Attendu que le titre de recettes litigieux fut pris en charge le 16 septembre 2010 ; que deux
comptables se succédèrent sur la période, M. X... du 1er janvier 2012 au 25 juillet 2013 et M.
Y... à compter du 26 juillet 2013 ; que M. Y... n’a pas exprimé de réserves sur la gestion de
son prédécesseur ;
Attendu que M. Y... comptable en poste à compter du 26 juillet 2013 n’a pu apporter la
preuve de diligences adéquates, complètes et rapides en vue de recouvrer, ou de préserver,
la créance en cause ; que dès lors M. Y... a engagé sa responsabilité personnelle et
pécuniaire au titre de l’exercice 2014, exercice au cours duquel l’action en recouvrement du
titre s’est trouvée prescrite, à hauteur de 2 094,20
€
;
Attendu que M. Y..., estime que la commune n’a pas subi de préjudice financier du fait de
l’existence d’une procédure de rétablissement personnel ;
Attendu cependant que lorsque le juge des comptes estime que le comptable a manqué aux
obligations qui lui incombent au titre du recouvrement des recettes, faute d'avoir exercé les
diligences et les contrôles requis, ce manquement doit en principe être regardé comme
ayant causé un préjudice financier à l'organisme public concerné ; que toutefois lorsqu'il
résulte des pièces du dossier, qu'à la date du manquement la recette était irrécouvrable en
raison notamment de l'insolvabilité de la personne qui en était redevable, le préjudice
financier ne peut être regardé comme imputable audit manquement ; qu'une telle
circonstance peut être établie par tous documents, y compris postérieurs au manquement ;
Attendu que comme il a été dit l’ordonnance du 26 mai 2017 homologuant la procédure de
rétablissement personnel du débiteur n’a pas été communiquée par le comptable, ni aucune
autre pièce relative à la procédure de surendettement qu’il évoque ;
Attendu dès lors que la procédure de rétablissement personnel ni aucune autre pièce du
dossier, n’établissent qu’à la date de prescription de l’action en recouvrement du titre, soit le
16 septembre 2014, la recette litigieuse était irrécouvrable en raison de l’insolvabilité du
débiteur ;
Attendu que l’absence de mise en
œ
uvre, dans les délais appropriés, de toutes les
diligences requises pour le recouvrement de la créance susmentionnée, dont il n’est pas
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avéré qu’à la date du manquement elle était irrécouvrable, a conduit à ce qu’elle ne soit pas
recouvrée ; qu’ainsi, le manquement du comptable a causé un préjudice financier à la
commune de Jouy-Le-Moutier au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l'article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu qu’aux termes du même article : « Lorsque le manquement du comptable […] a
causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi, il y
a lieu de constituer M. Y... débiteur de la commune de Jouy-Le-Moutier, pour un montant de
2 094,20
€
;
Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette
date est le 13 novembre 2019, date de réception du réquisitoire par M. Y... ;
Sur la troisième présomption de charge, relative à l’absence de recouvrement d’un
titre de recette émis à l’encontre de Mme Amram Anne-Stéphane
Attendu qu’il est fait grief aux comptables de ne pas avoir recouvré le titre n° 2011-422 d'un
montant initial de 1190
€
, pris en charge le 6 juillet 2011, émis à l'encontre de Mme Amram
Anne-Stéphane, pour occupation du domaine public ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le reste à recouvrer sur le titre n° 2011-422
était au 7 novembre 2016 de 980,65
€
dont 36
€
de frais et que le titre était soldé au
31 décembre 2016 ; que ceci s’explique par une admission en non-valeur du dit titre
matérialisée par un mandat du 1er décembre 2016 d’un montant de 944,65
€
, les frais de
poursuite d’un montant de 36
€
ne faisant pas l’objet d’une procédure d’admission en non-
valeur ;
Attendu que le fait que le mandat du 1
er
décembre 2016 matérialisant l’admission en non-
valeur du titre litigieux, d’un montant originel de 1 190
€
, soit d’un montant de 944,65
€
hors
frais de procédure montre qu’un versement du débiteur est intervenu avant le
1
er
décembre 2016, valant reconnaissance de dette et reportant la prescription à une date
indéterminée, mais nécessairement postérieure à celle du 6 juillet 2015, date à laquelle le
recouvrement du titre n° 2011-422 était initialement prescrit ;
Attendu dès lors qu’il n’y a pas lieu à charge à l’encontre de MM X... et Y... ;
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Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Au titre de la première présomption de charge, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la
responsabilité des comptables.
Article 2 : au titre de la charge n°2 et de l’exercice 2014 M. Y... est constitué débiteur de la
commune de Jouy-Le-Moutier, pour la somme de 2 094,20
€
, augmentée des intérêts de
droit à compter du 13 novembre 2019.
Article 3 : au titre de la charge n°3 et de l’exercice 2015, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la
responsabilité des comptables.
Article 4 : M. X... est déchargé de sa gestion du 1
er
janvier 2013 au 25 juillet 2013 et quitus
lui en est donné.
Mainlevée peut être donnée et radiation peut être faite de toutes oppositions et inscriptions
mises ou prises sur ses biens meubles et immeubles ou sur ceux de ses ayants cause pour
sûreté de ladite gestion et son cautionnement peut être restitué ou ses cautions dégagées.
Article 5 : Il est sursis à la décharge de M. Y... pour sa gestion du 1
er
janvier 2014 au 31
décembre 2014 jusqu'à la constatation de l'apurement des débets prononcés ci-dessus.
Article 6 : M. Y... est déchargé de sa gestion du 26 juillet 2013 au 31 décembre 2013 et du
1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2016.
Fait et jugé par M. Patrick Prioleaud, président de section; MM Frédéric Mahieu et
Pierre Caille-Vuarier, premiers conseillers.
En présence de Mme Marie-Claude Mimbourg, greffière de séance.
Marie-Claude Mimbourg
Auxiliaire de greffe
Patrick Prioleaud
Président de section
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En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous
commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront
légalement requis.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce
selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est
prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues à
l’article R. 242-29 du même code.