REPUBLIQUE FRANÇAISE
CENTRE DE GESTION
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
DE LA MARTINIQUE
Exercices 2015 à 2018
Poste comptable : Trésorerie de Fort-de-France
Municipale
Jugement n° 2021-0006
Séance plénière et publique du 19 octobre 2021
Prononcé le 9 novembre 2021
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA MARTINIQUE,
Vu,
le code des juridictions financières ;
Vu,
le code général des collectivités territoriales ;
Vu,
l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963
modifiée, notamment, par l
’
article 90 de la loi de finances rectificative
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu,
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publiques ;
Vu,
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l
’
article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu,
les comptes produits, en leur qualité de comptables du centre de gestion de la
fonction publique territoriale de la Martinique, par M. X, du 1
er
janvier 2015 au
2 juillet 2017, par Mme Y, du 3 juillet 2017 au 31 janvier 2018, et par M. Z, du
1
er
février 2018 au 31 décembre 2018 ;
2
Vu,
le réquisitoire n° 2021-007 du 17 mai 2021 de M. Christian PAPOUSSAMY,
procureur financier près la chambre régionale des comptes de la Martinique,
saisissant la chambre à fin d
’
instruction sur des faits susceptibles d
’
engager la
responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Z et de Mme Y ;
Vu,
la décision n° 5/2021, en date du 18 mai 2021, du président de la chambre attribuant
à Mme Anne-Marie THIBAULT, premier conseiller, l
’
instruction du jugement des
comptes du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à M. Justin PAMPHILE,
président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique,
qui en a accusé réception le 2 juin 2021 ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à MM. X et Z et à Mme Y,
le 18 mai 2021, et leur réception, le 19 mai 2021 ;
Vu,
les lettres, en date des 14 et 25 mai 2021, invitant l
’
ordonnateur et les comptables à
faire part de leurs observations et à produire toutes les pièces utiles
complémentaires ;
Vu,
la lettre, en date du 17 juin 2021, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Martinique (DRFiP) à communiquer le montant des garanties
constituées par les comptables sur la période en jugement ;
Vu,
les réponses de M. X, le 28 mai 2021, de Mme Y, le 9 juin 2021, et de M. Z, les 17
et 18 juin 2021, après qu
’
il a obtenu la communication des pièces sollicitées,
enregistrées au greffe ;
Vu
, les lettres, en date du 15 juillet 2021, informant les parties de la clôture de
l
’
instruction et du dépôt du rapport ;
Vu
,
la lettre, en date du 27 septembre 2021, informant les parties de la date de l
’
audience
publique ;
Vu
, les conclusions du procureur financier n° 2021-023-CJU-0067, en date du
17 mai 2021, et n° 2021- 034-CJU-0057, en date du 20 juillet 2021 ;
Vu,
les pièces du dossier ;
Après avoir entendu, lors de l
’
audience publique, Mme Anne-Marie THIBAULT,
premier conseiller, en son rapport, et M. Christian PAPOUSSAMY, procureur financier,
en ses observations ;
M. X, Mme Y et M. Z, comptables, et M. Justin PAMPHILE, président du centre de
gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique, n
’
étant ni présents, ni
représentés ;
Après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur et du procureur financier ;
3
Considérant ce qui suit,
PREMIERE CHARGE :
Restes à recouvrer
–
exercices 2015 à 2018
Les réquisitions du ministère public
Par le réquisitoire susvisé, le ministère public a requis de la chambre régionale des
comptes de la Martinique
qu’elle se prononce
sur la responsabilité personnelle et
pécuniaire de M. X et de Mme Y, comptables du CGFPT de la Martinique, au motif qu
’
ils
n
’
auraient pas effectué les diligences adéquates, complètes et rapides pour le
recouvrement de quatre titres de recettes, totalisant 13 736
€
, pris en charge entre le
25 novembre 2011 et le 18 novembre 2013 et dont l
’
action en recouvrement aurait été
prescrite entre le 25 novembre 2015 et le 18 novembre 2017.
Les obligations des comptables
Aux termes des dispositions du I de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée
, « les
comptables
publics
sont
personnellement
et
pécuniairement
responsables
du
recouvrement des recettes […]
»
;
«
[…] La responsabilité personn
elle et pécuniaire
prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une recette n
’
a pas été
recouvrée
[…]
».
La responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics en matière de
recouvrement des recettes s
’
apprécie au regard de leurs diligences, lesquelles doivent être
adéquates, complètes et rapides. Le IV du même article dispose
: « La responsabilité
pécuniaire d
’
un comptable public ne peut être mise en jeu que par le ministre dont il
relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes ».
L
’
article 11
du
décret
n° 62-1587
du
29 décembre 1962
applicable
jusqu
’
au
31 décembre 2012, charge les comptables publics «
du recouvrement des ordres de
recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs
». A partir du 1
er
janvier 2013, le décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 prévoit, à son article 18, que le comptable public est
seul chargé «
4. de la prise en charge des ordres de recouvrer et de payer qui lui sont
remis par les ordonnateurs
» et
« 5.°Du recouvrement des ordres de recouvrer et des
créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ;
6.°De l
’
encaissement des droits au comptant et des recettes liées à l
’
exécution des ordres
de recouvrer ».
En outre, aux termes de l
’
article 60-III de la même loi,
« La responsabilité pécuniaire des
comptables publics s
’
étend à toutes les opérations du poste comptable qu
’
ils dirigent
depuis la date de leur installation jusqu
’
à la date de cessation des fonctions »
.
Les comptables sont donc tenus d
’
accomplir les diligences adéquates, complètes et
rapides en vue du recouvrement des créances publiques avant l
’
expiration du délai de
prescription régi par l
’
article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales
(CGCT) qui précise que
« L
’
action des comptables publics chargés de recouvrer les
créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics
locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le
délai de quatre ans mentionné à l
’
alinéa précédent est interrompu par tous actes
comportant reconnaissance de la part des débiteurs publics et par tous actes interruptifs
de la prescription […]
».
4
En matière de créances détenues à l
’
encontre de débiteurs publics, et compte-tenu des
caractéristiques des diligences que le comptable est tenu d
’
effectuer, il lui appartient, pour
le moins, de veiller à l
’
interruption de la prescription quadriennale prévue par la loi
n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il peut aussi, soit, demander au préfet du département
de recourir à la procédure du mandatement d
’
office, soit, saisir la chambre régionale des
comptes d
’
une demande d
’
inscription d
’
office des crédits nécessaires à l
’
acquittement de
la créance au budget du débiteur public lorsqu
’
il relève de l
’
article L. 1612-15 du CGCT.
L
’
existence de manquements de la part des comptables
Parmi les restes à recouvrer du compte
4116
« Redevables
–
Contentieux »
et du
compte
46726
« Débiteurs divers contentieux »,
arrêtés au 31 décembre 2018,
figurent
quatre titres de recettes non recouvrés bien que pris en charge entre le 25 novembre 2011
et le 18 novembre 2013. Le total des créances restant à recouvrer s
’
élève à 13 736
€ et
intéresse la gestion de M. X et celle de Mme Y.
Seules les preuves matérielles, apportées par le comptable public, que le débiteur a eu
connaissance de son action, telles que des commandements de payer, des mises en
demeure, des oppositions à tiers détenteur, des lettres de relance pour les débiteurs
publics, des paiements partiels, une saisie-vente,
etc.
sont susceptibles d
’
exonérer le
comptable de toute responsabilité personnelle et pécuniaire en application de la loi
précitée du 23 février 1963.
Si, lors de sa prise de fonction, le comptable est fondé à émettre des réserves concernant
des titres pris en charge par son prédécesseur, non prescrits mais dont le recouvrement
apparaît manifestement compromis en dépit des diligences auxquelles il pourrait
raisonnablement se livrer, aucune réserve n
’
a été émise, en l
’
espèce, par Mme Y.
Les titres de recettes non recouvrés au 31 décembre 2018 ont été pris en charge entre le
25 novembre 2011 et le 18 novembre 2013, c
’
est-à-dire sous la gestion de M. X, en
fonction à la trésorerie de Fort-de-France Municipale depuis le 3 janvier 2011.
Le tableau suivant récapitule les diligences effectuées par M. X et par Mme Y,
comptables en fonction auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale de
la Martinique au cours de la période sous revue pour tenter de procéder au recouvrement
des titres précités qui n
’
étaient pas recouvrés à la date du 31 décembre 2018.
Tableau n° 1 :
Titres de recettes prescrits au 31 décembre 2018, sous la gestion de M. X
Exercice
Date
de prise
en charge
Débiteur
Date de prescription
Reste à
recouvrer
(
€
)
Titre
n°
Diligences exercées
Compte 4116
« Redevables - contentieux »
2011
25/11/2011
Commune des
Anses d
’
Arlet
25/11/2015
1 078,00
T-2056
MD* du 20/07/2018 ;
AR* du 31/07/2018
2012
22/03/2012
Commune
du Robert
Date initiale 22/03/2016,
reportée au 15/05/2017,
eu égard aux diligences
accomplies
2 176,00
T-293
MD du 3/05/2013 ;
AR du 15/05/2013 ;
MD du 14/11/2017 ;
AR du 23/11/2017
5
Compte 46726
« Débiteurs divers
–
contentieux »
2012
26/03/2012
SIAEAG
26/03/2016
2 088,00
T-207
MD du 27/10/2018 ;
AR du 22/11/2018
*
LR = Lettre de relance ; MD = Mise en demeure de payer ; AR = Accusé de réception
Source
Etat des restes à recouvrer au 31 décembre 2018
Le titre n° 2056, de 1 078
€
, a été pris en charge le 25 novembre 2011 par le comptable.
La date de prescription était susceptible d
’
intervenir le 25 novembre 2015. Le comptable
en exercice a communiqué la copie d
’
une mise en demeure tirée de l
’
application Hélios,
en date du 20 juillet 2018 ainsi que l
’
avis de réception y afférent. Cette lettre a été reçue
par le débiteur le 31 juillet 2018. Cet acte a donc été tardif et sans effet puisque l
’
action
en recouvrement était prescrite dès le 25 novembre 2015.
Le titre n° 293, de 2 176
€
, a été pris en charge le 22 mars 2012 par le comptable. La date
de prescription était susceptible
d’intervenir
le 22 mars 2016. Le comptable en exercice
a produit le bordereau de situation valant mise en demeure de payer, daté du 3 mai 2013.
Il a aussi produit l
’
avis de réception n° 1A 064 152 2056 9, en date du 15 mai 2013,
confirmant que le débiteur a bien reçu ledit bordereau antérieurement à la date de la
prescription.
En conséquence de cette diligence, l
’
expiration du nouveau délai de prescription pour agir
en recouvrement de ce titre a été reportée au 15 mai 2017. Le comptable a communiqué,
en outre, l
’
avis de réception n° 2C 074 358 3352 4 daté du 23 novembre 2017,
correspondant à la mise en demeure du 14 novembre 2017. Cependant, cette diligence n
’
a
pas eu pour effet de prolonger le délai de l
’
action en recouvrement de ce titre n° 293 qui
a expiré le 15 mai 2017.
Le titre n° 207, de 2 088
€
, a été pris en charge le 26 mars 2012 par le comptable. La date
de prescription était susceptible d’intervenir le 26
mars 2016. Le comptable en exercice
a transmis un accusé de réception, n° AR 1A 102 298 1338 1, dont la date est illisible et
qui n
’
est accompagné d
’
aucune lettre explicative, de sorte qu
’il n’est pas exploitable.
Le comptable a aussi produit une mise en demeure de payer en date du 27 octobre 2018
et son accusé de réception, n° 2C 074 358 3845 1. Cependant, ce dernier mentionne la
réception de ladite mise en demeure de payer par le débiteur le 22 novembre 2018, soit
postérieurement à la date de prescription. Cette diligence n
’
a donc pas pu avoir pour effet
de reporter la date d
’
expiration du délai pour agir.
Tableau n° 2 :
Titre de recettes prescrit au 31 décembre 2018, sous la gestion de Mme Y
Exercice
Date
de prise
en charge
Débiteur
Date
de prescription
Reste à
recouvrer
(
€
)
Titre
n°
Diligences exercées
Compte 4116
« Redevables - contentieux »
2013
18/11/2013
Commune du Robert
18/11/2017
8 394,00
T-2281
MD du 14/11/2017 ;
AR du 23/11/2017
*
LR = Lettre de relance ; MD = Mise en demeure de payer ; AR = Accusé de réception
Source
Etat des restes à recouvrer au 31 décembre 2018
6
Le titre n° 2281, de 8 394
€,
a été pris en charge par M. X le 18 novembre 2013, de sorte
que l
’
action en recouvrement était susceptible d
’
être prescrite le 18 novembre 2017.
Mme Y soutient que l
’
envoi par ses soins d
’
une mise en demeure dès le
14 novembre 2017, notifiée avant la date limite de prescription alors qu
’
elle n
’
exerçait
que des fonctions de comptable intérimaire depuis le 3 juillet 2017, ne peut être considéré
comme tardif. Elle a cependant réceptionné
l’état des restes à recouvrer nominatifs
le
3 juillet 2017, date de sa prise de fonction, disposant ainsi de quatre mois et dix jours pour
accomplir les actes interruptifs de la prescription dans les délais requis.
Elle n
’
a procédé que le 14 novembre 2017 à l
’
envoi d
’
une mise en demeure par voie
recommandée avec accusé de réception. Si cette formalité a été accomplie avant que
l
’
action en paiement du titre en cause ne soit prescrite, Mme Y a pris le risque d
’
une
prescription de l
’
action en recouvrement en agissant à cette date tardive, dès lors que la
mise en demeure n
’
était pas remise à son destinataire avant le 18 novembre 2017.
L
’
avis de réception n° 2C 074 358 3352 4 produit mentionne le 23 novembre 2017
comme date de distribution avec la signature du destinataire. Cette réception tardive n
’
a
pas pu empêcher la prescription de l
’
action en recouvrement du titre n° 2281.
Les diligences des deux comptables ont permis de notifier les créances aux débiteurs,
mais trop tardivement pour interrompre le délai de prescription de l
’
action en
recouvrement.
Ils ont donc définitivement compromis le recouvrement des titres de recette exposés dans
les tableaux précédents.
En conséquence, les deux comptables se trouvent dans le cas prévu par les dispositions
précitées
de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 et leur responsabilité personnelle et
pécuniaire est engagée pour ces recettes non recouvrées. Il n
’
en irait autrement que si les
comptables pouvaient exciper de la force majeure telle qu
’
elle résulte de l
’
article 60-V de
la loi n° 63-156 lequel indique que
«
lorsque […] le juge des comptes constate l’
existence
de
circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité
personnelle et pécuniaire du comptable public
».
Les circonstances ne sont constitutives de la force majeure qu
’
à la condition que les trois
critères de circonstance extérieure à la personne du comptable, d
’
irrésistibilité et
d
’
imprévisibilité soient réunis. Au cours de la procédure contradictoire, M. X et Mme Y
n
’
ont évoqué aucune circonstance constitutive de la force majeure.
Les circonstances décrites par Mme Y concernant sa qualité d
’
intérimaire ayant pris ses
fonctions le 3 juillet 2017, soit un peu plus de quatre mois avant la date de prescription
de l
’
action en recouvrement du titre n° 2281 susceptible d
’
être acquise le
18 novembre 2017, ne sont pas constitutives de la force majeure.
L
’
existence d
’
un préjudice financier
Ni M. X, ni Mme Y ne se sont prononcés sur le préjudice financier causé au centre de
gestion.
L
’
ordonnateur n
’
a pas répondu à la question posée sur ce point.
7
Il est constant que l
’
insuffisance des diligences et le non-recouvrement des créances
causent un préjudice financier à l
’
organisme public concerné sauf si l
’
insolvabilité du
débiteur, antérieure à la prise en charge du titre de recette, est avérée, ce qui n
’
a pas été
démontré par les comptables.
Par conséquent, les manquements des comptables ont causé un préjudice financier au
centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique.
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre les manquements reprochés à M. X et à Mme Y et le préjudice
causé au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique est établi
par le simple fait que, faute de diligences adéquates, complètes et rapides, les comptables
ont compromis les chances de la collectivité de recouvrer les créances en cause.
La sanction des manquements
En application des dispositions du troisième alinéa du IV de l
’
article 60 modifié de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
«
lorsque le manquement du comptable […] a causé un
préjudice financier à l
’organisme public concerné, […] le comptable a l’
obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante »
.
Dans ces conditions, il y a lieu de constituer M. X et Mme Y débiteurs du centre de
gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique, à hauteur, respectivement,
de 5 342
€
et de 8 394
€
.
Aux termes du paragraphe VIII de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les
débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la
responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
, c
’
est-à-dire à compter
du 19 mai 2021, date de notification du réquisitoire.
DEUXIEME CHARGE :
Paiement de la prime de responsabilité à la directrice
générale des services
Les réquisitions du ministère public
Par son réquisitoire n° 2020-007 du 17 mai 2021, le procureur financier a requis de la
chambre régionale des comptes de la Martinique
qu’elle se prononce
sur la responsabilité
de M. X, de Mme Y et de M. Z en raison du paiement, de 2015 à 2018, de mandats relatifs
à la rémunération de Mme A, directrice générale des services, comprenant une prime de
responsabilité à concurrence de 30 964,22
€, sans avoir procédé au contrôle de la validité
de la dette et, à ce titre, de l
’
exactitude de la liquidation ainsi que de la production des
pièces justificatives. Les paiements en cause sont récapitulés dans le tableau ci-après.
Tableau n° 3 :
Prime de responsabilité perçue par Mme A
Mois
Année 2015
Année 2016
Mandat n°
Date de paiement
Montant (
€
)
Mandat n°
Date de paiement
Montant (
€
)
8
Janvier
24
26/01/2015
668,85
6
27/01/2016
668,85
Février
113
25/02/2015
668,85
20
25/02/2016
668,85
Mars
139
25/03/2015
668,85
161
24/03/2016
668,85
Avril
258
24/04/2015
668,85
180
25/04/2016
668,85
Mai
285
03/06/2015
668,85
307
25/05/2016
668,85
Juin
389
24/06/2015
668,85
428
24/06/2016
668,85
Juillet
465
27/07/2015
668,85
493
25/07/2016
672,86
Aout
515
25/08/2015
668,85
515
25/08/2016
672,86
Septembre
569
24/09/2015
668,85
653
27/09/2016
672,86
Octobre
632
26/10/2015
668,85
709
25/10/2016
672,86
Novembre
781
24/11/2015
668,85
779
24/11/2016
672,86
Décembre
855
18/12/2015
668,85
862
22/12/2016
672,86
Total
8 026,20
8 050,26
Mois
Année 2017
Année 2018
Mandat n°
Date de paiement
Montant (
€
)
Mandat n°
Date de paiement
Montant (
€
)
Janvier
35
26/01/2017
672,86
23
26/01/2018
676,90
Février
fiche de paie non trouvée
0,00
68
22/02/2018
676,90
Mars
183
27/03/2017
676,90
115
26/03/2018
676,90
Avril
265
24/04/2017
676,90
259
25/04/2018
676,90
Mai
333
24/05/2017
676,90
321
29/05/2018
676,90
Juin
376
26/06/2017
676,90
398
25/06/2018
676,90
Juillet
477
25/07/2017
676,90
476
25/07/2018
676,90
Aout
518
25/08/2017
676,90
518
27/08/2018
676,90
Septembre
636
25/09/2017
676,90
615
24/09/2018
676,90
Octobre
686
25/10/2017
676,90
704
25/10/2018
676,90
Novembre
761
24/11/2017
676,90
793
26/11/2018
676,90
Décembre
fiche de paie non trouvée
0,00
871
18/12/2018
676,90
Total
6 764,96
8 122,80
Source : réquisitoire du procureur financier du 17 mai 2021
Les obligations des comptables,
Aux termes du paragraphe I de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu
’
ils sont
tenus d
’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une dépense a été
irrégulièrement payée […].
»
En vertu de l
’
article 17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
’
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
’
exercer le contrôle
: [...]
2°.
–
s
’
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
9
à l
’
article 20
[...] », et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
’
exactitude des calculs de liquidation
;
l
’
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
Pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur
contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d
’
apprécier si les
pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Ils ont
l’
obligation de vérifier, en premier lieu, si l
’
ensemble des pièces requises au titre de la
nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d
’
une part, complètes et précises, d
’
autre part, cohérentes au regard de la catégorie
de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l
’
objet de la
dépense telle qu
’
elle a été ordonnancée.
L
’
annexe I du CGCT, constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des
dépenses des collectivités territoriales, établie en vertu de son article
D. 1617-19, dans sa
rédaction issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, prévoit dans sa rubrique
«
210223. Primes et indemnités
» la production de la «
1. Décision de l
’
assemblée
délibérante fixant la nature, les conditions d
’
attribution et le taux moyen des
indemnités
» ; ainsi que de la «
2. Décision de l
’
autorité investie du pouvoir de
nomination (9) fixant le taux applicable à chaque agent
» afin de pouvoir procéder au
paiement d
’
une prime de responsabilité à un agent. Ces dispositions ont été reprises dans
le décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 applicable à compter du 23 janvier 2016.
L
’
existence de manquements de la part des comptables
Il résulte de l
’
article 1 du décret n° 88-631 du 6 mai 1988 relatif à l
’
attribution d
’
une
prime de responsabilité à certains emplois administratifs de direction des collectivités
territoriales et des établissements publics locaux assimilés que «
…
le directeur général
et les directeurs de délégation du Centre national de la fonction publique territoriale
[…]
peuvent bénéficier d
’
une prime de responsabilité dans les conditions fixées par le présent
décret
».
L
’
article 2 du même décret indique que
« Cette prime de responsabilité est payable
mensuellement en appliquant au montant du traitement soumis à retenue pour pension
du bénéficiaire un taux individuel, fixé dans la limite d
’
un taux maximum de 15 % ».
Au moment du paiement de la prime de responsabilité, le comptable disposait de trois
délibérations du conseil d
’
administration du centre de gestion de la fonction publique
territoriale de la Martinique et d
’
un arrêté du président du centre de gestion pour justifier
l
’
attribution de la prime à Mme A.
Une délibération du centre de gestion en date du 9 avril 1998 «
portant reconduction du
régime indemnitaire pour le personnel
», revêtue de la mention du contrôle de légalité en
date du 25 mai 1998, indique qu
’
«
est reconduit pour l
’
exercice 1998 le régime
indemnitaire des agents de la filière administrative et technique du centre de gestion
arrêté par la délibération susvisée en date du 13 novembre 1992
».
Le comptable a produit un extrait de cette dernière délibération «
portant fixation du
régime indemnitaire des agents des filières administrative et technique du centre de
gestion
». Toutefois, si celle-ci définit les agents bénéficiaires, notamment de l
’
indemnité
10
forfaitaire pour travaux supplémentaires ainsi que son taux, et institue une indemnité
supplémentaire, n
’
y figure aucune disposition relative à la prime de responsabilité
susceptible d
’
être versée aux directeurs généraux des services.
La délibération n° 2013-10 en date du 20 mars 2013 qui a pour objet d
’
actualiser le
régime indemnitaire des agents du centre de gestion de la Martinique, produite par le
comptable, ne prévoit pas expressément l
’
attribution de la prime de responsabilité aux
directeurs généraux des services.
La délibération n° 2017-01 en date du 31 janvier 2017 relative à la mise en place du
nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l
’
expertise et
de l
’
engagement professionnel (RIFSEEP), produite par le comptable, n
’
apporte aucun
élément d
’
information quant à l
’
attribution de la prime de responsabilité.
L
’
arrêté n° 98-19 du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de
la Martinique en date du 19 juin 1998, portant mention de sa soumission au contrôle de
légalité le 22 juin 1998, précise, sous le visa de la délibération du centre de gestion en
date du 9 avril 1998, qu
’
il est mis fin au détachement de Mme A sur l
’
emploi fonctionnel
de directeur-adjoint du centre de gestion et qu
’
elle est recrutée sur l
’
emploi fonctionnel
de directeur du centre de gestion, assimilé à l
’
emploi de secrétaire général des villes de
20 000 à 40 000 habitants.
Cet arrêté prévoit, à son article 3, que
« Mme A percevra, en cette qualité, son traitement
correspondant à celui du 3
ème
échelon, indice brut 745 majoré 613, la prime de
responsabilité, ainsi que les primes et indemnités liées au grade dont l
’
attribution aura
été décidée par l
’
assemblée délibérante du Centre de gestion ».
Toutefois, cet arrêté ne
précise pas le taux de prime de responsabilité applicable alors que celui-ci est susceptible
d
’
être adapté jusqu
’
à un taux maximal de 15 % du traitement brut de l
’
agent.
Au moment du versement de la prime de responsabilité, le comptable ne disposait donc
d’
aucune délibération instituant ladite prime ni d
’
un arrêté d
’
attribution précisant le taux
de prime attribué à Mme A.
Postérieure aux paiements des mandats, la délibération n° 2020-11 en date du
27 février 2020, qui a été prise afin de régulariser la situation relative au versement de la
prime de responsabilité «
suite aux observations de la chambre régionale des comptes
»,
décide «
d
’
entériner la décision d
’
attribuer la prime de responsabilité à Mme A,
directrice générale des services du centre de gestion, dont elle bénéficie depuis sa
nomination le 1
er
juillet 1998 dans la fonction de directeur général des services
».
La délibération n° 2021-08 en date du 23 février 2021 portant «
modification de la
délibération du 27 février 2020 »
décide « [d
’
]
attribuer la prime de responsabilité des
emplois administratifs de direction au directeur général des services du centre de gestion
à compter du 27 février 2020 avec un taux d
’
application de 15 % du traitement brut de
l
’
agent
».
Les délibérations n° 2020-11 en date du 27 février 2020 et n° 2021-08 en date du
23 février 2021, prises
a posteriori
afin de régulariser la situation relative au versement
de la prime de responsabilité mais n
’
étant pas à la disposition des comptables lors des
paiements incriminés, ne peuvent légitimer les paiements intervenus au cours des
années 2015 à 2018.
11
L
’
arrêté de nomination de Mme A, qui renvoie à plusieurs délibérations muettes quant à
l
’
attribution de la prime de responsabilité, ne peut donc dégager les comptables de leur
responsabilité, laquelle résulte du paragraphe I de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963
précité. En l
’
espèce, il appartenait aux comptables de vérifier l
’
existence des pièces
justificatives résultant de l
’
annexe I du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007 du CGCT
repris par le décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016, dont les termes ont été précédemment
rappelés, alors
qu’
ils ne disposaient, lors du paiement de la prime de responsabilité, ni
d
’
une délibération de l
’
assemblée délibérante, ni d
’
une décision de l
’
autorité investie du
pouvoir de nomination fixant le taux applicable.
M. X n
’
a pas formulé de commentaire sur cette présomption de charge.
Mme Y soutient que la décision d
’
attribuer la prime en cause par délibération n° 2020-11
du 27 février 2020 régularise les paiements depuis 22 ans en confirmant expressément la
volonté de l
’
organe délibérant alors que Mme A la considère comme un droit acquis et
qu
’
il ne peut donc y avoir de préjudice pour l
’
établissement public.
M. Z reconnaît le manquement, du fait de l
’
absence de la délibération initiale attribuant
cette prime, mais reprend les mêmes conclusions que Mme Y quant au préjudice éventuel,
en se référant aux deux délibérations de 2020 et de 2021 précitées.
L
’
ordonnateur ne s
’
est pas exprimé sur ces paiements.
La liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales jointe en annexe 1 à
l
’
article D. 1617-19 du CGCT est obligatoire, d
’
application stricte et ne souffre aucune
exception. Dès lors, il appartenait aux comptables successifs d
’
exiger la production des
pièces leur permettant d
’
effectuer le contrôle de la liquidation de la prime en cause, les
délibérations
postérieures
aux
paiements
étant
insusceptibles
de
la
justifier
rétroactivement.
Aussi, en prenant en charge les mandats de paiement relatifs à la prime de responsabilité
en cause
qui n
’
étaient pas accompagnés des justifications réglementaires et en procédant
à leur paiement au lieu de suspendre celui-ci, MM. X et Z et Mme Y ont-ils manqué à
leur obligation de contrôle imposée par l
’
article 19 du décret du 7 novembre 2012
susvisé.
Ce faisant, M. X, Mme Y et M. Z ont engagé leur responsabilité personnelle et pécuniaire
pour les sommes irrégulièrement payées, soit 19 456,92
€
imputables à M. X, 4 061,40
€
à Mme Y et 7 445,90
€
à M. Z.
Il n
’
en irait autrement que si les comptables pouvaient exciper de la force majeure,
laquelle résulte d
’
un événement qui leur est extérieur, imprévisible et irrésistible,
caractéristiques cumulatives.
De telles circonstances ne sont ni alléguées, ni établies par aucun des comptables.
L
’
existence d
’
un préjudice financier
Il appartient au juge des comptes d
’
apprécier si le manquement du comptable a causé un
préjudice financier à l
’
organisme public concerné et, le cas échéant, d
’
évaluer l
’
ampleur
de ce préjudice. Il doit, à cette fin, d
’
une part, rechercher s
’
il existe un lien de causalité
entre le préjudice et le manquement à la date où ce dernier a été commis et, d
’
autre part,
12
apprécier le montant du préjudice à la date à laquelle il statue, en prenant en compte, le
cas échéant, des éléments postérieurs au manquement.
Le manquement du comptable doit être regardé comme n
’
ayant, en principe, pas causé
un préjudice financier à l
’
organisme public concerné lorsqu
’
il ressort des pièces du
dossier, y compris d
’
éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense
repose sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier
l
’
existence au regard de la nomenclature.
Au regard des textes applicables, la directrice générale des services du centre de gestion
de la Martinique a droit à la prime de responsabilité.
En effet, les dispositions du décret n°88-631 du 6 mai 1988 modifié comptent parmi les
bénéficiaires possibles de la prime de responsabilité l
’
agent occupant l
’
emploi
fonctionnel de direction d
’
un centre
de gestion, sous réserve que l’effectif total
des agents
qui relèvent des collectivités et établissements du ressort du centre soit au moins égal à
5 000. Or, le centre de gestion de la Martinique a toujours été classé dans la catégorie des
collectivités de 12 000 à 20 000 agents, le département affichant un nombre d
’
agents
territoriaux stables depuis 2014 et proche de 17 000. Assimilé, selon le décret n°87-1106
du 30 décembre 1987, à une commune de 80 000 à 150 000 habitants, le centre de gestion
de la fonction publique territoriale de la Martinique pouvait donc accorder à sa directrice
générale des services le bénéfice de la prime de responsabilité.
L
’
organe délibérant de la période retenue dans le réquisitoire (2015 à 2018) est bien celui
qui a entériné la prime, par une délibération de 2020. Les délibérations de 2020 et de 2021
précitées, prises postérieurement aux paiements litigieux, permettent de considérer que
l’organe délibérant
pouvait, et
avait l’intention, au moment des paiements,
d’accorder
ladite prime. Cette circonstance conduit à retenir un manquement sans préjudice.
La sanction des manquements
En prenant en charge et en payant les mandats litigieux sans effectuer le contrôle de la
validité de la dette portant précisément sur l
’
exactitude de la liquidation et la production
de toutes les pièces justificatives utiles, M. X, Mme Y et M. Z ont engagé leur
responsabilité personnelle et pécuniaire. En tenant compte des circonstances de l
’
espèce,
sur le fondement du 2
e
alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963,
il sera mis à la charge de chacun d
’
eux une somme non rémissible, de 80
€ pour M.
X, de
40
€ pour
Mme Y, comptable intérimaire, et de 80
€ pour M.
Z.
TROISIEME CHARGE : Paiement de salaires sans corrélation avec les actes
d
’
engagement
–
exercice 2015
Les réquisitions du ministère public
Par réquisitoire n° 2021-007 du 17 mai 2021, le procureur financier a requis de la
chambre régionale des comptes de la Martinique
qu’elle se prononce
sur la responsabilité
de M. X en raison du paiement, en novembre et décembre 2015, de mandats relatifs à la
rémunération du docteur B, embauché par contrat non signé par l
’
intéressé, daté du
1
er
décembre 2014 avec effet à compter du 1
er
janvier 2015 pour une durée d
’
un an,
liquidée sur la base de 30 heures hebdomadaires, alors que le contrat prévoyait une durée
13
de travail de 25 heures par semaine, engendrant un trop payé de 1 959,52
€ sur la période
considérée.
Les paiements en cause sont récapitulés dans le tableau suivant :
Tableau n° 4 :
Salaire du Dr B en novembre et décembre 2015
sur la base de 30 heures hebdomadaires (en euros)
Mois
Traitement
de base
Surrémunération
"indiciaire"
de 40 %
Rémunération brute
(hors primes, indemnités et SFT)
Novembre 2015
4 199,01
1 679,60
5 878,61
Décembre 2015
4 199,01
1 679,60
5 878,61
Source :
réquisitoire du procureur financier du 17 mai 2021
Les obligations du comptable
Aux termes du paragraphe I de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963,
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu
’
ils sont
tenus d
’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une dépense a été
irrégulièrement payée […]
»
.
En vertu de l
’
article 17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
’
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret,
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
’
exercer le contrôle
: [...]
2°.
–
s
’
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l
’
article 20
[...] » et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
’
exactitude des calculs de liquidation
;
l
’
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
L
’
existence de manquements de la part du comptable
Le Dr B a été embauché en qualité de médecin contractuel pour une durée de douze mois
conformément à l
’
article 3 alinéa 1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, afin de permettre au
centre de gestion de faire face à un accroissement temporaire d
’
activité.
L
’
article 3 de son contrat de travail, dont la version produite ne porte pas sa signature
ainsi que le relève le procureur financier, précise que «
Monsieur B recevra sur la base
de 25 heures par semaine, mensuelle sur la base de l
’
Indice Brut HEB, Indice Majoré
1058 de la grille indiciaire des médecins territoriaux hors classe
».
Or, l
’
examen de ses bulletins de paie de novembre et de décembre 2015 révèle que le
Dr B a perçu un salaire indexé sur un traitement indiciaire liquidé sur la base de 30 heures
hebdomadaires, comme le montre le tableau n° 4
supra
.
Si ces salaires avaient été liquidés sur la base de 25 heures hebdomadaires, le Dr B aurait
perçu mensuellement 4 898,85
€ au lieu de 5
878,61
€, à l’
instar du traitement de base
14
qu
’
il a touché en février 2015 comme cela résulte du tableau suivant :
Tableau n° 5 :
Salaire du Dr B sur la base de 25 heures hebdomadaires (en euros)
Mois
Traitement
de base
Surrémunération
"indiciaire"
de 40 %
Rémunération brute
(hors primes, indemnités et SFT)
Février 2015
3 499,18
1 399,67
4 898,85
Source :
réquisitoire du procureur financier du 17 mai 2021
Il résulte de ce qui précède que les paiements des salaires des mois de novembre et
décembre 2015 ont été effectués sans que le comptable satisfasse aux obligations qui lui
incombent en matière de contrôle de validité de la dette, s
’
agissant de l
’
exactitude de la
liquidation.
En prenant en charge les mandats de paiement relatifs à la rémunération du Dr B dans les
conditions précédemment exposées alors que la liquidation était effectuée sur des bases
erronées, et en procédant à leur paiement sans les suspendre, le comptable a manqué à
son obligation de contrôle imposée par l
’
article 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé.
M. X qui n
’
a formulé, comme l
’
ordonnateur, aucune observation sur ce point, a ainsi
engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour les dépenses irrégulièrement
payées telles que précédemment exposé, pour un montant de 1 959,52
€, au titre de
l
’
exercice 2015, en vertu des dispositions de l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963.
Il ne pourrait en être autrement que si le comptable pouvait exciper de circonstances de
force majeure. En effet, l
’
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque […] le
juge des comptes constate l
’
existence de circonstances constitutives de la force majeure,
il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
M. X n
’
a invoqué aucune circonstance de ce type.
L
’
ordonnateur n
’
a pas répondu au réquisitoire.
Ainsi, le comptable public a versé à tort la somme de 1 959,52
€ (979,76
€
x 2 mois) au
titre du traitement indiciaire brut du Dr B sur la période en question. Sa responsabilité
personnelle et pécuniaire est donc engagée.
L
’
existence d
’
un préjudice financier
Pour déterminer si le paiement irrégulier d
’
une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l
’
organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d
’
éviter
que soit payée une dépense qui n
’
était pas due.
Ni M. X, ni l
’
ordonnateur ne se sont prononcés sur ce point.
Lorsque le manquement du comptable porte sur l
’
exactitude de la liquidation de la
dépense et qu
’
il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l
’
absence
de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d
’
effet
15
libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstance particulière,
causé un préjudice financier à l
’
organisme public concerné.
En l
’
espèce, le manquement du comptable porte sur l
’
exactitude de la liquidation de la
dépense et il en est résulté un trop-payé puisque, durant deux mois, le Dr B a été rémunéré
sur la base d
’
un salaire hebdomadaire de 30 heures alors que les dispositions
contractuelles ne prévoyaient que 25 heures pour cette période.
En conséquence, et en l
’
absence de circonstances de force majeure, le manquement du
comptable a causé un préjudice financier au centre de gestion de la fonction publique
territoriale de la Martinique.
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre le manquement reproché au comptable et le préjudice financier
causé au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique est établi
par le simple fait que la dépense a été irrégulièrement payée. En effet, le comptable a
ouvert sa caisse sans effectuer les contrôles, de l
’
exactitude de la liquidation de la
dépense, dont il était chargé.
La sanction des manquements
Aux termes du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 modifié de la loi du 23 février 1963
susvisée,
« Lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un préjudice financier à
l
’
organisme public concerné
[…]
le comptable a l
’
obligation de verser immédiatement
de ses deniers personnels la somme correspondante »
. En outre, aux termes du
paragraphe VIII de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les débets portent
intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics »
.
Ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur du centre de gestion de la fonction publique
territoriale de la Martinique pour la somme de 1 959,52
€
, augmentée des intérêts de droit
à compter du 19 mai 2021, date de la notification du réquisitoire.
L
’
existence et l
a mise en œuvre
d
’
un dispositif de contrôle hiérarchisé de la
dépense (CHD)
L
’
article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que
« Les comptables
publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas
mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget
la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable
ou de respect par celui-ci, sous l
’
appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle
sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable
public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des
comptes, le ministre chargé du budget étant dans l
’
obligation de laisser à la charge du
comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième
alinéa dudit VI »
.
Il revient au juge des comptes d
’
apprécier si le manquement du comptable s
’
est opéré
dans un champ couvert par un contrôle hiérarchisé de la dépense préétabli.
16
En l
’
espèce, un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense relatif à la paye, approuvé le
23 juin 2015 par la direction départementale des finances publiques pour l
’
année 2015, a
été produit.
Il ressort dudit plan de contrôle que la paye des «
sortants
» devait être vérifiée
a posteriori
sur la période de septembre à novembre 2015 inclus. Or, le docteur B
bénéficiait d
’
un contrat de travail d
’
une durée d
’
un an à effet du 1
er
janvier 2015. Il était
donc sortant uniquement au mois de décembre 2015.
Il est constant que les règles du contrôle sélectif doivent être considérées comme
respectées dès lors que le comptable a bien sélectionné et visé les mandats que sa
hiérarchie lui a demandé de contrôler. En l
’
occurrence les paiements effectués ne figurent
pas parmi les dépenses qui devaient être vérifiées.
Il en résulte que les dépenses réalisées par M. X étaient couvertes par un CHD et qu
’
il est
susceptible de bénéficier d
’
une remise gracieuse totale de la part du ministre chargé du
budget.
QUATRIEME CHARGE :
Paiement d’une surrémunération indiciaire
à un agent
–
exercice 2018
Les réquisitions du ministère public
Par réquisitoire n° 2021-007 du 17 mai 2021, le procureur financier a requis de la
chambre régionale des comptes de la Martinique
qu’elle se prononce
sur la responsabilité
de M. Z en raison du paiement, de février à décembre 2018, de mandats relatifs à la
rémunération de Mme C, attachée territoriale titulaire, comprenant une sur-rémunération,
dite improprement «
prime de vie chère
», à concurrence de 11 546,37
€ sans avoir
procédé au contrôle de la validité de la dette, de l
’
exactitude de la liquidation ainsi que de
la production des pièces justificatives. Les paiements en cause sont récapitulés dans le
tableau suivants.
17
Tableau n° 6 :
Surrémunération indiciaire versée à Mme C
de février à décembre 2018 (en euros)
Exercice 2018
Montant
Compte n° 6413
Mandat collectif n°
Date de paiement
Février
1 049,67
68
22/02/2018
Mars
1 049,67
115
26/03/2018
Avril
1 049,67
259
25/04/2018
Mai
1 049,67
321
29/05/2018
Juin
1 049,67
398
25/06/2018
Juillet
1 049,67
476
25/07/2018
Août
1 049,67
518
27/08/2018
Septembre
1 049,67
615
24/09/2018
Octobre
1 049,67
704
25/10/2018
Novembre
1 049,67
793
26/11/2018
Décembre
1 049,67
871
18/12/2018
Total
11 546,37
Source : bulletins de paie et mandats collectifs - réquisitoire
Les obligations du comptable
Aux termes du paragraphe I de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963,
« les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu
’
ils sont
tenus d
’
assurer en matière
[…]
de dépenses
[…]
dans les conditions prévues par le
règlement général de la comptabilité publique. La responsabilité personnelle et
pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors
[…]
qu
’
une dépense a été
irrégulièrement payée
[…]
».
En vertu de l
’
article 17 du décret du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables de l
’
exercice régulier des contrôles prévus aux articles 19 et 20 dudit décret,
lesquels prévoient que «
Le comptable public est tenu d
’
exercer le contrôle
: [...] 2°.
–
s
’
agissant des ordres de payer
: [...]
de la validité de la dette dans les conditions prévues
à l
’
article 20
[...] » ; et que «
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette
porte sur
:
la justification du service fait et l
’
exactitude des calculs de liquidation
;
l
’
intervention préalable des contrôles réglementaires ; la production des pièces
justificatives
[...] ».
Pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent notamment exercer leur
contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d
’
apprécier si les
pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Ils ont
l
’
obligation de vérifier, en premier lieu, si l
’
ensemble des pièces requises au titre de la
nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d
’
une part, complètes et précises, d
’
autre part, cohérentes au regard de la catégorie
de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de l
’
objet de la
dépense telle qu
’
elle a été ordonnancée.
Le comptable doit donc disposer de l
’
ensemble des pièces justificatives, conformément à
l
’
annexe I du CGCT constitutive de la nomenclature des pièces justificatives des dépenses
18
des collectivités publiques applicable en l
’
espèce, établie en vertu de son article
D. 1617-
19, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 applicable à compter
du 23 janvier 2016.
La rubrique
« 210223. Primes et indemnités »
prévoit
la production de :
-
la décision de l
’
assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d
’
attribution
et le taux moyen des indemnités,
-
la décision de l
’
autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux
applicable à chaque agent,
afin de pouvoir procéder au paiement d
’
une prime à un agent.
L
’
article 3 de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération
et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de
la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de La Réunion dispose : «
Une
majoration de traitement de 25 % est accordée, à partir du 1
er
avril 1950, à tous les
fonctionnaires des départements considérés. L
’
indemnité dite de recrutement instituée
par le décret n° 48-167 du 31 mars 1948 est supprimée à partir de la même date
».
L
’
article 1 du décret n° 57-87 du 28 janvier 1957 portant majoration du complément
temporaire alloué aux fonctionnaires de l
’
Etat en service dans les départements de la
Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane française précise : «
À compter du
1
er
janvier 1957, le montant du complément temporaire institué par l
’
article 10 du décret
susvisé du 22 décembre 1953 est porté à 15 % à l
’
égard des fonctionnaires de l
’
Etat en
service dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane
française
».
La combinaison de ces deux dispositifs porte le taux du complément de rémunération
attribué aux fonctionnaires de l
’
Etat en service dans le département de la Martinique
à 40 %.
Ce complément de rémunération présente toutes les caractéristiques d
’
une indemnité
attachée à l
’
exercice des fonctions et est lié au séjour de l
’
agent dans un département
d
’
outre-mer.
Les articles précités de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950 et du décret n° 57-87 du
28 janvier 1957 accordent respectivement 25 % et 15 % de majoration de traitement et de
complément temporaire aux agents titulaires
de l’Etat mais seulement à ceux
-ci. Si, en
vertu du principe de parité, les collectivités territoriales ont la faculté d’accorder un
avantage équivalent à leurs agents titulaires, elles doivent en décider explicitement, par
une délibération. En effet, l
’
article 1 du décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour
l
’
application du premier alinéa de l
’
article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable en l
’
espèce,
dispose que
« les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont
bénéficient les différents services de l
’
Etat ».
En l’absence de délibération
de l’organe
délibérant compétent, le versement de la majoration de traitement et du complément
temporaire
aux agents titulaires d’une collectivité
est sans fondement.
19
L
’
existence de manquements de la part du comptable
La liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales jointe en annexe I à
l
’
article D. 1617-19 du CGCT est obligatoire, d
’
application stricte et ne souffre aucune
exception. Il appartenait au comptable d
’
exiger la production des pièces lui permettant de
vérifier la validité de la dette, conformément aux textes précédemment rappelés, et
d
’
effectuer le contrôle de la liquidation des indemnités en cause.
Deux délibérations ont été produites par le comptable :
-
une délibération du 31 mars 2010 dont un extrait conforme est daté du
22 avril 2010 qui décide
« d
’
attribuer aux quatre fonctionnaires momentanément
privés d
’
emplois, l
’
indemnité de vie chère
» ;
-
une délibération n° 2012-43 du 28 novembre 2012 qui décide d
’
attribuer
« l
’
indemnité de vie chère »
aux seuls agents non titulaires recrutés sur des
emplois permanents (médecins de prévention et chargé de mission).
Or, d
’
une part, la délibération du 31 mars 2010 ne fournit aucune information sur
l
’
identité des agents concernés, ce qui ne permet pas d
’
affirmer qu
’
elle est applicable à la
situation de Mme C et, d
’
autre part, celle du 28 novembre 2012 concerne des agents non
titulaires, ce qui n
’
est pas le cas de Mme C.
Au cas d
’
espèce, les mandats recensés dans le tableau n° 6
supra
équivalent à une
majoration de traitement octroyée à Mme C, en l
’
absence de décision de l
’
assemblée
délibérante établissant cette indemnité.
M. Z reconnaît l
’
absence de délibération même s
’
il précise qu
’
il pensait que les
délibérations avaient été prises en temps utile et que le décret relatif aux pièces
justificatives ne prévoit pas expressément le contrôle de cette prime.
L
’
ordonnateur n
’
a pas répondu au réquisitoire.
En payant ces indemnités en l
’
absence de délibération autorisant ces paiements, M. Z a
manqué aux obligations qui lui incombent en matière de contrôle préalable de la validité
de la dette, de sorte que sa responsabilité personnelle et pécuniaire se trouve engagée à
hauteur de 11 546,37
€ en application de l’
article 60-I de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 dont les termes ont été précédemment rappelés.
Il n
’
en irait autrement que si le comptable pouvait exciper de la force majeure. En effet,
l
’
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque
[…]
le juge des comptes constate
l
’
existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas en jeu la
responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
».
Les évènements décrits par M. Z pour solliciter que soit prise en compte sa «
demande de
circonstances très atténuantes
» concernant les importants problèmes de trésorerie et
budgétaires rencontrés dans l
’
ensemble des collectivités, y compris au centre de gestion,
qui l
’
ont contraint à se concentrer, d
’
une part, sur les régularisations comptables et
budgétaires et, d
’
autre part, sur les poursuites contentieuses, dans le but de reconstituer
les trésoreries défaillantes de chaque collectivité, ne constituent pas des circonstances
revêtant les caractéristiques d
’
extériorité à l
’
agent, d
’
imprévisibilité et d
’
irrésistibilité
propres à la force majeure et ce, malgré l
’
ampleur relatée des poursuites contentieuses
effectuées au cours des années 2018, 2019 et 2020.
20
L
’
existence d
’
un préjudice financier
Pour déterminer si le paiement irrégulier d
’
une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l
’
organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d
’
éviter
que soit payée une dépense qui n
’
était pas due.
Lorsque le manquement du comptable porte sur l
’
exactitude de la liquidation de la
dépense et qu
’
il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l
’
absence
de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d
’
effet
libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstance particulière,
causé un préjudice financier à l
’
organisme public concerné.
A l
’
inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au
titre du paiement d
’
une dépense porte seulement sur le respect de règles formelles que
sont l
’
exacte imputation budgétaire de la dépense ou l
’
existence du visa du contrôleur
budgétaire lorsque celle-ci devait, en l
’
état des textes applicables, être contrôlée par le
comptable, il doit être regardé comme n
’
ayant pas par lui-même, sauf circonstance
particulière, causé de préjudice financier à l
’
organisme public concerné.
Enfin, le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, telles que le
contrôle de la qualité de l
’
ordonnateur ou de son délégué, de la disponibilité des crédits,
de la production des pièces justificatives requises ou de la certification du service fait,
doit être regardé comme n
’
ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à
l
’
organisme public concerné lorsqu
’
il ressort des pièces du dossier, y compris d
’
éléments
postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l
’
existence au regard de la
nomenclature, que l
’
ordonnateur a voulu l
’
exposer et, le cas échéant, que le service a été
fait.
M. Z fait valoir que Mme C est attachée territoriale, fonctionnaire titulaire du centre de
gestion, et qu
’
elle bénéficie à ce titre de
«
l’indemnité dite de vi
e chère »
comme tous les
fonctionnaires titulaires des collectivités locales, de l
’
État et des hôpitaux.
Il ajoute qu’il
pensait, à son arrivée, que les délibérations idoines avaient été prises par les collectivités
dès l’émission des d
écrets initiaux, tout en précisant que le décret des pièces justificatives
ne prévoit pas expressément le contrôle de cette prime. Selon lui, cette prime étant
attribuée à l
’
ensemble des agents titulaires et non titulaires de la collectivité, le centre de
gestion de la Martinique n
’
a subi aucun préjudice financier. Il demande en conséquence
à la chambre de reconnaître un manquement sans préjudice financier.
En l
’
espèce la dépense ne repose sur aucun fondement juridique dès lors qu
’
il a été relevé
qu
’
aucune délibération attribuant la sur-rémunération dite «
prime de vie chère
» à
Mme C n
’
est produite.
L
’
absence de disposition visant expressément cette sur-rémunération dans l
’
annexe à
l
’
article D 1617-19 du CGCT relatif aux pièces justificatives tel que le soutient M. Z est
indifférente dès lors qu
’
elle constitue un complément de rémunération et présente toutes
les caractéristiques d
’
une indemnité attachée à l
’
exercice de fonctions outre-mer, qu
’
elle
ne donne pas droit à comptabilisation pour la retraite ni à cotisations sociales et doit être
fondée, comme toutes les autres indemnités, sur une délibération préalable.
21
En conséquence, l
’
absence de fondement juridique de cette dépense conduit à retenir
qu
’
elle a été payée en l
’
absence de tout ordre de payer.
Il doit donc être retenu que le manquement du comptable a causé un préjudice financier
au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique.
Le lien de causalité entre les manquements du comptable et le préjudice financier
Le lien de causalité entre le manquement reproché au comptable et le préjudice financier
causé au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Martinique est établi
par le simple fait que la dépense a été irrégulièrement payée. En effet, le comptable a
ouvert sa caisse sans effectuer les contrôles exigés de sa fonction, notamment de la
présence des pièces justificatives prévues à la nomenclature et de l
’
exactitude de la
liquidation de la dépense.
La sanction des manquements
Aux termes du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 modifié de la loi du 23 février 1963
susvisée,
« Lorsque le manquement du comptable
[…]
a causé un préjudice financier à
l
’
organisme public concerné
[…]
le comptable a l
’
obligation de verser immédiatement
de ses deniers personnels la somme correspondante »
. En outre, aux termes du
paragraphe VIII de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée,
« les débets portent
intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics »
.
Ainsi, il y a lieu de constituer M. Z débiteur du centre de gestion de la fonction publique
territoriale de la Martinique pour la somme de 11 546,37
€, augmentée des intérêts de
droit à compter du 19 mai 2021, date de la notification du réquisitoire.
L
’existence et la mise en œuvre d’
un dispositif de contrôle hiérarchisé de la
dépense (CHD)
L
’
article 60-IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 dispose que
« Les comptables
publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas
mentionnés au troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget
la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable
ou de respect par celui-ci, sous l
’
appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle
sélectif des dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable
public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des
comptes, le ministre chargé du budget étant dans l
’
obligation de laisser à la charge du
comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième
alinéa dudit VI »
.
Il revient au juge des comptes d
’
apprécier si le manquement du comptable s
’
est opéré
dans un champ couvert par un contrôle hiérarchisé de la dépense préétabli.
Sur la demande de M. Z en date du 29 mars 2019, la direction régionale des finances
publiques (DRFiP) de la Martinique a accepté de valider la reconduction des plans CHD
hors-paye de son prédécesseur pour l
’
année 2018. Cependant, ces plans ne
s’appliquent
pas au cas d’espèce qui intéresse la paye
. Pour le surplus, si M. Z indique dans son
22
courrier précité adressé à la DRFiP relativement à l
’
année 2018 que «
les plans de CHD
payes ont été produits
», aucun n
’
a été remis à la juridiction financière.
Par conséquent, les dépenses réalisées par M. Z
n
’
étaient pas couvertes par un CHD.
Aussi, la somme laissée à la charge du comptable, par le ministre chargé du budget ne
pourra être inférieure à 3/1 000
e
du montant du cautionnement prévu pour le poste
comptable conformément au IX de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 précité.
Par ces motifs,
DÉCIDE
Article 1
–
Charge n° 1
M. X est constitué débiteur du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la
Martinique sur le fondement du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-156
du 23 février 1963 modifiée, pour la somme de cinq mille trois cent quarante-deux euros
(5 342
€), somme augmentée des intérêts de droit à compter du 1
9 mai 2021, date de la
notification du réquisitoire au comptable ;
Mme Y est constituée débitrice du centre de gestion de la fonction publique territoriale
de la Martinique sur le fondement du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-
156 du 23 février 1963 modifiée, pour la somme de huit mille trois cent quatre-vingt-
quatorze euros (8 394
€), somme augmentée des intérêts de droit à compter du
19 mai 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable ;
Article 2
–
Charge n° 2
M. X devra s
’
acquitter d
’
une somme de 80
€ sur le fondement du
deuxième alinéa du VI
de l
’
article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963. Cette somme n
’
est pas susceptible
de remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l
’
article 60 précité.
Mme Y devra s
’
acquitter d
’
une somme de 40
€ sur le fondement du
deuxième alinéa du
VI de l
’
article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963. Cette somme n
’
est pas susceptible
de remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l
’
article 60 précité.
M. Z devra s
’
acquitter d
’
une somme de 80
€ sur
le fondement du deuxième alinéa du VI
de l
’
article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963. Cette somme n
’
est pas susceptible
de remise gracieuse en vertu du paragraphe IX de l
’
article 60 précité.
Article 3
–
Charge n° 3
M. X est constitué débiteur du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la
Martinique sur le fondement du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-156
du 23 février 1963 modifiée, pour la somme de mille neuf cent cinquante-neuf euros et
cinquante-deux centimes (1 959,52
€), somme augmentée des intérêts de droit à compter
du 19 mai 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable.
23
Le respect d
’
un dispositif de contrôle sélectif de la dépense conduit à permettre au
comptable, en cas de remise gracieuse par le ministre chargé du budget, de bénéficier
d
’
une remise gracieuse totale.
Article 4
–
Charge n° 4
M. Z est constitué débiteur du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la
Martinique sur le fondement du troisième alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-156
du 23 février 1963 modifiée, pour la somme de onze mille cinq cent quarante-six euros et
trente-sept centimes (11 546,37
€), somme augmentée des intérêts de droit à compter du
19 mai 2021, date de la notification du réquisitoire au comptable.
En l
’
absence de respect d
’
un dispositif de contrôle sélectif de la dépense, la somme qui
sera laissée à la charge du comptable, en cas de remise gracieuse par le ministre chargé
du budget, sera au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa
du IX de l
’
article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée.
Article 5
–
Sursis à décharge
M. X ne sera déchargé de sa gestion, du 1
er
janvier 2015 au 2 juillet 2017, qu
’
après
apurement des débets et de la somme non rémissible prononcés à son encontre.
Mme Y ne sera déchargée de sa gestion, du 3 juillet 2017 au 31 janvier 2018, qu
’
après
apurement des débets et de la somme non rémissible prononcés à son encontre.
M. Z ne sera déchargé de sa gestion, du 1
er
février 2018 au 31 décembre 2018, qu
’
après
apurement des débets et de la somme non rémissible prononcés à son encontre.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes de la Martinique, le 19 octobre 2021.
Présents :
-
M. Yves COLCOMBET, président de la chambre, président de séance,
-
M. Patrick PLANTARD, président de section ;
-
M. Gabriel SENAUX, réviseur ;
-
M. Alexandre ABOU et Mme Anne-Maude DUBOST, premiers conseillers ;
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire générale.
Aurélie ROSSAT
24
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près
les tribunaux de grande instance, d
’
y tenir la main ; à tous commandants et officiers de la force publique
de prêter main-forte lorsqu
’
ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 et R. 242-23 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d
’
appel devant la Cour des comptes
dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités prévues aux articles R. 242-22
et R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l
’
étranger.
La révision d
’
un jugement peut être demandée après expiration des délais d
’
appel, et ce, dans les conditions
prévues à l
’
article R. 242-29 du même code.