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SEPTIÈME CHAMBRE
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2021-2260
Audience publique du 19 novembre 2021
Prononcé du 17 décembre 2021
CHAMBRE DÉPARTEMENTALE
D’AGRICULTURE DE L’ARIÈGE
Exercices 2015 à 2019
Rapport n° R-2021-1018
République Française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2021-9, en date du 24 mars 2021, par lequel la Procureure générale près
la Cour des comptes a saisi la Cour de charges soulevées à l’encontre de Mme X, agent
comptable de la chambre départementale d’agriculture de l’Ariège, au titre des exercices 2015
à 2019, notifié le 24 mars 2021 à la comptable concernée ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la chambre départementale d’agriculture
de l’Ariège, par Mme X, du 5 janvier 2015 au 1
er
septembre 2019 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables à l’organisme, notamment le code rural et de la pêche
maritime et l’instruction codificatrice M92 du 22 mai 2003 ;
Vu le décret n° 88-132 du 4 février 1988 relatif à l'indemnité pour rémunération de services
allouée aux agents comptables d'établissements publics nationaux, de comptes spéciaux
du Trésor, de budgets annexes, d'établissements publics locaux d'enseignement et
de formation professionnelle agricoles et d'écoles de formation maritime et aquacole ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90
de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
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Vu l’arrêté n° 3272 du 20 juin 1985 portant fixation de l’indemnité pour rémunération
de services allouée aux agents comptables des chambres régionales ou départementales
d’agriculture ;
Vu l’arrêté du ministre des finances et des comptes publics du 13 avril 2016 modifié fixant
la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu l’arrêté du ministre de l’action et des comptes publics du 31 janvier 2018 fixant la liste des
pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246
du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, abrogeant l’arrêté
susvisé ;
Vu le rapport n° R-2021-1018 à fin d’arrêt de M. Renan MÉGY, conseiller référendaire,
magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 597 de la Procureure générale du 10 novembre 2021 ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 19 novembre 2021, M. Renan MÉGY, conseiller
référendaire en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions
du ministère public, et Mme X, comptable présente, ayant eu la parole en dernier, les autres
parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Jacques BASSET, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur les charges n° 1 et n° 2 soulevées à l’encontre de Mme X
Sur le droit applicable
1. Attendu qu’en application du I de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du
recouvrement des recettes, du paiement des
dépenses » et «
des contrôles qu'ils sont tenus
d'assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine
» ; que leur responsabilité
«
se trouve engagée dès lors […] qu'une recette n'a pas été recouvrée, qu’une dépense
a été irrégulièrement payée
» ;
2. Attendu qu’aux termes des articles 17 et 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et
contrôles qui leur incombent
» ; que le comptable public est seul chargé, dans le poste
comptable qu’il dirige, notamment, «
du paiement des dépenses
»; qu’aux termes de ses
articles 19 et 20, «
le comptable public est tenu d’exercer le contrôle […] 2° s’agissant des
ordres de payer […] d) de la validité de la
dette » qui porte notamment sur «
3° la production
des pièces justificatives
» ; qu’aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à l’occasion
de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté
des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend
le paiement et en informe l’ordonnateur
» ;
Sur la charge n° 1 soulevée à l’encontre de Mme X, au titre des exercices 2015 à 2017
3. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue par Mme X à raison de la prise en charge de mandats de
dépenses liées à l’admission en non-valeur de créances au cours des exercices 2015
(8 275,58
€),
2016
(2 137,31
€)
et
2017
(4 713,32
€),
soit
un
montant
total
de 15 126,21 €, sans production de délibération de l’organe délibérant ou décision
de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant, exigées par les textes applicables ;
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Sur le droit applicable en matière d’admission en non-valeur de créances
4. Attendu que l’article 193 du décret du 7 novembre 2012 susvisé dispose que
«
sur délibération de l'organe délibérant prise après avis de l'agent comptable, les créances
de l'organisme peuvent faire l'objet […] d'une admission en non-valeur, lorsque la créance est
irrécouvrable. […] Dans la limite d'un seuil fixé par l'organe délibérant, celui-ci peut déléguer
à l'ordonnateur son pouvoir de décision
» ;
5. Attendu qu’aux termes de la rubrique 2.3 de l’annexe à l’arrêté du 13 avril 2016 susvisé,
entré en vigueur le 23 avril 2016, les pièces à produire à l’agent comptable à l’appui
des opérations de dépenses liées à l’admission en non-valeur d’une créance sont
les suivantes : «
délibération de l’organe délibérant après avis de l’agent comptable ou
décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant dans la limite d’un seuil fixé
par ce dernier
» ;
6. Attendu qu’aux termes de l’article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime,
«
la chambre d'agriculture, réunie en session, règle par ses délibérations les affaires de
l'établissement. […]
Dans les limites qu'elle détermine, la session peut déléguer au bureau
les attributions mentionnées aux 3°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13°, 14° et 16°
», relatives
respectivement aux «
règles générales d'organisation et de fonctionnement des services
de l'établissement
», à «
la passation des contrats, conventions et marchés
», aux «
modalités
de tarification des prestations et services rendus par l'établissement
», aux «
subventions
»,
à «
l’acquisition, l'aliénation ou l'échange de biens immobiliers,
[aux]
baux et locations
d'immeubles d'une durée supérieure à neuf ans
», à «
l
’
acceptation ou le refus de dons et
legs
», aux «
actions en justice à intenter au nom de l'établissement et
[aux]
transactions
» et
aux «
modalités de remboursement des frais de déplacement des membres de la chambre
d'agriculture
» ;
Sur les éléments apportés à décharge par la comptable
7. Attendu que la comptable reconnaît
« l’existence d’irrégularités de procédure »
; qu’elle fait,
cependant, valoir que ces irrégularités n’ont pas causé de préjudice financier à la chambre
d’agriculture de l’Ariège ; que des diligences, dont elle apporte la preuve, ont été accomplies
afin de recouvrer chacune des créances concernées et qu’en conséquence,
«’il n’existe pas
de lien de causalité entre les pertes de créances subies par l’organisme et le défaut de
recouvrement »
; que les créances étaient irrécouvrables au moment de leur admission en
non-valeur en raison de l’insolvabilité des redevables ;
Sur les faits
8. Attendu que par une délibération du 20 février 2013, la session a délégué au bureau de la
chambre départementale d’agriculture de l’Ariège les attributions suivantes :
-
«
les règles générales d'organisation et de fonctionnement des services
» ;
-
«
la désignation des élus pour représenter la chambre d’agriculture dans les instances
départementales, régionales, nationales
» ;
-
«
la passation des contrats, conventions et marchés d’un montant inférieur à
500 000 euros HT et supérieur à 100 000 euros HT
» ;
-
«
les modalités de tarification des prestations et services rendus par l'établissement
» ;
-
«
les subventions attribuées à diverses manifestations ou organismes
» ;
-
«
l’acquisition, l'aliénation ou l'échange de biens immobiliers, les baux et locations
d'immeubles d'une durée supérieure à neuf ans
» ;
-
«
l
’
acceptation ou le refus de dons et legs
» ;
-
«
les actions en justice à intenter au nom de l'établissement et les transactions
» ;
-
«
les modalités de remboursement des frais de déplacement des membres de la
chambre d'agriculture
» ;
9. Attendu que la comptable a pris en charge, les 29 décembre 2015, 11 août 2016 et
27 décembre 2017, divers mandats d’admission en non-valeur de créances ;
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10. Attendu que les mandats pris en charge le 29 décembre 2015, pour un montant total de
8 275,58 €, n’étaient accompagnés ni d’une délibération de l’organe délibérant, ni
d’une décision de l’ordonnateur prise par délégation de l’organe délibérant ;
11. Attendu que les mandats pris en charge les 11 août 2016 et 27 décembre 2017, pour
un montant total respectif de 2 137,31 € et 4 713,32 €, étaient accompagnés de décisions
du bureau, datées des 31 mai 2016 et 16 octobre 2017 ; que ces décisions visent
«
la délibération relative aux délégations d’attribution de la chambre d’agriculture de l’Ariège,
en date du 20 février 2013
» ; que, toutefois, cette délibération du 20 février 2013, détaillée
au point 8, ne prévoit pas de délégation pour l’admission en non-valeur de créances ;
Sur l’existence d’un manquement
En ce qui concerne les mandats pris en charge en 2015
12. Attendu qu’à défaut de nomenclature des pièces justificatives des dépenses, applicable
aux chambres d’agriculture en 2015 et début 2016, la comptable devait apprécier, au cas par
cas, si les pièces fournies à l’appui des mandats présentaient un caractère suffisant pour
justifier la dépense à payer, notamment si elles étaient, d’une part, complètes et précises et,
d’autre part, cohérentes au regard de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle avait
été ordonnancée ;
13. Attendu que, s’agissant de mandats d’admission en non-valeur de créances, la comptable
devait se référer aux dispositions de l’article 193 du décret du 7 novembre 2012 rappelées au
point 4 ; que l’absence de production d’une délibération de l’organe délibérant ou d’une
décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant, à l’appui des mandats
d’admission en non-valeur de créances pris en charge le 29 décembre 2015, aurait dû
conduire la comptable à suspendre cette prise en charge et à en informer l’ordonnateur en
application des dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 rappelées au point 2 ;
14. Attendu que faute d’y avoir procédé, Mme X a manqué à son obligation de contrôle de la
validé de la dette, lequel comprend celui de la production des pièces justificatives, en vertu
des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il y a lieu d’engager sa
responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que définie par l’article 60 susvisé de la loi de
finances pour 1963, au titre de l’exercice 2015 ;
En ce qui concerne les mandats pris en charge en 2016 et 2017
15. Attendu que, contrairement aux dispositions, rappelées au point 5, de la rubrique 2.3 de
l’annexe à l’arrêté du 13 avril 2016, les mandats d’admission en non-valeur de créances pris
en charge les 11 août 2016 et 27 décembre 2017 n’étaient pas appuyés d’une délibération de
l’organe délibérant ou d’une décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant ;
qu’outre la délibération de la session du 20 février 2013 détaillée au point 8, seules ont été
produites des décisions du bureau, datées des 31 mai 2016 et 16 octobre 2017 ;
16. Attendu que, dans ses conclusions susvisées, la Procureure générale fait valoir que ces
décisions du bureau pourraient être regardées comme une «
délibération de l’organe
délibérant prise après avis de l’agent comptable
», au sens des dispositions précitées de
l’article 193 du décret du 7 novembre 2012 et de la rubrique 2.3 de la nomenclature fixée par
l’arrêté du 13 avril 2016 au double motif :
-
que l’article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime ne mentionne pas
expressément les admissions en non-valeur dans la liste des affaires relevant de la
compétence de la chambre d’agriculture réunie en session et, en conséquence, ne
prévoit pas non plus la possibilité que cette instance en délègue la décision au bureau ;
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que le bureau prévu par l’article D. 511-63 du code rural et de la pêche maritime
constituerait l’émanation de la session et que, pour pallier la faible fréquence des
réunions de la chambre en session, l’article D. 511-76 du même code dispose que
«
la chambre d’agriculture peut, par délibération spéciale, donner pouvoir à son bureau
de se prononcer en ses lieu et place sur toute modification du budget général proposée
par le président, pendant l’intervalle des sessions
» ;
17. Attendu que la Procureure générale soutient également que, dans ces conditions,
considérer que les décisions du bureau seraient des pièces justificatives insuffisantes
reviendrait à reprocher au comptable de ne pas avoir relevé qu’elles émanaient d’une autorité
incompétente, c’est-à-dire de ne pas avoir procédé à un contrôle de leur légalité, alors qu’un
tel contrôle lui est proscrit ;
18. Attendu qu’il résulte des dispositions précitées de l’article D. 511-54-1 du code rural et de
la pêche maritime que, dans une chambre d’agriculture, la session est la seule instance
compétente pour régler par ses délibérations les affaires de l’établissement ; que les
attributions qu’elle peut déléguer au bureau sont énumérées limitativement par le même
article ; que la délibération de la session du 20 février 2013 détaillée au point 8 ne porte que
sur les attributions mentionnées à l’article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime
comme pouvant être déléguées au bureau ;
19. Attendu, par ailleurs, qu’en application des dispositions précitées de l’article 193 du décret
du 7 novembre 2012, la session est aussi compétente pour statuer sur l’admission
en non-valeur des créances irrécouvrables ; que la circonstance que l’article D. 511-54-1 du
code rural et de la pêche maritime n’ait pas expressément prévu la possibilité qu’elle délègue
au bureau sa compétence dans ce domaine est indifférente à cet égard ; qu’au demeurant,
le silence sur ce point de l’article D. 511-54-1 du code rural et de la pêche maritime
est cohérent avec le fait que l’article 193 du décret du 7 novembre 2012 n’offre à l’organe
délibérant d’un établissement public la possibilité de déléguer son pouvoir de décider
les admissions en non-valeur qu’au seul ordonnateur, dans la limite d’un seuil fixé
par ses soins ; qu’aucune délibération déléguant cette compétence à l’ordonnateur
n’a été prise par la chambre départementale d’agriculture de l’Ariège réunie en session ;
20. Attendu qu’il se déduit de cet ensemble d’éléments qu’une décision du bureau prise en
l’absence de délégation de la session ne saurait constituer la «
délibération de l’organe
délibérant après avis de l’agent comptable
» dont la rubrique 2.3 de la nomenclature fixée
par l’arrêté du 13 avril 2016 prévoit la production à l’appui d’un mandat d’admission en
non-valeur ; que le constat qu’une décision du bureau n’est pas une délibération de la session
ne procède pas d’un contrôle de sa légalité qui, comme le soutient le ministère public,
ne relève pas des obligations du comptable, mais seulement de sa matérialité, auquel
il lui appartient de procéder au titre du contrôle de la production des justifications ;
21. Attendu que l’absence de production d’une délibération de l’organe délibérant ou
d’une décision de l’ordonnateur par délégation de l’organe délibérant, à l’appui des mandats
d’admission en non-valeur de créances pris en charge les 11 août 2016 et 27 décembre 2017,
aurait dû conduire la comptable à suspendre cette prise en charge et à en informer
l’ordonnateur en application des dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012
rappelées au point 2 ;
22. Attendu
que
faute
d’y
avoir
procédé,
Mme
X
a
manqué
à
son
obligation
de contrôle de la validé de la dette, lequel comprend celui de la production des pièces
justificatives, en vertu des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il y a
lieu d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que définie par l’article 60
susvisé de la loi de finances pour 1963, au titre des exercices 2016 et 2017 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
23. Attendu que l’admission en non-valeur, si elle ne produit pas d'effet de droit à l'égard des
tiers, conduit à renoncer à poursuivre le recouvrement de la créance ; que cette situation, pour
les admissions irrégulièrement prononcées, équivaut à un défaut de recouvrement ; que,
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toutefois, il n'y a pas préjudice lorsque la preuve est apportée qu’en toute hypothèse les
créances n’auraient pas pu être recouvrées ;
24. Attendu
que, ainsi que le souligne la Procureure générale dans ses conclusions susvisées,
les ordres de recettes admis en non-valeur en 2015 correspondent à des créances
effectivement irrécouvrables du fait de la situation financière des débiteurs, et non pas de
diligences insuffisantes pour leur recouvrement ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’il en
est de même pour les créances admises en non-valeur en 2016 et 2017 ; qu’en conséquence,
le manquement du comptable à ses obligations de contrôle des pièces justificatives produites
pour les admettre en non-valeur n’a pas causé de préjudice financier à la chambre
départementale d’agriculture de l’Ariège ;
25. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
« lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de
préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce »
; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette
somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
26. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour
les exercices 2015 à 2017 est fixé à 37 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de Mme X s’élève à 55,50 € par an ;
27. Attendu que, en l’absence de circonstances particulières, il y a lieu d’arrêter cette somme
à 55,50 € pour chaque exercice pour la période de 2015 à 2017 ;
Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de Mme X, au titre des exercices 2015 à 2019
28. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de
la
responsabilité
encourue
par
Mme
X
à
raison
du
paiement,
au cours de la période de janvier 2015 à août 2019, de l’indemnité pour rémunération
de services (IRS) de l’agent comptable pour un montant de 34 980,40 €, sans disposer de
la délibération de la chambre réunie en session requise ;
Sur le droit applicable en matière de rémunération d’un agent comptable
29. Attendu que l’article D. 511-80 du code rural et de la pêche maritime dispose que «
l'agent
comptable est nommé par la chambre d'agriculture sur proposition du directeur départemental
des finances publiques ; il perçoit une rémunération fixée par la chambre d'agriculture, dans
les limites arrêtées conjointement par le ministre de l'agriculture et le ministre du budget
» ;
30. Attendu que les agents comptables en adjonction de service perçoivent une IRS versée
dans les conditions du décret du 4 février 1988 susvisé, qui pose le principe du bénéfice de
cette indemnité «
dès lors que ces fonctions ne constituent pas l'activité principale des agents
concernés
» ; que l’arrêté du 20 juin 1985 susvisé prévoit que «
le montant de l’indemnité pour
rémunération de service […] est fixé par la chambre d’agriculture en pourcentage du salaire
mensuel indicatif de base de l’indice 100 […] dans les limites
»
fixées dans un tableau figurant
dans l’arrêté ;
Sur le droit applicable en matière de production des pièces justificatives
31. Attendu qu’aux termes de la rubrique 3.6.1 de l’annexe à l’arrêté du 13 avril 2016 susvisé,
entré en vigueur le 23 avril 2016, puis de l’arrêté du 31 janvier 2018, qui lui a succédé à
compter du 21 février 2018, les pièces à produire à l’agent comptable à l’appui des opérations
de dépenses pour le versement d’indemnités forfaitaires liées à une fonction sont les
suivantes : «
décision individuelle d’attribution
» et «
état liquidatif et nominatif faisant
référence au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant le(s) taux en vigueur
» ;
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Sur les éléments apportés à décharge par la comptable
32. Attendu que la comptable a transmis une «
délibération relative à la nomination de l’agent
comptable
» de la chambre départementale d’agriculture de l’Ariège, réunie en session le
22 novembre 2018, qui vise notamment l’article D. 511-80 du code rural et de la pêche
maritime ; que l’article 1
er
acte la nomination de Mme X au poste d’agent comptable de la
chambre «
à temps partiel, en adjonction de service, à compter du 1
er
janvier 2015
» ; que
selon l’article 2, elle «
perçoit une rémunération mensuelle calculée en fonction de l’indice 100
et de la valeur du point servant de calcul des salaires du personnel de la chambre
d’agriculture
» et «
perçoit l’indemnité de caisse de responsabilité allouée aux agents
comptables des chambres d’agriculture prévue par les textes en vigueur pour les agents
comptables de sa catégorie
» ; que la comptable en conclut à l’absence de manquement ;
Sur les faits
33. Attendu que la comptable a procédé, sur la base de 56 mandats pris en charge au cours
de la période de janvier 2015 à août 2019, au paiement à son propre bénéfice d’une IRS pour
un montant mensuel brut de 623,40 € jusqu’en juin 2018, puis de 628,40 €, soit un montant
total de 34 980,40 € pour la période ;
34. Attendu que les mandats pris en charge jusqu’au 22 novembre 2018 n’étaient pas
accompagnés d’une délibération de l’organe délibérant, mais seulement d’une «
délibération
portant nomination de l’agent comptable
» du bureau du 19 décembre 2014, ne mentionnant
pas les conditions de rémunération de l’intéressée, et d’un arrêté du président de la chambre
du 5 janvier 2015 indiquant que Mme X exerce la fonction d’agent comptable de la chambre
«
à compter du 1
er
janvier 2015
» et qu’elle «
percevra une rémunération mensuelle calculée
en fonction de l’indice 100 et de la valeur du point servant de calcul des salaires du personnel
de la chambre d’agriculture
» et «
percevra l’indemnité de caisse de responsabilité allouée aux
agents comptables des chambres d’agriculture prévue par les textes en vigueur pour les
agents comptables de sa catégorie
», sans que lesdits textes ne soient explicitement
mentionnés ou visés par l’arrêté ;
35. Attendu que si, après le 22 novembre 2018, la comptable disposait de la délibération de
l’organe délibérant de la chambre détaillée au point 32, cette délibération se contente de
reprendre les mêmes termes que l’arrêté du 5 janvier 2015 du président de la chambre et ne
comporte toujours pas de référence «
au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant le(s)
taux en vigueur
», comme l’exige la rubrique 3.6.1 des nomenclatures successivement en
vigueur rappelées au point 31 ;
Sur l’existence d’un manquement
En ce qui concerne les paiements intervenus en 2015 et en 2016 jusqu’au 23 avril
36. Attendu qu’à défaut de nomenclature des pièces justificatives des dépenses, applicable
aux chambres d’agriculture en 2015 et en 2016 jusqu’au 23 avril, la comptable devait
apprécier, au cas par cas, si les pièces fournies à l’appui des mandats présentaient un
caractère suffisant pour justifier la dépense à payer, notamment si elles étaient, d’une part,
complètes et précises et, d’autre part, cohérentes au regard de la nature et de l’objet de la
dépense telle qu’elle avait été ordonnancée ;
37. Attendu qu’en matière d’indemnités, l’agent comptable doit s’assurer qu’il existe bien à
l’appui du mandat de dépenses une décision d’attribution lui permettant de vérifier l’exacte
application des textes en vigueur ; qu’il résulte, en outre, de la combinaison des dispositions
de l’article D. 511-80 du code rural et de la pêche maritime, de l’arrêté du 20 juin 1985 susvisé
et de l’instruction codificatrice M92 susvisée, qu’une délibération de la chambre d’agriculture
était requise pour attribuer l’IRS à l’agent comptable et en fixer le montant ;
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38. Attendu que l’absence de production d’une telle délibération aurait dû conduire
la comptable à suspendre la prise en charge des mandats et à en informer l’ordonnateur en
application des dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 rappelées au point 2 ;
39. Attendu que faute d’y avoir procédé, Mme X a manqué à son obligation de contrôle de la
validé de la dette, lequel comprend celui de la production des pièces justificatives, en vertu
des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il y a lieu d’engager sa
responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que définie par l’article 60 susvisé de la loi de
finances pour 1963, au titre de l’exercice 2015 et des trois premiers mois de l’exercice 2016 ;
En ce qui concerne les paiements postérieurs au 23 avril 2016
40. Attendu que, contrairement aux dispositions, rappelées au point 31, de la rubrique 3.6.1
de l’annexe aux arrêtés des 13 avril 2016 et 31 janvier 2018, les mandats pris en charge après
le 23 avril 2016 et jusqu’au 22 novembre 2018, n’étaient pas appuyés d’une «
décision
individuelle d’attribution
» et d’un «
état liquidatif et nominatif faisant référence au texte institutif
de l’indemnité et à l’arrêté fixant le(s) taux en vigueur
», les seules justifications existantes au
moment du paiement étant celles détaillées au point 34 ;
41. Attendu que, pour les mandats pris en charge après le 22 novembre 2018, la comptable
ne disposait pas non plus des justifications requises ; que, faute de comporter une référence
«
au texte institutif de l’indemnité et à l’arrêté fixant le(s) taux en vigueur
», la délibération du
22 novembre 2018 mentionnée aux points 32 et 35 n’était pas conforme aux exigences posées
par la rubrique 3.6.1 de la nomenclature fixée par l’arrêté du 31 janvier 2018 ;
42. Attendu que l’absence de production des justifications requises aurait dû conduire
la comptable à suspendre la prise en charge des mandats et à en informer l’ordonnateur en
application des dispositions de l’article 38 du décret du 7 novembre 2012 rappelées au point 2 ;
43. Attendu que faute d’y avoir procédé, Mme X a manqué à son obligation de contrôle de la
validé de la dette, lequel comprend celui de la production des pièces justificatives, en vertu
des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu’il y a lieu d’engager sa
responsabilité personnelle et pécuniaire, telle que définie par l’article 60 susvisé de la loi de
finances pour 1963, au titre des exercices 2016, à compter du quatrième mois, et des exercice
2017 à 2019 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
44. Attendu que, pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge
des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue,
si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter
que soit payée une dépense qui n'était pas effectivement due ; que lorsque le manquement
du comptable porte sur le contrôle de la production des pièces justificatives requises,
ce manquement doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris
d'éléments postérieurs au manquement en cause, que la dépense repose sur les fondements
juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature,
et que l'ordonnateur a voulu l'exposer ;
45. Attendu, au cas d’espèce, que l'agent comptable en adjonction de service d'une chambre
d'agriculture a droit, sur le fondement des dispositions rappelées aux points 29 et 30, à une
IRS ; que le taux pratiqué était conforme aux dispositions de l’arrêté du 20 juin 1985 susvisé ;
que la délibération de la session du 22 novembre 2018, qui, dans ces circonstances, pouvait
avoir une portée rétroactive, ne laisse aucun doute sur la volonté de l’ordonnateur d’exposer
la dépense ; qu’en conséquence, le manquement commis par la comptable n’a pas causé de
préjudice financier à la chambre départementale d’agriculture de l’Ariège ;
46. Attendu qu’aux termes des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi
du 23 février 1963 susvisée,
« lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de
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préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce »
; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette
somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
47. Attendu
que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour
les exercices 2015 à 2019 est fixé à 37 000 € ; qu’ainsi le montant maximum de la somme
susceptible d’être mise à la charge de Mme X s’élève à 55,50 € par exercice ;
48. Attendu que, en l’absence de circonstances particulières, il y a lieu d’arrêter cette somme
à 55,50 € pour chaque exercice, sur la période de 2015 à 2019 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2015
En ce qui concerne la charge n° 1
Article
1
er
.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
En ce qui concerne la charge n° 2
Article
2.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Au titre de l’exercice 2016
En ce qui concerne la charge n° 1
Article
3.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
En ce qui concerne la charge n° 2
Article
4.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Au titre de l’exercice 2017
En ce qui concerne la charge n° 1
Article
5.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
En ce qui concerne la charge n° 2
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Article
6.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Au titre de l’exercice 2018
En ce qui concerne la charge n° 2
Article
7.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Au titre de l’exercice 2019
En ce qui concerne la charge n° 2
Article
8.
–
Mme
X
devra
s’acquitter
d’une
somme
de
55,50
€,
en application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
cette somme ne peut faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu du IX de l’article 60 précité.
Sursis à décharge
Article 9. – Il est sursis à la décharge de Mme X au titre des exercices 2015, à compter du 5
janvier, à 2019, au 1
er
septembre, dans l’attente de l’apurement des sommes à acquitter, fixées
ci-dessus.
Fait et jugé par Mme Michèle COUDURIER, présidente de section, présidente de la formation,
MM. Jean-François GUILLOT, Jacques BASSET, Patrick SITBON et Jérôme-Michel MAIRAL,
conseillers maîtres.
En présence de Mme Nadine BESSON, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers
de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Nadine BESSON
Michèle COUDURIER
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Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans
le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être
demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.