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Le 7 octobre 2021
Le Premier président
à
Madame Frédérique Vidal
Ministre de l’enseignement supérieur,
de la recherche et de l’innovation
Réf. : S2021-1953
Objet
: Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l
es sciences de l’écologie
et de l’environnement
En application des dispositions de
l’article
L. 111-3 du code des juridictions financières,
la Cour a mené une enquête sur le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les
sc
iences de l’écologie et de l’environnement de 2012 à 2020
.
Dans le contexte de prise de conscience des enjeux écologiques, la création de
l’I
nstitut Écologie et Environnement (INEE), en 2009 au sein du CNRS,
et l’introduction des
questions environnementales dans les contrats d’objectifs
successifs de cet établissement,
montrent
la volonté de faire émerger les sciences de l’environnement comme champ
scientifique intégré.
Comparativement aux neuf autres instituts du CNRS, l’
INEE se caractérise par sa taille
modeste. Dans cet ensemble, il se situe en effet au 8
e
rang, tant pour ses effectifs que pour
ses ressources financières. Par ailleurs,
au sein du CNRS, l’I
NEE
n’a pas le monopole de la
recherche en écologie et environnement, domaine qui se trouve partagé avec plusieurs autres
instituts
tels que l’
Institut nation
al des sciences de l’univers (I
NSU sur les sciences de
l’univers
),
l’
Institut de chimie (INC) sur la chimie du vivant
ou l’institut des sciences humaines
et sociales.
En dépit de sa création relativement récente, l
’
INEE constitue un pôle de référence
national notamment dans les domaines de
l’évolution et
des interactions hommes-milieux. Il
doit cependant renforcer
sa visibilité et s’en donner les moyens,
tout comme le champ des
études en écologie et environnement au niveau national.
À
l’issue de
cette enquête
, la Cour m’a demandé, en application des dispositions de
l’article R.
143-11 du même code, d'appeler votre attention sur les observations et
recommandations suivantes :
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1.
LA VISIBILITÉ DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
EN MATIÈRE DE CLIMAT
Les avis émis par les sections du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS)
pour l’habilitation des unités de recherche et les évaluations du Haut conseil de l’évaluation de
la
recherche et de l’enseignement supérieur
(HCERES)
permettent d’apprécier la pertinence
des projets
de l’I
NEE
. Si les comptes rendus d’évaluation publiés par le
HCERES sont de plus
en plus succincts, ils sont, pour la quasi-totalité, positifs et mettent en avant la qualité de ses
recherches et sa notoriété nationale et internationale.
La place de l’
INEE et plus généralement du CNRS est incontestable en matière de
sciences de l’écologie et de l’environnement. Mais l’éclatement de ce
s domaines au sens large
dans l’organisation du CNRS, justifiée par des réalités scientifiques, a l’inconvénient de ne pas
fa
ire apparaître explicitement l’action du CNRS en matière de climat.
Même si le changement climatique
ne représente que l’une des composantes du
changement global auquel les sociétés font face, il
est au cœur des
choix stratégiques que
doivent effectuer les États et la communauté internationale. Leur besoin en données et en
analyses scientifiques est très forte. La qualité de la recherche sur le climat est en outre un
élément important de l’appréciation du travail d’un grand organisme de recherche.
Il serait ainsi souhaitable de donner une visibilité plus grande aux recherches du CNRS
sur le climat
, par exemple par la mise en place d’une coordination spécifique et le lancement
d’initiatives
valorisant davantage cette thématique.
Dans sa réponse à la Cour, le Président du CNRS a indiqué qu’une cellule sur le
changement climatique, à l’instar des cellules Energie et Eau,
sera bientôt créée au sein de
son établissement. La Cour en prend acte.
2.
LE CONFORTEMENT DU SITE DE MONTPELLIER
Conformément aux objectifs du CNRS, l’
INEE mène une politique de site active au
travers d’un dispositif original dont il a pris l’initiative
: les dispositifs de partenariat en écologie
et environnement (DIPEE). Ce dispositif est mis
en œuvre dans les villes concentrant les
principales implantations d’unités. Il permet
, en association avec les universités, les autres
établissements scientifiques et les collectivités territoriales,
d’organiser la concertation et de
coordonner les investissements et les créations de postes. Cet outil doit encore confirmer sa
valeur ajoutée, ne serait-ce que par la création
d’indicateurs d’efficience
et d’efficacité
.
Parmi les sites principaux, celui de Montpellier bénéficie d’une place de premier plan
au niveau international. La place
de l’université de Montpellier
, dans le classement annuel de
Shanghaï pour la recherche en écologie et environnement, qui se situe tantôt au premier tantôt
au deuxième rang, selon les années, est un signal positif. Sa chute à la troisième place, en
2021, doit inciter les acteurs concernés à se mobiliser pour conserver un haut niveau
d’excellence
au site de Montpellier.
Comme la Cour a
eu l’occasion de le souligner
, ce site, au-delà des moyens du CNRS,
concentre en effet les principales implantations du Centre de coopération internationale en
recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et de
l’Institut de recherche pour le
développement (IRD) et de grands équipements de recherche. Il importe de conforter, dans la
durée,
l’
attractivité du site de Montpellier en en faisant une priorité stratégique, au-delà des
seules initiatives d’excellence.
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3.
LE RENFORCEMENT DE LA VALORISATION DE LA RECHERCHE DE
L’INEE
Les financements propres des unités sous tutelle de l’
INEE,
qu’
ils soient
d’origine
nationale (
l’Agence nationale de la recherche [
ANR], le Programme d
’investissements d’avenir
[PIA], le Contrat de plan État-région [CPER]) ou européenne,
sont d’une moyenne annuelle
de 64,76
M€ depuis 2014. Ils sont
cependant soumis aux aléas des appels à projets et de
leurs résultats, de la pérennité des crédits du PIA, des négociations des CPER, et du cycle
budgétaire de l’Union européenne. De ce fait
, ils sont sujets à de très fortes variations : après
un sommet atteint en 2018 (108,33
M€), ils sont en diminution
constante depuis.
La valorisation, qui
fait partie des missions de l’
INEE
en tant qu’institut du CNRS
,
constitue une autre source de revenus.
Les chercheurs de l’
INEE ont participé à la création
d’une vingtaine de jeunes
entreprises du CNRS, ce qui demeure modeste (2,1 % seulement
des créations enregistrées entre 2015 et 2017). En outre, la gestion du portefeuille de titres
s’avère couteuse par rapport aux revenus en découlant. Ceci peut toutefois s’expliquer par le
caractère assez récent de la création de l’Institut.
L’
INEE a certes créé une cellule de valorisation en 2016, mais cette question
n’est pas
au cœur des préoccupations de sa communauté scientifique
malgré les actions de
sensibilisation menées auprès des chercheurs. La protection et la valorisation de la propriété
intellectuelle ne sont mesurées que très imparfaitement dans le contrat d’objectifs de l’
INEE
qui recense annuellement les brevets déposés par quelques unités et dont le nombre décroît.
Elles ne figurent
pas dans les critères d’évaluation des unités.
Les retours financiers et les
brevets ayant donné lieu à licence d’exploitation
devraient ainsi
être suivis afin d’
avoir une
vision précise
de l’efficacité de la politique de valorisation.
4.
LE RÉÉQUILIBRAGE DES RECRUTEMENTS AU PROFIT DES POSTES DES
INGÉNIEURS, TECHNICIENS ET ADMINISTRATIFS (ITA)
Les effectifs totaux à l’
INEE, toutes catégories confondues, sont stables sur la période
2012-2020 (contre une diminution de 4,7 % pour le CNRS).
Alors qu’il y a au CNRS
, en
moyenne,
un ITA pour 1,5 chercheurs, ce chiffre pour l’
INEE est proche de un. Cette place
plus grande des IT montre notamment leur apport essentiel dans le domaine de la gestion des
outils scientifiques de l’institut.
Il reste que l’insuffisance du nombre d’IT est
manifeste
, comme a pu le montrer l’enquête
auprès des unités de recherche. La part des IT CNRS dans les laboratoires INEE
n’est
, en
2019, que de 36,5
% alors qu’elle est en moyenne de 48,6
% dans l’ensemble des unités
CNRS (et de 52 % pour les laboratoires de
l’
Institut des sciences humaines et sociales
[InSHS]).
Le recrutement des ITA dans la branche
d’activité professionnelle
BAP A (Sciences du
vivant, de la terre et de l’environnement) qui correspond aux compétences de l’
INEE a
régressé et se situe, depuis 2015, à un niveau particulièrement faible, ce qui entraine par
contrecoup,
l’élévation du nombre
des IT de plus de 50 ans.
Le
rééquilibrage de la politique d’emploi scientifique
de l’I
NEE
au profit des postes d’ITA
,
engagé en 2019, doit donc être poursuivi.
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La Cour formule donc les recommandations suivantes :
Recommandation n° 1
:
(MESRI, CNRS, INEE): conforter, dans la durée, le site de
Montpellier dans le domaine des sciences de l’environnement et de l’écologie en faisant de
cet objectif une priorité nationale ;
Recommandation n° 2
: (CNRS, INEE) f
aire de la valorisation une priorité pour l’
INEE,
notamment en renforçant la dynamique de réduction des coûts de protection de la propriété
intellectuelle et en améliorant ainsi le rendement financier de ces actifs immatériels
;
Recommandation n° 3
: (MESRI, CNRS)
Rééquilibrer la politique
d’emploi scientifique de
l’
INEE
au profit des postes d’ITA
.
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l’article
L. 143-4 du code des juridictions financières, la réponse, sous votre signature, que vous aurez
donnée à la présente communication
1
.
Je vous rappelle qu’en application des dispositions du même code
:
deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances
et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de
l’Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse si elle est
parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès sa
réception par la Cour (article L. 143-4) ;
dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site
internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1) ;
l’article L.
143-9 prévoit que, en tant que destinataire du présent référé, vous fournissiez
à la Cour un compte rendu des suites données à ses observations, en vue de leur
présentation dans son rapport public annuel. Ce compte rendu doit être adressé à la Cour
selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre elle et
votre administration.
Signé le Premier président
Pierre Moscovici
1
La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse, sous forme dématérialisée, via
Correspondance JF
(
à l’adresse électronique suivante
:
greffepresidence@ccomptes.fr
(
cf
. arrêté du 8 septembre 2015 modifié portant application du décret n° 2015-146 du 10 février 2015 relatif à la
dématérialisation des échanges avec les juridictions financières).