Sort by *
L’
Institut
de recherche pour
le développement :
des choix
stratégiques
indispensables
PRÉSENTATION ________________________________________________
L’Institut de recherche pour le développement
(IRD) est un
établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST)
placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche (MESRI) et du ministère de l’Europe et des affaires
étrangères (MEAE)
191
.
Issu, en 19
98, de l’Office de la recherche scientifique et technique
d’outre
-mer (ORSTOM), il est, conjointement avec le Centre de
coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement
(CIRAD), l’héritier des structures de recherche de la
France coloniale. Ces deux organismes se consacrent à la recherche au
service du développement. D’autres établissements de l’enseignement
supérieur et de la recherche (ESR) sont également actifs dans ce
domaine.
191
La Cour avait procédé au contrôle des comptes de l’IRD pour les exercices
2003 à 2007 ainsi q
u’à une analyse plus stratégique à l’occasion de son enquête
sur «
la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources
»,
pour les exercices 2003 à 2009, laquelle avait donné lieu à un référé du
7 juillet
2010. La Cour s’est également intéressée à l’IRD à l’occasion de l’enquête
menée à la demande de la commission des finances du Sénat portant sur
Le
pilotage stratégique par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères des
opérateurs de l'action extérieure de l'État
, publiée en février 2020.
Rapport public annuel 2021 – Tome II
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COUR DES COMPTES
296
Depuis 2009, date du précédent contrôle de la Cou
r, l’IRD a
évolué. Il comptait 2 049 agents en 2019
192
contre 2 235 en 2009 ;
29 % sont
aujourd’hui
affectés hors métropole, contre 42 % il y a 11 ans.
Cette baisse de l’effectif expatrié s’est paradoxalement accompagnée
d’un éparpillement dans
31 représentations à l'étranger, contre 22
en 2009. Si une progression des ressources sur contrat est observée
depuis deux ans, son budget (environ 220
M€
aujourd’hui, 231
M€
en 2009) reste essentiellement financé par une subvention pour charge
de service public (206
M€ en
2020, 204 en 2007
). L’organisme dégage
un résultat positif depuis l’exercice 2013.
L’IRD s’est organisé en cinq départements scientif
iques qui
couvrent respectivement les dynamiques internes et de surface des
continents, l’écologie et la biodiversité, les océans et les climats, la santé
et les sociétés et la mondialisation. Ses chercheurs sont engagés dans
des domaines nombreux et divers, qui vont de la santé humaine à
l’étude des ressources océaniques, de la gouvernance à la dynamique
de surface des continents, des migrations au climat, etc.
L’IRD se situe
au cinquième rang national des organismes publics de recherche pour
la production scientifique globale. Près de 62 % de ses publications
scientifiques sont effectuées avec ses partenaires, qui sont situés dans
les « pays du Sud » ou les « pays en développement »
193
. Il s’agit de pays
méditerranéens et intertropicaux.
Lors de la crise sanitaire de la covid
19, l’IRD, à l’instar de
nombreux opérateurs de recherche, s’est investi dans les recherches
visant à lutter contre la pandémie. La vocation pluridisciplinaire de
l’organisme est un atout. En revanche celui
-
ci pâtit d’une faible visibili
de son action dans des projets dont il est rarement chef de file, comme
dans le cas de la lutte contre la covid 19 (
I). L’établissement souffre
d’une dispersion excessive de ses moyens et de leur insuffisante
mutualisation avec d’autres organismes de re
cherche (II). Il est dès lors
indispensable,
qu’à
bref
délai,
une
orientation
soit
prise
d’un
rapprochement organique de l
’IRD avec un autre opérateur (III
).
192
Dont 855 chercheurs, 941 ingénieurs et techniciens, 253 personnels locaux.
193
Ces appellations, qui témoignent de la
vocation de l’IRD, sont anciennes. Elles
correspondent sensiblement aux catégories, moins déterministes et plus
évolutives, mises au point par la Banque Mondiale en 2016 de « pays à faible
revenu » et « pays à revenu intermédiaire » : cf. troisième partie.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
297
I -
Une implication forte, une visibilité
réduite : l’exemple de la crise sanitaire
Parmi les objec
tifs prioritaires de l’IRD figure la réaction aux situations
de crises. Dans le domaine sanitaire, plusieurs crises (Ebola, VIH, etc.) dans
les pays de la zone intertropicale ont permis à l’IRD, comme à d’autres
organismes, de disposer d’une expertise reco
nnue en la matière.
Celle de la covid 19 est cependant de nature différente,
notamment du fait de sa diffusion massive et rapide partout dans le monde.
Deux départements de l’institut, «
Santé et société » et « Société et
mondialisation », sont principalement concernés. Le premier contribue à
l’amélioration de la santé publique dans les pays à faible revenu, avec des
unités mixtes de recherche (UMR) spécialisées dans les maladies
infectieuses. Le second comporte notamment le CEPED (Centre population
et dév
eloppement), labellisé centre collaborateur de l’OMS en sciences
sociales et santé sur les politiques et pratiques humanitaires.
A -
Un appui non négligeable à la gestion
de la crise sanitaire dans les pays à faible revenu
Pour faire face à la crise sanitair
e, l’IRD a adapté sa propre
gouvernance
en
créant
en
avril
2020
un
comité
scientifique
interdisciplinaire et partenarial covid 19. Par ailleurs, afin de coordonner
la bonne exécution des projets et comprendre l’évolution de la
pandémie dans les pays intertropicaux, une
Task Force
a été créée en
juin 2020 par REACTing
194
, l’Agence nationale de recherche contre le
sida et les hépatites virales (ANRS) et l’IRD. Son comité stratégique est
co-
présidé par un chercheur malien et un chercheur de l’IRD.
L’institut a r
épondu aux appels à projets concernant les pays à
ressources limitées. Celui financé par l’ANRS, à hauteur de 5
M€
195
,
associe au moins une équipe de recherche basée à l’étranger à une
autre en France. Il soutient 13
équipes de l’IRD et
32 projets. Deux
initiatives de l
’Agence
française de développement (AFD), « Covid 19
santé en commun » (12
M€
pour 16 pays) et le dispositif Aphro-Cov
(1,5
M€ pour 5
pays) ont bénéficié à l’IRD à hauteur de 2,2
M€, les autres
194
REACTing, créé en 2013 à l’initiative de l’Inserm à l’occasion des crises Ebola
et H1N1, coordonne les initiatives de recherche afin de mieux répondre aux crises
sanitaires épidémiques.
195
Les autres contributeurs à cet appel d’offre de référence sont
le ministère de
l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), l’Agence
française de développement, Expertise France et le ministère de l’Europe et des
affaires étrangères (MEAE).
Rapport public annuel 2021 – Tome II
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COUR DES COMPTES
298
ressources étant partagées entre l’Inserm (REACT
ing), les Instituts
Pasteur, la fondation Mérieux et des ONG. Des recherches ou des appuis
aux pouvoirs publics ont pu être financés par des canaux internationaux
(Unitaid au Cameroun, la fondation Gates pour le «
West African
Network for poverty related diseases
» dont l’IRD est membre)
.
Les travaux de l’IRD,
principalement concentrés sur les pays
africains, ont porté sur plusieurs sujets : renforcement des capacités pour
réaliser le diagnostic direct avec un test, déploiement des enquêtes
épidémiologiques de terrain, développement de modélisations et appui
à la mise en place de dispositifs de collecte de données quantitatives,
approche comparative Ebola-Coronavirus.
En Guinée, l’
unité mixte de recherche (UMR) INTERTRYP
196
apporte
un appui au diagnostic de la maladie et prépare la formation des
personnels des centres de santé. Au Sénégal, l’UMR VITROME
197
participe à
la riposte covid 19, en appui au diagnostic et à l'évaluation des capacités
des laboratoires. Au Bénin, l’UMR MERIT
198
apporte son appui à une des
c
ellules de crise nationale, pour la construction d’un outil sous
-régional de
surveillance de l’épidémie et d’aide à la décision. D’autres UMR sous
cotutelle de l’IRD sont actives au Mali, au Sénégal, au Burkina Faso, à
Madagascar, au Ghana, au Maroc ou en Côte-
d’Ivoire. L’expertise de l’IRD
sur l’Afrique se développe aussi sur la base d’efforts confiés à des
chercheurs plus qu’à des unités de recherche. C’est le cas du site
covid 19/Afrique
199
développé par deux chercheurs de l’IRD qui recense de
nombreuses données sur la pandémie en Afrique. Il est à noter que plusieurs
projets, comme « Coronavirus Afrique » ou « Réseau Anthropologie des
Épidémies Émergentes », sont portés par les sciences sociales afin de
répondre rapidement aux questions de politiques publiques posées par
l’épidémie et d’éclairer les décideurs africains.
Hors d’Afrique, les interventions de l’IRD ont été multiples mais d’une
ampleur plus faible : appui ponctuel à la formation de certaines équipes
médicales (Laos), réalisation d’une étude clinique et organisation d’un
laboratoire pour proposer des tests de dépistage (Thaïlande), construction
de modèles informatiques spatialisés afin d’éclairer les décisions de santé
publique (Vietnam), développement d’un tableau de bord permettant le
suivi des cas et résultats des tests (Cambodge), appui à certains laboratoires
publics pour la détection (Bolivie), appui à la modélisation de la pandémie
(Mexique, Haïti, Équateur), expertises scientifiques sur les liens de l’épidémie
actuelle avec l’écologie et l
a biodiversité (Chili).
196
INTERTRYP (Interactions hôte-vecteur-parasite-environnement dans les maladies
tropicales négligées dues aux trypanosomatidés) en cotutelle avec le CIRAD.
197
VITROME (Vecteurs
Infections Tropicales et Méditerranéennes) intégrée au sein du
pôle Méditerranée Infection à Marseille.
198
MERIT (Mère et enfant face aux infections en milieu tropical) en cotutelle avec
Université de Paris.
199
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
299
Ces différents efforts dans les « pays du Sud », le plus souvent
partenariaux, relèvent aussi bien des sciences de la santé que des sciences
sociales,
et
autant
de
la
recherche
que
de
l’expertise
d’accompagnement.
L’IRD
s’est
forte
ment mobilisé sans toutefois
bénéficier d’un montant significatif des ressources redéployées
à
l’occasion de la crise. Les financements exceptionnels qu’il a obtenus
apparaissent limités, comme l’est également sa force contributive en
matière de recherche en santé.
B -
Une contribution multiforme à la lutte
contre la pandémie en métropole
L’IRD a aussi répondu aux appels à projets concernant directement
la métropole. Dans l’appel Flash ANR Covid
-19 (14,5
M€, 86
projets), cinq
d’entre eux relèvent d’UMR dont l’IRD est cotutelle. Pour l’appel à projet du
consortium REACTing, 20 projets ont été retenus, dont trois dans lesquels
l’IRD s’est trouvé associé (dont deux en sciences humaines et sociales).
La contribution de l’institut sur la thématique des maladies
émergentes apparaît qualitativement appréciable mais reste comptée
et limitée à quelq
ues sujets précis. C’est le cas par exemple de
la prise
en charge des premiers rapatriés français de Wuhan par des UMR de
l’IRD associées à
l’I
nstitut Hospitalo-Universitaire Méditerranée infection,
à Marseille. Le projet COCONEL (Coronavirus et confinement Enquête
Longitudinale), porté en partie par une UMR
de l’IRD,
vise à analyser les
perceptions, les connaissances et les comportements de la population
française face au confinement et, plus généralement, à la pandémie.
Dans le domaine des soins, les équi
pes de l’IRD ont travaillé sur
plusieurs protocoles de dépistage et projets thérapeutiques. Des chercheurs
de l’unité TRANSVIHMI
200
ont, par exemple, mis au point un test permettant
de détecter simultanément,
à partir d’un seul échantillon de sang
, si une
personne a été exposée à trois coronavirus différents. Elles ont également
entrepris des études sur l’impact de l’épidémie sur la mortalité des
personnes âgées vivant dans des établissement d'hébergement pour
personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Dans le domaine de
l’appui à la décision politique
et à la diffusion
des connaissances, l’IRD
est représenté
201
au sein du Conseil scientifique
et du Comité analyse recherche et expertise (CARE) chargés de
conseiller le gouvernement. Des experts de l’IRD sont à l’œuvre
dans
d’autres instances
, en particulier le groupe de travail de l
OMS sur les
priorités de recherche mondiales, le comité « Coronavirus et zoonose
émergente » au sein de l’académie vétérinaire de
France et la cellule
covid
19 de l’académie nationale de méd
ecine.
200
TRANSVIHMI (unité « recherches translationnelles sur le VIH et les maladies
infectieuses ») en c
otutelle avec l’Inserm et l’université de Montpellier.
201
Par Mme Laëtitia Atlani-Duault, anthropologue et directrice de recherche à
l'IRD, qui est également présidente de Covid-19 Ad Memoriam (cf.
infra
).
Rapport public annuel 2021 – Tome II
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COUR DES COMPTES
300
Les chercheurs de l’
institut, dans leurs expertises respectives, ont
été sollicités par les médias généralistes et spécialisés (plus de
150 articles), en particulier sur les liens avec les modifications de
l’environneme
nt et la perte de biodiversité.
L’IRD est enfin partie prenante de la création de l’institut Covid
-19
Ad Memoriam, consortium dont le but est de favoriser les rencontres
entre chercheurs, soignants, artistes, juristes, associations de victimes,
autorités spirituelles et culturelles et grands courants de pensée,
représentants de la société civile, philosophes, entrepreneurs
202
.
Les recherches
du département santé de l’IRD
ont été
complétées par des contributions venant des sciences humaines et
sociales
. Les atouts de l’IRD sont manifeste
s et reconnus :
l’expérience
de ses chercheurs sur les terrains intertropicaux, déjà mise à l’épreuve
lors de la crise Ebola, est un capital précieux
en termes d’analyse des
pandémies
infectieuses,
d’épidémiologie,
de
traitement
et
d’orientation des politiques publiques de santé. L’action de l’IRD dans la
crise sanitaire de la covid 19 a mis en lumière le rôle central de
l’interdisciplinarité pour fournir des enseignements précieux dans la
gestion de la crise. Elle a montré les liens forts entre la recherche,
l’expertise et l’appui aux politiques publiques.
Cependant, et en dépit de sa forte mobilisation, l’IRD reste assez
peu visible par rapport aux autres organismes également engagés dans
la lutte contre la pandémie, comme l’I
nserm
, l’ANRS, les Instituts P
asteur,
la Fondation Mérieux ou le CNRS. Cette situation, identifiée par l’IRD
depuis longtemps
203
, pose la question de sa place et de son rôle. Sa taille
réduite, à l’échelle nationale et internationale, constitue un handicap
pour optimiser les synergies qu
’il cherche à établir dans les
différents
aspects de la recherche au profit des pays à faible revenu, domaine
dans lequel aucun autre organisme ne le considère comme chef de file.
202
Sa participation prend la forme d’un mi
-
temps d’ingénieur d’études et du
co-
financement d’un gestionnaire administratif et financier.
203
Ce constat a déjà été fait il y a quelques années dans le
plan d’orientation
stratégique (POS) 2016-2030, où il est indiqué : «
L’Institut n’a pas acquis une
visibilité
institutionnelle à la hauteur de ses capacités d’action sur le terrain tant
dans la gestion « à chaud » des crises environnementales, sanitaires ou
géostratégiques pour lesquelles il est parfois le seul à disposer de certaines des
compétences indispensable
s dans l’ESR français, que dans les dispositifs de
prévention et de préparation aux crises qui nécessitent une forte composante
d’expertise pluridisciplinaire
».
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
301
II -
L’IRD peine à rationaliser son dispositif
L’institut est partie prenante d
ans 53 unités mixtes de recherche
(UMR) et 7 unités mixtes de service (UMS) et y engage 66 % de ses effectifs.
Cette situation est le terme d’une évolution significative
: en 2009, l’IRD
comptait 72 unités mais seulement 32 UMR. Sur les 60 unités mixtes actuelles,
13 sont dirigées par un chercheur de l’IRD. Les cotutelles sont partagées
entre plus de 30
établissements. L’IRD est
, en outre, impliqué dans quatre
alliances thématiques
204
, mais qui ne disposent que de peu de moyens
opérationnels, à l’exception d’AVIESAN pilotée par l’Inserm.
A -
Des moyens trop dispersés
Près de 22
% des personnels de l’IRD sont affectés dans 39
pays
(dont la moitié en Afrique de l’
Ouest) et 7 % en outre-
mer. L’effectif des
agents affectés à l’étranger a baissé de 23
% entre 2011 et 2017 (sauf en
Asie du Sud-Est, + 10 %). Cette diminution concerne aussi bien les
chercheurs en expatriation que les personnels contractuels de droit
local. Chez ces derniers, seuls 27 % se consacrent à la recherche.
Sur 31
représentations de l’IRD dans le
monde, neuf sont établies en
Afrique occidentale et centrale. Cette répartition ne semble pas conforme aux
priorités gouvernementales. En effet, l’IRD ne s’est implanté que dans huit des
19 pays que le comité interministériel de la coopération internationale et du
développement (CICID) a désignés comme prioritaires de l’aide publique au
développement et dispose d’une présence dans sept autres de ces pays
205
.
La présence en Asie est significative (18 % de ses effectifs fin 2018) et la part de
l’Amérique latin
e reste non négligeable (15 % fin 2018, en légère diminution par
rapport à 2012). Une meilleure hiérarchisation des priorités de coopération
scientifique, notamment dans ces deux continents, s’avère nécessaire pour
que cette dispersion à l’étranger se réduise. D’une manière générale, les très
faibles effectifs (entre un et deux ETPT) sont encore très répandus
206
.
La carte immobilière de l’IRD est à l’image de cette dispersion et
reflète la faiblesse des choix stratégiques de l’institut et des tutelles. Cette
dissémination des moyens est aggravée par une gestion patrimoniale trop
souvent critiquable, comme la Cour l’a relevé pour les sites de Montpellier,
de Bondy, d’Orléans ou de Lomé, où elle a observé des taux de
sous- occupation injustifiés, voire des locaux vides, ainsi que des impasses
financières fermant la porte aux rénovations les plus urgentes.
204
L’IRD est membre fondateur des alliances ALLENVI (environnement), AVIESAN
(sciences de la vie) et ATHENA (sciences humaines et sociales) et membre
associé de l’alliance ANCRE (énergie).
205
Les 19 pays prioritaires sont tous africains, sauf un (Haïti).
206
IGF, IGAENER, IGAE, CGAAER,
Rationaliser le dispositif français de recherche
au service du développement
, décembre 2018, lettre de mission du
24 septembre 2018.
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COUR DES COMPTES
302
Carte n° 1 :
les implantations de l’IRD dans le monde
Source : rapport
d’activité
de l’IRD pour 2019
L’imbroglio immobilier au Sénégal
Le cas le plus flagrant des problèmes de gestion immobilière est
celui de la principale implantation immobilière à l’étranger de l’IRD, au
Sénégal (soit 15 % de la valeur de son patrimoine). La cession au franc
symbolique d’une parcelle de son site de M’Bour à une fondation de
droit sénégalais
207
n’a débouché sur aucun résultat concret et a en
outre compromis la valorisation d’un patrimoine désormais plus difficile
à exploiter. Pourtant, la vente de ce site a été publiquement envisagée
par l’IRD dans le contexte de sa future implantation sur
le campus
franco-sénégalais en cours de construction.
Les errements de la gouvernance ont conduit à une impasse.
Le conseil d’administration a été trop souvent mal informé ou tenu à
l’écart des décisions engageant l’avenir. Les tutelles n’ont pas aidé
l’
établissement à faire des choix stratégiques judicieux.
207
Il s’agit de la branche sénégalaise de l’
African Institute for Mathematical
Sciences
, fondation canadienne déjà implantée en Afrique du Sud et se donnant
pour but de faire émerger de grands mathématiciens africains (opération
Next
Einstein
).
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
303
Quant au transfert du siège social de l’IRD de Paris à Marseille, il se
révèle sans effet positif dans l’immédiat, ni probant pour l’avenir. Coûteux
financièrement et humainement, il n’a permis aucu
ne intégration notable
de l’IRD dans le tissu de la recherche à Aix
-Marseille et a éloigné le siège de
ses forces, qu’elles soient à Paris ou à Montpellier.
B -
La nécessité de renforcer les mutualisations
Quelques exemples de réussites montrent tout l’intérêt d’une
mutualisation
bien pensée et menée à son terme. C’est le cas du
partenariat établi par l’IRD au sein de la très grande infrastructure de
recherche (TGIR) Flotte Océanique Française (FOF), dont les 18 navires
sont désormais gérés sur le budget de l’
Ifremer
. C’est aussi le cas
pour
plusieurs infrastructures de recherche exploitant l’utilisation des données
satellitaires et de la maison de la télédétection (MTD) à Montpellier
208
.
Ces réussites ponctuelles ne doivent pas masquer les effets
néfastes et durables des échecs antérieurs. Le plus significatif est celui
de l’agence inter
-établissements de recherche pour le développement
(AIRD). Créée par un accord-cadre signé le 10 novembre 2011, six ans
après que son projet fut initié par le CICID, entre les membres fondateurs
(IRD, CIRAD, CNRS, Conférence des présidents d’universités
-CPU, Inserm
et Institut Pasteur) et hébergée au sein de l’IRD, cette agence devait
constituer un outil de mutualisation et de coordination stratégique des
actions de recherche pour
le développement. L’agence s’est
heurtée
dès l’origine
à
l’hostilité des chercheurs, des élus du personnel et des
représentants de ses membres fondateurs. Sa suppression a été
finalement actée par le décret du 3 décembre 2014. Cet échec a
profondément mar
qué l’histoire de l’IRD (cf.
infra
).
Sur le terrain, la mutualisation des moyens et des implantations
avec les autres organismes est un dossier ancien mais toujours en
jachère. L’enjeu n’est pourtant pas négligeable. Le rapport d’inspection
remis au Premier ministre en décembre 2018 évalue à 900 000
l’économie possible. Une
lettre des tutelles du 1
er
avril 2019 a demandé
des propositions à l’IRD, dont la
feuille de route présentée au conseil
d’administration du 21 juin 2019
mentionne la politique de mutualisation
avec les autres établissements de
l’
enseignement supérieur et de la
recherche, mais sans en indiquer le détail. La lettre de mission du
24 septembre 2018 du Premier ministre
209
demandant un effort dans ce
domaine n’a pas vraiment été suivie d’effet.
208
Cet équipement commun cofinancé par les collectivités locales et l’Union
européenne a permis de compléter les équipements immobiliers, d’implanter une
antenne satellitaire de grande envergure et de rassembler les équipes
d’Agro
Paris Tech, du CIRAD, de l’IRD et de l’INRAE qui en assurent la gestion.
209
Rapport des quatre inspections déjà cité.
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COUR DES COMPTES
304
Sur les 31
représentations de l’IRD à l’étranger, quelques locaux sont
mutualisés, soit avec les instituts français (deux pays), soit avec des partenaires
scientifiques locaux (six pays). Mais il n’y a que cinq
représentations
communes avec d’autres opér
ateurs français. Ces regroupements, vertueux
mais ponctuels, ne se rencontrent pas dans les pays où les effectifs sont les
plus nombreux. C’est notamment le cas au Sénégal, pourtant la principale
implantation étrangère de l’IRD et du CIRAD.
La refonte du r
éseau des régisseurs n’a permis de mutualiser que
deux régies en externe, dans les deux cas avec les instituts français
(Madagascar et Mexique). Alors que des mutualisations pourraient être
envisagées avec les ambassades, la seule tentative en ce sens, en
Afrique du Sud, a échoué.
L
’absence d’une
approche volontariste des organismes et des
tutelles
interdit d’obtenir
une présence partagée et lisible des
organismes français de recherche dans les pays étrangers.
C -
Les résultats décevants des initiatives
de valorisation
De nombreuses initiatives ont été lancées en matière de
valorisation et d’innovation. Elles n’ont pas vraiment fait leur
s preuves.
Implanté
à Dakar, l’incubateur Innodev a été créé en 2009 à
l’initiative de l’IRD et de l’ambassade de France, en p
artenariat avec
cinq universités et deux instituts sénégalais
210
. Ses objectifs sont la
sensibilisation et la formation des chercheurs, enseignants chercheurs et
étudiants à la création d’entreprise, l’évaluation et la sélection des
projets, l’encadrement de
s créateurs, la recherche de financement et
la qualification de la faisabilité économique et industrielle des projets. Le
bilan intermédiaire dressé
par son conseil d’administration
en 2014 fait
état d’un nombre limité de projets, du manque de suivi et de l’absence
d’un dispositif d’évaluation. La plupart des membres n’acquittaient pas
la modeste cotisation de 1 000
€, manifestant
un intérêt limité pour la
structure, tandis que
l’IRD assur
ait la majeure partie du fonctionnement.
Finalement, chaque université a créé sa propre structure en 2016.
L’incubateur Bondy Innov
, créé en 2011,
réunit l’IRD, Biocitech,
l’université de Paris XIII, la ville de Bondy, la communauté de communes
Est Ensemble et le département. Présenté comme le premier incubateur
Nord-Sud,
il s’agit d’abord d’un outil de développement local, dans
lequel une partie limitée des projets associe les communautés
210
Universités Cheikh Anta Diop (UCAD), de Bambey, de Thies, Gaston Berger
(UGB), de Ziguinchor, Institut de technologie alimentaire et Institut sénégalais de
recherche agricole (ISRA).
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
305
scientifiques des pays concernés. Depuis 2011, les engagements
financiers à la charge directe de l’IRD vis
-à-
vis de Bond’Innov ne cessen
t
de croître. L’incubateur aurait accompagné 141
jeunes pousses (
start-
up
) depuis 2011. Les trois quarts d’entre elles seraient encore en activité,
mais l’IRD reconna
ît «
ne plus avoir de nouvelles après quelques
années
». Sur les 48 jeunes pousses incubées en 2018, seules 11 ont un
impact majoritaire « au Sud ».
Le Consortium de Valorisation Thématique (CVT) Valo Sud, créé
en 2011, regroupait l’IRD, charg
é de la coordination et du support du
consortium, le CIRAD, l’Institut Pasteur, la
conférence des présidents
d'université (CPU)
et les universités d’outre
-mer. Doté de 9
M€ sur les
50
M€ du fonds national de valorisation pour une période de 9
ans, il
était consacré à «
la valorisation et au transfert de technologies issues
de l’ensemble des laboratoires de
recherche publique français
présentant un intérêt socio-économique sur les marchés des pays en
développement
». Sans personnalité juridique, hébergé par l’IRD, son
statut n’a pas permis une mise en commun suffisante, en dépit de
l’engagement de certains partenaires comme l’
Institut Pasteur ou
l’ex
-
IRSTEA. Ses moyens sont restés limités en capacité d’investissement
et de ressources humaines (cinq
agents dont deux de l’IRD). Le bilan
annuel 2017-
2018 de l’ANR montre que 450
brevets et savoir-faire ont été
dél
ivrés mais constate une absence d’intérêt des industriels. Tirant les
enseignements de ces difficultés, et en l’absence d’une transformation
en
une société
d’accélération
du
transfert
de
technologies
211
,
l’exercice 2019
marque la fin de ses activités, en application de la
convention avec l’ANR.
L’IRD et
, avec lui, la recherche française au service du
développement, sont caractérisés par une dispersion des initiatives, des
capacités et de l’organisation des moyens. Les mutualisations
sont rares
et les partenariats de valorisation sont aussi nombreux que décevants.
L’existence de sites multiples est la cause d’une mauvaise gestion de son
patrimoine immobilier par l’IRD. L’institut est confronté à un déficit de
hiérarchisation des choix de recherche scientifique et à une incapacité
à les traduire en priorités territoriales.
211
La Cour, dans son rapport public thématique de mars 2018
Les outils du
PIA consacrés à la valorisation de la recherche publique, une forte ambition
stratégique, des réalisations en retrait
,
s’était prononcée en faveur de l’évolution
de la structure juridique du CVT en le
dotant d’une personnalité morale sou
s
forme de société de droit privé comme les SATT.
Cette préconisation n’a pas été
retenue.
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COUR DES COMPTES
306
III -
Un nécessaire rapprochement
organique avec le CNRS
Au-
delà de la mission fixée à l’IRD par les pouvoirs publics en
2014
212
, le
plan d’orientation stratégique (POS) 2016
-2030 insiste sur son
«
exigence supplémentaire
» par rapport aux autres établissements de
recherche : établir un partenariat scientifique équitable avec les pays
en développement, notamment francophones. Utilisant souvent dans
son POS 2016-2030 le terme de «
plaidoyer
»,
l’Instit
ut veut convaincre
d’une double nécessité
: celle de la recherche partenariale équitable
et celle d’une recherche française sachant se présenter
«
dans les pays
du Sud
» sous une forme organisée et compréhensible
213
.
Cependant, le passage dans les dernières années des Objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) aux Objectifs de développement
durable (ODD) a renforcé la conception d’un développement qui
s’adresse à tous les pays et non plus simplement à ceux dits «
en
développement » ou « du Sud », termes que la Banque mondiale, dès 2016,
a jugés connotés et inopérants. La notion de sciences de la durabilité,
nouvellement présentée comme la vocation centrale de l’IRD, paraît
concerner tous les établissements de recherche. Dans un contexte où les
notions de « recherche au Sud » ou « en faveur du développement »
s’étiolent, la spécialité de l’IRD est de moins en moins nette.
A -
L’IRD, un acteur parmi d’autres
L’institut reconnaît lucidement et depuis longtemps que ses
moyens, non négligeables mais limités, doivent «
être démultipliés au
travers d’une mutualisation raisonnée des actions avec les autres
opérateurs de l’ESR français ou européens
». Il doit, pour mettre en
œuvre ses recherches, travailler en collaboration et en mixité avec tous
les opérateurs pertinents. Aussi se définit-il par rapport à ses partenaires
français comme «
un porteur privilégié d’une offre de recherche et de
formation de l’ESR français dans les pays en développement
»
214
. Ni seul
à intervenir « au Sud », ni chef de file
, l’IRD se prop
ose comme facilitateur
et coordonnateur des acteurs de la recherche française dans les pays
où il est présent.
La partie précédente a montré qu’il n’y parvient pas.
212
Décret n° 2014-1441 du 3 décembre 2014
, qui fixe pour l’IRD la mission de
réaliser une recherche contribuant au progrès économique, social et culturel des
pays en développement.
213
POS 2016-2030, page 12 : «
La pure et simple projection dans les PED, de façon
désordonnée, de la complexité institutionnelle de l’ESR français au travers de ses
multiples composantes, ne peut qu’être contre
-productive, contradictoire au
modèle de partenariat équitable porté par l’IRD et tout simplement contraire à
l’efficacité dans une compétition scientifique internationale accrue
».
214
Objectif prioritaire n° 3 du POS 2016-2030.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
307
À
côté de l’IRD, plusieurs autres organismes jouent un rôle
important dans la coopération scientifique avec les pays à faible revenu
ou à revenu intermédiaire : le CIRAD, le CNRS,
l’I
fremer
, l’INRAE, l’I
nserm,
l’Institut Pasteur, avec son réseau de 32
établissements dans 25 pays,
sont des acteurs reconnus.
L’évolution prochaine de l’ANRS et de
REACting pour constituer un pôle de recherches relatives aux maladies
émergentes, le plus souvent d’origine intertropicales, et fédérer les
initiatives, relativise d’autant la place actuelle et à venir de l’IRD.
Les
universités, à Paris ou à Montpellier, sont également présentes, sans
qu’une carte précise des laboratoires et des moyens qu’elles déploient
ne soit disponible. Cet éclatement des structures de recherche dans ce
domaine est régulièrement analysé et mis en cause
215
.
L
a coexistence de l’IRD et du CI
RAD est un cas particulier illustrant
la situation générale. Les deux organismes sont impliqués dans de
nombreux
projets
en
recherche
agronomique
et
travaillent
concurremment sur bien d’autres sujets, comme par exemple sur
l’incidence des insectes vecteurs
de maladies. Cette situation ne
semble pas poser de problème au sein des UMR, ni vis-à-vis des autorités
des pays habitués de longue date à
s’en accommoder
.
Elle n’en génère
pas moins, comme la Cour l’a constaté
au Sénégal, des absences de
mutualisation et des opportunités de coopération manquées. À titre
d’exemple, le CIRAD est absent de l’incubateur Innodev mis en place à
partir de 2010 dont l’échec est retracé
supra
. Cette situation ne peut
qu’étonner au regard de la présence dans cet incubateur de deux
institutions sénégalaises,
en charge l’une de la recherche agronomique
et l’autre de l’agro
-
alimentaire, et dès lors qu’un tiers des projets de
valorisation relève du secteur agronomique.
Alors même que les moyens des deux établissements, comparés
à ceux
d’autres organismes de recherche français, sont limités, ce type
de duplication n’est pas satisfaisant
et
réduit leur potentiel d’influence
comme leur visibilité
à l’international
. Leur capacité à obtenir ensemble
des financements sur appels à projets internationaux en est fortement
diminu
ée. Il est frappant de constater qu’aucun de ces deux
organismes n’est cité dans les dernières conclusions du CICID de
février 2018.
215
Par exemple le rapport de la mission commune
d’informatio
n du Sénat sur
l
’action extérieure de la France en matière de recherche pour le développement
(n° 83, 2013-2014, 16 octobre 2013)
ou le rapport d’évaluation de l’IRD du HCERES
(2016). La Cour avait déjà noté dans son référé du 10 juillet 2010 que «
les
opé
rateurs déploient leur réseau dans les pays du Sud sans qu’apparaisse une
politique de coordination
».
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COUR DES COMPTES
308
B -
Des décisions de rapprochement organique
à prendre sans tarder
Cette situation affaiblit
l’efficacité de la recherche française
dans
les pays à faible revenu,
en France comme à l’étranger.
La dispersion,
l’insuffisante mutualisation des moyens
et la relative incohérence des
choix immobiliers appellent des choix stratégiques nouveaux.
L’idée d’un rapprochement de l’IRD avec le CIRAD a longtemps
prévalu. Le CICID du 18 mai 2005 a coupé le cours de cette orientation
et a établi les bases de la situation qui prévaut actuellement : «
l’IRD
évoluera vers un rôle d’agence de moyens et collaborera en p
riorité
avec le CNRS, l’Inserm et les universités. Le CIRAD développera ses
actions conjointes avec l’
INRAE et le CEMAGREF. La coordination et le
suivi de la politique française en matière de recherche pour le
développement sera assurée par un pilotage conjoint du ministère
chargé de la Coopération et du ministère chargé de la recherche
»
216
.
Le Premier ministre a récemment confirmé la nécessité de rapprocher le
CIRAD
de
l’INRAE
par
le
développement
de
coopérations
et
l’exploitation des synergies entre ces de
ux organismes
217
. Les deux
établissements se sont appropriés
cette décision. L’IRD, quant à lui, n’a
pas suivi la voie qui lui était tracée. Pour ce qui concerne sa fonction
d’agence, confirmée par les CICID de
juin 2006
et de juin 2009, l’échec
de l’AIRD (c
f.
supra
) a définitivement retiré
à l’IRD
tout espoir de réussir
dans une voie qui l’aurait placé au centre d’un dispositif national dont il
aurait garanti la cohérence
218
. Son rapprochement avec le CNRS et
l’Inserm et les universités s’est matérialisé par le développement d’unités
mixtes de recherche mais, sans programme global, n’est pas allé au
-
delà.
Désormais, le scénario qui s’impose avec le plus de pertinence
pour l’IRD est celui d’un rapprochement avec le CNRS, pouvant aller
jusqu’à l’intégration. Les deux établissements ont en commun d’être
pluridisciplinaires et sont les seuls dans ce cas au sein de la recherche
française. Le statut des agents de ces deux EPST est très comparable.
L’intégration de l’institut au sein du premier opérateur de recherche
f
rançais ne pourrait que pousser à l’excellence de la recherche
scientifique partenariale au service du développement durable et
l’adosser à des moyens plus importants.
216
Comme le rappelait déjà le référé de la Cour du 7 juillet 2010.
217
Lettre de mission du Premier ministre à la mission d’inspection déjà citée.
218
Pour u
n historique complet de cette vocation duale d’agence nationale et
d’organisme de recherche, voir l’annexe du référé du 7 juillet 2010.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
309
Le CNRS a déjà entrepris de structurer ses efforts pour les adapter
aux objectifs de développement durable (ODD)
219
. En outre, son contrat
d'objectifs et de performance,
signé en 2020, porte l’ambition de mieux
et plus collaborer avec les pays d’Afrique. Le fait de lui transférer ainsi le
pilotage national de la recherche au service du développement devrait
le conforter dans cette voie. Dans un tel schéma de rapprochement
avec le CNRS, les unités de l’IRD travaillant dans le domaine de la santé
pourraient de leur côté rejoindre l’Inserm.
S’il n’appartient pas à la Cour d’entrer dans le détail
de
l’organisation qui pourrait résulter de ces hypothèses de rapprochement
et d’intégration, il convient de souligner
que la réussite d’une telle option
nécessiterait la prise en main, par le CNRS, des objectifs définis par le
CICID. Celui-ci, au-delà de la liste prioritaire des pays bénéficiaires et des
thématiques de recherche (portant sur le climat, la santé, la biodiversité,
les migrations, etc.), a clairement fixé la ligne à adopter : celle de la
recherche partenariale, en particulier dans les pays africains
220
. Il ne fait
pas de
doute que les chercheurs du CNRS, rejoints par ceux de l’IRD,
sauraient relever un tel défi.
Cependant, la dilution complète de l’IRD dans le CNRS
répondrait-elle à cette exigence
? L’hypothèse envisagée ne doit pas
se réduire à la seule augmentation du potentiel de recherche du CNRS.
Il lui appartiendrait, ainsi qu’à l’Inserm pour la partie santé, d’évacuer
ce risque. Pour que cette intégration puisse se traduire par un regain de
la recherche partenariale, la création d’un instit
ut
ad hoc
au sein du
CNRS apparaît comme une solution raisonnable. Identifiable par les
partenaires étrangers, chargé d’un rôle de chef de file, il devrait être
doté de règles spécifiques, notamment sur deux points : le ministère de
l’Europe et des affaire
s étrangères serait associé à sa gouvernance et
un fléchage de crédits permettrait de garantir leur éligibilité à l’aide
publique au développement.
219
durable-le-cnrs-sengage (3 février 2020).
220
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement
(CICID), 8 février 2018, relevé de conclusions, n° 28 : «
La recherche, et la
formation qui
y est associée, sont des leviers essentiels de l’aide au
développement, dans le cadre d’une démarche de co
-construction. Le
Gouvernement
participera
à
l’émergence
et
au
renforcement
des
communautés scientifiques des pays en développement, à l’accroissement
de
leur production scientifique et de l’expertise qui en résulte, afin d’appuyer la
définition et la mise en œuvre des politiques publiques et de renforcer leur
représentation au sein des instances internationales qui s’attachent à la
réalisation des
ODD
».
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COUR DES COMPTES
310
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________________________
Soixante-
seize ans après la création de l’IRD,
l’
organisation de la
recherche partenariale avec les pays à ressources limitées
manque
d’efficacité et souffre d’une trop forte dispersion des initiatives et des
moyens. Plusieurs tentatives de rapprochement entreprises dans le
passé ont échoué. La situation actuelle, avec de très nombreux
organismes généralistes ou spécialisés concernés par la recherche au
service du développement
,
affaiblit l’efficacité des leviers d’influence
et de coopération dont dispose la politique extérieure de la France à la
fois sous l’angle scientifique mais aussi sous l’angle économique de la
valorisation de la recherche.
Les mutualisations entre les acteurs sont mises en avant par les
tutelles comme une première étape prometteuse ou un remède à la
dispersion. Elles se révèlent en réalité notablement insuffisantes, en
France comme à l’étranger.
Il est donc nécessaire de prendre
rapidement des décisions fortes, passant notamment par l’accélération
d
es mutualisations d’implantation à l’étranger et en outre
-mer, une plus
grande
concentration
des
moyens
en
France,
une
meilleure
conceptualisation des relations entre recherche et développement et
le rapprochement organique de l’institut avec le CNRS.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
concentrer le nombre et la taille des implantations sur les pays
prioritaires tels que définis par le comité interministériel de la
coopération internationale et du développement et en fonction
d’objectifs de coopération scientifique hiérarchisés (IRD, CIRAD,
MESRI, MEAE) ;
2.
mettre en place une stratégie volontariste de mutualisation à
l’étranger des fonctions support des organismes français de
recherche, en recherchant systématiquement la mise en place de
représentations communes ou partagées (IRD, CIRAD, CNRS, Inserm,
MESRI, MEAE) ;
3.
élaborer
une
stratégie
immobilière
de
rationalisation
des
implantations, avec, en métropole, une plus grande concentration
sur le site de Montpellier, propice à de fortes synergies avec les
autres acteurs de la recherche partenariale (IRD, MESRI, MEAE) ;
4.
engager un processus de rapprochement organique et fonctionnel
avec le CNRS, assorti de garanties sur l’existence et les moyens
d’une recherche partenariale
au service du développement (IRD,
CNRS, MESRI, MEAE).
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Réponses
Réponse du Premier ministre
..................................................................
313
Réponse du président-directeur général du Centre national
de la recherche scientifique (CNRS)
.....................................................
317
Réponse de la présidente-
directrice générale de l’Institut
de recherche pour le développement (l’IRD)
....................................
320
Réponse du président-directeur général du Centre
de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement (CIRAD)
..........................................................
324
Destinataire n’ayant pas d’observation
Directrice générale de l’Institut national de la santé
et de la
recherche médicale (INSERM)
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
J’ai pris connaissance avec un g
rand intérêt des analyses et
recommandations de la Cour relatives à l’institut de recherche pour le
développement (IRD).
Recommandation n°1 : Concentrer le nombre et la taille des
implantations sur les pays prioritaires tels que définis par le comité
interministériel de la coopération internationale et du développement et
en fonction d’objectifs de coopération scientifique hiérarchisés
La France s’est engagée à mettre en œuvre les Objectifs de
Développement Durable et l’Accord de Paris. Le Comité interminis
tériel
de la coopération internationale et du développement (CICID) de
février 2018 a établi des priorités où la France a une forte valeur ajoutée :
l’éducation, la santé, l’égalité femmes
-hommes, le climat, les zones en
crise ainsi que le renforcement du partenariat avec le continent africain,
notamment au Sahel. Il a identifié 19 pays prioritaires, dont 18 sont en
Afrique sub-saharienne. Ces priorités sont rappelées dans le projet de loi
de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte
contre les inégalités mondiales, qui a été présenté au conseil des
ministres du 16 décembre 2020 par le ministre de l’Europe et des affaires
étrangères. Par souci de cohérence et d’efficacité de l’action
française, il serait certainement utile que l’IRD pour
suive le renforcement
de ses efforts dans les pays prioritaires de notre APD, afin de favoriser les
synergies de notre politique de développement. L’IRD renforce d’ores et
déjà sa présence dans la zone sahélienne.
Toutefois, les 19 pays prioritaires tels que définis par le CICID étant
tous en Afrique, à l’exception de Haïti, une concentration des
implantations de l’IRD sur ces seuls pays reviendrait à remettre en cause
les implantations en Amérique latine et en Asie du Sud-Est. Ceci apparaît
peu pertinent à
la lumière de l’actuelle crise pandémique et plus
généralement des phénomènes sociaux et environnementaux étudiés
par l’IRD, qui ne peuvent se comprendre qu’à l’échelle mondiale. Un
retrait de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud
-Est serait, au-delà,
con
tradictoire avec les enjeux d’influence et les actions de notre
diplomatie hors de l’Afrique, notamment dans la zone indopacifique.
Enfin, l’IRD s’oriente de plus en plus vers les sciences de la
durabilité, qui sont susceptibles d’éclairer sous un jour nou
veau
l’ensemble de notre action diplomatique et de nos priorités en matière
d’appui
au
développement,
de
prise
en
compte
des
enjeux
environnementaux et d’investissements pour les biens publics mondiaux.
À ce titre, la recherche pour le développement présente des enjeux au-
delà des seuls pays prioritaires tels que définis par le CICID.
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COUR DES COMPTES
314
Recommandation n°2 : Mettre en place une stratégie volontariste
de mutualisation à l’étranger des fonctions supports des organismes
français de recherche, en recherchant systématiquement la mise en
place de représentations communes ou partagées.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère
de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
partagent l’analyse que, selon une approche au cas pa
r cas prenant
en compte la diversité des implantations selon les pays ou zones
géographiques, les mutualisations peuvent à la fois permettre de
renforcer l’efficacité de l’action des opérateurs et rendre plus visibles
leurs actions auprès des partenaires.
Des exemples de mutualisation ont déjà permis, là où cela faisait
sens, d’apporter un bénéfice pour tous les acteurs. L’IRD participe à
cette dynamique, conformément aux recommandations de la mission
d’inspection
conjointe
IGAE/IGAENR/IGF/CGAAER.
Outre
la
représentation mutualisée de l’IRD, du CIRAD et du CNRS en Afrique du
Sud, mentionnée dans le rapport de synthèse, on peut citer les
représentations communes entre IRD et CIRAD en Martinique, en Tunisie,
à Rome (auprès de la FAO et du FIDA) et bientôt en Colombie, celles
entre l’IRD et le Museum national d’histoire naturelle (MNHN) à
Madagascar et au Chili, entre l’IRD et l’IFRE en Éthiopie et les
perspectives de rapprochement de l’IRD, du CIRAD et du CNRS en Haïti.
Par ailleurs, le réseau des régisseurs de l'IRD, historiquement fondé sur des
personnels expatriés, a évolué depuis 2016 en un réseau de régisseurs
de droit local et de régisseurs mutualisés avec le réseau comptable du
MEAE des Instituts français au Mexique, en Afrique du Sud et à
Madagascar.
S’a
gissant des fonctions support, les limites au développement
des mutualisations tiennent le plus souvent à des philosophies
d’implantation différentes selon les opérateurs et les pays (recours à la
maison France ou hébergement au plus près des partenaires locaux) ou
à des champs de compétence territoriale différents selon les
établissements. Ces limites démontrent la nécessité d'une concertation
préalable entre établissements, qui ne dépend pas seulement de l’IRD.
Dans certains pays, l'identification d'un organisme chef de file, en
lien avec les tutelles MEAE et MESRI, peut également contribuer à
donner du poids à la diplomatie scientifique et à la visibilité de la
recherche française. L’IRD est un acteur de la recherche au Sud qui
apporte sa contribution singulière, forte de ses thématiques de
recherche propres, de sa pluridisciplinarité, et de ses relations anciennes
et de confiance avec les institutions de recherche locales. Il participe
déjà systématiquement aux initiatives coordonnées avec les autres
structures soutenues par la France, parfois en chef de file, selon la nature
des projets. Lorsqu’un rôle de chef de file lui est confié, ce rôle lui permet
aussi de valoriser sa politique de partenariat équitable auprès des autres
opérateurs français.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
315
En tout
état de cause, l’ambassadeur et le conseiller de
coopération et d’action culturelle, avec l’appui des attachés de
coopération scientifique, sont redevables de la cohérence de notre
action de diplomatie scientifique et de son sens. À cet égard, le
représent
ant de l’IRD dans chaque pays, comme ceux des autres
organismes de recherche au Sud, est aujourd’hui bien identifié par les
chefs de postes et participe bien à la dynamique de l’équipe France sur
le terrain, ce qui n’était pas toujours le cas il y a dix an
s. Cette évolution
très positive permet de renforcer la coordination et la cohérence de
l’action française.
Recommandation n°3 : Élaborer une stratégie immobilière de
rationalisation des implantations, avec, en métropole, une plus grande
concentration sur le site de Montpellier, propice à de fortes synergies
avec les autres acteurs de la recherche partenariale.
Les implantations de l’IRD doivent s’inscrire en cohérence avec
une stratégie d’ensemble de structuration de nos pôles de recherche et
de développement en France. Le site de Montpellier est positionné sur
certains
champs
du
développement
et
de
la
science
de
l’environnement, notamment à travers le siège du CGIAR (partenariat
mondial de recherche agronomique pour le développement), dans le
domaine agric
ole. Il n’est cependant pas le seul en France à bénéficier
d’une convergence d’acteurs : on pourrait citer le pôle de Clermont
-
Ferrand autour de l’économie du développement, celui de Brest autour
des sciences marines et océanographiques, ou encore le pôle
pluridisciplinaire parisien autour de la Cité du développement durable.
Les implantations de l’IRD à travers la France, auprès des universités et
des autres organismes de recherche, répondent à cette grande variété
des approches du développement et à une r
épartition de l’excellence
scientifique dans ce domaine sur l’ensemble du territoire métropolitain.
L’intérêt pour le rayonnement de la France à l’étranger d’une
concentration des forces de recherche sur le développement ou des
sièges des opérateurs concernés dans une seule ville ne semble ainsi pas
avéré et les économies d’échelle induites ne semblent pas être
suffisamment assurées ou substantielles pour pallier les inconvénients
précités.
Recommandation n°4 : Engager un processus de rapprochement
organique et fonctionnel avec le CNRS, assorti de garanties sur
l’existence et les moyens d’une recherche partenariale au service du
développement.
Du point de vue du ministère de l’Europe et des affaires
étrangères, et du ministère de l’enseignement supérieur, de
la
recherche et de l’innovation, les synergies entre l’IRD et les autres
organismes de recherche, notamment le CIRAD et le CNRS, mais aussi
l’INSERM, l’Institut Pasteur, le MNHN ou l’IFREMER, sont à encourager afin
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COUR DES COMPTES
316
d’éviter des effets de doublon ou de con
currence néfaste dans tel
champ scientifique ou dans tel pays d’implantation. À cet égard, la
consolidation de consortiums de recherche thématisés, tel Reacting,
dorénavant fusionné avec l’ANRS dans la nouvelle agence consacrée
aux
maladies
infectieuses,
constitue
un
modèle
intéressant
à
développer dans d’autres champs, car elle permet de fédérer les forces
scientifiques françaises en réponse à une problématique identifiée,
notamment en cas de situation de crise, qu’elle soit sanitaire,
économique ou environnementale.
En ce sens, toutes les actions visant à mieux faire travailler l’IRD
avec ces organismes, en particulier à travers des accords-cadres
bilatéraux, sur le modèle de ceux que l’IRD a récemment signés avec
l’AFD ou le CNRS, constituent des avancées
positives. Un accord-cadre
avec le CIRAD serait, à cet égard, une très bonne chose que nous
encourageons.
Au-delà de ces actions, une réflexion sur un rapprochement entre
l’IRD et le CNRS peut être conduite en prenant bien en compte les
importantes différ
ences dans l’objet et le mode d’intervention qui
séparent ces organismes.
Le CNRS, opérateur sous seule tutelle du ministère chargé de la
recherche, est peu familier des enjeux d’une recherche pour et avec les
pays du Sud. À l’heure où l’IRD ambitionne de
devenir un acteur de
premier plan à l’international dans le domaine des sciences de la
durabilité, envisager un rapprochement de l’IRD et du CNRS devrait
également être évalué au regard notamment des modalités qui
permettraient d’articuler l’IRD, organism
e de taille moyenne, avec un
organisme de grande taille fortement structuré en disciplines comme
l’est le CNRS. Un travail conjoint sur la stratégie en Afrique du CNRS, en
cours d’élaboration, pourrait permettre d’identifier et d’amplifier les
synergies
entre
les
deux
organismes
et
de
concilier
objectifs
d’excellence scientifique et problématiques d’influence ou d’aide au
développement pour les pays les moins avancés.
Une réflexion ouverte sur un rapprochement entre ces structures
peut
néanmoins
être
engag
ée,
dans
l’objectif
de
mesurer
concrètement
avec
les
organismes
concernés
les
plus-values
éventuelles d’une telle restructuration au bénéfice de la diplomatie
scientifique de la France.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
317
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE NATIONAL
DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
Le CNRS a pris connaissance avec beaucoup d’intérêt du
chapitre «
L’institut de recherche pour le développement : des choix
stratégiques indispensables » du rapport de la Cour des Comptes. Il tient
à remercier la Cour pour la qualité de son travail et le fait de poser très
clairement la problématique.
Dans ses « conclusion et recommandations », la Cour formule
quatre recommandations. Nous ne commenterons ici que les deux qui
concernent le CNRS.
La Cour recommande de « mettre en place une stratégie
volontariste de mutualisation à l’étranger des fonctions support des
organismes français de recherche, en recherchant systématiquement la
mise en place de représentations communes ou partagées (IRD, CIRAD,
CNRS, Inserm, MESRI, MEAE) ».
Le CNRS considère que la mise en place de représentations
communes ou partagées constitue en effet un objectif à la fois réaliste
et pertinent. Elle permettrait non seulement de mutualiser des fonctions
support mais aussi et surtout d’augmenter le nombre des b
ureaux
partagés ce qui améliorerait l’accompagnement de la recherche
française dans les pays des Sud. Aujourd’hui, le CNRS partage déjà avec
l’IRD un bureau de représentation en Afrique du Sud et une
mutualisation du même type est en cours d’étude en Inde.
La Cour recommande également «
d’engager un processus de
rapprochement organique et fonctionnel avec le CNRS, assorti de
garanties sur l’existence et les moyens d’une recherche partenariale au
service du développement (IRD, CNRS, MESRI, MEAE) ».
Dans le corps du rapport, il est précisé par la Cour « Désormais, le
scénario qui s’impose avec le plus de pertinence pour l’IRD est celui d’un
rapprochement avec le CNRS, pouvant aller jusqu’à l’intégration.
».
Nous souhaitons tout d’abord rappeler que près des 2/
3 des unités
de l’IRD ont déjà le CNRS pour cotutelle et sont donc de facto
rattachées à un institut du CNRS. Une intégration plus formelle
de l’IRD
au sein du CNRS
, qui n’est demandeur de rien en la matière,
n’a pas
jusqu’à aujourd’hui été envisagée
. Si une telle demande devait émaner
de nos tutelles, nous nous emploierions à rendre possible et mettre en
œuvre cette intégration. Et puisque son hypothèse est posée par la
C
our, il nous semble utile d’en présenter rapidement ce qui nous
apparaît, de prime abord et avant une éventuelle analyse plus poussée,
les premiers avantages, inconvénients et difficultés.
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COUR DES COMPTES
318
Sur la base de la production scientifique des unités, le CNRS
considère qu’il n’existe plus aujourd’hui, pour autant qu’il en ait existé
une un jour, une « science pour le développement » qui se démarquerait
d’une science faisant de l’aide au développement une de ses priorités.
C’est ainsi, comme le note la Cour dans son rapport que «
Le CNRS a
déjà entrepris de structurer ses efforts pour les adapter aux objectifs de
développement durable (ODD) ».
Une intégration plus formelle de l’IRD au sein du CNRS permettrait
d’abord d’augmenter la mise en cohérence de la recherche française
dans les pays en voie de développement et une meilleure visibilité de sa
stratégie internationale. Cela offrirait également une assise thématique
de coopérations élargie, plus en phase avec les attentes de nos
partenaires, et avec des moyens mutualisés plus importants. Le
dynamisme des réseaux scientifiques français à l’étranger e
n serait
renforcé. Cela participerait également à une clarification et à un
renforcement de l’engagement de la recherche française dans les
ODD.
Cela permettrait, enfin, une plus grande ouverture à la partie non-
francophone de l’Afrique ainsi que de l’Asie
et de l’Amérique du sud, et
aussi des outremers, où l’IRD est très présent, renforçant ainsi le
développement souhaité par l’État «
de plateformes ESR ».
À l’inverse, une intégration plus formelle de l’IRD dans le CNRS
pourrait diminuer transitoirement l
’efficacité de la présence de la
recherche française dans les pays du Sud. Institutionnellement, la
disparition de la « marque » IRD pourrait aboutir à une perte de
confiance des interlocuteurs du Sud qui sont par ailleurs soumis à des
pressions croissantes de pays ayant une politique très volontariste
comme la Chine. Des mécanismes efficaces et innovants joués par l’IRD
en tant qu’agence comme les «
jeunes équipes » pourraient également
être fragilisés. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les difficultés que
présenterait un processus d’intégration de deux systèmes assez
foncièrement différents, à commencer par l’évaluation des chercheurs
qui est au cœur de la dynamique de tout établissement de recherche.
Au sein du CNRS, l’intégration de l’lRD devrait être l’occasion de
développer plus de synergies au service de la recherche internationale,
notamment en mobilisant plus de moyens par effet d‘entrainements
interne et externe. Les enjeux seraient donc, d’une part, la diversification
et la coordination des action
s de recherche « aux Suds », et, d’autre
part, le développement d’une culture entrainant plus de chercheurs et
ingénieurs à travailler pour ces missions de développement.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
319
Au regard de ces objectifs, il n’apparaît pas scientifiquement
pertinent de faire un 11
ème
institut au sein du CNRS qui regrouperait ces
recherches. Cela ne ferait qu’isoler ces missions de développement
alors que le but de l’intégration serait, au contraire, la mise en place de
synergies. Il serait ainsi plus judicieux d’intégrer les p
ersonnels et les unités
de l’IRD dans les instituts existants, quitte à en revoir à la marge leur
périmètre. Rappelons d’ailleurs que 2/3 des unités de l’IRD ont déjà le
CNRS pour cotutelle et sont donc de facto rattachées à un institut du
CNRS. Une grande majorité des autres unités IRD pourraient trouver leur
place au sein de l’InSHS, de l’INSU, de l’INSB ou de l’INEE.
Il serait toutefois important de rendre visible la dimension d’aide
au développement par une entité clairement identifiée au sein de ce
« nouveau » CNRS. Cette entité reprendrait une partie des missions du
département « Mobilisation de la recherche et de l’innovation pour le
développement » du pôle « Développement, enjeux globaux et
partenariats
» de l’IRD, lesquelles sont essentiellement : l
es processus de
développement et de renforcement des compétences, les Jeunes
équipes associées et/ou la création d’autres outils de coopération
adaptés et, enfin, la mobilisation de fonds pour le développement. Que
cela soit au sein de la DERCI (direction en charge au CNRS des relations
internationales) ou à ses côtés, il serait nécessaire qu’une direction
fonctionnelle soit explicitement en charge de la mise en place de la
politique de l’établissement dans ce domaine.
Pour conclure ces premières considérations liminaires, le CNRS, si
telle était la volonté exprimée par les deux tutelles de l’IRD, s’engagerait
dans une intégration plus formelle de cet établissement. ll la
considérerait comme une opportunité pour augmenter la cohérence
de son offre de recherche au sud et comme une ouverture et un
enrichissement de l’ensemble de ses activités. Un tel processus
d’intégration ne pourrait s’envisager qu’en respectant et en amplifiant
la dimension d’aide au développement portée actuellement par l’IRD
auprès de ses partenaires du Sud.
Un cadrage clair des tutelles pourrait permettre d’entamer un
dialogue soutenu avec l’IRD, et ses personnels de l’IRD. Un tel dialogue
nécessitera beaucoup d’énergie et de temps, et ne devra pas entacher
la présence scientifique de la France dans les pays en développement.
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COUR DES COMPTES
320
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉ
RALE DE L’INSTITUT
DE RECHERCHE POUR LE
DÉVELOPPEMENT (L’IR
D)
L’IRD a été soumis à l’examen de la Cour des Comptes et entend
prendre en compte une série de recommandations formulées dans son
rapport.
L’avenir de l’IRD au sein de la recherche française est un enjeu
majeur pour la recherche française et notre diplomatie scientifique.
Il s’agit de mettre la science au service des objectifs du
développement durable (ODD), en œuvrant à l’excellence scientifique
chez nos partenaires, en travaillant à restaurer et à préserver les
équilibres mondiaux atteints par les crises actuelles et à venir.
En qualité de Présidente-
directrice générale de l’IRD depuis le
12 février 2020, dans un contexte de pandémie mondiale aux
répercussions incalculables, j’ai donc souhaité mettre en ordre de
marche cet Institut avec l’ensemble de ses équipes, sans délai. Ces deux
volets : répondre à la crise sanitaire et organiser le travail de l’Institut
dans toutes ses composantes dans cette période exceptionnelle ont
guidé mon action.
Ce sont précisément les fondements de cette institution, son
engagement pour un partenariat équitable et éthique au Sud, son
organisation en réseau et ses méthodes de travail inclusives et
participatives, au plus près des territoires, en lien constant avec les
tutelles, qui m’ont permis avec les équipes de l’Institut de mener une
mission unique. Aussi ces derniers mois notre engagement à répondre à
la crise sanitaire par une mobilisation exceptionnelle de nos personnels
au travers de nos partenariats s’appuyant sur nos réseaux et dispositifs
tout en renforçant les liens entre recherche, expertise et appui aux
politiques publiques contribue à la visibilité nationale et internationale
de la recherche française.
La visibilité et l’efficacité doivent être jugées à l’aune des objectifs
fixés par nos autorités, à celle des attentes de nos partenaires, aussi bien
qu’au regard des moyens engagés.
Ces objectifs ne se résument pas à l’al
location géographique des
personnels et des moyens. Ils se comprennent dans le cadre des
nouveaux paradigmes sur le développement durable, où l’interaction
entre disciplines, entre acteurs de la recherche, et entre ceux-ci et les
acteurs de la société civile sortent largement du cadre national.
L’implantation de nos représentations sur les différents continents
répondent de plus en plus à des logiques interdisciplinaires et
pluri(multi)acteurs qui permettent d’enrichir les objets et questions de
recherche e
t de valider des modèles et actions d’opérationnalisation
de la recherche au bénéfice des partenaires, notamment prioritaires.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
321
Notre déploiement à l’étranger, souvent de longue date, est primordial
pour continuer à accompagner ces mutations. Il est aussi essentiel pour
notre diplomatie scientifique : l’expérience montre qu’un seul chercheur
placé dans une équipe locale soutenue par un organisme national ou
régional de référence est bien le vecteur de la présence française.
Les attentes de ces derniers ont
également évolué. Ils s’inscrivent
tous dans des dynamiques régionales et mondiales. Le fait même que
l’IRD soit partie prenante de nombreux réseaux de recherche et
d’innovation est un attrait supplémentaire, recherché par les institutions
de recherche et
d’enseignement supérieur des pays du Sud. La relation
bilatérale est importante, mais n’est plus le seul socle et vecteur d’une
coopération scientifique efficace.
Les moyens de l’IRD reflètent la confiance accordée par les
tutelles dans notre institution. Pour accroître nos capacités, nous avons
recours à des financements extérieurs. De ce fait, nous entrons en
relation avec des bailleurs de fond influents.
D’une manière générale, les actions de l’IRD prennent par ailleurs
totalement en compte les priorités fixées par le CICID :
-
Inscription dans le cadre des ODD,
-
Inscription dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat de 2015,
-
Attention particulière à l’Afrique,
-
Priorisation de nos recherches sur les cinq priorités fixées par le
CICID : la stabilité internationale (avec notamment de nombreuses
recherches sur les Migrations, partenariat dans le cadre de l’Institut
Convergence Migrations), le climat (PSIP Climat), l’éducation
(bourses ARTS, PSF Sud, dispositifs de formation par la recherche
JEAI,
LMI), l’égalité entre les femmes et les hommes, la santé (PSIP,
mobilisation COVID).
Tout ceci concoure de manière croissante à notre visibilité, dans
une autre perspective que celle de la comparaison mécanique avec
d’autres organismes de l’ESR.
En pa
rallèle à notre déploiement à l’étranger et l’outre
-mer, sur
les sites métropolitains (iDEX, iSITE), la participation croissante de l’IRD et
de ses chercheurs aux grands évènements internationaux, n’a cessé
d’augmenter notre visibilité sur la scène interna
tionale de la recherche
pour le développement durable.
Quant à l’apparente dispersion des moyens et des équipes de
l’IRD au Sud, il faut garder en tête la diversité et l’hétérogénéité des ESR
des pays partenaires mais aussi des choix scientifiques qui président au
déploiement des forces et outils de l’Institut dans ces pays.
Une partie
des implantations à l’étranger découle des unités mixtes de recherche
(UMR), en fonction de leurs programmes de recherche, également issus
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COUR DES COMPTES
322
des orientations des tutelles comp
osantes autres que l’IRD. Ce
« partenariat scientifique équitable » contribue au soutien et au
renforcement des capacités des équipes scientifiques du Sud via nos
dispositifs de recherche en partenariat innovants et adaptés au
contexte Sud, en particulier
la politique d’accueil des étudiants et
chercheurs du Sud.
La répartition des moyens dans de nombreux pays est également
justifiée d’un point de vue scientifique, par l’approche globale
indispensable pour appréhender les grands problèmes et enjeux de la
p
lanète (changement global, risques environnementaux, …), par
exemple la compréhension du phénomène El Niño dans le Pacifique est
indispensable pour comprendre la mousson africaine et ses fluctuations.
Pour autant, la gouvernance de l’Institut a tout à fai
t conscience
de la nécessité de rationaliser ses dispositifs partout où cela est
nécessaire et souhaité et d’exploiter toutes les synergies possibles en
faisant bénéficier de notre expertise et savoir-faire dans la co-
construction et co-réalisation de projets de recherche et formation
structurants favorisant les dynamiques de recherche et d’innovation
locales et régionales. Cette rationalisation passe par des efforts accrus
de mutualisation avec les autres partenaires de l’ESR français dans les
pays concernés (en particulier avec le CNRS sur les UMIFRE et le Cirad
avec le réseau des dP5). Sa plus forte inscription dans les politiques de
site en métropole : soulignons la création des délégations régionales en
2016, l’implication dans les instances des univers
ités et des Idex et iSite,
le développement des accords-cadres conclus avec les partenaires de
l’ESR (CNRS, MNHN, ENS, INRAE, … et en perspective l’IFREMER, le CIRAD,
le BRGM).
Par ailleurs, l’organisation du travail en UMR a appris de longue
date à l’IRD
à s’appuyer sur les complémentarités avec ces partenaires
(COPILs, conventions de partenariat...). L’ensemble des sujets de
recherche émanant des UMR et déployés à l’étranger par les agents
sont le plus souvent discutés par les organismes au cours de comité et
dialogue inter tutelles mais doivent certainement mieux représenter une
stratégie de recherche partenariale commune.
Au-
delà de ces mesures particulières, c’est en renforçant, la
conduite stratégique des activités de recherche, autour de la science
de la durabilité, avec la nomination d’un directeur délégué à la Science
(D2S) et un directeur adjoint spécifiquement en charge de la Science
de la durabilité que j’entends aussi répondre à ces craintes de
dispersion. La création et la consolidation des 5 départements
scientifiques autour de 8 grandes priorités scientifiques interdisciplinaires
aident considérablement à structurer cette approche stratégique. Aussi,
les nouvelles conditions de la recherche française engendrées par la loi
de programmation de la recherche 2021 - 2030 sont favorables à cette
approche plus intégrée et doivent nous permettre d’accroitre notre
participation aux programmes européens et internationaux de la
recherche et participer ainsi de la visibilité de la recherche française.
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
323
Pour donner poids à la représentation France, à la diplomatie
scientifique, à la visibilité de la recherche française (l’équipe France), la
gouvernance de l’IRD est favorable, en lien avec les tutelles
MESRI/MEAE, à l'identification d'un
organisme chef de file au moins pour
certains pays
. L’IRD peut prétendre à cette position dans différents pays
de la zone intertropicale. En effet, par son histoire, ses géographies et sa
mission de recherche pour le développement placée sous une double
tutelle MESRI-MEAE,
l’IRD a depuis toujours réalisé des travaux résolument
tournés vers les besoins des populations locales. Une recherche «
centrée sur les problèmes », en partenariat avec le tissu académique
local, qui donne à l’IRD une véritable légitimité, un temps d’avan
ce sur
bon nombre d’institutions de recherches nationales et internationales
pour développer une approche Science de la durabilité.
Les conclusions de la Cour recommandant dans sa synthèse
d’engager un processus de rapprochement fonctionnel avec le CNRS
anticipent certaines réflexions et actions déjà mises en œuvre depuis ma
prise de fonction. L’IRD a depuis longue date la pratique de la
recherche
pour
le
développement,
activités
co-construites
et
co-conduites en partenariat avec les institutions des pays concernés. Les
cultures, les modalités de construction des projets, de pilotage et
pratiques de déploiement de nos deux établissements à l’étranger et
outre-
mer sont sensiblement différentes. L’IRD exprime le besoin d’une
meilleure concertation et coordination notamment dans le déploiement
opérationnel de nos dispositifs respectifs. Cette démarche est déjà
engagée entre nos deux établissements (au travers d’un accord
-cadre
signé en décembre 2016 et en cours de renouvellement, COPIL, DOR,
représentation com
mune
à
l’étranger,
participation
au
Conseil
scientifique des UMIFRE) et nécessite aussi un lien et concertation plus
étroite avec les institutions du Sud avec lesquelles nous travaillons. La
Cour avance, tout en la nuançant, une recommandation lourde de
conséquences pour la recherche française, en plaidant pour un
rapprochement organique avec le CNRS. Les complémentarités entre
nos
deux
institutions
existent
et
doivent
être
renforcées,
le
rapprochement de nos dispositifs respectifs de coopération, de nos
re
présentations à l’étranger peuvent y répondre sans pour autant
opérer
un
rapprochement
institutionnel.
Rapprochement
qui
impliquerait non seulement la dilution des actions de l’IRD dans le
renforcement des capacités pour une recherche équitable et durable
pour le développement des pays moins avancés et consécutivement
un risque de disparition de l’IRD.
Le maintien de l’IRD, outil original dans le paysage des
établissements de l’ESR, fer de lance de la science de la durabilité et
instrument de diplomatie scientifique, constitue un atout majeur pour
notre pays, pour la diplomatie française et européenne.
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324
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE
DE COOPÉRATION INTERNATIONALE EN RECHERCHE AGRONOMIQUE
POUR LE DÉVELOPPEMENT (CIRAD)
En préambule, le CIRAD souhaite remercier la cour des comptes
pour la qualité des échanges qui ont eu lieu, tant à l’écrit qu’à l’oral, à
l’occasion de la production de son rapport sur
«
l’IRD, des choix
stratégiques indispensables
». Le CIRAD se félicite de l’écoute et de la
richesse des discussions qu’il a trouvée auprès de la cour, notamment
entre la production de son rapport de constatation provisoire et la
finalisation du contenu de son rapport final.
Pour la partie du rapport qui lui a été transmise, le CIRAD partage
globalement les constats et les recommandations formulées par la cour,
avec les orientations stratégiques à promouvoir le concernant ainsi que
leurs conséquences sur ses relations avec l’IRD. Le CIRAD s’attache
activement depuis plusieurs années à mettre en œu
vre les objectifs
stratégiques du CICID du 18 mai 2005, confirmés par la lettre du premier
ministre du 24 septembre 2018 à la mission d’inspection «
sur la
rationalisation de notre dispositif de recherche au service du
développement », à savoir un rapprochement scientifique actif avec
INRAE,
rapprochement
qui
doit
tirer
pleinement
partie
des
complémentarités de positionnement et de statut juridique des deux
établissements. Le rapport de la cour confirme que les deux
établissements se sont bien appropriés cette décision. Fort de satisfecit,
le CIRAD et INRAE vont poursuivre leur action dans cette voie, en
déployant dès l’année 2021 leur plan d’action sur la coopération avec
le continent africain qu’ils ont élaboré en commun. L’objectif réaffirmé
est bien de projeter vers ce continent prioritaire pour la politique de
coopération française, toute sa recherche agronomique, en l’ouvrant
aux autres acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, au
premier rang desquels se trouvent l’IRD et l‘université de
Montpellier.
Parallèlement, le CIRAD va aussi poursuivre sa politique de
mutualisation de moyens et d’implantation à l’étranger avec l’IRD,
notamment pour ses deux directions régionales présentes en Afrique
pour lesquelles ce n’est pas encore le cas, à sav
oir Madagascar et le
Sénégal. Nous poursuivrons aussi la politique de croisement des
représentations institutionnelles dans certains pays, en fonction des
besoins et des opportunités. Cela a été le cas en 2020 en Colombie, où
le CIRAD assure la représentat
ion de l’IRD. La prochaine étape en 2021
concerne Haïti, l’IRD devant faire de même pour le CIRAD. Au plan de
la science, la politique de mutualisation au niveau des unités mixtes de
recherche (UMR) sur le site de Montpellier se poursuit activement en
2021, à la suite des évaluations réalisées en 2020 par le HCERES, avec
notamment la création d’une grande unité de recherche sur la santé
des plantes entre le CIRAD, INRAE et l’IRD, par la fusion de trois unités
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L’INSTITUT DE RECHER
CHE POUR LE DÉVELOPPEMENT :
DES CHOIX STRATÉGIQUES INDISPENSABLES
325
préexistantes. Au niveau institutionnel, les PDG des trois établissements
ont aussi produit en juillet 2020 une déclaration commune pour aller vers
la création d’une alliance internationale sur la question des maladies
émergentes d’origine animale et la gestion des crises épidémiques, qui
vient connaitre un lancement officiel au moment du « One Planet
Summit » organisé par la France le 11 janvier de cette année via
l’Initiative «
PREventing ZOonotic Diseases Emergence » (PREZODE).
Cette initiative est bien le fruit du travail en collaboration des trois instituts
en lien avec nos partenaires européens. Ainsi, chaque fois que cela est
utile et nécessaire, au bon niveau d’action, le CIRAD et l’IRD vont
continuer à prendre, avec d’autres si besoin, les initiatives permettant
de promouvoir une offre commune de la recherche française en
coopération avec les pays en développement.
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