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Quatrième Chambre
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Première section
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Arrêt n° S2020-1974
Audience publique du 19 novembre 2020
Prononcé du 17 décembre 2020
CONSEIL DEPARTEMENTAL DE
L’ACCES AU DROIT DU NORD
EXERCICE 2014
Rapport n° R-2020-0947-1
République Française
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2020-7 en date du 27 mai 2020, par lequel la Procureure générale près la
Cour des comptes a saisi la Cour des comptes de charges
soulevées à l’encontre
de M. X, agent comptable du conseil
départemental de l’accès au droit (CDAD) du Nord, au
titre de l’exercice 2014
, notifié
à l’ordonnateur et au comptable le 29 mai 20
20 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du CDAD du Nord par M. X, à compter du
10 septembre 2013 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement
et l’ensemble des pièces
du dossier, et notamment les observations de M. X en date du 29 juin 2020 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables au CDAD du Nord, et notamment la loi n° 91-467
du 10 juillet 1991 rel
ative à l’aide juridique
;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
l’administration
;
Vu le décret n° 2012-
91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêt public
;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
Vu l’i
nstruction comptable M 9-1 relative aux établissements publics à caractère administratif ;
Vu les conventions constitutives du CDAD du Nord en date des 7 décembre 1993,
9 décembre 2003 et 16 mai 2013 ;
Vu le rapport à fin d’arrêt de
M. Michel MAIRAL, conseiller maître
, chargé de l’instruction
;
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Vu les conclusions n° 533 de la Procureure générale du 13 novembre 2020 ;
Entendu,
lors de l’audience publique du
19 novembre 2020, M. Michel MAIRAL, conseiller
maître, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du
ministère public, M. X, comptable, présent en visioconférence, ayant eu la parole en dernier ;
Entendu en délibéré M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, réviseur, en ses
observations ;
Sur la charge n° 1
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue par M. X en raison du paiement
au cours de l’exercice 2014
de
deux
subventions, d’un montant respectif de 5
000 € (mandat n°
16 du 23 avril 2014) et
10 000
€ (mandat n°
30 du 11 juillet 2014)
, sans vérifier si l’ensemble des pièces
requises
avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de
la dépense telle qu’elle a été ordonnancée
;
qu’en particulier, le versement de la
première
subvention aurait été conditionné à
la production d’un bilan d’exécution et celui de la seconde
à la production d’
«
un bilan financier de la subvention allouée en 2013
» ;
2. Attendu qu
’
aux termes du 1
er
alinéa de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963
susvisée : «
[…]
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation
des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public
dotées d'un comptable public
[…]
» ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette
responsabilité personnelle et pécuniaire «
se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un
manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée,
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
[…]
» ;
3. Attendu que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de
patrimoine ;
qu’
en vertu des dispositions des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012
susvisé
, le comptable public est tenu d’exercer
, en matière de dépenses, le contrôle de la
validité de la dette ; que ce contrôle porte, notamment, sur la production des pièces
justificatives ;
4. Attendu que, pour exercer leur contrôle sur la production des justifications, il revient aux
comptables
d’ap
précier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la
dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en
premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature com
ptable
applicable au moment des faits litigieux leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d’une part, complètes et précises,
et,
d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie
de la dépense définie dans la nomenclature applicable
et de la nature et de l’objet de la
dépense telle qu’elle a été ordonnancée
; que si ce contrôle peut conduire les comptables à
porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur
appartient alors d’en donn
er une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils
n’ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité
; qu’enfin, lorsque les pièces justificatives
fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de
suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications
nécessaires ;
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5. Attendu que, dans ses observations susvisées du 29 juin 2020 en réponse au réquisitoire,
M. X a fait valoir que
, s’agissant du
premier mandat précit
é, d’
un montant de 5
000 €, il était
matériellement impossible d’exiger un bilan d’exécution de la subvention avant même son
versement au bénéficiaire, en l’espèce l’association Union Départementale des Associations
Familiales (UDAF) ; que, concernant
le second mandat précité, d’un montant de 10
000 €, qui
attribue
une subvention à l’Association pour l’
Accueil, la Justice et la Réinsertion, le comptable
disposait bien au moment du paiement litigieux
d’un dossier détaillant les actions conduites
par l’
association au cours des exercices 2012 et 2013
; qu’il était par ailleurs en possession
des comptes rendus
d’assemblée générale
et de
conseil d’administration
du CDAD autorisant
le versement de ces deux subventions
; qu’à ce titre, la dépense était juridiquement fondée, la
volonté de l’ordonnateur de l’exposer ne faisait aucun doute et le service était attesté aussi
bien par le mandatement que par la signature p
ar l’ordonnateur du bordereau de mandats
;
qu’il s’ensuit qu’aucun manquement n’aurait été commis et que,
même si tel était le cas,
l’organisme n’en aurait subi aucun préjudice financier
;
6.
Attendu que selon l’article 13 de la convention constitutive du 13
mai 2013 susvisée, «
Le
groupement d’intérêt public opte pour la comptabilité publique. La comptabilité du groupement
est tenue et sa gestion assurée selon les règles du droit public par un agent comptable, nommé
par le ministre du budget
[…]
Les dispositions du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012
relatif à la gestion budgétaire et comptable publique sont applicables.
» ;
7. Attendu que la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre
III du décret GBCP n’a été fixée qu’à compter d’un arrêté du 13 avril 2016
; qu’il n’y avait donc
pas de nomenclature
applicable pour l’exercice 2014
; que, dans un tel cas de figure, le
comptable public se doit néanmoins
d’exercer tous les contrôles qui lui incombent, et
notamment celui du cara
ctère suffisant et cohérent des pièces fournies par l’ordonnateur
; que
lesdites pièces sont celles qui lui permettent de contrôler la qualité de l’ordonnateur ou de son
délégué, la disponibilité des crédits, l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles
concernent et, au titre du contrôle de la validité de la dette, la justification du service fait,
l’exactitude des calculs de liquidation, l’intervention préalable des contrôles règlementaires, et
l’application des règles de
prescription et de déchéance
; qu’au
vu des observations formulées
par le comptable en réponse au réquisitoire, il apparaît
qu’il disposait bien au moment du
paiement de l’ensemble des pièces lui permettant d’exercer les contrôles
qui lui incombaient ;
8. Attendu, de surcroît, qu
’en l’absence de nomenclature applicable, il est loisible au
comptable d’identifier les pièces justificatives pertinentes et nécessaires à l’exercice de ses
contrôles en se référant, lorsque cela est pertinent, aux prescriptions de toute autre
nomenclature comptable pour des opérations similaires
; qu’au cas d’espèce et au vu des
caractéristiques institutionnelles du CDAD du Nord rappelées ci-avant, le choix du comptable
de se référer à la nomenclature applicable à l’Etat apparaît cohérent
; que la pièce justificative
prévue par l’instruction idoine est «
décision attributive de subvention
», qui était en sa
possession lors des deux paiements litigieux ;
9. Attendu, enfin, que les deux décisions attributives de subventions ne sont assorties
d’aucune condition
relative
à la production d’un bilan financier et/ou d’utilisation desdites
subventions
; qu’en particulier, un tel bilan ne saurait être exigé préalablement au versement
d’une subvention qui, par construction, n’a pas encore été consommée
;
10. Attendu
qu’il
découle de l’ensemble de ces éléments que le comptable disposait de toutes
les pièces justificatives lui permettant de procéder au paiement des deux subventions visées
par le réquisitoire et que, ce faisant, il n’a commis aucun manquement en procédant à l
eur
paiement ;
qu’il n’y a
donc pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X à raison de la
charge n° 1 ;
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Sur la charge n° 2
11. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes
de la responsabilité encourue par M. X à raison du paiement de 33 mandats rattachés à
l’exercice
2014, mandats n° 32 à 42 inclus et n° 60 à 81 inclus, pour un montant total de
229
461,05 €
; que ces mandats correspondaient au remboursement de consultations
juridiques assurées par des professionnels du droit ;
que le comptable n’aurait disposé à
l’appui desdits mandats que d’un «
état récapitulatif des charges à payer au 31/12/2014
» pour
les seuls mandats émis le 31 décembre 201
4, les autres mandats n’étant assortis d’aucune
pièce justificative
; qu’en l’absence de pièces justificatives nécessaires et suffisantes, l’agent
comptable n’aurait pu opérer le contrôle de l’exactitude des calculs de liquidation et celui de la
validité de la dette
; qu’au surplus, les mandats
auraient été imputés au compte de charges
657
Subventions versées
alors qu’il s’agirait de prestations juridiques assurées par des
professionnels du droit, mandatée
s par le CDAD du Nord afin d’assur
er les missions qui leur
ont été confiées, dépenses qui auraient dû être imputées au compte de charges 622
Honoraires
;
que les paiements ainsi effectués sans vérifier si l’ensemble des pièces
nécessaires avaient été fournies ni si ces pièces étaient complètes et cohérentes au regard
de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée seraient présomptifs d’irrégularités suscepti
bles
de fonder la mise en jeu de la responsabilité de M. X à hauteur de 229 461,05
€
au titre de
l’exercice 2014, pour défaut de contrôle de l
a validité de la dette, lequel porte en particulier sur
le contrôle de la production des pièces justificatives, et au surplus pour défaut de contrôle de
l’exacte imputation des dépenses
;
12. Attendu qu
’aux termes
du 1
er
alinéa de l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963
modifiée : «
[…]
les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation
des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public
dotées d'un comptable public
[…]
» ; que ces mêmes dispositions prévoient que cette
responsabilité personnelle et pécuniaire «
se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un
manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée,
qu’une dépense a été irrégulièrement payée
[…]
» ;
13. Attendu que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de
patrimoine ;
qu’
en vertu des dispositions des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012
susvisé
, le comptable public est tenu d’exercer, en matière de dépenses, le contrôle de la
validité de la dette ; que ce contrôle porte, notamment, sur la production des pièces
justificatives ;
14. Attendu que, pour exercer leur contrôle sur la production des justifications, il revient aux
comptables
d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la
dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en
premier lieu, si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable
applicable au moment des faits litigieux leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces
sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de
la dépen
se définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense
telle qu’elle a été ordonnancée
; que si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une
appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et s’il leur appartient
alors d’en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n’ont pas le
pouvoir de se faire juges de leur légalité
; qu’enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre
le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires
;
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15.
Attendu qu’aux termes du décret
susvisé du 7 novembre 2012, en matière de dépenses,
les comptables publics sont notamment
tenus de contrôler l’exacte imputation des dépenses
au regard des règles relatives à la spécialité des crédits ;
16. Attendu que, dans ses observations précitées du 29 juin 2020, M. X
fait valoir qu’il a pris
en charge les mandats visés
au réquisitoire, signés par l’ordonnateur du CDAD du Nord, sur
production des délibérations de l’assemblée générale et du conseil d’administration du CDAD
;
que ces décisions sont retranscrites dans des procès-verbaux signés du président et du
secrétaire général du CDAD du Nord
; qu’elles étaient selon lui complètes, précises et
cohérentes au regard de leur nature ; que pour les mandats autres que ceux datés
du 31 décembre 2014, soit les mandats n° 32 à 42, la pièce justificative serait la délibération
de
l’assemblée générale
et du
conseil d’administration
du CDAD du Nord en date
du 24 juin 2014, qui était en sa possession au moment des paiements litigieux
; que, s’agissant
des mandats émis le 31 décembre 2014, la délibération de
l’assemblée générale
du 2 décembre 2014 constituerait la pièce justificative idoine ; que ces mandats étaient
assortis d’un «
état récapitulatif des charges à payer au 31/12/2014
» signé de l’ordonnateur
;
qu’en vertu de la procédure dite des «
charges à payer
» telle que décrite
dans l’instruction
comptable du 13 novembre 2003, qui permet
le rattachement à l’exercice de
dépenses de
fonctionnement dont le service est fait avant le 31 décembre de l’année intéressée mais pour
lesquelles, à cette même date, l’établissement n’a pas reç
u les justificatifs nécessaires au
paiement, les opérations de régularisation et le versement effectif des subventions ont été
effectués au cours de
l’exercice 2015, pour un montant
global de 83
093,19 €
;
17.
Attendu que, s’agissant d
es contrôles de liquidation, le comptable indique que pour
chacune des réunions de
l’assemblée générale
et du
conseil d’administration
du CDAD du
Nord précitées, deux sous-dossiers concernaient le vote des subventions versées aux
barreaux, aux chambres départementales de notaire
s et d’huissiers ainsi qu’aux associations
;
qu’ils comprenaient notamment les rapports trimestriels des activités engagées par les
organismes ainsi que le retour des «
analyses quantitatives mensuelles des permanences
juridiques gratuites
» ; que ces états étaient complétés, datés et signés par les organismes
concernés ; que ces documents justifiaient la liquidation et le vote du montant des subventions
allouées par le CDAD du Nord
; qu’ils étaient en possession du comptable au moment des
paiements litigieux ;
18. Attendu que,
concernant l’imputatio
n comptable de ces dépenses, le comptable relève que
les sommes visées correspondraient bien à des subventions car elles étaient versées à
l’avance à des professionnels de justice afin qu’ils n’aient pas à subir
de décalage de trésorerie
lié au non-
paiement d’honoraires par les publics concernés
; que le comptable relève par
ailleurs qu’un commentaire en date du 19 décembre 2019 relatif à l’instruction comptable
commune des établissements publics nationaux indique que le compte 622 ne doit, en
principe, être utilisé que pour les honoraires «
constituant véritablement des charges normales
de fonctionnement de l’organisme
» ; que, selon lui, du fait que les conseils juridiques ne sont
pas donnés directement par le CDAD du Nord mais par des
professionnels de l’accès au droit,
la dépense ne saurait être assimilée à une charge normale de fonctionnement mais bien à une
subvention de fonctionnement
; qu’en réponse au questionnaire du rapporteu
r, le comptable
cite enfin l’instruction comptable M9 du 11 décembre 2017, qui précise l’utilisation du compte
657 et indique notamment que «
le compte 657 enregistre les charges spécifiques à l’activité
de l’organisme qui ne peuvent être imputées à un autre compte de charge par natur
e
[…]
Il en
va ainsi des dépenses d’intervention
([…]
versement de subventions…).
» ;
19. Attendu que, dans ses conclusions susvisées, la Procureure générale près la Cour des
comptes relève que les dépenses litigieuses ne constituaient pas des subventions, mais des
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achats de prestation et que, quand bien même la qualification de subvention serait retenue, le
manquement resterait constitué en l’absence de décisions d’attribution formalisées et de la
convention qui s’impose pour les subventions excédant 23
000
€
;
20. Attendu que M. X a indiqué, dans ses observat
ions présentées oralement à l’audience,
que la loi de 1991 susvisée, et notamment son article 57, n’obligeait pas le CDAD à conclure
des conventions avec les barreaux de son ressort ;
Sur la nature des dépenses litigieuses
21. Attendu que les moyens articulés par M. X
pour justifier le choix d’une imputation de ces
charges comme «
subventions
» doivent être écartés ; que le commentaire sus évoqué du
19 décembre 2019 est postérieur aux faits litigieux, de même
que l’instruction M9
du 11 décembre 2017
; qu’enfin, l’argument selon lequel ces dépenses correspondraient à des
avances aux professionnels du droit concernés manque en fait
puisqu’au contraire les
paiements sont toujours effectués
ex post
, sur la base des analyses quantitatives mentionnées
par le comptable dans son mémoire en réponse au réquisitoire ;
22.
Attendu, toutefois, que l’ensemble des pièces produites à l’appui
des dépenses, en
particulier les procès-verbaux
d’assemblées générales
et de
conseils d’
administration du
CDAD du Nord, font exclusivement référence à des «
subventions
» octroyées par le conseil ;
que le comptable est, certes, tenu de discuter une imputation manifestement irrégulière et de
suspendre au besoin le paiement ; que cependant, au
cas d’espèce,
le fait de caractériser de
« s
ubventions
» les interventions financières du conseil ne heurte
en rien l’ensemble des
textes qui ont encadré la création des CDAD, en particulier la loi de 1991 susvisée, pas plus
que la convention constitutive
du CDAD du Nord du 16 mai 2013 dont l’article 1
er
prévoit que
l’octroi de subventions entre dans les missions du
conseil ; que cette qualification de
subvention apparaît cohérente avec la nature de la dépense ordonnancée dans la mesure où
les honoraires ne sont pas directement acquittés par le conseil
, mais font préalablement l’objet
d’une globalisation par les organismes qui ont accueilli ou chapeauté les prestations et que le
soutien financier du conseil
ne s’applique qu’ensuite, sur la
base des justificatifs fournis et
selon une logique de subvention à ses partenaires, dont le montant est indexé sur le nombre
d’
heures de consultation effectuées ; qu
e le comptable aurait donc en l’espèce excédé son
office en contestant la qualification de subvention donnée par
l’ordonnateur et l’organe
délibérant aux dépenses litigieuses ;
Sur l’exacte imputation
de la dépense
23.
Attendu qu’en vertu de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
«
le comptable
est tenu d’exercer le contrôle
[…]
2° S’agissant des ordre
s de payer :
[…]
b)
de l’exacte
imputation au regard des règles relatives à la spécialité des crédits
»
; qu’il
s’ensuit que le
comptable n’est tenu au contrôle de l’imputation comptable qu’au regard des règles
de
spécialisation des crédits applicables au cas particulier ; que les
groupements d’intérêt public
soumis à la comptabilité budgétaire appliquent les titres I et III du décret susvisé relatif à la
gestion budgétaire et comptable publique dans leur totalité, notamment les articles 178 à 185,
relatifs au cadre budgétaire
; qu’e
n vertu
de l’article 178
du même décret, les nomenclatures
budgétaires sont obligatoirement composées
d’une nomenclature par nature de dépenses
(enveloppes de personnel, fonctionnement, investissement et, le cas échéant, intervention) et
de recettes ;
qu’au cas d’espèce
, le budget
de l’exercice
1994 du CDAD du Nord a été voté,
s’agissant des charges, en trois enveloppes
: personnel, fonctionnement et intervention ; que
les subventions allouées
et le paiement d’honor
aires étaient tous deux compris dans
l’enveloppe des
charges de fonctionnement
de l’organisme
; qu’il
s
’ensuit que
le comptable
n’aurait commis aucun manquement au regard des dispositions de l’article 19 du décret
relatif
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à la gestion budgétaire et comptable publique quand bien même les dépenses litigieuses
auraient dû être assimilées à des «
honoraires
» et non à des «
subventions
» ;
Sur l’insuffisance des justifications
et l’existence d’un manquement
24.
Attendu que selon l’article 13 de la convention
constitutive du 16 mai 2013 susvisée, «
Le
groupement d’intérêt public opte pour la comptabilité publique. La comptabilité du groupement
est tenue et sa gestion assurée selon les règles du droit public par un agent comptable, nommé
par le ministre du budget
[…]
Les dispositions du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012
relatif à la gestion budgétaire et comptable publique sont applicables.
» ;
25. Attendu que la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre
III du décret GBCP n’a été fixée qu’à compter d’un arrêté du 13 avril 2016
; qu’il n’y avait donc
pas de texte applicable pour l’exercice 2014
; que, dans un tel cas de figure, le comptable
public se doit néanmoins
d’exercer tous les contrôles qui lui incombent, et notamment celui du
caractère suffisant et cohérent des pièces fournies par l’ordonnateur
; que lesdites pièces sont
celles qui lui permettent de contrôler
la qualité de l’ordonnateur ou de son délégué, la
disponibilité des crédits, l’exacte imputation des dépenses aux chapitres qu’elles concernent
et, au titre du contrôle de la validité de la dett
e, la justification du service fait, l’exactitude des
calculs
de liquidation et l’application des règles de
prescription et de déchéance ;
26.
Attendu qu’en
l’absence
même de nomenclature des pièces justificatives alors applicable,
il appartenait donc
à l’agent comptable de s’assurer
, au titre du contrôle de la production des
pièces justificatives adéquates, de la production de la convention rendue obligatoire par la loi
du 12 avril 2000 susvisée à l’appui du versement de toute subvention supérieure à 23
000 €
;
27. Attendu
que le comptable a payé au cours de l’exercice 20
14 deux mandats
du 22 juillet 2014 au barreau de Lille, imputés au compte 657-1,
d’un montant respectif de
40 699,70
€
(mandat 36/14) et de 2
813,40 €
(mandat 37/14) ; que le premier de ces mandats
et
a fortiori
la somme des deux mandats, dépasse le seuil de 23 000
€ précité
; que le
comptable aurait dû
, en conséquence, suspendre leur paiement jusqu’à la production, par
l’ordonnateur, d’une convention liant le CDAD
et ledit barreau ; qu
’en s’abstenant de le faire
,
M. X a manqué à ses obligations de contrôle de la production des pièces justificatives et
engagé de ce chef sa responsabilité personnelle et pécuniaire au regard de
l’article 60 susvisé
de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
28. Attendu que pour déterminer
si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable
public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des
comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la
correc
te exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que
soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due
; que dans le cas où le comptable a
engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives
insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un
préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y
compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que l
a dépense reposait sur les
fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence, que
l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait
;
29. Attendu
qu’il résulte de la
validation
par l’assemblée générale et le conseil d’administration
du CDAD du 24 juin 2014 des versements effectués sur la base des deux mandats précités,
sur le fondement des justificatifs produits par le bénéficiaire de la subvention et annexés aux
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procès-verbaux, que le manquement du comp
table n’a pas causé de préjudice financier
au
CDAD du Nord ;
30.
Attendu qu’aux termes du deuxième alinéa du VI de l’article
60 susvisé de la loi du
23 février 1963,
« lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a
pas causé de préjud
ice financier à l’organisme concerné, le juge des comptes peut l’obliger à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce
»
;
31. Attendu que le caractère isolé du manquement constaté et la nature particulière des liens
contractuels unissant le CDAD du Nord et le barreau de Lille
, ce dernier étant l’une des parties
aux conventions constitutives du groupement
d’intérêt public
, justifient que le comptable soit
en l’espèce dispensé du paiement d’une somme non rémissible
;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
.
–
Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité
de M. X au titre de la présomption
de charge n° 1.
Article 2.
–
M. X
est dispensé du paiement d’une somme non rémissible
au titre de la charge
n°
2,
en
application
du
deuxième
alinéa
du
VI
de
l’article
60
de
la
loi
du 23 février 1963.
Article
3.
–
M.
X
est
déchargé
de
sa
gestion
du
1
er
janvier
2014
au
31 décembre 2014.
Fait
et
jugé
en
la
Cour
des
comptes, quatrième
chambre,
première
section.
Présents : Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de la formation,
M. Denis BERTHOMIER, conseiller maître, Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS,
conseillère maître, M. Patrick BONNAUD, conseiller maître.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur
ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de
la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Stéphanie MARION
Jean-Yves BERTUCCI
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Conformément aux dispositions de l’article R. 142
-20 du code des juridictions financières, les
arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation
présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le
délai de deux mois à compter d
e la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être
demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions
prévues au
I de l’article R. 142
-19 du même code.