RAPPORT PUBLIC SUR
«
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES
DU TSUNAMI DU 26 DÉCEMBRE 2004 »
------------
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
I
Pages
DØlibØrØ
....
V
Introduction ………
....
…………………………………..
1
Chapitre I – Un apport exceptionnel de moyens…..….
7
I -
L’élan sans précédent du public……………..…
9
A - Les messages de campagne
.
9
B - Les modes de collecte
......
13
C -
Les moyens de paiement
.
.
20
D -
Le montant des dons
.
22
II -
La mobilisation rapide des pouvoirs publics
..
29
A -
Le contexte : l offre financiLre internationale
.
29
B -
L engagement des diffØrentes administrations
33
C -
Les rØductions d imp ts
..
46
D -
La mobilisation des collectivitØs territoriales .. ..
47
III -
Les ressources disponibles pour les actions
dans le compte d’emploi consolidé……………
50
A - Les ressources
.. .
51
B - Les frais
imputer sur les ressources tsunami .. .
57
C - Les rØaffectations et restitutions
....
60
D -
Les ressources disponibles pour les actions
61
Chapitre II – L’emploi des fonds pendant les
dix-huit premiers mois……………………………….
65
I -
I - Phase « urgence » : des objectifs atteints..
70
A -
Le soutien logistique apportØ par l Etat
71
B - Les
diffØrents
domaines
d intervention
des
associations
.
78
II
COUR DES COMPTES
Pages
II -
Phases
« réhabilitation »
et
« recons-
truction » : des difficultés prévisibles………..
87
A -
Programmes dits « intØgrØs »
..
87
B - Eau et assainissement
..
88
C - HØbergement et logement
...
89
D - SantØ/SantØ mentale
.....
94
E - Enfance et scolarisation
..
97
G - Relance des activitØs Øconomiques
99
H - Renforcement des capacitØs institutionnelles
..
103
III -
Les ressources qui restent inemployées dans le
compte d’emploi consolidé.…………………...
107
A - Au 31 dØcembre 2005, des fonds restant
utiliser
d un montant ØlevØ
.
110
B -
Au premier semestre 2006, l accØlØration dØclarØe
de l utilisation des fonds
..
..
119
C -
Au fil du temps, un risque de dØrive
.
..
122
Chapitre III – Mise en lumière de quelques
pratiques structurantes…………………
127
I -
La question centrale de la coordination……
129
A - A Paris
.
129
B - Sur le terrain
..
137
II - Les avantages et les risques des différents
modes opératoires………………………………..
144
A -
SØlection et conduite des projets
.. .
145
B -
Suivi et Øvaluation des projets
.. .
151
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
III
Pages
III -
Le développement des contrôles………………
.....
159
A - Contr les internes
....
159
B - Contr les externes
.
161
C - Contr les institutionnels
.....
163
Chapitre IV – Quelques recommandations……………
171
I -
Pour
une
meilleure
réaction
des
administrations à une situation de crise…..….
173
A - Evaluation immØdiate et gestion de la phase
d urgence.
...
173
B - AmØnagements administratifs possibles
174
C - Information et communication
.
174
II-
Pour
une
plus
grande
transparence
des
comptes d’emploi…………………..……………...
176
A - L affectation des ressources
...
177
B -
Un compte d emploi « tsunami »
184
C -
Les comptes rendus aux donateurs
187
D - L opinion de la Cour sur la conformitØ des
dØpenses des organismes aux objectifs des appels
dons
.
191
Conclusion générale……………………………………..
193
Annexe 1
– Présentation agrégée des comptes d'emploi des
ressources des 32 organismes contrôlés par la Cour des
comptes (en valeurs brutes)…………………………………...
197
Annexe 2
– Présentation agrégée des comptes d'emploi des
ressources des 32 organismes contrôlés par la Cour des
comptes (en valeurs nettes)……………………………………
198
Annexe 3
- Schéma des flux et contrôles : l’exemple
de l’Indonésie…………………………………………………
....
199
Sigles et acronymes
……………………………………….…..
201
Réponses des administrations et des organismes ………….…
205
Rapports publiØs par la Cour des comptes en 2005 et 2006 ...
239
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
V
DÉLIBÉRÉ
La Cour des comptes publie, sous la forme d'un fascicule séparé,
un rapport intitulé «
L aide fran aise aux victimes du tsunami du
26 dØcembre 2004
»
.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du
code des juridictions financières, la Cour de comptes, délibérant en
chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au
préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes
concernés, et après avoir tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses
fournies par ceux-ci. En application des dispositions précitées, ces
réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs
auteurs.
Étaient présents : M. Séguin, premier président, MM. Fragonard,
Pichon, Picq, Sallois, Cretin, Mme Cornette, présidents de chambre,
Mme Bazy
Malaurie,
président
de
chambre,
rapporteur
général,
MM. Menasseyre,
Collinet,
Gastinel,
Delafosse,
Cieutat,
Carrez,
présidents de chambre maintenus en activité, MM. Chartier, Capdeboscq,
Vianès, Billaud, de Mourgues, Malingre, Paugam, Mayaud, Hespel,
Richard, Bayle, Gillette, Duret, Martin (Xavier-Henri), Bertrand,
Hernandez, Thérond, Mmes
Froment-Meurice, Ruellan et Bellon,
MM. Gasse, Moreau, Ritz, Duchadeuil, Moulin, Thélot, Lesouhaitier
Lefas,
Lafaure,
Mme
Fradin, MM. Braunstein, Brochier,
Delin
Mme Dayries, MM. Levy, Deconfin, Pheline, Vialla, Tournier, Courtois,
Mmes Darragon, Colomé, MM. Bonin, Vachia, Vivet, Cossin, Tenier,
Diricq, Couty, Mme Aubin-Sauliere, MM. Sabbe, Valdiguié, Lair, Hayez,
Corbin, Rigaudiat, Ravier, Rabaté, Viveret, Guaino, conseillers maîtres,
MM. Audouin, Gleizes, Schaefer, Bille, Zeller, d’Aboville, conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Était présent et a participé aux débats : M. Bénard, procureur
général de la République assisté de M. Van Herzele, chargé de mission.
Étaient présents en qualité de rapporteur et n’ont pas pris part aux
délibérations : Mme Toraille, M. Boullanger, conseillers référendaires et
Mme Daudé, M. Savy, rapporteurs.
M. de Combles de Nayves, secrétaire général, assurait le secrétariat
de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 19 décembre 2006.
VI
COUR DES COMPTES
Les contrôles dont ce rapport constitue la synthèse ont été effectués
par :
M Georges Capdeboscq, Mme Michèle Dayries, MM. Patrice Corbin
et Paul-Henri Ravier, conseillers maîtres ;
MM.
Jean-Yves
Audouin,
Benoît
d’Aboville,
Jacques
Bille,
conseillers maîtres en service extraordinaire ;
MM. Luc Machard, Robert de Nicolay, Christophe Strassel,
Mme Sylvie Toraille, MM. Philippe Duboscq et Hervé Boullanger,
conseillers référendaires ;
M. Thierry Savy, auditeur ;
Mmes Marie-Christine Dumesnil, Annick Guerber Le Gall, M. Louis-
François Prost, Mme Marie Daudé et M. Henri-Pierre Culaud, rapporteurs ;
Mme Francine Dosseh et M. Jérôme Dossi, conseillers de chambre
régionale des comptes ;
Mmes Claude Gérin-Roze, Bernadette Blanc, Véronique Avice, Sylvie
Bou Najm et Isabelle Gandin, assistantes.
Les contre-rapporteurs en ont été : MM. Bernard Menasseyre,
Jean
François Collinet, présidents de chambre maintenus en activité,
Jean
Louis Chartier, Georges Capdeboscq, Jean-Pierre Bayle, Mme Françoise
Saliou, conseillers-maîtres, et M. Jean-Yves Audouin, conseiller maître en
service extraordinaire.
L’équipe de synthèse était constituée de : M. Georges Capdeboscq,
conseiller-maître, Mme Sylvie Toraille, M. Hervé Boullanger, conseillers
référendaires, M. Thierry Savy, auditeur, Mme Marie Daudé, rapporteur, et
Mme Claude Gérin-Roze, assistante.
Ce projet de rapport avait été délibéré par la 5
ème
chambre de la Cour
le 4 octobre 2006 sous la présidence de Mme Marie-Thérèse Cornette,
présidente de chambre, en présence de M. Bernard Menasseyre, président de
chambre
maintenu
en
activité,
MM.
Jean-Louis
Chartier,
Georges
Capdeboscq, Jean-Michel de Mourgues, Jean-Pierre Bayle, Jean Hernandez,
Jean-Benoît Frèches, Claude Thélot, Mme Michèle Dayries, MM. Claude
Mollard, Jacques Ténier, Jacques Oudin, Patrice Corbin, Paul-Henri Ravier,
conseillers maîtres, Jean-Yves Audouin et François Lemasson, conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ce projet a ensuite été arrêté par le Comité du rapport public et des
programmes du 10 octobre 2006 présidé par M. Philippe Séguin, premier
président, avant d’être communiqué, par extraits, aux administrations et
organismes concernés.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
1
Introduction
Le raz-de-marée consécutif au séisme intervenu le 26 décembre
2004 au large de l’Indonésie
1
a entraîné la mort ou la disparition de
240 000 personnes et provoqué des dégâts estimés à 10 milliards de
dollars
2
.
Il
a
très
vite
suscité
une
mobilisation
institutionnelle
(gouvernements, Union européenne, ONU) inédite et une générosité
publique « planétaire » : au niveau mondial, les promesses d’aide
publique et privée se sont élevées à 13,6 Mds$
3
.
En France aussi, l’élan de générosité suscité par l’émotion, le
sentiment de solidarité et de proximité - voire d’identification - avec les
victimes, a été amplifié par la couverture continue de la catastrophe
qu’assuraient les médias. Redoublé par la mobilisation de personnalités
publiques, il a dépassé de beaucoup ce que les organismes caritatifs
avaient pu connaître à l’occasion de précédentes calamités. Il a été relayé
par les très nombreuses initiatives qu’ont prises l’État, les collectivités
territoriales, les entreprises et même les particuliers. Aucun critère
objectif - ni le nombre de victimes ni l’ampleur des besoins - ne peut
d’ailleurs expliquer la disproportion constatée avec le montant collecté
après le tremblement de terre intervenu en octobre 2005 au Pakistan.
Dans les zones frappées, les survivants ont apporté les premiers
secours. L’aide internationale est arrivée rapidement, mais a mis du temps
à s’organiser efficacement et à nouer un partenariat utile avec les autorités
nationales. Il est rapidement apparu que les pertes et dévastations, pour
terrifiantes qu’elles fussent, appelaient des actions qui n’étaient pas
nécessairement celles qui avaient été d’abord envisagées et qu’une aide
efficace supposait, au-delà d’une nécessaire coordination, une réflexion
sur la nature de l’urgence et sur son articulation avec la réhabilitation et la
reconstruction des habitats, infrastructures, activités et services publics
détruits.
1) Qui a touché onze pays (huit en Asie et trois en Afrique). Un nouveau séisme a
frappé l’île de Nias
et le nord de Sumatra (Indonésie) le 28 mars 2005.
2) Rapport du Président W. J. Clinton, envoyé spécial du Secrétaire général de
l’ONU, Tsunami Recovery : taking stock after 12 months, décembre 2005.
3) Estimation reprise dans le « rapport Clinton » précité.
2
COUR DES COMPTES
La crainte a été assez vite exprimée, notamment en France, que
l’élan qui avait soulevé le pays se voie trahi par une mise en oeuvre trop
lente ou mal adaptée. Les organismes devaient, en effet, trouver les
réponses idoines au décalage manifeste entre les besoins de l’aide
immédiate aux victimes et le déferlement de dons dont ils bénéficiaient.
La Croix-Rouge française, qui a recueilli à elle seule plus du tiers des
dons, a vu sa collecte internationale multipliée par dix. Les montants
rassemblés dépassaient objectivement les besoins de la phase d’urgence.
Sauf pour ceux qui ont choisi de réaffecter une partie des dons à d’autres
causes
4
, s’adapter à ce changement d’échelle devait nécessairement
prendre du temps et requérir la maîtrise de nouveaux « métiers ».
Le 19 janvier 2005, lors de l’audience de rentrée de la Cour, son
Premier Président avait pris un engagement solennel :
« Il revient à notre juridiction d’être la principale garante des
conditions dans lesquelles se sera traduit, concrètement, l’exceptionnel
mouvement de solidarité suscité par la catastrophe qui vient de frapper les
populations de l’Océan Indien.
Au plan national, la Cour assumera la mission que lui a confiée le
législateur de contrôler les comptes d’emploi des organismes faisant
appel à la générosité publique. Elle vérifiera si l’intention des donateurs a
toujours été respectée ainsi que le bon usage des fonds collectés.
Au plan international, c’est également à la Cour qu’il reviendra, en
sa qualité de commissaire aux comptes de l’Organisation des Nations
Unies, chargé notamment, à ce titre, du contrôle du Bureau de
coordination des actions humanitaires, de vérifier, le moment venu, si les
contributions nationales annoncées ont bien été versées et d’apprécier les
conditions de leur utilisation.
Tant à Paris qu’à New York, la Cour veillera à adapter le rythme et
le format de ses contrôles, dont nombre auront lieu sur place, pour
répondre à l’attente légitime de l’opinion. »
La Cour des comptes est en effet triplement concernée par le
contrôle de l’aide apportée aux victimes du tsunami. En tant que membre
du comité des commissaires aux comptes des Nations unies, le Premier
président participe avec les deux autres commissaires, aux travaux d’audit
des services, fonds et programmes de l’ONU. En deuxième lieu, l’examen
de l’action des différents ministères impliqués, notamment des ministères
des affaires étrangères, de la défense et des finances, s’inscrit dans le
cadre des missions classiques de la Cour. Enfin, la mission spécifique de
4) « À ceux que le monde oublie », dit Médecins du monde.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
3
contrôle des comptes d’emploi des organismes faisant appel à la
générosité publique, que lui a confiée la loi du 7 août 1991, l’habilite à
contrôler l’utilisation qui a été faite par ces organismes des dons recueillis
à la suite de la catastrophe de l’Océan Indien.
La Cour a dressé en 2005 un premier état des lieux, en s’informant
auprès des responsables de la délégation interministérielle post-tsunami
5
(puis de la coordination post-tsunami) et de la délégation à l’action
humanitaire
6
, ainsi que du Comité de la charte
7
du don en confiance, qui a
demandé à ses membres d’établir et de rendre publics des comptes rendus
de leurs réalisations, et en interrogeant 36 organismes qui avaient collecté
des fonds de manière significative. Elle a présenté des premières
observations sur le montant des dons recueillis et les dépenses effectuées
dans son dernier rapport public annuel
8
.
Le contrôle des « fonds tsunami » a fait aussi l’objet, dès le second
semestre 2005, d’échanges entre la Cour et les autres institutions
supérieures de contrôle des finances publiques, ainsi qu’avec la Cour des
comptes européenne.
En définitive, 32 organismes ayant fait appel à la générosité
publique ou ayant reçu des fonds ainsi obtenus
9
ont été sélectionnés. Les
sommes recueillies par eux - comprises entre 94 541 €
et 115,8 M€ -
avoisinent au total 330 M€, soit les neuf dixièmes des fonds collectés en
France. Les contrôles, notifiés par le Premier Président en février 2006, se
sont déroulés entre mars et juin 2006. 24 magistrats, rapporteurs et
assistants les ont conduits et ont établi un rapport d’instruction sur les
5) Délégation interministérielle à l’aide de la France aux États affectés par la
catastrophe du 26 décembre 2004 (décret du 18 janvier 2005).
6) Le Président de la 5ème chambre de la Cour est intervenu lors du forum « Le
tsunami, 6 mois après : quelle solidarité, quels enseignements ? », organisé le 15 juin
2005 par le Conseil d’orientation à l’action humanitaire d’urgence.
7) Le Comité de la charte de déontologie des organisations sociales et humanitaires
faisant appel à la générosité du public, devenu en 2005 "comité de la charte du don en
confiance", a été créé en novembre 1989 par des associations et fondations qui ont
élaboré et signé une charte de déontologie. Il regroupe aujourd'hui 55 organismes ; 18
des 32 organismes dont la Cour a contrôlé le compte d’emploi « tsunami » en sont
membres.
8) Voir l’observation sur les travaux de la Cour des comptes dans le domaine des
appels à la générosité publique, au Rapport public annuel de février 2006 (p. 738).
9) La Cour a compétence non seulement pour contrôler les comptes d’emploi des
ressources collectées auprès du public dans le cadre de campagnes menées à l’échelon
national (art. L. 111-8 du code des juridictions financières reprenant les dispositions
de la loi n° 91-772 du 7 août 1991), mais aussi pour conduire des vérifications auprès
des organismes qui reçoivent de ceux qui ont procédé aux campagnes nationales des
ressources collectées dans le cadre de celles-ci (alinéa ajouté à l’article L. 111-8 par la
loi n° 96-559 du 24 juin 1996).
4
COUR DES COMPTES
opérations décrites dans les comptes d’emploi 2005 de chaque organisme.
Une méthodologie commune a été définie pour l’établissement d’un
compte d’emploi combiné des ressources apportées par la générosité
publique aux 32 organismes contrôlés
10
.
Des missions de terrain ont été effectuées, en Indonésie, au Sri
Lanka et en Thaïlande, afin de poursuivre les vérifications tant auprès des
antennes des organismes français contrôlés
11
que sur les sites où ils sont
intervenus. Elles ont permis aussi de rencontrer, par l’intermédiaire des
ambassades de France, les autorités nationales chargées de coordonner les
opérations d’aide aux populations frappées par le tsunami. Grâce aux
accords de coopération passés entre le Premier président de la Cour des
comptes française et ses homologues indonésien, sri lankais et
thaïlandais, ces missions ont été conduites conjointement par les
magistrats et rapporteurs de la Cour et les auditeurs de l’institution
supérieure de contrôle des finances publiques du pays concerné, qui ont
fait bénéficier les premiers de leur connaissance de la langue, du terrain et
des institutions ainsi que de leur expertise professionnelle.
Parallèlement, la Cour a examiné l’action des services du Premier
ministre, du ministère des affaires étrangères, du ministère de la défense
et du ministère de l’intérieur à l’occasion de la catastrophe du tsunami
ainsi que l’aide de la France aux pays touchés par le tsunami gérée par le
ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, étant précisé que
la dépense publique non remboursable
12
a été de l’ordre de 337 M€, dont
plus de 127 M€ de réductions d’impôts accordées aux donateurs,
particuliers ou entreprises.
Comme le prévoit le code des juridictions financières, les
observations de la Cour ont été arrêtées collégialement, après examen
contradictoire de ses constatations provisoires avec les organismes
vérifiés et les personnalités ou organismes tiers éventuellement
concernés. Les présidents ou directeurs de six organismes ont été
entendus, à leur demande, par la Cour en septembre et octobre 2006
13
.
Le présent rapport synthétise les constatations de la Cour.
10) Voir infra annexes 2 et 3.
11) Six en Indonésie, neuf au Sri Lanka, cinq en Thaïlande.
12) Une enveloppe de prêts à taux très concessionnels (inférieurs au taux de marché)
de 300 M€ a été accordée, le taux de consommation n’est encore que du tiers.
13) Fondation de France, Croix-Rouge française, Secours islamique français, Action
contre la faim, Solidarités – Aide humanitaire d’urgence, Médecins du monde.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
5
Le premier chapitre examine le rassemblement exceptionnel de
fonds, d’origine privée ou publique, pour venir en aide aux victimes du
tsunami, l’intense mobilisation des pouvoirs publics et des différents
acteurs privés et le niveau élevé des ressources qui en est résulté dans les
organismes contrôlés.
Le deuxième chapitre présente et analyse les actions qui ont été
conduites sur le terrain, en urgence et hors urgence, grâce à ces fonds et à
cette mobilisation, et s’intéresse en particulier à la masse importante des
ressources non utilisées enregistrées au 31 décembre 2005.
Le troisième chapitre met en lumière quelques pratiques
structurantes de l’action en matière de coordination, de typologie des
acteurs et de développement des contrôles.
Les recommandations de la Cour, celles qui s’adressent aux
pouvoirs publics et celles qui sont destinées aux organismes, sont
rassemblées dans le dernier chapitre.
6
COUR DES COMPTES
Carte d’ensemble des pays touchés et des zones concernées,
Chapitre I
Un apport exceptionnel de moyens
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
9
I
-
L’élan sans précédent du public
Les images du tsunami, très vite relayées par les médias, ont
provoqué un élan de générosité sans précédent de la part du public, mais
aussi des entreprises et d’autres partenaires privés. Le message qui a
dominé l’appel aux dons dans les jours qui ont suivi la catastrophe était
avant tout axé sur l’urgence.
A - Les messages de campagne
1 -
Un message insistant sur l’urgence
Les premières images retransmises par les médias mettaient l’accent
sur l’immédiateté de la tâche à accomplir. Les associations, qui devaient
intervenir dans les jours qui ont suivi la catastrophe et avaient donc besoin
de fonds rapidement, savaient que les donateurs sont sensibles à la notion
d’urgence humanitaire.
Les messages qui ont suivi la catastrophe ont donc quasiment tous
reposé sur l’urgence. Ainsi, Action contre la faim (ACF) a distribué des
affiches s’intitulant « Urgence Asie, maintenant c’est l’eau qui manque » ou
« Urgence Sri Lanka ». La lettre qui accompagnait les bulletins de soutien
de Médecins du Monde comprenait l’en tête « Urgence Raz de marée
Asie ». Le message radio du Secours catholique précisait : « l’urgence est
de secourir, nourrir, soigner et abriter les survivants ». Même les
associations de développement ont, à l’occasion du tsunami, évolué vers
l’urgence, car « il fallait être présent » ; elles ont publié des messages
offrant les deux possibilités : don ponctuel et soutien dans la durée.
Bien que la vocation du Secours populaire soit « d’intervenir sur des
programmes de longue durée en faveur du développement économique et
social des populations les plus pauvres davantage que sur les opérations
d’urgence », les différents appels aux dons étaient intitulés « urgence Asie
du Sud Est ».
Il y a eu cependant
des exceptions : des associations dont l’urgence
n’est pas le métier sont restées, dès leur message de départ, fidèles à leur
spécialité. Ainsi en a-t-il été du Comité catholique contre la faim et pour le
développement (CCFD) qui a précisé dans son premier communiqué de
presse qu’il « n’intervient pas dans l’urgence immédiate mais entend
soutenir les associations à court et moyen terme pour qu’elles puissent
reconstruire leurs locaux ». La plupart des associations agissant dans le
domaine de l’enfance, notamment par le biais du parrainage, ont insisté sur
le fait que l’aide était une urgence, mais qu’elle s’inscrivait dans la durée.
10
COUR DES COMPTES
Elles ont annoncé, dès leur message initial, la pluralité de leurs
interventions. Le message général des outils de campagne de Aide et
Action précisait ainsi : « Après la survie, le développement ! Se
reconstruire après l’urgence ». Le publipostage du Centre français de
protection de l’enfance (CFPE) soulignait que l’aide « servira dans un
premier temps à couvrir les besoins immédiats de la population sur place,
puis à reconstruire des écoles, des dispensaires, des orphelinats… ». Le
Bureau international catholique de l’enfance (BICE) insistait : « Faites un
don d’urgence… Soutenez le projet dans la durée. »
Dans les semaines qui ont suivi la catastrophe, les associations
contrôlées par la Cour qui n’avaient pas annoncé ce double objectif mais
avaient centré leur communication sur l’urgence, ont eu des attitudes
diverses.
Alors qu’elles savaient que les fonds perçus dépassaient les
besoins de l’urgence immédiate et qu’elles allaient se lancer dans des
opérations de reconstruction à plus long terme, certaines d’entre elles
n’ont pas modifié leur communication ni le sens de leur message.
Ce fut le cas de Médecins du Monde qui a conservé sur son site
Internet la lettre de sa présidente axée sur l’urgence jusqu’au mois de
mars 2005. Les donateurs ont été cependant régulièrement informés du
contenu des projets par le journal trimestriel de l’association et le site
Internet lui-même. Ce fut le cas également du Secours catholique, dont le
message initial a été clairement orienté sur l’urgence, et qui a privilégié
dès 2005 des projets échelonnés sur plusieurs années, en élargissant
rapidement la notion de victime à celle de « victime indirecte », mais sans
que le donateur en soit informé.
D’autres associations ont en revanche modifié leur message : ce fut
le cas de quatre des 32 organismes contrôlés.
Solidarités - Aide humanitaire d’urgence a précisé dans son
publipostage du 13 avril 2005 – qui a eu d’ailleurs peu de succès : « au
Sri Lanka, il y a encore tellement à faire ! ». Dans le cas des OEuvres
hospitalières françaises de l’Ordre de Malte, les premiers communiqués
de presse étaient clairement orientés sur l’urgence, mais très vite les
besoins d’urgence ont été pris en charge par « Malteser international »,
nouvelle structure qui a piloté l’action internationale d’urgence de
l’Ordre, et les messages ont évolué. La Croix-Rouge française et
Electriciens sans frontières ont fait de même, cette dernière association
précisant : « la reconstruction sera longue ».
On peut cependant noter que si la Croix-Rouge française, à
compter de la mi-janvier, a commencé à évoquer les notions
d’humanitaire durable et de « redémarrage de la vie économique et
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
11
sociale », et a ensuite informé le donateur de l’évolution de ses missions
par son site Internet, ses communiqués de presse ou ses brochures, les
deux tiers des dons des particuliers ont été adressés lors du pic médiatique
du « tsunami ». Les responsables de l’institution considèrent d’ailleurs
que son rôle dans la phase d’accueil des familles de victimes a été
déterminant dans le flux des dons en lui assurant une grande visibilité
dans les médias. Ces dons ont donc été collectés sur la base de l’urgence
mais massivement affectés à des opérations de reconstruction. Compte
tenu des dates, il est clair qu’une faible partie seulement des dons reçus
par la Croix-Rouge française ont été suscités par les déclarations de son
président en faveur de « l’humanitaire durable ».
2 -
Un message parfois peu précis
Les organismes ont rarement précisé dans leurs messages initiaux
quel serait leur terrain exact d’intervention géographique. Nombre d’entre
eux font mention de l’Asie (« Séisme Asie ») ou de l’Asie du Sud. Si l’on
considère l’importance des dons spontanés arrivés sans mention, ou avec
seulement la mention « Asie », il semble bien que cette affectation aux
zones touchées par le raz-de-marée corresponde à la volonté du donateur
pendant la période concernée.
En ce qui concerne les projets, les précisions apportées par les
organismes allaient rarement au-delà de ce qui découle classiquement de
leur mission : construction d’un village pour SOS Villages d’enfants,
réhabilitation d’un orphelinat pour le Centre français de protection de
l’enfance (CFPE), nourriture, soins ou hébergements d’urgence pour la
quasi-totalité des autres.
Une troisième source d’ambiguïté est l’appartenance de certaines
associations contrôlées par la Cour à un réseau plus vaste, qui a servi de
support de financement aux actions engagées pour les victimes du
tsunami. Cette appartenance à un réseau n’a, en effet, que rarement été
évoquée dans les messages aux donateurs.
Ainsi en a-t-il été par exemple des messages du Secours catholique
qui ne mentionnaient pas l’appartenance au réseau Caritas ni les
contraintes qu’elle impliquait, notamment pour le choix des projets et des
partenaires mais aussi pour les coûts d’animation et de coordination du
réseau. Les messages de SOS Villages d’enfants ont toujours porté sur
l’action du réseau SOS-VE et non sur celle de l’association française qui
co-finance (avec l’Allemagne et la Suède) des programmes mis en oeuvre
par les associations nationales du réseau. Sur les huit communiqués de
presse du Comité français pour l’UNICEF, seul le dernier a mentionné
explicitement UNICEF France.
12
COUR DES COMPTES
Les appels aux dons de Care France ont bien été faits au profit de
celui-ci, mais avec un en-tête au nom de Care, et sans distinguer son action
de celle de Care International. Les messages des OEuvres hospitalières
françaises de l’Ordre de Malte parlaient, de même, de « l’Ordre de Malte »
de façon générale. Dans les appels à dons du Secours islamique français,
s'entremêlent les appellations de "Secours islamique" désignant dans
l'esprit de leurs concepteurs l'organisation internationale "Islamic Relief
Worldwide", basée en Grande-Bretagne
et "Secours islamique France"
14
.
Dans ces différents cas, le donateur n’était pas en mesure de
distinguer entre l’organisme auquel il pensait faire un don, celui qui
recevait réellement les fonds, et celui enfin qui les utilisait.
3 -
La question de l’arrêt de la collecte
Trois des 32 organismes contrôlés par la Cour ont officiellement
demandé aux donateurs de cesser d’envoyer des dons, alors même que les
appels à dons d’autres associations s’amplifiaient sur la période : il s’agit
de Médecins sans frontières, de Handicap International et du Comité
français pour l’UNICEF.
Le mouvement d’arrêt de la collecte a été initié par MSF le 3 janvier
2005. Habituellement, afin de limiter la collecte de dons affectés et de
l’adapter aux budgets, le mouvement MSF applique un système de
régulation international qui rapproche les prévisions budgétaires des
centres opérationnels et les estimations de collecte en fonds affectés. Le 3
janvier 2005, la collecte internationale de fonds des 19 sections de MSF
s’élevait déjà à 40 M€ (à titre de comparaison, cette somme correspond à
l’intervention de l’ensemble des sections opérationnelles de MSF au
Darfour en 2004). Le même jour, MSF France a donc décidé d’arrêter la
collecte de fonds pour l’Asie, démarche partagée par l’ensemble du
mouvement. En effet, les budgets établis à la suite des évaluations et de la
définition des programmes s’élevaient pour l’ensemble des centres
opérationnels à 25 M€, somme bien inférieure aux montants collectés.
MSF France a pris deux mesures immédiates : l’arrêt des dons en ligne et
la demande adressée aux médias de ne plus publier les coordonnées de la
boîte postale dédiée. L’association a décidé aussi de réserver ses
explications aux internautes et aux donateurs. C’est ultérieurement qu’elle
s’est justifiée auprès du grand public. En dépit de ces messages de
suspension de la collecte, les dons ont continué à affluer (encore 5 M€ pour
MSF France), pour atteindre 110 M€ pour l’ensemble du mouvement.
14) Dont l'intitulé du site Internet dédié aux dons en ligne -
www.secours-
islamique.org/dons
- entretient la confusion.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
13
Le 19 janvier 2005, Handicap International a pris la même décision
que MSF, en mettant en regard les évaluations des besoins et les montants
collectés nettement supérieurs. Un souci d’apaisement, à une époque où
les débats entre certains acteurs humanitaires étaient relativement vifs sur
cette question, et aussi le désir de ne pas pénaliser les petits organismes
qui avaient besoin de la collecte, ont conduit l’association à retenir une
politique de communication discrète qui a consisté, dans un premier
temps, à arrêter toute publication d’encarts dans les médias et à informer
les internautes via le site de Handicap. Dans un deuxième temps, un
courrier explicatif joint à l’envoi des reçus fiscaux a expliqué aux
donateurs pour quelles raisons il avait été décidé de mettre fin à la
collecte : « nous ne pensons pas non plus légitime d’immobiliser sur
plusieurs années des sommes en surplus, tandis que d’autres populations
ont besoin de nous ».
Enfin, le 26 janvier 2005, le Comité français pour l’UNICEF a
publié un communiqué indiquant que « l’UNICEF devrait bientôt avoir
couvert
son
appel
d’urgence
et
probablement
les
besoins
de
reconstruction à plus long terme » : « l’UNICEF France appelle
désormais le public à soutenir ses programmes de développement et
toutes ces
urgences silencieuses
qui méritent l’attention de tous ». Le
24 janvier 2005, la directrice générale de l’UNICEF avait fait connaître la
décision d’arrêter au plan mondial « toute nouvelle initiative » pour la
collecte de fonds envers les victimes du tsunami.
Certains organismes ont regretté qu’il ne soit pas apparu plus
clairement que la décision de MSF était avant tout liée au caractère
« urgentiste » et spécialisé de l’association.
B - Les modes de collecte
Face au tsunami et à la médiatisation immédiate dont il a fait
l’objet, les associations ont réagi de façon différente. Certaines se sont
organisées tout de suite pour susciter l’appel aux dons. D’autres, devant
l’afflux de dons spontanés, ont renoncé à faire des appels à dons
traditionnels.
Ainsi Action contre la faim (ACF) qui avait commencé à
sélectionner des donateurs potentiels pour le tsunami au sein de ses
fichiers, a-t-elle abandonné l’idée d’un publipostage « afin de ne pas
avoir un message trop en décalage avec le terrain »
15
et décidé d’affecter
tous les dons spontanés reçus jusqu’au 31 mars 2005 au tsunami. Le
rapport moral 2005 souligne que des dons importants ont été recueillis
15) Comité de direction du 11 janvier 2005.
14
COUR DES COMPTES
« sans les solliciter ni rien dépenser pour les obtenir ». La Croix-Rouge
française n’a pas non plus adressé de publipostage spécifique ; elle avait
déjà reçu 38 M€ fin décembre 2004, sans avoir fait d’autre appel aux
dons que l’ouverture de la boîte postale 100 dès le 26 décembre.
En revanche, de nombreuses associations ont lancé des campagnes
spécifiques, soit selon les modalités qu’elles avaient l’habitude d’utiliser,
soit en expérimentant des outils de campagne nouveaux.
1 -
Les moyens classiques
Sur les 32 organismes contrôlés par la Cour, 16 ont eu recours à
des publipostages « tsunami » : Médecins du Monde en a adressé trois le
3 janvier 2005, à 900 000 donateurs ; la Chaîne de l’espoir a envoyé un
publipostage « SOS enfants d’Asie » qui a rapporté 55 % des dons reçus ;
le Secours Catholique a sollicité 137 000 personnes le 5 janvier 2005 et
Handicap International 635 669 donateurs potentiels entre le 30 décembre
et le 5 janvier 2005.
Ces publipostages ont en général reçu un accueil très favorable des
donateurs. Celui de Handicap International a, par exemple, obtenu un
taux de retour de 13,7 %, nettement supérieur au taux habituel qui est de
l’ordre de 8,3 %. La cible visée varie selon les associations et selon le
type de publipostages (de fidélisation ou de prospection). Ainsi certaines
associations ont fait appel aux donateurs qui avaient fait un don dans les
18 derniers mois (la Chaîne de l’Espoir), dans les 24 derniers mois
(Médecins du Monde), ou au cours des dix dernières années (Solidarités -
Aide humanitaire d’Urgence).
La
prospection
téléphonique,
autre
outil
« classique »
de
campagne, a été en revanche relativement peu utilisée pour le tsunami,
puisque quatre associations seulement y ont eu recours. La mise en place
d’un numéro indigo par le Collectif Asie - Enfants isolés a été un échec.
Grâce au relais des médias, les associations ont encouragé les dons
« spontanés » en informant de l’ouverture de boîtes postales spécifiques
(Médecins du Monde, Croix-Rouge française, Secours Catholique).
Enfin, l’affichage dans les lieux publics a été largement utilisé. Le
Secours catholique a tiré à 60 000 exemplaires des affiches suscitant
l’appel aux dons.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
15
2 -
Les nouvelles technologies : le rôle d’Internet
Le tsunami a marqué, pour nombre des associations contrôlées par la
Cour, un tournant dans l’utilisation d’Internet comme moyen de prospection
des donateurs.
Très rapidement, un grand nombre d’associations ont, en effet
introduit une rubrique tsunami, permettant de faire des dons en ligne et
aussi d’informer les internautes sur la catastrophe et sur les premières
actions menées sur place.
ACF a édité une lettre d’information « Spécial Asie » en janvier
2005. La lettre signée de la présidente sur le site de Médecins du monde a
déjà été évoquée. Le Comité français pour l’UNICEF a fait figurer sur son
site une bannière et une page d’appel à don.
En juin 2006, de nombreux sites comprenaient encore une rubrique
tsunami, dans laquelle les associations engagées dans des actions de
reconstruction et de développement présentaient un bilan des projets
réalisés et les projets en cours. C’était le cas par exemple de deux
associations de taille aussi différente que la Croix-Rouge française et
Solidarités - Aide humanitaire d’urgence.
Les associations contrôlées ont constaté dans leur ensemble un
« effet tsunami » sur la fréquence de l’utilisation d’Internet. Sur le site de la
Croix-Rouge française, le nombre de visites a été multiplié par quinze en
janvier 2005 (133 000 visites par jour), par rapport à la moyenne mensuelle
de 2004. Le trafic s’est ensuite stabilisé à un niveau deux fois supérieur à la
moyenne de l’année précédente. De la même façon, alors que la moyenne
mensuelle de personnes fréquentant le site du Secours catholique oscillait
entre 10 000 et 30 000 fin 2004, le nombre des visiteurs est passé à 173 776
en janvier 2005, dont 95 578 du 1
er
janvier au 9 janvier 2005, pour se
stabiliser ensuite autour de 40 000 ; 20 000 nouveaux donateurs internautes
ont ainsi été comptabilisés sur l’année 2005.
De plus, des associations ont fait figurer des bandeaux avec des
appels aux dons sur d’autres sites que le leur : c’est ainsi que Aide médicale
internationale (AMI) a vu une bannière circuler à sa demande sur Google
France et Yahoo France dans les jours qui ont suivi la catastrophe. 1500
webmestres ont utilisé les bannières d’appel à dons de la Croix-Rouge
française.
En revanche, le publipostage électronique est une pratique de
campagne encore assez peu développée et le tsunami a peu fait évoluer les
choses dans ce domaine : 7 organismes seulement sur les 32 contrôlés par la
Cour font état de l’utilisation de ce mode de prospection, toujours dans de
faibles proportions et avec un faible taux de retour.
16
COUR DES COMPTES
On peut cependant noter la mise en place d’une pratique originale :
le publipostage électronique collectif (« bus e-mailing ») qui a concerné
six associations
16
, dont quatre ont été contrôlées par la Cour. 300 000
donateurs potentiels ont été ainsi contactés par un message unique des six
associations, offrant un lien avec le site de chacune, le 19 janvier 2005 et
le 1
er
février 2005.
3 -
Des initiatives originales
Après le tsunami se sont multipliées des initiatives de collecte
originales, qui sont restées ponctuelles, mais qui ont eu un fort impact
médiatique dans le contexte émotionnel de la période.
a)
Les initiatives des organismes caritatifs
Plusieurs associations ont fait appel à des artistes, afin de relayer
l’appel au don. Un mesage télévisé avec le comédien Pierre Mondy a
ainsi été enregistré pour le Comité français pour l’UNICEF et un spot
radio l’a été avec la comédienne Aure Atika pour l’association Aide
médicale internationale (AMI).
Ensuite,
des
événements
ont
été
organisés
par
certaines
associations : la Croix-Rouge française a ouvert des stands dans des
centres commerciaux, des mairies ou des entreprises ; l’association Aide
et Action a distribué 50 000 dépliants d’aide au parrainage dans les TGV.
La presse enfantine a été sollicitée aussi : le BICE a fait paraître un
encart dans un numéro de Pomme d’Api ; les éditions Milan ont consacré
le premier numéro de l’année 2005 du journal Toboggan aux victimes du
tsunami, et reversé la recette (72 000 €) à Solidarité Laïque. Le journal
Marie-Claire a sollicité de même ses lectrices pour le Collectif Asie -
Enfants isolés.
On peut enfin noter que certaines associations ont sollicité aussi
leurs propres salariés, comme SOS Villages d’enfants.
16) Enfants réfugiés du Monde, Ordre de Malte, Chaîne de l’Espoir, Plan, SOS
Villages d’enfants et Centre français de protection de l’enfance.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
17
b)
Les initiatives des artistes
Le monde artistique s’est également mobilisé directement pour
financer les associations.
Une vente aux enchères d’oeuvres de 80 artistes a été organisée à
l’Arche de la Défense au profit de l’AMI. Le chanteur Patrick Bruel a
enregistré un album, dont le produit de la vente et des droits de diffusion
a été intégralement reversé au Collectif Asie - Enfants isolés, qui a ainsi
perçu 1 M€ en 2005. Care France a de même organisé une soirée au
Zénith de Lille, avec la Voix du Nord et la FNAC, dont la moitié des
recettes lui a été reversée ; en revanche, un disque enregistré pour Care
par plusieurs chanteurs, « La terre est en colère », a été un échec
commercial.
c)
Les initiatives des entreprises
Les entreprises ont pris le plus souvent contact directement avec
les associations au terme d’initiatives ponctuelles et locales et à la
demande de leurs salariés. Le Secours catholique, interrogé par des
entreprises sur les modalités selon lesquelles elles pouvaient associer
leurs salariés au mouvement de solidarité, a transmis des affichettes et des
tracts « Séisme Asie du Sud », mentionnant ses adresses Internet et
postale. L’information envers les salariés des entreprises donatrices a
ensuite été réalisée par différents canaux : lettres de remerciement,
organisation de manifestations conviviales au sein des entreprises
(Bouygues Télécom, France Télécom et Orange), organisation au siège
du Secours catholique d’une rencontre « 100 jours après » pour les
entreprises ayant donné plus de 1 500 €.
Les dons de salariés peuvent dépendre de l’objet de l’association,
de celui de l’entreprise et de leurs activités respectives : Electriciens sans
frontières, par exemple, a reçu 212 000 € de la part des salariés d’EDF.
Des entreprises ont aussi sollicité directement leurs clients. C’est
ainsi que des banques, comme le Crédit Mutuel pour le Collectif Asie -
Enfants isolés et le Crédit Lyonnais pour le CFPE, ont lancé un appel à
dons auprès de leur clientèle. Dans le premier cas, 8 000 personnes ont
donné plus de 160 000 €. Dans le second cas, un partenariat de six ans, au
profit de l’enfance, prend la forme d’un cumul de « points avantage » qui
permettent, lorsqu’ils sont liquidés, de faire un don ; 43 000 € ont ainsi
été collectés pour les victimes du tsunami.
18
COUR DES COMPTES
On peut également citer les campagnes spécifiques dites de
« produits partage
17
» menées par La Redoute, qui versait 10 € à Aide et
Action lorsque les clients achetaient un ours en peluche, ou par les
supermarchés Leclerc, qui ont annoncé pour chaque passage en caisse le
samedi 15 janvier 2005 le versement de 1 € à La Voix de l’enfant. Des
chaînes de restauration ont reversé 1 € sur chaque coupe de champagne
vendue, ou 1 € par repas enfant consommé.
4 -
La mobilisation des médias
Toutes les associations contrôlées soulignent le rôle des médias
pour sensibiliser le grand public à la cause des victimes de la catastrophe
asiatique. Cette mobilisation des médias a pu être spontanée, elle a aussi
été sollicitée.
a)
L aide spontanØe des mØdias
Les médias ont diffusé par exemple les coordonnées des
associations les plus connues du grand public, parfois sans avoir sollicité
leur accord. Ce fut le cas pour ACF, qui a dû bâtir en réaction sa propre
politique de communication, plus fidèle à ses principes d’intervention,
avant de décider que tous les dons spontanés arrivés dans les semaines
qui ont suivi le tsunami seraient affectés à cette cause, même s’il n’en
était pas fait explicitement mention.
De la même façon, le journal Le Monde a publié le 12 janvier 2005
une page entière « Solidarité Asie »
18
, avec les coordonnées d’une
vingtaine d’associations. La Croix a fait de même dans ses éditions des 5
et 14 janvier 2005 : au bas de la page traitant de la catastrophe asiatique
figurait un encart « où donner », avec les coordonnées de treize
associations. Ce sont encore la presse et la radio qui ont appelé aux dons
par SMS (voir infra), au travers d’une campagne qui visait avant tout un
public jeune.
17) Une aide est versée en échange de l’achat d’un produit ou d’un service.
18) « Le Monde s’associe à l’effort collectif mené par les associations et publie une
liste pratique de leurs coordonnées pour envoyer vos dons par courrier, téléphone,
Internet ou pour certaines par SMS. »
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
19
b)
Les appels aux mØdias
Les médias ont été sollicités pour la diffusion des coordonnées des
associations, de communiqués de presse (la plupart des associations
contrôlées par la Cour ont déclaré avoir fait plusieurs communiqués de
presse), d’annonces réalisées spécifiquement (l’annonce réalisée par le
Secours Catholique a ainsi fait l’objet de 38 parutions et de 9 millions de
passages), de messages radiodiffusés ou télévisés (interviews des présidents
d’association, comme dans le cas de l’AMI par RMC et Europe 1, messages
préenregistrés comme dans le cas du Secours catholique).
La presse régionale a été souvent sollicitée. Handicap International a
ainsi lancé l’opération « 1000 parrains et marraines solidaires pour le Sri
Lanka » avec le quotidien régional Le Progrès. L’association Pompiers sans
frontières, dont le siège se trouve à Marseille, a diffusé quatre
communiqués de presse auprès de la presse provençale et des médias
nationaux. France 3 Midi Pyrénées a fait un reportage sur une infirmière de
l’AMI au Sri Lanka.
Le concours des médias a été souvent gracieux, soit parce que les
associations le sollicitaient elles-mêmes, soit parce que des agences
spécialisées dans la négociation d’espaces gratuits jouaient un rôle
d’intermédiaire, comme ce fut le cas par exemple pour le Secours
catholique. Neuf organismes sur les 32 contrôlés par la Cour ont déclaré
avoir bénéficié d’un recours gratuit aux médias (encarts dans la presse,
bandeau au journal télévisé, messages radio).
Dans le domaine audiovisuel, les coordonnées de l’AMI ont été
affichées en boucle, sous forme de bandeau, au journal de treize heures de
France 2 trois jours durant, du 30 décembre 2004 au 1
er
janvier 2005. Le
spot sur le parrainage d’Aide et Action a été diffusé gratuitement sur Canal
Plus. 245 spots de Care France ont été diffusés gratuitement sur le câble et
six sur TF1.
Dans le domaine de la presse écrite, la Croix-Rouge française fait
état de 41 annonces presse gratuites. Le Comité français pour l’UNICEF
recense 64 annonces gratuites dans la presse nationale. Quatre quotidiens et
quatre magazines ont diffusé gratuitement des appels aux dons pour l’AMI.
Le journal La Croix a également lancé une campagne d’appel à dons, tout
au long du dernier trimestre 2005, sur le thème « La Croix se mobilise pour
l’Asie dans la durée ». Le quotidien proposait à ses lecteurs de soutenir
deux projets de reconstruction de villages, l’un du CCFD et l’autre du
Secours Catholique.
20
COUR DES COMPTES
Les médias ont donc joué un rôle majeur dans la campagne d’appel à
dons pour le tsunami. On peut noter parfois une certaine confusion dans les
messages relayés : ainsi en a-t-il été de l’appel de Soeur Emmanuelle pour
50 000 enfants sans parents, qui a conduit d’ailleurs à la création du
Collectif Asie - Enfants isolés. Ce chiffre de 50 000 était, en effet,
largement surestimé ; les associations travaillant dans le domaine de
l’enfance n’ont pas noté, dans les régions sinistrées, de brusque
augmentation du nombre d’orphelins réellement isolés
19
.
C - Les moyens de paiement
Les moyens de paiement sont restés classiques, malgré la montée
des dons en ligne et des dons par SMS.
1 -
Un paiement par chèque encore dominant
Le tsunami n’a pas été une exception : la grande majorité des dons
des particuliers a été versée sous forme de chèques, qu’il se soit agi de
réponses à des publipostages ou de dons spontanés. Ainsi 91 % des dons
au Secours catholique ont-ils été réalisés sous forme de chèques. Pour la
Chaîne de l’espoir, les dons Internet ne représentent que 0,33 % des dons
reçus, le solde étant essentiellement constitué de chèques.
Ce moyen de paiement avait reculé fin 2004, devant un « effet
tsunami » sur les dons en ligne, mais il a retrouvé sa place en 2005. Ainsi,
pour l’association Médecins du Monde les chèques n’ont représenté que
50 % des moyens de paiement pour le tsunami en 2004 mais ils
représentent à nouveau 98 % en 2005 pour cette même catastrophe ; 75 %
des dons spontanés ont été versés sous forme de chèques.
2 -
Un « boom Internet » ?
Fin 2004, Internet a été massivement utilisé par les donateurs pour
effectuer un don.
Pour la Croix-Rouge française, un quart des dons pour le tsunami
s’est ainsi fait par Internet, contre 1 % en 2003. Les dons en ligne sont
passés de quelques centaines par mois en moyenne et 8 000 par mois en
période d’urgence à 80 000 la dernière semaine de décembre 2004. Pour
MSF, c’est le tiers des dons tsunami qui s’est fait sous forme de dons en
ligne, contre 1 % en 2003.
19) Le conseil de direction du Collectif Asie - Enfants isolés constatait, dès le
25 janvier 2005, qu’il allait devoir retenir une notion large du concept d’enfant isolé,
car il y avait « très peu » d’orphelins.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
21
Les conséquences à long terme sont plus difficiles à mesurer. Dans
la plupart des cas, la fréquentation des sites a indéniablement augmenté,
et ce de façon durable, comme cela a déjà été indiqué. L’impact en
matière de mode de paiement est moins assuré.
Ainsi, l’association Solidarités - Aide humanitaire d’urgence
mesure un « effet tsunami » sur les dons en ligne en 2004, puisqu’ils
représentent 34 % des dons tsunami, au lieu de moins de 5 %
habituellement, mais cet effet s’atténue nettement en 2005, puisque les
chèques représentent plus de 90 % des montants donnés pour le tsunami
et 81 % des dons totaux, proportion voisine de celle de l’année
précédente. Au total, sur 12 000 dons, 626 auront été enregistrés en ligne
pour la catastrophe en Asie.
ACF, pour qui les dons en ligne ont représenté 26 % des dons
particuliers du 26 décembre 2004 au 31 décembre 2005, a vu cette part
retomber à 2 % en 2006.
3 -
Les dons par SMS
Après le tsunami, les trois opérateurs (Bouygues, Orange et SFR)
se sont associés pour faire parvenir des dons à certaines organisations
caritatives
(Croix-Rouge
française,
Secours
populaire,
Secours
Catholique). Radio France multimédia a ainsi lancé l’opération « un SMS
pour l’Asie ». Le principe était le suivant : durant le mois de janvier, les
abonnés envoyaient un SMS vierge à un numéro facilement identifiable
correspondant à l’association choisie (et indépendamment de leur
opérateur), lequel leur était facturé 1€, plus le coût du SMS. Les
opérateurs reversaient le montant total à l’association en question (Orange
a ajouté un euro à chaque SMS reçu pour la période du 2 au 10 janvier).
L’État n’a pas perçu de TVA sur ces opérations.
Le Secours Catholique a, par cette voie, collecté plus de 1 M€ et la
Croix-Rouge française plus de 2 M€.
Le relais médiatique de la campagne a été assuré gratuitement et
les opérateurs ont eux-mêmes diffusé un communiqué sur leur site et
adressé des messages à leurs abonnés. Cette campagne a permis en
particulier de toucher un public jeune.
Pour organiser cette collecte, les opérateurs se sont appuyés sur les
accords qu’ils ont passés dans le cadre de l’association SMS+, qui sert
d’interface entre les opérateurs et les nombreux éditeurs de contenus
commerciaux. Ses membres sont les trois opérateurs ainsi que plusieurs
associations et groupements professionnels qui ont voix consultative.
22
COUR DES COMPTES
Cette action est toutefois en contradiction avec les avis rendus par
le Conseil supérieur de la télématique (CST).
La mission du CST est de veiller au respect par les opérateurs d’un
certain nombre de pratiques déontologiques. Elle a été étendue au
dispositif SMS+ (c’est-à-dire les services par SMS) par décret du
20 février 2002. En cas de litige, c’est le Comité de la télématique
anonyme (CTA), qui fait partie du CST, qui se prononce. La charte
déontologique de l’association SMS+ a ainsi été élaborée sous le contrôle
du CST qui a rendu deux avis à ce sujet (29 avril 2004 et 9 juillet 2004).
Or la charte stipule explicitement que « les services SMS+ utilisés
dans le but de faire appel à la générosité du public ne doivent en aucun
cas user de la fonction de reversement fournie par l’opérateur à l’éditeur
de service comme moyen intrinsèque de paiement de don ». S’il peut
donc s’agir d’un moyen indirect (par exemple une promesse de don
transmise par SMS), la charte proscrit sans ambiguïté les SMS surtaxés
comme ils ont été utilisés dans la campagne pour les victimes du tsunami.
Sans être illégal, puisque le CST ne fait que rendre des avis, le
comportement des opérateurs a donc été en contradiction avec la Charte
SMS+.
D - Le montant des dons
Les financements collectés pour les victimes du tsunami se
caractérisent par leur ampleur sur une courte durée. Le tableau suivant
détaille les montants par type de donateurs privés.
Ressources issues de la générosité publique (en M€)
(pour les 32 organismes contrôlés par la Cour)
Type de donateur
Montant
Particuliers
214,3
Entreprises
63,5
Autres personnes privées
10,8
Total
288,6
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
23
1 -
Les dons des particuliers
Les dons des particuliers pour cette catastrophe ont représenté
214,3 M€, soit 66,4 % des ressources totales « tsunami » enregistrées par
les 32 organismes contrôlés (voir infra III). La mobilisation du public a
donc été intense, la majorité des dons ayant été, dans la plupart des
organismes, collectés en trois semaines, du 26 décembre 2004 au
15 janvier 2005.
a)
L importance des dons spontanØs
Il est important de souligner la place significative des dons
spontanés dans le financement de la catastrophe. Ainsi représentent-ils
plus de 50 % des dons reçus pour Médecins du monde, plus de 43 % pour
le Secours Catholique et l’intégralité pour Médecins sans frontières ou la
Croix-Rouge française, qui n’ont pas fait d’appel à dons.
Les dons spontanés pouvaient revêtir deux formes : soit ils
mentionnaient le tsunami, par une lettre ou un courriel qui accompagnait
le don ou par une mention au dos du chèque, soit ils ne comportaient pas
une telle mention. Dans le premier cas, tous les organismes ont affecté les
dons ainsi reçus au tsunami.
Dans le second cas, les situations diffèrent, étant rappelé que la
procédure ordinaire est en général de ne pas affecter à une cause précise
les dons spontanés ne mentionnant pas une cause précise.
La Croix-Rouge française a ainsi estimé que les dons arrivés dans
les jours suivant la catastrophe mais sans mentionner celle-ci ne
pouvaient lui être affectés, car ils pouvaient tout aussi bien se rattacher
aux dernières campagnes menées par l’association (sur les femmes
battues en particulier) ou à la participation très visible de la Croix-Rouge
française à l’accueil des Français rapatriés de Côte-d’Ivoire en novembre
2004. On peut cependant noter que les dons non affectés en janvier 2005
ont représenté un montant quatre fois supérieur aux collectes de janvier
2002 et 2003, soit 900 000 €, et que les dons non affectés des années
2004 et 2005 ont été supérieurs de 2 M€ à ceux de l’année 2003. De
même, Médecins du Monde n’a affecté que les dons reçus par la poste
avec mention et a cessé d’affecter les dons en ligne le 4 janvier 2005, en
même temps que disparaissait la case spécifique à cocher sur l’Asie,
même si la lettre de la Présidente appelant aux dons est restée sur le site
Internet jusqu’en mars 2005.
24
COUR DES COMPTES
Certaines associations ont cependant, étant donné le caractère
exceptionnel de la catastrophe et de la mobilisation qui a suivi, fait une
exception à leurs règles ordinaires et décidé d’affecter au tsunami les
dons reçus sans mention, pendant une période déterminée. Ainsi
Solidarités - Aide humanitaire d’urgence a affecté au tsunami les dons
reçus jusqu’au 31 janvier 2005, le Secours islamique ceux reçus jusqu’au
10 janvier 2005, le BICE jusqu’à fin février, Secouristes sans frontières
jusqu’au 30 mars 2005 et Télécoms sans frontières jusqu’au 13 mai 2005.
Le Comité français pour l’UNICEF a affecté au tsunami les dons en ligne
reçus jusqu’au 27 janvier 2005.
b)
Les nouveaux donateurs
La plupart des associations ont noté un « effet tsunami » sur le
nombre de nouveaux donateurs en 2005, mais ne savent pas encore s’il
sera durable.
Ainsi ACF a enregistré 65 600 nouveaux donateurs pour le tsunami
(sur 73 684 donateurs pour cette cause), soit un tiers des nouveaux
donateurs de l’année. Six mois plus tard, un nouvel appel au don leur a
été adressé, et 20 % d’entre eux ont répondu favorablement. Ce taux de
fidélisation est supérieur à celui qui avait été constaté pour le Rwanda
(10 %).
Pour le Secours catholique, 138 500 des 298 000 donateurs pour le
tsunami sont des nouveaux donateurs, et 10 % d’entre eux ont fait un
nouveau don au cours de l’année. Pour Médecins sans frontières, 76 %
des donateurs tsunami sont des nouveaux donateurs. Et ils sont huit sur
dix pour le Comité français pour l’UNICEF, soit un million de nouveaux
donateurs.
c)
Une ampleur inhabituelle
Pour nombre des organismes contrôlés par la Cour, le tsunami a été
à l’origine d’une collecte d’une ampleur exceptionnelle ; il a eu
principalement un « effet volume ».
−
Ainsi, la Chaîne de l’espoir a vu passer le nombre de dons de
72 295 en 2002 à 108 397 en 2005 ; le don moyen annuel, qui est
de 37 € en 2005, a été de 62 € pour le tsunami. Pour l’association
Partage, le montant moyen du don de décembre 2004 à février
2005 est de 127 € contre 48 € en 2004 et 54 € en 2005. Médecins
sans frontières note une augmentation massive de la collecte, qui
passe de 31,6 M€ en 2003 à 47,3 M€ en 2005. Pour Handicap
International, elle passe de 23 M€ à 32 M€.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
25
−
Sur 39 M€ de dons collectés en janvier 2005 par le Comité
français pour l’UNICEF, 31 M€ étaient destinés au tsunami. Et
les montants collectés pour le tsunami, 57 M€, équivalent à la
collecte d’une année entière, et sont sept à dix fois supérieurs à
ceux collectés pour d’autres causes (Bam en Iran par exemple).
Alors que la collecte de l’AMI avait baissé de 48 % entre 2001
et 2004, elle augmente de 176 % entre 2004 et 2005 et le
montant annuel du don double (123 € en 2005). Secouristes
sans frontières a reçu pour le tsunami l’équivalent de une fois et
demie son budget annuel.
−
Quant à la Fondation de France, elle a réuni 20 M€ dont
18,8 M€ provenant de la générosité du public, soit près de cinq
fois le montant de ses plus importantes collectes en matière de
solidarité internationale (4,3 M€ en 1998 pour le cyclone
Mitch, 4,9 M€ en 2003 pour le séisme en Algérie).
Pour certains organismes, l’impact a été notable sur la
structure de
leurs
financements.
−
Des associations qui ne faisaient pas, ou faisaient très peu,
appel à la générosité publique, ont bénéficié de l’effet
« tsunami » : Architectes de l’urgence a reçu, pour la première
fois, une centaine de dons de personnes physiques et
Electriciens sans frontières plus de 3 500 dons, alors que cette
association n’en recueillait aucun auparavant. Le nombre de
donateurs de Pompiers sans frontières est passé de 40 en 2003 à
13 800 en 2005.
−
D’autres ont vu évoluer l’origine de leurs financements : la part
de la générosité publique dans les ressources « tsunami »
d’ACF a été dominante (10 M€ sur 14 M€), ce qui contraste
avec la position habituellement majoritaire des bailleurs
institutionnels (65 %).
−
Quand
il
s’agit d’associations de parrainage d’enfants,
l’augmentation du nombre de parrains a évidemment un effet à
long terme : la Chaîne de l’espoir a vu le parrainage augmenter
de 23 % entre 2004 et 2005, contre 6 % de 2003 à 2004, et de
10 % en Thaïlande entre décembre 2004 et février 2005. Pour
l’association Partage, 84,5% des dons ont été des parrainages ;
115 nouveaux parrains ont été identifiés pour l’Inde et 98 pour
la Thaïlande.
Dans tous les cas se pose la question de la pérennité des
conséquences de cette collecte inhabituelle. Si certaines associations se
réjouissent du taux de fidélisation de leurs nouveaux donateurs, ou du
26
COUR DES COMPTES
taux de fréquentation de leur site Internet, la plupart s’accordent pour
constater que la collecte «
tsunami » n’a pas eu d’effet d’entraînement.
Partage précise que, si les dons tsunami ont représenté 31 % du
nombre des dons 2005, ils ne représentent que 4,3 % du montant global
de ses ressources. Solidarités - Aide humanitaire d’urgence indique que le
niveau de la collecte auprès des particuliers semble en baisse sur les trois
premiers mois de 2006 (à peine 472 000 €, soit bien moins d’un quart des
collectes 2002 ou 2003) et que moins de 5 000 dons ont été recensés pour
le séisme au Pakistan fin 2005, contre 12 000 dons reçus pour le tsunami.
Les fonds collectés par le Comité français pour l’UNICEF pour le
séisme au Pakistan s’élèvent à 4,4 M€, contre 57 M€ pour le tsunami. De
la même façon le Secours catholique, après avoir collecté plus de 28 M€
auprès des particuliers pour le tsunami, a collecté un peu plus de 2 M€
pour le séisme au Pakistan, même si le don moyen fait à cette occasion
était supérieur à celui réalisé pour le tsunami (132 € contre 95 €).
L’AMI, qui a vu sa collecte s’accroître considérablement en 2005,
estime que le tsunami a réduit d’un tiers les montants collectés par
ailleurs. Il y aurait donc eu dans certains cas un véritable effet de
substitution.
2 -
La mobilisation des entreprises
L’engagement des entreprises ne s’est pas arrêté à la sollicitation
de leurs clients en faveur du tsunami ; il a représenté un total de 63,5 M€
au bénéfice des organismes contrôlés par la Cour, soit 19,7 % de leurs
financements totaux ; l’apport des entreprises arrive juste après les
financements des particuliers.
La Croix-Rouge française, à elle seule, a reçu 26 M€ des
entreprises. Le tsunami a marqué, pour de nombreux organismes
contrôlés par la Cour, un véritable tournant dans la collaboration qu’ils
entretiennent avec les entreprises.
Il est important tout d’abord de souligner les liens qui existent
entre les entreprises et certaines associations : Electriciens sans frontières
a ainsi reçu 230 000 € d’EDF ; de même, SFR a fait un don de 50 000 € à
Télécoms sans frontières et signé un accord de mécénat avec elle.
Même lorsque ces liens spécifiques n’existent pas, les entreprises
ont été des donateurs généreux pour certaines associations. Ainsi, avant
2003, le financement des entreprises auprès de l’association Solidarités -
Aide humanitaire d’urgence était quasiment nul. En 2005, il est proche de
1 M€ et s’il ne représente que 3 % du total des ressources, il constitue
15 % des ressources « tsunami ». La Fondation Schneider Electric,
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
27
Michelin
et
Sanofi-Aventis
ont
en
particulier
investi
dans
la
reconstruction d’écoles en Indonésie, pour des projets d’un montant total
de plus d’1,2 M€. À Médecins du Monde, le financement des entreprises,
qui dépasse 2 M€ en 2005, représente 18 % des ressources « tsunami »
issues de la collecte et 6,9 % des ressources totales issues de la collecte
(contre moins de 1 % en 2003 et 2,2 % en 2004).
L’association Médecins sans frontières est, en revanche, habituée à
travailler avec les entreprises en cas d’urgence médiatisée. Pour le
tsunami, elle a ainsi envoyé un publipostage par télécopie à 100 000
entreprises non donatrices ; elle a recueilli 1,13 M€ par ce moyen, pour
un total de dons d’entreprises de 2,5 M€, le solde résultant de dons
spontanés.
Dans la plupart des cas, le financement des projets a été marqué
par la conclusion d’une convention entre l’entreprise et l’association, et
par la remise d’un rapport final à l’issue du projet.
On peut enfin noter la place prise dans certains cas par les
contributions
en nature
des entreprises. La Croix-Rouge française a pu
ainsi utiliser, pour deux déplacements dans les pays touchés de son
président accompagné de collaborateurs, des vacations d’avion d’une
valeur de 0,5 M€, mises à sa disposition par une entreprise d’aviation.
Pompiers sans frontières a également bénéficié de billets d’avion à prix
réduits pour 40 000 € de la part d’une compagnie aérienne.
L’association la Chaîne de l’espoir a essayé de valoriser ces
contributions
en
nature.
Ainsi,
la
Générale de
Santé
a
offert
gracieusement la prestation « acquisition du matériel »
20
: sélection des
fournisseurs et négociation aux meilleurs coûts des équipements
médicaux, suivi du respect des délais de livraison des matériels ;
l’association évalue cette aide à plus de 120 000 €. De la même façon,
Gaz de France a accepté la mise à disposition gratuite d’un de ses
salariés, également administrateur de la Chaîne de l'Espoir, dont un mois
à temps plein équivaut à une aide de 7 500 €.
Enfin, l’AMI mentionne un don de six cantines de matériel
d’intervention médicale et pédiatrique d’urgence réalisé par l’association
Tulipe
(urgence
et
solidarité
internationale
des
entreprises
du
médicament) pour le Sri Lanka, d’une valeur estimée à 8 230 €.
20) C’est-à-dire l’organisation de l’achat.
28
COUR DES COMPTES
3 -
Les autres dons privés
Au sein même de l’ensemble contrôlé par la Cour, cinq organismes
ont financé en 2005 les projets d’autres associations : la Fondation de
France pour un montant de 3,34 M€ versé à dix associations
21
, la Croix-
Rouge française, pour un montant de 0,75 M€ versé au CFPE et à
Solidarités, le Collectif Asie - Enfants isolés pour 0,27 M€ versés au
CFPE, à la Chaîne de l’espoir, et à Un Enfant par la main, la Fondation
Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France pour 1 M€ versé à la Chaîne de
l’espoir et le Secours Populaire pour 10 000 € versés à Pompiers sans
frontières. Au total, 5,4 M€ ont ainsi été redistribués en 2005.
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive, puisqu’elle ne concerne
que les organismes contrôlés par la Cour. Architectes de l’urgence a vu
un de ses projets financé partiellement par la Fondation Abbé Pierre à
hauteur de 140 000 €.
La plupart des associations financées estiment qu’un nouveau
partenariat est né, notamment avec la Fondation de France et la Croix-
Rouge française, et qu’il pourra être renouvelé.
C’est dans le domaine de la reconstruction que les financements
associatifs ont été les plus répandus. La Chaîne de l’espoir a reçu 1 M€ de
la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France pour équiper des
hôpitaux en Inde, en Indonésie et au Sri Lanka, ainsi que 100 000 € du
Collectif Asie Enfants isolés pour construire des maisons et réhabiliter
des écoles. L’aide reçue par Pompiers sans frontières, de la Fondation de
France et du Secours populaire, concerne en revanche l’aide d’urgence en
Indonésie.
On peut noter le rôle des « sections étrangères » de certaines
associations, lorsque celles-ci font partie d’un mouvement international :
MSF a reçu 2,8 M€ par ce canal et Handicap International, 1,2 M€.
D’autres dons privés peuvent être signalés. Le ministère de la
jeunesse, des sports et de la vie associative, le Comité national olympique
et sportif français (CNOSF) et le mouvement sportif ont mobilisé les
sportifs de haut niveau afin de collecter des fonds pour les associations
chargées de piloter des opérations d’aide. Cet appel à dons des sportifs
aurait rapporté 1,3 M€. Le Comité national olympique a financé pour
40 000 € un projet du CCFD de réhabilitation de communautés
villageoises au Sri Lanka.
21) La Fondation de France a subventionné au total une quarantaine d’associations.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
29
On peut également mentionner les 713 395 € collectés dans les
établissements
scolaires,
soit
au
moyen
de
collectes
organisées
spontanément par les élèves et les enseignants, soit par des associations
scolaires, membres de Solidarité laïque (Ligue de l’enseignement scolaire
ou Pupilles de l’enseignement public par exemple). Ce montant
représente 59 % des dons collectés par Solidarité laïque.
Au total, ces autres dons privés se sont élevés à plus de 10 M€.
II
-
La mobilisation rapide des pouvoirs publics
A - Le contexte : l’offre financière internationale
1 -
Les organisations internationales mondiales
a)
Les principaux intervenants
Des moyens civils et militaires, sans précédent pour une
intervention humanitaire, ont été mobilisés : 43 pays sont intervenus et
une vingtaine de nations ont dépêché 40 000 militaires, 127 navires,
137 avions et 161 hélicoptères. Ces interventions n’ont toutefois pas fait
l’objet d’une coordination formelle au niveau international.
La mission de coordination
avec les armées étrangères aux pays
touchés et les très nombreuses ONG présentes
est dévolue au Bureau de
la coordination des affaires humanitaires
(OCHA/BCAH), qui a pour
mission d’assurer la liaison entre les différents intervenants des Nations
Unies, de veiller à la cohérence des actions (notamment la transition entre
l’urgence, la réhabilitation et le développement), de centraliser les besoins
financiers des agences humanitaires et de lancer certains appels auprès
des donateurs. Le rapport du Comité des commissaires aux comptes sur le
secrétariat général de l’ONU
donne des indications précises sur la façon
dont le BCAH a fait face à la catastrophe du tsunami.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a joué un rôle
particulièrement important grâce à des contributions élevées. Il a reçu
254 M$, dont 188 M$ (74 %) avaient été dépensés au 31 décembre 2005
et il a fourni 260 000 tonnes de nourriture aux régions affectées.
Au Sri Lanka, le 7 janvier, le PAM avait déjà fourni 500 000
tonnes de nourritures soit une quantité suffisante pour nourrir
750 000 personnes. Les secours ont requis une des opérations logistiques
les plus complexes de toute son histoire. Fin mai 2005, il avait apporté
une aide alimentaire à 2,24 millions de personnes dans toute la région.
30
COUR DES COMPTES
Le PAM gère aujourd’hui des programmes de reconstruction en
« zone tsunami ». L’assistance du PAM aux zones affectées de la
Thaïlande et du Myanmar a pris fin, mais elle se poursuivra dans les
zones frappées par le tsunami en Indonésie et au Sri Lanka en 2006 et en
2007.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a assuré la
coordination des interventions des services de santé nationaux. Son appui
a profité à quatre millions de personnes dans la région, dont deux millions
de personnes déplacées et 100 000 blessés.
Présent depuis des années dans les pays touchés par le tsunami, le
Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) indique qu’il a pu
atteindre trois millions et demi de femmes et d’enfants en 2005. Le
Comité français pour l’UNICEF se situe au 3
ème
rang du volume collecté
par les comités nationaux, après l’Allemagne et les Etats-Unis, avec
10,5 % du total reçu par l’UNICEF
22
.
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD),
le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), l’Office des migrations
internationales (OMI), l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture
(OAA), le fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) et le
programme Habitat ont également fourni des contributions significatives.
b)
La contribution fran aise
À l’appel du secrétaire général de l’ONU relatif à l’aide pour les
pays touchés par le tsunami, la France a fourni 17,512 M$ au budget des
Nations Unies (soit 1,4 % du total)
23
.
En ajoutant les versements au CICR, on obtient un total de
17,6 M€, détaillé dans le tableau ci-dessous :
22) Voir le rapport financier et les états financiers vérifiés du Fonds des Nations
Unies pour l’Enfance,
A/61/5 volume 1 sur le site http ://documents.un.org.
23) Le Japon, la Norvège et l’Allemagne ont versé des sommes particulièrement
élevées : 228,543 M$ pour le Japon, 73,548 M$ pour la Norvège (5,9 %) et 69,9 M$
pour l’Allemagne (5,6 %).
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
31
Aides versées par la France aux organisations internationales
24
Objet
Montant (en M€)
Programme alimentaire mondial
4,1
UNICEF
4
Organisation mondiale de la santé
4
BCAH
0,5
Total Nations Unies
12,6
Comité international de la Croix-Rouge
5
Total
17,6
(Source ministLre des affaires ØtrangLres)
2 -
La contribution de l’Union européenne et de ses membres
a)
Le volet budgØtaire
L’Union européenne a octroyé 3 M€ le jour même de la
catastrophe puis 20 M€
dans les cinq jours.
Après cette première réaction, un montant total de 473 M€ a été
annoncé :
−
23 M€ ont été engagés en urgence sur les lignes « aide
humanitaire » ;
−
la réserve pour aide d’urgence a été mobilisée à hauteur de 100 M€
le 18 janvier 2005 après l’accord du Conseil et du Parlement
européen ;
−
l’Union européenne a promis 350 M€ pour la reconstruction lors du
sommet extraordinaire de l’ASEAN
25
à Jakarta le 6 janvier 2005.
Par la suite, la Commission a proposé un plan de financement des
opérations de reconstruction sur deux ans (170 M€ en 2005 et 180
M€ en 2006). Cette enveloppe de 350 M€ se répartit en 323 M€
pour la reconstruction en Indonésie, au Sri Lanka et dans les îles
Maldives
26
, 12 M€ au titre du mécanisme de réaction rapide et
15 M€ pour des fonds régionaux pour l’environnement.
Le financement de la tranche 2005 a été validé le 15 juillet 2005
lors du Conseil ECOFIN-Budget.
24) Contributions financées par deux décrets pour dépenses accidentelles du
30 décembre 2004 et du 13 janvier 2005 (15,2 M€ provenant du chapitre 37-95 des
Charges communes).
25) Association des Nations de l’Asie du Sud-Est.
26) Fonds multi-donateurs piloté par la Banque mondiale (264 M€), soutien au PNUD
(7 M€) et gestion directe (52 M€).
32
COUR DES COMPTES
La France est intervenue à hauteur de sa contribution au budget
communautaire soit environ 16 % des 473 M€ alors mobilisés (75 M€ sur
2005 et 2006
)
.
b)
Le volet politique et militaire
Sur le plan politique et militaire, la visibilité de l’Union
européenne a été faible voire nulle, ce qui, au moins pendant la phase
d’urgence, a contribué, sur le plan médiatique, à brouiller son image de
contributeur international majeur.
Les pays européens étaient pourtant très présents dans la zone
touchée en termes de moyens militaires : la France (7 avions
transporteurs, 7 hélicoptères lourds, 4 bâtiments de la marine), l’Autriche
(1 avion), l’Allemagne (1 navire hôpital et 2 hélicoptères), la Grande-
Bretagne (3 bâtiments, 2 hélicoptères) et l’Espagne (1 navire). Mais les
instances de la politique européenne de sécurité n’ont pas su organiser la
coordination de ces moyens.
C’est pourquoi un « plan post tsunami » a été adopté le 31 janvier
par le Conseil des ministres des affaires étrangères. Ce plan propose que
soient étudiées plus avant des modalités précises de « l’emploi des
structures et moyens militaires dans des situations d’urgence de nature
civile
»
.
c)
L articulation internationale de l aide au travers de l Office d aide
humanitaire de la Commission europØenne (ECHO)
ECHO est une des plus importantes sources d’aide humanitaire
dans le monde ; son budget est comparable à celui de l’aide humanitaire
des Etats-Unis.
Son mandat consiste à porter assistance et secours d’urgence aux
victimes de catastrophes naturelles ou de conflits en dehors de l’Union
européenne. La direction générale d’ECHO ne met pas directement en
oeuvre les opérations de secours, mais les confie à des partenaires,
organisations internationales ou non gouvernementales.
À la suite du tsunami, ECHO a soutenu le rôle de coordination des
Nations unies à l’égard des organisations humanitaires. Les dons des
personnes privées ont été tels que de nombreux partenaires habituels
d’ECHO n’ont soumis aucune demande de financement parce que les
fonds qu’ils avaient reçus dépassaient déjà leur capacité d’absorption.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
33
Les projets gérés par les partenaires d’ECHO, notamment les ONG
françaises
27
, couvrent une partie des besoins de base de la population en
matière de logement, d'alimentation, d'eau et d'installations sanitaires, de
santé, de soutien psychosocial, de soins aux enfants et aux familles, ainsi
qu'en matière de télécommunications. La Commission finance également
des projets visant la formation à la gestion de crise. Des audits, diligentés
par la Commission, ont confirmé les constatations d'autres évaluations
selon lesquelles les secours d'urgence ont été efficaces malgré une
coordination insuffisante. Le niveau élevé des aides financières a permis à
ECHO, d'une part, de couvrir la transition - plus longue que prévu - entre
les secours d'urgence et la réhabilitation, d'autre part, de financer des
projets de réhabilitation axés sur le développement.
La Cour des comptes européenne a établi un rapport sur l’action
d’ECHO après le tsunami (voir chapitre III, III-C).
d)
La contribution des Etats
Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne est le premier pays
donateur (plus d’un milliard d’euros de dons, publics et privés). Dès le
5 janvier 2005, le Chancelier annonçait que son pays allait débloquer
500 M€ sur cinq ans. La majeure partie des fonds était destinée à la
reconstruction, environ 30 % ont été alloués à l’aide humanitaire
d’urgence.
Le Royaume-Uni
a
privilégié l’aide humanitaire d’urgence (45 M£
dès le mois de décembre 2004 et 25 M£ de nouvelles promesses de dons
du Gouvernement britannique en janvier). En outre, le Royaume-Uni a
manifesté son soutien par une série d’interventions directes : il a fourni
par exemple du matériel médical d’urgence à l’Indonésie afin de soigner
100 000 personnes pendant trois mois et a acheminé par avion des tentes
ainsi que 80 tonnes d’eau pour les Maldives. La Grande-Bretagne a
également soutenu l’effort de coordination et de logistique des Nations
Unies en mettant à leur disposition cinq hélicoptères et des véhicules dans
la province d’Aceh.
B - L’engagement des différentes administrations
L’ampleur et la soudaineté de la catastrophe ont provoqué une
réaction quasi-immédiate des administrations concernées coordonnées à
l’échelon du Premier ministre par la création de la Délégation
Interministérielle post tsunami (DIPT).
27) En novembre 2005, 25 d’entre elles avaient signé le nouveau contrat cadre de
partenariat ECHO-ONG, qui définit les obligations réciproques et permet l’octroi des
subventions. 46 % des ONG signataires sont françaises, italiennes ou britanniques.
34
COUR DES COMPTES
1 -
À l’échelon du Premier ministre : la Délégation
interministérielle à l’aide de la France aux États affectés par la
catastrophe
a)
La crØation de la DIPT et ses moyens humains
Le décret du 18 janvier 2005 a désigné un délégué interministériel
pour assurer la coordination des actions françaises à l’égard des pays
victimes du tsunami, donnant un cadre et une structure durables à la
réaction d’ensemble des administrations concernées. Cette nomination est
intervenue alors que s’achevait la phase initiale de réaction d’urgence
immédiate et que s’amorçait la phase d’évaluation des dégâts et des
besoins.
La délégation interministérielle comprenait outre un adjoint,
médecin, relevant des services du Premier ministre, deux fonctionnaires
du ministère des affaires étrangères, et des représentants des ministères
des finances, de la défense et de la santé. Elle s’est installée au ministère
des affaires étrangères sur lequel elle s’est très largement appuyée. Son
objectif était de coordonner l’aide de l’État aux pays touchés, en liaison
avec les administrations concernées, et de l’articuler avec l’aide
provenant des acteurs non gouvernementaux d’une part, avec celle en
provenance des institutions européennes et internationales d’autre part.
À la délégation a succédé pour la seconde moitié de l’année 2005
une structure de coordination et de suivi, la « Coordination post tsunami »
(CPT), placée auprès du secrétaire général du ministère des affaires
étrangères et confiée à l’adjoint du délégué interministériel.
b)
Ses moyens budgØtaires
L’article 30 du chapitre 42-15 (coopération internationale et
développement) a été abondé de 20 M€ afin de financer les opérations
post-tsunami, par décret pour dépenses accidentelles n° 2005-62 du
28 janvier 2005 (10 M€) et décret d’avance n° 2005-194 du 25 février
2005 (10 M€)
28
, la gestion des 20 M€ étant confiée à la DIPT.
28) Gagé par cinq annulations de 2 M€ sur les budgets de la santé et de la solidarité,
de l’intérieur, des affaires étrangères (crédits de la DGCID), de l’économie, des
finances et de l’industrie et de l’équipement.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
35
Les axes d’intervention privilégiés par la DIPT répondaient à trois
priorités :
−
actions à impact rapide sur le terrain, aidant à la transition entre
les phases d’urgence et de reconstruction. Ainsi des emplois
temporaires pour la collecte de débris et le déblaiement (« cash
for work », de l’argent contre du travail) ;
−
continuité entre l’assistance humanitaire et la reconstruction
dans les actions sectorielles : eau, santé, éducation, systèmes
d’alerte
et de réaction ;
−
renforcement
des
capacités
nationales
et
régionales
de
prévention, d’alerte et de réponse aux catastrophes (1,6 M€ a
été consacré au système d’alerte régional).
La quasi-totalité des crédits avait été consommée à la fin de
l’année 2005.
Fonds consacrés aux opérations post-tsunami
(au 31 décembre 2005)
Subventions aux associations
10 115 275 €
Civi-Pol
2 400 000 €
Délégations aux ambassades
5 660 976 €
Transfert au MINEFI
1 500 000 €
Assistance technique Bappeda
Indonésie
100 000 €
URD (évaluation)
29
100 000 €
Missions
81 723 €
Invitations
11 675 €
Total
19 969 649 €
Solde disponible
30 351 €
Source : Cour des comptes d aprLs MAE
La somme de 1,5 M€ transférée au MINEFI (ligne FASEP : fonds
d’aide au secteur privé) a servi à répondre à une demande d’assistance
technique émise par l’agence de reconstruction indonésienne (BRR :
bureau de réhabilitation et de reconstruction) afin de réhabiliter une usine
de traitement des eaux.
29) Groupe interassociatif urgence-Réhabilitation-Développement (voir chapitre III,
III-C-4)
36
COUR DES COMPTES
La plus importante subvention (2,4 M€) a été accordée à
Civi.Pol.Conseil
30
, dans le cadre d’un accord de coopération entre le
ministère de l’intérieur, le ministère des affaires étrangères et la Croix-
Rouge française pour aider l’Indonésie à se doter d’un centre national et
de six centres régionaux de gestion de crise. Sur un coût total du projet de
5,1 M€, la subvention publique finance le centre national et deux centres
régionaux, des actions de formation et de sensibilisation et la mise en
place de procédures de réaction. Le reste du projet est financé par la
Croix-Rouge française sur des fonds provenant de la générosité publique.
c)
L aide aux organismes
La DIPT n’avait pas vocation à coordonner l’action des
associations et fondations, mais à rechercher « la cohérence et la
concertation » avec elles. Outre les réunions bimensuelles qu’elle
organisait à cet effet, et les rapprochements systématisés avec la
Fondation de France et la Croix-Rouge française
31
, elle a disposé d’un
levier important : les crédits (20 M€) qui ont été très rapidement mis à sa
disposition. Même s’ils étaient largement minoritaires par rapport aux
fonds que nombre de ces associations avaient collectés auprès du public,
ils donnaient une sorte de label aux projets.
Au total, la moitié des 20 M€ ont été consacrés à des subventions
aux organisations caritatives françaises, le reste étant délégué aux postes
diplomatiques pour contribuer à des projets portés par des ONG locales.
Les 44 subventions accordées se répartissent ainsi : 4 pour l’Inde
32
, 14
pour l’Indonésie
33
, 18 pour le Sri Lanka
34
, 2 pour la Thaïlande et 6 pour
d’autres pays.
Dans l’ensemble examiné par la Cour, Solidarités et ACF ont été
les principaux destinataires des cofinancements DIPT ; mais Première
urgence, Enfants du monde – Droits de l’homme et Care France en ont
également bénéficié.
30) Société anonyme de service et de conseil dont l’actionnaire principal est l’État
(représenté par le ministère de l’Intérieur).
31) Qui ne sont pas des ONG.
32) Dont Solidarités Gaillac, Emmaüs International, ADER.
33) Dont Solidarités, ACTED, Triangle génération humanitaire, Atlas Logistique,
Première urgence.
34) Dont AIDER, EMDH, ACTED, Care France, ACF.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
37
2 -
Le ministère des affaires étrangères
Dans les pays touchés par la catastrophe, les ambassades de France
ont joué un rôle fondamental pour faciliter l’action des ONG françaises.
En France, le ministère des affaires étrangères est intervenu par ses
trois directions compétentes : la délégation à l’action humanitaire (DAH)
pour piloter l’urgence, la direction des Français à l’étranger et des
étrangers en France (DFAE) pour aider les ressortissants français et la
direction générale pour la coopération internationale et le développement
(DGCID) pour la reconstruction.
a)
L intervention d urgence pilotØe par la dØlØgation
l action
humanitaire
Le dispositif français de pilotage de l’urgence s’appuie sur
plusieurs instances :
−
La délégation à l’action humanitaire (DAH) a été instituée par
le décret n° 2002-35 du 7 janvier 2002 qui fusionnait le service
de l’action humanitaire (1992) et la cellule d’urgence et de
veille (1985). Elle propose la politique du Gouvernement en
matière d’action humanitaire internationale en faveur des pays
sinistrés et des populations civiles étrangères en situation de
détresse. Elle met en oeuvre les opérations d’aide d’urgence
humanitaire décidées par le Gouvernement. Elle veille à cette
fin à la cohérence de l’action des administrations de l’État, des
collectivités territoriales et des personnes de droit privé prêtes à
inscrire leurs interventions dans ce cadre.
−
Un
« Comité
interministériel
de
l’action
humanitaire
d’urgence » a été mis en place par une circulaire du Premier
ministre en date du 1
er
août 2003 ; son organe opérationnel, le
« groupe opérationnel interministériel », est présidé par le
DAH.
−
La cellule d’urgence du ministère des affaires étrangères,
présidée par le directeur de cabinet, décide des actions.
38
COUR DES COMPTES
Le volet budgétaire de l’urgence
La DAH a assuré l’organisation de la réaction de toute première
urgence : affrètement d’avions, mise à disposition de stocks et pré-
financement d’interventions immédiatement nécessaires, remboursables
ultérieurement. La DAH a à sa disposition :
−
le Fonds d’urgence humanitaire – FUH (chapitre 42-37, article 51,
du budget du ministère) doté de 9,27 M€ (montant initial inchangé
depuis 2000), avec des abondements face à des crises majeures
(Afghanistan en 2001, Irak en 2003). Pour 2005, la dotation initiale
du FUH était la même qu’en 2004 mais une première dotation
supplémentaire de 200 000 € a été apportée immédiatement pour
faire face aux premières dépenses engendrées par le tsunami.
−
le Fonds de concours (FDC) sur lequel sont versés des dons de
particuliers et de collectivités locales (1,7 M€)
35
.
Au total, pour 2005, la DAH a engagé 2 893 960 € d’aide (FUH +
FDC). Le tableau ci-dessous décrit la manière dont ces crédits se sont
répartis entre les cinq pays touchés.
Dépenses du fonds d’urgence humanitaire et du fonds de concours en 2005
(en euros)
Interventions immédiates
Pays
FUH
FDC
Autres dépenses
FDC
TOTAL
Inde
16 786
16 786
Indonésie
1 006 509
144 083
847 319
1 997 911
Maldives
141 149
141 149
Sri Lanka
133 595
84 490
365 511
583 596
Thaïlande
24 518
100 000
124 518
Totaux
1 164 622
386 508
1 312 830
2 863 960
Source : ministLre des affaires ØtrangLres
Sur le plan administratif, la DAH engage ces dépenses suivant une
procédure accélérée y compris pour le compte d’autres directions du
ministère ou d’autres ministères. Elle assume le coût de l’envoi des
personnels et celui des affrètements. Les ministères concernés lui
facturent ultérieurement les autres frais qu’ils ont engagés (frais de
mission par exemple) ; le délai de facturation par les ministères peut
atteindre deux ans, ce qui rend la comptabilité de la DAH fluctuante et
souvent incertaine.
35) En place depuis 1999, ce fonds de concours - 011-6-008 "contributions de tiers au
profit de l’aide d’urgence aux victimes de catastrophes naturelles à l’étranger"- est
rattaché au fonds d’urgence humanitaire.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
39
b)
La direction des Fran ais
l Øtranger et des Øtrangers en France
La direction des Français à l’Etranger (DFAE) a la charge des
Français hors de France et l’une de ses missions essentielles est d’assurer
leur sécurité et de les secourir en cas de crise. Elle est à ce titre intervenue
dès l’annonce de la catastrophe. Sa cellule de veille s’est transformée
immédiatement en cellule de crise, sous l’autorité du directeur de cabinet.
La DFAE a plusieurs missions convergentes : porter aide et secours aux
Français atteints par l’événement, gérer les rapatriements, traiter les
affaires consulaires qui découlent inévitablement des décès, assurer la
difficile relation avec les familles et les réponses aux demandes
d’informations.
On sait que 95 Français sont décédés des suites du raz de marée,
dont 90 en Thaïlande, 4 au Sri Lanka et un en Inde ; 89 corps ont été
identifiés.
Pour l’aide immédiate aux Français sur place, la DFAE s’appuie
sur le réseau diplomatique et consulaire. L’ambassade à Bangkok a été
renforcée par l’envoi d’une chargée de mission. Elle a mis sur pied, début
février, une antenne consulaire à Phuket, où se trouvait une grande
proportion de la population française touchée. Cette antenne avait pour
mission d’assurer la liaison et l’interface avec l’ambassade à Bangkok, les
autres délégations européennes et le ministère des affaires étrangères. Elle
devait aussi agir en coordination avec les équipes d’identification
(Intérieur et Défense), accueillir les Français résidents de Phuket mais
aussi les familles venant de France. Elle devait enfin procéder aux
formalités nécessaires à la récupération des corps après identification et
aider aux suites (incinérations, rapatriement).
La DFAE dispose aussi de l’aide de la Croix-Rouge française, avec
qui elle a établi un partenariat conventionnel et à qui elle accorde une
subvention annuelle de 80 000 €. Ce sont des personnels de la Croix-
Rouge française qui les premiers ont été envoyés par la DFAE pour
secourir et aider les Français sur place.
Passée la phase d’urgence, la DFAE a établi une coordination
permanente entre le service central de l’état civil du ministère des affaires
étrangères et le tribunal de grande instance de Paris pour faciliter les
jugements déclaratifs de décès, dont 62 ont pu être rendus sept semaines
seulement après la catastrophe.
Un représentant spécial, ambassadeur, a été chargé d’établir des
contacts avec les familles des disparus, avec mission de les tenir
informées de l’action des pouvoirs publics et de superviser le dispositif
d’assistance consulaire et humaine.
40
COUR DES COMPTES
c)
La direction gØnØrale pour la coopØration internationale et le
dØveloppement
Troisième intervenant majeur au sein du ministère des affaires
étrangères, la direction générale pour la coopération internationale et le
développement (DGCID) a été un acteur essentiel de l’effort de soutien et
de reconstruction. Elle a apporté à la délégation interministérielle (DIPT)
un concours actif : un de ses membres a été mis à disposition de la
délégation, elle a joué un rôle fondamental dans l’évaluation immédiate des
besoins et des projets, puis dans l’instruction des dossiers présentés et
retenus. À la demande de la DIPT, elle a concentré ses efforts sur deux
pays, l’Indonésie et le Sri Lanka.
3 -
Le ministère de la défense : l’aide et le soutien
des forces armées
Lorsqu’est survenue la catastrophe du tsunami, le 26 décembre
2004, le ministère de la défense a compté parmi les premières
administrations à se mobiliser. Dès le 29 décembre, il a été en mesure
d’envoyer en Asie du Sud Est des éléments préparant la voie au
déploiement d’importants moyens, dans le cadre de l’opération « Beryx».
L’intervention par voie maritime et aéroterrestre s’est imposée
comme principal moyen d’accès aux zones sinistrées (notamment dans le
cas de la péninsule d’Aceh, zone la plus touchée) et a nécessité, dans des
délais très courts, le déploiement de moyens militaires sur une zone très
étendue.
L’opération s’est déroulée dans un contexte international marqué
par une mobilisation de moyens civils et militaires sans précédent pour
une intervention humanitaire : 43 pays sont intervenus à un titre ou à un
autre et une vingtaine de nations ont dépêché des navires, des avions ou
des hélicoptères.
Au plus fort de l’intervention étaient présents sur un
théâtre allant des Maldives à la Thaïlande et à l’Indonésie 40 000
militaires issus d’une vingtaine de pays, 137 avions, 127 navires et 161
hélicoptères.
L’apport de la France a été très significatif et le groupement naval
du porte-hélicoptères « Jeanne d’Arc » aura été, au niveau des moyens
militaires,
le plus important de tous les pays européens.
Sans l’aide logistique des éléments déployés par le ministère de
la défense, la plupart des ONG françaises mobilisées par la catastrophe
n’aurait pas pu, au cours de la phase de première urgence, accéder aux
victimes et celles ci ont reconnu le caractère décisif qu’avait revêtu pour
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
41
elles l’intervention des moyens militaires français, estimant que la
coopération sur le terrain avait été exemplaire
36
.
Les coûts engendrés par l’engagement au sein de l’opération
« Beryx » ont été globalement évalués par les services du Premier
ministre à 23 millions M€,
mais seule une partie de cette somme
(9,7 M€) a été considérée comme faisant partie des «surcoûts »
susceptibles de faire l’objet d’une compensation budgétaire dans le cadre
des procédures agrées avec le ministère de l’économie concernant les
OPEX.
A titre de comparaison, la contribution d’ensemble du ministère
de la défense a été comparable à celle des collectivités locales françaises
(23 M€) et a représenté globalement un peu plus de la moitié de l’aide
directe des pouvoirs publics apportée au cours de la « phase d’urgence »
évaluée publiquement par les services du Premier ministre
à 41 M€.
4 -
Le ministère de l’intérieur
Le ministère de l’intérieur a été un des acteurs clefs de la période
d’urgence. Son intervention est présentée dans l’analyse des actions
d’urgence (voir chapitre II).
5 -
Le ministère des finances : remise de dettes et prêts
préférentiels
Une facilité de prêt de 300 M€ accordée par le ministère de
l’économie, des finances et de l’industrie et l’Agence française de
développement (AFD) a été annoncée à l’occasion de la conférence des
donateurs du 11 janvier 2005. Les conditions des prêts sont les suivantes :
durée de 20 ans, dont 10 de franchise, et taux d’intérêt de 1 % l’an, plus
favorables que les prêts classiques de l’AFD dans les pays émergents.
Cette facilité de 300 M€ est mise en oeuvre, pour 200 M€ par
l’AFD (aide déliée, c'est-à-dire sans contrepartie) et pour 100 M€ par le
ministère des finances dans le cadre de la procédure Réserve pays
émergents (RPE) qui est une aide liée (le prêt doit financer l’achat de
biens et services français). La France a également accordé des
rééchelonnements de dettes.
36) Les conditions dans lesquelles
l’opération « Beryx » s’est déroulée en soutien des
organisations internationales et des
ONG humanitaires sont
examinées plus avant au
chapitre 2 du rapport.
42
COUR DES COMPTES
a)
Les interventions de l AFD
Quatre projets de prêts présentés par l’AFD ont été validés pour un
engagement total au 30 juin 2006 de 98,3 M€, soit un coût que l’État a
estimé à 45,5 M€. Les crédits nécessaires à la bonification de ces prêts
sont inscrits en loi de finances
37
.
En outre, l’AFD a mobilisé le fonds d’étude et de préparation de
projets (FEPP) à hauteur de 1,5 M€ afin de financer par un don les études
de faisabilité des projets. 128 000 € avaient été versés au 30 juin 2006 à
ce titre.
b)
L intervention sur la ligne RPE
Un protocole financier intergouvernemental a été signé le
14 décembre 2005 avec le gouvernement du Sri Lanka. Il est destiné à
financer, sous la forme d’un prêt du gouvernement français d’un montant
maximum de 10 M€, le secteur des travaux publics (réalisation du projet
intégré d’alimentation en eau de l’agglomération de Trincomalee)
38
.
À titre exceptionnel, l’achat de biens et services sri lankais a été
prévu dans la limite de 45 % du concours mis en place. Au 30 juin 2006,
un contrat d’un montant de 1,45 M€ avait déjà été imputé sur ce dispositif
pour l’achat de services d’ingénierie et de consultance.
c)
Le rØØchelonnement des prOEts antØrieurs
Les créanciers du Club de Paris ont annoncé le 12 janvier 2005
leur intention de ne pas exiger de paiement des pays débiteurs au titre du
service de leur dette pour les créances éligibles jusqu’au 31 décembre
2005, afin qu’ils puissent consacrer pendant cette période toutes les
ressources disponibles à l’aide d’urgence.
Cette proposition a été acceptée par l’Indonésie et le Sri Lanka,
avec lesquels la France a signé un accord bilatéral de mise en oeuvre du
moratoire (27 septembre 2005 et 5 octobre 2005). Les échéances dues ont
été différées pour être acquittées entre le 1
er
décembre 2006 et le
1
er
décembre 2009. La France a décidé d’aller au-delà des termes de
37) Mission « Aide publique au développement » ; Programme 110 « Aide
économique et financière au développement » (action 2 « Aide économique et
financière bilatérale »).
38) Les prêts RPE sont du ressort dans la mission « Prêt à des États étrangers » du
programme 851 « Prêt à des États étrangers de la RPE en vue de faciliter la réalisation
de projets d’infrastructure ».
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
43
l’accord du Club de Paris en ne facturant pas d’intérêts moratoires sur ce
différé. Cette non-facturation conduit à une moindre recette budgétaire
pour la France en 2005, qui équivaut à un don de 0,6 M€ au Sri Lanka et
de 12,8 M€ à l’Indonésie
Pour le Sri Lanka, les montants concernés par le différé s’élèvent à
6,19 M€ d’échéances. Pour l’Indonésie, les échéances concernées
représentent un montant total de 135 M€. Le coût de ce rééchelonnement
est refinancé sur les programmes budgétaires 851 et 852
39
.
Le coût budgétaire total pour l’Etat s’établit donc à l’heure
actuelle, selon les données communiquées à la Cour par le ministère des
finances, à 60,4 M€.
6 -
Le ministère de la recherche
À la suite de la catastrophe, le ministère chargé de la recherche
s’est investi dans l’étude des moyens de détection et de prévention pour
les tsunamis à venir. Il a défini un plan d'action qui a débouché sur la
mise en place par l'Agence nationale de la recherche (ANR) d’un appel à
projets sur le thème « Catastrophes telluriques » (2005 et 2006) et a lancé
le projet d'un centre d'alerte multi-risques (tsunamis et risques
météorologiques) basé à la Réunion. Le ministère devrait participer à
hauteur d’un million d’euros à ce projet.
À l’inverse de l’océan Pacifique, qui est doté d’un dispositif de
surveillance des tsunamis
40
regroupant 26 pays dont la France, les zones
directement exposées de l’Océan Indien sont en effet mal suivies.
Dès le lendemain de la catastrophe, plusieurs organismes et
instituts de recherche (IFREMER, IPEV, Météo France et IPG
41
) ont
engagé des études du séisme, du tsunami et de leurs conséquences. Dès le
mois de janvier, plusieurs équipes de recherche ont été mobilisées sur des
programmes de recherche sur les séismes de Sumatra (IPG Paris, EOST
Strasbourg
42
, Université de Nice, IFREMER), la génération du tsunami
(CEA/DASE
43
) et son observation
in situ
ou spatial (IPG, CNES
44
), ses
39) « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France ».
40) PTWC : Pacific Tsunami Warning Center.
41) Institut français pour l’exploitation de la mer, Institut polaire français Paul-Emile
Victor, Institut de physique du globe.
42) Ecole et observatoire des sciences de la terre.
43) Commissariat à l’énergie atomique – département d’analyse et de surveillance de
l’environnement.
43)
Centre national d’études spatiales
44
COUR DES COMPTES
conséquences économiques, humaines et sociales (CIRAD
45
, IRD
46
,
Universités). On peut estimer qu’une centaine de chercheurs, ingénieurs
et techniciens français ont orienté leurs activités vers ces champs de
recherche.
7 -
Le ministère de l’écologie et les agences de l’eau
Le raz-de-marée a détruit une grande partie des installations d’eau
courante.
Outre
la
contribution
de
la
France
au
Fonds
pour
l’environnement mondial (1 M€), le ministère de l’écologie et du
développement durable s’est donc prioritairement consacré à ce domaine.
Il a animé un groupe de coordination intégrant les acteurs français
susceptibles d’intervenir dans les pays touchés (agences de l’eau,
administrations, ONG, entreprises, bureaux d’études, collectivités). Il a
affecté 150 000 € à une action de formation et de sensibilisation au Sri
Lanka à l’égard de la pollution de l’eau.
Dans la phase de réhabilitation et de reconstruction, les
engagements de contribution ont été d’1 M€ en provenance du fonds
français pour l’environnement mondial et de 3 M€ en provenance des
agences de l’eau. Mais au 31 août 2006, les contributions des agences
versées aux organismes opérateurs sur place de ces programmes ne
représentaient encore que 1,8 M€, affectés à des opérations de
construction de latrines, d’approvisionnement en eau potable, de mise en
place d’unités de dessalement et de remise en état de puits.
45) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement.
46) Institut de recherche et de développement.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
45
Interventions des agences de l’eau
Agences
Opérateurs des
programmes
Pays
bénéficiaires
Montant versé
par l’agence
Adour-Garonne
ACTED
Sri Lanka,
Indonésie, Inde
258 654 €
Artois-Picardie
Comité médical
93
Sri Lanka,
Indonésie
230 000 €
Rhin-Meuse
Ordre de Malte
Inde
243 304 €
47
Rhône-
Mediterranée
et Corse
Société du Canal
de Provence
Sri Lanka
412 000 €
Seine-Normandie
Solidarités
Sri Lanka
670 000 €
Total
1 813 958 €
Source : Cour des Comptes et ministLre de l environnement
8 -
Les autres administrations
Le 6 janvier 2005, le ministre des solidarités, de la santé et de la
famille a annoncé la création d’un collectif d’associations dont l’objet
serait de soutenir et coordonner les actions en faveur des enfants isolés.
Dix-huit associations
48
ont répondu à cet appel dès le mois de janvier ;
deux associations supplémentaires les ont rejointes au mois de mars de la
même année
49
.
Ainsi a été créé le collectif d’associations « Asie - Enfants isolés »,
association créée en janvier 2005 dans le but de venir en aide aux enfants
séparés de leur famille par le tsunami du 26 décembre 2004 qui
sélectionne les projets qui lui sont soumis par d’autres intervenants,
membres ou non du collectif.
Le ministère de l’éducation nationale s’est associé à l’appel aux
dons en faveur de ce collectif.
D’autres initiatives ont été prises, telles celle déjà signalée du
ministère des sports, relayée par le comité national olympique et le
mouvement sportif.
47
)
195 904 €
au 30 juin 2006.
48) Aide et action, Enfants et développement, Association soeur Emmanuelle
(ASMAE), Un Enfant par la main, Association du père Ceyrac, Enfants du Mékong,
Association sport insertion jeunes, Enfants réfugiés du monde, Centre français de
protection de l’enfance, Partage, La Chaîne de l’espoir, Plan international France,
Croix-Rouge française, SOS Enfants sans frontières, Douleurs sans frontières, SOS
Villages d’enfants, Enfants d’Asie – ASPECA et UNICEF.
49) Fédération nationale de l’action catholique des enfants (ACE) et Solidarité laïque.
46
COUR DES COMPTES
C - Les réductions d’impôts
50
Les dons recueillis par les 32 organismes dont la Cour a contrôlé le
compte d’emploi « tsunami » se sont élevés à 214,3 M€ pour les
particuliers et 63,5 M€ pour les entreprises au cours des années 2004 et
2005.
a)
Dons des particuliers
Les deux dispositifs fiscaux qui coexistent ont subi une évolution
de leur régime juridique en 2005. Le plafond (422 €) et le taux (66 %) des
dons en faveur de personnes en difficulté (fourniture de repas, de soins et
de logement) ont été portés à 470 € et 75 % à compter de l’imposition des
revenus de 2005.
Les dons en faveur de certaines oeuvres d’intérêt général, ainsi que
le montant dépassant le plafond des dons visés à l’alinéa précédent, le
tout dans la limite de 20 % du revenu imposable, donnent droit à une
réduction d’impôt de 60 %. Ce taux, valable pour l’imposition des
revenus de 2004, a été porté à 66 % à compter de l’imposition des
revenus de 2005.
Les dons de ces deux catégories, tels qu’ils ont été déclarés par les
usagers, ont connu un ressaut au titre des années 2004 et 2005, qui
s’explique autant par le tsunami que par les nouveaux avantages fiscaux.
Compte tenu des plafonds évoqués du fait que ces mécanismes
sont des réductions d’impôt, imputables sur l’impôt dû, et non pas des
crédits d’impôt, éventuellement restituables, la réduction moyenne réelle
des dons est inférieure au taux légal : 52,6 % en 2004 et 58 % en
2005 des dons déclarés ont donné lieu à une réduction effective de
l’impôt.
Sur ces bases, on peut estimer la dépense fiscale « tsunami » pour
les particuliers liée aux sommes collectées par les 32 organismes
contrôlés par la Cour (221,6 M€) à environ 120 M€.
50) Source : Direction générale des impôts - Ministère de l’économie, des finances et
de l’industrie.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
47
b)
Dons des entreprises
Les dons des entreprises aux oeuvres et autres organismes ouvrent
droit à une déduction du bénéfice imposable égale à 60 % des versements
effectifs, dans la limite de 5 ‰ de leur chiffre d’affaires hors taxes de
l’exercice de versement. Lorsque les dons excèdent ce plafond, l’excédent
peut être reporté sur les cinq exercices suivants, après prise en compte
éventuelle au titre de chacun des exercices des versements effectifs
réalisés.
Il apparaît que près de 65 % des dons déclarés ont donné lieu à une
réduction effective de l’impôt et que les sommes collectées à l’occasion
du tsunami de décembre 2004 ont occasionné une dépense fiscale au
profit des entreprises
51
d’environ 7,5 M€.
D - La mobilisation des collectivités territoriales
Notamment par l’intermédiaire du fonds de concours du ministère
des affaires étrangères, les collectivités territoriales françaises se sont
mobilisées à hauteur de 23 M€ en faveur des populations touchées.
Aides des collectivités territoriales françaises et de leurs groupements
ainsi que des associations d’élus
Collectivités
Contribution
Régions
6.405.650 €
Départements
5.676.704 €
Grandes villes (+ 100 000 habitants)
3.017.500 €
Groupements de communes
2.174.201 €
Autres communes
4.646.693 €
Associations d’élus
1.084.881 €
TOTAL
23.005.629 €
Source : voir note de bas de page
52
.
51) Liée aux sommes collectées par les 32 organismes contrôlés par la Cour.
52) - Copie des délibérations transmises au MAE par les collectivités territoriales à sa
demande.
- Enquête annuelle effectuée par la délégation à l’action extérieure des collectivités
locales (DAECL) concernant la contribution des collectivités territoriales à l’aide
publique au développement en 2005.
- Informations communiquées par les associations nationales d’élus locaux.
- Informations communiquées par les principaux organismes destinataires des
subventions des collectivités territoriales françaises : Croix-Rouge française,
Fondation de France, Médecins du Monde, Secours catholique, Secours populaire et
UNICEF.
48
COUR DES COMPTES
a)
Le recours au fonds de concours
du ministLre des affaires ØtrangLres
Le recours au fonds de concours présente plusieurs avantages pour
les collectivités territoriales : il permet l’utilisation de crédits à l’étranger
grâce au réseau diplomatique, il évite d’éventuels frais pour transfert de
fonds à l’étranger et permet de cumuler plusieurs versements afin de
mettre en oeuvre une opération d’envergure qu’une collectivité seule ne
pourrait pas mener, il offre la sécurité d’une utilisation des crédits par les
procédures publiques. Chaque collectivité peut préciser le type d’aide
souhaité et ses bénéficiaires. Dans tous les cas, il est rendu compte au
donateur de l’utilisation des crédits.
Les préfets ont donc invité les collectivités intéressées à abonder le
fonds de concours mis en place par l’État. Plus d’un millier de dons de
collectivités lui sont parvenues.
Pourtant, globalement, cette possibilité a été peu utilisée : 1,7 M€
de versements contre 23 M€ pour l’ensemble des versements « tsunami »
des collectivités territoriales.
b)
La destination des dons des collectivitØs territoriales
Les associations nationales d’élus ont pris des initiatives de
coordination. L’Association des maires des grandes villes de France a
ouvert un compte à la disposition de celles-ci pour regrouper leurs
actions. L’Assemblée des départements de France a fait de même.
L’Association des régions de France a mis en place une action concertée
d’urgence complétant les initiatives de chaque région. L’Association des
maires de France a invité ses membres à aider à la rescolarisation des
enfants en s’appuyant sur l’UNICEF.
Les fonds ont des origines et des montants diversifiés. Les dons
varient de 500 € en moyenne pour les petites villes à 3 M€ pour Paris. Le
don le plus courant se situe entre 15 000 et 30 000 €.
Les collectivités territoriales ont souvent dirigé leurs dons vers les
grandes associations : Croix-Rouge française, Comité français pour
l’UNICEF, Secours populaire et Secours Catholique. Nombre de ces dons
étaient « fléchés », à destination d’un pays, d’un lieu ou d’un projet.
Certaines collectivités ont pris des initiatives plus spécifiques.
Ainsi Nice, jumelée depuis plusieurs années avec Phuket, très touchée par
la catastrophe en Thaïlande, a versé une subvention (100 000 €) au fonds
de concours. Le département du Finistère a, quant à lui, versé une
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
49
subvention à une association, implantée de longue date en Asie du Sud-
Est, pour la reconstruction de bateaux de pêche sur place. Certaines
communes bretonnes ont d’ailleurs privilégié les petites associations
locales comme « Trégueux Solidarité Asie »
pour la commune de
Trégueux ou « Terre d’espoir d’Armor » pour la commune de Paimpol.
Le cadre juridique des interventions des collectivités territoriales en
matière humanitaire
La question se pose depuis quelques années devant les tribunaux
administratifs de la possibilité pour les collectivités territoriales de
développer une action internationale qui ne coïncide pas strictement avec
l’ « intérêt local » ou la « réponse aux intérêts de la population locale »
décidée hors du cadre juridique d’une convention.
Deux jugements récents – non liés aux opérations du tsunami - ont
censuré des actions de coopération décentralisée en se fondant sur l’absence
d’intérêt local (tribunal administratif de Poitiers, 18 novembre 2004, et
tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 25 novembre 2004).
Une modification législative du code général des collectivités
territoriales est apparue à certains nécessaire pour sécuriser le cadre juridique.
Sur la base de travaux menés par le Conseil d’Etat et d’une
communication en conseil des ministres le 8 juin 2005, une proposition de loi
a été déposée qui prévoit : « En outre, si l’urgence le justifie, les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements
de la France, mettre en oeuvre ou financer des actions à caractère
humanitaire. »
Ce texte, s’il était voté, autoriserait les collectivités territoriales à
intervenir sans convention lorsque l’urgence l’exige, même si les actions ne
relèvent pas de leurs compétences d’attribution. Par exemple, une commune
pourrait subventionner une ONG qui achemine des denrées alimentaires vers
des régions frappées par une catastrophe naturelle. Mais, dès que l’urgence
serait passée, les collectivités territoriales devraient agir dans le cadre d’une
convention, conformément au premier alinéa de l’article L.1115-1 modifié.
Par ailleurs, la loi n° 2005-95 du 9 février 2005 (loi Santini-Oudin)
relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des
agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de
l'assainissement, a autorisé les communes, les établissements publics de
coopération intercommunale et les syndicats mixtes chargés des services
publics de distribution d’eau potable à mener des actions de coopération avec
les collectivités territoriales étrangères, des actions d’aide d’urgence à leur
bénéfice, ainsi que des actions de solidarité internationale dans le domaine de
l’eau et de l’assainissement.
50
COUR DES COMPTES
En cumulant les projets des trois phases d’intervention (urgence,
réhabilitation, reconstruction) et le surcoût de l’opération militaire Beryx,
l’aide publique non remboursable s’élève à 337 M€, pour les deux tiers au
profit de l’Indonésie.
Dépenses sur fonds publics en faveur du tsunami
(2004, 2005 et premier semestre 2006)
Par provenance
M€
Aides versées aux organisations internationales en phase d’urgence
17,6
Contribution française aux dépenses communautaires
75,0
Financements « post-urgence » interministériels (DIPT)
20,0
Aide humanitaire (FUH) et soutien militaire (surcoût opération Beryx)
10,9
Fonds de concours géré par la DAH du MAE
1,7
Financement du Fonds pour l’environnement mondial et des
Agences de l’eau
2,6
Coût des prêts à taux préférentiels et du moratoire (Agence française
de développement et ministère des finances)
60,4
Collectivités territoriales en sus du fonds de concours
21,3
Dépenses fiscales
127,5
Total
337,0
III
-
Les ressources disponibles pour les actions
dans le compte d’emploi consolidé
Les 32 organismes contrôlés par la Cour ont établi, de leur propre
initiative ou à la demande de la juridiction, un bilan financier de leurs
actions en faveur des victimes du tsunami pour les années 2004 et 2005.
Ce bilan présente d’un côté l’ensemble des ressources dont l’organisme a
bénéficié et de l’autre l’utilisation (ou l’emploi) qui a été faite de ces
ressources.
Le Comité de la Charte avait déjà invité ses membres à établir un
tel compte d’emploi des ressources « tsunami » au moment du premier
anniversaire de la catastrophe. Il devait présenter les points essentiels
correspondant aux principales questions que se pose le public.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
51
Qu’est-ce qu’un compte d’emploi ?
La loi du 7 août 1991 donne à la Cour des comptes la compétence
pour exercer un contrôle du compte d’emploi des ressources collectées auprès
du public. L’arrêté du 30 juillet 1993 fixe la liste des rubriques devant
obligatoirement figurer au compte d’emploi, en ressources (notamment dons
manuels, produits financiers, autres produits et report des ressources non
utilisées des campagnes antérieures) et en emplois (dépenses opérationnelles
ou missions sociales, coûts directs d’appel à la générosité du public
53
, frais de
fonctionnement, ressources restant à affecter), il précise que ces informations
sont établies sur la base des documents comptables de l’organisme. Ces
documents comptables sont eux-mêmes établis conformément au plan
comptable général, sous réserve des adaptations prévues par le règlement du
16 février 1999.
Malgré la grande diversité des organismes concernés, de leurs
priorités, de leurs choix comptables, de leurs modes opératoires, des
ordres de grandeur de leurs ressources, la Cour a tenté d’agréger les
32 comptes d’emploi reprenant peu ou prou les rubriques ci-dessus pour
pouvoir présenter un bilan financier global de leur action au 31 décembre
2005, soit un an après la catastrophe. Le compte d’emploi agrégé, tel
qu’établi par la Cour, figure en annexe.
A - Les ressources
1 -
Les ressources brutes
Les 32 organismes ont recueilli en 2004 et 2005 pour les victimes
du tsunami un montant brut cumulé de 328 121 190 €. Le tableau ci-
dessous présente la répartition de ces ressources par organisme :
−
les dix collecteurs les plus importants (soit un tiers) ont collecté
plus de 90 % des ressources totales ;
−
la Croix-Rouge française représente à elle seule un tiers de la
collecte totale ;
−
un tiers des organismes a collecté entre 1 et 3 M€ et un tiers
moins de 1 M€ ce qui traduit le grand éparpillement de la
collecte ;
−
l’écart entre la collecte la plus importante et la collecte la plus
faible est considérable : rapport de 1 à 1 225.
53) Y compris les frais de traitement des dons.
52
COUR DES COMPTES
Ressources « tsunami » par organisme – 2004-2005
ORGANISME
TOTAL
RESSOURCES
PART DANS LE
TOTAL
Croix-Rouge française
115 778 000 €
35,29%
Comité français pour l'UNICEF
57 482 301 €
17,52%
Secours Catholique
36 472 698 €
11,12%
Fondation de France
20 682 986 €
6,30%
Secours populaire français
14 508 053 €
4,42%
Action contre la faim
14 357 002 €
4,38%
Médecins sans frontières
13 168 879 €
4,01%
Médecins du monde
11 486 787 €
3,50%
Handicap International
10 062 959 €
3,07%
Solidarités - Aide humanitaire d'urgence
6 250 493 €
1,90%
Comité catholique contre la faim et pour le
développement
2 832 389 €
0,86%
Première urgence
2 713 912 €
0,83%
OEuvres hospitalières françaises de l'Ordre de
Malte
2 280 138 €
0,69%
Collectif Asie - Enfants isolés
2 238 508 €
0,68%
SOS Villages d'enfants
2 215 135 €
0,68%
Care France
2 113 118 €
0,64%
La Chaîne de l'espoir
2 082 998 €
0,63%
Architectes de l'urgence
1 885 347 €
0,57%
Secours islamique français
1 619 685 €
0,49%
Solidarité laïque
1 211 357 €
0,37%
Fédération Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de
France
1 080 827 €
0,33%
Aide médicale internationale (AMI)
963 292 €
0,29%
Aide et Action
948 135 €
0,29%
Pompiers sans frontières
778 728 €
0,24%
Electriciens sans frontières
645 163 €
0,20%
Bureau international catholique de l'enfance
588 876 €
0,18%
Centre français de protection de l'enfance
397 515 €
0,12%
Enfants du monde - Droits de l'homme
389 494 €
0,12%
Partage
380 531 €
0,12%
Un Enfant par la main
214 980 €
0,07%
Télécoms sans frontières
196 363 €
0,06%
Secouristes sans frontières
94 541 €
0,03%
TOTAL
328 121 190 €
100,00%
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
53
REPARTITION DES RESSOURCES TSUNAMI
115,78
57,48
36,47
10,06
6,25
27,87
11,48
20,68
14,51 14,36
13,17
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
110
120
130
Croix-Rouge
Comité françaisUNICEF
Secours Catholique
Fondation de France
Secours populaire français
Actions contre la faim
Médecins sans frontières
Médecins du Monde
Handicap internationaI
Solidarités
Total des 22 autres
en M€
2 -
Les ressources nettes
Les données figurant dans le tableau ci-dessus sont des données
brutes. En fait, cinq des 32 organismes ont versé des fonds à d’autres
organismes compris eux-mêmes dans les 32. Le total des versements de
ce type comptabilisés par les organismes bénéficiaires s’élève à 5,4 M€.
Le tableau qui suit présente ces subventions.
Après neutralisation des versements internes au périmètre, le
montant des ressources rassemblées par les 32 organismes est donc de
322 751 554 €.
54
COUR DES COMPTES
Versements entre organismes compris dans le champ de l’enquête
Organisme financeur
Organisme financé
Montant versé
Aide médicale internationale (AMI)
438 015 €
Architectes de l’urgence
1 150 000 €
CCFD
135 000 €
Enfants du monde – droits de l’homme
90 000 €
La Chaîne de l’espoir
45 000 €
Pompiers sans frontières
100 000 €
Première urgence
960 000 €
Solidarités – Aide humanitaire d’urgence
350 000 €
Télécoms sans frontières
35 000 €
Fondation de France
Un Enfant par la main
35 000 €
Total Fondation de France
3 338 015 €
Centre français de protection de l’enfance
35 154 €
Croix-Rouge française
Solidarités – Aide humanitaire d’urgence
718 745 €
Total Croix-Rouge française
753 899 €
Centre français de protection de l’enfance
40 222 €
La Chaîne de l’espoir
177 500 €
Collectif Asie – Enfants
isolés
Un Enfant par la main
50 000 €
Total Collectif Asie
267 722 €
Fondation Hôpitaux de
Paris – Hôpitaux de France
La Chaîne de l’espoir
1 000 000 €
Total FHP - HP
1 000 000 €
Secours Populaire
Pompiers sans frontières
10 000 €
Total Secours Populaire
10 000 €
TOTAL A NEUTRALISER
5 369 636 €
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
55
3 -
Origine des ressources
Ce montant se répartit de la façon suivante entre les différentes
sources de financements :
Répartition des ressources par origine des financements
Origine des financements
Montant (€)
Part dans le total
Dons des particuliers
214 332 669
66,41 %
Dons des entreprises
63 485 509
19,67 %
Financements d’autres organismes
privés
10 805 838
3,35 %
Sous total ressources privées
288 624 016
89,43 %
Financements institutionnels France
23 042 832
7,14 %
Financements institutionnels
européens
6 517 194
2,02 %
Autres financements institutionnels
594 300
0,18 %
Sous total financements institutionnels
30 154 326
9,34 %
Produits financiers
2 909 350
0,90 %
Financements sur fonds propres de
l’organisme
615 548
0,19 %
Autres ressources
448 444
0,14 %
Total
322 751 554
100,00 %
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
Il convient de préciser que :
−
les dons des entreprises englobent les dons effectués par les
entreprises elles-mêmes mais aussi les sommes provenant des
collectes réalisées auprès de leurs salariés et parfois auprès de leurs
clients ;
−
les « financements d’autres organismes privés » regroupent les dons
d’autres associations, fondations et dans certains cas de sections
étrangères lorsque l’organisme français fait partie d’un mouvement
international ;
−
les « financements institutionnels France » sont constitués des
sommes versées par l’État (et ses établissements) et par les
collectivités territoriales (et leurs établissements) ;
−
les financements institutionnels européens correspondent aux fonds
versés par la direction générale ECHO.
56
COUR DES COMPTES
Si on considère par convention terminologique que les ressources
privées correspondent à la collecte dite « générosité publique », on
constate que la part de la générosité publique dans les fonds « tsunami »
des 32 organismes contrôlés est de l’ordre de 90 % où les entreprises
tiennent une place significative avec 20 %.
Les
ressources
« publiques »
françaises
quant
à
elles
ne
représentent que 7 % du total mais atteignent un montant de 23 M€
qui
traduit l’effort consenti autant par l’Etat que par les collectivités
territoriales (communes, départements ou régions) et leurs établissements.
Il convient par ailleurs de mentionner le soutien apporté à l’action des
organismes français par la Commission européenne via son programme
ECHO, soutien qui n’est pas négligeable et qui constitue une donnée
souvent ignorée du grand public.
Cette approche globale des ressources collectées traduit mal
l’extrême disparité qui existe entre organismes, certains dépendant
beaucoup plus des financements institutionnels que les autres. C’est par
exemple le cas pour Solidarités – Aide humanitaire d’urgence dont 59 %
des ressources proviennent des financements institutionnels ou encore de
l’association Première Urgence pour laquelle ce taux est de 64 %. A
l’inverse, six organismes seulement n’ont bénéficié d’aucun concours
publics. Il s’agit du BICE, de l’association Partage, du Secours islamique
français, de la Chaîne de l’espoir, aucun concours public n’a été valorisé,
mais il y a bien eu des aides des ambassades et du ministère de la défense,
de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France et du CFPE.
La
question
des
produits
financiers
mérite
une
attention
particulière même si leur montant est faible au regard des ressources
globales (moins de 1 %). La plupart des organismes ont une politique de
gestion de leur trésorerie. Dans ce cadre, les fonds collectés font l’objet
de placements financiers en attendant d’être dépensés. Les revenus qui
résultent de ces placements sont en général mutualisés, ce qui signifie
qu’ils sont destinés à financer l’ensemble des actions. Ils doivent figurer
au compte d’emploi des ressources prescrit par l’arrêté de 1993 précité
dans la mesure où ils proviennent indirectement de la générosité publique.
Dans le cadre du tsunami, la moitié des organismes contrôlés seulement
ont fait le choix d’affecter les produits financiers aux actions tsunami
(voir chapitre IV, II-A).
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
57
B - Les frais à imputer sur les ressources tsunami
Les ressources collectées n’ont pas pu être consacrées dans leur
intégralité à l’aide aux victimes du tsunami. Elles ont dû couvrir les coûts
de l’appel à la générosité publique ainsi que ceux relatifs au
fonctionnement des organismes.
Les frais à imputer sur les ressources tsunami cumulées
Nature des charges
Montant (€)
Frais de collecte
3 792 291
Frais de traitement des dons
4 252 885
Coûts d’appel à la générosité publique
8 045 176
Frais de fonctionnement
5 612 517
Total
13 657 693
Rappel du total des ressources nettes
322 751 554
Part des frais généraux sur les
ressources nettes
4,23 %
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
1 -
La diversité des situations
Les montants figurant dans le tableau sont des données agrégées au
31 décembre 2005 correspondant à des organismes qui n’ont pas
nécessairement appliqué les mêmes règles. L’interprétation qui est faite
des données doit donc en tenir compte.
En effet, certains des organismes ont fait le choix de consacrer
100 % de la collecte tsunami aux victimes de la catastrophe et donc de
financer leurs frais généraux sur d’autres ressources que les fonds affectés
au tsunami. Ce choix a parfois fait l’objet d’un véritable engagement
auprès des donateurs. C’est ainsi qu’Electriciens sans frontières, dans un
communiqué du 4 janvier 2005, s’est engagé à ce que « chaque euro versé
soit investi en totalité dans les actions sur le terrain ». L’association Ouest
France Solidarité a financé un projet du BICE en Inde en stipulant que les
frais généraux devaient être nuls. L’argument souvent invoqué pour
justifier ce choix consiste à indiquer que s’il n’y avait pas eu de tsunami,
les frais généraux (et notamment les frais de fonctionnement) auraient été
les mêmes.
58
COUR DES COMPTES
La décision de ne pas imputer de frais de collecte ou de frais de
fonctionnement au tsunami a été prise par le conseil d’administration
(Secours Catholique) ou par la direction générale et la direction financière
après consultation du président et du trésorier de l’association (Médecins
sans frontières).
Même si une telle attitude peut de prime abord apparaître louable,
il n’est pourtant pas souhaitable de laisser penser que la collecte pour le
tsunami n’a pas entraîné des coûts spécifiques et supplémentaires pour les
organismes. La logique commande au contraire d’imputer à la collecte
tsunami certains frais généraux.
Il est toutefois nécessaire de vérifier que
cette part des frais généraux n’est pas trop élevée et que l’imputation n’a
pas eu pour effet de distraire des fonds tsunami de la destination voulue
par les donateurs.
Le tableau ci-dessus indique que les frais généraux, de collecte et
de fonctionnement, représentent globalement moins de 5 % des
ressources collectées, ce qui en première analyse est très raisonnable. Sur
les 32 organismes, deux
54
ne font figurer ni frais d’appel à la générosité
publique ni frais de fonctionnement. Pour les 30 autres organismes, la
diversité des situations permet quelques constats :
−
10 % ne mentionnent pas de frais d’appel à la générosité
publique ;
−
20 % ne font pas apparaître de frais de fonctionnement ;
−
les coûts d’appel à la générosité publique ont majoritairement
été calculés « au coût marginal », à partir des charges réelles
constatées
par
les
organismes
et
liées
à
l’envoi
des
publipostages ou aux coûts du traitement des dons par les
sociétés prestataires ;
−
les frais de fonctionnement ont principalement été calculés sur
des bases forfaitaires extrêmement variables d’un organisme à
l’autre : pourcentage des fonds collectés affectés au tsunami
(entre 5 et 19 %), taux autorisés par les bailleurs de fonds (7 %
pour ECHO et la Fondation de France, 10 % pour le MAE, etc.)
ou bien encore pourcentage calculé en fonction du poids des
dépenses opérationnelles tsunami dans l’ensemble des dépenses
opérationnelles.
54) Médecins sans frontières et Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
59
2 -
Les frais de collecte
Les frais de collecte ne dépassent pas 2,5 % des ressources en
moyenne. Mais ce pourcentage va de 0 pour MSF ou MDM à 4,15 %
pour le Comité français pour l’UNICEF et 7,63 % pour Handicap
International, qui ajoute aux coûts directs de la collecte (envoi d’un
publipostage) une quote-part des dépenses annuelles du service chargé de
la collecte.
Ce taux n’a pas beaucoup de sens : d’abord parce que la part des
dons spontanés a, pour le tsunami, été particulièrement importante, ce qui
a limité les frais d’appels à dons ; ensuite parce qu’elle dépend des
pratiques internes à l’organisme (taux forfaitaire, coût marginal) et des
choix « politiques » qui ont été faits pour le tsunami : la volonté
d’affichage de taux très bas, voire nuls, n’est évidemment pas étrangère à
la faiblesse du taux moyen.
Total
ressources
Frais de collecte
et de traitement
des dons
Ratio
collecte
CRF
115 778 000 €
2 001 000 €
1,73%
UNICEF
57 482 301 €
2 386 119 €
4,15%
SC
36 472 698 €
508 883 €
1,40%
FDF
20 682 986 €
266 635 €
1,29%
SPF
14 508 053 €
347 079 €
2,39%
ACF
14 357
002 €
202 553 €
1,41%
MSF
13 168 879 €
0 €
0,00%
MDM
11 486 787 €
0 €
0,00%
HI
10 062 959 €
767 405 €
7,63%
Solidarités
6 250 493 €
210 693 €
3,37%
Total 10
organismes
300 250 158 €
6 690 367 €
2,23%
Total 32
organismes
(pm)
322 751 554 €
8 044 495 €
2,49%
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
60
COUR DES COMPTES
3 -
Les frais de fonctionnement
Il ne serait pas significatif de calculer un taux pour les frais de
fonctionnement compte tenu du petit nombre de projets effectivement
réalisés par les associations.
En matière de frais de fonctionnement, il faut aussi noter les effets
pervers, déjà évoqués, que sont susceptibles d’induire les exigences des
organismes bailleurs : risque d’imputation forfaitaire à hauteur du
plafond, sans justificatifs contrôlables ; risque de répercussion sur les
programmes financés par la générosité publique de la partie qui
excéderait le plafond imposé par le bailleur.
Le mode forfaitaire de calcul, qui a été le plus souvent rencontré,
n’a pas permis à la Cour de vérifier le contenu de cette rubrique.
C - Les réaffectations et restitutions
Le bilan financier agrégé au 31 décembre 2005 fait apparaître
qu’une partie des ressources collectées par les organismes a été réaffectée
à d’autres actions ou, moins souvent, restituée aux donateurs.
Ressources non utilisées pour le tsunami
(Euros)
Ressources
Montant
Ressources tsunami désaffectées
19 872 388
Ressources tsunami restituées aux
donateurs
204 976
Total
20 077 364
Rappel du total des ressources privées
nettes
288 624 016
Part des ressources non utilisées pour
le tsunami sur les ressources privées
nettes
6,96 %
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
Face à l’afflux des dons, certains organismes ont considéré que les
montants collectés excédaient les prévisions budgétaires des actions à
réaliser au profit des victimes du tsunami. Ils ont alors parfois procédé à
la désaffectation d’une partie des dons, mécanisme qui revient dans un
premier temps à exclure ces sommes de l’enveloppe tsunami pour les
regrouper dans un ensemble indifférencié ou mutualisé avant qu’une
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
61
décision du conseil d’administration ne décide des projets que ces fonds
serviront à financer. En procédant de la sorte, les organismes
rééquilibrent leurs ressources en fonction de leurs besoins. Les
procédures de désaffectation seront étudiées infra et notamment la façon
dont la volonté des donateurs a été recueillie (voir chapitre IV, II-A). Au
31 décembre 2005, près de 20 M€ ont été réorientés vers d’autres projets
et d’autres victimes.
Quatre organismes
55
ont remboursé des donateurs qui ne
souhaitaient pas voir leur don réaffecté.
D - Les ressources disponibles pour les actions
Les ressources qui, après déduction des frais et des sommes
désaffectées, restent disponibles pour mener des actions au profit des
victimes du tsunami sont reprises dans le tableau ci-dessous :
Ressources disponibles pour les actions
(Euros)
Ressources
Montant
Montant
Ressources collectées
322 751554
Frais généraux
13 657 693
Ressources réaffectées ou remboursées
20 077 364
Ressources disponibles pour les actions
289 016 497
Source : Cour des comptes
partir des donnØes fournies par les organismes
Les données figurant dans le tableau sont des données financières :
elles signifient que sur la période qui va du 26 décembre 2004 au
31 décembre 2005, les 32 organismes disposaient théoriquement de
289 M€ pour réaliser leurs actions. C’est ce montant qui servira à
l’analyse des actions entreprises par les 32 organismes.
55) Handicap International, Médecins du monde, Médecins sans frontières et Secours
populaire français.
62
COUR DES COMPTES
Origine des ressources "tsunami"
(nettes des versements entre organismes)
Origine des financements
Montant en euros
Pourcentage
Particuliers
214 332 669
66,41 %
Entreprises
63 485 509
19,67%
Autres fonds privés
10 805 838
3,35%
Institutionnels
30 154 326
9,34%
Produits financiers
2 909 350
0,90%
Fonds propres
615 418
0,19%
Autres
448 444
0,14%
TOTAL
322 751 554
100,00%
Origine des ressources "tsunami" (en %)
Entreprises
20%
Institutionnels
9%
Autres fonds privés
3%
Autres
0%
Particuliers
67%
Fonds propres
0%
Produits financiers
1%
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
63
Sommes théoriquement disponibles pour des actions
Rubriques des emplois "tsunami"
Montant (en €)
En %
Sommes disponibles pour des actions
289 016 497
89,55%
Frais
collecte
8 045 176
2,49%
Frais
fonctionnement
5 612 517
1,74%
Désaffectations
19 872 388
6,16%
Restitutions
204 976
0,06%
Total
322 751 554
100,00%
Sommes théoriquement disponibles pour des actions
Sommes disponibles
pour des actions
90%
Frais
collecte
(2%)
Frais de
fonctionnement
(2%)
Désaffectations
(6%)
Restitutions
Chapitre II
L’emploi des fonds pendant les dix-huit
premiers mois
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
67
Le contexte des interventions a été très différent selon les pays.
Au moment de la catastrophe, l’Indonésie vivait une alternance
politique de grande ampleur : un nouveau président de la République
avait été élu en septembre 2004 au suffrage universel direct, il avait
désigné un nouveau gouvernement le 20 octobre 2004. La province
d’Aceh, la plus touchée par le séisme avec celle de Nias, province à statut
spécial, dotée notamment d’un système juridique spécifique, se trouvait
après un régime de loi martiale (mai 2003) sous un régime d’urgence
civile (mai 2004), qui n’a été levé qu’en mai 2005, au moment où se
nouaient les négociations d’Helsinki entre le Gouvernement indonésien et
le GAM
56
qui devaient conduire aux accords de paix du 15 août 2005,
après 32 ans de conflit séparatiste.
Le Nord et l’Est du Sri Lanka, dévastés par les vagues, sont le
théâtre d’une guerre civile qui dure depuis 30 ans entre rebelles tamouls
57
et forces gouvernementales, et qui comporte aussi des conflits
intraethniques. Les pourparlers qui avaient permis un cessez-le-feu en
février 2002 n’ont pas débouché sur la paix. La plupart des survivants du
tsunami étaient déjà très pauvres du fait de la guerre et des déplacements
de populations qu’elle entraîne. Les rapporteurs de la Cour n’ont
d’ailleurs pu se rendre, du fait de l’insécurité, dans les districts de l’Est et
du Nord, les plus affectés par le tsunami et où les principales ONG
françaises sont intervenues
58
(Ampara, Batticaloa, Trincomalee, Jaffna).
La Thaïlande est, depuis 1932, une monarchie constitutionnelle. Si
le Roi jouit d’une grande popularité, le Royaume n’a pas connu moins de
38 coups d’État militaires depuis 1932 ; le Premier ministre en fonctions
au moment de la catastrophe était le premier à les avoir exercées pendant
une mandature complète. Au-delà des drames humains, qui ont surtout
frappé des communautés de pêcheurs, des groupes de migrants et des
personnes travaillant dans le secteur du tourisme, l’économie thaïlandaise
a été globalement peu affectée par le tsunami. Comme l’Inde, la
Thaïlande avait fait connaître qu’elle n’avait pas besoin de l’aide
internationale,
mais
des
organisations
internationales
ou
non
gouvernementales ont pu y intervenir.
Aucun des pays frappés par le tsunami ne faisait partie de la zone
de solidarité prioritaire (ZSP) dans laquelle l’aide bilatérale française au
développement se concentre.
56) Gerakin Aceh Merdeka (Mouvement Aceh libre).
57) Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE).
58) Certaines ONG ont payé un lourd tribut en vies humaines, en 2006 encore.
68
COUR DES COMPTES
Le débat sur les phases et les finalités de l’action humanitaire a
repris à l’occasion de la mobilisation planétaire qui suivit la catastrophe
du 26 décembre 2004. Il a porté en particulier sur le périmètre et
l’horizon
temporel
des
interventions :
urgence,
réhabilitation,
reconstruction, coopération au développement ?
Pour les institutions publiques d’Indonésie, tant l’agence de
réhabilitation et de reconstruction (BRR, voir chapitre III, I-B) que
l’institution supérieure de contrôle des finances publiques (BPK, voir
chapitre III, III-C)
59
, les notions sont claires : la phase d’urgence (
relief
phase
), qui a duré jusqu’au 30 avril 2005, se définit comme une phase de
nettoyage des débris et d’évacuation des cadavres, de prise en charge des
réfugiés (hébergement temporaire et soins) et de préservation de la vie ;
la phase de réhabilitation, qui voit la remise en route des services
collectifs,
devait
s’achever
en
décembre
2006 ;
la
phase
de
reconstruction, d’une durée de deux ans elle aussi, se définit comme la
phase de reconstruction du système public, du système économique, des
infrastructures et des institutions publiques ; les opérations « post
Tsunami », qui n’incluent pas le développement, devraient avoir pris fin
en décembre 2009.
Une telle conception d’un continuum paraît bien adaptée à l’action
humanitaire après une catastrophe naturelle majeure
60
; elle sera donc
utilisée ci-après pour décrire les actions engagées par les organismes
français. Il est évident toutefois que l’action d’urgence rend possible la
réhabilitation et que la reconstruction commence avant que la
réhabilitation soit achevée.
Il est intéressant de noter ainsi que la définition de la notion
« d’action d’urgence » varie d’une association à l’autre. Il varie dans la
durée tout d’abord puisque pour Handicap International par exemple
l’urgence a duré un mois, alors que pour MSF elle a duré six mois. Pour
les forces armées françaises, leur désengagement, commencé le 20 février
2005, marquait la fin de la phase d’urgence.
Elle varie aussi dans son contenu et son lien avec la période
suivante, celle de « post-urgence », certaines associations englobant cette
dernière notion dans celle d’urgence. On peut ainsi retrouver cette
ambiguïté dans le domaine de l’eau et de l’assainissement : pour certaines
59) The Audit Board of the Republic of Indonesia, Audit strategy on the rehabilitation
and reconstruction of Aceh and Nias 2006-2010, février 2006.
60) Il n’en serait pas nécessairement de même dans des situations d’urgence
humanitaire complexe caractérisées par l’effondrement des institutions dans un
contexte de conflit intérieur ou extérieur (voir Centre international pour la migration
et la santé – CIMS-ICMH Linking relief to development, décembre 2000).
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
69
associations, comme Solidarités - Aide humanitaire d’urgence, il s’agit
d’urgence ; pour la Croix-Rouge française ou ACF, dès qu’il y a
construction
d’infrastructures,
plutôt
de
post-urgence.
D’autres
associations ne font d’ailleurs pas réellement cette distinction : pour
Handicap International, le développement de programmes pour lutter
contre toutes les formes de handicap (approche extensive de cette notion)
s’inscrit nécessairement dans la durée ; en conséquence, le terme
d’« urgence » qui est utilisé dans les appels à dons fait plus référence à la
nécessité de recevoir rapidement de l’aide qu’aux types de projets
envisagés et à leur durée.
Le tsunami a fait ressurgir le débat sur les finalités mêmes de
l’action
humanitaire,
qui
s’est
concentré
sur
l’opposition
urgence/reconstruction.
La plupart des associations contrôlées par la Cour sont intervenues
dans des domaines d’action correspondant à leur vocation initiale. Ainsi,
Médecins du Monde s’est concentrée essentiellement sur des activités de
soins : en Indonésie comme au Sri Lanka, c’est tout d’abord l’accès aux
soins primaires qui a dû être rétabli, par l’instauration de dispensaires ou
de cliniques mobiles ; puis, Médecins du Monde a décidé de rester dans
les deux pays pour des opérations de réhabilitation d’hôpitaux à Abidin
en Indonésie et à Mallavi au Sri Lanka et de centres de santé en
Indonésie. De la même façon, ACF a essentiellement conduit des projets
d’urgence centrés sur la restauration de l’accès à l’eau et sur des aides
alimentaires, puis des projets de reconstruction axés sur l’assainissement,
la construction d’infrastructures et la sécurité alimentaire, ce qui
correspond à son domaine d’intervention classique.
Mais cette spécialisation des associations a engendré un débat sur
la légitimité d’intervention de certaines associations traditionnellement
« urgentistes » dans le domaine de la reconstruction, débat initié par la
décision
prise par MSF d’arrêter la collecte, déjà évoquée plus haut.
Cette association a en effet argué de son caractère « urgentiste » pour
expliquer sa décision. Il est vrai que la pression médiatique a entraîné
MSF dans une polémique que l’association ne souhaitait pas provoquer,
mais sa décision rapide a eu le mérite de poser la question du rôle des
ONG en matière d’urgence puis de reconstruction, de l’articulation de
leur action avec celle des Etats, et de l’affectation des dons dans le cas
d’un trop perçu pour la cause qui avait suscité l’appel à dons. Car si
d’autres associations ont contesté la décision de MSF, nombre d’entre
elles ont fait le choix elles aussi de réaffecter des dons tsunami à d’autres
causes, parfois dès le mois de janvier, en raison de l’excès des versements
reçus par rapport aux besoins tels qu’ils avaient été évalués à ce moment.
70
COUR DES COMPTES
Il est cependant intéressant de noter que, même si MSF a quitté le
Sri Lanka mi-mai 2005 et finance sa présence en 2006 en Indonésie sur
ses fonds propres et non sur des ressources « tsunami », l’association a
réalisé pour le tsunami des actions exceptionnelles, non directement liées
à son domaine classique d’intervention en s’engageant, au Sri Lanka
comme en Indonésie, dans la fabrication et la distribution de filets et de
bateaux de pêche, ainsi que dans la fabrication de meubles et de briques.
Ces interventions n’ont eu toutefois qu’une durée limitée dans le temps.
D’autres associations, habituées à travailler à la fois dans l’urgence et
dans la durée, n’ont pas eu à faire face à ce type de remise en question.
Ainsi ACF, présente au Sri Lanka dès 1996 dans le Nord et l’Est du pays
afin de porter aide et assistance aux personnes déplacées du fait de la
guerre civile, est passée avec le tsunami de façon naturelle du moyen
terme à l’urgence.
La Croix-Rouge française a fait quant à elle le choix de
« l’humanitaire durable » (infra II), suscitant alors de la part du monde
associatif des réactions variées.
I
-
Phase « urgence » : des objectifs atteints
Les associations sont intervenues très peu de jours après le début
de la catastrophe et ont alors procédé à des opérations d’urgence, dans des
domaines aussi variés que les premiers secours, le dégagement des corps
et le déblaiement des débris, la distribution de biens de première
nécessité, le rétablissement de l’accès à l’eau et à la santé ou la mise en
place d’un hébergement temporaire. Toutes ces actions se sont achevées
au plus tard à la fin du premier semestre 2005 et n’ont donc pu faire
l’objet d’un contrôle sur place de la Cour, lorsque celle-ci s’est rendue au
printemps 2006 en Indonésie, au Sri Lanka et en Thaïlande. En revanche,
dans la plupart des 32 organismes contrôlés, des projets d’urgence ont pu
faire l’objet d’un contrôle sur pièces.
Les actions d’urgence ont mobilisé une faible part (21 M€) des
sommes collectées par les organismes. Le tsunami a avant tout donné le
jour à des projets d’actions de réhabilitation et de reconstruction, voire de
développement, ce qui peut apparaître paradoxal puisque l’appel à la
générosité publique a été avant tout axé sur l’urgence, et que bon nombre
d’actions ont été mises en oeuvre par des associations essentiellement
urgentistes.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
71
A - Le soutien logistique apporté par l’Etat
1 -
L’appui du ministère de la défense
Dès le 29 décembre, le ministère de la défense a été en mesure
d’envoyer en Asie du Sud-Est des éléments préparant la voie au
déploiement d’importants moyens aériens maritimes et terrestres, dans le
cadre de l’opération « Beryx
61
», pilotée par la Marine.
La durée de la mission, et donc le maintien sur place des unités
militaires, ont été volontairement, et dès le départ, limités. Au fur et à
mesure que les autorités locales rétablissaient les communications
terrestres, que les organisations internationales prenaient en main la
coordination de l’aide internationale et que l’action des ONG s’inscrivait
moins dans une optique d’urgence et davantage dans la perspective de la
reconstruction, le départ échelonné des principaux moyens déployés a été
organisé à compter de la mi-février.
a)
Un dØploiement hors normes de moyens militaires
des fins
humanitaires
Les forces armées françaises ont fréquemment apporté leurs
concours dans le cas de catastrophes naturelles (en 2004 elles avaient déjà
contribué à l’assistance aux autorités algériennes à la suite du tremblement
de terre qui avait éprouvé ce pays). Moins de dix mois après l’intervention
en Asie du Sud-Est en faveur des victimes du tsunami, elles sont
intervenues au Pakistan, dans le cadre de l’opération « Bahral », après le
tremblement de terre au Cachemire.
Dans le cas du tsunami, et à la différence des tremblements de terre,
le nombre de blessés a été relativement peu élevé, mais les points
d’intervention étaient très nombreux et dispersés sur une vaste aire
géographique. Surtout, l’accès aux zones les plus touchées s’est révélé
particulièrement difficile, au moins au début.
La mobilisation de moyens relativement importants sous une
structure de commandement interarmées particulière s’est donc imposée.
L’étendue de l’aire géographique concernée rendait nécessaire une
concentration prioritaire des moyens sur la zone proche de l’épicentre du
phénomène, en Indonésie. La nature des dommages et surtout la dispersion
des populations affectées le long des côtes, ainsi que la destruction des
communications terrestres, empêchaient d’atteindre les sites les plus
affectés sans recours aux moyens maritimes et aux hélicoptères.
61) Du nom d’un poisson des grands fonds et des récifs coralliens des mers tropicales.
72
COUR DES COMPTES
Dans le cas des
Maldives
, où le nombre de victimes a été moins
élevé (82), il s’agissait essentiellement d’apporter des transports
humanitaires et des vivres entre la capitale et les atolls (intervention de la
frégate « Dupleix » à compter du 9 janvier).
En
IndonØsie
, les moyens aériens français, notamment les
hélicoptères, ont été mis en place, non sans difficultés compte tenu de la
saturation des plates-formes aéroportuaires, tout d’abord à Medan puis
dans l’île de Sebang au nord de Banda Aceh, ce qui a permis un début
d’assistance dès le 11 janvier. En accord avec les autorités indonésiennes,
le gros de la force « Beryx » (hélicoptères, avions de transport, une
section du génie, les moyens de soutien logistique, le dispositif médical) a
été installé à Meulaboh avec le soutien du porte-hélicoptères « Jeanne
d’Arc » et de la frégate « Georges Leygues ». Les capacités d’emport de
ces navires ont permis de disposer, dès le début de l’intervention, de
matériel, de fret et de personnels immédiatement opérationnels.
En
Tha lande,
l’avion de patrouille Atlantic 2, basé à Djibouti, a
effectué en liaison avec la marine locale des missions de repérage de
victimes dans le nord de l’Océan Indien. C’est également dans ce pays, à
Phuket d’abord, puis à Bangkok, qu’a été installée l’équipe spécialisée de
l’unité de gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes.
La réactivité des moyens français mis en oeuvre a été notable : dès
le 31 décembre un Boeing C 135 de l’armée de l’air a rejoint Phuket. Un
Airbus A310 transportant 12 tonnes de médicaments et de matériel de
traitement de l’eau est parti pour Colombo le 2 janvier au soir. Un Airbus
médicalisé a ramené à Paris le 3 janvier une vingtaine de blessés. Le
porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et la frégate Georges Leygues, qui
avaient reçu dès le 27 décembre leur ordre de mission, ont appareillé de
Djibouti le 4 janvier, après avoir embarqué une section du génie de la
Légion Etrangère et deux hélicoptères lourds Puma ainsi que cinq
tonnes
de médicaments, 80 000 litres d’eau, des vivres et du fret humanitaire. La
frégate Dupleix a été détachée le 6 janvier pour participer à l’opération
« Beryx ».
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
73
Moins d’une semaine après la catastrophe, les premiers éléments
étaient sur place : parallèlement à l’envoi du module de médecine
d’urgence de l’ESCRIM
62
, les premières rotations des appareils de
l’armée de l’air ont été effectuées tandis que la montée en puissance du
dispositif naval et aérien débutait. La marine a alors joué un rôle
prépondérant (1126 marins ont participé aux opérations). Le centre
international d’identification des corps des victimes du tsunami mis en
place à Phuket (puis transféré à Bangkok) a reçu le concours d’une
centaine de gendarmes de l’UGIVC
63
, de 53 policiers et de 33 spécialistes
du service de santé des armées.
b)
Une organisation des moyens rØpondant
la spØcificitØ de la
situation locale.
Compte tenu de l’importance des moyens mis en oeuvre et de leur
diversité, nécessitant l’adoption d’une structure de commandement
interarmées, le choix du cadre juridique et organisationnel de l’opération
extérieure s’imposait assez naturellement. La décision a été prise le
27 décembre. Le contexte dans lequel s’est déroulée l’opération Beryx a
cependant débouché sur des adaptations spécifiques :
Les moyens importants engagés ne l’ont été que sur une durée
d’intervention volontairement limitée.
La stratégie de sortie de l’opération a été déterminée et affichée
dès le départ. L’opération Beryx s’est déroulée sur huit semaines : du
3 janvier - date des premiers déploiements - au 20 février, qui marque le
début de la phase d’un désengagement, avec un pic d’activité entre le
23 janvier et le 9 février.
La période de présence militaire correspond donc à la phase
d’urgence et de stabilisation. Plusieurs raisons justifient cette distinction
entre la phase d’urgence, où le soutien militaire est décisif, et celle de la
reconstruction, où il n’est pas aussi approprié :
62) ESCRIM : Elément de la Sécurité Civile Rapide d’Intervention Médicale, déployé
à Meulaboh, renforcé par 4 médecins embarqués sur la Jeanne d’Arc et des médecins
du Service de santé des armées. Il a été déployé en Indonésie du 7 au 28 janvier, puis
relevé par la Croix-Rouge Internationale. Il dépend du ministère de l’Intérieur, mais il
est traité dans la partie consacrée au ministère de la défense en raison des soutiens
logistiques militaires dont il a bénéficié.
63) UGIVC : Unité Gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes, qui
dépend de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale.
74
COUR DES COMPTES
−
La légitimité de l’intervention et de la présence continue de
forces armées extérieures s’affaiblit considérablement au-delà
de la période d’urgence et de stabilisation.
−
Les autorités indonésiennes ont veillé à ce que la préoccupation
de la souveraineté indonésienne ne soit pas jamais perdue de
vue,
même
dans
un
contexte
d’extrême
confusion
et
d’impuissance des autorités locales. Elles ont ainsi tenu, dès les
premiers
déploiements,
à
encadrer
l’action
des
forces
étrangères
(présence
d’officiers
de
liaison
indonésiens,
procédures d’autorisation d’escale, interdiction du port des
armes).
−
La phase de reconstruction implique l’utilisation de ressources
que les armées ne possèdent pas nécessairement.
−
Le dispositif militaire ne saurait être maintenu au-delà d’une
certaine période sans relève des effectifs et reconstitution des
ressources qui alourdiraient considérablement le coût de
l’opération humanitaire.
L’opération Beryx, dont la rapidité de déploiement a été facilitée
par le recours à des moyens déjà en mission dans la zone ou à proximité
de celle-ci, a donné lieu à une forte utilisation des potentiels : le
GEAOM
64
, qui se trouvait en Mer Rouge au moment du tsunami, a
cumulé, au titre de cette opération, 38 jours consécutifs à la mer. Les
hélicoptères et les deux C 160 auront effectué, pour les opérations
humanitaires et de soutien, 960 heures de vol en Indonésie. La frégate
Dupleix aura été temporairement retirée de son affectation à l’opération
internationale « Enduring Freedom » de soutien à la coalition en
Afghanistan.
Le caractère interarmées des moyens mis en oeuvre et du
commandement de l’opération a bénéficié de la présence effective sur la
zone des responsables directs.
Le commandement de l’opération « Beryx » a été confié à l’amiral
commandant la zone maritime de l’Océan Indien, qui a pu partager son
état-major opérationnel entre la Jeanne d’Arc, croisant le long de la côte
indonésienne
(Banda
Aceh
et
Meulaboh),
et
le
bâtiment
de
commandement et de ravitaillement Marne, d’abord à Dubaï, puis en
relève de la Jeanne d’Arc lors de la phase de retrait. La coordination des
éléments des différentes armées en a largement bénéficié.
64) GEAOM : Groupe École d’application des officiers de marine constitué du porte-
hélicoptères Jeanne d’Arc et de la frégate Georges Leygues.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
75
c)
Le soutien aux ONG et aux organisations internationales
Le soutien aux ONG et aux organisations internationales a été une
des priorités de l’opération « Beryx ».
La collaboration des militaires français a concerné de nombreuses
agences de l’ONU : UNICEF (vaccinations d’enfants, déblaiement et
reconstruction d’écoles), PAM (alimentation), HCR (réfugiés), OMI
(transport logistique), PNUD (reconstruction), BCAH (coordination des
interventions locales), OMS ( santé), SAHNU
65
(transports).
Les militaires français ont apporté leur concours à 46 ONG
66
dont
36 organisations françaises.
Dans le cadre de l’opération Beryx, plus de 500 tonnes de fret,
dont 353 tonnes pour le seul fret humanitaire, ont été acheminées
(128 tonnes l’ont été au profit de l’ONG française Action contre la Faim,
agissant pour le compte du Programme alimentaire mondial dans le
district de Meulaboh). Sur les 2 795 passagers acheminés par les moyens
militaires français (hélicoptères et C160), 1 938 personnes travaillaient
pour des ONG ou des organisations internationales.
En lien avec les ONG, le service de santé des armées, renforcé à
partir de Djibouti et de la métropole ainsi que par les treize élèves
officiers médecins embarqués sur le GEAOM, a assuré, dans un premier
temps, le soutien des consultations médicales de l’ESCRIM puis, à Aceh,
des campagnes de vaccinations au profit des populations pour parer au
risque d’épidémie de rougeole, à la demande de l’OMS et sous l’égide de
l’UNICEF (qui a fourni les vaccins). 10 000 enfants, soit près de 80 % de
la population concernée, ont été vaccinés.
65) Services aériens humanitaires des Nations Unies.
66) Parmi lesquelles Action contre la Faim (ACF), Solidarités, Médecins sans
Frontières (MSF), Médecins du monde (MDM), Secours islamique français (SIF),
Aide Médicale Internationale (AMI), Handicap International, Pompiers sans
frontières, Care, Première Urgence, Secours populaire français, Architectes de
l’urgence, Télécoms sans frontières, ACTED, Triangle, Atlas Logistique, World
Relief, Mercy Corps, ADRA (Adventis Development Relief Agency), Caritas,
Catholic relief Service (CRS), Norvegian Church Aid, BFAST (Belgian First Aid and
Support team), Elisa, Secours catastrophe français, Mouvement d’Aide et de
Ressources Solidaires (MARS), Arche de Zoé, Swedish Rescue Security Agency
(SRSA), Samaritans Purse, Croix-Rouge française, Suez Assistance, Croix-Rouge
espagnole, Ordre de Malte, Chaîne de l’Espoir, Energie Assistance (Suez), Planète
urgence, Pharmaciens sans Frontières.
76
COUR DES COMPTES
Une section du génie de la Légion Etrangère, stationnée
habituellement à Djibouti et embarquée à bord de la Jeanne a effectué,
aidée des marins, des actions de déblaiement de zones sinistrées et
réhabilité six dispensaires et une école à Meulaboh (Indonésie), en lien
avec les ONG sur place.
L’association la Chaîne de l’espoir souligne que l'Armée de l'Air
Française a transporté ses équipements médicaux jusqu'aux zones
sinistrées de Meulaboh (Indonésie) et Matara (Sri Lanka), et les a mis en
place dans les hôpitaux sinistrés. En outre, les médecins et infirmiers de
la Jeanne d’Arc ont participé à la formation des personnels locaux à
l’utilisation des matériels livrés.
d)
Pour les forces armØes fran aises, des enseignements applicables
d autres interventions d urgence
Un premier point concerne la nécessité d’une évaluation immédiate
et l’adéquation des moyens aux besoins détectés dans la première phase
d’urgence.
L’exceptionnelle émotion qui a gagné tous les pays lors de la
catastrophe a parfois brouillé l’analyse des besoins réels. Dans le cas de
l’aide aux victimes du tsunami, elle a été compliquée par une surenchère
provoquée en partie par l’intensité de la pression politique et médiatique.
Dans un contexte de tension entre l’offre de capacité de transport et la
demande, ceci a pu aboutir, dans la phase d’urgence, à la tentation de
privilégier la visibilité sur l’efficacité. Le soutien aux victimes du tsunami
a entraîné, entre militaires, ONG, aides nationales et organisations
internationales, une surcapacité de l’offre médicale : c’est ainsi que des
militaires ont acheminé, à la demande d’ONG, des médicaments inutiles
ou périmés ; l’ESCRIM a de même été conduit à « mener une médecine
de dispensaire » alors qu’il est avant tout équipé pour traiter des blessés
graves. L’envoi de ce détachement lourd qui représente 72 personnes, 30
tonnes et 120 m3 de matériel pour mettre en place un hôpital de
campagne n’était pas vraiment adapté aux besoins puisqu’on sait
maintenant qu’une telle catastrophe cause principalement
des morts et
peu de blessés autres que légers : pour tout le temps de la présence de
l’hopital Escrim sur le terrain, le ministère de l’intérieur indique le bilan
suivant : « 1800 consultations et une dizaine d’opérations chirurgicales ».
En second lieu, les équipes militaires d’évaluateurs doivent
précéder l’arrivée sur le théâtre des premiers éléments dont elles sont
censées guider l’accueil et faciliter l’installation. En l’occurrence, la
simultanéité a suscité quelques difficultés dans la mise en place de la
logistique nécessaire pour l’acheminement des moyens aériens.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
77
Enfin, le recours aux ambassades de France en Indonésie, en
Thaïlande et en Inde (l’attaché militaire étant compétent pour le Sri
Lanka) et aux attachés de défense des postes a pu, dans certains cas, se
trouver compliqué par l’absence de moyens de déplacement et de
communication adaptés à une situation locale devenue chaotique et aux
distances importantes séparant les capitales des sites de la catastrophe. Un
certain nombre de dispositions pratiques peu onéreuses par rapport aux
coûts
opérationnels
que
peuvent
occasionner
des
complications
logistiques pourraient être assez facilement adoptées à l’avenir (mise à
disposition d’équipements, possibilité de disposer immédiatement de
crédits permettant l’achat de téléphones portables locaux et la location de
véhicules, etc.).
L’opération « Beryx » aura, en définitive, montré qu’en dépit d’un
contexte très spécifique, le recours aux moyens militaires dans les crises
humanitaires ne nécessite ni nouvelles procédures de mise en oeuvre des
forces ni innovation institutionnelle en matière de coordination, mais bien
une claire distinction entre la phase d’urgence et celle où les moyens
civils doivent prendre le relais.
2 -
Le soutien des autres ministères
a)
Le ministLre des affaires ØtrangLres
Les actions d’urgence décidées par la cellule d’urgence du
ministère des affaires étrangères ont été pilotées et financées par la
délégation à l’action humanitaire (DAH). La DAH a, comme pour ses
autres missions, assuré l’affrètement d’avions, la mise à disposition de
stocks et le préfinancement d’opérations immédiatement nécessaires. Les
dépenses d’affrètement font l’objet d’appels d’offres.
L’intervention française s’est d’abord manifestée par l’envoi
immédiat de premiers secours : détachements de sécurité civile, y compris
éléments de reconnaissance et d’évaluation (ERE), pompiers, spécialistes
de l’identification, équipes médicales (Samu) pour des tâches de première
urgence
et
d’assistance
médicale
immédiate,
stocks
et
rations
humanitaires. La DAH a préparé avec la sécurité civile l’envoi de
l’hôpital de campagne ESCRIM.
On peut également qualifier d’interventions immédiates un certain
nombre d’opérations - financées par la DAH – qui se sont étalées
jusqu’en mars-avril 2005, comme les transports de personnels de relève
ou l’acheminement de matériels complémentaires comme les osmoseurs,
puis le retour d’équipements lourds comme l’hôpital ESCRIM.
78
COUR DES COMPTES
Il a déjà été signalé que la direction des Français à l’étranger et des
étrangers en France a envoyé une chargée de mission à Phuket ainsi que
des agents de la Croix-Rouge française en application du partenariat
conventionnel qu’elle a avec cette association.
b)
Le ministLre de l intØrieur
Dès le 27 décembre, le ministère de l'intérieur a envoyé une
première mission d’évaluation de la direction de la sécurité civile à
Colombo. Cette équipe a soutenu l’ambassade dans la gestion du fret
humanitaire et dans l’accueil des ONG. Elle a rencontré ensuite
d’importantes difficultés à Banda Aceh, en Indonésie, trouvant un
aéroport surchargé et des partenaires locaux dépassés et sans moyens
logistiques ou financiers pour y remédier.
Le 27 décembre également, 60 militaires de l’unité d’instruction et
d’intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou ont été envoyés à
Ampara, dans l’Est du Sri Lanka pour des opérations de secours
médicaul, de dégagement des accès et de sécurisation des habitations. .
Une équipe composée de policiers de l’unité d’identification de la police
et de la police technique et scientifique a rejoint le 29 décembre une
première équipe d’experts de la gendarmerie qui avait été dépêchée en
Thaïlande pour participer aux opérations d’identification des personnes
décédées. L’ESCRIM est arrivé en Indonésie la première semaine suivant
la catastrophe.
Outre l’engagement de ces moyens pour les opérations de secours
en Asie du Sud-Est, le ministère de l’intérieur a activé une cellule
nationale de coordination pour recueillir et traiter en temps réel les
données d’identification des victimes
.
Enfin, les services de police et de
gendarmerie ont reçu instruction d'accueillir toute personne souhaitant
faire une déclaration de disparition ; les informations recueillies étaient
immédiatement transmises à la cellule nationale d'identification et à la
cellule d'urgence du ministère des affaires étrangères.
B - Les différents domaines d’intervention des
associations
1 -
L’évaluation des besoins
La mobilisation des associations a été immédiate. Pour la plupart
d’entre elles, la phase d’évaluation des besoins et de diagnostic se déroule
concomitamment à l’envoi d’équipes sur place. Cette évaluation a été
réalisée de façon plus ou moins approfondie selon les cas.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
79
a)
Les ONG appartenant
un rØseau
Pour les grandes associations qui appartiennent souvent à un
réseau plus vaste, comme le Secours catholique ou la Croix-Rouge
française, la procédure est précisément normée.
Pour le Secours catholique intervient ainsi l’équipe de soutien aux
interventions d’urgence (ERsT - Emergency Response Team), équipe
composée de professionnels mise en place par le secrétariat général de la
confédération Caritas internationalis. La « phase ERsT » (ou « phase de
livraison ») est celle d’une réponse immédiate aux besoins les plus
pressants et de l’établissement d’une plate-forme commune. Elle a
notamment pour objectif, de mener en 15 ou 20 jours une évaluation
initiale de la catastrophe, de la capacité d’intervention de la l’association
nationale caritas du pays touché et des besoins logistiques ; d’élaborer
rapidement un appel aux Caritas contributrices pour élaborer et financer
un programme coordonné de financement et d’intervention (SOA
67
)
couvrant les besoins immédiats ; d’établir des contacts avec d’autres
organismes (spécialement l’ONU) et des ONG sur le terrain, avec les
ambassades intéressées (y compris la Nonciature) et les représentants des
donateurs institutionnels potentiels dans le pays.
Pour
la
Croix-Rouge
française,
les
principes
et
règles
d’intervention, les procédures, les formations et les matériels reposent
dans la phase d’urgence sur l’intervention des équipes « FACT
68
»
d’évaluation et de coordination et « ERU
69
» de réponse aux urgences
humanitaires.
Lors d’une catastrophe, et après l’appel à l’aide internationale du
pays ou de la société nationale soeur, la Fédération internationale des
sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge effectue une
évaluation. Cette évaluation est menée par les équipes FACT, qui sont
composées de personnels des sociétés nationales ayant suivi des
formations à l’évaluation et à la coordination en urgence. Ainsi la Croix-
Rouge française dispose de 10 collaborateurs formés FACT et l’un
d’entre eux a été mobilisé dans l’équipe Sri Lanka fin décembre 2005. La
mission de l’équipe FACT est double : elle doit entendre les priorités de
la société nationale et participer aux réunions organisées avec le
gouvernement et le bureau représentant les Nations Unies sur place
(BCAH en général) ainsi qu’avec les principaux acteurs de l’urgence pour
faire très rapidement une offre de secours aux autorités nationales et
67) Special Operations Appeal.
68) Field Assessment and Coordination Team.
69) Emergency Response Unit.
80
COUR DES COMPTES
délimiter les zones et thèmes de l’intervention de la Croix-Rouge
française ; elle doit aussi aider à l’accueil et à la coordination des équipes
de réponse aux urgences qui arrivent dans les jours qui suivent la
catastrophe, une fois la zone et les thèmes connus et après avoir rendu
compte à Genève.
Les ERU sont des équipes financées par les sociétés nationales,
formées de professionnels et de spécialistes qui bénévolement, vont partir
pour des missions d’extrême urgence dans un délai très court. Le
déploiement des ERU se fait sous mandat de la Fédération internationale
et toujours en accord avec la Croix-Rouge locale. Ces équipes ont aussi,
de façon indirecte, un rôle d’évaluation. Ainsi, c’est dès l’intervention de
l’ERU « eau et assainissement » de la Croix-Rouge française à Sigli en
Indonésie que le problème de l’eau dans cette zone, qui concerne
28 000 personnes réparties sur 46 sites, est apparu : l’eau était soit salée
soit douce mais en quantité insuffisante et de qualité impropre à une
consommation directe. L’ERU a identifié les sites de production et a
organisé des rotations de camions pour amener l’eau potable, projet qui a
ensuite été repris par la Croix-Rouge française.
Dans le cas d’un organisme appartenant à un réseau, comme le
Comité français pour l’UNICEF ou le Secours islamique français, c’est
l’UNICEF ou l’IRW
70
qui, à travers ses bureaux de pays, procède à
l’évaluation des besoins locaux.
b)
D autres modalitØs d Øvaluation
Le cas de ces grandes associations est cependant assez spécifique ;
l’évaluation locale des besoins se fait en général de façon plus informelle,
soit par l’équipe d’intervention arrivée sur place, soit par l’intermédiaire
d’un partenaire local, soit par le bureau de l’association implanté sur
place.
- Le premier cas est le plus courant. C’est ainsi qu’a procédé par
exemple Médecins du Monde. Deux équipes logistiques et médicales ont
été envoyées dès le 28 décembre au Sri Lanka et en Indonésie. Les
évaluations
ainsi
réalisées
ont
été
rapides
et
sommaires,
mais
correspondaient à la situation d’urgence. À Banda Aceh par exemple, la
première évaluation des besoins a été faite à partir du 30 décembre 2004
et s’est poursuivie jusqu’au 4 janvier 2005, tandis que les premières
cliniques mobiles étaient mises en place. La méthode d’évaluation rapide
utilisée a été la suivante : coordination avec les autorités sanitaires à
Banda Aceh, coordination avec la cellule de crise des autorités à Jakarta
70) Islamic Relief Worldwide.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
81
et Banda Aceh, coordination avec les agences des Nations Unies et les
ONG sur place, évaluation sur place des différents sites où des besoins
étaient identifiés, cartographie en collaboration avec les autres acteurs de
santé des besoins, des risques et des moyens mis en oeuvre.
Dès janvier, les 14 sites initiaux d’intervention de Médecins du
Monde, pour le projet portant sur l’urgence liée au rétablissement des
soins de santé primaires, ont été choisis grâce à cette méthode. Jusqu’à la
mi-avril 2005, soit pendant toute l’intervention de l’association en
substitution du système local de santé, l’équipe de Médecins du Monde a
procédé à une réévaluation permanente des besoins, transmise au siège
chaque semaine.
Pour les associations intervenant sur l’urgence, mais ayant aussi
l’intention de mettre en place des projets de reconstruction, l’évaluation
s’est souvent faite en deux temps : une première évaluation rapide des
besoins, puis un diagnostic plus approfondi quelques semaines plus tard.
Ainsi le dispensaire de Médecins du Monde à Kinniya a-t-il été aménagé
dès le 31 décembre 2004 au vu des conclusions de l’équipe arrivée à
Trincomalee. Une évaluation spécifique des besoins a été menée fin
janvier dans le nord du Sri Lanka par la coordinatrice générale, un
médecin et un logisticien de l’équipe terrain de Trincomalee ; elle a
conduit à une installation de l’association à Mallavi afin de réhabiliter
l’hôpital rural.
- Dans le deuxième cas, lorsqu’un partenaire local est déjà sur le
terrain, l’évaluation se fait par des équipes en place. En Inde, le BICE a
confié à son partenaire indien le soin de faire un diagnostic d’urgence.
Celui-ci, basé à Pondichéry et spécialisé dans les actions en faveur des
enfants et des populations les plus démunies, a été contacté le 2 janvier.
Le 6 janvier, le BICE décidait d’intervenir dans la région.
- L’évaluation se fait aussi localement lorsque l’association
française dispose déjà d’un bureau ou d’équipes sur place. Ce fut par
exemple le cas de MSF, implantée au Sri Lanka depuis de nombreuses
années ; en Indonésie, l’association est passée par MSF Belgique, déjà
présente, afin de mener une première mission d’évaluation.
On peut citer même un quatrième cas de figure : celui où ce sont
des associations qui, une fois arrivées sur place, ont eu besoin d’autres
associations. L’association Electriciens sans frontières a été appelée par la
Croix-Rouge française en Indonésie et au Sri Lanka, puis par le Secours
Catholique au Sri Lanka, afin de procéder à l’alimentation en électricité
d’hôpitaux ou de camps de réfugiés.
82
COUR DES COMPTES
c)
ApprØciation gØnØrale
Des diagnostics ont souvent pu être réalisés rapidement après la
catastrophe, les réponses des associations élaborées en urgence ont été en
général bien adaptées au terrain. Il n’y a pas eu de décalage majeur entre
le diagnostic initial et les besoins réels, dans cette phase d’urgence.
Le seul fait notable est, dans certains cas, la surestimation du
nombre de blessés. Les associations spécialisées dans le domaine médical
se sont aperçues peu de temps après leur arrivée soit qu’elles resteraient
moins longtemps que cela avait été anticipé, comme Médecins sans
frontières qui a quitté le Sri Lanka le 15 mai 2005, soit qu’elles devraient
plutôt prendre en charge des projets à long terme comme la rénovation
d’hôpitaux ou de dispensaires, ce qui fut le cas pour la Croix-Rouge
française ou Médecins du monde en Indonésie. Médecins sans frontières
souligne ainsi qu’à Meulaboh (Indonésie) l’hôpital comprenait douze
chirurgiens urgentistes étrangers et locaux, soit beaucoup plus que les
besoins réels ; en revanche, la quasi-totalité du personnel infirmier avait
péri et c’est sur cet aspect que l’association a décidé de centrer son action.
Le rapport du groupe URD
71
du 16 décembre 2005 sur l’évaluation
de l’aide publique française aux pays touchés par le séisme et le tsunami
du 26 décembre 2004 insiste ainsi sur l’importance du calibrage des
moyens en début de phase d’urgence car « un tsunami tue mais blesse
peu ».
2 -
La mise en place d’une organisation interne spécifique
La plupart des organismes contrôlés par la Cour ont eu une
procédure interne de fonctionnement dérogatoire en phase d’urgence,
qu’elle ait été mise en place de façon informelle ou prévue par les statuts.
Dans le premier cas, le plus répandu, les décisions principales ont
été prises par le directeur général ou par le bureau de l’association, sans
consultation au préalable du conseil d’administration, qui a en général été
informé dans les semaines qui suivirent. Ainsi, la réaction de l’association
Solidarités - Aide humanitaire d’urgence face à la catastrophe a été très
rapide et le lancement des procédures d’intervention tout à fait informel.
L’accord des membres du bureau sur le projet d’intervention dans les
zones affectées a été sollicité par un courrier électronique du
28 décembre, les interventions ont ensuite été validées par le conseil
d’administration du 29 janvier 2005.
71) Groupe Urgence Réhabilitation Développement, étude commandée par le
ministère des affaires étrangères (voir chapitre IV, II-B).
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
83
Chez
Médecins
du
Monde,
les
décisions
stratégiques,
opérationnelles et financières sont prises par le conseil d’administration
pour les plus importantes et par le comité de direction pour les autres. En
cas d’urgence, un processus court de décision existe, dans lequel les
décisions peuvent être prises par le président, après consultation du
responsable de mission du pays concerné ou du responsable du groupe
continental concerné, et le directeur des opérations internationales, après
consultation de son adjoint en charge des urgences. Dans le cas du
tsunami, la décision d’intervention a été prise dès le 26 décembre 2004 en
processus court, et a été confirmée par le conseil d’administration le
7 janvier 2005.
Dans de nombreux cas, une personne spécifique a été ensuite
rapidement désignée ou une structure ad hoc créée pour suivre les projets
et les procédures sont alors devenues plus classiques. En décembre 2004
et janvier 2005, le directeur des missions de Solidarités - Aide
humanitaire d’urgence a centralisé les informations opérationnelles en
provenance du terrain et validé les axes des projets proposés par les
responsables d’évaluation sur place, en informant les membres du
bureau ; le 2 février 2005, une cellule « Asie », composée d’un
responsable géographique, de son assistant et d’une gestionnaire, a été
créée pour assurer la gestion spécifique des missions Indonésie et Sri
Lanka, suivant le fonctionnement classique de l’association.
3 -
Les actions d’urgence
a)
Des domaines nombreux d intervention
Les actions qualifiées d’urgence par les 32 organismes contrôlés
par la Cour ont concerné deux pays principalement, puisque l’Indonésie
et le Sri Lanka ont bénéficié de 87 % des actions d’urgence financées,
devant la Thaïlande et l’Inde.
L’assainissement de l’eau et les premiers soins et secours sont les
deux thèmes prédominants puisque ces actions représentent plus de 80 %
des dépenses relatives à l’urgence, le solde ayant financé des projets de
déblaiement des débris et de distribution de produits de première
nécessité.
En
matière
d’assainissement
de
l’eau,
Solidarités
-
Aide
humanitaire d’urgence a réalisé dans le district d’Ampara au Sri Lanka,du
24 janvier 2005 au 30 septembre 2005, un projet financé par l’Agence de
l’eau Seine-Normandie et la Fondation de France dont 35 000 personnes
ont été bénéficiaires. Les réalisations ont été les suivantes : construction
de 550 toilettes permanentes, pose de 18 kilomètres de canalisations,
84
COUR DES COMPTES
production et distribution quotidienne d’eau potable, installation de 100
réservoirs pour stockage et distribution d’eau potable, promotion à
l’hygiène et distribution de kits d’hygiène, vidange des fosses submergées
et inutilisables de 771 latrines, nettoyage de 500 puits afin d’en restaurer
l’usage (eau domestique et parfois eau de boisson), aménagement de 20
aires de lavage.
En matière d’accès aux soins primaires, on peut citer l’exemple de
Médecins du Monde au Sri Lanka, où le dispensaire de Kinniya, déjà
évoqué, ouvert 7 jours par semaine, a fourni les services suivants à la
population : consultation de médecine générale, suivi ante et postnatal,
suivi nutritionnel, surveillance épidémiologique et transfert des cas
urgents aux structures de référence ; en complément, des consultations
mobiles ont été organisées dans le district de Trincomalee. Début février
2005, un hôpital de campagne au plateau technique complet a été mis en
place par la Sécurité civile italienne, Médecins du Monde a réduit
progressivement ses activités de consultation. Une proche collaboration
avec le ministère de la Santé et les organisations internationales a conduit
l’association à estimer que le redémarrage du système public de soins
pourrait se réaliser sans que son concours constitue une réelle plus-value.
Pour ces raisons, l’intervention de Médecins du Monde à Trincomalee
s’est limitée à la phase d’urgence et s’est achevée le 23 février 2005.
Il faut noter, dans le domaine des premiers secours, les actions de
Secouristes sans frontières (SSF) ou de Pompiers sans frontières (PSF).
SSF est intervenu au Sri Lanka dès le 27 décembre 2004, à la
demande de la délégation à l’action humanitaire, pour une mission
commune avec la Sécurité civile. L’équipe, d’une vingtaine de membres,
était composée de trois médecins urgentistes, un infirmier anesthésiste,
une infirmière de bloc opératoire et quinze spécialistes en sauvetage
déblaiement. Elle a installé un poste médical avancé de campagne dans le
district d’Ampara au sein d’un camp de réfugiés à Kalmunai, près de
Batticaloa. SSF indique que, durant les six jours où elle a été présente sur
place, l’équipe a pris en charge 1 548 victimes et que les sauveteurs ont
désincarcéré, avec des moyens semi-lourds, sept corps sans vie.
PSF a envoyé à Sumatra une équipe d’intervention de dix
membres, dont un médecin et 2,5 tonnes de matériel. Jusqu’au 18 avril
2005, l’association a participé à la gestion d’un camp de 2500 réfugiés
dans la région de Banda Aceh, en assurant l’accès à l’eau potable, en
mettant en place un dispensaire et en développant des actions de
sensibilisation à l’hygiène.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
85
Enfin, des associations spécialisées dans des domaines techniques,
comme Electriciens sans frontières (ESF) ou Télécoms Sans Frontières
(TSF), ont effectué des actions d’urgence dès l’annonce de la catastrophe.
L’action de Télécoms Sans Frontières (TSF) en Indonésie
Lorsque les premiers volontaires de Télécoms Sans Frontières sont
arrivés à Banda Aceh le 2 janvier 2005, leur réputation d’ingéniosité les
avait précédés. Dès le 28 décembre, une équipe de TSF était arrivée au
Sri Lanka, sur un vol affrété par le Gouvernement français. Quand, cinq
jours après le séisme, le gouvernement indonésien a décidé de faire appel
à l’aide internationale, TSF a envoyé une équipe depuis Colombo.
Les moyens de TSF semblent à première vue dérisoires face à
l’ampleur de la catastrophe. Fondée en 1998 par un cadre de France
Télécom et basée à Pau, l’association compte huit salariés et une trentaine
de bénévoles, pour un budget annuel de l’ordre de 500 000 €. Mais elle a
déjà prouvé, à l’occasion d’autres catastrophes humanitaires, qu’elle sait
mobiliser pour des opérations d’urgence, des moyens à la fois humains
(volontaires), matériels (appareils mobiles de communication satellitaire)
et financiers (en particulier auprès d’ECHO). Repérant les catastrophes
naturelles grâce à un réseau de satellites géostationnaires, TSF déploie
immédiatement des équipes légères qui installent, pour les ONG et
agences de l’ONU, des centres de télécommunications provisoires ; elle
met en outre à disposition des populations des lignes satellitaires qui leur
permettent de rentrer en contact avec des proches.
En Indonésie, TSF a installé à Sumatra, dès le 3 janvier, deux
centres de télécommunications pour 163 acteurs de l’urgence (ONG,
agences onusiennes, autorités locales). Le premier centre, établi à Banda
Aceh au Centre d’information humanitaire des Nations Unies, a été, dans
les
premiers
jours
de
l’intervention,
l’unique
centre
de
télécommunications locales et internationales. Le second a été
établi à
Meulaboh, au centre de coordination des ONG. Parallèlement, TSF a
installé des centres d’appels mobiles dans 47 camps de personnes
déplacées. Trois à cinq minutes étaient offertes à 3 406 familles sinistrées,
qui ont pu appeler leurs proches. TSF est intervenue à nouveau après le
séisme qui a frappé l’île de Nias le 28 mars 2005.
86
COUR DES COMPTES
b)
La participation des bØnØficiaires
l action d urgence
L’exemple d’Electriciens sans frontières est significatif de
l’implication des acteurs locaux : en Indonésie, les bénévoles, durant
leurs missions, ont utilisé les services des personnes résidant dans les
camps, sur proposition du coordinateur local de la Croix-Rouge française.
Ils ont travaillé avec la compagnie locale d’électricité PT.PLN. Un accord
a été signé pour contractualiser le partenariat pendant les opérations
menées dans les camps de personnes déplacées. Au Sri Lanka, à
Beruwala, lors des deux missions de juin et de septembre 2005, cinq
apprentis
ont
été
formés
aux
métiers
« installations
électriques
intérieures » par les volontaires d’Electriciens sans frontières.
Peut être cité aussi l’exemple du projet de travail contre
rémunération (« cash for work ») de l’association Solidarités - Aide
humanitaire d’urgence au Sri Lanka, accordant aux victimes une
indemnité pour déblayer, avec l’aide de l’association, une partie des
débris encombrant la zone, afin de recommencer à gagner leur vie.
Financée par l’Ambassade de France, cette action a bénéficié de façon
directe à 1 522 personnes et de façon indirecte à 23 084 personnes. Au
total, 1204 maisons ont été nettoyées, 1522 emplois temporaires créés,
12,3 km de route compactés et 5 km de route gravelés.
Enfin, si nombre d’associations ont eu le souci d’évaluer a
posteriori les actions d’urgence, très peu d’entre elles ont interrogé les
bénéficiaires directs des actions. Seul Handicap International a mené ce
type d’expérience avec des évaluations sur échantillon, mais elles
concernent plutôt des actions de développement (prise en charge et
appareillage des handicapés).
4 -
Des dépenses peu significatives au regard des ressources
Au total, ce sont 21,06 M€ qui ont été consommés pour la phase
d’urgence par les 32 organismes contrôlés par la Cour, dont 7 M€ pour le
Sri Lanka et 11,4 M€ pour l’Indonésie. Ce montant apparaît faible au
regard des 289 M€ qui étaient disponibles pour les actions
72
.
A titre d’exemple, on peut noter que sur les 85 projets
subventionnés par la Fondation de France, 11 seulement relèvent du
thème « secourir », c’est-à-dire de l’urgence.
Il est clair que les sommes mobilisables allaient bien au-delà des
besoins de la phase d’urgence ; les projets dits de reconstruction-
développement ont donc pris une place essentielle dans la phase post
tsunami.
72) Voir chapitre 1, III-D.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
87
II
-
Phases « réhabilitation » et « reconstruction » :
des difficultés prévisibles
Les problématiques sont très différentes selon les domaines :
A - Programmes dits « intégrés »
Une division thématique des programmes de reconstruction est
partiellement artificielle dans la mesure où les organismes faisant appel à
la générosité publique s’efforcent, dès que c’est possible, de traiter
l’ensemble
des
problèmes
rencontrés
par
une
communauté
de
bénéficiaires. Ces programmes sont dits « intégrés ».
Pour illustrer cette intégration, on peut prendre d’abord l’exemple
de deux associations françaises de taille modeste. La première - Aide et
Action - spécialisée dans l’aide à l’enfance est intervenue en Inde et au
Sri Lanka, où elle a mené principalement des projets de réhabilitation
globale qui incluent aussi bien l’assistance psychologique et sociale et la
relance et l’adaptation des activités scolaires et périscolaires que la
reconstruction
de
l’activité
économique
et
de
l’habitat
et
des
équipements. La deuxième association - Architectes de l’Urgence –
spécialisée dans les actions de réhabilitation et de reconstruction, a
développé au Sri Lanka, dans un village complètement dévasté par le
tsunami (Muthur, district de Trincomalee), un programme qui inclut la
reconstruction de 120 maisons et la réhabilitation d’une école primaire, la
rénovation d’un local communautaire, la réalisation d’une coopérative de
fabrique de glace à poissons et une aide à la formation.
La Croix-Rouge française finance à 67 % un programme de
3,7 M€ lancé par une association sri lankaise SLRT (Solideal Loadstar
Réhabilitation Trust), qui couvre également la plupart des domaines
d’intervention. Le programme comprend la construction de 509 maisons
réparties en trois lotissements, l’agrandissement et l’équipement d’une
piscine dans une école (Polathumodora) et le redémarrage d’activités
économiques. L’association a rééquipé 322 personnes qui avaient perdu
leur principale source de revenu (veuves de pêcheurs notamment) :
bateaux de pêche, étals de poissonniers et de marchands ambulants,
outillages de maçons et charpentiers, ateliers de cordonniers et forgerons,
chantier naval au port de Mirissa.
88
COUR DES COMPTES
B - Eau et assainissement
1 -
Les interventions
Ce domaine concerne majoritairement des actions de post-urgence,
telles que la livraison d’eau par camion citerne, la réhabilitation de puits,
le drainage pour évacuer les eaux de pluie des camps. Il peut s’agir
également de programmes plus durables comme les accès permanents à
l’eau potable (puits, forage, canalisation, usine de traitement).
Il représente 12 % des dépenses de reconstruction, dont une forte
majorité en Indonésie.
Le projet déjà mentionné (voir I-B) de la Croix-Rouge française de
production et de distribution d’eau potable par camion (Sigli, Indonésie)
illustre la première catégorie des actions de post-urgence.
Ce projet (moins de 300 000 €) est à la fois complexe compte tenu
des contrôles permanents à effectuer sur la qualité de l’eau (plus d’une
trentaine de personnes mobilisées en permanence) et fragile en cela qu’il
dépend très fortement d’un approvisionnement régulier en carburant et de
l’état des routes. La Croix-Rouge française a d’ailleurs lancé un
programme afin de mettre en place un dispositif pérenne.
Un exemple de dispositif d’accès à l’eau permanent est fourni par
le projet de Solidarités au Sri Lanka (720 000 €) qui prévoit la pose de
18 kilomètres de canalisations, le nettoyage de 500 puits, et l’installation
de 550 toilettes permanentes et de 100 réservoirs. L’objectif est de
permettre un accès à 60 m3 d’eau potable produite et distribuée
quotidiennement à 4 000 victimes du tsunami.
La fourniture d’électricité constitue un autre service de première
nécessité qui peut être rapproché du thème de l’eau. L’association
Electriciens sans frontières est ainsi chargée de la réalisation de la partie
« infrastructures électriques » (1,5 M€) du projet de reconstruction de
400 maisons de la Croix-Rouge française sur l’île de Gan (atoll de
Laamu, Maldives).
2 -
Le principal problème rencontré : l’entretien des installations
L’entretien d’un système d’adduction d’eau potable représente un
coût difficilement supportable pour des populations économiquement
fragilisées et nécessite du personnel qualifié.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
89
Les OEuvres hospitalières françaises de l’Ordre de Malte
(OHFOM), en cofinancement avec l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, ont
installé 21 unités de purification d’eau dans des villages indiens. Elles ont
constaté que l’éducation à l’entretien des installations serait un processus
long. C’est pourquoi, les OHFOM et l’agence de l’eau assureront la
maintenance des sites pendant quatre ans et formeront les villageois pour
qu’ils puissent prendre le relais.
C - Hébergement et logement
1 -
Les interventions
La
reconstruction
d’équipements
collectifs
(établissements
scolaires, bibliothèques, crèches, orphelinats, maisons de retraite), qui
nécessite la signature d’accords avec les pouvoirs publics locaux et
nationaux pour garantir la cohérence de ces actions avec les politiques
publiques est traitée dans les domaines correspondants (eau, santé,
éducation).
Avec près de 40 % des dépenses hors urgence, la construction
d’habitations privées constitue la principale destination des dons des
Français, avec environ un tiers au profit de l’Indonésie, un peu moins
d’un tiers au profit du Sri Lanka et un tiers pour l’Inde et les Maldives
réunies.
Il est uniquement question ici des constructions de résidences
privées, même si la construction de lotissements de maisons implique
également que soient installés des équipements collectifs (route d’accès
avec éclairage, adductions d’eau, local communautaire, espaces verts).
La première action des ONG consiste à obtenir des listes de
victimes et à enquêter pour vérifier l’authenticité de leur identité et de
leur droit au logement. Après construction, les maisons sont remises en
propriété aux victimes mais une interdiction temporaire d’aliénation est
généralement prévue. Les organismes essaient de former les bénéficiaires
à l’entretien de ces lotissements.
La construction de 400 maisons à l’île de Gan, atoll de Laamu, aux
Maldives est la plus importante des opérations de construction post-
tsunami de la Croix-Rouge française (11 M€). Le gouvernement de la
République des Maldives a décidé la relocalisation d’une partie de sa
population dans des zones à l’abri de la remontée des eaux attendue du
fait du réchauffement de la planète. Il a signé le 10 novembre 2005 avec
la Croix-Rouge française et un opérateur de travaux publics un contrat de
construction pour la réalisation d’une première tranche de 400 maisons et
d’une deuxième tranche éventuelle de 160 maisons supplémentaires.
90
COUR DES COMPTES
2 -
Les problèmes rencontrés
La reconstruction est la forme d’aide qui se heurte aux plus
grandes difficultés et pour laquelle la consommation des crédits est la
plus forte.
a)
Les dØcisions des autoritØs locales
Outre les problèmes de coordination évoqués par ailleurs (voir
infra chapitre III, I-B), les autorités locales ont parfois mené des
politiques
qui
ralentissaient
le
travail
des
ONG
et
gênaient
particulièrement la construction des logements.
En Inde, le gouvernement fédéral a refusé l’aide internationale et a
demandé la solidarité interne des 21 autres Etats indiens vis-à-vis de
l’Etat du Tamil Nadu touché par le tsunami. Les ONG ont cependant été
autorisées à travailler mais sous certaines conditions (implantation
antérieure au tsunami, achat des matériels sur place). SOS Villages
d’enfants a ainsi pu intervenir, pour l’urgence et pour la construction d’un
nouveau village, parce que la construction d’un village SOS à Raïpur était
déjà en cours avant la catastrophe.
Ainsi, au Sri Lanka, où la guerre civile constitue déjà un frein
grave aux actions, la confusion et les fréquentes modifications de la
réglementation, notamment sur les zones constructibles, ralentissent et
complexifient la mise en oeuvre des programmes. Les petites associations
françaises, telles qu’Architectes de l’Urgence, ont rencontré des
difficultés pour être enregistrées par les autorités de Colombo, suivies de
complications
administratives
(ouverture
de
comptes
en
banque,
obtention de laissez passer pour les équipements et de visas pour les
expatriés).
b)
Les droits de propriØtØ
Les organismes donateurs ne peuvent reconstruire sur place que si
les victimes font la preuve qu’elles détenaient un droit de propriété
antérieurement au raz-de-marée. Au Sri Lanka et en Thaïlande, il a
parfois été difficile d’établir ces droits.
Selon les règles gouvernementales sri lankaises, seules les
personnes qui étaient propriétaires de leur terrain et dont la maison a été
détruite ont droit à un relogement. Les locataires et les nombreux
propriétaires de maisons sur des terrains squattés n’ont juridiquement pas
droit au relogement. Des exceptions sont possibles au cas par cas mais
doivent faire l’objet de démarches administratives longues.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
91
En Thaïlande, les droits de propriété font l’objet d’appréciations
différentes des ONG et du gouvernement thaïlandais. Les logements de la
communauté des 60 000 immigrés birmans légaux et ceux des dizaines de
milliers d’immigrés illégaux, qui travaillaient dans les plantations d’hévéa,
les pêcheries ou l’industrie du bâtiment et qui vivaient dans des habitations
précaires en bord de mer, n’étaient pas recensés dans les statistiques
officielles.
Cette restriction à reconnaître les droits de propriété peut avoir pour
origine la volonté de modifier, à la suite du tsunami, l’occupation des sites
côtiers (construction de complexes touristiques haut de gamme dans les
îles de Koh Pra Thong et de Koh Phi Phi en Thaïlande).
c)
Les problLmes logistiques
La demande en biens immobiliers correspond à huit fois la
réalisation d’une année ordinaire.
Cette situation est à l’origine d’une pénurie de main d’oeuvre, de
matières premières, de consommables et de terrains à bâtir. La hausse des
coûts de construction a été très forte. Ils ont doublé au Sri Lanka (hausse
du salaire des maçons de 5 $ à 10 $ par jour), ont augmenté de 30 % en
Thaïlande et de 45 % dans les provinces d’Aceh et de Nias (Indonésie).
Le prélèvement excessif de bois (utilisation traditionnelle du bois
pour les toits en Asie) et de sable pour le ciment aurait par ailleurs
provoqué des dommages environnementaux.
d)
La raretØ fonciLre
Lorsque les occupants des territoires dévastés par le tsunami
n’avaient plus le droit d’y retourner, les associations ont dû se procurer de
nouveaux terrains à bâtir. Or, la pression foncière sur les côtes s’est
fortement accentuée contraignant les ONG à payer ces terrains très cher ou
à attendre que les autorités les mettent gracieusement à leur disposition.
En Thaïlande, cette pression foncière s’accentue, en raison du
développement du tourisme ; les prix montent et les terrains de bord de
mer sont acquis les uns après les autres pour construire des équipements
touristiques.
Au Sri Lanka, pour prévenir de futures calamités, le Gouvernement
sri lankais a interdit en mai 2005 toute construction dans une zone de
200 mètres à partir du rivage. Dès lors, les populations, notamment de
pêcheurs, qui ne peuvent envisager de vivre loin de la bande côtière ne
pouvaient plus reconstruire sur les terrains qu’elles occupaient avant le
Tsunami. Amputée de la zone inconstructible, cette bande a connu une
pénurie et une envolée du prix.
92
COUR DES COMPTES
La zone tampon (« buffer zone ») a été modifiée après les élections
passant à 100 mètres ou 50 mètres selon les districts. Les habitations
construites par les ONG ou le Gouvernement pendant les quelques mois
où la « buffer zone » était de 200 mètres ne trouvent plus preneurs
aujourd’hui car les habitants qui ont un droit de propriété sur un terrain
plus près de la mer et redevenu constructible préfèrent y revenir. Ainsi,
sur le site de Polathumodara, où un vaste terrain a été viabilisé pour un
projet de 250 maisons, la Croix-Rouge française a vu 80 % de ses
bénéficiaires retirer leur demande de relogement à cet endroit, car ils
préféraient retourner sur leurs anciens terrains à nouveau constructibles.
Le programme a donc dû être ajusté à la baisse : seulement 100 maisons
pour les habitants dont les terrains restent inclus dans la nouvelle zone
tampon.
e)
La surenchLre entre ONG et l excLs d offre qui en rØsulte dans
certaines zones
L’abondance des fonds d’aide, l’inertie initiale des autorités
locales et la difficulté à monter des projets immobiliers complets en
disposant d’une liste de victimes fiable et de terrains constructibles ont
poussé certaines ONG à la surenchère. Elles ont multiplié des
interventions qui se sont dupliquées sur certaines zones ou certains
secteurs, tandis que d’autres étaient délaissés.
Pour les relogements, chaque bénéficiaire potentiel a été visité par
plusieurs associations, qui l’ont inscrit dans leurs listes. Dès lors, certains
programmes de construction se sont trouvés excédentaires par rapport au
nombre des victimes de la zone. Les ONG ont alors pu être tentées de se
livrer à une certaine compétition pour attirer les bénéficiaires. Certaines,
qui avaient conçu des projets pour des bénéficiaires identifiés, ont été
supplantées par d’autres, plus rapides ou plus généreuses, perdant ainsi
« leurs » bénéficiaires. La Croix-Rouge française au Sri Lanka a été à la
fois victime et auteur de telles situations. Ici, elle a perdu 19 bénéficiaires
qu’elle avait retenus pour un programme de construction mais auxquels
une ONG italienne avait promis une bicyclette et un réfrigérateur en plus
de la maison. Là, dans le village de Katugoda, elle a construit 22 maisons
(161 000 €) avec une association locale musulmane pour des bénéficiaires
qui ont délaissé un lotissement construit par le Gouvernement sri lankais
à quelques dizaines de mètres de là ; les explications de leur
comportement varient selon les interlocuteurs mais semblent tenir au fait
que les maisons construites par le Gouvernement ne respectaient pas
certaines habitudes culturelles locales : présence de murs mitoyens entre
les habitations, toilettes avec toit.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
93
En Thaïlande, le Secours populaire français a monté un projet
(700 000 €) qui portait initialement sur la construction d’un village de
53 maisons et d’un centre communautaire ainsi que la mise en place
d’une coopérative de pêcheurs ; le programme, inauguré en octobre 2006,
a perdu une partie de ses bénéficiaires, démarchés par d’autres ONG sur
place. Il a alors été réduit de 53 à 23 maisons.
Les 100 maisons que le Secours Islamique français a construites à
Blang Krevor (Indonésie) n’étaient en mai 2006 occupées que pour une
partie d’entre elles car les bénéficiaires potentiels refusaient de quitter
leurs hébergements temporaires, où ils recevaient des aides diverses, et en
raison de difficultés pour la fourniture d’électricité.
Inversement, certaines zones ont été insuffisamment couvertes
(zone tamoule par exemple) et il est arrivé que des bénéficiaires qui
semblaient au départ pris en charge par des ONG soient finalement
« abandonnés » : Caritas a ainsi engagé un projet de construction de
maisons après avoir constaté la présence de familles de pêcheurs dans des
abris temporaires très rudimentaires plus d’un an après le tsunami, car
Malteser International (Ordre de Malte) n’avait pas donné suite à son
projet au bénéfice de cette communauté.
f)
Le caractLre symbolique des constructions immobiliLres
De
nombreuses
associations
considèrent
les
programmes
immobiliers comme des vitrines de leur action. Ce souci, qui manifeste la
préoccupation légitime vis-à-vis du donateur d’utiliser son argent pour
des biens durables de qualité, peut contredire l’objectif d’aider
rapidement le maximum de personnes au meilleur coût.
Ainsi, selon la réglementation sri lankaise, les personnes qui ont
perdu la totalité de leur maison ont droit, soit à une maison neuve (valeur
moyenne 8 000-10 000 €), soit à des dons de matériaux de construction
pour une valeur de 5 000 € afin qu’ils reconstruisent eux-mêmes leur
maison. Cette dernière possibilité, ni visible ni valorisante, a été peu
utilisée par les ONG. Ce choix est à l’origine de protestations ou de
frustrations chez certaines victimes qui jugent injustes les situations qui
en résultent : personnes ayant perdu un conjoint ou un enfant mais dont la
vieille maison sans confort n’a pas été détruite par le tsunami et qui
doivent y rester tandis que la famille voisine, qui n’a perdu aucun de ses
membres mais seulement sa maison, reçoit une maison aux normes
occidentales (70 m
2
, jardin privatif, véranda) ; familles faisant l’effort de
reconstruire elles-mêmes leurs maisons et recevant moins d’aide que
celles qui ont attendu un relogement.
94
COUR DES COMPTES
g)
L entretien des lotissements
Pour éviter une dégradation rapide des maisons, comme cela a pu
être constaté dans d’autres régions du monde après des reconstructions
post calamités, les associations veillent à mettre les bénéficiaires en
mesure d’en assurer l’entretien. Un suivi des victimes est assuré après la
livraison de la maison pour vérifier que la possession de ce bien n’induit
pas des charges que les bénéficiaires ne peuvent pas assurer.
Pour gérer l’entretien des parties communes et le ramassage des
ordures, certains organismes tels que le Secours populaire français
incitent les villageois à s’organiser. Ils créent un fonds communautaire
pour prendre en charge les dépenses communes (fonds alimenté au départ
par une contribution du donateur, puis par des cotisations des habitants).
Le fonds est confié à une association de copropriétaires ou à un comité de
gestion.
D - Santé/Santé mentale
1 -
Les interventions
Les projets de santé financés par la générosité publique française
ont représenté environ 8 % des programmes en cours au profit
principalement de l’Indonésie (6 M€) et du Sri Lanka (5 M€).
Cette aide peut prendre plusieurs formes :
−
l’aide au redémarrage du système de santé (reconstruction
d’hôpitaux ou de dispensaires, formation du personnel soignant,
équipements médicaux) ;
−
les activités psychosociales pour soutenir les familles éprouvées
psychologiquement ou déstabilisées socialement ;
−
l’intégration
des
personnes
handicapées
(accessibilité,
intégration socio-économique).
L’association Aide médicale Internationale (AMI) s’est spécialisée
dans l’aide psychologique pour les personnes affectées directement ou
indirectement par le tsunami. Elle agit au travers de groupes de soutien
mutuel, des thérapies individuelles, des groupes de parole pour les
syndromes post-traumatiques, de la relaxation pour les troubles
somatoformes, la mise en place de clubs de jeunes et de thérapie par le
biais de l’art (théâtre, danse, musique, peinture).
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
95
En février 2005, Médecins du Monde a décidé de s’installer dans la
province nord du Sri Lanka, le Vanni, zone contrôlée par la rébellion
tamoule, afin de contribuer à corriger le déséquilibre grandissant entre les
zones côtières gouvernementales, où l’appui humanitaire et l’appui
international arrivaient de façon massive, et l’intérieur des terres où les
établissements de santé ruraux, structurellement faibles et délaissés,
sombraient dans l’oubli. Médecins du monde a apporté son soutien à
l’hôpital rural de Mallavi (49 lits) en réhabilitant la structure hospitalière
et le logement des soignants et en organisant la formation du personnel.
2 -
Les difficultés rencontrées
a)
Les besoins limitØs de la pØriode d urgence
Le tsunami a obligé les associations intervenant dans le domaine
médical, par nature plus orientées vers l’urgence, à consacrer une part
importante de leur activité aux programmes de reconstruction. Il est
apparu en effet que le tsunami a moins blessé qu’il n’a tué ou détruit.
Après les interventions d’urgence (prise en charge des pathologies
respiratoire dans les hôpitaux, fourniture de matériel de réadaptation
fonctionnelle
et
d’appareillage,
soins
aux
personnes
amputées),
l’association Handicap International s’est progressivement réorientée vers
l’intégration des personnes handicapées (campagne de promotion des
droits, accessibilité des bâtiments, y compris dans les camps de déplacés,
visite des praticiens chez les patients).
À Médecins du monde, association de tradition urgentiste, un
projet sur deux au Sri Lanka (réhabilitation de l’hôpital de Mallavi) et
trois projets sur cinq en Indonésie (santé mentale, reconstruction de
l’hôpital d’Abidin, réhabilitation de centres de santé) concernent la
reconstruction.
b)
Les relations avec les autoritØs sanitaires locales
C’est dans le domaine de la santé que la coordination avec les
autorités des pays bénéficiaires est la plus importante. Il est en effet
crucial que les lieux de soins soient répartis rationnellement sur le
territoire pour permettre un accès équilibré entre les régions.
L’excès d’offre a conduit à des demandes déraisonnables des
autorités locales. Ainsi l’hôpital de Banda Aceh réclamait en mai 2006 le
changement des matelas achetés six mois plus tôt, au seul motif qu’ils
étaient trop fins.
96
COUR DES COMPTES
c)
La pression pour Ølargir les interventions
d autres besoins que
ceux des victimes du tsunami
Les associations sur place disposent de fonds importants pour aider
les victimes du tsunami. En matière médicale, il est très difficile de
sélectionner les personnes en détresse qui se présentent dans les centres
de soins ou de refuser de mettre en place un dispositif d’accès aux soins
dans une région médicalement déficitaire au motif qu’elle était hors
d’atteinte du tsunami. Les actions de MDM ont ainsi bénéficié à 37 270
personnes au Sri Lanka et à plus de 4 millions en Indonésie ; il s’agit pour
la plupart de bénéficiaires indirects puisque les projets concernent
souvent le redémarrage du système de santé de la région et sont donc
potentiellement à la disposition de l’ensemble de la population de la zone
concernée.
En Inde, sur les neuf structures hospitalières aidées par la Chaîne
de l’espoir sur financement de la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux
de France, deux seulement ont été touchées de façon directe par le
tsunami. Le pourcentage de l’aide qui est allée à ces deux structures n’est
que de 38 %.
L’association Enfants du Monde - Droits de l’Homme a engagé en
avril 2005 au Sri Lanka (district de Matara) un programme de soutien
psychologique et social pour les enfants des camps. Depuis mars 2006,
après la signature d’un avenant avec ses financeurs, notamment la
Fondation de France, EMDH ne travaille plus seulement pour les victimes
du tsunami dans les camps, traite désormais tout enfant vulnérable dans la
zone (enfants des rues, handicapés) et s’oriente vers ceux placés en
institution.
Les ONG françaises ont cherché à se réorienter vers les zones
contrôlées par les Tigres tamouls, assez mal servies jusqu’à présent par
l’aide internationale et qui connaissaient de réels besoins sanitaires. Mais
dans ces zones, les personnes en grande difficulté sont, selon les cas,
victimes de la guerre civile (350 000 musulmans non tamouls vivent
depuis une dizaine d’années dans les camps de réfugiés après avoir été
expulsés de Jaffna par les forces tamoules) ou victimes du tsunami, sans
qu’il soit facile de les distinguer.
d)
La pØrennitØ des soins
La maintenance et la bonne utilisation des équipements médicaux,
après le départ des personnels expatriés, sont des préoccupations
traditionnelles des ONG médicales. Ce souci est présent aussi dans les
programmes post tsunami.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
97
La Chaîne de l’Espoir s’était souciée de former les futurs
utilisateurs des appareils médicaux installés à Meulaboh, au Sri Lanka et
en Inde mais elle a dû constater, quelques mois plus tard qu’à Meulaboh
les matériels de soins intensifs étaient peu utilisés par manque de
formation du personnel. Au-delà des problèmes de maintenance, les
associations
doivent
prévoir
des
budgets
locaux
pour
les
« consommables » (produits nécessaires pour faire fonctionner les
matériels médicaux), car leur coût est significatif.
Pour que les acteurs locaux puissent prendre le relais des
personnels expatriés, l’association Handicap International leur propose
des actions de formation et des partenariats. Médecins du Monde utilise
des modalités originales pour accélérer cette formation, telles que le
compagnonnage qui permet de faire former des soignants par les
expatriés sur le lieu de travail.
E - Enfance et scolarisation
1 -
Les interventions
Le principal intervenant pour la France est le Comité français pour
l’UNICEF qui finance des interventions ciblées sur chacun des quatre
pays
(reconstruction
d’écoles,
protection
de
l’enfance,
eau
et
assainissement). Son poids relatif explique que plus d’un quart des
actions financées par les donateurs français, terminées ou en cours, soient
consacrées à l’enfance (74 % pour l’Indonésie, 16 % pour l’Inde et 6 %
pour le Sri Lanka).
Les autres associations contrôlées par la Cour et spécialisées sur ce
thème sont Partage, Un Enfant par la main, le collectif Asie - Enfants
isolés, SOS Villages d’enfants, Solidarité laïque, Aide et Action, le
Bureau international catholique de l’enfance, Enfants du Monde - Droits
de l’Homme et le Centre français de la protection de l’enfance.
En outre, tous les organismes non spécialisés qui font appel à la
générosité publique consacrent le plus souvent une partie des ressources
d’un programme à aider les enfants.
Ces organismes interviennent sous une ou plusieurs de ces trois
formes :
−
une aide aux gouvernements locaux pour la reconstruction des
établissements éducatifs ;
−
la mise en place de parrainages (individuels ou collectifs) ;
98
COUR DES COMPTES
−
des projets cherchant à promouvoir un environnement de vie
favorable à l’enfant. Cela recouvre aussi bien la distribution de
micro-crédits ou d’outils de travail aux mères veuves que des
formations à l’hygiène et aux droits de l’enfant (détection des
abus
et
violences),
la
reconstitution
des
documents
administratifs perdus, des animations sportives ou artistiques ou
une aide aux frais scolaires.
Ainsi, les OEuvres hospitalières françaises de l’Ordre de Malte
(OHFOM) gèrent un projet au profit de 45 enfants orphelins du Tamil
Nadu en Inde. Ils seront aidés dans leur scolarité : une somme de 40 à
50 € sera versée chaque mois à leur profit pour couvrir les frais scolaires,
les uniformes et le matériel de l’école jusqu’en 2012, soit pendant six ans
(161 819 €). Le Comité catholique contre la faim et pour le
développement (CCFD) a participé à la création de quatre centres
d’apprentissage, deux crèches et un orphelinat au profit des enfants des
immigrés birmans en Thaïlande. Solidarité laïque, par son programme
PRODEAS, soutient notamment la construction de treize écoles, d’un
centre culturel et l’équipement de douze bibliothèques.
2 -
Les problèmes rencontrés
a)
Les coûts de fonctionnement gØnØrØs par les investissements
Comme en matière médicale, la construction d’établissements
scolaires neufs ne suffit pas à garantir leur fonctionnement durable.
Solidarité laïque a participé au financement du village de Gingota
près de Boosa au Sri Lanka (362 000 €). Le projet comprend la
construction d’une école dans chacun des deux villages reconstruits.
L’association locale partenaire s’est engagée à payer sans limitation de
durée les 6 500 € de fonctionnement annuel de l’école car elle souhaitait
que la nouvelle école fût gratuite (les écoles détruites par le tsunami
étaient cofinancées par des subventions du Gouvernement et une
participation des familles). Cette subvention de fonctionnement n’est, de
fait, garantie que jusqu’à épuisement des fonds de l’association.
b)
La mauvaise apprØciation des besoins
Sur ce thème également, les associations ont disposé de capacités
financières excédentaires, dues notamment au fait que les premières
estimations du nombre d’orphelins ou d’enfants isolés ont été totalement
erronées.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
99
Les expériences de l’association Un Enfant par la main illustrent
cette situation en Indonésie. Un premier projet, cofinancé par le Collectif
Asie – Enfants isolés et la Fondation de France pour une 1
ère
tranche
prévisionnelle de 85 000 € n’a fait l’objet que de 66 932 € de dépenses ;
UEPLM s’est retirée le 31 juillet 2005 ; le nombre d’enfants aidés ne fut
que de la moitié de l’objectif, les actions elles-mêmes n’ont été que
partiellement exécutées.
Cette opération, dont le coût était estimé sur les
informations recueillies dans une situation d’extrême urgence, a vu son
coût effectif réduit par la suite. À Aceh Jaya, l’association a monté un
autre projet (123 352 €) qui ne présente qu’un lien ténu avec la protection
de l’enfance puisqu’il vise à améliorer la productivité économique et
biologique des zones côtières et des forêts de mangrove, afin d’augmenter
le revenu des communautés locales.
Un projet, envisagé par SOS Villages d’enfants et annoncé aux
donateurs concernait un projet de village sur la côte Est du Sri Lanka. Sa
construction a finalement été confiée à d’autres associations du même
réseau (SOS KDI). Un partenaire du CCFD a dû, de même, renoncer à
construire un centre éducatif pour enfants en Thaïlande, parce que ces
derniers avaient été dans l’intervalle pris en charge par une ONG
chrétienne américaine.
F - Relance des activités économiques
1 -
Les interventions
Le rétablissement d’activités économiques génératrices de revenus
est apparu nécessaire car le tsunami a privé un grand nombre de
personnes de leur travail. Les associations françaises ont consacré pour
l’instant 12 % de leurs actions à ce thème (dont environ 30 % pour
l’Indonésie, l’Inde ou le Sri Lanka et 10 % aux Maldives).
Les interventions des ONG françaises prennent les formes
suivantes :
−
Le « cash for work » (argent contre travail) permet aux
populations dont les outils de travail ont été détruits de
bénéficier d’un minimum de ressources et d’engager des
travaux préalables aux constructions et réinstallations (par
exemple, déblaiement, nettoyage, assainissement, drainage).
−
Par le don d’outils de travail, les ONG cherchent à procurer aux
victimes les outils correspondant au métier antérieurement
exercé (filets, bateau de pêche, chantier naval, kit coiffeur,
machine à coudre, atelier de réparation, comptoirs de vente de
droguerie et épicerie) et à aider les veuves à faire face à la mort
du chef de famille.
100
COUR DES COMPTES
−
L’accès au financement par des prêts de l’association (micro-
crédits) ou la mise en place de prêts communautaires (gestion
de fonds de micro-crédits, coopératives, organisation de
groupes d’épargne et de solidarité) permet également aux
victimes de se procurer un outil de travail mais sous une forme
qui favorise une implication personnelle des bénéficiaires.
−
Des
formations
(centres
d’apprentissage,
formations
informatiques) sont fréquemment mises en place.
Les projets peuvent traiter individuellement chaque victime ou
viser l’implantation d’une filière économique susceptible d’assurer un
revenu à toute une communauté.
Dans la première catégorie, les « kits professionnels » individuels
(outils de travail) distribués par l’association Première urgence en
Indonésie instaurent un rapport contractuel entre l’association et le
bénéficiaire. Ce dernier signe un contrat de partenariat et s’engage à
respecter quatre conditions : rendre son projet rentable, prendre soin de
son « kit » et rembourser à terme 15 % de sa valeur, consacrer vingt
heures de volontariat aux travaux destinés à la collectivité
Un autre exemple est offert par le projet de Care France en
Thaïlande qui consiste, pour un coût total de 250 000 €, à contribuer à
130 projets de microcrédit. Care fournit un financement au fonds
communautaire de micro-crédit, qui sert pour des prêts en nature
(bateaux) ou en argent, que les bénéficiaires remboursent au fonds au
bout de trois ans. Parallèlement, ils ont l’obligation d’épargner pour
alimenter un fonds qui sert pour des prêts d’urgence aux membres du
groupe (remboursables en quelques mois). L’épargne est bloquée pendant
trois ans (elle constitue une sorte de garantie pour le remboursement du
prêt initial). Les bénéficiaires, pêcheurs et petits commerçants, élisent un
comité chargé de gérer le fonds, de faire signer des contrats de prêt et de
tenir les livres de comptes.
Parmi les projets communautaires de la seconde catégorie, un
projet financé notamment par la Fondation de France et les crédits du
gouvernement français et mis en oeuvre par l’association lyonnaise
Triangle Génération Humanitaire
,
pour un coût estimé de 1,2 million de
dollars, vise la remise sur pied de la filière « pêche » dans le district
d’Aceh Besar. Il couvre la construction de plus de 150 bateaux de pêche
livrés à la communauté avec le matériel nécessaire (filets et moteurs),
ainsi que la reconstruction et l’équipement de la coopérative.
L’AIDE FRANÇAISE AUX VICTIMES DU TSUNAMI
101
2 -
Les problèmes rencontrés
a)
L excLs d offre
Les responsables des gouvernements locaux et les associations
donatrices reconnaissent que l’excès d’offre et la volonté d’aller vite pour
faire reprendre l’activité économique ont pu conduire à des redondances ;
le cas emblématique est celui des bateaux de pêche.
Quand l’organisme donateur dispose de temps avant de remplacer
un
équipement,
des
bénévoles
de
l’association
recueillent
des
témoignages pour vérifier l’existence du préjudice et croiser ces
informations avec celles que détiennent les autorités. Mais d’autres
donateurs, soumis à la contrainte d’une utilisation rapide des fonds, ont
pratiqué une recherche hasardeuse de bénéficiaires : des personnes ont
reçu des bateaux alors même qu’elles n’avaient subi aucune perte dans ce
domaine et qu’elles ne disposaient pas de licences de pêche, obligatoires
pour exercer ce métier ; de « vrais » pêcheurs ont reçu plusieurs bateaux
du fait d’un manque de coordination entre ONG et agences officielles.
Ces dérives ont pu conduire à de véritables trafics par lesquels des
non-pêcheurs revendaient les bateaux qu’ils s’étaient vu attribuer
frauduleusement. Ces détournements furent d’autant plus importants que
les régions où ils se produisirent étaient difficiles d’accès et les contrôles
peu efficaces ou inexistants.