ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA MUTUALITÉ
SOCIALE
AGRICOLE
Rapport public thématique
Synthèse
Mai 2020
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes concernés
figurent à la suite du rapport
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
Un régime particulier de sécurité sociale
en déclin structurel
7
Une gestion insuffisamment performante
11
Des évolutions à inscrire dans le cadre des réformes
de la protection sociale
15
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
La Mutualité sociale agricole (MSA), héritière de dispositifs mutualistes nés dans
le monde des exploitants agricoles, est une entité de sécurité sociale de nature
professionnelle régie par le code rural et de la pêche maritime .
Elle constitue le deuxième régime de sécurité sociale en France avec 5,6 millions
de ressortissants . Le régime agricole comprend lui-même deux régimes, des
salariés et des non-salariés (ce dernier s’appliquant à la seule métropole
1
) .
En 2018, la MSA a versé 28,3 Md€ de prestations de toute nature (légales,
extra-légales d’action sanitaire et sociale et d’assurances privées) et mis en
recouvrement 16,3 Md€ de prélèvements sociaux, principalement au titre des
régimes agricoles mais aussi d’autres organismes, avec 1,25 Md€ de charges de
gestion correspondant principalement à un peu plus de 15 300 collaborateurs
exprimés en équivalent temps plein (ETP) . En dehors des cotisations, les
régimes agricoles bénéficient de ressources issues de la solidarité nationale qui
contribuent à en assurer l’équilibre .
La caisse centrale de la MSA (CCMSA), organisme de droit privé chargé d’une
mission de service public, anime 35 caisses pour l’essentiel interdépartementales
dotées d’une forte autonomie . Une convention d’objectifs et de gestion (COG)
négociée avec les trois ministères de tutelle (santé, agriculture, budget), encadre
la gestion de la MSA pour une période de cinq ans . La COG en vigueur couvre
les années 2016 à 2020, selon une temporalité différente de celle des COG
des branches du régime général (2018-2022) . La négociation d’une nouvelle
convention s’engage en 2020 .
Préalablement à ce rapport thématique, la Cour
2
avait dernièrement souligné en
2011 que la MSA avait procédé à des fusions de caisses locales de manière tardive
au vu de la baisse de la démographie des ressortissants du régime agricole, que
cette réorganisation des activités restait inachevée et que la fonction de pilotage
national de la caisse centrale demeurait insuffisamment affirmée .
1 Dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion), la sécurité
sociale des non-salariés agricoles est gérée par les caisses générales de sécurité sociale (CGSS)
communes avec le régime général . En revanche, il n’existe pas de régime agricole des salariés .
2 Cour des comptes, « La réorganisation de la Mutualité sociale agricole »,
in Rapport sur
l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2011
, p . 435 459, La
Documentation française, disponible sur www .ccomptes .fr .
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
À l’occasion de cette nouvelle enquête, la Cour a constaté que l’activité du
régime agricole demeure fragmentée en un grand nombre de caisses et, plus
encore de sites de production, et que les performances de gestion sont souvent
insuffisantes . Les spécificités de la MSA perdent de leur substance et justifient
de moins en moins une gouvernance atypique et peu adaptée à des évolutions
indispensables dans l’organisation des activités du régime agricole .
De fait, les difficultés rencontrées dans la gestion du régime de sécurité
sociale, mais aussi dans celle des activités situées dans le champ concurrentiel
(contrats d’assurance pour le compte d’acteurs privés et services aux
particuliers) requièrent des mesures fortes dans le cadre de la prochaine
COG . Au-delà, la question de l’avenir de la MSA est posée dans le contexte
de profondes transformations en cours de l’organisation de la protection
sociale de nos concitoyens .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un régime particulier de sécurité
sociale en déclin structurel
Un guichet unique de la protection
sociale qui couvre une population
plus large que les seuls exploitants
et salariés agricoles
Le régime agricole couvre des non-
salariés
(exploitants
agricoles,
collaborateurs
d’exploitation,
aides
familiaux
et
chefs
d’entreprises
reconnues comme agricoles par la
réglementation), mais aussi les salariés
d’exploitations agricoles, forestières
ou de pépinières, les salariés des haras,
ainsi que des salariés employés dans
l’industrie et les services : entreprises
agro-alimentaires organisées sous une
forme coopérative, Crédit agricole,
Groupama, personnels enseignants
des lycées privés agricoles, chambres
d’agriculture, etc .
Par rapport au régime général des
salariés, la MSA a pour principale
spécificité le « guichet unique »,
c’est-à-dire la gestion par une seule
institution
de
l’ensemble
de
la
protection sociale de ses affiliés .
Ainsi, la MSA verse les prestations
de base de l’ensemble des risques
couverts
par
la
sécurité
sociale
(maladie-maternité,
accidents
du
travail-maladies
professionnelles,
retraite et famille, par exception à la
compétence universelle des CAF), la
retraite complémentaire obligatoire
des exploitants et les prestations de
solidarité pour le compte de l’État
(aides au logement, prime d’activité,
allocation
pour
adulte
handicapé)
et
des
départements
(revenu
de
solidarité active) .
Par ailleurs, elle recouvre l’ensemble
des prélèvements sociaux dont sont
redevables les entreprises qui lui sont
affiliées au titre de la sécurité sociale,
des retraites complémentaires et de
l’assurance chômage des salariés, ainsi
que de la formation professionnelle .
Au-delà du régime agricole de sécurité
sociale proprement dit, la MSA propose
aux
particuliers,
ressortissants
du
régime agricole ou non, de souscrire
des
assurances
complémentaires
dans les domaines de la santé et de la
prévoyance pour le compte d’acteurs
privés . En outre, elle propose aux
particuliers une offre de services
à
la
personne
par
l’intermédiaire
d’associations partenaires .
Pour les ressortissants du régime
agricole, le « guichet unique », qui
assure la gestion des prestations
de
base
et,
dans
certains
cas,
complémentaires,
constitue
un
avantage réel : unicité d’interlocuteur ;
informations
couvrant
l’ensemble
du spectre de la protection sociale ;
versement conjoint des prestations
complémentaires et de base .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un fondement professionnel
qui perd de sa substance
La MSA gère un régime de protection
sociale dont l’assise professionnelle
se
réduit
inexorablement .
La
démographie des non-salariés décline
de manière continue, tandis que celle
des salariés, devenus majoritaires dans
le total des actifs du régime (58 % en
2018), stagne, d’autant que le régime
agricole n’est pour la plupart d’entre
eux qu’un régime secondaire dans leur
carrière professionnelle . Au global, la
MSA perd chaque année des assurés .
Un régime particulier de sécurité sociale
en déclin structurel
Évolution du nombre de ressortissants du régime agricole (2010-2018)
Population protégée en maladie
Retraités
Bénéficiaires famille
Cotisants vieillesse (axe de droite)
non salariés
salariés
0
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
0
500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
3 000 000
Source : Cour des comptes, d’après les données de la CCMSA
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Ce
déclin
démographique va
se
poursuivre : en 2030, le régime
des non-salariés n’aurait plus que
367 000 cotisants, contre 478 000
en 2018 .
La part croissante des salariés parmi
les ressortissants du régime agricole
n’est pas sans conséquence sur la
justification d’un régime autonome
de sécurité sociale, d’autant que le
régime agricole des salariés applique
pour l’essentiel les règles du régime
général, tandis que celui des non-
salariés conserve de fortes spécificités,
notamment pour les retraites .
Compte tenu notamment de son
déclin
démographique
global,
le
régime agricole de sécurité sociale
est le principal régime bénéficiaire
de la solidarité nationale (affectation
d’impôts et de taxes, compensation
démographique
généralisée
pour
les retraites, transferts d’équilibrage
des branches du régime général) .
En 2018, les ressources issues de la
solidarité
nationale
représentaient
ainsi 40,6 % de celles du régime des
salariés et 83,1 % de celles du régime
des exploitants .
Contrairement à celui des salariés, et
aux régimes d’assurance maladie des
non-salariés comme des salariés, le
régime de retraite des non salariés
ne
bénéficie
pas
d’une
dotation
d’équilibre du régime général . S’il
a retrouvé l’équilibre en 2018, une
importante dette (3,7 Md€ fin 2018)
demeure financée par des avances
de
trésorerie
du
régime
général,
financées par des emprunts à très
court terme émis par l’ACOSS sur les
marchés financiers internationaux . Il
convient de définir les modalités de
son amortissement par la CADES .
Une gouvernance spécifique,
qui constitue un frein
au pilotage national
et aux réorganisations
La gouvernance de la MSA s’appuie
sur un réseau de 13 760 délégués
locaux, élus par près de 2,7 millions
d’électeurs, qui élisent eux-mêmes
un peu plus de 1 000 administrateurs .
Ce réseau d’élus est fréquemment
mobilisé dans le cadre de l’action
sanitaire et sociale, pour des actions de
prévention et en tant que relais auprès
des ressortissants du régime . Élection
après
élection,
la
participation
est cependant en baisse ; lors des
dernières
élections
(janvier
2020),
elle s’est établie à 26 % en moyenne
(32,9 % pour les exploitants) .
L’organisation
de
la
gouvernance
en
trois
collèges
donne
un
rôle
prépondérant
aux
exploitants
agricoles (premier collège) et aux
chefs d’entreprises (troisième collège)
au détriment des salariés (deuxième
collège),
pourtant
majoritaires
en
nombre et appelés à l’être toujours
davantage .
En
outre,
les
conseils
d’administration des caisses de la
MSA
conservent
des
prérogatives
bien supérieures à celles de leurs
homologues
du
régime
général .
Ainsi, ils nomment et licencient les
hauts cadres des caisses locales et
de la caisse centrale, notamment le
directeur et l’agent comptable . Ils
sont également en mesure de peser
fortement sur les décisions relatives à
l’organisation des activités du régime
entre ses différentes caisses et au sein
de ces dernières .
La prévention des conflits d’intérêts
dans l’exercice des attributions des
conseils d’administration comporte
d’importantes
marges
de
progrès
qui appellent un renforcement des
procédures et de leur application .
Un régime particulier de sécurité sociale
en déclin structurel
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Avec 10 % environ des agents du
régime général, la MSA a, en 2018,
versé l’équivalent de 7,2 % des
prestations versées par les branches
du
régime
général
et
mis
en
recouvrement l’équivalent de 4,3 %
des prélèvements sociaux collectés
par les Urssaf .
L’importance des moyens engagés
au regard de la charge d’activité du
régime agricole par comparaison
au
régime
général,
traduit
la
fragmentation de l’activité de la MSA
entre un grand nombre de caisses
locales et, plus encore, de sites de
production . Elle ne s’accompagne
pas
de
meilleurs
résultats
dans
l’exercice des missions . Au contraire,
ces derniers sont inégaux et souvent
insatisfaisants .
Une organisation fragmentée
des activités
La
MSA
est
organisée
en
35 caisses locales, pour l’essentiel
interdépartementales,
issues
de
la fusion en 2010 de 84 caisses à
maille départementale . Le processus
de fusion
avait
été
engagé
dix
ans
plus
tôt,
mais
les
conseils
d’administration d’une partie des
caisses étaient réticents .
Malgré la baisse de la charge d’activité
intervenue depuis 2010, sous l’effet
de l’érosion de la démographie du
régime agricole, mais aussi de la
dématérialisation
croissante
des
échanges avec les assurés et du
traitement des opérations, la MSA n’a
pas engagé de nouvelles fusions de
caisses .
La carte des implantations n’a pas non
plus été resserrée . La MSA compte
encore
92
sites
de
production
2
(hérités de l’ancienne organisation
à 84 caisses), auxquels s’ajoutent
243 agences et 349 permanences
locales qui accueillent du public .
Au regard des montants de prestations
et de prélèvements gérés, toutes les
caisses de la MSA ont une petite taille :
les plus grandes caisses sont plus
petites que les plus petites caisses et
Urssaf du régime général .
Devant le manque de taille critique
d’un grand nombre de caisses et de
sites de production, la MSA a mutua-
lisé de manière obligatoire certaines
activités dans le cadre national, en
les confiant à un nombre réduit de
caisses . Surtout, elle a engagé des
mutualisations d’activités entre deux
ou trois caisses limitrophes au sein de
mêmes régions administratives .
Une gestion insuffisamment
performante
3 Sites où sont effectuées les tâches de gestion des prestations et des prélèvements sociaux, à
distinguer de ceux où sont reçus les assurés .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sans réduire le nombre de sites de
production, ces évolutions ont favorisé
leur spécialisation par domaine, selon
une intensité néanmoins variable selon
les caisses et les natures d’activité .
Certaines
insuffisances
dans
la
préparation et l’accompagnement des
redéploiements d’activité (au total,
2 000 agents ont changé d’activité)
ont
parfois
affecté
la
qualité
ou
la continuité de la production de
certaines caisses .
Malgré les mutualisations nationales
et
locales
d’activités,
les
caisses
demeurent faiblement
spécialisées .
Compte
tenu
de
la
marge
de
manœuvre étendue laissée aux caisses,
la très grande majorité d’entre elles a
conservé la gestion de l’ensemble des
prestations et prélèvements .
Si le « guichet unique » favorise une
prise en charge plus personnalisée
qu’au régime général, notamment
pour
les
exploitants
agricoles,
la
densité
très
élevée
des
accueils
physiques
s’accompagne
d’une
productivité plus faible (3,5 fois moins
de visites par agent à l’accueil qu’au
régime général) .
Cette transformation inaboutie de
l’organisation de la production des
prestations
et
du
recouvrement
des prélèvements sociaux souligne
les faiblesses de la caisse centrale
qui, faute d’autorité suffisante sur
les caisses locales comme d’outils
adaptés de pilotage, a mené une
réforme en demi teinte dont les
insuffisances devront être corrigées
lors de la préparation de la prochaine
convention d’objectifs et de gestion
avec l’État .
Des moyens insuffisamment
corrélés à la baisse de la charge
d’activité, un pilotage à renforcer
En 2018, la MSA avait un peu plus
de
15
300
emplois
exprimés
en
équivalent temps plein (ETP) . La MSA
a consenti des réductions importantes
sur longue période (-20 % entre 2004
et 2017 contre -12 % pour le régime
général), mais l’effort s’est ralenti au
cours des dernières années . La MSA
respecte les objectifs de réduction
prévus par la COG à partir de 2016
(- 1 300 ETP), mais une forte sous-
estimation du nombre de départs
en retraite a élargi les possibilités de
nouveaux recrutements . Entre 2016
et 2018, la MSA a par ailleurs réduit
ses dépenses de gestion courante de
0,3 % par an contre 1,15 % à la CNAM
et 1,65 % à l’ACOSS .
Si le suivi de l’atteinte des objectifs de
la COG en matière d’effectifs est assuré
par la caisse centrale, la gestion des
ressources humaines reste fortement
décentralisée .
La gestion des moyens du régime se
caractérise par un dialogue insuffisant
entre la caisse centrale et les caisses
locales . Pour l’essentiel, les plafonds
d’effectifs et de dépenses de gestion
courante
sont
répartis
entre
les
caisses de manière paramétrique . Sans
comptabilité analytique, ni instruments
de mesure de la charge d’activité
adaptés aux enjeux, la caisse centrale
de la MSA est dépourvue des outils à
même d’assurer une bonne adéquation
des moyens accordés à l’activité de
chacune des caisses .
Une gestion insuffisamment performante
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La baisse globale des effectifs se
traduit par une diminution de la part de
ces derniers affectés à la production,
au profit notamment des fonctions
support . Cette évolution reflète les
rigidités induites par le fractionnement
de l’activité en un grand nombre de
caisses et de sites . Elle est peu propice à
l’amélioration des délais de production
des prestations .
De manière générale, l’exercice de ses
missions de gestionnaire d’un régime de
sécurité sociale par la MSA pâtit d’une
allocation des moyens entre les caisses
locales qui procède de circonstances
historiques révolues et entraîne de fortes
disparités quant à l’emploi qui leur est
donné . Ainsi, la part des moyens affectée
à la production varie de 15 points entre
les caisses situées aux deux extrémités
du spectre sans que cet écart s’explique
par des disparités liées à la population
des assurés .
Malgré certains progrès, les achats
restent insuffisamment mutualisés au
niveau national . Par ailleurs, la gestion
immobilière
est
insuffisamment
coordonnée ; le recours à 34 sociétés
civiles immobilières (SCI), survivance
de pratiques anciennes, constitue un
frein à la mise en œuvre d’une politique
nationale par la caisse centrale .
Enfin, la MSA a récemment revu l’orga-
nisation de sa fonction informatique,
qui comprend désormais une direction
informatique de petite taille à la caisse
centrale, un GIE principalement chargé
de la maîtrise d’œuvre et huit pôles de
compétence de maîtrise d’ouvrage . Les
dépenses informatiques sont en forte
croissance au cours de la période
d’application de la COG 2016-2020
(315 M€ au total), mais la qualité des
systèmes d’information reste inégale
selon les domaines d’activité .
Des résultats très inégaux
et souvent insatisfaisants
dans l’exercice des missions
La performance de gestion des régimes
de sécurité sociale est fragile, voire
dégradée dans plusieurs domaines, ce
qui témoigne d’un pilotage insuffisant
par la caisse centrale et de résultats
très inégaux selon les risques gérés et
selon les caisses locales .
Conséquence
d’une
mauvaise
allocation des moyens, de défauts
d’organisation et d’outils perfectibles,
les performances sont variables en
fonction des domaines d’activité et,
plus encore, des caisses locales .
Le recouvrement des prélèvements
sociaux (16,3 Md€ au total) est le
principal point noir de la gestion
opérationnelle de la MSA, avec des
taux de restes à recouvrer de 6,4 %
et de 2 % sur les flux de prélèvements
sociaux respectifs des non-salariés et
des employeurs de salariés en 2018 .
Il pâtit des difficultés économiques
de certains secteurs d’activité . En
outre, le calcul par les caisses des
prélèvements dus par les employeurs
à partir des informations adressées par
ces derniers a fait place en 2017 à la
déclaration directe par les employeurs,
dans le cadre de la déclaration sociale
nominative (DSN), des prélèvements
dont ils sont redevables . De fait, la
MSA a insuffisamment maîtrisé cette
transformation et peine à résorber
les désordres comptables qui en ont
résulté pour elle et les tiers concernés
(Agirc-Arrco) .
Au-delà
de
ces
caractéristiques
communes,
les
performances
du
recouvrement
sont
très
inégales
selon les caisses, pour des raisons qui
tiennent pour partie à des différences
d’organisation et de pratiques .
Une gestion insuffisamment performante
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Pour les cotisations employeurs, les
restes à recouvrer se situaient, en
2017, entre 2,7 % et 13,5 % du flux de
l’année ; pour les non-salariés, entre
3 % et 12 % (si l’on met à part le cas
particulier de la Corse, dont le taux de
non recouvrement dépasse 30 %) .
S’agissant des délais de paiement des
retraites, les performances sont elles
aussi dégradées sur un plan global et
très hétérogènes entre les caisses : en
2017 et 2018, un peu plus d’une de-
mande de retraite sur deux était payée
à échéance, ce taux s’étageant de 20 à
80 % selon les caisses .
Les performances de la branche famille
de la MSA, qui concerne un nombre très
limité de bénéficiaires par rapport aux
CAF, sont en moyenne insatisfaisantes
et très contrastées entre les caisses .
En 2017 et 2018, seules 57 % des
prestations familiales et de solidarité
étaient payées à l’échéance .
Pour ces deux branches, une prise
de conscience récente a conduit la
MSA à prendre de premières mesures
correctrices pour les situations locales
les
plus
critiques
(entraide
entre
caisses, cellule nationale d’appui) .
La liquidation des prestations maladie
et
AT-MP
bénéficie,
en
revanche,
d’une
allocation
de
moyens
et
d’organisations permettant des délais
bien orientés et au moins comparables
à ceux du régime général .
Par ailleurs, la MSA a engagé avec
retard la mise en place d’indicateurs
visant à mesurer le paiement à bon
droit
4
des prestations . Les mesures
disponibles doivent être fiabilisées .
Celles aujourd’hui disponibles font
apparaître, là aussi, de fortes disparités
entre les caisses locales .
S’agissant de la relation de service
avec les assurés, la MSA fait preuve
de capacités d’initiative reconnues .
Néanmoins, le taux de réponse aux
appels téléphoniques est inférieur à
celui du régime général . La qualité
de service perçue par les assurés
est fortement hétérogène selon les
caisses .
Une gestion insuffisamment performante
4 C’est-à-dire une attribution et un calcul conformes aux règles de droit applicable, sans
insuffisance ni excès de versement au détriment ou en faveur des assurés .
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les
constats
établis
par
la
Cour
montrent qu’au-delà de difficultés
conjoncturelles,
la
MSA
connaît
des
handicaps
structurels
dans
un contexte caractérisé à la fois
par le déclin de la population des
ressortissants
du
régime
agricole
et de profondes transformations de
l’organisation de la protection sociale
de nos concitoyens, marquées par
une concentration croissante de cette
dernière autour du régime général .
Cette situation suppose de pouvoir
s’affranchir du statu quo institutionnel
pour engager les réformes nécessaires
et établir des perspectives d’avenir .
Des transformations
de l’organisation
de la protection sociale
qui placent la MSA
dans une position
de plus en plus isolée
Le
mouvement
d’ensemble
de
transformation de l’organisation de la
protection sociale tend à marginaliser
la MSA . En effet, les régimes de base
de l’ex-régime social des indépendants
(RSI) ont été intégrés au régime
général, alors qu’un regroupement
avec la MSA avait un temps été
envisagé . En outre, la mise en place
de la liquidation unique des retraites
dans les régimes alignés réduit la
charge de travail de la MSA en faveur
du régime général . Par ailleurs, le
projet de loi instaurant un système
universel de retraite prévoit que les
organismes chargés de gérer des
régimes de retraite obligatoires, dont
la MSA, concluront une convention
avec la caisse nationale de retraite
universelle,
nouvellement
créée,
pour déterminer les missions qu’ils
exerceront par délégation de cette
dernière dans le cadre du système
universel de retraite .
La
concentration
croissante
de
l’organisation de la protection sociale
autour du régime général rend peu
réalistes
les
hypothèses,
parfois
avancées,
d’élargissement
de
la
population du régime agricole aux
salariés de l’industrie agro-alimentaire
ou
aux
habitants
de
communes
rurales afin de compenser la baisse
de la charge d’activité du régime .
Ces
extensions
hypothétiques
du
périmètre du régime agricole par
réduction de celui du régime général
ne seraient d’ailleurs pas justifiées, car
elles n’apporteraient pas aux assurés
et aux cotisants de gains tangibles en
matière de qualité du service qui leur
est rendu .
Des évolutions à inscrire
dans le cadre des réformes
de la protection sociale
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Alors que le périmètre des missions des
branches du régime général s’élargit
en permanence, la MSA bénéficie tout
au plus de nouvelles activités de taille
limitée et de nature disparate : sous-
traitance de tâches de gestion d’autres
régimes ; transfert de la gestion de
régimes de petite taille (notamment
le service de l’allocation de solidarité
versée aux personnes âgées dépourvues
de tout droit contributif) .
Ces activités ne sont pas suffisantes
pour enrayer le déclin global de
la
charge
d’activité
de
la
MSA .
En
revanche,
elles
réduisent
les
ressources
qu’elle
peut
consacrer
à l’amélioration de la gestion du
régime agricole, notamment sur le
plan informatique, voire risquent de la
détourner des enjeux prioritaires que
constituent la qualité du service rendu
aux ressortissants du régime agricole
et l’efficience des moyens engagés .
Une expansion des activités
de la MSA en dehors de la sécurité
sociale à écarter
Devant
la
baisse
de
sa
charge
d’activité, la MSA pourrait être tentée
d’investir de manière plus active les
activités extérieures à la sécurité
sociale qui sont situées dans le champ
concurrentiel : gestion de contrats
d’assurance
complémentaire
santé
et de prévoyance ; offre de services
à la personne par le relai d’environ
200 associations partenaires .
Une orientation de cette nature serait
peu pertinente car elle pourrait, là
aussi, détourner la MSA des enjeux
d’amélioration de l’efficience de son
organisation et de la qualité de sa
production .
De plus, les activités situées dans le
champ concurrentiel soulèvent elles-
mêmes des difficultés .
Ainsi, les coûts de la gestion de
contrats d’assurance privés sont mal
connus, ce qui ne permet pas d’exclure
que les frais de gestion facturés aux
assureurs les couvrent de manière
incomplète .
Alors
que
certains
partenaires historiques du domaine
de l’assurance ont réduit les tâches
qu’ils confient à la MSA, le maintien
de prêts subordonnés (56,6 M€) à l’un
d’eux, pour une durée indéterminée
et avec une rémunération presque
symbolique, est contestable . Le régime
fiscal des activités de la MSA situées
dans le champ concurrentiel doit par
ailleurs être clarifié .
L’offre de services a des synergies
limitées avec le régime de sécurité
sociale qui constitue le cœur de métier
de
la
MSA
et
est
insuffisamment
pilotée par la caisse centrale . Elle
s’accompagne d’un grand foisonnement
institutionnel . Elle présente par ailleurs
des risques juridiques du point de vue
du droit de la concurrence, du régime
fiscal applicable et de la responsabilité
financière de la MSA, une partie des
structures
associatives
(notamment
les MSA services) étant dirigées par
des administrateurs ou des agents de
direction des caisses .
Plutôt qu’une expansion du champ
d’activité de la MSA, la question est
posée d’un réexamen de la gestion par
celle-ci
d’établissements
sanitaires
et médico-sociaux et de villages de
vacances, qui s’éloignent des missions
d’une institution de sécurité sociale .
Des évolutions à inscrire dans le cadre
des réformes de la protection sociale
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des évolutions à inscrire dans le cadre
des réformes de la protection sociale
Réexaminer la composition
et certaines prérogatives
de la gouvernance
Loin d’être un atout pour la conduite du
changement, la gouvernance actuelle
de la MSA apparaît comme un frein
face aux transformations nécessaires .
La difficulté de faire évoluer la carte
des
implantations
et
les
lacunes
persistantes du pilotage des activités
des caisses locales par la caisse
centrale en sont la manifestation .
Sans méconnaître l’attachement du
« monde agricole » au dispositif en
vigueur, ni le rôle positif joué par les
délégués cantonaux, la gouvernance
du régime agricole doit évoluer .
Au sein des conseils d’administration
de la caisse centrale et des caisses
locales,
l’absence
de
parité
des
représentants des salariés d’une part
et de ceux des employeurs et des non-
salariés d’autre part perdure, alors que
les salariés deviennent de plus en plus
majoritaires . Elle n’est pas justifiée par
le caractère professionnel du régime,
les autres caisses professionnelles
ayant
toutes
une
gouvernance
paritaire . Elle laisse à penser que
les préoccupations de la MSA se
concentrent sur les enjeux des seuls
exploitants agricoles . La MSA et ses
autorités de tutelle devraient engager
une réflexion sur la composition des
conseils d’administration .
De même, l’incapacité dans laquelle se
trouve le directeur général de la caisse
centrale, lui-même nommé et révocable
par son conseil d’administration, de
nommer et de révoquer les directeurs
des caisses locales, cette prérogative
relevant des conseils d’administration
des caisses locales, affecte la capacité
de la caisse centrale à mener une
politique nationale . La réflexion à
engager sur la gouvernance devrait
donc s’étendre à une modification des
modalités de nomination du directeur
général de la caisse centrale et des
responsables des caisses locales .
Enfin, l’État est représenté au conseil
d’administration de la CCMSA par le
seul ministère chargé de l’agriculture .
Celui chargé de la sécurité sociale
devrait aussi en être membre de droit .
Des marges d’efficience
dans l’organisation des activités
qui préservent la relation
à l’assuré
La MSA est moins efficiente que le
régime général : ses dépenses de
gestion courante absorbent près
de quatre centimes sur un euro de
ressources qui lui sont affectées,
contre moins de trois centimes pour
le régime général .
Devant
la
poursuite
de
la
contraction de sa charge d’activité,
une
réorganisation
d’ensemble
des activités du régime agricole
s’impose, sous la forme de fusions
de caisses ou de mutualisations
d’activités beaucoup plus étendues
dans le cadre national, le cadre
de
caisses
locales
limitrophes
étant trop étroit pour réorganiser
efficacement les activités du régime .
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des évolutions à inscrire dans le cadre
des réformes de la protection sociale
Ces évolutions ne remettraient pas
en cause le « guichet unique » qui
constitue le fondement du régime,
mais conduiraient à spécialiser plus
nettement
sur
certaines
activités
les sites de production qui seraient
conservés, sans amoindrir le maillage
territorial des accueils physiques des
ressortissants
du
régime
agricole,
assurés par la MSA de manière directe
ou par l’intermédiaire de partenaires .
S’agissant de ce maillage territorial, la
labellisation d’environ 1 800 structures
France services d’ici à 2022 décidée par
le Gouvernement, où les services de
la MSA seront accessibles à distance,
doit elle-même permettre de réduire
le nombre de structures d’accueil du
public propres à la MSA, beaucoup
moins sollicitées en moyenne que
celles des branches du régime général,
sans dégrader la relation de service
avec les assurés .
Une ouverture vers le régime
général à amplifier
À moyen terme, plusieurs scénarios
d’évolution
de
la
MSA
sont
envisageables . Plusieurs considérations
peuvent être prises en compte et faire
l’objet d’arbitrages : l’appréciation des
avantages du « guichet unique » dans
le contexte d’une dématérialisation
croissante des relations des assurés
avec
les
organismes
sociaux
;
la
présence
territoriale
souhaitable
des accueils et des activités propres
au régime agricole ; les écarts de
performances de gestion admissibles
avec les branches du régime général ;
la capacité autonome de la MSA à
corriger les faiblesses qui affectent ses
processus de gestion .
Indépendamment
des
oppositions
qui
pourraient
se
manifester,
une
intégration rapide de la MSA au régime
général n’est pas envisageable au
regard de l’importance des chantiers
dans lesquels les branches de ce
dernier sont engagées : transformation
du mode de production de la branche
famille, intégration de l’ex-RSI pour
les branches maladie et vieillesse et
les Urssaf, extension considérable du
périmètre des missions des Urssaf à
partir de 2020 ; projet de création d’une
caisse nationale de retraite universelle .
En revanche, il convient de développer
résolument
les
synergies
de
la
MSA avec les branches du régime
général, qui sont très insuffisamment
exploitées .
Au-delà
des
fonctions
support (achats, immobilier, etc .), un
enjeu essentiel porte sur les systèmes
d’information .
Peu
de
projets
communs ont abouti entre la MSA
et les branches du régime général .
Il en résulte des duplications de
moyens, mais aussi des risques pour la
maîtrise de la traduction informatique
des
évolutions
législatives
et
réglementaires ainsi que le respect de
leurs calendriers d’entrée en vigueur .
Les options de gestion retenues par
la MSA, notamment en matière de
systèmes
d’information,
devraient
donc privilégier une approche inter
régimes et veiller à laisser ouverts tous
les choix possibles à l’avenir pour les
pouvoirs publics . Afin de favoriser des
rapprochements opérationnels entre
la MSA et les branches du régime
général,
il
convient
notamment
d’impliquer
plus
fortement
ces
dernières dans cet objectif stratégique
et de faire coïncider les périodes des
conventions d’objectifs et de gestion
respectives de la MSA et des branches
du régime général avec l’État .
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
Exercer
plus
efficacement
les
missions du régime de sécurité
sociale
Établir, en vue de la préparation de
la nouvelle COG avec l’État, le bilan
des opérations de réorganisation
de
la
production
et
réformer
en
conséquence
l’organisation
territoriale de la MSA (CCMSA) .
Accorder une priorité immédiate à
une amélioration significative du
recouvrement
des
prélèvements
sociaux, par une meilleure utilisation
de l’ensemble des outils disponibles,
y compris de recouvrement forcé
(
CCMSA
) .
Approfondir la rénovation de la gestion
des régimes obligatoires et réduire
résolument les écarts de performance
au sein du réseau, par un pilotage
national resserré des moyens et des
résultats par la caisse centrale et la
systématisation des pôles d’appui aux
caisses en difficulté (
CCMSA
) .
Construire
des
outils
robustes
permettant de mesurer la charge
d’activité
et
la
productivité
des
caisses
locales
et
d’allouer,
dans le cadre d’un dialogue de
gestion approfondi, les moyens en
conséquence (
CCMSA
) .
Dissoudre
l’ensemble
des
SCI
détenues par la MSA lorsque celles-
ci ne sont pas le support d’une
mutualisation de sites immobiliers
avec un partenaire extérieur (
CCMSA
) .
Réexaminer le champ et préciser le
cadre juridique des activités distinctes
du régime de sécurité sociale
Mettre à niveau l’outil de comptabilité
analytique
afin
de
mesurer
de
manière fiable les coûts de gestion
des prestations de service rendues
à des organismes tiers au régime
agricole de sécurité sociale et adapter
en conséquence les frais de gestion
facturés à ces derniers ; auditer
annuellement ces coûts (
CCMSA
) .
Clarifier le régime fiscal applicable
aux prestations de service rendues
par la MSA à des tiers au régime
agricole de sécurité sociale (
CCMSA
) .
Transférer à d’autres opérateurs les
six
établissements
institutionnels
sanitaires et médico-sociaux, les centres
de soins infirmiers et les centres de
vacances, qui s’éloignent des missions
d’une institution de sécurité sociale
(
CCMSA, ministères de tutelle
) .
Réformer la gouvernance du régime
agricole
Rapprocher la gouvernance de la
MSA de celle des autres régimes de
sécurité sociale, s’agissant de la re-
présentation paritaire des salariés
d’une part et des employeurs et des
non-salariés d’autre part dans les
conseils d’administration des caisses,
des modalités de nomination des di-
recteurs et agents comptables des
caisses et de la représentation de
la direction de la sécurité sociale au
conseil d’administration de la caisse
centrale (
ministères de tutelle, MSA
) .
Renforcer la prévention des conflits
d’intérêt dans l’exercice des mandats
des administrateurs de la MSA (
MSA
) .
Développer les synergies avec le
régime général de sécurité sociale
Rapprocher la MSA des branches
du régime général sur un plan
opérationnel, s’agissant notamment
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
des résultats à atteindre et des
systèmes
d’information,
dans
le
cadre d’une convention d’objectifs
et de gestion couvrant les mêmes
années que celles des branches
en question (
ministères de tutelle,
organismes
nationaux
du
régime
général, MSA
) .
Assainir la situation financière du
régime agricole
Définir
les
modalités
de
l’amortissement par la CADES de
la dette du régime de retraite des
non-salariés agricoles non reprise
à ce jour (
ministères chargés de la
sécurité sociale et du budget
) .